Rapport de présentation PFE - Châteauneuf-lès-Moustiers - Elsa Steinmetz

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MUTATIONS

PFE 2021 STEINMETZ ELSA

sous la direction de F.F Muller & J. Villemard

Faire renaître le village abandonné de Châteauneuf-lès-Moustiers Ruines & revitalisation rurale


« Planté sur le dernier sommet du serre de Montdenier, levant au ciel ses moignons de murs blancs et son front de maisons burinées par une lumière généreuse, Châteauneuf-lès-Moustiers exhale la beauté pathétique des villages morts. »1




I. REMONTER LE TEMPS ;

Comprendre le site et ses spécificités


HISTORIQUE DU SITE Châteauneuf-lès-Moustiers est un hameau en ruines de Haute-Provence, au coeur du Parc Naturel Régional du Verdon. La situation du village est exceptionnelle ; juché sur un éperon calcaire à plus de 1200 mètres d’altitude, dans le prolongement de la Crête du Montdenier, Châteauneuf domine paisiblement le paysage avec une vue directe sur la rive droite des Gorges du Verdon. Le village laisse deviner les différentes époques de son occupation par l’Homme, comme une stratification de l’histoire. Les premières mentions d’une occupation sur le site sont faites à partir de la Préhistoire ; néanmoins, les premières traces physiques de la vie à Châteauneuf remontent au XIVe siècle. Après des conflits meurtriers entre les comtes de Provence, Boniface III, héritier de la seigneurie de Châteauneuf, s’installe sur le site. Sur la plateforme sommitale, il y édifie un château, une église et un village protégés par la barre rocheuse en contrebas ainsi que par une enceinte qui entoure alors le village médiéval. Deux siècles plus tard, affaibli par des guerres de religion, celui-ci n’est plus que ruines. Châteauneuf renaît de ses cendres, et laisse apparaître le village tel que nous le connaissons aujourd’hui, en contre-bas de la plateforme protectrice où fut implanté le village médiéval. L’église, endommagée, est reconstruite. Petit à petit, le village que l’on qualifie de « moderne » prend forme ; une quinzaine de maisons sont construites, ainsi qu’une mairie, qui accueillera également le presbytère et une école. À partir du XIVe, et jusqu’au début du XIXe siècle qui constitue l’âge d’or de Châteauneuf, les habitants du village vivent modestement du pastoralisme et de l’agriculture, principalement du blé et de la lavande. Sur ce site montagneux et escarpé, l’agriculture est rendue possible par des restanques de 100 m par 30 m se développant au Sud du village. Très utilisées dans la région jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les restanques constituent des murs de retenue en pierre sèche laissant passer l’eau et soutenant une planche de culture en amont. Elles favorisent ainsi l’irrigation des

récoltes et permettent de développer l’agriculture sur des sites à forte déclivité. À Châteauneuf, l’accès à l’eau est plus compliqué que dans les communes alentours, mais une fontaine en contrebas et un lavoir au sein du village permettent aux habitants de subvenir à leurs besoins. Pour compléter ce faible apport en eau, les villageois recueillent l’eau de pluie grâce à des citernes construites à l’intérieur des maisons. On trouve au village un tisserand, un tailleur d’habits, un maréchal-ferrant, et même une tenancière de café, en face de la mairie. La hausse de la courbe démographique enregistrée dans la région au milieu du XVIe siècle permet à Châteauneuf de connaître un temps de prospérité, au point d’héberger une étude de notaire. Mais au fil des décennies, les conditions de vie à Châteauneuf se compliquent de plus en plus. A l’été 1788, un orage effroyable emporte toutes les récoltes ; le terrible hiver qui suivra ne permet pas aux habitants de subvenir à leurs besoins. En un siècle, le chiffre de la population de Châteauneuf se trouve divisé par 5. De plus en plus, les habitants de Haute-Provence migrent vers la Basse-Provence et le Var, attirés par une industrie en plein essor qui nécessite toujours plus de main d’oeuvre. En 1860 la route départementale N°6, qui reliait Châteauneuf aux villes alentours et à la région est supprimée au profit d’une nouvelle voie qui, malgré les plaintes et les recours des villageois, privilégiera la Palud-sur-Verdon, isolant encore un peu plus le village. Les conseillers communaux déclareront en 1879 : « Châteauneuf se trouve dans l’esclavage, tandis que les communes environnantes, qui jouissent de chemins rouliers pour l’écoulement de leurs produits, peuvent lui faire une concurrence désastreuse, et par suite son existence est en jeu. »2. La Première Guerre Mondiale scellera ensuite le destin de Châteauneuf ; les 19 jeunes Hommes du village partent au front, mais n’en reviendront jamais. Amputé de voie de communication et de la jeune génération, Châteauneuf-lès-Moustiers verra ses derniers habitants partir pour rejoindre les communes plus accueillantes de la vallée. Le dernier habitant quittera Châteauneuf en 1936.



PROCÉDÉ CONSTRUCTIF Les procédés constructifs employés à Châteauneuf-lès-Moustiers témoignent des différentes époques d’occupation du village. Sur les parties les plus anciennes, au point culminant et médiéval du village, on retrouve des traces de construction de pierre sèche en blocage de tout-venant calcaire lié à la chaux (1). Au niveau du village moderne, les murs les plus récents empilent des pierres brutes de tout-venant, mais certaines portions de maçonneries présentent un assemblage en assises soignées de pierres équarries au marteau, identiques à celles du mur d’enceinte qui dominait autrefois le village ; ces similitudes sont justifiées par le réemploi des pierres du village médiéval pour construire la partie la plus récente. Sur certaines des maisons, on retrouve également des appareillages plus singuliers, avec par exemple des lits de pierre hautes et plates à la façon d’une demi arrête de poisson, en appareil oblique non alterné (2). L’église, reconstruite trois fois au fil du temps, montre un réemploi de débris de tuiles comme cales (3), ainsi que l’une des portions les plus travaillées de la maçonnerie, avec par exemple le clocher chaîné en bloc calcaires dressés à l’aiguille (4) ainsi des encadrements de baies et la voûte de l’abside en tuf (5). Les édifices historiquement publics, comme la mairie et l’église, présentent encore aujourd’hui des traces d’un enduit à la chaux (6). L’architecture du village est en parfaite symbiose avec le site sur lequel elle s’implante. Les matières premières, comme les blocs de calcaire et le bois des charpentes sont trouvés directement sur le site et dans les forêts environnantes. Les tuiles canal qui couvraient autrefois les maisons étaient manufacturées dans un village en contrebas de Châteauneuf. De plus, on retrouve dans le village les indicateurs de l’architecture traditionnelle méridionale qui s’adapte parfaitement aux conditions de la région : les génoises en toiture permettent d’éloigner l’eau de pluie des façades (7) ; les ouvertures, petites et rares (8), permettent de faire entrer la lumière sans surchauffer les bâtiments protégés par une épaisseur de 65 cm de pierre.

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ÉTAT ACTUEL & DANGERS Abandonné depuis près d’une centaine d’année, Châteauneuf-lès-Moustiers est désormais à l’état de ruines. En 1974, il est décidé de rattacher le village à La Palud-sur-Verdon, commune située à une dizaine de kilomètres au sud de Châteauneuf. Cette décision administrative permet de protéger le village et d’en faire un site historique et protégé. En l’espace de 60 ans, le village a beaucoup changé. En 1960 (1), les couvrements des maisons étaient encore présents, protégeant tant bien que mal les murs de pierre calcaire. Mais au fil des années, ces couvrements se sont effondrés, dévoilant les épais murs de pierre à l’air libre (3). Privés de protection en leur couronnement, les maisons sont à la merci des intempéries. La pluie s’infiltre dans les murs en partie haute et les endommage de l’intérieur. En cas de basses températures, l’eau infiltrée gèle et provoque des éclatements qui ouvrent des fissures dans les façades des maisons. Petit à petit, laissé à l’état de ruines, le village est donc, comme le village médiéval, voué à disparaître. Une protection du couronnement serait donc indispensable pour pérenniser ces ruines et leur permettre de rester debout. C’est d’ailleurs ce qui a été fait pour l’église lors d’un chantier participatif en 2012, avec une protection du couronnement des murs à la chaux et l’installation de cintres en bois étayés dans l’abside afin de soutenir la voûte. (4)

(1) Vue de l’église e

Malgré son aspect de village fantôme, les habitants de la région n’ont pas renoncé à Châteauneuf en tant que village. Son rattachement à la Palud-sur-Verdon lui permet d’avoir, encore aujourd’hui, une place administrative en tant que hameau. Preuve ultime que l’histoire de Châteauneuf n’est pas terminée : le village a encore un maire, un berger de la vallée, désigné par le préfet des Alpes de Haute-Provence, qui veille sur la tranquillité des maisons en ruines. De lieu de vie et de quotidien, Châteauneuf s’est transformé en un lieu de découverte et de tourisme. Autrefois coupé de la région, il se trouve désormais sur le chemin de plusieurs sentiers de randonnée de la région des Gorges du Verdon.

(2) Vue de l’église e


et de la mairie, 1960

et de la mairie, 2021

(3) Murs ruinés d’une maison

(4) Cintres soutenant l’abside de l’église


II. PROBLÉMATIQUE


Selon l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, la « ruine ne se dit que des palais, des tombeaux somptueux ou des monuments publics »3. À Châteauneuf-lès-Moustiers, les murs de pierre sèche qui s’élèvent encore sur les hauteurs n’ont pas une histoire somptueuse. Dans ce village, il est question des ruines d’une architecture de tous les jours, modeste et domestique ; une architecture faite par et pour les habitants du petit village, sans prétention, et en symbiose avec son environnement. Pourtant, comme toutes les autres, ces ruines manifestent « la précarité du bâti, son probable effacement, tout en perpétuant sa mémoire. Elle[s] offre[nt] un témoignage historique et culturel […] La ruine rappelle le passé de l’architecture, parle de ses transformations, préfigure son avenir. […] C’est à partir de la ruine que le geste architectural peut se (re)définir, se (re)composer et se (re)constituer. »4. Avec les réflexions autour de la ruine, on retrouve les questions de temporalité, de commencement et de fin, des murs en tant que témoins du temps qui passe. Souvent objet de fascination, la ruine semble être toujours protégée, chérie. Il ne faut pas y toucher, car elle est devenue un objet à part entière. Pourtant, dans le cas de Châteauneuf-lès-Moustiers, les avis sur la question divergent. Certaines associations de la région se demandent : « Faut-il continuer de regarder disparaître cet ensemble, élément signifiant du patrimoine régional ? »5, tandis que d’autres refusent qu’une quelconque intervention ne soit faite sur le site historique : « Châteauneuf est un village mort ; tenter de lui redonner vie aboutirait à reconstruire un nouveau village. »6. Le village est-il voué à disparaître en témoignage silencieux de la vie des ruraux de la Haute-Provence, ou doit-il être réinvesti, requalifié pour commencer une nouvelle ère ? Les ruines du village semblent ne pas devoir être dérangées, et servir de marqueur d’une époque désormais révolue. Pourtant, à la fin du XVe siècle, le village médiéval de Châteauneuf avait déjà disparu, pour être plus tard réinvesti et transformé pour construire le village moderne que nous connaissons aujourd’hui. Le réemploi des pierres des anciennes fortifications, la reconstruction de l’église et la renaissance du site étaient donc déjà un enjeu pour les habitants. Si Châteauneuf a jadis pu renaitre de ses pierres écroulées, pourquoi qualifier les ruines d’aujourd’hui de point final à l’histoire du village ? L’évolution complexe de Châteauneuf-lès-Moustiers, associée à la poétique im-

muable et indéniable de la ruine, pousse à la réflexion. Témoin du temps, la ruine est-elle vouée à rester élément que l’on contemple ou peut-elle avoir un rôle actif dans la redynamisation d’un site qui mérite une nouvelle jeunesse ? Somme toute, peut-on, des années après, redonner vie à un site abandonné, tout en conservant et en sécurisant les témoignages de son passé ?



III. PROJET ;

Comment faire revivre Châteauneuf ?


PROGRAMME Comme évoqué précédemment, Châteauneuf est aujourd’hui rattaché administrativement à la Palud-sur-Verdon, à environ 10 km en contrebas du village. La Palud compte environ 350 habitants ; malgré le fait que ce soit un hameau, c’est un point très attractif pour le tourisme, notamment pour les adeptes de la randonnée, de l’escalade ou encore du canyoning. Certains d’entre eux diront même que la Palud-sur-Verdon est « le centre du monde des grimpeurs ». Pour faire revivre Châteauneuf, il s’agirait alors de profiter de l’attractivité touristique de la Palud afin de l’étendre au village en ruines et ainsi de permettre sa réactivation progressive. Cette attractivité serait maintenue et étendue à un développement des deux villages sur le long terme, pour ainsi favoriser les séjours plus longs et assurer la pérennité du dynamisme de la région. À terme, l’idée serait de permettre à Châteauneuf de redevenir un lieu de vie à part entière. Ces objectifs seraient en continuité avec les objectifs 2021 de la Communauté des Communes Provence Verdon (CCVP), qui projettent un développement économique du territoire passant par exemple par l’agri-tourisme pour faire découvrir les savoir-faire agricoles du territoire, les paysages, les pratiques sociales et les spécialités culinaires, activer le tourisme de longue durée, et transmettre le patrimoine aux générations futures. La CCVP projette ainsi une volonté de considérer l’agriculture comme un axe majeur du développement économique du territoire. En effet, cette branche d’activité représente dans la région 7,5% de l’emploi contre 3% au niveau national. L’enjeu serait alors de développer une agriculture diversifiée et de proximité pour faciliter un approvisionnement local. La redynamisation progressive de Châteauneuf-lès-Moustiers s’accompagnerait donc d’une revitalisation rurale qui permettrait de renforcer l’attractivité la région en alliant nature et culture, en sauvegardant les zones naturelles et historiques, et en respectant l’historique du site, tout en empêchant son érosion. Ces choix programmatiques sont en continuité avec le Programme de Revalorisation des savoir-faire en matière de patrimoine

bâti et d’agriculture mis en place par le Parc Naturel Régional du Verdon à l’aube de l’année 2020. On peut alors décomposer la programmatique en trois grandes entités : AGRICULTURE Les objectifs Perpétrer et donner de la visibilité aux techniques anciennes Développer l’agri-tourisme Permettre une certaine autonomisation du site Les éléments de programme Chantiers pédagogiques de restauration des restanques Réactivation de l’agriculture sur le site Vente des produits dans une épicerie, produits locaux PATRIMOINE Les objectifs Sauvegarder les zones naturelles et historiques Sensibiliser aux questions patrimoniales Respecter l’historique du site tout en empêchant son érosion Les éléments de programme Centre de formation pour les techniques anciennes et le patrimoine TOURISME Les objectifs Favoriser l’attractivité du site et lui donner une visibilité Permettre un financement pour les reconstructions Les éléments de programme Gîtes Points de départ pour sentiers d’escalade et de randonnée Office de tourisme Espace bar & restauration


La réactivation d’un site comme celui de Châteauneuf-lès-Moustiers ne peut se faire que de manière progressive, développant les éléments de programme à mesure que l’attractivité du site se met en place. On pourrait alors distinguer trois grandes étapes pour la renaissance de Châteauneuf : La première étape correspond à la situation actuelle du village. Elle concerne une attractivité touristique axée sur le tourisme et les activités de la région, comme la randonnée et l’escalade. Il s’agit alors de conserver les éléments mis en place par la région depuis quelques années déjà, comme le tracé des sentiers de randonnée passant par Châteauneuf ou encore les circuits de découverte des villages de Haute-Provence mis en place par l’administration du Parc du Verdon. Cette attractivité viendrait être accentuée par les premiers éléments de programme mis en place pour la deuxième étape. La deuxième étape consiste en un renforcement de l’attractivité touristique de Châteauneuf. À ce stade, la réhabilitation des ruines ne concernerait qu’une portion du village, englobant les constructions à vocations historiquement publique, comme la mairie, le café ainsi que l’église. Cette réhabilitation passerait par la mise en place d’éléments de programme dédiés, tels qu’une Office de Tourisme, des points de départ pour les randonneurs et les grimpeurs complétés d’espaces de stockage pour le matériel dédié, ainsi que des gîtes permettant aux touristes de résider temporairement au sein du village. Cette deuxième étape verrait également la mise en place des chantiers pédagogiques de restauration des restanques ainsi que du centre de formation des techniques anciennes et du patrimoine, offrant un apprentissage sur ces questions et une connaissance pointue des procédés constructifs des maisons du village. Pour compléter ce programme, la mise en place d’un es-

pace bar / restaurant et d’une épicerie de produits locaux, favorisant la production agricole de la région, permettrait de redonner au site une qualité de village. Enfin, la dernière étape constituerait un état d’avancement hypothétique de la redynamisation de Châteauneuf-lès-Moustiers, fixée à l’état d’objectif pour le village et non concernée par le projet présenté. Dans l’idée, la revitalisation rurale permise par la restauration des restanques relancerait la production agricole sur le site. Les produits issus de cette agriculture, tels que le blé, la lavande, la culture de l’olivier ainsi que du chanvre industriel pourraient être vendus dans l’épicerie du village ou encore être exportés au reste de la région, redonnant à Châteauneuf le rayonnement qui lui a tant manqué pour subsister. L’autonomisation du site permise par la remise en service des surfaces agricoles pourrait alors permettre de financer - et de justifier - la reconstruction du village dans son intégralité, en suivant les principes donnés dans les premières réhabilitations.


Situation actuelle


Situation projetée


CONCEPTS La réhabilitation d’un site chargé d’histoire et empreint d’une forte dimension patrimoniale implique une réflexion autour de l’équilibre entre bâti ancien et constructions projetées. Profondément ancré dans des centaines d’années de traditions architecturales provençales, la région du Verdon et particulièrement le site de Châteauneuf-lès-Moustiers demande une connaissance et une application des principes de conceptions des maisons de la région. Sans pour autant reconstruire Châteauneuf en étant contraint par sa géométrie originelle, le projet conserve le principe d’un village directement issu du site, et dont l’architecture est conditionnée par celui-ci. Tout d’abord, certaines spécificités de l’architecture des villages de Haute-Provence sont conservées pour leur adaptation parfaites aux conditions géographiques et climatiques. Ainsi, les ouvertures des constructions n’excèdent pas les 1.50 x 1 m, afin de ne pas faire entrer trop de lumière et de chaleur dans les bâtiments. L’orientation de ces ouvertures et leur répartition sur les façades est elle aussi calquée sur les traditions méridionales. Au niveau des toitures, l’utilisation des tuiles canal vient reprendre le principe des couvertures des maisons de Châteauneuf, aujourd’hui disparues. L’inclinaison des toitures à 10°, le débord de cellesci sur les façades et l’utilisation du principe de la génoise permettent de tirer le maximum des traditions architecturales régionales et ainsi de donner une unité au village qui serait en continuité directe avec son passé et sa situation géographique. En terme de matériologie, les constructions neuves, surélévations et extensions reprennent un principe de construction en pierre calcaire, cette fois-ci en moellons équarris enduits à la chaux. Les planchers et toitures reprennent également le modèle originel en utilisant une charpente bois en matériaux issus de la région. En reprenant les procédés constructifs du village, on conserve ainsi les avantages constructifs et thermiques de la pierre, tout en assurant une unicité entre bâti ancien et nouveau.

Le projet s’articule autour d’un équilibre entre la sécurisation des murs en ruine abimés par le temps et les intempéries et la mise en place d’un bâti neuf. En ce qui concerne les murs en ruines, la stabilisation passe par deux interventions. La première consiste à injecter un coulis de mortier dans les parties des murs les plus abîmées, afin de leur redonner une stabilité et un contreventement. La deuxième met en place un chaînage de protection du couronnement des murs, qui stoppe l’infiltration de l’eau et ainsi protège l’intérieur des murs de l’humidité et des éventuels éclatements liés au gel. Une fois les ruines stabilisées, le bâti neuf peut tirer parti de celles-ci. Les contraintes structurelles induites par les ruines des maisons de Châteauneuf poussent à penser le projet de manière constructive. La capacité porteuse des murs de pierre sèche est difficilement quantifiable. La construction de pierre en blocs de tout-venant a de vernaculaire qu’elle est construite au fur et à mesure, avec des matériaux trouvés sur place, et parfaitement adaptée aux constructions existantes. Pour pouvoir jouer avec des surélévations et des extensions des anciennes maisons, le procédé constructif ne doit pas reposer uniquement sur les murs existants, mais être complété par des pans de murs nouveaux, qui porteront le principal des charges des constructions neuves. L’implantation des constructions nouvelles et leur dialogue avec les ruines proposent un modèle architectural nouveau, qui repose sur un raisonnement structurel où plusieurs prises de position sont retenues. On peut alors retenir trois formes d’interventions sur les ruines :


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Extensions des maisons en utilisant les murs existants mais en redéfinissant plus profondément la géométrie originelle. Les murs existants font alors office de cloisons séparatrices et perdent leur rôle porteur.

Surélévation des maisons existantes en venant placer le bâti neuf entre les murs anciens. Structurellement, les constructions reposent principalement sur de nouvelles parois montées à proximité des ruines, et qui permettent de redéfinir la géométrie architecturale tout en conservant une lisibilité de la géométrie originelle.

Constructions entièrement neuves, qui ne touchent plus les murs existants et qui conservent seulement un lien visuel avec celles-ci.


La réactivation progressive de Châteauneuf-lès-Moustiers a à terme pour but de faire redevenir le village un lieu de vie. Le projet n’est donc pas seulement pensé en terme de constructions et d’espaces intérieurs, mais met aussi - et surtout - l’accent sur la définition des espaces extérieurs, des accès, des places, de tout ce qui fait d’un village un lieu vivant et social. Tout d’abord, les deux axes principaux du village sont conservés. Le premier, au sud, fait la scission entre l’espace du village en lui-même et les surfaces agricoles de restanques. Le deuxième traverse le hameau en son centre, d’est en ouest. À ces deux accès sont alors ajoutés des voies perpendiculaires qui permettent de faire le lien entre eux, et de desservir les différents espaces du projet. La zone d’implantation pour la première étape de redynamisation du village se décompose en trois grandes entités qui communiquent entre elles par le biais de places, d’escaliers, de chemins. Au nord, au point haut du village, l’Eglise est reconstruite - pour la quatrième fois dans l’histoire de Châteauneuf - et vient accueillir le Centre de Formation et d’Apprentissage, décomposé en une résidence pour les apprentis, avec des chambres et des espaces communs, mais aussi des salles de travail, un espace séminaire et un petit musée retraçant l’histoire du village. En descendant vers le Sud, au coeur du village, l’ancienne Mairie se transforme pour accueillir l’Office de Tourisme et le stockage du matériel nécessaire aux activités telles que la randonnée et l’escalade. La petite épicerie vient se loger dans les murs témoins de l’ancien Café du village. Enfin, au point le plus au Sud, dominant la vallée, l’espace restauration et bar tire profit de la plus haute et plus ancienne maison du village, et offre une multitudes de petits lieux de rencontre et de détente, qui, chacun à leur manière, dégagent une vue sur le paysage de la rive droite des Gorges du Verdon. Les gîtes, quant à eux, se retrouvent dans les niveaux supérieurs. Ceux-ci ne dépassent jamais deux niveaux, afin de conserver une échelle similaire à celle du village originel. Les accès à ces logements se font de diverses manières en fonction des situations dans lesquels ils se trouvent, et conservent le principe traditionnel de l’escalier extérieur dont on retrouve des témoignages un peu partout sur le site.

Sur l’ensemble des interventions, qu’elles soient intérieures ou extérieures, l’un des principaux enjeux dictés par la géographie du site est celui des différences de niveaux. En effet, la topographie escarpée du village ne permet pas de considérer le traitement des différents niveaux de manière classique. Les niveaux inférieurs des constructions, abritant les éléments de programme « publics », sont donc traités en demi-niveaux, reliés entre eux par des escaliers qui se faufilent entre les murs ruinés. Cela permet entre autres de générer des situations et des vues très variées, donnant à chaque espace un caractère unique découlant des ruines qui structurent l’espace. L’accès au village par le chemin au Sud ainsi que les cheminements en son sein sont également traités avec des escaliers de pierre et palient au caractère escarpé du village ; ceux-ci reprennent le principe de la calade, voie étroite et pentue, pavée de pierres locales, qui fait la spécificité des anciens villages de Haute-Provence. Le projet de réhabilitation de Châteauneuf-lès-Moustiers repose donc sur une association entre traditions régionales et historiques et nouvelles façons de concevoir l’espace. Cet objectif d’équilibre pourrait alors potentiellement servir de moteur pour, progressivement, redynamiser ce site si particulier et faire de Châteauneuf-lès-Moustiers un village vivant à nouveau.


La rue principale

Le promontoir


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Plan niveaux inférieurs


Plan niveaux supérieurs



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La place du village


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La place de la Mairie


La place de l’Eglise 0

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INDEX 1. Jacques Cru, avec la participation de Jean-Claude Porteur, Châteauneuf-lès-Moustiers, Un village des Gorges du Verdon, Rive Droite, La Maison des Gorges, 2011 2. Ibid 3. Diderot et d’Alembert, L’Encyclopédie, XVIIIe siècle 4. Pierre Hyppolite, La ruine et le geste architectural, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2017 5. Jacques Cru, avec la participation de Jean-Claude Porteur, Châteauneuf-lès-Moustiers, Un village des Gorges du Verdon, Rive Droite, La Maison des Gorges, 2011 6. Ibid


ANNEXE


RÉFÉRENCES ARCHITECTURALES (1) 2TR Architecture, Église San Antonio & Couvent Clarisse, Santa Fiora, Italie, 2009 (2) Sami Arquitector, E/C House, Sao Miguel Arcanjou, Portugal, 2013 (3) Will Gamble Architects, The Parchment Works House, Gretton, Royaume-Uni, 2019 (4) LA Architectures, Château Barrière, Périgueux, France, 2004 (5) MAP Architects, Kalo Tower, Rønde, Danemark, 2016 (6) MMXVII, Vacation House, Reeth, Royaume-Uni, 2017 (7) Jesus Castillo Oli, La Ruina Habitada, Porquera de los Infantes, Espagne, 2006

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BIBLIOGRAPHIE Pierre Hyppolite, La ruine et le geste architectural, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2017 Jacques Cru, avec la participation de Jean-Claude Porteur, Châteauneuf-lès-Moustiers, Un village des Gorges du Verdon, Rive Droite, La Maison des Gorges, 2011 Jean Coignet, Laurent Coignet, La maison ancienne ; construction, diagnostic, interventions, Éditions Eyrolles, 2012 Olivier Darmon, Habiter les ruines ; transformer, réinventer, Éditions Alternatives, 2016 Bernard Abraham, Le bâti pierre, publié par Eléctricité de France, 1994



PFE 2021 STEINMETZ ELSA

sous la direction de F.F Muller & J. Villemard


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