Mémoire(s) de l'esclavage à Nantes

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Mémoire(s) de l’esclavage Elsa NOBLET

DSAA Architecture Interieure et Environnement

ENSAAMA 2011



« le principal obstacle à la découverte de la forme de la Terre, des continents, et des océans n’aura pas été l’ignorance, mais l’illusion de savoir. » Daniel J. Boorstin Les découvreurs (Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1983 )

Merci à l’équipe pédagogique du DSAA pour son soutien et sa curiosité sur ce projet parfois atypique. aux médiateurs du Château des Ducs de Bretagne pour leur regard enrichissant et leur enthousiasme. à ma famille et à J. pour le temps, l’investissement, et surtout les encouragements.



005

mémoire(s) de l’esclavage

Table des matières Introduction

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Etats des lieux

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Intentions de projet

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A > L’esclavage et ses répercussions

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> Avant-propos 1 > La place de l’esclavage dans la ville de Nantes Passé / Présent 2 > Contexte urbain et dissimulation des traces > Conclusion

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A > Enjeux d’un projet à différentes échelles

B > Une archéologie de la trace

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> Avant-propos 1 > L’Histoire au centre 2 > Un support culturel et pédagogique 3 > Des interrogations sociales et politiques 4 > La reconquête de la trace urbaine > Conclusion

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> Avant-propos 1 > S’insérer dans le mouvement urbain 2 > Les interventions existantes à Nantes > Conclusion

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B > Contraintes

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Programmation

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> Avant-propos 1 > Tabous culturels 2 > Divers médiums avec lesquels composer 3 > Complexité de mise en œuvre urbaine > Conclusion

109 110 111 121 123

A > Trois regards sur l’esclavage

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C > Esquisses

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> Avant-propos 1 > Le musée, espace de sacralisation de l’objet 2 > Le mémorial, lieu de mémoire intemporel 3 > La place publique, environnement citoyen > Conclusion

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> Avant-propos 1 > Organigrammes et esquisses > Conclusion

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B > Un choix tourné vers la place publique

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Conclusion

143

Corpus

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> Avant-propos 1 > S’insérer dans le mouvement urbain 2 > Un parcours à l’échelle de la ville > Conclusion

079 081 089 093

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Introduction « En rassemblant les pièces, aucun tableau n’apparaitra. Celles qui manquent ne sont pas perdues, elles n’ont jamais été rédigées. La mémoire est volatile, elle a voyagé en soupir, en souffrance pour les uns et dans le plus grand silence pour ceux qui ne voulaient pas de cette histoire là. » Hubert Ben Kemoun Mémoire blanche documentaire (G.F.Production, 1992, Nantes) Réalisation F. Gauducheau.

La traite atlantique a été le commerce de la honte pendant deux siècles et 12 millions d’hommes et de femmes ont été déportés d’Afrique aux Antilles. L’esclavage d’hier a porté le racisme d’aujourd’hui et les questionnements actuels sur l’identité nationale. La richesse de Nantes a été fondée sur ce trafic et plus globalement le monde atlantique que nous connaissons a été façonné durant des siècles par ces souffrances humaines. Depuis plusieurs décennies, la ville de Nantes attend le projet qui brisera enfin le silence qu’a installé la traite négrière. Plusieurs tentatives comme l’exposition des Anneaux de la Mémoire1 au château des Ducs de Bretagne ont entrouvert une brèche temporaire mais sans jamais réellement investir la ville de manière permanente. Les associations de mémoire, de simples citoyens et l’appui de la municipalité, permettent aujourd’hui d’effectuer une véritable mise en marche du devoir de souvenir. Nantes a été le premier port négrier français et en garde aujourd’hui les stigmates, comme les bénéfices. Plus de 1700 expéditions partirent des quais de Nantes et déportèrent plus de 450 000 captifs. Ce projet pose la question de l’esclavage aujourd’hui. Le devoir de souvenir est aussi un devoir de reconnaissance. Les descendants d’esclaves héritent d’une souffrance qu’il est nécessaire de prendre en compte. Comment l’esclavage se vit aujourd’hui en France et à Nantes ? Et pourquoi la mémoire a été défaillante ? L’esclavage s’impose par différents regards et cette pluralité de points de vue enrichit le discours citoyen. Ce projet tend à expliquer le secret et le silence et donne à voir une ville qui est née de ce non-dit. Mais le choix de ce lieu pose la question de ce que l’on veut faire voir, et à qui. Ce trafic que Nantes n’a jamais vu de manière concrète peut-il être dépeint dans un lieu qui ne possède pas de trace palpable du passage de ces hommes et femmes Africains ; mais dans lequel on perçoit au contraire les bénéfices qu’un tel commerce a pu apporter ? L’enjeu de ce projet est de ne pas montrer du doigt, d’éviter de se satisfaire d’une version de l’histoire et de refuser le chemin de la démagogie qu’un tel thème pourrait aisément emprunter. 1

Les Anneaux de la mémoire, exposition au Château des Ducs de Nantes, 1992-1994



ĂŠtats des lieux


- On dit qu’on leur faisait faire neuf fois le tour d’un arbre dit «arbre aux capitaines», sorte «d’arbre fétiche» pour qu’ils perdent tout espoir de revenir un jour sur la terre d’Afrique - Claude Savary Mémoires d’esclaves


Etat des lieux

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A > L’esclavage et ses répercussions Avant propos Le problème du silence, face à l’esclavage et la colonisation, pose les fondements des questions actuelles sur l’immigration ou l’identité nationale. Ces hommes et femmes qui ont perdu leur identité justement, sont une partie de la population française et mondiale qu’il est nécessaire de prendre en considération. Encore aujourd’hui, après son abolition, l’esclavage persiste1. Il est à la base du problème racial et illustre les incompréhensions que rencontrent les individus issus de cette histoire face au reste de la population. Ces personnes ont besoin d’une reconnaissance et de manière générale ce tabou doit être supprimé pour réduire les clivages entre communautés. Ce projet propose d’entrer en recherche des traces que l’esclavage a pu laisser. Cette archéologie vise à une certaine reconquête d’une mémoire disparue, celle de la traite atlantique, pour permettre aux descendants, mais surtout aux citoyens du monde, de mieux comprendre comment cela a pu arriver et pourquoi l’esclavage existe encore aujourd’hui.

L’Organisation des Nations Unies (et ses institutions spécialisées que sont le Bureau international du travail et L’Organisation internationale du travail) estime qu’il y aurait aujourd’hui 30 millions d’esclaves adultes à travers le monde auxquels s’ajouteraient 250 à 300 millions d’enfants de 5 à 14 ans au travail soit environ 5% de la population mondiale Cf. Maurice LENGELLE-TARDY dans «L’esclavage moderne» (Que sais-je ? PUF) 1


Etat des lieux / A > L’esclavage et ses répercussions

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1 > La place de l’esclavage à nantes, passé-présent Il est impossible de réduire l’esclavage à un paragraphe ou une chronologie. Ici, nous prendrons donc le parti de parler de la traite du point de vue Français et en particulier Nantais, et avec l’objectif d’expliquer la transformation urbaine et économique de cette ville grâce à l’esclavage. A l’origine de la création de plusieurs quartiers de la ville, l’argent de la traite est à la base de l’économie nantaise. Avant ce commerce la ville se résumait au Château des Ducs et aux fermes alentours et compensa par la traite l’absence d’un arrière-pays agricole suffisamment riche pour stimuler son développement. Nantes comptabilisera 41% (450000 personnes) des expéditions négrières, Bordeaux et La Rochelle 11% chacune1. Vers 1660, début de la traite des esclaves, Nantes est le huitième port français avec 12 navires. En 1750, à l’apogée du commerce du bois d’ébène, Nantes devient le premier constructeur de navires marchands de France avec 150 bateaux à quai2. Il aura fallu seulement cent ans et l’argent de 17093

expéditions pour construire les bases de la Venise de l’Ouest. Les navires négriers partaient des ports européens jusqu’aux côtes africaines, arracher des Hommes à leur terre et leur famille pour les déporter jusqu’aux Caraïbes, où ils étaient vendus contre des marchandises telles que le sucre ou le café. Près de 12 millions d’êtres humains, traités comme des bêtes, ont subi ce commerce de la honte. Appelée à l’époque La Chose, la traite atlantique a perduré près de deux siècles et a finalement été abolie en 1848. L’esclavage n’a été déclaré crime contre l’humanité qu’en mai 20014. La reconnaissance de l’esclavage est un chemin long et douloureux pour Nantes. Des descendants de négriers et d’esclaves se côtoient dans une ville qui a préféré oublier son passé. Il est aujourd’hui nécessaire de se pencher sur la question du souvenir pour dépasser la douleur des descendants ; et ainsi laisser la place au dialogue et à l’enseignement de cette histoire trop souvent radiée des livres d’école.

Cf. Éric SAUGERA, « Question(s) de mémoire : le souvenir négrier à Nantes et Bordeaux », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique (en ligne) n°89, 2002 et Cf p.16-17 du mémoire 2 Cf. Yves ROCHECONGAR, Des navires et des hommes, 1999 3 Cf. Philippe GAMBERT, Nantes bâtit un mémorial à l’abolition de l’esclavage, Ouest-France du lundi 10 mai 2010 4 Loi n°2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité 1


Etat des lieux / A > L’esclavage et ses répercussions

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1 > La place de l’esclavage à nantes passé-présent Si Nantes est la pionnière des villes françaises participant à l’esclavage (entre 1707 et 1711, 75 % des navires négriers français en partaient) elle est surtout la dernière place forte de la traite, celle-ci n’y prenant fin qu’en 1831. Entre 1814 et 1831, au moins 50 000 Noirs sont transportés par des bateaux nantais ou commandités depuis Nantes, malgré les interdictions successives1. Ce commerce d’êtres humains a enrichi considérablement certains armateurs, et est à l’origine de constructions qui agrémentent aujourd’hui encore la ville (théâtre, bourse, places, hôtels particuliers, « folies »2). L’esclavage est aujourd’hui l’un des sujets les plus sensibles en France et en particulier à Nantes. Il est l’une des origines du racisme et est encore très fortement répandu dans le monde (traite des femmes, filles et garçons, travail forcé, prostitution...3). Après l’abolition, la traite fut immédiatemment remplacée par d’autres formes d’esclavage, plus subtiles mais tout aussi cruelles. Ce fut bien le cas avec la colonisation de l’Afrique. Sous prétexte de la sortir des «ténèbres» en la christianisant, les anciennes nations esclavagistes envahirent de nouveaux territoires où ils imposèrent leurs lois4.

C’est pour toutes ces raisons que les associations nantaises, africaines et antillaises, ont poussé la municipalité à prendre des initiatives dès les années 80. Cela a été possible seulement à partir de 1989, lors du passage de la municipalité à Gauche. En 1985, au moment du 300ème anniversaire du Code Noir (ce texte de COLBERT qui réglementait l’esclavage et faisait du captif un « bien meuble ») la municipalité s’était tenue à l’écart des commémorations en jugeant le sujet trop brûlant5. Le maire de Droite, Michel CHAUTY, craignait pour l’image de sa ville. L’ancienne municipalité avait refusé le devoir de souvenir, la nouvelle soutiendra l’exposition de 1992 des Anneaux de la Mémoire au Château des Ducs. Cette exposition accueillera 400 000 visiteurs en un an et demi et aura été financée par la mairie socialiste de Nantes. C’est dans cette atmosphère de revendications, qu’a été installé définitivement au musée de Nantes (Château des Ducs) une exposition recouvrant 10 salles et exposant avec détail la vie de ces armateurs négriers et les bouleversements que la traite entraina à Nantes.

Cf. Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Nantes, histoire et Géographie contemporaine, 2008, p.80-105 Cf. Max LINIGER-GOUMAZ, Vers la fin de tous les esclavages ? dans le catalogue d’exposition de Mémoires d’esclave, 1997, p.98 4 Cf. Claude SAVARY, Mémoires d’esclaves, idem, p.11 5 Cf. Thierry LECLERE, Ports d’attaches, reportage pour Télérama n°2939 du 20 juin 2006 1et2 3


- La route des esclaves capturés jusqu’aux rivages -


015


- Pourcentages de personnes déportées par état à l’échelle mondiale entre 1650 ET 1850-

PORTUGAL

GRANDE BRETAGNE

11,2% FRANCE ESPAGNE PAYS-BAS U.S.A DANEMARK


017

- Pourcentages de personnes déportées par ville à l’échelle française -

Nantes

bordeaux 12% la rochelle 11% le havre saint malo rouen

43%


Etat des lieux / A > L’esclavage et ses répercussions

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2 > contexte urbain et dissimulation des traces L’agglomération nantaise compte environ 600 000 habitants. Elle est traversée par la Loire, qui se sépare en deux bras dans le centre de la ville (Cf. p.29). Le développement de Nantes date du 18ème siècle, période de la traite. A cette période, de nombreux quartiers ont été construits pour accueillir la bourgeoisie nantaise et les ouvriers des chantiers. L’île Feydeau, les quartiers de Graslin et de la place Royale, les Quais de la Fosse, des Antilles... Ces lieux emblématiques du Nantes d’aujourd’hui constituent le coeur du centre-ville. La ville a connu de nombreux bouleversements morphologiques. A l’origine formée de 8 îles1, Nantes a vu ses bras comblés les uns après les autres pendant les années 30. Aujourd’hui la seule île substistant est celle de Beaulieu. Lieu des grands projets de la ville, elle est l’avenir urbain et architectural de Nantes. De plus il n’est pas rare de voir des bâtiments très anciens en côtoyer d’autres construits après les bombardements de la seconde guerre mondiale. Par exemple l’HôtelDieu, un imposant édifice en béton, fait face à l’île Feydeau et aux hôtels particuliers des armateurs négriers.

1 2 3

Les transports en communs sont primordiaux dans la ville de Nantes. Les 4 lignes principales de tramway, traversent la cité. Depuis peu, les bicloo, vélib’ nantais ont aussi fait leur apparition. La ligne 1 du tramway parcourt la ville d’Ouest en Est et dessert les principaux arrêts du centre-ville et les lieux officiels de l’esclavage comme le Quai de la Fosse, L’île Feydeau ou le Château des Ducs. De nombreux espaces publics de la ville, comme la place Royale, les abords de l’Ile Feydeau ou le cours des 50 otages, ont été rendus piétons et permettent d’accroître les zones de déplacements doux. Il existe donc actuellement une réelle politique de la ville qui vise à supprimer la voiture dans le centre de Nantes2. La ville met en avant beaucoup d’événements culturels dont le Royal de Luxe, La Folle Journée, le Festival des 3 Continents, ainsi qu’une politique d’urbanisme alliant la rénovation et la mise en valeur du patrimoine à la création de quartiers modernes3. C’est dans cette dynamique que viendrait s’instaurer naturellement un parcours qui parle de l’esclavage et de ses répercussions sur la ville de Nantes.

Cf. Chantal CORNET, Le comblement de la Venise de l’Ouest, Cahiers d’histoire, 1996 p.10 Cf. www.nantes.fr/ Cf. Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Nantes, histoire et Géographie contemporaine, 2008, p.271


Etat des lieux / A > L’esclavage et ses répercussions

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2 > contexte urbain et dissimulation des traces Le centre ville de Nantes a fortement été modifié par le commerce de l’esclavage. Le trafic nécessitant beaucoup de navires, la construction navale prend un essor fulgurant et cette économie florissante a permis le lancement d’un véritable chantier naval et fait de Nantes l’un des premiers ports d’Europe1. A la fin de la traite, les chantiers ont continué à produire une grande quantité des bâtiments français. L’industrialisation s’est développée et a peu à peu recouvert toutes les traces de l’ancienne Venise de l’Ouest. Ces traces aujourd’hui disparues sont pourtant le vecteur de cette histoire elle aussi cachée. La reconquête de ces fragments enfouis par le temps est un travail nécessaire pour exhumer ce passé. Les chantiers navals et le Quai de la Fosse sont actuellement désertés suite à la descente des chantiers de construction vers StNazaire. De 1928 à 1940, les bras de la Loire vont être comblés pour agrandir la ville ; ainsi qu’une partie de l’Erdre actuellement cours des 50 Otages2. L’Ile Feydeau a été restaurée et les ferronneries de l’époque ont été conservées ; mais longtemps ces bâtiments sont restés à l’abandon. Certains descendants de négriers

habitent encore dans les hôtels particuliers de leurs ancêtres et les rues alentours portent le nom de ces armateurs3. Le Quai de la Fosse, longtemps surnommé par les nantais quai de la fesse et défiguré par la voie ferrée du 19ème siècle4 tend à retrouver l’image glorieuse du port dans lequel des trois mâts magnifiques, venaient accoster. Ces espaces de mémoires sont les lieux officiels dans lesquels l’histoire de l’esclavage est racontée aujourd’hui mais ne sont pourtant pas signalés comme tel. Le quidam traversant ces lieux ne peut jamais deviner le passé qui les habite. Pas une plaque et pas un panneau ne mentionne l’activité négrière et l’implication nantaise dans la déportation africaine et l’économie coloniale antillaise. On citera Didier GUYVARC’H « Que dirait-on si Caen, cité à la riche histoire aussi, se contentait de présenter dans la trame de son passé le débarquement de 1944 en deux ou trois vitrines ? »5. Les traces ont été dissimulées par le temps, les bouleversements urbanistiques, mais aussi par le silence, le tabou et la souffrance.

En 1713, les chantiers de Nantes construisent dix navires négriers par an et en 1785, Nantes devient le premier port d’Europe avec près de 200 navires à quai. Cf. Des navires et des hommes de Yves ROCHECONGAR, 1999 2 Cf. Chantal CORNET, Le comblement de la Venise de l’Ouest, Cahiers d’histoire, 1996 p.37-47 3 Les rues Cardine et Montaudouine (quai de la Fosse), Kervégan (île Feydeau)... 4 et 5 Cf. Didier GUYVARC’H - La mémoire d’une ville, vingt images de Nantes, 2001 p. 71 et 72 1


- vues du paysage urbain Quartier graslin -


- vues du paysage urbain Quai de la fosse -

021


- vues du paysage urbain Quartier feydeau -


- vues du paysage urbain ch창teau des ducs -

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- Des bords du quai de la Fosse au château en passant par l’île Feydeau, vues du paysage urbain -


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- Plan des environs du quai de la fosse, contexte urbain -

3

1

2


1-Quai de la fosse / 2-Quai des Antilles / 3-Quartier Graslin / 4-Ile Feydeau / 5-Ch창teau des Ducs de Bretagne

5

4

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- Evolution du cours de la loire entre 1757 et 1930 -

Les transformations dûes à l’implantation des chantiers navals ont fait naître la Loire d’aujourd’hui

1

1757 1930


1-L’ancienne Ile Feydeau / 2-L’actuelle Ile Beaulieu

2

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Etat des lieux / A > L’esclavage et ses répercussions

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conclusion Ces stigmates urbains doivent être mis en lumière, tout comme le sont les objets des musées. Relier ces éléments à une collection d’iconographies et d’objets permettrait de mieux saisir les enjeux urbains de l’évolution de la ville et aussi de mieux comprendre le monde dans lequel vivaient les armateurs négriers. Cela permettra d’avoir un aperçu plus riche et plus ouvert de cette période de la ville de Nantes.

Se pose alors la question du moyen utilisé pour permettre cette mise en scène urbaine. Un point de vue doit être choisi pour parler de l’esclavage. Comme le montre la diversité des projets mémoriels à travers le monde ; il y a de grandes différences entre un projet commémoratif et un projet pédagogique, par exemple.


- Les magnifiques feronneries de L’Ile Feydeau quartier des armateurs nÊgriers -


Traces encore visibles de la richesse nantaise au 18eme siècle

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- Mascaron de l’Ile Feydeau reprÊsentant une personne noire -


035


- La marque de la compagnie ou du propriétaire était aposée au fer chaud et à l’aide d’un papier huilé sur la cuisse ou l’épaule, laissant une trace très visible sur la peau noire - Claude Savary Mémoires d’esclaves


Etat des lieux

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B > Une archéologie de la trace Avant propos Les lieux officiels de la ville sont des espaces de mémoire, mais sont parfois abandonnés, ou bien la trace est devenue peu visible. Ce travail sera avant tout archéologique et permettra d’exhumer les éléments qui manquent aujourd’hui pour enrichir le discours de l’esclavage. Ce travail engagé depuis plusieurs années par des historiens comme Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, ou des architectes comme Italo ROTA ou Alexandre CHEMETOFF, doit être porté par un projet qui s’inscrit dans la ville de manière évidente. Il est important de retrouver l’angle de vue des hommes de ce temps ; comment comprendre cette époque qui nous semble paradoxale sans essayer de la regarder avec les yeux des gouvernants, marchands, marins, esclaves et planteurs des siècles passés ? Chaque expérience humaine détient sa vérité et il est important d’en souligner la grande diversité à travers temps et lieux1. Retrouver ces histoires, c’est explorer la ville et réaliser un véritable travail archéologique de la quête de la trace. La rencontre entre les acteurs, les lieux et les enjeux portés par différents médiums permet d’établir une topographie variée des points de vue sur la traite. Exhumer les traces du passé par la restauration, la reconstruction ou la réinterprétation sera le support et le prétexte à servir un discours pédagogique ou militant. La politique de la ville va déjà dans ce sens avec comme grand projet central l’île de Nantes. Le souvenir d’une certaine image de la cité mais surtout son existence future anime des projets de restauration et de réhabilitation. Des architectes et urbanistes comme Alexandre CHEMETOFF ou Italo ROTA ont entrepris cette recherche du fragment pour installer des enjeux architecturaux dans des projets urbains de longue haleine

Cf. Catalogue d’exposition Les Anneaux de la Mémoire éd. CIM Corderie Royale, préface de Pierre COMBES 1992 1



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Etat des lieux / b > Une archéologie de la trace

1 > s’insérer dans le mouvement urbain L’espace urbain de Nantes offre de multiples possibilités pour un parcours. Être dans le mouvement de la ville présuppose un projet qui bouge avec elle, qui sera en constante évolution comme l’est celui de CHEMETOFF. La prise en compte du temps est une dimension essentielle de l’urbanisme : construire pour des siècles tout en répondant aux besoins du moment, préparer l’avenir sans faire table rase du passé1. C’est aussi comme cela que le projet doit être conçu, en lien avec l’évolution actuelle de la ville et de ses grands projets. En pleine transformation la ville peut accueillir aujourd’hui un projet qui grandit avec elle. Être dans le mouvement de la ville c’est aussi accepter ses contraintes, c’est se lotir, s’intégrer, s’affirmer. «Concevoir un bâtiment, l’espace qui l’entoure et le soutient, ne peut être pensé uniquement en termes techniques, ni même architecturaux. Il faut deviner le contexte qui est fondamental. Et il faut en être imprégné. La ville est le lieu de l’économie, de l’échange ; là où il est possible de s’enrichir. C’est le lieu vivant de toutes les

1 2

contradictions.»2 Il est intéressant de partir de la base, de l’analyse de ce qui existe, de la spontanéité avec laquelle s’est développée une réalité urbaine qui a réagi à des besoins ou des relations sociales. « Le mur de Berlin, les tragédies dont il fut la cause, nous ont fait voir la ville à travers un contexte historique, culturel. Notre rapport avec la ville est neuf, même pour ce qui concerne le passé. Ne plus voir le mur, l’oublier, c’était la fin d’un cycle historique, lié culturellement à la mémoire. On ne veut plus se souvenir parce qu’on n’en ressent plus l’utilité. Je sens sourdre de partout un grand désir d’oubli pour ne penser qu’au présent. Les villes, de nos jours, aiment donner une nouvelle image d’elles-mêmes par le biais de leurs musées. La forme musée a pris de l’importance par rapport au contenu musée. Il suffit de regarder autour de nous pour comprendre l’évolution en ce domaine : on parle beaucoup plus de l’architecte et de l’architecture que du contenu.»2

Cf. Thierry GUIDET - Place Publique hors série Les chroniques de lIe n°3 Le temps du projet - 2010 A ce propos, lire Massimiliano Fuksas - Chaos sublime, Notes sur la ville et carnet d’architecture


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Etat des lieux / b > Une archéologie de la trace

l’île de nantes - atelier Alexandre chemetoff Le projet de l’île de Nantes à été mené par Alexandre CHEMETOFF pendant près de 10 ans. Il a utilisé une certaine logique évolutive qui permet de penser les projets avec une vision à très long terme : Le plan Guide. «Le Plan Guide est un plan très précis, redessiné régulièrement, tous les trois mois, en même temps que le projet avance. Il permet à chacun d’avoir une vision globale de l’impact des transformations provoquées par telle ou telle intervention sur tel ou tel site. C’est un outil de travail évolutif qui permet à tous les acteurs de la ville de partager un projet. Moi, je préfère faire les choses par morceaux et continuer à me poser des questions auxquelles le temps permettra d’apporter des réponses. Ainsi, la ville se donne à voir, à parcourir, à critiquer. Elle s’accomplit progressivement avant que tout ne soit fixé, figé pour toujours.»1 Il caractérise la Loire comme une sorte d’espace public. Aménager un ponton, un embarcadère, permet qu’on puisse à nouveau se déplacer sur la Loire, la pratiquer. Le sens de

ce projet d’aménagement, c’est que la Loire devienne, redevienne un lieu. Le 20e siècle, à Nantes, a été le siècle de la disparition de la Loire. Le 21e siècle sera celui de sa réapparition. C’est pourquoi CHEMETOFF a eu le souci immédiat de l’aménagement des berges. Il fallait qu’on puisse faire le tour de cette île, qu’on puisse se promener le long du fleuve, entrer à nouveau en familiarité avec lui. «Cultiver l’héritage industriel de l’île, ce n’est pas subi. Ce lieu a une épaisseur historique, tout autant que les abords du château. Quand nous valorisons un ancien chemin de grue ou une ancienne cale, nous nous livrons à un véritable travail d’archéologie. Pas par nostalgie, mais par souci du futur. Il faut accepter les différentes époques de l’urbanisme sur cette île»1 Pour citer l’exemple de la galerie des machines : le mérite revient aux ingénieurs des chantiers qui ont construit les nefs mais l’intelligence de CHEMETOFF a été de les mettre en valeur.2

Cf. Alexandre Chemetoff ou la logique du vivant http://www.revue-placepublique.fr/Sommaires/Articles/ Chemetoff.html 2 Cf. Article de Eric CABANAS - Presse-Océan du mardi 14 décembre 2010 - interwiew de Alain DIATKINE 1


Etat des lieux / b > Une archéologie de la trace

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la coulée verte - italo rota Italo ROTA a travaillé sur le centre ville historique de Nantes et en particulier sur l’île Feydeau et sur le cours des 50 otages. Les bras de la Loire qui autrefois enserraient l’île ont laissé la place, depuis les comblements, à un flot d’automobiles. Le projet répondait à la volonté de rapprocher l’île Feydeau du centre de ville, de créer et d’aménager une place au carrefour Alexis RICORDEAU et de valoriser le patrimoine architectural de l’île. Pour ROTA «l’idée était naturelle d’accompagner le grand mouvement qui conduit du Château à la Loire et d’inscrire l’île elle-même, ses maisons et ses rues, dans une île verte, d’installer au fond un très grand ovale de gazon, serti autour de l’île, à l’intérieur d’un parc urbain contemporain dont l’emprise serait celle de l’eau évanouie.»1

1

Cf. Nantes passion n°78 de novembre 1997

De fait, aujourd’hui le bel ordonnancement des façades du 18ème siècle est parfaitement mis en valeur, même si pour les nostalgiques ceci ne remplace pas le miroir d’eau de la Loire d’avant les comblements. Des nouveaux quais en granit sont recréés et rappellent l’ancien appontement des navires. La Loire retrouve ainsi métaphoriquement sa place au cœur de la ville. L’absence de coupure routière facilite les liaisons piétonnes entre Feydeau et le centre-ville. Ce projet propose de partir à la quête des traces de l’ancienne Venise de l’Ouest et va à contre courant d’une urbanisation de masse pour permettre à la ville de respirer grâce à des espaces verts. Cette démarche s’inscrit dans une dynamique plus large qui vise à renforcer la vocation métropolitaine de la cité ; en modernisant.


- le Plan Guide d’alexandre chemetoff-


- l’aménagement vert de l’île feydeau par italo rota -

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Etat des lieux / b > Une archéologie de la trace

2 > les interventions existantes à nantes La ville de Nantes a mis en place un parcours historique sous forme de dépliant, pour guider les visiteurs sur les traces urbaines de l’esclavage. Ce dépliant est complété, certains dimanches, d’une visite guidée par les médiateurs du Château des Ducs. Ce parcours revient sur les traces encore palpables, architecturales ou urbaines, de la traite et vient compléter l’exposition d’objets permanente du Château. Cependant, pratiqué seul, le parcours reste très superficiel. Même s’il a le mérite de mettre en exergue des lieux parfois oubliés, les explications sont très courtes et ne mènent pas forcément à une réflexion contemporaine de fond. De plus le propos reste assez officiel et ne parle pas toujours des histoires connexes qui viennent enrichir un discours plus global ; comme par exemple les points de vue d’associations antillaises ou africaines. Ce parcours a le très net avantage de s’effectuer avec l’aide et le long des transports en commun comme le tramway ou le bus. Il amène le visiteur a prendre conscience de

1

l’étendue de l’architecture négrière de Nantes (du Quai de la Fosse à l’Ile Feydeau) mais il propose aussi la rencontre avec des éléments plus anecdotiques comme les mascarons, les ferronneries ou les pontons du port. L’exposition permanente du Château des Ducs est constituée de 10 salles aux thématiques très différentes1. Ce parcours est chronologique dans l’établissement d’une campagne négrière, il évoque le point de vue très commercial des armateurs, leur vie à Nantes ; la capture des esclaves en Afrique, la vie à bord des navires négriers ; puis propose une vision des plantations dans les Caraïbes. L’ensemble des collections est mis en scène de manière à rappeler les cales de bateaux dans une atmosphère assez sombre et exiguë. Le visiteur profite alors d’un contexte pour mieux imaginer ce qu’a pu être ce trafic. De même que pour les visites en extérieur, les médiateurs proposent de guider les visiteurs dans leur découverte de ce pan de l’histoire nantaise.

Cf. http://www.chateau-nantes.fr/fr/programmes/traces_de_la_traite_ici_et_la_bas/


- Objets exposées au château des ducs -


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Etat des lieux / b > Une archéologie de la trace

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conclusion Ces architectes explorent et subliment le patrimoine architectural nantais. C’est cette voie que le projet de mémoire de l’esclavage va emprunter pour s’ancrer dans la ville et entrer en cohérence avec le paysage urbain. De cette manière, et en lien avec de tels projets, ce parcours s’instaure dans la durée et dans une harmonisation urbaine. Parler de l’esclavage entre en résonnance avec toutes les strates d’une société et il est important comme le suggère Alexandre CHEMETOFF d’ «accepter la coexistence d’expressions différentes pour que tout le monde trouve sa place dans la ville. Un projet d’urbanisme a quelque chose à voir avec les diversités».

1

Cf. p.19

Prendre en compte la complexité urbaine est important. Le projet ne peut pas détruire un quartier pour s’implanter, il devra respecter la ville et s’y insérer. Il en est de même pour les transports ; profiter des parcours déjà existants peut-être un point d’entrée du projet. De la même manière, il faut traiter les tabous culturels. Comme la sculpture saccagée de 19981, il faut prendre la mesure de ce que Nantes est prête à recevoir, mais aussi forcer un peu la main pour confronter les citoyens à leur histoire urbaine et sociale.



programmation


- Ils étaient jetés dans les cales des bateaux comme du bétail, empilés les uns sur les autres jusqu’au plafond, et bon nombre d’entre eux étaient enchaînés à des poutres en bois sur lesquelles ils pouvaient à peine se mouvoir tellement ils étaient à l’étroit. - Claude Savary Mémoires d’esclaves


Programmation

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A > TROIS REGARDS SUR L’ESCLAVAGE Avant propos Parler de l’esclavage nécessite de se positionner quant au choix de la forme que cela prendra. Construire un musée ne pose pas les mêmes enjeux et contraintes que ceux que suggère un mémorial ou un parcours citoyen. Ce sont des portes différentes qui ne montreront pas la même chose de cette histoire, et cela suppose de bien réfléchir à ce dont la ville et le spectateur ont besoin. Depuis quelques décennies, les musées se construisent par dizaines en France1, on peut s’interroger sur ce que cela montre de notre époque. Un besoin de parler du passé peut-être un peu hypocrite et très politique, mais qui a aussi permis de développer un intérêt pédagogique pour l’esclavage. Les laissé(e)s-pour-compte de l’histoire et de la mémoire d’hier revendiquent aujourd’hui une nouvelle place symbolique dans le nouveau récit collectif2.

1 et 2

Cf. Johann MICHEL - Gouverner les mémoires,Les politiques mémorielles en France - 2010 préface



Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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1 > Le musée, espace de sacralisation de l’objet Parler de l’esclavage en construisant un musée est l’une des alternatives possibles. Cet espace avant tout pédagogique permet l’installation d’objets, écrits, vidéos... et propose des supports pérennes. Il est le lieu évident du récit. Contrairement à un mémorial où l’histoire n’est parfois pas racontée, le musée est l’espace dans lequel les textes et explications vont venir éclairer le visiteur sur l’histoire de la traite. Construire un musée c’est aussi choisir un lieu symbolique qui raisonne de l’histoire qui y est racontée. La ville de Nantes pourrait être ce lieu avec le passé qu’elle porte en elle. Mais mettre des objets derrière des vitrines, c’est peut-être aussi aller contre ce lieu. C’est refuser d’admettre que cette histoire a touché plus qu’un espace bâti, surtout dans le cas de Nantes, où les stigmates sont imprégnés dans toutes les couches de la ville ; urbaine, architecturale, économique, politique, culturelle... Enfermer l’histoire dans un musée c’est aussi prendre le risque qu’elle ne soit pas accessible à tous, c’est prendre le parti de limiter au départ, l’accès à la connaissance.

La traite et son récit sont trop importants pour être contenus dans quelques salles comme c’est le cas au Château des Ducs, car cette histoire parle des problèmes que rencontrent encore les citoyens aujourd’hui. Expliquer l’esclavage c’est commencer à expliquer le racisme, les problèmes d’identité, les flux de migrations... soit une grande partie du discours politique d’aujourd’hui. Faire le choix du musée c’est peutêtre poursuivre un discours nécessaire, mais sûrement aussi trop éloigné des gens. Un sujet d’actualité comme celui-là a sa place au coeur des discussions citoyennes en mouvement, et non figé derrière des vitrines. De nombreux musées pourraient ici nous servir d’exemples. Il est cependant intéressant d’observer comment le sujet de l’esclavage est traité dans d’autres pays que celui de la France. Nous verrons donc comment Nantes a mis en place un discours pédagogique muséal et ses répercussions ; mais aussi comment un pays comme la Suisse, peu connue pour son implication dans ce commerce, a pu faire remonter son passé à la surface.


Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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1 > Le musée, espace de sacralisation de l’objet L’histoire avant la mémoire Les Anneaux de la mémoire, exposition au Château des Ducs de Nantes, 1992-1994 Le musée du Château des Ducs accueille depuis sa réouverture en 2007, sept salles dédiées à la traite atlantique. Mais déjà en 1992 une exposition a été organisée pour assumer et faire connaître le terrible passé de la ville de Nantes. Elle a accueilli plus de 400 000 visiteurs. L’ensemble de l’exposition est surtout constitué d’objets d’époque mais aussi de maquettes explicatives, de manuscrits, d’affiches et de documents visuels et sonores sur le thème de la traite transatlantique. Les maquettes sont très présentes et expliquent de manière « ludique » différents éléments comme la structure des bateaux ou

l’organisation des plantations. Cette exposition a été conçue par l’association des Anneaux de la Mémoire. Cette association est à l’origine de nombreuses actions telles que des expositions, des conférences et des publications. Ici, les recherches sont avant tout généralistes et comprennent aussi bien la traite, le négoce, le voyage et la vie dans les plantations. Mais elle est cependant assez peu tournée vers une actualité de l’esclavage. Le but est plus de sensibiliser le public sur ce qu’a été la traite négrière et comment ce commerce a influencé la ville de Nantes, son économie, sa population, sa culture ou son architecture. La richesse de la ville et son attrait actuel sont nés de ce terrible épisode historique.


Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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1 > Le musée, espace de sacralisation de l’objet La dimension philosophique et sociologique du musée Mémoires d’Esclaves, exposition au Musée d’ethnographie de Genève, 1997 Le catalogue de l’exposition met en avant les éléments présents lors de cette mise en lumière sur l’esclavage et son abolition. Le point de vue est bien sûr Genevois, et assez original sur cette période. Les articles choisis pour illustrer cette exposition sont plus scientifiques qu’historiques. Quelques uns approchent une démarche, sinon philosophique, du moins sociologique et explorent les répercussions de ce passé sur le monde actuel et les nouveaux esclavages. Ainsi une grande partie de l’exposition a été consacrée au dénombrement de ces formes contemporaines d’esclavage et à la manière dont la traite négrière a influencé les manières de penser, de voir le monde et les autres cultures. L’exposition parle du racisme qu’a engendré ce commerce du bois d’ébène mais aussi de la volonté de réparer ce tragique événement, ce qui a finalement débouché à une

1 et 2

christianisation de masse et donc au refus de l’islam. Une nouvelle forme de racisme. L’exposition de Genève, présentée en 1997, est alimentée d’objets de la période colonialiste, et plus précisément liés à l’esclavage ; comme des fers ou des objets de troc. Mais il semble que la plus grosse partie de la collection est un ensemble de textes, témoignages d’esclaves et de descendants d’esclaves. « L’exposition Mémoires d’esclaves essaie à sa manière de rappeler le souvenir de tous ces martyrs de l’exploitation économique, afin que chacun sache que l’esclavage peut exister partout et en tout temps, qu’il peut prendre toutes sortes de formes subtiles ou malignes, et qu’il faut résolument lutter pour l’abolir afin qu’il ne soit plus possible d’imposer à son semblable une vie misérable sans espoir et sans dignité. »1 Cette exposition est donc résolument tournée vers l’avenir et l’éducation des citoyens du monde actuel.

Cf. Claude SAVARY, commissaire de l’exposition «Mémoires d’esclaves».


- Photographie de Christian Leray exposée au musée du château des ducs jusqu’au 15 mai 2011 -


Seuls documents actuels qui parle des traces de l’esclavage

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Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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2 > Le mémorial, lieu de mémoire intemporel Le mémorial est aussi un champ d’action envisageable (et finalement envisagé par la municipalité nantaise). Principalement conçu par des artistes ou des associations, il est le lieu de la commémoration et du recueillement. Plus présent, paradoxalement, que le musée, il est un lieu de la vie quotidienne des descendants. Il garde donc un aspect plus actuel car il est dans la mouvance de la ville, il lui appartient comme le serait une promenade ou un parc, il s’offre aux visiteurs. Cette qualité est aussi un défaut, le mémorial s’adresse à tous mais n’a pas un rôle pédagogique par son caractère justement mémoriel. Il offre pourtant la qualité de graver une histoire et un passé pour en faire part aux générations futures. Choisir le mémorial, c’est aussi choisir un point de vue, une histoire, choisir qui l’on va commémorer. Un passé comme la traite atlantique ne peut pas être raconté par un seul point de vue, comme l’a démontré l’exposition des Anneaux de la Mémoire, c’est la richesse des différents récits qui constitue une approche

1

plus réaliste de l’histoire. Car jusqu’à présent le silence a laissé la place aux rumeurs, au fantasme, à l’imaginaire, l’erreur souvent et le mensonge parfois. Ils ont pris ainsi le relais pour dire la traite et ses horreurs et pour livrer (en le dénaturant hélas) l’arrière-plan de la fortune nantaise1. Il est donc très important d’aller au delà de la commémoration, d’enclencher un véritable travail pédagogique et explicatif. Ainsi même si la présence d’un espace de recueil est nécessaire, il n’est pas tout. Le choix actuel de la ville de Nantes montre la pression qu’ont exercée les différentes associations pour un devoir de mémoire des déportés. Créer un lieu pour ces personnes est un pas en avant mais exclue par la même un véritable travail d’historien, pour aller au-delà de la commémoration. Nous montrerons, ici, l’importance des associations nantaises dans la réalisation d’expositions et d’événements liés à l’esclavage, ainsi que la demande d’un lieu réservé consacré à cette histoire.

Cf. Didier GUYVARC’H - La mémoire d’une ville, vingt images de Nantes, 2001 p.85


Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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2 > Le mémorial, lieu de mémoire intemporel Des associations en opposition Regards croisés, Mémoire d’Outre-Mer et Les Anneaux de la Mémoire, Nantes, associations actuelles « L’association Les Anneaux de la Mémoire, créée en 1991, a pour objectif de mieux faire connaître l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs conséquences contemporaines dans la perspective de promouvoir de nouveaux échanges, équilibrés et équitables, entre nos sociétés d’Afrique, d’Amérique et d’Europe ». Yvon CHOTARD, président de l’association Cette association fonctionne en résonnance avec celle d’Afrique « Regards Croisés » et celle des Antilles « Mémoires de l’Outre-Mer ». Ces trois regards différents sur la traite ont enrichi le discours de l’exposition «les Anneaux de la Mémoire» au Château des Ducs. On peut fixer la position des AdlM en reprenant ce que François LEBRUN écrit dans la revue L’Histoire « Il n’y a qu’une manière de commémorer (...) c’est de contribuer si peu que ce soit à la vérité de l’histoire... Il ne s’agit ni d’oublier les victimes, ni d’innocenter les vrais bourreaux mais de

1

poursuivre inlassablement cette quête de la vérité qui est la tâche même de l’historien » 1. L’association dirige son action vers l’organisation d’expositions (la dernière s’intitulait Mémoire de migrations2), la rédaction d’une revue annuelle centrée sur la traite, le maintient et l’extension des liens internationaux (avec des associations locales d’Afrique et d’Amérique, avec l’UNESCO dans le cadre des opérations La route de l’esclave). Cette association fonctionne en lien étroit avec celle de « Mémoires d’Outre-Mer ». Cette dernière se veut porte-parole de la communauté Antillaise et situe ses actions dans la revendication identitaire3. C’est dans cet esprit que chaque année elle procède, au mois d’avril, pour commémorer l’abolition de l’esclavage par la IIeme République en 1848, à une cérémonie colorée Quai de la Fosse avec le jet en Loire d’une gerbe de fleurs à la mémoire des Africains déportés et de leur esclavage. Enfin, Regards croisés propose des conférences et des débats d’actualité pour permettre de recentrer l’esclavage au coeur des discours politiques.

Cf. François LEBRUN - Guerres de Vendée - revue L’Histoire, numéro de décembre 1992 Cf. Didier GUYVARC’H - La mémoire d’une ville, vingt images de Nantes - p.73

2 et 3


- Mémoriaux existant dans le monde -

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- commÊmoration de l’abolition en 1998 sur le quai de la fosse -


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Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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3 > La place publique, environnement citoyen Proposer un projet à l’échelle de la ville suppose de partir en quête des éléments disparus mais qui parlent de son histoire. La ville, produit de l’histoire des hommes, nous forme à son tour. Nous portons tous, plus ou moins, le souvenir de cette formation, de cet aprentissage1. La ville possède ce pouvoir d’évocation, cette capacité à faire surgir des images, des impressions, des représentations qui s’accrochent, s’ancrent sur quelques buttes témoins que l’on peut qualifier, après Pierre NORA, de lieux de mémoire. La mémoire qui s’impose (comme celle d’un mémorial) masque en quelque sorte l’histoire qui, elle, cherche à comprendre, pose des questions, tente de vaincre le préjugé. Prendre la voie de l’histoire c’est interroger les lieux de mémoire pour comprendre pourquoi, comment ils se sont construits et sont devenus des repères, des signaux de la ville alors que leur signification change selon les échelles d’observation et au gré de l’histoire elle même2. La ville de Nantes porte les stigmates de la

1 2

traite atlantique malgré leur dissimulation postindustrielle. Il est sans doute plus intéressant de construire un récit à l’échelle de la ville avec comme médium, l’architecture ou les transformations urbaines, témoins éloquents du passage de l’esclavage. Placer la place publique au coeur du discours sur l’esclavage c’est faire en sorte de donner la parole à tous, de confronter tous les points de vue. C’est offrir au visiteur des connaissances sur le sujet avec à l’appui un élément assez inédit, la ville même. C’est peut-être aussi une manière d’intéresser différemment que par un musée, espace encore peu fréquenté si l’on vise tous les citoyens d’une ville. C’est aller à la rencontre du visiteur, l’interpeller dans sa promenade, là où il ne cherchait pas la connaissance de ce sujet. C’est prendre le pas sur l’initiative et proposer au passant de jeter un œil sur ce sujet encore d’actualité. Nous verrons ici comment des villes européennes ont pu mettre en œuvre des parcours pour parler de la mémoire d’une cité.

Cf. Didier GUYVARC’H - La mémoire d’une ville, vingt images de Nantes - préface Cf. Alain CROIX - La mémoire d’une ville, vingt images de Nantes - préface


- Les diffĂŠrents acteurs de la place publique -


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Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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3 > La place publique, environnement citoyen Un lieu de mémoire dans la ville London, Sugar & Slavery ,Museum of London Docklands, exposition permanente Cette exposition est constituée de dons privés, de films, de musiques, de médias interactifs et de plus de 140 objets. Dans un espace de 1200m2, l’exposition parle du commerce des esclaves et du sucre, mais aussi de la résistance face à la traite, de la campagne d’abolition et de l’héritage de la relation durable entre Londres et les Caraïbes. Cette galerie a aussi pour fonction de confronter les gens à ce qu’ils croient savoir de la traite et comment ce trafic terrible a fait le Londres d’aujourd’hui. « Nous espérons que la Galerie aidera tous les londoniens à mieux comprendre leur propre patrimoine et leur identité. Certaines personnes seront peut-être mal à l’aise, mais cette exposition permet de saisir et de commencer à comprendre aujourd’hui, de nombreuses facettes de la société ; y compris le mélange des britanniques, cultures d’Afrique

et des Caraïbes.» (David SPENCE, directeur du Musée de Docklands). Cette galerie aide à mieux penser la ville actuelle et aide à comprendre comment les relations entre les personnes et les cultures de la ville, ont été façonnées par cette histoire. Le « West India Dock » et son entrepôt sont les lieux idéaux pour présenter cette réflexion sur le commerce triangulaire. Le sucre produit par les esclaves africains a été entreposé dans cet immeuble. En raison de cette histoire, le bâtiment est un important site de mémoire pour la diaspora africaine. Le lieu fonctionne ici en résonnance avec l’histoire. Cette exposition est aussi fortement imprégnée de documents plus actuels sur le racisme et le rejet des autres cultures au 20ème siècle. Etant une ville très cosmopolite, Londres a mis en place cette galerie pour permettre aussi de promouvoir le débat sur le racisme dans le monde, ses tenants et ses aboutissants et permettre d’expliquer en partie le monde contemporain.


Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

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3 > La place publique, environnement citoyen La ville comme parcours de la mémoire La ville de Berlin La ville de Berlin est un exemple éloquent dans la quête du passé et de ses traces disparues. Contrairement à l’esclavage, le travail de mémoire à été enclenché très vite et à permis à la ville de Berlin de conserver des éléments aujourd’hui disparus pour l’esclavage. Plusieurs solutions ont été envisagées et réalisées à Berlin. Un musée de la Shoah, un mémorial de l’holocauste, et un parcours à l’échelle de la ville qui regroupe certains éléments comme les traces encore existantes du mur, ou des points stratégiques comme le Checkpoint Charlie. Ces éléments encore vivants (chacun repart avec son bout de mur) parlent du drame de la Shoah plus directement que peut le faire un musée. La présence de la ville au cœur du discours mémoriel permet d’intéresser plus directement le visiteur de Berlin, il ne peut pas en faire abstraction. C’est aussi cela qui fait la richesse de la ville, en acceptant son

passé, Berlin laisse la place au dialogue et aux questionnements. Cela a aussi créé l’identité de la cité et ouvert un nouveau chapitre sans qu’il ne soit plus question de l’éternel tabou du silence face à l’horreur. Différents moyens ont été utilisés pour mettre en évidence ces stigmates du traumatisme urbain : des panneaux, des œuvres d’artistes, des plaques plus «abstraites», des reconstitutions... Cette diversité de médiums comme supports de communication, permet à chaque fois une approche différente, plus ou moins imagée du passé urbanistique de la ville. Berlin fait donc office de parfait exemple pour une ville comme Nantes qui cherche à parler de son passé pour aller de l’avant et ouvrir le dialogue sur des sujets d’actualité comme le racisme ou l’identité nationale. Mettre la ville au centre et ouvrir les lieux de connaissance comme les musées, des lieux de mémoire ; permet d’être plus juste et plus proche d’une vérité qui sera longue à retrouver.



Programmation / A > Trois regards sur l’esclavage

075

conclusion En explorant ces trois regards sur l’esclavage, leurs enjeux, et leurs fonctionnements, on se rend compte des multiples connections qu’un tel projet amène dans la ville. Faire part des différents points de vue sur la mémoire est très important et on ne peut réduire ce projet à un seul travail commémoratif ou pédagogique. Ce projet doit être le support de cette pluralité de liens entre acteurs de la cité, qu’ils soient historiens, membres associatifs, ou simples citoyens. C’est donc vers un projet plus complet que se tourne cette recherche. Explorer les différentes échelles de la ville, du quartier à l’élément architectural ; faire une place belle au visiteur, et provoquer la rencontre avec ce sujet d’actualité et entre citoyens pour débattre.

Ce projet devra aussi prendre en compte la dimension complexe de la place publique. D’un point de vue technique : comment exposer une histoire et la communiquer ; mais aussi se poser ces questions d’un point de vue éthique et social : quels propos tenir sur l’esclavage dans une ville qui a pu participer fortement à ce commerce. Il devient alors important de rapprocher les lieux, les histoires, les acteurs, les objets et les discours actuels, ainsi que d’effectuer en permanence un aller-retour dans l’histoire, pour la voir aussi avec les yeux des citoyens de l’époque de la traite.


- Les interconnexions entres acteurs, enjeux, et supports de communication de ces trois systèmes -

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Il existe différents niveaux de connexions ici représentés par l’importance du tracé. Ces points forts déterminent un propos propre à chaque système.

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- Pour maintenir l’ordre et la discipline, le fouet, pour soigner les blessures, du sel et du piment. Chaque jour des corps sans vie sont jetés à la mer. - Claude Savary Mémoires d’esclaves


Programmation

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B > Un choix tourné vers la place publique Avant propos Faire le choix de la place publique, la ville, pour créer un parcours, c’est vouloir mettre le problème du silence face à l’esclavage et ses répercussions actuelles, au cœur des discussions citoyennes mais aussi politiques. Il est important pour comprendre ces débats, de percevoir et comprendre la base de ces écueils. Ce projet se fera l’écho de cette volonté de replacer l’homme et sa ville au centre de l’histoire avant tout comme acteur. Les lieux officiels de la ville sont des espaces de mémoire, mais sont parfois abandonnés, ou la trace est devenue peu visible. Ce travail sera avant tout archéologique et permettra d’exhumer les éléments qui manquent aujourd’hui pour enrichir le discours de l’esclavage. Ce travail engagé depuis plusieurs années par des historiens comme Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, ou des architectes comme Italo ROTA ou Alexandre CHEMETOFF, doit être porté par un projet qui s’inscrit dans la ville de manière évidente.



Programmation / B > Un choix tourné vers la place publique

081

1 > s’insérer dans le mouvement urbain L’espace urbain de Nantes offre de multiples possibilités pour un parcours. Être dans le mouvement de la ville présuppose un projet qui bouge avec elle, qui sera en constante évolution comme l’est celui de CHEMETOFF. La prise en compte du temps est une dimension essentielle de l’urbanisme : construire pour des siècles tout en répondant aux besoins du moment, préparer l’avenir sans faire table rase du passé1. C’est aussi comme cela que le projet doit être conçu, en lien avec l’évolution actuelle de la ville et de ses grands projets. En pleine transformation la ville peut accueillir aujourd’hui un projet qui grandit avec elle. Ce parcours urbain, en reliant des lieux de mémoire de Nantes, sera le symbole de ce nouveau départ, d’une ville qui souffre depuis l’arrêt des Chantiers Navals en 1987 (et donc de l’industrialisation) et n’a pas su trouver d’équilibre avec l’arrivée en masse du tertiaire au détriment des autres secteurs d’activité. Ainsi ce projet vise à reconquérir la ville telle qu’elle a été avant de pâtir des stigmates que la traite a laissés. Être dans le mouvement de la ville c’est aussi accepter ses contraintes, c’est se lotir, s’intégrer, s’affirmer. «Concevoir un bâtiment, l’espace qui l’entoure et le soutient, ne peut être pensé uniquement en termes

1 2

techniques, ni même architecturaux. Il faut deviner le contexte qui est fondamental. Et il faut en être imprégné. La ville est le lieu de l’économie, de l’échange ; là où il est possible de s’enrichir. C’est le lieu vivant de toutes les contradictions.»2 Il est intéressant de partir de la base, de l’analyse de ce qui existe, de la spontanéité avec laquelle s’est développée une réalité urbaine qui a réagi à des besoins ou des relations sociales. « Le mur de Berlin, les tragédies dont il fut la cause, nous ont fait voir la ville à travers un contexte historique, culturel. Notre rapport avec la ville est neuf, même pour ce qui concerne le passé. Ne plus voir le mur, l’oublier, c’était la fin d’un cycle historique, lié culturellement à la mémoire. On ne veut plus se souvenir parce qu’on n’en ressent plus l’utilité. Je sens sourdre de partout un grand désir d’oubli pour ne penser qu’au présent. Les villes, de nos jours, aiment donner une nouvelle image d’elles-mêmes par le biais de leurs musées. La forme musée a pris de l’importance par rapport au contenu musée. Il suffit de regarder autour de nous pour comprendre l’évolution en ce domaine : on parle beaucoup plus de l’architecte et de l’architecture que du contenu.»2

Cf. Thierry GUIDET - Place Publique hors série Les chroniques de lIle n°3 Le temps du projet - 2010 A ce propos, lire Massimiliano Fuksas - Chaos sublime, Notes sur la ville et carnet d’architecture


- Les interconnexions spécifiques de la place publique -

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Les différents liens entre acteurs, enjeux et médiums soulevés par un projet réellement ancré dans la place publique et auprès des citoyens

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La place publique est le regard qui est le plus richement imprégné des différents acteurs et enjeux

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- Le quai des antilles et le hangar Ă bananes en 2005 et 2007-


Une évolution très rapide sur l’île Beaulieu

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- Le pont anne de bretagne et le quai de la fosse Ă droite en 2005 et 2009 -


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Programmation / B > Un choix tourné vers la place publique

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2 > Un parcours à l’échelle de la ville Ce projet inscrit dans la ville devra prendre en compte tous les éléments qui la composent. La Loire est l’un d’eux et l’un des plus importants. Elle est le point de départ des bateaux et leur point d’arrivée, elle est le lien de Nantes avec l’Atlantique, les Caraïbes et l’Afrique. Ce fleuve a subi les changements d’une ville en évolution, qui a peu a peu comblé ses bras et domestiqué son cours. La Loire est le témoin privilégié des transformations urbaines liées à l’esclavage et post-esclavagistes. De nombreux quartiers de Nantes (on l’a vu) on été créés par l’argent de la traite en quelques décennies seulement. Graslin est celui qui sera le plus travaillé et le plus bourgeois. Résidence des armateurs négriers avec l’Ile Feydeau, il garde les traces de cette richesse mais aussi de la honte. De nombreuses rues dans ce quartier portent encore le nom des armateurs négriers. Ils ont marqué ces lieux et continuent de le faire. Ces rues relient Graslin au Quai de la Fosse. Ce quai, ancien port où venaient mouiller les navires négriers est lui totalement à l’abandon.

Ces lieux officiels de l’esclavage et emblématiques de la ville actuelle seront le point de départ d’un parcours citoyen. Ils se feront l’écho d’un discours pédagogique et, mieux que des images, montreront avec évidence l’incidence économique et sociale d’un tel commerce. Il devient alors intéressant de montrer de ces lieux une histoire différente et moins connue que celle qui les accompagne habituellement. Parler de l’Ile Feydeau, par exemple, autrement que comme étant le lieu des hôtels particuliers des armateurs, mais comme étant aussi et avant tout, anciennement une île, comblée pour les besoins du commerce triangulaire. Les résonnances urbanistiques que chaque lieu porte, enrichissent le discours sur l’esclavage. Il est plus évident de comprendre, peut-être, comment ce passé a pu influencer Nantes, en voyant concrètement, les bouleversements physiques que cela a engendré. Il serait dommage de ne pas profiter du « musée » incroyable qu’est la ville de Nantes et de s’enfermer dans quelques obscures salles.


- Rue montaudouine près du quai de la fosse -


Jean Gabriel Montaudouin était l’un des plus influents armateurs négrier de Nantes au 18ème sièce

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Programmation / B > Un choix tourné vers la place publique

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conclusion Ainsi, si le choix de la place publique devient assez évident pour parler de l’esclavage, il est important de bien cerner tous les enjeux et les contraintes que cela soulève. Prendre en compte la complexité urbaine est important. Le projet ne peut pas détruire un quartier pour s’implanter, il devra respecter la ville et s’y insérer. Il en est de même pour les

transports ; profiter des parcours déjà existants peut être un point d’entrée du projet. De la même manière, il faut traiter les tabous culturels. Comme la sculpture saccagée de 1998, il faut prendre la mesure de ce que Nantes est prête à recevoir, mais aussi forcer un peu la main pour confronter les citoyens à leur histoire urbaine et sociale.



intentions de projet


- Les esclaves étaient réunis dans la cour d’un entrepôt dont les portes étaient fermées. Au signal donné, on ouvrait les portes et les acheteurs se précipitaient pour se saisir du plus grand nombre d’esclaves - Claude Savary


Intentions

097

A > Enjeux d’un projet à différentes échelles Avant propos Un bon projet est un projet traité à toutes les échelles. Ce travail propose ce va-et-vient de manière assez innée car le parcours suggère cette ambivalence entre ensemble et parties. Différents enjeux sont soulevés par le projet, et malgré leur apparente disparité, ils se rejoignent pourtant rapidement sur un plan public et citoyen. Les différentes échelles sont donc physiques mais aussi et avant tout politiques (sociales, économiques, éthiques...). Le développement de cette pluralité de points d’entrée sur le sujet va permettre de voir l’étendue du projet mais aussi et surtout de comprendre comment ces points se connectent finalement tous pour ne former plus qu’un seul tissu urbain.


Intentions / A > Enjeux d’un projet à différentes échelles

098

1 > L’histoire au centre L’enjeu principal de ce projet reste la reconquête d’une histoire trop souvent oubliée. Les associations comme Mémoire d’Outre-Mer réclament une prise en compte du vécu des descendants d’esclaves. Même si ce milieu associatif a depuis longtemps pris les devants en organisant des rencontres ou des jets de fleurs dans la Loire, un effort de la municipalité dans leur reconnaissance sera un temps fort du projet. Cela permettra d’aller enfin de l’avant et de s’interroger sur les questions actuelles de société, plutôt que sur les besoins de reconnaissance rarement portés d’une minorité. Ainsi, il est possible d’imaginer que ce projet accueille une partie dédiée à la commémoration. Un espace réservé aux célébrations annuelles du 10 mai et à celles de tous les jours, pour les personnes à la recherche de cette reconnaissance et d’un certain recueillement. Car le discours de ces personnes enrichit les

connaissances communes et permet au projet pédagogique de prendre une dimension plus humaniste. De plus, ce sont ces descendants, qui, souvent, sont le lien avec les associations Africaines et Antillaises. Pour rapprocher tout les coins du triangle de la traite, il est important de privilégier ces liens naturels de descendants à l’histoire commune, qu’ils apportent et enrichissent le propos pédagogique. C’est aussi une volonté de la municipalité de développer ces échanges, et dans l’actualité, on peut évoquer les problèmes que rencontre Haïti (anciennement Saint-Domingue, haut lieu de la traite), et la reconnaissance nécessaire que cette île réclame sur la scène internationale. C’est ainsi que l’on perçoit directement tous les enjeux mémoriels d’un tel projet ; et ce au-delà de Nantes ou de la France.


Intentions / A > Enjeux d’un projet à différentes échelles

099

2 > Un support culturel et pédagogique Ainsi ce projet va être le support d’un discours pédagogique et il est important de se questionner sur la forme que ce parcours peut prendre. Les actuelles salles du Musée du Château des Ducs de Bretagne parlant de la traite, sont accessibles moyennant trois euros, prix d’entrée. Il serait alors intéressant de rendre gratuit l’accès à ce savoir, ces objets, ces outils de compréhension. Car on ne peut pas rendre un tel sujet payant, vu son actualité et ses répercutions sur la ville. Ce projet est aussi l’occasion d’apporter des supports culturels de manière plus large, dans la ville. De nombreuses oeuvres d’artistes contemporains1 évoquent l’esclavage et la colonisation et cela reste aussi un moyen de parler de cette histoire. En 2009, une exposition d’oeuvres sculpturales a eu lieu devant la passerelle Schoelcher, et ce pendant plusieurs jours. Elle représentait des

1

personnages et évoquait l’esclavage. Ce genre d’événement devrait prendre une plus grande place dans la ville, car outre le fait qu’ils soient dynamisants, ils proposent de soulever des questions pour les visiteurs et de s’interroger sur différents sujets d’actualité. Il s’agit de procéder à un travail de sélection des propos tenus. L’histoire officielle, même si elle tend à s’enrichir, reste encore très superficielle sur toutes les connexions créées par la traite. Montrer une histoire différente permet d’aborder de manière nouvelle ces connaissances. Mais cela suppose d’utiliser l’environnement à disposition et ici, la ville de Nantes, son urbanisme ou son architecture. Rapprocher un lieu, un discours et faire un va et vient entre les époques : voilà le véritable enjeu mémoriel du projet. Prendre garde à toujours éviter les amalgames et les anachronismes pour ne pas désinformer sur cette histoire.

Voir des artistes comme Romuald HAZOUME ou El ANATSUI


Le petit gĂŠant noir de la compagnie royal de luxe arrive Ă nantes en 1998


Arrivé par le Quai de la Fosse il traversera tout le quartier Graslin du haut de ses six mètres, comme pour faire un pied de nez aux armateurs négriers...

101


Intentions / A > Enjeux d’un projet à différentes échelles

102

3 > des interrogations sociales et politiques Penser un projet urbanistique met en jeu des éléments de nature économique. Il est important de profiter d’infrastructures exisantes pour crédibiliser le projet. Que ce soit les transports ou l’architecture, ce travail s’appuiera sur les lieux communs de Nantes pour créer des repères et faciliter l’accès. Ainsi un autre enjeu important sera le rapprochement des citoyens avec leur ville. Toutes les grandes villes d’Europe ont désormais adopté une politique de transport de même nature que celle qui a été développée à Nantes. Pour la simple raison que la prise en compte d’une donnée fondamentale s’impose à toutes : ou l’on fait l’option d’une politique volontariste destinée à permettre la cohabitation des différents modes de déplacement ou c’est l’asphyxie des villes, principalement de leurs centres, au détriment non seulement de la qualité de la vie, mais de l’activité économique. Et puis, le tramway s’est révélé être un formidable outil de rénovation de l’espace urbain. À la différence du métro, il ne crée pas une dichotomie entre une ville

1

Cf. www.nantes.fr

du dessous et une ville du dessus. Tout projet implique l’aménagement d’axes de circulation ou de places qui, bien pensé, débouche sur un embellissement de la ville1. Ce lien urbain est aussi le prétexte à fluidifier les circulations et intervernir dans les lieux où cela est nécessaire, comme pour créer des infrastructures publiques manquantes par exemple ou du simple mobilier urbain. Il s’agit de s’inscrire dans un projet de longue haleine comme celui d’A. CHEMETOFF et de s’interroger sur l’environnement général qui entoure un noeud d’intervention. D’un point de vue social, ce projet peut être un point de départ sur des questionnements plus profonds en lien avec l’actualité, comme les politiques d’immigration ou les répercutions actuelles de la colonisation. Il sera donc le support à ces discussions et plus précisément à la question de l’esclavage actuel et sa dimension mondiale. Ce projet vise donc un rapprochement des citoyens sur ces sujets importants.


Intentions / A > Enjeux d’un projet à différentes échelles

103

4 > La reconquete de la trace urbaine Enfin, ce projet soulève des enjeux urbains. Si la plupart des éléments architecturaux et urbanistiques seront traités dans leur dimension mémorielle, il n’en faut pas moins s’interroger sur les réelles répercussions que ces mises en valeur vont susciter d’un point de vue plus géographique. Il est important de voir que cette redécouverte de la ville et de son histoire urbanistique sera le tremplin et le prétexte du projet, et ces éléments porteront le discours pédagogique. Cette recherche archéologique va exhumer des fragments de l’ancienne Venise de l’Ouest et mettre en lumière des éléments peu connus des lieux emblématiques de Nantes. Cet enjeu explore l’échelle la plus grande du projet et vise à créer une cohérence entre les parties de plus petite échelle. L’échelle de la ville est la vision qui permettra de cerner le projet dans son ensemble et de mieux discerner les interconnexions.

Le projet d’A. CHEMETOFF aborde aussi ce point de vue des choses : être en quête de la trace passée pour mieux parler de l’avenir. Discerner des axes de circulation, de vie, des parcours inhérents à la ville, des noeuds, des interstices, des frontières,... permet d’appuyer le projet sur des bases solides pour un parcours de l’esclavage à l’échelle de la ville. Ce travail vise donc une redécouverte de la ville par ses usagers pour que le discours sur l’esclavage se rattache à des éléments fixes de leur quotidien. Il doit permettre une meilleure compréhension du discours pédagogique. Le lien qui va unir tout ces noeuds devra être déterminé par l’analyse de l’environnement urbain. Ce parcours peut être autant chronologique que thématique et les facilités urbaines de cheminement de l’un à l’autre des noeuds devront être utilisées pour simplifier le parcours. Ce projet fonctionnera si l’ensemble, plus que les parties, est cohérent et construit au préalable.


- Les lignes de transports en communs à nantes -

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105

Tramway, Busway, bus, bicloo, navibus.

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Intentions / A > Enjeux d’un projet à différentes échelles

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conclusion Ce va et vient entre les différentes échelles du projet permet de mieux saisir la complexité de mise en oeuvre d’un travail mémoriel mais aussi tout son intérêt au sein de la ville et ce qu’il peut y apporter. L’élaboration d’un principe qui s’applique à l’ensemble des noeuds nerveux du projet semble être la solution à un tout

cohérent. L’échelle de la ville agit alors comme un test quant au fonctionnement général de ce travail mémoriel. Entre l’objet et le quartier, le traitement est différent, il s’agit de montrer comment chaque élément, indépendamment de sa taille, a pu agir dans un commerce à l’échelle, il ne faut pas l’oublier, avant tout mondiale.


- Une courte pause à midi pour manger et c’est la reprise du travail, toujours sous la menace du fouet ou d’autres châtiments - Claude Savary Mémoires d’esclaves


Intentions

109

B > Contraintes Avant propos Si les enjeux sont nombreux, les contraintes le sont tout autant et elles ne sont pas seulement physiques ou technologiques. Elles deviennent parfois politiques. Le tabou qui s’est instauré à Nantes, à propos de la traite, concerne toutes les couches de la société. Un tel projet présuppose d’être renseigné sur les difficultés que Nantes a pu rencontrer antérieurement face à des interventions d’associations ou de la municipalité, que ce soit dans un sens ou dans l’autre ; c’est à dire dans un refus mémoriel ou dans une recherche de reconnaissance. On fait alors le constat que ce projet rencontrera de toute évidence des réticences d’un côté ou de l’autre (comme c’est le cas pour le projet actuel) mais il est cependant insensé de continuer à rester dans le silence de l’existence de ce commerce


Intentions / B > Contraintes

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1 > Tabous culturels Pour situer les choses d’un point de vue politique, il faut savoir que presque tous les maires de Nantes entre 1815 et 1830, avaient été des négriers1. Cet exemple montre à quel point, et encore aujourd’hui d’ailleurs, l’esclavage a pu marquer la ville de Nantes. Comme la statue saccagée (vu précédemment), des signes montrent encore que ce passé est difficile à accepter à Nantes. Parmi ces signes, on peut citer l’exposition de 1992 des Anneaux de la Mémoire. Lors de la collecte des éléments présentés, une famille de descendants négriers reconnus avait refusé que leur blason soit affiché en réfutant la pratique de ce commerce par leurs ancêtres. Le bon équilibre n’est évidemment pas facile à trouver pour les municipalités entre une minorité « mal dans sa peau » et une majorité de la population qui, deux cents ans après, « au mieux s’en fout, au pire risque d’être agacée »2. Le tabou existe aussi du côté Africain, et certains ne savent pas très bien s’ils

ne sont pas descendants de négriers, car il fallait troquer les esclaves en passant par des « fournisseurs » locaux. Pendant longtemps ce commerce a été encouragé par les autorités, il est donc difficile aujourd’hui de rassembler les différentes parties de ces populations, esclaves et négriers, pour parler de la traite. Cependant, Nantes paraît aujourd’hui prête à assumer ce passé négrier, pour preuve les parcours et visites organisées tout les dimanches dans Nantes pour partir à la recherche des traces de l’esclavage comme l’île Feydeau ou le Quai de la Fosse ; et qui attirent beaucoup de personnes malgré le mauvais temps parfois. « Dois-je me définir aujourd’hui comme un «descendant d’esclave» ? Pourquoi pas ? Je préfère quand même me dire descendant de Nèg’marrons, c’est-à-dire d’esclaves révoltés, puisque je crois bien être issu de cette lignée. Oui cette idée me plaît !»3

Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Les Traites négrières, essai d’histoire globale, Editions Gallimard, 2004 Denis TILLINAC (journaliste français), dans un article de J-Claude HAZERA, les Echos du 5 mai 2006 3 Octave CESTOR, ancien président de l’association Mémoire d’Outre-Mer et conseiller municipal à la mairie de Nantes 1 2


111

Intentions / B > Contraintes

2 > Diversité de médiums avec lesquels composer Si ce projet met en parallèle différentes échelles pédagogiques, cela va vite devenir une contrainte. Que ce soit le fleuve, le quartier, la rue, l’objet architectural, l’objet artisanal, le témoignage, ou l’iconographie par exemple ; le traitement et la communication de l’information n’est forcément pas le même. Il faudra pourtant trouver un système qui permette le classement, l’explicitation du propos et la mise en valeur de l’élément en question. De plus certains objets ne peuvent être transportés ou conservés en extérieur et doivent garder leur place au Château des Ducs. Il faut alors se poser la question de la retranscription de ces éléments. Ces éléments sont de natures différentes mais doivent pourtant être traités au même niveau pour être lisibles et cohérents. Il faut que le visiteur puisse suivre le parcours sans être perdu par une pluralité de moyens ou de médiums qui diffusent l’information. Et c’est par cela aussi qu’un parcours va se dégager et

progresser dans la ville. Cela présuppose un support similaire par exemple, que ce soit par la forme ou par le matériau employé. Les traces urbaines sont un élément particulier parmi les autres, il s’agit de parler d’une façade, d’un bâtiment, d’un quai, que l’on aurait devant les yeux. Les fragments sont attachés à un endroit précis, pas de déplacement possible. Les accès doivent être travaillés ainsi que les points de vue. Il faut mettre à disposition des yeux un élément qui peut se situer à plus de dix mètres de hauteur, retranscrire peut-être cet élément alors qu’il n’est qu’à quelques pas... La faisabilité d’un tel projet doit être évoquée tant sur la forme que sur le fond, peut-on rassembler assez d’éléments pour soutenir un discours, ces éléments sontils à portée du regard ?... L’enjeu est ici d’aller au-delà des contraintes techniques et urbaines pour exprimer un discours enrichi de traces et de fragments pas toujours exploitables aujourd’hui, malgré leur présence passée.


inventaire d’objets

- Inventaire d’objets dressé dans une phase préparative du projet -

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Reproduction du négrier La Musette qui assure cinq expéditions entre 1783 et 1790 Objet se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, assez léger

Assez fragile, petits éléments, mais reproduction donc qui présente peu d’intérêt en tant que valeur d’objet

un mètre dur un mètre et vingt centimètres de large

Doit être protégé par une vitre pour éviter l’usure de l’objet et de ses couleurs.

Exemplaire miniature du Code Noir édité par COLBERT en 1685, régissant les règles et lois du commerce de l’esclavage Objet se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Ne peut être transporté

Très fragile et très rare, exemplaire unique de la sorte

vingt centimètres ouvert, sept par quize fermé

Doit être protégé par une vitre pour éviter l’usure de l’objet, mais peut être reproduit ou photographié

Pacotilles échangées en Afrique contre les hommes Objets se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, très léger

Peu fragile mais petites pièces pouvant êtres perdues

Perles, colliers et bracelets de quelques centimètres

Doit être protégé par une vitre pour éviter l’usure de l’objet ou son vol

Carnets de Bords et état des marchandises d’un bâteau négrier, compte des esclaves Objets se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, très léger

Très fragile, papier assez abimé et peu épais

trente centimètres sur quarante

Doit absolument être protégé du soleil et des intempéries, difficilement exploitable d’origine mais peut être reproduit


113

La variété des objets suppose la complexité de mise en oeuvre

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Anneau de cou utilisé dans les bâteaux négriers et dans les plantations Objet se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, assez léger

Fragile, peut s’oxyder au contact de l’eau

Environ vingt centimètres de diamètre

Peut être fixé à une paroi comme à présent, ou posé, doit être protégé par une vitre

Porte cigare présent dans l’interieur d’un armateur négrier nantais représentant un noir - Objet se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, assez léger

Très fragile et unique

Environ vingt centimètres de long et de haut

Posé sur un socle mais peu envisagable de le transporter, possible d’imaginer une reproduction

Fouet de commandeur, sur les plantations de Martinique - Objet de la collection Victor Schoelcher appartenant au musée du Quai Branly

Transportable, assez léger

Très fragile

Environ un mètre

Posé sur un socle mais peu envisagable de le transporter, possible d’imaginer une reproduction

Fers ou entraves à esclaves, utilisés la plupart du temps dans les bâteaux pour maintenir les esclaves attachés - Objet se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, assez léger

Fragile, peut s’oxyder au contact de l’eau

Environ cinquante centimètres, taille de deux poignets ou chevilles

Doit être protégé par une vitre de verre et ne peut pas être en contact avec l’exterieur


- Inventaire d’objets dressé dans une phase préparative du projet -

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Carte de la ville de Nantes datant de 1778 et montrant les bras de la Loire à l’époque ou Feydeau était encore une île et Graslin des fermes - Objet se trouvant actuellement au Château des Ducs de Bretagne

Transportable, assez léger

Très fragile, papier assez abimé et peu épais

deux mètres sur un cinquante, deux dimensions

Doit absolument être protégé du soleil et des intempéries, difficilement exploitable d’origine mais peut être reproduit

Tableau d’INGRES, Odalisque à l’esclave peint en 1842 - Objet de la collection de la Walters Art Gallery, Baltimore

Intransportable

Très fragile

soixante quinze par cent cinq centimètres en taille réelle

Peut être reproduit sur différents supports

Gravure représentant des esclaves en fond de cale d’un navire négrier et datant de 1827 - Objet iconographique

Transportable

Assez fragile

inconnue

Peu être reproduit mais ne peut être exposé ailleurs que dans un musée

Gravure représentant des esclaves forcés à danser sur navire négrier et datant du 19e siècle Objet iconographique

Transportable

Assez fragile

inconnue

Peu être reproduit mais ne peut être exposé ailleurs que dans un musée


115

La variété des objets suppose la complexité de mise en oeuvre

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Illustration montrant une capture d’esclave - Collection du musée du Quai Branly

Transportable, assez léger

Très fragile, papier peu épais, exemplaire unique

inconnue

Peu être reproduit mais ne peut être exposé ailleurs que dans un musée

Illustration montrant un spectacle de Guignol, joué à des esclaves sur le pont d’un bâteau négrier - Collection du musée du Quai Branly

Transportable, assez léger

Très fragile, papier peu épais, exemplaire unique

inconnue

Peu être reproduit mais ne peut être exposé ailleurs que dans un musée

Affiche abolitionniste L’Allégorie de l’Abolition datant de 1849 - Collection du musée du Quai Branly

Transportable, assez léger

Très fragile, papier peu épais, exemplaire unique

inconnue

Peu être reproduit mais ne peut être exposé ailleurs que dans un musée

Représentations de l’agencement des esclaves à bord des bateaux négriers - Objet iconographique

Transportable

Assez fragile, papier peu épais

Variée

Peut être reproduit ou exposé tel quel


- Inventaire d’objets dressé dans une phase préparative du projet -

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Photos contemporaines de l’esclavage moderne/Textes sur le sujet... Objets iconographique ou manuscrits

Transportable

Non

Aucune taille imposée

Imprimé sur des supports fixes, ou textiles...

Royal de Luxe à Nantes avec le petit géant noir, photos dans le quartier de Graslin - Objets iconographique

Transportable

Non

Aucune taille imposée

Imprimé sur des supports fixes, ou textiles...

Romuald HAZOUME, oeuvre représentant les navires négriers avec des bidons d’essence La bouche du Roi Objet artistique

Transportable

Assez fragile, ne peux pas être exposé en exterieur

Environ vingt mètres de long sur quatre mètres de large

doit reposer sur un socle rigide, d’autres de ses oeuvres sont exposables en exterieur

El ANATSUI, oeuvre représentant une marche d’esclaves Surviving children - Objet artistique

Transportable

Assez fragile, peux être exposé en exterieur

Environ cinq mètres de long sur deux mètres de hauteur

doit reposer sur un socle rigide ou fixé sur un terrain herbeux


117

La variété des objets suppose la complexité de mise en oeuvre

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Boîtes de chocolat en poudre de la marque Banania qui a fortement utilisé l’image du noir avec tout ses stéréotypes

Transportable, assez léger

Peu fragile, existe en très grand nombre

Vingt centimètres sur dix

Posé sur un socle ou reproduit en tant que photo, voir juste les images d’étiquettes

Boîtes de sirop de canne à sucre de la marque Uncle Remus qui a fortement utilisé l’image du noir avec tout ses stéréotypes

Transportable, assez léger

Peu fragile, existe en très grand nombre

Vingt centimètres sur vingt

Posé sur un socle ou reproduit en tant que photo, voir juste les images d’étiquettes

Collection de portraits d’esclaves, dessins au pastels ou au fusain Collection du musée du Quai Branly

Transportable, assez léger

Très fragile, papier peu épais, exemplaire unique

Six portraits d’esclaves d’environ vingt par vingt centimètres

Peu être reproduit mais ne peut être exposé ailleurs que dans un musée

Poèmes comme ceux d’Aimé CESAIRE - Objets manuscrits ou enregistrés

Transportable

Non

Aucune taille imposée

Imprimé sur des supports fixes, ou textiles, sur du verre, peuvent aussi êtres enregistrés lus...


- Inventaire d’objets dressé dans une phase préparative du projet -

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Le Cours des 50 otages, anciennement passage de l’Erdre pour se jeter dans la Loire face à l’Ile Feydeau - Objets architecturaux

Déjà sur place

Peu fragile

Variée

Fixés pour la plupart

Hôtel particulier de l’armateur négrier Nantais mais surtout Irlandais O’Riordan, quai de la Fosse - Objets architecturaux

Déjà sur place

Peu fragile

Variée

Fixés pour la plupart

Le temple du Goût, hôtel particulier d’armateurs négriers, Ile Feydeau - Objets architecturaux

Déjà sur place

Peu fragile

Variée

Fixés pour la plupart

Anciens pontons d’accostage du quai de la Fosse, symbole de l’ancienne fonction de port (les bateaux négriers venaient s’y amarrer) Objet de la culture navale

Déjà sur place

Assez fragile, s’use avec le temps, très peu entretenu

Une vingtaine, numérotée, environ cinquante centimètres de hauteur

Aucun et aucun à prévoir


119

La variété des objets suppose la complexité de mise en oeuvre

Objet

catégorie

Transportable

Fragile

Taille

Support

Mascarons représentant des noirs, quai de Turenne - Objets d’architecture

Déjà sur place

Restauré depuis peu (1992), pas de fragilité particulière, en hauteur et non accessible

Environ un mètre de large sur un mètre de haut, situé généralement à six mètres du sol, en relief

Déjà fixé à la paroie, souvent taillé durectement dans la pierre

Anciens quais remplacés par le projet de coulée verte de ROTA, pour évoquer la Loire passant anciennement devant l’Ile Feydeau, quai de Turenne - Objet urbain

Déjà sur place

Pierre non fragile, pratiquée quotidiennement par de nombreux visiteurs

Une centaine de mètres de longueur, trois marches d’environ un mètre chacune, vaste pelouse sur environ trente mètres

Aucun et aucun à prévoir

Traces des anciens chantiers navals où l’on construisait les navaires négriers - Objets architecturaux

Déjà sur place

Peu fragile

Variée

Fixés pour la plupart

Le quartier Graslin et en particulier le théâtre, construits par l’argent de la traite - Objets architecturaux

Déjà sur place

Peu fragile

Variée

Fixés pour la plupart



121

Intentions / B > Contraintes

3 > Complexité de mise en oeuvre urbaine Nous l’avons vu les transports prédestinent un certain parcours pour ce projet, le tramway desservant les principaux lieux emblématiques de la traite. Mais faut-il se contraindre à ce chemin ou faut-il plutôt le voir comme une chance non négligeable d’inviter le maximum de personnes à emprunter cette route et donc s’interroger sur l’esclavage ? Ces facilités urbaines, se posent aussi en tant que contrainte. Le projet va dès lors perdre une certaine liberté de mouvement qu’aurait par exemple un projet d’architecture sur un terrain vierge. Ici le programme va devoir s’adapter à l’environnement. Le parcours des citoyens dans la ville est à interroger pour placer, le mieux possible, les nœuds d’intervention et les liens qui les rejoignent. C’est ainsi que le projet va se construire, en allant à la rencontre du visiteur dans son parcours quotidien. L’autre contrainte urbaine sera la possibilité d’intégrer un dispositif d’envergure

dans une ville au patrimoine architectural certain. Ce patrimoine qui est la trace actuelle du passé négrier, ne peut être transformé ou déformé. Les rues en font partie, tout comme les circulations d’un quartier pittoresque comme celui du Bouffay. Il va falloir s’imprégner de ces complexités pour retranscrire par le support de communication la qualité du contexte architectural. On peut dès lors établir des hypothèses de faisabilité pour ces parcours. Choisir une ligne de tramway, ou en créer une nouvelle ; s’implanter dans un parcours de ville, en lien avec des commerces ; miser sur des lieux publics ou culturels comme le Château des Ducs ou le Lieu Unique par exemple, conserver les parcours officiels de l’esclavage organisés par la municipalité... Toutes ces possibilités se rencontrent parfois en certains points qui deviennent symboliques dans la ville et pour ce projet.



Intentions / B > Contraintes

123

conclusion Ces enjeux et contraintes viennent former un projet cohérent. Il faudra cependant se positionner quand au choix du parcours avant de pouvoir intervenir de manière plus précise dans les noeuds, qui constituent les parties de ce parcours. Ces contraintes se transforment cependant parfois en facilité comme c’est le

cas avec les transports par exemple. Il serait dommage de faire abstraction de la chance d’avoir à Nantes, un tramway qui dessert tous les points stratégiques et emblématiques d’un projet sur la mémoire et la trace de l’esclavage. Et c’est en reliant ces points par un lien urbain déjà existant que le projet trouvera naturellement sa place auprès des usagers.


- C’est ainsi que Toussaint-Louverture se retrouva à la tête de d’une véritable armée et proclama l’indépendance de la partie française de Saint-Domingue sous le nom de Haïti- Claude Savary Mémoires d’esclaves


Intentions

125

C > Esquisses Avant propos Les objets qui vont illustrer les propos pédagogiques, commémoratifs ou militants doivent être mis en scène, placés dans la ville au sein d’un parcours. Certains sont déjà sur place et doivent être mis en exergue et être commentés. Les « objets » réclament un traitement différent selon leur type. Au sein de chacun des lieux symboliques de la traite nantaise, le visiteur va faire face à des propos différents. Nous dresserons ici une liste de ces différents propos, des éléments qui peuvent leur être associés, et des principes de mise en oeuvre architecturaux qui vont pouvoir les révéler.


- Programmation et enjeux selon les lieux -

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Croisements entre les éléments programmatiques, les lieux, et les acteurs pour en retirer des points forts et des intentions de projet

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PÉDAGOGIE

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- Programmation et enjeux selon les lieux -

QUARTIER GARSLIN ENJEUX

> PEDAGOGIE

> La construction d’un quartier entier > L’argent de la traite > Le théâtre et la culture des armateurs > Les négriers et les Lumières > La vie quotidienne des armateurs, le commerce du bois d’ébène, vision de la personne noire au 18ème

ACTEURS > CITOYENS

> Visiteurs nantais de tout âge > Touristes de passage dans la ville > Personnes allant travailler > Personnes à la recherche de ce parcours

MéDIUMS > OBJETS D’EPOQUE > La construction urbanistique du quartier

> THEATRE

> Le théâtre Graslin > Les hôtels particuliers des armateurs > La rue Crébillon et la place Royale > Les feronneries des balcons > La compagnie Royal de Luxe > Mise en scène de la vie au 18ème siècle > Théâtre d’improvisation et de rue > Théatre participatif


Quartier Graslin

129 façade à Barcelone


- Programmation et enjeux selon les lieux -

QUAi de la fosse ENJEUX

> PEDAGOGIE

> MILITANTISME > COMMEMORATION

ACTEURS > CITOYENS

> ASSOCIATIONS

> Comprendre le trajet de la traite > Les transports de marchandise > L’héritage des descendants > Mettre en place un projet militant pour la reconnaissance de la souffrance identitaire des descendants > Organiser l’espace pour commémorer le 10 mai > Supprimer les risques pour la foule en bord de quai

> Visiteurs nantais de tout âge > Touristes de passage dans la ville > Personnes allant travailler > Personnes à la recherche de ce parcours > Présence occasionnelle sur le lieu > Lieu actuel du mémorial

MéDIUMS > OBJETS D’EPOQUE > Les pontons du quai

> TEMOIGNAGES > THEATRE

> OEUVRES

> Les hôtels particuliers des armateurs > Portraits d’esclaves et gravures > Ecrits des armateurs > Les plaques des rues au nom des armateurs > Compagnie Royal de Luxe > Théâtre de rue sur l’esclavage > Théâtre d’association > Oeuvres d’artistes contemporains comme El ANATSUI ou Romuald HAZOUME > Les machines de l’île > Rappel de la sculpture saccagée > Evènements comme ceux de Jules VERNE


Quai de la Fosse

131 site archĂŠologique


- Programmation et enjeux selon les lieux -

L’île feydeau ENJEUX

> PEDAGOGIE

> INTERACTION

ACTEURS > CITOYENS

> SOCIOLOGUES > MEDIATEURS

> Montrer la vie qutidienne des armateurs > Les transformations urbaines suite aux besoins de la traite > L’ancienne Loire et l’Erdre - La Venise de l’Ouest > Image de la personne noire au 18ème siècle > Créer des évènements dans le Temple du goût > Visites guidées et interventions d’historiens > Mises en scène de la vie des négriers

> Visiteurs nantais de tout âge > Touristes de passage dans la ville > Personnes allant travailler > Personnes à la recherche de ce parcours > Intervenants occasionels sur des sujets variés passés et actuels en lien avec le musée > Personnel du musée du Château > Intervenants extérieurs

MéDIUMS > OBJETS D’EPOQUE > Les anciens quais de l’île Feydeau et de la Bourse

> TEXTES

> CONFERENCES > OEUVRES

(ancien marché exotique) > Le cours des 50 otages et l’Erdre > L’ancien passage de la Loire > Le Temple du goût > Les ferronneries des balcons > Les mascarons et les porches des hôtels > Les noms des rues > Ecrits des armateurs > Textes de CHEMETOFF et ROTA sur la ville > Rassemblements aux alentours du 10 mai > Conférences avec des historiens comme Olivier PETRE-GRENOUILLEAU > Evénements d’associations > La coulée verte d’Italo ROTA > Espace d’exposition - artistes contemporains


Ile Feydeau

133 le méridien à Paris


- Programmation et enjeux selon les lieux -

Quai des antilles ENJEUX

> PEDAGOGIE

> INTERACTION > MILITANTISME > ENGAGEMENT

ACTEURS > CITOYENS

> SOCIOLOGUES > PHILOSOPHES

> Comprendre le trajet de la traite > Constitution d’un bateau négrier > Marchandises échangées en Afrique > Reconstituer des éléments disparus > Proposer le quartier comme lieu de création et comme support pédagogique > Créer une place forte pour les associations > Proposer un pôle de rencontre pour les citoyens

> Citoyens nantais qui s’intéressent > Visiteurs occasionnels pour ces évènements > Intervenants occasionels sur des sujets variés passés et actuels en lien avec le musée, en lien avec le Château > Intervenants occasionels sur des sujets variés passés et actuels en lien avec le musée

MéDIUMS > OBJETS D’EPOQUE > Les chantiers navals et la Prairie au Duc > OBJETS ACTUELS

> TEXTES

> CONFERENCES > OEUVRES

> Les chemins de fer vers Beghin Say > Le hangar à bananes > Utilisation de l’image de la personne noire (banania...) > Photographies contemporaines sur l’esclavage actuel > Poèmes d’Aimé CESAIRE et autres... > Textes philosophiques et sociaux > Rassemblements aux alentours du 10 mai > Conférences avec des historiens comme Olivier PETRE-GRENOUILLEAU > Evénements d’associations > Oeuvres d’artistes contemporains comme El ANATSUI ou Romuald HAZOUME > Les machines de l’île


Quai des Antilles

135

site archĂŠologique


- Programmation et enjeux selon les lieux -

Le château des ducs ENJEUX

> PEDAGOGIE

> INTERACTION

ACTEURS > CITOYENS

> MEDIATEURS

> Salles 8 à 18 sur la traite : > Fonctionnement de la traite au 18ème > Vie des armateurs négriers > Principes et règles du commerce > Traces de la traite aux Antilles et en Afrique > Parcours avec thématiques : > Enfants, Fabrication de toile-marchandise (Atelier) > Adultes, Les traces de la traite (Visite) > Les visites du 10 mai

> Visiteurs nantais de tout âge > Touristes de passage dans la ville > Groupes scolaires du primaire au lycée > Historiens ou chercheurs > Présence quotidienne dans le lieu > Organisation de visites guidées et d’ateliers

MéDIUMS > OBJETS D’EPOQUE > Les documents maritimes et commerciaux > DOCUMENTS INTERACTIFS

> TEXTES

> TEMOIGNAGES > OEUVRES

> Les objets d’intérieur des armateurs > Le matériel de séquestration et de torture > Les objets de troc en Afrique > Mise en scène des plantations > Reconstitution d’un bateau négrier > Documents vidéos, animés et sonores > Le code noir de COLBERT > Registres maritimes des transactions > Textes actuels sur l’esclavage > Ecrits d’époque entre armateurs > Ecrits d’esclaves et de propriétaires > Objets de la vie quotidienne des esclaves > Documents iconographiques et peintures > La sculpture saccagée de 1998 > Les affiches des différentes commémorations > Les photographies de Christian LERAY


Château des Ducs

137

mise en scène existante au Château



Intentions / C > esquisses

139

conclusion Le projet devra prendre en compte les différentes échelles de point de vue et souligner l’objet comme le paysage. Deux types de structures entrent alors en compte ; l’une viendra souligner la trace et l’autre l’expliquera, l’explicitera. Cette embivalence nécessaire permettra d’effectuer un allerretour entre les échelles de perception, tout en

préservant l’objet d’interventions trop lourdes. Il faut aussi s’interroger sur la pertinence d’une hériarchisation de l’information entre les différents lieux. Les entrées sur ce parcours sont multiples et ne le réclament pas forcément. Laisser au visiteur le soin de construire son propre parcours, tout en lui donnant les clefs de compréhension du projet.


- maquette d’Êtude de la ville de nantes -

tour bretagne

place du c

hangar Ă banane


141

gare sncf

lieu unique

commerce

CHU

nœuds d’intervention

Les lieux de l’esclavage



143

Conclusion « Je n’ai pas de recommandations ; parlons plutôt d’alchimie. Choisir le chemin le plus difficile : ne penser au passé que comme objet d’études - puis l’oublier. Nous ne pouvons pas avancer avec le poids de l’Histoire. Rien ne nous dit qu’elle nous est favorable. Ne pas trop réfléchir au présent. Etre résolument tourné vers le futur. Un véritable architecte, un véritable urbaniste, ne doit pas s’abstraire du chaos. Il doit y plonger ». Massimiliano Fuksas Chaos Sublime (aux éditions ARLEA, mars 2010)

Le sujet des mémoires de l’esclavage est à multiples facettes. Ce projet urbain et pédagogique explore l’une d’entre elles. Il apporte un support de diffusion au coeur de la ville et auprès des citoyens. Il est difficile de parler du passé négrier nantais et de ses répercussions ; et un tel projet comporte surement des parts d’incertitude quant au résultat face à la population. Ce projet se propose d’être un relais au musée du Château des Ducs de Nantes au travers de systèmes muséographiques adaptés au parcours urbain. Il s’agit d’aller chercher le visiteur dans sa promenade, de le renseigner, de l’intéresser. Ainsi, ce parcours devra être repérable sans pour autant dénaturer le paysage. Il serait dommage de ne pas profiter des traces encore existantes de cette histoire. Car si ce passé reste douloureux il a cependant fait naître la ville de Nantes. Parler de l’esclavage aujourd’hui c’est ouvrir la porte à un véritable dialogue entre populations. Ces hommes et femmes ont droit à une reconnaissance. Car au delà de la pédagogie, du souvenir, ou de son caractère tristement actuel, la traite raisonne encore tous les jours dans son ignorance auprès de l’ensemble de la population.


- extraits du carnet de voyage de loustal (ĂŠdition 1997-99) -


Les plages du Bénin, lieu de départ des bâteaux négirer pour l’Amérique. Ci-dessous la plage de Ouidah et de la «Porte du Non-Retour».

145



147

mémoire(s) de l’esclavage

Corpus de l' esclavage

de Nantes

> François GAUDUCHEAU (réalisateur), Mémoire blanche, documentaire G.F.Production, Nantes, 1992. > Yvon CHOTARD (dir.), (Catalogue d’exposition des) Anneaux de la Mémoire, éd. CIM Corderie Royale, Nantes, 1992. > Yvon CHOTARD (dir.), Cahier n°1 des Anneaux de la Mémoire, La traite esclavagiste, son histoire, sa mémoire, ses effets, éd. Les Anneaux de la Mémoire, Nantes, 1999. > Claude SAVARY et Gilles LABARTHE, (Catalogue d’exposition de) Mémoires d’esclave, éd. du Musée d’ethnographie de Genève, Genève (Suisse) 1997. > Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, L’argent de la traite : milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, éd. Aubier, Paris, 1996. > http://www.lesanneauxdelamemoire.com/ > http://outremer44.org/

> Chantal CORNET, Le comblement de la Venise de l’Ouest, éd. C.M.D., Montreuil, 1996. > Alain CROIX, Hélène CAYEUX, Thierry GUIDET - Nantes, intelligence d’une ville, éd. Ouest France, Rennes, 1993. > Alain CROIX (dir.), La Bretagne, d’après l’itinéraire de Monsieur Dubuisson Aubenay, éd. Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2006. > Collectif de 30 auteurs dirigé par Alain CROIX, Nantais venus d’ailleurs, éd. Presses universitaires de Rennes, Bonchamp-les-Laval, 2007. > Thierry GUIDET (rédac chef) revue Place Publique n°01 et n°18 et hors série Les chroniques de l’île de Nantes (1,2 et 3). > Didier GUYVARC’H (dir.), La mémoire d’une ville, vingt images de Nantes, éd. Skol Vreizh, Morlaix, 2001. > Alain-François LESACHER, Monique SCLARESKY, Hélène CAYEUX, Nantes Hier et Aujourd’hui, éd. Ouest France, Tours, 1995. > Stéphane PAJOT, Nantes la Jolie, photographies inédites de la mémoire d’une ville, éd. D’Orbestier, Château d’Olonne, 2005. > Yves ROCHECONGAR, Des navires et des hommes, de Nantes à St Nazaire, deux mille ans de construction navale, éd. Maison des Hommes et des Techniques, Nantes, 1999. > Gilles SALAUN (rédac chef) Neptuna n°305 revue d’histoire de Nantes, ville de culture, éd. Société Académique de Nantes et de Loire-Atlantique, octobre 2009, Neptuna n°304 mars 2009. > http://www.nantes.fr/ > http://www.revue-placepublique.fr/

de la memoire > Christine DESMOULINS, 25 musées, éd. AMC le Moniteur, Paris, 2005. > Johann MICHEL, Gouverner les mémoires,Les politiques mémorielles en France, éd. Presses universitaires de France, Paris, 2010. > Paul RASSE, Les musées à la lumière de l’espace public, éd. l’Harmattan, Condé-sur-Noireau, 2004. > Paul RICOEUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, éd. du Seuil, Lonrai, 2000. > Alexis SPIRE, Accueillir ou reconduire, enquête sur les guichets de l’immigration, éd. Raisons d’agir, Paris, 2008. de l' architecture en general > Massimiliano FUKSAS, Chaos sublime, Notes sur la ville et carnet d’architecture, éd. ARLEA, 2010. > Catherine MAUMI, Pour une poétique du détour Rencontre autour d’André CORBOZ, éd. de la Villette, Paris, 2010. > Pierre MICHELONI, Alain BORIE, Pierre PINON, Forme et déformation des objets architecturaux et urbains, éd. Parenthèses, Saint-Etienne, 2006. > Alex SANCHEZ VIDIELLA, L’architecture du paysage, éd. booqs, 2010


Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l’Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n’est point vrai que l’oeuvre de l’homme est finie que nous n’avons rien à faire au monde que nous parasitons le monde qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde mais l’oeuvre de l’homme vient seulement de commencer et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. Aimé CESAIRE

( extrait de Cahier d’un retour au pays natal, Ed. Présence africaine )


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