Thomas Dunford
John Dowland (1563-1626) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Præludium 1’23 Come again - Tutti 4’34 Fortune 2’51 The King Of Denmarke, his Galliard 3’13 I saw my Lady weepe – Paul Agnew & Alain Buet 5’53 Flow my teares – Ruby Hugues & Alain Buet 4’32 Semper Dowland, Semper Dolens 7’21 Sorrow stay – Ruby Hugues & Alain Buet 3’22 Mellancoly Galliard 3’23 Can she excuse – Tutti 2’26 A Dream 5’45 Go cristall teares – Tutti 3’42 Lachrimæ 6’03 Frog Galliard 2’03 Now, O now I needs must part – Tutti 4’24
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Remerciements Je tiens à remercier Claire Antonini, qui m’a appris le luth et m’en a donné le goût, Pascale Boquet dont la générosité m’a permis d’avoir mon premier luth et ma première méthode, Charles Edouard Fantin pour son exigence, Eugène Ferré qui a été un professeur attentionné, Paul O’dette dont les enregistrements et l’enseignement on été une grande source d’inspiration, Hopkinson Smith qui m’a tant appris et donné et pour qui j’aurai toujours une gratitude infinie d’avoir été mon maître, John Dowland pour sa musique merveilleuse, les musiciens extraordinaires qui ont eu confiance en moi et m’ont généreusement transmis leur art, Julien Dubois pour sa confiance, Aline Blondiau qui a été un partenaire génial par son investissement, Ruby Hughes, Reinoud Van Mechelen, Paul Agnew et Alain Buet avec qui j’ai eu le bonheur d’enregistrer cette musique, ma famille et mes amis pour tout ce qu’ils m’ont apporté, ma sœur Emily Dunford qui m’a toujours compris et aidé et en particulier mes parents, Sylvia Abramowicz et Jonathan Dunford pour m’avoir donné leur bienveillance, leur soutien et l’amour de la musique.
Illustrations
Couverture du livret : John Dowland, fugue manuscrite, DR Digipack : anonyme, 1577, Portrait of George Delves and a Female Companion Huile sur panneau en chêne Dimensions : 218,5 x 133,5 cms © Walker Art Gallery, Liverpool
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Thomas Dunford luth & direction Luth de Paul Thomson, 2006 Ruby Hugues soprano Reinoud Van Mechelen ténor Paul Agnew ténor Alain Buet basse
Enregistrement des pièces vocales les 11 & 12 juillet 2012 à l’église Évangélique Luthérienne de l’Ascension, Paris 17, France Enregistrement des pièces pour luth les 21 & 22 août 2012 au Studio 4, Flagey, Belgique Prise de son, direction artistique, montage & mastering : Aline Blondiau Direction de production & photos du livret : Julien Dubois Graphisme : Sarah Lazarevic
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Alain Buet
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Splendeur et mélancolie La délicatesse et la mélancolie propres à l’esthétique élisabéthaine se retrouvent aussi bien dans les notes de John Dowland que dans les teintes et la facture de ce tableau anonyme (1577). Ce dernier se trouve dans la collection de la Walker Art Gallery de Liverpool depuis les années 1950. Les éléments biographiques, poétiques et picturaux entrent ici en résonnance avec les œuvres de Dowland et illustrent la splendeur de l’époque et la tristesse des sentiments. Grâce à la devise lisible sur le fanion à terre, on a pu déduire que l’homme représenté est George Delves, contemporain de Dowland. Cet officier de l’armée a été représentant de la reine Elisabeth Ire en Irlande. Sa superbe élégance, presque prétentieuse, est mise en valeur par la couleur jaune, qui habite réellement le tableau, jusque dans la plume de son chapeau. Toutefois, malgré ce statut de haut-diplomate, l’ambition de la gloire pour le Royaume d’Angleterre et la contrainte de tenir son rang social le détruisent. Cette ambiguïté se retrouve dans l’inscription en italien visible en haut du tableau : « Rien n’est plus important que l’amour et la renommée ». Le grand décalage se ressent aussi dans la représentation très conventionnelle de l’homme avec son armure et son domaine au jardin idéal, au côté d’une femme quasiment hors du cadre qui l’entraine loin des guerres et des splendeurs de ce château. Plusieurs interprétations de ce tableau sont envisageables. Une armure abandonnée et une lance brisée jonchent le sol aux pieds de cet homme. Peut-être vient-il trouver du réconfort auprès de sa bien-aimée ? Ou aurait-il lui-même cassé sa lance pour éviter de retourner en Irlande ? Ne représentant certainement pas l’une de ses deux épouses,
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la femme vêtue de noir est cachée par une branche de myrte, feuillage symbolisant la déesse de l’amour, Vénus. Effet scandaleux pour l’époque, elle est en bordure de tableau, ne dévoilant qu’une partie de sa silhouette. Comme si, par ce biais, le peintre voulait évoquer un amour caché et la douleur des sentiments non exprimés. Ce thème de l’amour impossible est aussi l’un des grands sujets évoqués dans les ayres, ces chansons anglaises de la fin du xvie siècle, composées entre autres par Dowland. L’homme et la femme ont ôté leurs gants pour se tenir la main discrètement, du bout des doigts. Le regard intérieur de George Delves, résigné au désespoir, renvoie notamment à la tristesse de la chanson I saw my Lady weepe ( J’ai vu ma dame pleurer) de Dowland. On pense aussi aux Lachrimæ de son recueil éponyme, constitué de danses pour ensemble instrumental, telles que des pavanes mais aussi des gaillardes, danses favorites d’Élisabeth Ire. Le compositeur le dédie d’ailleurs à la Reine Anne, épouse de Jacques Ier et sœur du roi du Danemark Christian IV, dont il a été le luthiste officiel. Avec ce recueil, il espère enfin la reconnaissance de la cour d’Angleterre que lui avait toujours refusée la reine Elisabeth Ire. Avec de tels éléments provocants et impensables pour l’époque, le peintre a peut-être résolument voulu rester anonyme pour oser tant de non-dits et tant d’ambiguïtés techniques et même allégoriques dans ce tableau. Gabrielle Oliveira Guyon
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Thomas Dunford
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Ruby Hugues, Reinoud Van Mechelen, Paul Agnew
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Splendour and melancholy The delicacy and melancholy that are so typical of the Elizabethan aesthetic appear in the music of John Dowland and in the colours and style of painting of this anonymous portrait of 1577, acquired by the Walker Art Gallery in Liverpool in the mid-1950s. The biographical, poetic and pictorial elements found here are in tune with the works of Dowland; they illustrate the splendour of that age and the sadness of the feelings expressed. From the coat-of-arms (bottom right) and the family motto, ‘Defy Fortune’ (visible on the pennant lying on the ground beyond the discarded suit of armour), it has been deduced that the man portrayed is George Delves, a contemporary of John Dowland and an officer in Queen Elizabeth I’s army in Ireland. The man we see is superbly (almost ostentatiously) elegant, his predominantly yellow clothing (including the feather in his cap) making him stand out, and the black of his cap and the cloak on his arm drawing attention to other figure in the picture. The two verses in the painting tell us that, despite his high status as a diplomat, this gentleman is not happy with his life. The inscription written in Italian in the top left-hand corner reads ‘I value only love and fame’, and the man is indeed standing between love and fame (represented amongst others by the leaves on either side of the painting – myrtle and bay). There is a noticeable contrast between the very conventional representation of the man with his armour and his estates, and the woman, almost out of the frame, who is leading him away from war and the splendours of court life. Several interpretations of this picture are possible. An abandoned suit of armour and a
broken lance lie on the ground at the man’s feet. Has he come to seek solace in the company of the woman he loves? Did he himself break the lance – a sign that he does not wish to return to Ireland? The woman in black, her face hidden behind a sprig of myrtle (attribute of the goddess of love, Venus), is probably neither of his two wives. She is no doubt an allegorical figure. Cut off quite daringly by the edge of the picture, she is only partly visible, as if the painter wished thereby to evoke a secret love and the sorrow of unexpressed feeling. Impossible love is also a common theme in the late sixteenth-century English songs, or ayres, of which Dowland was a leading exponent. The man and woman are shown discreetly hand in hand, each having removed a glove; she appears to be leading him. George Delves’s expression reminds us of the sadness of songs such as Dowland’s ‘I saw my Lady weepe’, and of the ‘Lachrimæ’ in his Lachrimæ, or Seaven Teares, consisting of consort music, pavans but also galliards and ‘almains’ – favourite dances at the English court. The composer dedicated the latter book to Queen Anne (wife of James I and sister of Christian IV of Denmark, for whom he was then working), apparently in an attempt to ingratiate himself with the English court, where he wished at last to obtain the official position that had been refused to him by Elizabeth I. The provocative aspects of this painting – unthinkable at that time – make us wonder whether the artist did not remain anonymous simply out of a desire to be free to leave things unsaid and present technical and even allegorical ambiguities to his heart’s content. Gabrielle Oliveira Guyon Translation: Mary Pardoe
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De la délicatesse élisabéthaine au luth de John Dowland Le long règne de la dernière représentante de la dynastie des Tudors, la reine Elisabeth Ie, élève l’Angleterre au rang des grandes puissances. Indépendamment de la guerre anglo-espagnole qui débute en 1585, les quarante-cinq années de règne d’Elisabeth Ie n’apaiseront pas le conflit religieux qui oppose catholiques et protestants. D’une grande culture et multilingue, elle valorise, subventionne et encourage les arts, créant ainsi un véritable vivier florissant, notamment dans le domaine du théâtre sous l’impulsion de William Shakespeare. Cet incroyable essor artistique voit également fleurir une génération de compositeurs au prodigieux rayonnement : Thomas Morley, Thomas Weelkes, William Byrd ou encore John Dowland. Aux côtés d’une grande production de madrigaux, un genre nouveau typiquement anglais apparait, connaissant un extraordinaire succès : l’ayre, chanson accompagnée ici au luth. Se voyant refuser le poste de luthiste à la cour d’Angleterre, John Dowland (1563-1626) part à l’étranger entre la France, l’Allemagne, l’Italie et le Danemark. Il reste malheureusement peu de traces ou témoignages de ces voyages. Publié à Londres, il devient luthiste du roi Christian IV du Danemark entre 1598 et 1606 et lui dédie une de ses fameuses gaillardes pour luth seul, The King of Denmarke, his galliard (plage 4). Ce n’est qu’en 1612 que Dowland parvient enfin à être luthiste à la cour d’Angleterre pour le roi Jacques Ier puis pour son successeur, Charles Ier. En écrivant majoritairement pour son instrument, le luth, il reste le représentant majeur de l’école anglaise des luthistes de sa génération, mais est également reconnu pour ses Ayres dans lesquelles il fait appel à de riches développements chromatiques et à un
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rythme dont la source est le texte, à l’image des airs de cour en France. Dowland explore un répertoire d’images sombres telles que la douleur, l’obscurité, la mélancolie, dans lesquels l’amour est souvent synonyme d’espoir ou de souffrance. Il a été longtemps convenu que les textes étaient d’auteurs anonymes, mais beaucoup d’éléments dans ces derniers nous incitent à penser que Dowland aurait pu en être la source, notamment grâce à l’usage qu’il est fait des allégories qui enrichissent le discours de nombreux double-sens ou d’allusions érotiques (cf Come Again, dont les paroles font un usage explicite d’une sensualité exacerbée). C’est également à cette époque que le langage harmonique se développe et que Dowland s’enrichit des différentes rencontres qu’il fait au cours de ses voyages (on suppose qu’il eut l’occasion de rencontrer Caccini à Florence, il tint une correspondance avec Marenzio dont on a conservé les lettres). C’est tout naturellement que ces Ayres deviendront la base de pièces solistes qui seront reprises et adaptées par les contemporains de Dowland pour divers instruments. Ces transcriptions vont peu à peu se transformer, s’émanciper de leur modèle vocal afin de devenir de véritables pièces instrumentales autonomes, à jouer en société, ou seul dans son salon, et d’exprimer cette mélancolie si chère aux compositeurs de cette époque et qui caractérise si bien Dowland. En plus de ses nombreux airs isolés, Dowland écrit quatre livres de chansons pour voix et luth, parus entre 1597 et 1612. Le premier, The First Booke of Songs, connaît un grand succès à Londres et représente l’une des publications les plus importantes et influentes du moment. Une, deux, trois ou quatre voix sont possibles, à partir d’une même partition. La partie de luth est comme à son habitude écrite en tablature par Dowland. Ce premier livre sera d’ailleurs réimprimé plusieurs fois pour quelques modifications, tant 16
au niveau du texte que de la musique. Composé au Danemark, The second Booke of Songs est édité à Londres en 1600. Trois ans plus tard, parait The Third and last Booke of Songs avec cette annotation de la part du compositeur : « L’approbation de ceux qui jugent est l’encouragement de ceux qui écrivent : mes deux premiers livres d’airs font si belle carrière qu’ils en ont engendré un troisième », prouvant ainsi à quel point il est conscient de sa renommée. Une fois réinstallé à Londres, il compose en 1612 un nouveau recueil, A Pilgrimes Solace, pour trois, quatre ou cinq parties pour luth et violes. À l’image de la liberté d’exécution qu’il pouvait y avoir à l’époque, nous avons pris le parti de nous amuser avec les différentes versions possibles d’une même pièce, d’alterner les moments solistes et les moments de convivialité musicale, telle que nous pouvons les observer dans la riche iconographie des xvie et xviie siècles, qui souligne l’existence d’une pratique domestique très répandue, partout en Europe. Les airs Come again, Can she excuse, Go Crystal Teares et Now o now proviennent du premier livre, ici tous interprétés en tutti : les quatre voix (soprano, deux ténors, une basse) sont accompagnées par le luth. Dowland précise sur la première page de son recueil que chaque air peut être chanté seul ou à plusieurs, toujours avec accompagnement. Le très théâtral Come again (plage 2), voit l’émotion passer de l’enthousiasme au désespoir. L’alternance des parties tutti ou à voix seule nous a été dictée par l’usage du symbole et de l’allégorie, deux piliers du système de pensée du baroque naissant. En effet, comme nous l’avons évoqué plus haut, les textes de Dowland peuvent avoir plusieurs niveaux de lecture, nous poussant à « personnifier » les strophes grâce à l’alternance des voix. Théâtre et musique sont à l’époque deux arts complémentaires et l’esprit des textes
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de Dowland est proche de la poésie de Shakespeare. Les paroles de la chanson Can she excuse (plage 10) auraient pu être écrites par le Comte d’Essex, Roger Devereux, favori de la Reine Elisabeth Ie puis disgracié. Comme souvent, il existe une version instrumentale publiée par Dowland : The Earl of Essex, his gaillard. L’air Now o Now (plage 15) et la Frog Gaillard - que Thomas Dunford interprète sur la plage précédente (Plage 14) sont un autre exemple éloquent des ponts qui existent entre différentes versions. Les airs extraits du deuxième livre de chansons, I saw my lady weep, Flow my teares et Sorrow, stay sont interprétés à deux voix avec accompagnement de luth. La seconde voix (ici, la voix de basse) double la partie de basse du luth comme dans la majorité des chansons du recueil. I saw my lady weep (plage 5) est une tendre chanson d’amour qui, d’après Diana Poulton, pourrait s’adresser à la belle Lady Lucie, Comtesse de Bedford. Les premières traces de la pavane Lachrimæ (plage 13) pour luth seul en sol mineur remontent à l’année 1596. On la trouve adaptée pour voix et accompagnement dans ce « deuxième livre d’airs » en 1600 sous le titre Flow my tears (plage 6). Le motif de la larme constitué de quatre notes descendantes qui débute le morceau est représentatif des nombreux figuralismes qui caractérisent le discours de Dowland. Dowland inclura sept Lachrimæ dans son important recueil de pièces instrumentales « Lachrimæ, ou Sept Larmes » (1604), considéré comme un monument de la musique anglaise. Il comporte vingt-et-une pièces pour consort de violes et luth. Cette formation connaît une vogue particulière en Angleterre pour sa richesse polyphonique, son homo18
généité de timbres et la richesse de son écriture contrapuntique. La mélancolie élisabéthaine se ressent particulièrement dans l’autoportrait Semper Dowland, Semper dolens (plage 7) associant, par un subtil jeu de mots, le propre nom du compositeur à la souffrance. Dans un monde en proie aux extrémismes religieux et politiques, face au développement spectaculaire de l’imprimerie et à l’émergence d’esthétiques nouvelles, Dowland s’affirme dans sa musique comme un homme désireux de reconnaissance et de liberté. Il est intéressant de constater que le thème de l’amour - souvent associé à la souffrance - et de la mélancolie trouvent de nos jours un écho si fort, à l’image de l’œuvre de Dowland et ce, après quatre siècles d’existence… Gabrielle Oliveira Guyon
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John Dowland’s lute music: Elizabethan delicacy After sacred music had predominated in the fifteenth and early sixteenth centuries, the secular genre gradually developed, taking English music to its apogee from 1580 onwards. That ‘golden age’ corresponded to the long reign (forty-five years) of the last Tudor monarch, Elizabeth I (1558–1603). Those years saw relative political stability, following and preceding eras of extensive upheaval. England rose to become a major power and its capital became a cultural and commercial centre where culture and learning thrived. Highly cultivated and speaking many languages, the queen appreciated, encouraged and subsidised the arts. She loved the theatre, and many of the greatest playwrights England has ever known, including William Shakespeare, Christopher Marlowe and Ben Jonson, were active during her reign. Likewise, music flourished, with a generation of composers of great influence, including Thomas Morley, Thomas Weelkes, William Byrd and John Dowland. Elizabethan musicians produced many madrigals, and a new and quintessentially English genre appeared: the ayre, which was to prove extraordinarily successful. Being more like a strophic song, it was less contrapuntal than the madrigal, and accompaniment was usually provided by the lute. Having failed to obtain a position in the Queen’s Musick in 1594, John Dowland (15631626) decided to embark on travels abroad, visiting Germany and Italy – he had already spent a year in Paris as ‘servaunt’ to Sir Henry Cobham, prior to his musical studies at Oxford – before then securing a position as court lutenist to the king of Denmark (1598 to 1606). His works were nevertheless published in London. Dowland finally obtained the position at the English court that his heart had been set on, when he became lutenist to James I in 1612. He was subsequently lutenist to Charles I.
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Dowland was one of the most famous lutenists and composers of his day, epitomising the Elizabethan artistic temperament with his sensitivity and his tendency to melancholy; but he was also noted for his Ayres in which he used rich chromatic developments and elaborate rhythms that, as in the French air de cour, enabled the music to keep very close to the text. Dowland explores a repertoire of sombre subjects, such as grief, gloom and melancholy, in which love is associated with both hope and suffering. It has long been agreed that the texts were anonymous, but many elements – notably the allegories that enrich the discourse with double-meanings or erotic allusions (see Come Again, for example) – suggest that Dowland may have written them himself. Also at that time his harmonic language developed and Dowland enriched his style through the various encounters he made in the course of his travels. He is presumed to have met Giulio Caccini in Florence, and is known to have exchanged letters with Luca Marenzio (the latter’s correspondence has survived). Quite naturally Dowland’s Ayres became the basis for solo instrumental pieces, which were taken up and adapted for various instruments by his contemporaries. These transcriptions were gradually transformed, as they freed themselves from their vocal models, becoming instrumental pieces in their own right, to be performed in society, or alone in private drawing rooms, but always expressing the melancholy of which composers of that time were so fond, and which is so typical of Dowland. In addition to his many isolated lute pieces, Dowland wrote four books of lute-songs (songs with lute accompaniment), which were published between 1597 and 1612. The First Booke of Songes or Ayres of Fowre Partes with Tableture for the Lute marked the beginning of the English lute-song tradition, enjoying enormous popularity; it was one of the most important and most influential publications of its time and was reprinted four 24
or five times during Dowland’s lifetime, with substantial revisions. The Second Booke of Songs or Ayres of 2, 4 and 5 parts: With Tableture for the Lute or Orpherian, with the Violl de Gamba, was composed in Denmark and published in London in 1600. It was followed three years later by The Third and Last Booke of Songs or Aires, also written while Dowland was in the employ of Christian IV of Denmark. In the ‘Epistle to the Reader’, the composer wrote: ‘The applause of them that judge is the encouragement of them that write: My first two books of ayres speed so well that they have produced a third. […] My labours for my part I freely offer to everie mans judgement, presuming that favour once attayned, is more easily encreased than lost.’ Dowland was clearly aware of his renown. Finally, after moving back to London in 1612 he presented a new collection, A Pilgrimes Solace: wherein is contained musicall harmonie of 3. 4. and 5 parts, to be sung and plaid with the Lute and Viols. In Dowland’s time there appears to have been great freedom in the performance of such compositions. Likewise we have chosen to have fun with the different versions of various pieces, alternating solo moments with moments of musical conviviality such as may be observed in the rich iconography of the sixteenth and seventeenth centuries, when the domestic practice of music was widespread all over Europe. ‘Come again: sweet love doth now invite’, ‘Can she excuse my wrongs’, ‘Go cristall teares’ and ‘Now, O now I needs must part’ are all taken from The First Booke of Songes or Ayres. Here they are performed by four voices (soprano, two tenors and bass) with lute accompaniment. They are often heard sung by a solo singer, but Thomas Dunford wished to present them ‘of fowre partes’, as Dowland specified in the title of the collection.
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In the dramatic ‘Come again’ [track 2] only the first and last stanzas are performed by all four singers; the four stanzas in between are taken by each of the singers in turn. The rhythm of the text is very important here, as the emotion shifts from enthusiasm to despair. Dowland composed the ayre ‘Now, O now I needs must part’ [track 15] after his lute piece ‘The Frog Galliard’ [track 14] – or perhaps vice-versa, for evidence is almost completely lacking as to the order of composition of these two pieces. ‘I saw my Lady weepe’, ‘Flow my teares’ and ‘Sorrow stay’ are taken from the Second Booke of Songes or Ayres of 2, 4 and 5 parts. Since each one has a fully-texted bass part supporting the solo line, they are performed here as duets with lute accompaniment. ‘I saw my Lady weepe’ [track 5] is probably addressed to the fair Lucie Harrington, Countess of Bedford, to whom the Second Booke of Songes is dedicated, while this piece bears the dedication ‘To the most famous Anthony Holborne’. Holborne, also a lutenist, was one of Dowland’s finest contemporaries. Even today ‘Flow my teares’ [track 6], featuring the very recognisable falling ‘teardrop’ motif (four descending notes, first heard at the beginning of the piece), is one of the most frequently performed of Dowland’s works. It was arranged from the pavan ‘Lachrimæ antiquæ’ [track 13], a lute solo in G minor, composed in 1596. The falling ‘teardrop’ motif later formed the foundation for Dowland’s greatest instrumental work, Lachrimæ or Seven Teares, figured in seaven passionate pavans with divers other Pavans, Galiards and Almands, set forth for the Lute, Viols, or Violins, in five parts (1604). This important collection of twenty-one pieces scored for a ‘broken’ (or mixed) consort of five viols and lute is regarded as a monument of English music. The combination of viols and lute was particularly appreciated in England at that time for its wealth of polyphonic possibilities, the homogeneity of its timbres and the complexity that could be achieved by its interwoven voices. These pieces express a
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contemplative mood that is typical of Dowland and his time. Elizabethan melancholy is felt strongly in the tearful piece from The Euing Lute Book (c.1620-1630, now in Glasgow University Library), ‘Semper Dowland, Semper Dolens’ [track 7] – a piece with a pun in its title. The association of Dowland’s name with ‘dolens’ (sorrowing) gives an indication of how the composer pronounced his name. In this musical self-portrait he quotes several of his own works, as if defining himself through Music. In a world suffering from religious and political extremism, at a time of spectacular developments in printing and of the emergence of new aesthetics, Dowland showed a keen desire for freedom in his music, and also an eagerness for recognition. It is interesting to note that the themes of love (often synonymous with suffering) and melancholy, which play such an important part in his works, are just as relevant to us today as they were four centuries ago. Gabrielle Oliveira Guyon Translation-adaptation: Mary Pardoe
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Reinoud Van Mechelen & Paul Agnew
2. Come again
2. Reviens !
Come again Sweet love doth now invite Thy graces that refraine To do me due delight, To see, to hear, to touch, to kiss, to die, With thee againe in sweetest sympathy.
Reviens : À présent le doux amour invite Ta grâce, qui s’abstient De m’accorder le plaisir, qui m’est dû, De te voir, t’entendre, te toucher, t’embrasser, Et de mourir avec toi dans la plus douce entente.
Come again That I may cease to mourn Through thy unkind disdain; For now left and forlorne I sit, I sigh, I weep, I faint, I die In deadly paine and endless miserie.
Reviens, Que je cesse de pleurer Sous ton cruel dédain ; Car à présent, seul et abandonné Je m’assieds, je soupire, je pleure, je défaille et je meurs En une douleur mortelle et un malheur infini.
All the day The sun that lends me shine By frownes do cause me pine And feeds me with delay; Her smiles, my springs that makes my joy to grow, Her frownes the Winters of my woe.
Tout le jour, Le soleil qui me prête son éclat Me fait soupirer lorsqu’il s’assombrit Et ne me nourrit que d’impatience ; Ses sourires sont les sources qui font croître ma joie, Sa froideur, les hivers de mon malheur.
All the night My sleepes are full of dreames, My eyes are full of streames. My heart takes no delight To see the fruits and joyes that some do find And marke the stormes are me assign’d. Out alas,
Toute la nuit, Mon sommeil est peuplé de rêves, Mes yeux sont baignés de larmes, Mon cœur ne se réjouit plus de voir Les fruits et les joies dont certains se délectent, Qui me rappellent que les tempêtes sont mon lot. Mais hélas !
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My faith is ever true, Yet will she never rue Nor yield me any grace; Her eyes of fire, her heart of flint is made, Whom tears nor truth may once invade.
Ma fidélité est toujours constante, Et pourtant jamais elle ne se repentira, Ni ne me cédera aucune de ses faveurs ; Ses yeux sont de braise, son cœur de pierre, Que ni les larmes, ni la loyauté ne sauront atteindre.
Gentle Love Draw forth thy wounding dart, Thou canst not pierce her heart; For I, that do approve By sighs and teares more hot than are thy shafts Did tempt while she for triumph laughs.
Doux Amour, Retire ta flèche qui meurtrit : Tu ne sauras percer son cœur : Car moi, qui le prouve Par des soupirs et des larmes plus brûlantes que tes dards, J’ai bien tenté, mais elle rit de son triomphe.
5. I saw my Lady weepe
5. J’ai vu ma Dame pleurer
I saw my Lady weepe, And Sorrow proud to be advanced so, In those fair eyes where all perfections keepe, Her face was full of woe; But such a woe (believe me) as wins more hearts, Than Mirth can do with her enticing parts.
J’ai vu ma Dame pleurer, Et la Douleur fière de s’avancer ainsi, Dans ces beaux yeux où réside toute perfection, Son visage est plein de deuil ; Mais un tel deuil (croyez-moi) lui gagne plus de cœurs, Que l’Allégresse ne le fait avec ses traits charmants.
Sorrow was there made fair, And Passion wise, tears a delightful thing, Silence beyond all speech a wisdom rare, She made her sighs to sing, And all things with so sweet a sadness move, As made my heart at once both grieve and love.
La Douleur fut rendue belle, Et la Passion sage, les larmes chose délicieuse, Le silence au-delà de toute parole une rare sagesse, Elle fit chanter ses soupirs, Et émut toute chose par sa tristesse si douce, De même qu’elle fit à la fois gémir et aimer mon cœur.
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O fairer than aught else The world can show, leave off in time to grieve, Enough, enough, your joyful looks excels, Tears kill the heart believe. O strive not to be excellent in woe, Which only breeds your beauty’s overthrow.
Ô plus belle que toute autre chose Que le monde puisse montrer, abandonne à temps l’affliction, Assez, assez, tes regards joyeux excellent, Les larmes tuent le cœur, crois-moi. Oh, ne lutte point pour exceller dans le deuil, Qui ne fait qu’accroître le déclin de votre beauté.
6. Flow, my teares
6. Coulez mes larmes
Flow, my teares, fall from your springs! Exil’d for ever, let me mourn; Where night’s black bird her sad infamy sings, There let me live forlorn.
Coulez mes larmes, jaillissez de vos sources ! Exilé à jamais : laissez-moi me plaindre ; Là où le noir oiseau de la nuit chante sa triste infamie, Laissez-moi vivre dans la solitude.
Down vain lights, shine you no more! No nights are dark enough for those That in despair their lost fortunes deplore. Light doth but shame disclose.
Cessez, lumières vaines, ne brillez plus sur moi ! Nulle nuit ne peut être assez sombre pour ceux Qui pleurent leur fortune perdu dans le désespoir. La lumière ne révèle que honte.
Never may my woes be relieved, Since pity is fled; And tears and sighs and groans my weary days Of all joys have deprived. From the highest spire of contentment My fortune is thrown; And fear and grief and pain for my deserts Are my hopes, since hope is gone.
Jamais mes douleurs ne s’apaiseront, Car la pitié a fui, Et les larmes, les soupirs et les gémissements Ont dépouillé mes jours las de toute joie. Du plus haut sommet du contentement, Ma fortune a été jetée bas ; Et la peur et l’affliction et la peine sont mon lot Et mes espoirs, puisque l’espoir est parti.
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Hark! you shadows that in darkness dwell, Learn to contemn light Happy, happy they that in hell Feel not the world’s despite.
Écoutez, ombres qui vous mouvez dans l’obscurité, Apprenez à mépriser la lumière Heureux, heureux ceux qui en enfer Ne sentent pas le dépit de ce monde.
8. Sorrow stay
8. Chagrin, demeure ici
Sorrow stay, lend true repentant tears, To a woeful wretched wight, Hence, Despair with thy tormenting fears: O do not my poor heart affright. Pity, help now or never, Mark me not to endless pain, Alas I am condemned ever, No hope, no help there doth remain, But down, down, down, down I fall, Down and arise I never shall.
Chagrin, demeure ici, accorde ces larmes de vrai repentir À un être désolé et plein de deuil, Éloigne-toi, Désespoir, toi et tes peurs qui me tourmentent : Oh, n’effraie point mon pauvre cœur. Pitié, assiste-moi maintenant, ou ne m’assiste jamais, Ne me désigne pas pour une peine sans fin, Hélas, je suis à jamais condamné, Nul espoir, nulle assistance ne me reste, Mais tout en bas, tout en bas, tout bas je tombe, Tout en bas et jamais ne me relèverai.
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10. Can she excuse my wrongs
10. Peut-elle excuser mes torts
Can she excuse my wrongs with Virtue’s cloak? Shall I call her good when she proves unkind? Are those clear fires which vanish into smoke? Must I praise the leaves where no fruit I find? No, no; where shadows do for bodies stand, Thou may’st be abus’d if thy sight be dim. Cold love is like to words written on sand, Or to bubbles which on the water swim. Wilt thou be thus abused still, Seeing that she will right thee never? If thou canst not o’ercome her will, Thy love will be thus fruitless ever.
Peut-elle excuser mes torts avec le manteau de la Vertu ? La qualifierai-je de bonne alors qu’elle se montre cruelle ? Sont-ils clairs, ces feux qui disparaissent en fumée ? Dois-je louer les feuilles alors que je n’y trouve nul fruit ? Non, non, là où à la place des corps se tiennent les ombres, Tu peux être abusé si ta vue n’est pas claire. L’amour froid est comme ces mots écrits sur le sable, Ou comme ces bulles qui flottent sur l’eau. Seras-tu ainsi toujours abusé, Voyant que jamais elle ne te fera justice ? Si tu ne peux nullement vaincre sa volonté, Ton amour jamais ne portera de fruit.
Was I so base, that I might not aspire Unto those high joys which she holds from me? As they are high, so high is my desire, If she this deny, what can granted be? If she will yield to that which reason is, It is reason’s will that love should be just. Dear, make me happy still by granting this, Or cut off delays if that I die must. Better a thousand times to die Than for to love thus still tormented: Dear, but remember it was I Who for thy sake did die contented.
Etais-je si vil que je ne pouvais aspirer A ces hautes joies qu’elle conserve loin de moi ? Plus hautes elles résident, plus grand est mon désir, Si elle me refuse cela, que puis-je obtenir ? Si elle cède à ce que veut la raison, C’est la volonté de la raison qu’amour soit justice. Chère, fais mon bonheur en m’accordant cela, Ou écourte l’attente si je dois mourir. Mieux vaut mourir mille fois Que de vivre ainsi dans les tourments d’amour. Chère, souviens-toi cependant que ce fut moi Qui expirais pour ton amour avec contentement.
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12. Go Cristall Teares
12. Partez, larmes de cristal
Go cristall teares, like to the morning show’rs And sweetly weep into thy lady’s breast. And as the dews revive the drooping flow’rs, So let your drops of pity be address’d, To quicken up the thoughts of my desert, Which sleeps too sound whilst I from her depart.
Partez, larmes de cristal, telles les averses du matin, Pleurer doucement dans le sein de votre Dame, Et comme la rosée ravive les fleurs qui se fanent, Que vos gouttes, lui inspirant la pitié, Ravivent en elle les souvenirs de mon mérite, Qui dorment trop profondément lorsque d’elle je suis loin.
Haste restless sighs, and let your burning breath Dissolve the ice of her indurate heart, Whose frozen rigour like forgetful Death, Feels never any touch of my desert: Yet sighs and tears to her I sacrifice, Both from a spotless heart and patient eyes.
Hâtez-vous, soupirs fébriles ; que votre souffle brûlant Fonde la glace de son cœur endurci, Dont la froide rigueur, comme la Mort oublieuse, L’empêche de reconnaître le moindre de mes mérites, Alors qu’à elle je sacrifie les soupirs et les larmes, Venus d’un cœur pur et de mes yeux patients.
15. Now, O now, I needs must part
15. Maintenant, ô maintenant je dois partir
Now, Oh now I needs must part, Parting though I absent mourn. Absence can no joy impart: Joy once fled cannot return. While I live I needs must love, Love lives not when Hope is gone. Now at last Despair doth prove, Love divided loveth none.
Maintenant, ô maintenant je dois partir, Bien qu’en partant je gémisse de cette absence. L’absence ne peut prodiguer aucune joie : La joie une fois enfuie ne peut revenir. Alors que je vis, je dois aimer, L’Amour ne peut vivre si l’Espoir s’est enfui. Maintenant, enfin, le Désespoir le montre, Nul ne peut aimer séparé de son amour.
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Sad despair doth drive me hence; This despair unkindness sends. If that parting be offence, It is she which then offends.
Le triste désespoir me conduit au loin ; Ce désespoir me mène à la méchanceté. Si ce départ est une offense, C’est elle qui m’offense.
Dear when I from thee am gone, Gone are all my joys at once, I lov’d thee and thee alone, In whose love I joyed once. And although your sight I leave, Sight wherein my joys do lie, Till that death doth sense bereave, Never shall affection die. Sad despair, etc.
Chère, quand je serai loin de toi, Toutes mes joies à la fois s’en iront, Je t’aimais et n’aimais que toi, Et dans cet amour jadis je trouvais ma joie. Et bien que de ta vue je m’en aille, Cette vue où résident toutes mes joies, Jusqu’à ce que la mort dérobe mes sens, Jamais ne mourra mon affection. Le triste désespoir…
Dear, if I do not return, Love and I shall die together. For my absence never mourn Whom you might have joyed ever; Part we must though now I die, Die I do to part with you. Him despair doth cause to lie Who both liv’d and dieth true. Sad despair, etc.
Chère, si je ne reviens point, Amour et moi mourrons ensemble. Car ne déplore jamais mon absence Moi que tu aurais pu rendre à jamais heureux, Nous devons nous séparer, maintenant je meurs, Je meurs pour me séparer de toi. Celui que le désespoir conduit à la mort, Celui-là a vécu et meurt fidèle. Le triste désespoir… Traduction : Mary Pardoe (2, 12) DR (5, 6, 8, 10, 15)
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