‘Fugues’ for solo violin - Tedi Papavrami

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ZIG-ZAG TERRITOIRES

TEDI PAPAVRAMI VIOLON SEUL BACH, PAGANINI, BARTテ適, SCARLATTI, YSAナクE


TEDI PAPAVRAMI VIOLON SEUL

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BACH, PAGANINI, BARTÓK, SCARLATTI,YSAŸE DISC 1 & 2: J.S. BACH: SONATAS & PARTITAS / YSAŸE: SONATA no.2 DISC 3: BARTÓK / J.S. BACH: SONATA & VIOLIN TRANSCRIPTIONS (MADE BY TEDI PAPAVRAMI) DISC 4 & 5: PAGANINI: 24 CAPRICES FOR SOLO VIOLIN, OP. 1 DISC 6: SCARLATTI: VIOLIN TRANSCRIPTIONS

Le sentiment de liberté que j’ai toujours trouvé dans le répertoire pour violon seul – une liberté chèrement payée par son exigence instrumentale – m’a poussé depuis mon plus jeune âge à m’y confronter quotidiennement et, plus tard, tenter de l’enrichir à travers mes propres transcriptions. Une émotion singulière est produite à l’écoute de cet instrument lorsqu’il n’est pas accompagné par d’autres ; souvent elle s’ajoute à celle que provoque la musique elle-même. Pour autant les chefs-d’œuvres n’ont heureusement pas manqué dans ce répertoire qui demeure restreint : de Bach à Bartók, en passant ici par Scarlatti, Paganini et Ysaÿe, il représente pour moi l’essence même du lien solitaire et fusionnel qui s’établit entre un violoniste et son violon. Tedi Papavrami

The impression of freedom I have always felt in the literature for unaccompanied violin – a freedom that exacts a high price in terms of instrumental rigour – has led me from an early age to confront that repertoire on a daily basis and, later, to try to enrich it with my own transcriptions. One feels a very special emotion listening to the instrument when it is not accompanied by others, which often adds to the emotion produced by the music itself. Though limited in size, this repertoire has no lack of masterpieces to offer, from Bach to Bartók, by way of Paganini, Ysaÿe and, here, Scarlatti. It represents for me the very essence of the solitary, symbiotic bond that grows up between a violinist and his violin. Tedi Papavrami

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BACH, PAGANINI, BARTÓK, SCARLATTI,YSAŸE DISC 1 & 2 Johann Sebastian Bach (1685-1750) - The Six Sonatas & Partitas Recording producer, sound engineer, editing, mastering : Jean-Martial Golaz Recording : August-September 2004, Studio Tibor Varga- Grimisuat (Switzerland) Violin: anonymous Italian, Bow: Nicolas Maline Eugène Ysaÿe (1858-1931) - Sonata no.2 in A minor, op. 27 no.2 ‘Jacques Thibaud’ (release date: autumn 2013) DISC 3 Béla Bartók (1881-1945) - Johann Sebastian Bach (1685-1750) Sonata & violin transcriptions (made by Tedi Papavrami) Recording producer, sound engineer, editing, mastering : Jean-Martial Golaz Recording : 14-15/06/2008 (3-6), 4-6/07/2010 (1-2, 7-12), Salle de musique, La Chaux-de-Fonds (Switzerland) Violin: Christian Bayon 2005, Bow: Edwin Clement

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DISC 4 & 5 Niccolò Paganini (1782-1840) - 24 caprices for solo violin, Op. 1 Live recording : Nekkei Hall, Tokyo, 19/04/2001. Sound recording: Hiroshi Okada, Mastering: Jean-Martial Golaz Studio recording : Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (France), 1997 Recording producer, sound engineer, editing, mastering: Jean-Martial Golaz Publisher : Ricordi Violin: Giovanni Battista Guadagnini 1782, Bow: Dominique Peccatte DISC 6 Domenico Scarlatti (1685-1757) - Violin transcriptions Recording producer, sound engineer, editing, mastering : Jean-Martial Golaz Recording : Studio Tibor Varga – Grimisuat, June 2006 Violin: Christian Bayon 2005, Bow: Jean Pierre Marie Persois


© Benjamin De Diesbach

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À ASTRID


Jacques Drillon. – Réunir des œuvres pour violon seul dans un coffret, est-ce payer un tribut à la solitude ? Tedi Papavrami. – Au quotidien, l’état normal du violoniste est la solitude. J. D. – Mais il joue rarement seul. T. P. – Tous les musiciens sont seuls dans le travail… Le pianiste l’est comme les autres. Mais une bonne partie de son répertoire est soliste aussi. Il est donc sans doute mieux préparé que nous à la solitude. Nous, violonistes, passons notre vie à jouer avec d’autres, en musique de chambre ou avec orchestre. J. D. – Le violon est assez unique à cet égard. Un corniste ou un tromboniste sait qu’il jouera dans un orchestre, un pianiste ou un organiste qu’il jouera en solo. Un violoniste, en revanche, ne joue en solo que s’il en fait l’effort, d’une certaine manière. Que s’il échappe à sa condition. T. P. – Eh oui ! Les journées de solitude sont longues, répétées, successives – en tout cas dans ma vie à moi, parce que je montre peut-être une exigence particulière. Et brutalement, on est lancé au milieu d’un orchestre, entouré de monde, de musiciens, de public… En enregistrant toutes ces œuvres solistes, j’ai essayé de rapprocher dans une cohérence unique le travail et la musique, d’être seul d’un bout à l’autre. La ligne mélodique, plus ou moins maigrichonne, a quelque chose de frustrant, et parfois de ridicule – chez soi, avant le résultat final. On ne construit jamais entièrement son édifice. On est tributaire de l’autre, des autres. On travaille une sonate, mais selon les pianistes, elle sera différente ! On n’est même pas responsable de tout le processus… Curieusement, alors que j’éprouve un certain soulagement à jouer une cadence de concerto, où je suis seul, j’ai souvent senti, comme auditeur, que le soliste se rétractait à ce moment-là, ou partait en vrille – comme si cette solitude soudaine lui devenait difficile à endurer. Bref, au fil du temps, j’ai recherché le répertoire solo, d’autant qu’il exige une grande maîtrise technique de l’instrument, qui ne s’acquiert que petit à petit. On ne peut plus rien camoufler. C’était aussi un défi, bien loin des buts nobles qu’on se fixe : c’était

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d’abord une affaire de gros bras, qui ne sert la musique que par la suite. J. D. – La solitude serait un but, alors : devenir capable d’être seul. T. P. – Oui, même si ce but et cet état surviennent très tôt. Paganini est arrivé sans tarder… J’ai travaillé le violon avec mon père, qui avait une vision à la fois morbide et terrifiée des Caprices, entretenue par l’échec, et par l’image diabolique de l’auteur… J. D. – Ces Caprices sont une pierre de touche ? Un mythe ? Etre Chateaubriand ou rien, pour un écrivain ? T. P. – Un peu, oui ! La perfection technique, avec une dimension échevelée, italienne, en même temps. Découvrir la version de Shlomo Mintz, quand j’avais douze ou treize ans, a été à la fois stimulant et effrayant. J’étais incapable d’en faire autant, mais je ne pouvais pas envisager de ne pas y arriver. Le mystère un peu lugubre s’estompe dès qu’on y atteint, évidemment. J. D. – Comme un fantasme enfin réalisé. T. P. – Oui, devenu presque banal. C’était beau, c’était riche, cet effroi… Mais l’on se met alors à s’occuper de musique, de caractère. Ce n’est pas si mal ! J. D. – Et pour Bach ? T. P. – Curieusement, c’est lui qui a démêlé l’écheveau technique de Paganini. Cela s’est passé entre seize et dix-neuf ans. J’avais un style différent de celui que j’ai aujourd’hui, mais je menais les deux de front. Et Bach m’a permis de calmer ma main, de la placer mieux, d’éviter les tensions excessives. Aujourd’hui encore, si je n’ai rien de particulier à travailler, je me tourne naturellement vers Bach. Rien ne donne autant de plaisir et n’exige autant de compétence instrumentale en même temps. J. D. – Pour le compositeur aussi, c’est un but : être capable d’écrire pour violon seul : le maximum réalisé avec le minimum. C’est vrai de Bach, de Paganini, d’Ysaÿe… Et notamment de Bartók, qui est peut-être celui qui demande le plus, et s’est demandé le plus à lui-même.

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T. P. – Oui, cela me fascine. Je me demande toujours comment Bartók a su avec autant de précision où étaient exactement mes limites ! Y compris dans les tempi : je ne pourrais pas enchaîner certains accords à un seul degré de métronome de plus qu’il ne demande. Peut-être a-t-il consulté Menuhin ? Mais Menuhin est obligé de ralentir considérablement… Et à l’inverse, peut-être qu’un autre serait capable de jouer encore plus vite ? C’est possible ; en ce qui me concerne, le jour où j’ai pu jouer la fugue au tempo demandé, j’étais très heureux… D’autant que les tempi demandés sont d’une justesse admirable. J. D. – De surcroît, l’écriture pour violon seul est très contrapuntique, et notamment fuguée, c’est-à-dire contraire en apparence à son identité d’instrument monodique. T. P. – Et cela marche ! Quelle efficacité ! La fugue de la deuxième sonate de Bach, que je jouais en concert il y a quelques jours, c’est un rêve, c’est magique. J. D. – Un mot qui ne viendrait pas à l’esprit d’un organiste jouant un prélude et fugue de Bach. Il dirait à la rigueur que c’est magnifique, mais pas « magique »… T. P. – Cela bascule du côté de l’impossible, du miracle. On marche sur l’eau… Il supprime, il suggère, en laissant l’auditeur remplir les trous, mais il y a aussi tant de choses qui sont bien là ! En sorte que le résultat paraît complet. L’oreille peut parfaitement suivre, et compenser les absences. J. D. – Et dans Ysaÿe aussi ? T. P. – Il y a encore plus de choses suggérées. Il va moins au bout de la polyphonie ; l’harmonie l’intéresse plus. Il est d’une autre époque : sa forme est plus élastique, et c’est pourquoi il demande de la rigueur : si on le joue fantastique, il devient trop fantastique, et l’on se perd. C’est comme dans Bartók, ou dans la cadence de Tzigane de Ravel : il faut être strict, rythmiquement. C’est la base ! Le violon seul ne signifie pas errement, anarchie. Y compris dans Paganini. J. D. – Votre transcription de la Fantaisie et fugue en sol mineur sonne exactement comme les fugues pour violon seul, qui sonnent elles-mêmes comme des trans-

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criptions d’œuvres mythiques pour clavier, au point qu’on a pu les retranscrire pour le clavier. T. P. – Je me suis fié à mon oreille… Sans doute ma fréquentation des fugues originales pour violon seule m’a-t-elle fait faire les mêmes choix. Mais lorsqu’on écoute leur transcription au clavecin, ces œuvres perdent leur caractère d’abstraction folle, de pureté presque métaphysique ; notamment dans l’adagio initial de la sonate en ut majeur, qui devient, avec tous les ajouts, presque anecdotique. J. D. – Oui, c’est une transcription sans doute due à Wilhelm Friedemann, et qui est un peu chargée… L’arrangeur a fait le contraire de ce qu’il fallait faire avec le violon seul, comme Schumann, lorsqu’il lui écrit un accompagnement. Alors que Brahms a donné la Chaconne à la seule main gauche du piano, ce qui tendait à lui conserver sa dimension de défi. T. P. – Exactement. (C’est d’ailleurs un grand mystère : pourquoi cette grande interruption, au XIXe siècle, dans l’écriture pour violon seul. Mis à part Paganini, bien entendu, mais qui ne jouait pas ses Caprices en concert. Alors qu’au XXe, Ysaÿe, Bartók, Hindemith…) J. D. – Et la version de Busoni ? T. P. – Même très, très bien jouée, j’ai du mal… Malgré l’immense respect que j’ai pour lui. J’ai d’ailleurs joué son concerto. Quand j’avais quatorze ans, j’aurais voulu que ma Chaconne sonne comme la sienne, qu’on y sente tout le tragique de mon existence… Mais aujourd’hui, je me sens à l’opposé de cette esthétique. J’ai compris que c’était une danse, et une danse qui se passe fort bien de tout le tragique de notre existence. J. D. – Mais alors, pourquoi transcrire pour violon seul des sonates de Scarlatti, dont l’écriture est très idiomatique, et « se passe » fort bien du violon ? T. P. – Je n’ai pas pensé de cette manière. J’entendais dans Scarlatti quelque chose qui n’appartient qu’à Scarlatti, un noyau précieux qui n’est qu’à lui, une

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voix ; dans tous les grands compositeurs, il y a ce noyau, qui serre le cœur de l’interprète dès lors qu’il le reconnaît. Lorsqu’on entend une voix singulière dans une formule, un cheminement, une harmonie, quelque chose vous mord. J. D. – Et cette voix singulière vous manquait. T. P. – Oui, j’en étais très triste. Je pourrais ressentir une frustration semblable à l’égard de Mahler, qui n’a laissé au violon qu’un malheureux mouvement de quatuor avec piano, ou Moussorgski, ou beaucoup d’autres. Dans le cas de Scarlatti, j’ai pensé que je pouvais opérer le transfert, même s’il est moins commode à jouer que Bach. La difficulté a été de rendre compte de l’écartement des deux mains. Je ne peux pas jouer en même temps sur la corde de sol, la plus grave, et sur la corde de mi, la plus aiguë. J’ai donc eu recours soit à des écarts de doigts assez risqués (mais pour conserver la délicatesse, alors que la difficulté technique est terrible, il faut un effort considérable), soit parfois à des remplissages, qui me permettent de passer de la corde grave à la corde aiguë. Contrairement à la transcription de Bach, j’ai dû faire appel à des procédés techniques paganiniens : pizzicati de main gauche, intervalles de dixième, ou même de douzième ; mais j’ai pensé que l’origine italienne de cette musique pouvait le justifier. Je pense avoir fait les bons choix – d’autant que je pouvais abandonner une sonate au profit d’une autre, parmi les 555 que nous possédons... J. D. – En sorte que vous avez pu conserver sa singularité. On ne quitte pas la question de la solitude… T. P. – C’est ce qui nous touche, non ? Même dans un domaine où je me sens qualifié pour juger du savoir-faire d’un autre, c’est cela qui me touche le plus, finalement. Je peux faire mille reproches à Heifetz, je ne suis pas aveuglé par l’amour, mais dès que j’entends sa sonorité un peu rauque, cette amertume, cette tristesse mêlée au cynisme, je fonds : c’est lui, c’est unique, cela va droit au cœur. Et Milstein me fait le même effet, et bien d’autres. Et bien des compositeurs aussi. J. D. – Cette valeur de singularité est-elle une valeur en soi ? Michel Legrand ou

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Vanessa Paradis sont uniques aussi… Faut-il que la singularité soit portée, et même multipliée, par la qualité ? T. P. – Je pense, oui ! [rires] Mais c’est compliqué : des compositeurs ont une voix singulière, comme Mendelssohn, dont le concerto pour violon est une forme éclatante d’expression, mais peuvent aussi, ici ou là, montrer une totale absence de personnalité. Tout cela peut être intermittent… J. D. – Et certains « noyaux » peuvent aussi être détestables… Si l’on n’aime pas tel musicien, c’est sans doute à cause de sa voix singulière… T. P. – Probablement. Ce qui est très mystérieux, c’est que les qualités d’un violoniste, lorsqu’elles sont portées par une voix singulière, le font immédiatement reconnaissable, alors que la médiocrité n’a aucune personnalité. Rien de plus semblable à un violoniste vulgaire qu’un autre violoniste vulgaire. Alors qu’on reconnaît Francescatti dès la troisième note. Propos recueillis par Jacques Drillon

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Š Benjamin De Diesbach

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Jacques Drillon. – Does assembling works for solo violin in in a box set imply that you’re paying tribute to solitude? Tedi Papavrami. – Any violinist’s everyday condition is solitude. J.D. – But they rarely play alone. T.P. – All musicians are alone in their work . . . Pianists are too, like the others. But a good deal of their repertoire is also for solo piano. So they’re probably better prepared for solitude than we are. We violinists spend our lives playing alongside each other, in chamber music or with orchestra. J.D. – The violin is fairly unique in that respect. Horn players or trombonists know that they’ll be playing in an orchestra, pianists and organists that they will play solo. But violinists only play solo if they make the effort, in a sense. If they escape their condition. T.P. – Oh yes! Days of solitude are long, repetitive, one after the other – in my life, anyway, maybe because I’m very particularly demanding with myself. And suddenly you’re thrown into the middle of an orchestra, surrounded by people, musicians, an audience . . . When I recorded all these solo works, I tried to bring practising and music together in total coherence, to be alone from beginning to end. The melody line, which is more or less undernourished, has something frustrating, sometimes ridiculous about it – when you’re at home, before the end result. You can never build your structure entirely by yourself. You’re always dependent on the other person or people. You rehearse a sonata, but according to who the pianist is, it will be different! You’re not even responsible for the whole process . . . Curiously, whereas I get a certain feeling of relief playing a cadenza in a concerto, where I’m all alone, I’ve often felt, as a listener, that soloists withdrew into themselves at that moment, or lost the plot – as if they found this sudden solitude difficult to bear. In short, as time goes by, I’ve turned increasingly to the solo repertoire, especially as it demands great technical mastery of the instrument, which one acquires only gradually. You can’t hide anything. It was also a chal-

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lenge, far from the noble goals one sets oneself: initially it was a question of developing the muscle for it, which only serves the music later on. J.D. – So solitude is a goal: to become capable of being alone. T.P. – Yes, even if that goal and that condition come very early. Paganini came on the scene when I was still very young. I studied the violin with my father, who had a vision of the Caprices that was at once morbid and terrified, nourished by failure and by the diabolic image of their composer. J.D. – So are these Caprices are a touchstone? A myth? Like being ‘Shakespeare or nothing’, for a writer? T.P. – There’s a bit of that, yes! Technical perfection, with a wild, very Italian dimension at the same time. To discover the version recorded by Shlomo Mintz, when I was twelve or thirteen, was at once stimulating and frightening. I was incapable of doing what he did, but I couldn’t imagine I wouldn’t be able to one day. The rather gloomy mystery is dispelled once you actually manage it, of course. J.D. – Like a fantasy you’ve finally fulfilled. T.P. – Yes, it becomes almost banal. That terror was something beautiful, something rich . . . But when you reach that point you start to deal with the music, the character. And that’s not so bad! J.D. – And what about Bach? T.P. – Oddly enough, it was Bach who sorted out Paganini for me technically. It happened between the ages of sixteen and nineteen. I had a different style from the one I have today, but I worked on the two of them simultaneously. And Bach enabled me to calm my hand, to place it better, to avoid excessive tensions. Even today, if I’ve got nothing in particular to practise, I naturally turn to Bach. Nothing gives so much pleasure and at the same time demands so much instrumental skill. J.D. – It’s also a goal for the composer to achieve: to be capable of writing for solo violin – achieving the maximum with the minimum. That’s true of Bach, of Pa-

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ganini, of Ysaÿe – and notably of Bartók, who is perhaps the one who demands most, and demanded most of himself. T.P. – Yes, that fascinates me. I always wonder how Bartók knew with such precision exactly where my limits lie! Including the tempi: I wouldn’t be able to produce certain chords a single notch of the metronome faster than what he asks for. Perhaps he consulted Menuhin? But Menuhin has to slow down considerably. And conversely, perhaps someone else would be able to play it even faster? That’s a possibility; as far as I’m concerned, the day I managed to play the fugue at the marked tempo, I was very happy – especially as the tempi he asks for are extremely apt musically. J.D. – What’s more, the solo violin writing is very contrapuntal, and notably fugal, that is to say apparently contrary to its identity as a melody instrument. T.P. – And it works! It’s tremendously effective! The fugue of the second Bach sonata, which I played in concert a few days ago, is a dream, it’s magical. J.D. – That’s a word that wouldn’t occur to an organist playing a prelude and fugue by Bach. He might perhaps say it’s ‘magnificent’, but not ‘magical’. T.P. – Here you’re in the realm of the impossible, the miraculous. You’re walking on water . . . He omits, he suggests, letting the listener fill in the gaps, but there are also so many things that really are there! With the result that it sounds complete. The ear can follow it perfectly, and compensate for the absences. J.D. – Is that the case in Ysaÿe too? T.P. – There are even more things suggested. He doesn’t go so far with the polyphony; he’s more interested in harmony. He comes from a different period: his form is more elastic, and that’s why he requires rigour; if you play him with fantasy, things become too fantastical, and you get lost. It’s like in Bartók, or in the cadenza of Ravel’s Tzigane: you have to be strict, rhythmically. That’s the basis of everything! Playing unaccompanied violin doesn’t mean meandering, anarchy. Including in Paganini.

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J.D. – Your transcription of the Fantasia and Fugue in G minor sounds exactly like the fugues for solo violin, which themselves sound like transcriptions of non-existent keyboard works, to such an extent that they actually have been retranscribed for keyboard. T.P. – I relied on my ear. It’s likely that my familiarity with the original fugues for unaccompanied violin led me to make the same choices. But when you listen to them in their harpsichord transcription, these works lose their character of incredible abstraction, of almost metaphysical purity; notably in the opening Adagio of the Sonata in C major, which becomes, with all the additions, almost trivial. J.D. – Yes, that transcription is probably by Wilhelm Friedemann, and it’s a bit overloaded. The arranger did the opposite of what one should do with the solo violin, just as Schumann did when he wrote an accompaniment for the piece. Whereas Brahms assigned the Chaconne to just the left hand of the piano, which left its element of challenge intact. T.P. – Exactly. (Incidentally, there’s a great mystery here: why this long interruption, in the nineteenth century, of the tradition of writing for unaccompanied violin? Apart from Paganini, of course, but he didn’t play his Caprices in concert. Whereas in the twentieth century you’ve got Ysaÿe, Bartók, Hindemith . . .) J.D. – And the Busoni version? T.P. – Even very, very well played, I find it hard to take . . . Despite the immense respect I have for him. Indeed, I’ve played his concerto. When I was fourteen, I’d have liked my Chaconne to sound like his, so that one could sense the full tragic dimension of my existence! But today, I feel at the opposite pole from that aesthetic. I’ve realised that it’s a dance, and a dance that can very well do without all the tragedy of our existence. J.D. – But then, why make solo violin transcriptions of keyboard sonatas by Scarlatti, whose writing is highly idiomatic, and can ‘very well do without’ the violin? T.P. – I didn’t think of it that way. I heard in Scarlatti something that belongs only

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to Scarlatti, a precious kernel that is his alone, a voice; in every great composer you get this kernel, which wrings a performer’s heart when he or she recognises it. When you hear an individual voice in a formula, a progression, a harmony, there’s something that hooks you. J.D. – And you regretted not being able to interpret that individual voice. T.P. – Yes, I was very sad about that. I might feel the same kind of frustration with respect to Mahler, who only left the violin a paltry movement of a piano quartet, or Mussorgsky, or many others. In the case of Scarlatti, I thought I could transfer his music to the violin, even if it’s less practical to play than Bach. The difficulty was to take account of the distance between the two hands. I can’t play simultaneously on the G string, the lowest one, and the E string, the highest. So I used either fairly risky finger stretches (but that requires considerable effort to conserve delicacy, when it’s appallingly difficult technically) or sometimes filled in notes, which allow me to shift from low string to high string. Unlike my Bach transcriptions, I had to make use of Paganinian technical devices like left-hand pizzicati and intervals of a tenth or even a twelfth; but I thought the Italian origin of this music could justify that. I think I made the right choices – especially as I could always abandon one sonata and try another, out of the 555 we possess . . . J.D. – Which meant you were able to preserve his individuality. We’re still on the question of solitude . . . T.P. – But that’s what touches us, isn’t it? Even in a domain where I feel qualified to judge someone else’s skill, that’s what touches me most in the end. I criticise Heifetz for a thousand failings, I’m not blinded by love, but as soon as I hear his slightly raucous sonority, that bitterness, that sadness combined with cynicism, my heart melts: it’s him, it’s unique, it goes straight to my heart. And Milstein has the same effect on me, and many others. And many composers too. J.D. – But is that attribute of individuality a value in itself? Michel Legrand and Vanessa Paradis are unique too . . . Does individuality have to be supported, and

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even multiplied, by quality? T.P. – I think so, yes! [laughter] But it’s a complicated question: some composers have an individual voice, like Mendelssohn, whose Violin Concerto is a dazzling form of expression, but can also, here and there, display a total absence of personality. All of this can be intermittent . . . J.D. – And some ‘kernels’ can also be detestable . . . If one doesn’t like such-andsuch a musician, it’s probably because of their individual voice . . . T.P. – That’s very likely. What is very mysterious is that the qualities of a violinist, when they’re supported by an individual voice, make him or her immediately recognisable, whereas mediocrity has no personality. Nothing is more like a vulgar violinist than another vulgar violinist. Whereas you can recognise Francescatti from the third note. Interviewer: Jacques Drilllon Translation: Charles Johnston

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© Benjamin De Diesbach

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