p h oto g ra p hies d a rc h ite ct u re
quelles relations entretiennent-elles avec l’académisme photographique ? e m m a steve n ot
2018-2019 Rapport d’études encadré par Magdeleine Lounis & Nikolas Fouré
p h oto g ra p hies d a rc h ite ct u re quelles relations entretiennent-elles avec l’acadÊmisme photographique ?
e m m a steve n ot
Remerciements
Plusieurs acteurs ont participé à la réalisation du rapport d’études que vous tenez
entre vos mains, et sans eux je n’aurais eu l’occasion d’explorer ce sujet de la photographie d’architecture, dans lequel j’ai aimé me plonger.
Je remercie l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand, qui
porte une grande importance à l’écriture d’un rapport de recherches et ce, dès la troisième année.
Mes remerciements vont ensuite à Monsieur Etienne Buret, sans lequel je n’aurais
pas osé m’emparer du sujet de la photographie.
Je tiens tout particulièrement à remercier Madame Magdeleine Lounis de
Vendomois et Monsieur Nikolas Fouré, de m’avoir offert un suivi qualitatif tout au long de la réflexion autour de ce rapport d’études. Ce binôme a su me diriger vers une approche du sujet et une curiosité pour les références plus poussée. Enfin, mes derniers remerciements sont destinés à Monsieur Dominique Troisville, qui a eu la gentillesse de me rencontrer afin de me transmettre ses connaissances sur la photographie d‘architecture, en complément de celles qu’il avait abordées un an plus tôt, au sein de l’enseignement « Photographie ».
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Sommaire
Remerciements
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Avant-propos
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Introduction
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I L’académisme photographique 1 Point de vue et cadrage
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2 Lumière et composition
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3 Rôle de la photographie
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II Relation avec l’académisme photographique 1 Point de vue et cadrage
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2 Lumière et composition
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3 Rôle de la photographie
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Conclusion
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Bibliographie
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Sitographie
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Sources
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Avant-propos Il conviendra, au sein de ce rapport d’études, d’apporter ma réflexion sur un média auquel je m’intéresse depuis quelques années. La photographie a en effet constitué ma première approche de l’Architecture. Ce mot désignait pour moi un spectacle donné par un espace construit, duquel l’individu était témoin et non pas acteur. Ma définition d’un espace architectural était alors pour moi l’image que celui-ci offrait. Je confondais Architecture et image d’une architecture.
Avec les enseignements de ces trois années de licence, il m’est apparu une autre
réalité de l’Architecture. J’ai appris à découvrir un espace, non pas seulement avec ma vue, mais avec mes cinq sens. J’ai découvert que l’Histoire marque les bâtiments, que le temps les transforme et que les Hommes les font vivre.
Un individu ne regarde pas seulement l’architecture, il la vit et en fait parti. Par les
simples actions de se mouvoir et d’habiter, il apporte à un édifice la pièce manquante pour être une architecture à part entière.
Avec ces réflexions, la matière Philosophie de l’espace en première année a fait
évoluer ma toute première approche de l’architecture. Cela m’a donc permis d’intégrer l’individu et son expérience physique au sein d’un bâtiment dans ma vision de l’architecture. Le terme d’usage s’est par exemple ajouté aux données esthétiques de l’architecture que je percevais déjà grâce aux photographies d’architecture : la lumière, la texture, la couleur, les ombres. La discipline architecturale s’est donc introduite à ma réflexion comme étant un mélange des projections esthétiques que je m’en faisais et l’ensemble des connaissances de ma première année.
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Parallèlement, mon apprentissage des outils de représentation a ouvert dans mon
esprit le panel des multiples possibilités pour faire comprendre un espace à quelqu’un qui n’en a jamais fait l’expérience. Le dessin est le point de départ d’un projet. Nous pouvons le confirmer en s’intéressant à l’évolution des conceptions d’architectes célèbres, tel que Le Corbusier ou Edouardo Souto de Moura. Après l’apparition de la photographie, un autre moyen de conception est né : le photomontage. Ce médium, beaucoup utilisé de nos jours, permet de rendre compte des intentions de projet dans un contexte existant. En essayant d’approcher un réalisme élevé, il tente de faciliter la projection de l’individu au sein du projet.
Les différentes manières d’utiliser ou de transformer une photographie peuvent
donc amener différentes ambiances. J’ai pu expérimenter cette pratique du photomontage au sein de mon cursus, et notamment durant les cours de Photographie, en deuxième année.
Introduisant les premières notions de la photographie d’architecture, Monsieur
Dominique Troisvilles, à l’occasion de cet enseignement, a pu nous partager quelques « directives » pour prendre des clichés de bâtiments.
Elles étaient : L’architecture prise en photo doit être parallèle au cadre, centrée
ou coupée à un endroit stratégique, le point le plus haut de l’édifice doit se détacher distinctement dans le ciel sans atteindre le haut du cadrage, etc. Mon questionnement est le suivant : Par qui ont été décidées ces règles ? Est ce que nous pouvons qualifier toutes les photos qui respectent ces règles académiques de «belles» ou «intéressantes» ? Est ce qu’une photographie d’architecture doit obligatoirement aller dans le sens de l’architecture d’un bâtiment ? Quels sont les artistes qui l’utilisent différemment ? Quelles relations la photographie d’architecture peut-elle entretenir avec une architecture ? page 10
Introduction
La photographie d’architecture est un genre présent dans la discipline de la
photographie, à l’instar de la nature morte, du photojournalisme ou de la photographie sociale. La première photographie de l’Histoire avait pour sujet une façade de bâtiment. Prise en 1826 par Joseph Nicéphore Niepce, elle sera désignée comme photographie d’architecture (fig.1). La vue depuis une fenêtre donnant sur sa propriété est à l’époque fixée sur une plaque d’étain, à l’aide d’un procédé chimique et d’un temps de pose de plus de huit heures. Le terme de photographie d’architecture désignera dorénavant tous les clichés présentant un ou plusieurs édifices construits prenant la place la plus importante dans la composition. Le 7 janvier 1839, c’est le daguérrotype qui est présenté à l’Académie des sciences sous le titre d’invention de la photographie, bien que son initiateur, Louis Daguerre, se soit associé aux recherches de Niepce. Cette technique de capture de l’instant se popularise en France puis dans d’autres pays, sous forme d’un objet souvenir, unique et de petit format. Son créateur réalise une série de clichés des rues de Paris, qui composent également les premières photographies d’architecture. Parallèlement, les artistes photographes se formalisent à une composition approchant la peinture, le dessin et la gravure. En effet, c’est sous cet exemple pictural que la photographie va mettre en scène ses sujets et devenir le point de départ de la composition photographique d’un bâtiment. Peu à peu, certains peintres contemporains du XIX s’essayent à la photographie. Les premiers intérêts que les protagonistes y trouvent sont la rapidité de réalisation, mais surtout la fidélité à la réalité. Pendant un siècle, les techniques de photographie vont devenir de plus en plus précises et qualitatives. Fusionné à l’apparition de grands noms de photographes, le relevé des bâtiments existants ou en construction va devenir une discipline à part entière, ayant en premier lieu le rôle de documentation du réel.
Notre travail de recherche se penchera par conséquent sur la manière de page 11
photographier l’architecture dans la période contemporaine de son apparition. Nous en relèverons ainsi les similarités afin de permettre un inventaire des codes photographiques hérités de la peinture, du dessin, de la sculpture et de la gravure. Nous appellerons cet ensemble de normes « académisme de la photographie d’architecture », les codes picturaux guidant cette pratique photographique.
A l’aide de ce contexte historique, nous chercherons à définir les différents standards
inhérents à l’académisme de la photographie d’architecture. Les différentes pistes émises nous permettrons par la suite de confronter des œuvres de photographes qui dépassent ou réinterprètent ces critères. Par ce biais, nous parviendront à déterminer les dialogues que la photographie met en place avec l’architecture.
Il s’agit néanmoins d’éclaircir le terme d’«académisme» de la photographie
d’architecture. En effet, il n’existe pas d’académisme à proprement parler de cette discipline, car elle est apparue au XIX siècle sans être enseignée dans aucune école. Utiliser ce terme afin de parler de règles qui auraient été fixées par une académie n’est donc pas juste. Il est donc plus approprié de parler de codes adoptés par la pratique des photographes. Ces derniers ont pu être guidés par l’académisme de la peinture, qui a pu les influencer dans la composition, le cadrage… Ces normes ont été transmises sous forme de tradition orale et non sous forme d’apprentissage.
Néanmoins, nous utiliserons ici le terme «académisme» dans l’intention de
regrouper les standards photographiques extraits de l’école de la peinture et des premières photographies de l’Histoire.
L’enjeu de ce rapport d’études sera alors de déterminer ce que la photographie
d’architecture apporte à l’architecte d’un bâtiment, à l’architecture elle-même, au spectateur du cliché, au photographe, à l’artiste, à l’actualité. Il s’agira dans un même temps de page 12
déterminer en quoi chaque œuvre ou corpus d’œuvres photographiques se distingue de l’académisme photographique et pour quelle raison.
A la problématique «Quelles relations les photographies d’architecture
entretiennent-elles avec l’académisme photographique, et comment parviennent elles à le réinterpréter ? » il s’agira donc de répondre en deux temps. Dans une première partie, nous essaierons de définir l’académisme photographique selon des écrits théoriques et exemples historiques. Plusieurs œuvres d’artistes photographes permettront d’appuyer notre propos, ayant une place importante dans l’histoire de la photographie d’architecture. Dans ce premier temps seront mis en avant les principaux thèmes d’une photographie d’architecture : son rôle, son point de vue, son cadrage, sa composition, sa lumière. En explorant les directives de chacun de ces thèmes lors du premier siècle de photographie d’architecture, nous parviendrons à en retirer les normes qui formeront l’académisme photographique dont il est question dans ce rapport d’études.
Par la suite, nous reprendrons dans une seconde partie les points mentionnés dans
la précédente afin de confronter d’autres clichés aux normes énumérées. Cela sera pour nous l’occasion de comprendre de quelle manière l’aut.eur.rice d’une image remet en question l’architecture photographiée et apporte une autre vision de la photographie d’architecture. Par la comparaison d’un académisme théorique avec des photographies de professionnels de ce domaine, nous arriverons donc à éclaircir les différentes démarches recherchées.
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AcadĂŠmisme photographique; point de vue et cadrage
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I L’académisme photographique Point de vue et cadrage
Nous commencerons par faire remarquer que certains ouvrages font suite à
l’apparition de la photographie en tendant à éduquer ceux qui se lanceraient dans la photographie. Ainsi, le Traité de la photographie sur papier, paru en 1851, a pour but d’éclairer les lecteurs sur l’actualité des découvertes photographiques, et par conséquent de leur décrire les procédés mis en place pour fixer une image sur du papier. C’est le premier ouvrage relatant la découverte de la photographie.
Afin d’avantage nous intéresser à la photographie d’architecture et au déploiement
de sa pratique, nous nous appuierons sur un document paru plus d’un siècle plus tard : le numéro 15 du périodique L’école de la photo. Celui-ci paraît en janvier 1983 avec comme thème : Architecture et monuments. Cette revue forme un ensemble de standards d’esthétisme et de réalisme de la photographie d’architecture, qui nous permettra, croisé avec d’autres règles plus contemporaines, d’élaborer les lignes de conduite pour réaliser une photo dite « académique ».
Les conseils sont donnés de manière protocolaire en se voulant néanmoins compris
d’un large public. Ainsi, une page présente en cinq étapes illustrées la marche à suivre pour orienter son appareil de la meilleure façon possible pour prendre un cliché où la fuite des lignes verticales est redressée, cherchant « l’aplomb parfait ». L’appareil d’époque est alors représenté par un schéma qui indique que l’objectif doit se trouver parfaitement parallèle à la façade photographiée. Une intention est également portée sur le parallélisme entre le sol sur lequel se tient le trépied et le boîtier de l’appareil. page 15
Académisme photographique; point de vue et cadrage
C’est cette recherche du parallélisme exact entre l’objectif et le bâtiment qui
revient le plus de fois dans le texte, désignant ainsi une règle primordiale à respecter pour réussir sa photo, comme nous pouvons l’observer dans cet extrait : « Ce dernier système [on parle ici d’un modèle de l’époque] est très apprécié, lorsqu’on doit, comme dans la photo d’architecture, apporter une attention particulière à la position des verticales et des horizontales dans le cadre. »
Avec nos appareils photos contemporains, qui proposent des objectifs qui
parviennent à faire entrer le plus d’éléments possibles dans le cadre, l’image est soumise à des déformations. Le bâtiment photographié en ressort avec des lignes courbes et n’est donc pas considéré comme une photo d’architecture réussie. Fernando Armati, auteur de la revue, déconseille donc d’utiliser des objectifs à grand angle ou fish eye, qui créent à coup sûr ces déformations. Il serait recommandé de se procurer un objectif grand angle décentrable, qui permet d’englober l’ensemble d’un édifice sans le déformer.
La rigueur du cadrage est aussi de mise dans le relevé d’un bâtiment. Ainsi, il est plus
cohérent de centrer le sujet sur la photo. La photographie dite d’architecture a rapidement englobé la photographie de rue ou urbaine, puisque Daguerre prenait déjà les ensembles de bâtiments. Ainsi, sa dimension académique se résume à une façade extérieure, entourée ou non d’un contexte composé d’autres bâtiments. La façade doit être montrée dans son ensemble, et mise à distance des bords du cadre.
Gabriele Basilico (1944-2013) estimait que la photographie devait toujours être
effectuée avec un pied, pour une rigueur du cadrage indispensable. Cette rigueur du cadrage et de la frontalité se retrouve chez la majeure partie des photographes du XXème siècle et est encore primordiale de nos jours. Dans certains cas de formes architecturales, la frontalité n’est pas envisageable et il s’agit donc de respecter les autres standards photographiques (fig.1).
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Lumière et composition
La racine du mot photographie nous vient du grec «phôtós», qui signifie « lumière ».
C’est la source lumineuse qui rend possible la capture d’un instant et la fixation de celui-ci sur une pellicule. Bien qu’ayant ici une importance fonctionnelle, elle possède également un moyen d’esthétisme. Tirant ses principes de composition de la peinture, la mise en évidence d’un élément sur l’image va se faire par l’apport de lumière sur cette figure.
Prenons par exemple le tableau Le serment du jeu de paume (fig. 2), peint par
Jacques-Louis David après la révolution française. Celui-ci met en scène une assemblée politique où des personnages clés sont mis en valeur. C’est à l’aide de la lumière, des teintes plus claires et du blanc que le peintre souligne l’importance de ces figures. Ainsi, la force de la voix du peuple est symbolisée par la lumière qui vient se déverser depuis le coin supérieur gauche du tableau.
Si la lumière a une position importante dans la composition, elle doit aussi être
d’un type bien défini. La grande différence entre la lumière peinte et la lumière naturelle, c’est son mouvement. Ainsi, le moment de la journée et les conditions météorologiques sont des facteurs qui peuvent donner une multitude d’ambiances différentes. Dans L’École de la photo, il est stipulé que l’éclairage de l’architecture doit être à 45 degrés. Après quelques recherches, nous remarquons que ce procédé correspond à un éclairage de face, qui minimise les ombres. Ce type d’éclairage est en fait emprunté à la photographie de portrait des années 30, appelée butterfly pour l’ombre en forme de papillon créée sous le nez du modèle photo. Il convient donc que le bâtiment apparaisse grandement éclairé, avec le moins d’ombre possible.
Par cette suprématie de la façade éclairée de face, il va sans dire que c’est l’élément
prédominant du cliché. Cela devra donc se ressentir également dans la composition de la page 17
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photographie. En effet, à l’instar des tableaux de maîtres, les photographies académiques vont proposer des organisations picturales qui vont jouer avec notre regard et l’interprétation d’une œuvre. Reprenons l’exemple du tableau de David (fig.2) afin de déterminer quels systèmes de composition sont mis en place pour servir le propos.
Notre œil est attiré en premier lieu par le centre du tableau, car la main de
l’orateur émerge de la foule et est bien sûr mise en avant par sa clarté. Les diagonales de la perspective se croisent également sur ce point (1). Ensuite, notre regard diverge vers les « 4 points naturels d’intérêts »(2). Ces points sont disposés de part et d’autre de la ligne d’horizon. Celle-ci arrive légèrement en dessous du milieu du tableau (3). Cela permet de donner plus d’importance à la partie supérieure de la peinture. Enfin, la composition de la toile s’organise en 3 plans, ce qui permet de donner de la profondeur à la scène et mettre l’orateur du deuxième plan en lien avec les personnages du premier et dernier plan.
La photographie reprend exactement ce système de composition et des différents
plans, en jouant sur la lumière et la profondeur de champ, lesquels s’en retrouvant beaucoup plus accentués. En effet, si nous prenons par exemple la photo Bridge Water and New Dock Streets (fig.3), tirée de l’œuvre de Bérénice Abbott (1898-1991), nous pouvons clairement distinguer les principes académiques issus de la peinture. Notre regard est ainsi dirigé sur le pont monumental et l’édifice en construction sous celui-ci. Pourtant, notre œil commence ce cheminement par le troisième plan, où il est attiré par la clarté et la centralité de la skyline New Yorkaise. Mais le fort contraste permet d’attirer l’attention sur cette forme noire qui coupe le ciel et nous amène finalement au bâtiment qui le chevauche, au premier plan, à droite. Nous profiterons d’ailleurs de cette analyse pour énoncer un autre effort de composition, concernant le sens de lecture. En d’autres termes, notre esprit analyse une image dans le même sens que celui-ci est habitué à écrire ou à lire. Ainsi, les photographies page 19
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de culture occidentale auront un sens de lecture partant de la gauche pour aller sur la droite.
Un détail non négligeable appartient aussi à l’histoire de la photographie
d’architecture. Nous remarquons en effet l’absence de modèles vivants dans le travail des photographes présentés précédemment. Une photographie d’architecture fait elle donc abstraction de ceux qui construisent puis vivent dans cette architecture ? Dans la photographie d’architecture académique, les individus ne sont guère mis en scène. Les photographes ont d’ailleurs tendance à attendre le moment où l’édifice sera dénué de vie, afin qu’aucun être humain ne vienne déranger la force des lignes, couleurs et matériaux. Autrefois, la présence d’individus lors de la capture était par ailleurs inutile puisque le temps de pose équivalait à plusieurs minutes et donc trop de temps pour pouvoir fixer une silhouette sur le tirage. Ce contournement de l’individu est donc resté et est devenu une caractéristique de la photographie d’architecture académique. Dans L’Ecole de la photo, il est d’ailleurs spécifié de prendre garde à la présence d’individus sur le cliché : « Evitez dans la mesure du possible la présence des silhouettes de promeneurs, à moins que vous ne souhaitiez vous en servir pour créer une échelle. »
Rôle de la photographie d’architecture
Tous les aspects vus précédemment dans les standards mis en place par la
pratique de la photographie d’architecture ont un but commun. En effet, ces mises en scène d’aplomb, de cadrage, de lumière et de composition ont pour dessein de se rapprocher le plus possible de la réalité esthétique du bâtiment. Les photographies d’architecture sont donc destinées à documenter et garder une trace du réel. Nous l’observons d’ailleurs dans le projet Moscou verticale (fig.4) de Gabriele Basilico et Umberto Zanetti, né d’une volonté documentaire autour des métamorphoses de la ville russe. De la même façon que page 21
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Daguerre (fig.5) avait commencé à documenter l’évolution de Paris en 1852, il est question de garder une trace de la réalité et des transformations urbaines. Eugène Atget (1857-1927) avait également beaucoup participé à la création de ressources picturales historiques de Paris, en documentant méthodiquement chaque rue, de 1897 à 1915, avec ses séries Paris Pittoresque, Art dans le vieux Paris et Topographie du Vieux Paris. Ici, le projet se présente comme un relevé des traces laissées par l’histoire de Moscou et ses sept tours staliniennes sorties de terre en 1950.
A travers les textes du livre Histoire de la photographie d’architecture de Giovanni
Fanelli, nous comprenons également que la photographie sert à la fin du XIX ème siècle de preuve de bonne réalisation d’un édifice. Le photographe tient alors le rôle d’intermédiaire entre le chantier et le maître d’ouvrage. Ce principe de photographie comme relevé de chantier a par exemple été utilisé pour l’Opéra de Paris conçu par Charles Garnier.
Les différentes règles qui pourraient définir un académisme de la photographie
d’architecture se répartissent dans les thèmes suivants : l’aplomb, le cadrage, la netteté, la composition, le point de vue et la lumière. Ces quatre approches doivent s’articuler entre elles afin de se rejoindre dans une même intention : restituer le plus fidèlement possible la réalité. Il est donc sous-entendu que photographier d’une manière qui retrace vraiment la réalité met en valeur la création de l’architecte, ce qui apparaît comme la principale motivation de la photographie d’architecture académique.
Les positions théoriques de la photographie d’architecture que nous avons
précédemment passées en revue donnent un aperçu général de la pratique. Le respect minutieux de ces normes sur une prise de vue équivaudrait à un processus pointilleux que nous pouvons lier au travail d’un couple de photographes du XX ème siècle. Hilla (19342015) et Bernd (1931-2007) Becher ont constitué leur œuvre dans un but de documenter
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les bâtiments industriels des XIX et XX ème siècles en Europe et en Amérique du Nord (fig.6). Leur protocole était de photographier ces édifices en gardant toujours le même cadrage, le même angle de vue, la même lumière, et la même distance de l’objectif par rapport à l’objet. Ils constituaient ensuite des planches mettant en relation les mêmes types de bâtiments industriels (châteaux d’eau, façades, moulins, etc). Leur démarche apparaît comme obsessionnelle tant elle est figée et millimétrée. D’autres clichés d’architecture répondent eux à la notion de composition, de perspective et de multiplication des plans, comme Charette Works (fig.7). Nous pouvons donc prendre leur travail comme une démonstration de l’ensemble des standards académiques énoncées précédemment.
Il s’agit néanmoins de ne pas se m’éprendre sur cet académisme que nous avons
défini. Ces normes forment en fait une ligne directive dont les photographes actuels ont conscience. La création de leur panel de photographies s’érigent donc en connaissance de l’histoire de cet art. Nous pouvons ainsi comparer cette mise à distance pour la création à celle de l’étudiant en architecture, qui va être amené à apprendre l’histoire de son art en parallèle de ses propres expérimentations du projet.
La position des photographes et artistes photographes par rapport à ces normes
vont différer. Cela peut parfois s’expliquer par l’époque dans laquelle ils se produisent, mais nous nous intéresserons principalement aux choix de réinterprétation volontaire de la photographie d’architecture dans le temps qui suit.
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II Relations entre photographie d’architecture et académisme photographique Point de vue et cadrage
Comme nous l’avons vu précédemment, le cadrage et l’aplomb d’une photographie
d’architecture apparaissent comme primordiaux dans l’approche d’un bâtiment. Les espaces extérieurs sont ainsi mis en scène de sorte à être fidèles à leur apparence réelle. Au XX ème siècle, la photo d’architecture extérieure va être bousculée par l’apparition d’un nouveau questionnement. Comment transmettre l’architecture à un plus grand public à travers la photographie ? Les questions de la profondeur de champ, du point de vue et du cadrage sont alors abordées autrement par une poignée de photographes qui se démarquent du protocole académique.
La mise au point d’un objectif se focalise sur l’élément le plus important d’une
photographie. Cette affirmation peut être remise en question par la considération de la forme de l’architecture. L’artiste Hiroshi Sugimoto (1948-) donne cette suffisance de la forme architecturale de grands symboles de l’architecture moderne dans ses photographies. Dans sa série de 1997 (fig.8), il met en scène des architectures célèbres d’une manière particulière : elles apparaissent floues et à peine éclairées. Nous parvenons à les reconnaître malgré cela et c’est une tout autre lecture de notre esprit qui se met en place : avec l’absence de définition des détails de l’édifice, c’est l’ambiance que nous procure la construction qui nous atteint. Plus que cela, les formes de ces bâtiments sont devenues si symboliques de l’édifice auquel elles appartiennent, que leur référence nous parvient directement. Il faut pour cela un respect des autres règles de cadrage : que l’édifice se trouve centré, non coupé et parallèle
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Relation avec l’académisme photographique; point de vue et cadrage
à l’objectif, sans quoi il nous serait difficile de convoquer le bâtiment dont il s’agit.
D’autres démarches artistiques peuvent tout simplement ne pas être destinées à
citer des œuvres architecturales mais à s’en servir de support pour exprimer une tout autre perception. Bruno Cals (1967-), avec sa série Horizons (fig.9), défie la gravité d’un bâtiment en mettant en scène des façades à la manière d’étendues. Le spectateur discerne alors l’édifice différemment. Bien que certains détails soient parfois mieux exposés par cet angle de vue, l’artiste change radicalement la réalité de la construction et en fait ressortir un paysage abstrait.
Si les deux études de cas précédentes requestionnent la fonction de la photographie
d’architecture, – que nous aborderons prochainement- d’autres exemples de photographes d’architecture reconnus comme tels peuvent également appuyer le propos d’émancipation des règles de cadrage, d’aplomb et de parallélisme.
Nous nous intéresserons au travail d’Hélène Binet (1959-), et de certaines de ces
œuvres libérées des codes de parallélisme, de lumière et de cadrage. De cette photographie (fig.10) nous parvient d’abord des lignes. Celles du pavage et celles des rayons de lumière s’entrecroisent et se mettent mutuellement en valeur par le contraste qui les oppose. Aucune de ces lignes n’est parallèle au cadre de la photo et un effet de perspective donné par l’inclinaison de l’objectif par rapport au sol est présent. La mise au point est faite sur les dalles les plus proches de l’objectif, pointées par les diagonales de lumière qui débutent au coin supérieur gauche pour apporter le regard au centre du cliché. La matérialité du béton est par ce biais valorisée.
C’est de cette façon que la photographe met en valeur le sol du couvent de Sainte-
Marie de la Tourette par Le Corbusier. Nous constatons ici que le contraste du noir et blanc page 31
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ainsi que le jeu de lumière dominent l’importance de l’aplomb et le parallélisme académique. L’élément important se constitue de ce détail architectural qui met en avant les qualités des espaces intérieurs de cet édifice.
Le photographe attitré de Le Corbusier a d’ailleurs eu le même intérêt pour mettre
en relation les différents détails de cette architecture moderne. L’œuvre entière de Lucien Hervé (1910-2007) se constitue de formes géométriques, créées par des lignes et des ombres (fig.11). Pour parvenir à les faire ressortir d’un espace construit, le photographe utilise un cadrage qui coupe les surfaces pour faire ressortir des triangles et autres géométries. Lucien Hervé possède un style de photographie reconnaissable. Il utilise souvent la plongée et la contre-plongée pour mettre en scène les monuments. Aucune de ses photos ne comprendra un bâtiment cadré au centre de l’image, avec toutes ses extrémités visibles. C’est en cela que ces photographies requestionnent les codes de l’aplomb.
« Dans les photographies de Lucien Hervé l’ombre et la lumière forment des
contrastes riches et parfois violents, des compositions ou se retrouvent sans doute les traces proches ou lointaines des recherches du Bauhaus ou des constructivistes, en tous cas le goût de réinterprétations et de structuration du monde, de l’invention permanente. » Pierre Puttemans nous indique ici que le travail du photographe se forme sur les bases d’un académisme qui a permis par la suite cette composition géométrique et l’utilisation si particulière de la lumière.
Lumière et composition
Bien loin des 45 degrés de lumière caractéristiques du milieu de journée, les
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clichés de Lucien Hervé semblent avoir été capturés à l’heure du soleil levant. Les ombres s’y allongent et recouvrent une grande partie de ses photos. Cela dénote avec les figures architecturales éclairées de face et à l’aspect de monuments inhabités. Ici, le photographe cherche avant tout à donner une vie à l’architecture. Et par ce biais, il n’hésite pas à déconstruire l’architecture avec ces ombres, créant de nouvelles formes. Certains espaces apparaissent alors déroutants : ils subjuguent par leur beauté contrastée mais sont difficilement reconnaissables. Une dimension plus sensible ressort de son œuvre. C’est en cela que Le Corbusier appréciait le travail d’Hervé : il permettait une toute autre lecture des espaces conçus par l’architecte. Semblables à celles du photographe Alexandre Rotchenko (1891-1956), les photographies d’Hervé seront ortochromatiques et se composent d’ombres fortes qui leur donnent une esthétique particulière, abordant des formes (comme le triangle) jusqu’alors dites « interdites » dans les disciplines académiques (cinéma, peinture, gravure, etc).
Un autre dimension de la lumière en photographie n’avait jusqu’alors jamais été
introduite : celle de l’éclairage artificiel. En effet, les standards de la photo nous montrent un éclairage naturel qui se veut révélateur de tous les détails d’une façade construite. Or, la photographie la plus médiatisée de l’histoire de l’architecture présente une vue de nuit. Elle est l’œuvre de Julius Schulman (1910-2009) sur la Stahl House de l’architecte Pierre Koenig, à Los Angeles (fig.12). Les grandes baies vitrées laissent l’intérieur lumineux du bâtiment attirer notre œil afin d’en découvrir les usages, mis en scène par des modèles. Cette série photographique innove par la présentation de la nouvelle vie domestique du XXème siècle, dans les lieux prisés des États-Unis. En effet, l’arrière plan se constitue d’une vue nocturne de Los Angeles et ses lumières. Le photographe a réalisé cette image en deux prises : la première permettait de faire la mise au point sur les lumières de la ville, et la deuxième
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Relation avec l’académisme photographique; lumière et composition
sur celles de la villa, de sorte à ce que l’ensemble des éléments lumineux soient nets. La présence de personnages distincts sur cette photo est également inhabituelle : ces femmes ont une grande importance dans cette scène. En effet , leur robe et leur posture témoignent d’une certaine aisance du milieu et permettent en quelque sorte de rajouter une valeur à la villa.
Après le mouvement de l’expressionnisme, est arrivé en opposition le minimalisme,
qui a lui aussi influencé la photographie. Ainsi, le célèbre « less is more » de l’architecte Ludwig Mies Van der Rohe a guidé les photographes vers des images épurées. Celles-ci ne restituent pas seulement les œuvres architecturales minimalistes mais adoptent une composition déduite d’un cadrage qui ne garde que quelques éléments de l’architecture, se détachant sur un vide.
Le travail de Kevin Saint Grey (fig.13) possède cette simplicité de composition, que
seule les formes des parties de bâtiments photographiés déterminent. Il explique que cette pureté de l’image est en réalité un travail d’équilibre entre symétrie et relations entre les différentes façades.
Le passage de la peinture à la photographie a eu des conséquences sur la
composition de celle-ci, qui se retrouve « piégée » dans un cadre plutôt que d’influencer le cadrage. Il est difficile dans ce cas de dissocier la notion de cadrage et celle de composition, puisque la composition d’une photographie, comme étant un échantillon du monde réel, est un extrait définit par un cadrage. C’est en cela que les exemples évoqués dans cette partie se distancient de la photographie documentaire tirée de mise en scène, à l’instar des peintures.
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Relation avec l’académisme photographique; lumière et composition
Rôle de la photographie d’architecture
La photographie académique étant un document rendant compte de la réalité à des
fins historiques ou professionnelles, elle est le moyen de communication de l’état d’un édifice architectural. Ce statut s’est élargi au fur et à mesure du développement de la discipline photographique. Ainsi, nous pourrions dorénavant catégoriser en deux parties les fonctions qui sortent de l’aspect documentaire : l’art de la photographie et la collaboration.
Comme nous l’avons vu précédemment, certaines démarches photographiques
n’ont pas le but de mettre en valeur une construction, mais plutôt de l’utiliser pour créer une œuvre. Le produit du processus sera donc le tirage final, et non la valorisation de l’œuvre architecturale. Ainsi, les trois artistes photographes que nous avons mentionnés au cours de cet écrit sont Hiroshi Sugimoto, Kevin Saint Grey et Bruno Cals. Tous trois ont pris le parti de ne pas répondre aux standards de la photographie, mais de chercher à interpeller le spectateur, en ne donnant pas un reflet de la réalité. Avec les différentes techniques et interprétations des artistes photographes, ce n’est plus l’architecture qui est mise en avant, mais l’image elle même. Ce statut confère à l’architecture existante un autre apport, qui est subjectif et propre à l’artiste qui a décidé de la mettre en scène. Tisseron explique ainsi que « Le photographe agit toujours avec le désir de « créer » une image qui, auparavant, n’existait pas ». Ce processus de création n’a donc pas pour finalité de transmettre le travail d’un architecte.
Cependant, nous pouvons constater qu’un artiste photographe peut être repéré par
un architecte et donc passer du côté de la collaboration ou de la commande. C’est de cette page 38
Relation avec l’académisme photographique; rôle de la photographie d’architecture
manière que Lucien Hervé et Julius Schulman sont venus à travailler avec les plus grands architectes du XX ème siècle.
Lucien Hervé devint le photographe attitré de Le Corbusier. En effet, l’artiste
photographe avait mis en scène la Cité Radieuse dans des valeurs que l’architecte prônait également : simplicité, minimalisme et fonctionnalité. Ainsi, de cette entente esthétique sont nées 15 années de travail commun. En laissant une grande place à l’ombre, Lucien Hervé met en valeur les qualités géométriques et la radicalité des lignes de l’architecture du Corbusier. C’est donc embellie que l’ensemble de l’œuvre de l’architecte se présente aux yeux des spectateurs. La photographie d’architecture se compare ici à un moyen de publicité, que Le Corbusier n’a pas hésité à mettre en avant. Les photographies à l’identité esthétique de Lucien Hervé ont permis au grand public de se familiariser avec l’architecture, qui paraissait seulement réservée à une poignée d’élus. La photographie d’architecture a par conséquent fait le lien entre architectes et grand public, ce qui a participé à l’engouement nouveau pour cette discipline.
Julius Schulman, quant à lui, sortant des codes de la photographie « documentaire »
d’architecture, choisi d’entreprendre un rapport au narratif. Ainsi, à l’aide de mise en scène de personnages, il raconte l’histoire de bâtiments. Attirant des architectes par la valorisation du bâti et la représentation du bonheur qu’il met dans ses clichés, il crée une sorte de business. Il clame que sa photographie pourra embellir et rendre désirable n’importe quelle architecture. C’est de cette manière que la photographie va modifier le travail des architectes. Ainsi, certaines architectures seront créées dans le but d’être mises en valeur par une photo.
A contrario, il peut parfois être interdit de photographier un édifice sans la permission
de l’architecte. Un droit à l’image est alors demandé, l’architecte étant dans ce cas considéré comme le propriétaire de son œuvre. C’est la position qu’a prise l’architecte Dominique page 39
Relation avec l’académisme photographique; rôle de la photographie d’architecture
Perrault. Il a également la démarche d’expliquer sa propre vision de son architecture, afin de parvenir à la photo qui lui convient le mieux, remettant en question la véritable utilité du photographe d’architecture.
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Quelles relations les photographies d’architecture entretiennent-elles avec
l’académisme photographique, et comment parviennent elles à le réinterpréter ?
A travers la réflexion que nous avons menée sur la photographie d’architecture,
nous avons pu dégager une direction globale de son utilisation. Nous avons commencé par formuler un ensemble des standards photographiques regroupés sous le terme d’académisme. Ainsi, cinq thèmes principaux ont émergés de cette analyse : le point de vue, le cadrage, la lumière, la composition et le rôle d’une photographie.
Nous avons par la suite confronté ces standards académiques à la production de
photographes, qu’ils soient célèbres ou non, afin d’élaborer un aperçu des relations qu’ils entretiennent.
Nous avons ainsi pu constater que certains thèmes, tels que la lumière, la
composition, le cadrage et le rôle de la photographie, avaient une évolution parmi les différentes études de cas, liée au contexte historique. En effet, l’académisme de la peinture et le premier matériel de photographie ont contribué à définir des standards qu’il était difficile de dépasser. Puis l’amélioration des appareils photos qui sont devenus plus rapides, plus malléables et transportables a soudainement donné une ouverture au champ des possibles. Les progrès de l’image qui ont permis de faire des photographies de macro ou d’astronomie, ont également donné de multiples façons d’envisager l’architecture.
A partir de ce constat nous pouvons avancer que le dépassement des standards
de la photographie, même si le photographe en a les moyens techniques, est un choix. Ce choix justifie une volonté artistique du photographe. Nous avons pu nous rendre compte que le dépassement du cadrage et de la lumière académiques amènent à une révélation de matériaux, de formes géométriques, d’une dimension plus sensible. Concernant la composition, il va s’en dire que chaque photographie qualitative possède une cohésion entre
les différents éléments qui la composent. Nous pouvons également affirmer que chacune des photographies sortant de l’académisme photographique comprend une part de mise en scène, que ce soit avec des personnages, des lumières, des ombres, des formes géométriques créées par le cadrage, etc.
Nous pouvons donc conclure que l’histoire de la photographie a participé au
dépassement des codes de celle-ci. Cet affranchissement de l’académisme photographique est néanmoins un moyen d’attirer le regard sur un détail en particulier, qu’il se veuille d’ordre esthétique, politique ou fonctionnel.
« No photograph of a building is ever neutral » affirmait Kenneth Frampton,
ce qui appuie le fait que chaque photographe d’architecture s’empare de l’élément d’une architecture qui lui parle le plus. C’est en cela que l’héritage de la photographie documentaire qui constitue notre définition d’académisme photographique se décline en autant de façons qu’il y a de photographes d’architectures.
La photographie d’architecture correspond à chacun des clichés montrant une rue,
des ruines, un bâtiment. Elle se définit comme telle par l’appartenance de son sujet principal à la notion d’habiter. Le dépassement de l’académisme que nous indiquons correspond en fait à l’évolution des manières d’habiter des hommes. En effet, la conception d’un bâtiment évolue en fonction de nos modes de vie et c’est par ce biais que la photographie trouve sa place dans les nouveaux détails qui comptent dans l’architecture.
Pour clôturer cette réflexion, nous nous poserons alors une question : au vu du
développement d’une situation précaire du terme « habiter » de nos jours, la photographie d’architecture immortalisera-t-elle toujours uniquement des bâtiments ?
figure 14
figure 15
Iconographie Couverture SAINT GREY Kevin, Architecture, 2011 Figure 1 BASILICO Gabriele, Milan, photographie à l’argentique, 1980 Figure 2 DAVID Jacques-Louis, Le Serment du Jeu de Paume, huile sur toile Figure 3 ABOTT Berenice, Bridge Water and new Dock Streets, photographie à l’argentique, 1936 Figure 4 BASILICO Gabriele, Moscou Verticale, photographie à l’argentique, 2007 Figure 5 DAGUERRE Louis, Notre Dame de Paris, daguerrotype, 1838 Figure 6 BECHER Hilla et Bernd, Water Towers, 1988 Figure 7 BECHER Hilla et Bernd, Charette Works, 1980 Figure 8 SUGIMOTO Hiroshi, La Villa Savoye, 1997 Figure 9 CALS Bruno, Horizons, 2010 Figure 10 BINET Hélène, The Secret of the Shadows, 2007 Figure 11 HERVÉ Lucien, photographie à l’agentique, 1955 Figure 12 page 44
SCHULMAN Julius, Case Study House #22, 1960 Figure 13 SAINT GREY Kevin, Architecture, 2011 Figure 14 PERNOT Mathieu, Le feu, 2013 Figure 15 PERNOT Mathieu, Les migrants, 2009
Bibliographie ARMATI Fernando, LOI Maurizio, MARZELLE Fernand, « Architecture et monuments », L’École de la photo, 15, janvier 1983 BLANQUART-EVRARD Louis Désiré, Traité de la photographie sur papier, paru en 1851 FANELLI Giovanni, Histoire de la photographie d’architecture, MAZZA Barbara (trad.), Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. « Architecture Essai », 2016 STIERLIN Henri, La Vision photographique en architecture, Infolio, coll. Testimonia, 2006 JAMMES André, ROOSENS Laurent, Musée des arts décoratifs, « un siècle de photographie, de Niepce à Man Ray », 1965
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GUERIN Alexandre, CAMERA LUCIDA, «Dialogue entre architecture et photographie», Université Laval 2011 SCHULMAN Julius, L’architecture et sa photographie, Taschen, 1998 TOMASINI Olivier, BAQUÉ Dominique, DE MONDENARD Anne, LEMOINE Serge, JAKOB Michael, Vues D’architectures, Photographies Des XIX ème et XX ème Siècles, Rmn, 2002 ROCHE Denis, La photographie est interminable, entretien avec Gilles Mora, Fiction & Cie, Seuil, 2007
Sitographie www.wikipédia.fr www.impulsionsphoto.com www.avecunphotographe.fr www.laboiteverte.fr www.moma.org www.phototrend.fr www.instagram.com www.nlwirth.com
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finalisĂŠ le 20 mai 2019, Ă Clermont-Ferrand