LA VILLE FABRIQUE PLURIDISCIPLINAIRE BORDEAUX LE RENOUVEAU D’UN TERRITOIRE
BATAILLE EMMANUELLE ÉTUDIANTE EN MASTER 2 ARCITECTURE À L’ÉCOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE PARIS VAL DE SEINE contact: em.bataille@gmail.com
MÉMOIRE MASTER 2 ENSAPVS_ VILLES ET TERRITOIRES ENTRE MÉMOIRE ET ACTUALITÉ_ ENCARANTS: CHAPUIS Jean-Yves/ ESSAIAN Elisabeth/ FEVEILE Laurence/ HATZFELD Hélène/ LAROQUE Didier _SEPTEMBRE 2012
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REMERCIEMENTS
Je remercie ... pour leur aide, leurs conseils et le temps qu’ils m’ont accordé: Mme Elisabeth Essaïan, architecte et enseignante à l’ENSAPVS ; Mr Jean-Yves Chapuis, sociologue, urbaniste et enseignant à l’ENSAPVS; ainsi que l’ensemble des enseignants du séminaire Ville et territoire entre mémoire et actualité. pour le temps pris pour me recevoir en entretien et le partage de leurs expériences: Mr Nicolas Drouin, architecte-urbaniste et directeur d’équipe Projet Urbain à l’A-urba; Mr Michel Duchène, adjoint au maire, chargé de la prospective et de la stratégie urbaine, de la cité numérique de la ville de Bordeaux; Mme Michèle Laruë-Charlus, directrice générale de l’aménagement de la ville de Bordeaux; Mr Michel Jacques, architecte et directeur artistique du centre d’Architecture Arc en Rêve. pour leur participation et leurs témoignages: les habitants de la ville et de l’agglomération de Bordeaux qui ont répondu à l’enquête en ligne. pour leur soutien et l’intérêt qu’ils ont porté à ce travail de mémoire: Mlle Pauline Dubois, Mme Fabienne Coatrieux, Mlle Céline Lebreton et Mr Louis Calleja.
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AVANT-PROPOS
Au cours de sa carrière un architecte est amené à concevoir des projets architecturaux, tout en les mettant en perspective avec un projet plus vaste encore, celui de la ville. Ainsi l’architecture n’est pas un élément indépendant au sein du paysage urbain, il s’élabore dans un contexte regroupant de nombreux facteurs, ceux de la fabrique de la ville. En tant que future architecte, il me semble important de comprendre et de mettre en évidence les mécanismes de cette fabrique. Or la fabrication semble de plus en plus plurielle, si l’architecte et l’urbaniste ont longtemps été les acteurs privilégiés des projets de ville, ils voient aujourd’hui émerger de nouveaux participants: allant des acteurs associatifs ou culturels, jusqu’aux habitants eux-mêmes. Représentant des enjeux différents, c’est dans cette nouvelle pratique d’une conception partagée de la ville que je souhaite interroger la fabrique de la ville. Il ne s’agit pas lors de ce mémoire de faire l’apologie de la ville participative, mais plutôt de comprendre cette évolution et de souligner ces répercussions dans les pratiques. L’architecte étant lui-même un acteur plongé au coeur de cette nouvelle fabrique de la ville, ce travail abordera le sujet sous l’angle du projet mais en s’intéressant plus particulièrement au discours, aux moyens de communication mis en place et à l’expérience des principaux intéressés.
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INTRODUCTION
Depuis quelques années, nous assistons à la recrudescence des “re” dans le vocabulaire des professionnels: reconstruction, reconversion, régénération, réhabilitation, renouvellement urbain, rénovation urbaine, requalification ... Cette récurrence souligne l’existence d’une urbanité, qui existe déjà mais sur laquelle il serait nécessaire de revenir. Comme si, les manières dont nous avions envisagé l’urbain jusqu’ici n’étaient plus en adéquation avec notre manière de vivre la ville aujourd’hui. Pour mieux comprendre ce phénomène, il nous faut tout d’abord nous intéresser à l’évolution des manières de penser la ville. Au cours de mes lectures, j’ai pu constater que de nombreux auteurs s’intéressent à cette évolution. On peut notamment distinguer les réflexions développées par Robert Prost et Alain Bourdin dans le cadre du POPSU, Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines, démarche d’étude et de retour sur action concernant de nombreux projets de villes françaises (Nantes, Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Marseille, Rennes, Toulouse). Cette étude a notamment donné lieu à l’édition d’ouvrages spécifiques dans la collection “la ville en train de se faire”, aux éditions Parenthèses¹. On distingue également le travail d’Ariella Masboungi, architecte urbaniste de l’État, qui est chargée de la mission « Projet urbain » auprès du directeur de la DGUHC du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables. Elle dirige les ateliers projet urbain et la collection Projet urbain coéditée par le ministère et les éditions Le Moniteur², ainsi que le grand prix de l’urbanisme et la collection d’ouvrage qui lui est liée, aux éditions Parenthèses³. Dans le cadre du POPSU⁴, Robert Prost (ingénieur/ chercheur au CNRS) fait l’état des lieux des trois grandes périodes de cette évolution durant les dernières décennies⁵. Dans un premier temps, l’émergence de la planification urbaine, qui, selon l’auteur, à l’aide de schémas d’aménagement et de plans d’urbanisme “pensait plutôt en termes de totalité et en terme de désignation exhaustive des résultats à atteindre [...]oscillant entre prévision, prédiction et futurologie”. Par ces propos, l’auteur met en avant les limites rencontrées par cette pratique figée face à une ville à multiples facteurs et en constante mouvance. La deuxième grande période étant, le strategic planning introduit par les anglo-saxons en parallèle de la ville planifiée, cette théorie s’intéresse aux opportunités foncières et financières plutôt qu’à la totalité urbaine; mettant ainsi en évidence le travail de la ville en fonctions de ses possibilités. C’est dans ce contexte d’hybridation des courants de pensée qu’émerge la notion de Projet Urbain.
¹ ouvrages parus dans la collection “la ville en train de se faire” aux éditions Parenthèses: Projet et stratégies urbaines, paru en mars 2009; Nantes- petite et grande fabrique urbaine, paru en avril 2009; Bordeaux métropole- un futur sans rupture, paru en mai 2009; Lyon- la production de la ville, paru en novembre 2009; Gares et dynamiques urbaines, paru en février 2011; Le piéton dans la ville- l’espace public partagé, paru en septembre 2011. ² ouvrages parus aux éditions Le Moniteur: Faire la ville avec les lotissements, paru en juin 2008; Faire la ville durable- Breda, paru en juin 2008; Barcelone- la ville innovante, paru en mai 2010; Bien habiter la ville, paru en septembre 2010; Anvers- faire aimer la ville, paru en juillet 2011; Projet urbains durables, paru en mars 2012. ³ ouvrages parus aux éditions Parenthèses: Jean-Louis Subileau- Grand prix de l’urbanisme 2001, paru en janvier 2007; Bruno Fortier- Grand prix de l’urbanisme 2002, paru en janvier 2007; Christian de Portzamparc- Grand prix de l’urbanisme 2004, paru en janvier 2007; Francis Cuillier- Grand prix de l’urbanisme 2006, paru en janvier 2007; Artisans des territoires de demain, paru en octobre 2008; Organiser la ville hypermoderne, paru en août 2011; Gênes- penser la ville par des grands évenements, paru en août 2011, Le paysage en préalable, paru en novembre 2011; Impulser la ville, paru en août 2012. ⁴ POPSU: Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines, programme coordonné par Danièle Valabrègue pour le PUCA. Alain Bourdin: président du comité scientifique du programme. Robert Prost: responsable scientifique du programme. ⁵ extraits article “Observer la ville en train de se faire” de Robert Prost_Bourdin Alain, Prost Robert, Projets et stratégies urbaines. Regard comparatif, Paris, Editions Parenthèses, collection la ville en train de se faire, 2009.
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En parallèle, Ariella Masboungi¹, grande figure engagée du projet urbain, en propose une définition en s’appuyant sur deux notions particulières². D’une part, elle met en avant la notion de “projet” qui tout en étant le fil conducteur des changements apportés sur la ville , se doit d’être capable d’une évolution de point de vue et d’émergence de nouvelles possibilités. D’autre part, elle définit le projet urbain comme le jeu de différents acteurs amenés à travailler pour une même cause, tout en soulignant l’importance d’une figure particulière (le plus souvent politique) nécessaire pour porter le projet. A l’issue de l’éclairage apporté, il semble porteur d’interroger les termes eux-mêmes. PROJET nom masculin [ de projeter] _ But que l’on se propose d’atteindre: un projet chimérique. _ Idée de quelque chose à faire, que l’on présente dans ses grandes lignes: son projet a été accepté. _Première ébauche, première rédaction destinée à être étudiée et corrigée: un projet de roman. _Tracé définitif, en plans, coupes et élévations, d’une construction à réaliser( machine, équipement, bâtiment, aménagement urbain...)[Le tracé initial, à partir des études préliminaires, est l’avant-projet. ] _Étude de conception de quelque chose, en vue de sa fabrication.³
Ainsi dans la notion de “projet” , elle-même, il existe ce paradoxe entre la nécessité de figer une intention et celle de permettre l’évolution. CONCERTER verbe transitif, latin [concertare: se mettre d’accord]
_Préparer une action en commun avec une ou plusieurs personnes; combiner, arranger: Il a concerté ce projet avec ses collaborateurs.³
Tout aussi ambivalent que le terme de “projet”; il sous-tend à la fois la volonté de “travail en commun”, tout en recherchant l’adhésion/accord.
Ainsi le projet urbain, né de courants opposés, serait l’association ambigüe d’une apparente nécessité de figer un projet global et d’un réel besoin de flexibilité dû à une ville en perpétuel mouvement. Et c’est peut-être là, en tant que médiateur de cette ambiguïté que la concertation pluridisciplinaire trouve son rôle. De plus, il est intéressant de souligner que le verbe “concerter” introduit la recherche d’une adhésion. Ariella Masboungi intitule d’ailleurs son article “ le projet urbain est le fruit d’une négociation réussie”, la fabrique de la ville⁴ est donc devenue une négociation entre des acteurs pluridisciplinaires.
¹Ariella Masboungi, architecte urbaniste de l’État, est chargée de la mission « Projet urbain » auprès du directeur de la DGUHC du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables. Elle dirige les ateliers projet urbain et la collection Projet urbain coéditée par le ministère et les éditions de La Villette ainsi que le grand prix de l’urbanisme et la collection d’ouvrage qui lui est liée, aux éditions Parenthèses. ²_Masboungi Ariella, Le projet urbain est le fruit d’une négociation réussie, 2009, article disponible sur www.revueterritoires.files. wordpress.com/…/la-ville-negociee.pdf. ³ Le petit Larousse illustré,1 vol., Paris, Larousse, 2011. ⁴ Lors des entretiens réalisés au cours de ce mémoire, il est apparu que les acteurs avaient des définitions et emplois différents de ces termes. Notamment pour la notion globale de “projet urbain”, qui regroupe des usages différents selon la place des acteurs, allant du projet à l’échelle de l’agglomération jusqu’à l’échelle du quartier. Ainsi pour conserver l’impartialité, nous utiliserons plus communément les termes de “projet de ville” ou encore de “fabrique urbaine”. Je préfère ici le terme de “fabrique” de la ville au terme de “projet” urbain, considérant le terme de “projet urbain” trop “impliqué”: d’une part parce que celui-ci prend différents sens en fonction des acteurs qui l’emploient; et d’autre part car le terme de “projet” est tellement associé à cette nouvelle démarche, que l’on peut se demander si la démarche naît du projet urbain ou si c’est le nom de “projet urbain” qui a été créé pour cette nouvelle démarche?
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Nous remarquons donc un glissement vers une pratique pluridisciplinaire du projet urbain. L’intérêt de cette réflexion est de souligner cette évolution et de mettre en avant ses répercussions. D’où vient ce besoin de croiser de nouveaux points de vue? D’où naît la pluralité des acteurs de la ville? Y a-t-il naissance de nouvelles pratiques? Et si tel est le cas, quelles sont-elles? Pour mettre en oeuvre cette réflexion, le choix du terrain était déterminant. Ce dernier devait être porteur d’une nouvelle pratique en matière de fabrique de la ville mais également posséder le recul nécessaire pour mettre en lumière cette évolution. La ville de Bordeaux a été, depuis la fin des années 1980, un champ exploratoire immense en matière de pensée urbaine, possédant différentes phases qui ont accompagné l’évolution vers une fabrique pluridisciplinaire et une multiplication des acteurs. BORDEAUX OU LE RENOUVEAU D’UN TERRITOIRE À TRAVERS UN PROJET DE VILLE
La ville de Bordeaux, fondée au Ve siècle avant J.C. par les romains, connaît son plus fort développement au XVIIIe siècle grâce au commerce portuaire et à la traite négrière. Sa place privilégiée dans le commerce triangulaire va enrichir les grandes familles de négociants, la ville et en accroître la population. Ainsi c’est grâce à son port que la ville va peu à peu se développer et ériger ses façades de pierres blanches; ce qui lui vaudra par la suite son appellation de “ville de pierre”. Aussi lorsque dans les années 1980, l’activité portuaire disparaît du centre ville, c’est un grand bouleversement pour la ville. De plus les années ont passé sur ses façades blanches. Comme l’exprime l’adjoint au Maire, Mr Duchène ¹, “il y avait urgence”, la ville de Bordeaux avait besoin d’un nouveau souffle, d’un nouveau dynamisme. Longtemps surnommée la “belle endormie”, la ville de pierre tournée vers son centre historique allait redécouvrir son fleuve et s’ouvrir sur de nouveaux horizons. Ce pari sur l’avenir mené par une forte conviction politique, n’était pourtant pas sans risque quant à la réception du grand public. Les nombreuses et différentes stratégies de communication et de concertation mises en place lors des différentes phases du projet de ville, font de Bordeaux un terrain favorable à l’étude de leurs répercutions sur la fabrique de la ville. Ainsi ce travail de mémoire ne s’intéresse ni à Bordeaux en particulier, ni aux techniques de communication/ participation seules, ni même à définir la notion de “projet urbain”; mais tente de comprendre les raisons de l’apparition de cette démarche pluridisciplinaire/ concertative/ participative et les répercussions que celle-ci entraîne sur la fabrique de la ville. De plus, ce mémoire étant centré sur l’expérience, cette étude a choisi pour matériaux privilégiés le discours, l’entretien et l’enquête auprès de la pluralité des acteurs de la fabrique urbaine. Nous avons ainsi recueilli la parole d’acteurs politiques, d’architectes, d’urbanistes, d’acteurs culturels mais également celle des habitants eux-mêmes. Ainsi à travers l’exemple bordelais et le croisement des différents points de vue sur la ville, nous tenterons de comprendre cette nouvelle fabrique pluridisciplinaire et de mettre en lumière l’évolution des pratiques.
¹ _extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe.
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SOMMAIRE 3 5 13
15 17 17 19 23 25 27 29 31 35 37 37 39 43 45 47
49 53 55 57
57 59 61 69 73 75 77 79 83 87 91 93
AVANT-PROPOS INTRODUCTION PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase 1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE I. La disparition d’un port, la refonte d’un système centré sur la “ville de pierre” vers les berges de la Garonne. A. La fermeture des activités portuaires, la gestion de lieux inconnus B. Evocation de l’image que les bordelais se font de leur ville C. “Ville de pierre” vs redécouverte du fleuve
II. Les démarches expérimentales, donner la possibilité.
A. L’ouverture des grilles: “cet espace est également le vôtre” B. Micro-événementiel/ macro-événementiel: provoquer le mouvement C. La redécouverte et l’appropriation d’un territoire
III. De l’expérience à la culture de la ville
A. De l’expérience à l’atelier/ de l’atelier à l’expérience B. Du spectateur à l’élève concerné C. Forger une culture de la ville
DEUXIÈME PARTIE :..phase 2: BORDEAUX MÉTROPOLE, LA VILLE PARTICIPATIVE I. La considération d’un champ d’action plus vaste, un projet global A. Une démarche communautaire B. Un plus grand public concerné C. La nécessité de la concertation
II. Une stratégie communicative à la base du projet
A. De la publication informative à l’outil de culture de la ville B. La rencontre des angles de vues C. Le point de vue de l’usage comme nouveau médium de la fabrique de la ville
III. Faire du citoyen un acteur
A. Le citoyen ne se reconnaît plus dans l’image de synthèse B. Plus d’image figée, proposer les possibles évolutions de la ville C. Du passif à l’actif
TROISIÈME PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville [ retour sur action à travers de l’exemple de Bordeaux ] I. La ville participative/ La parole habitante . A. Le contexte: Comment se représente-t-on la fabrique de la ville aujourd’hui ? Le paradigme de la participation B. Bilan de la démarche participative à Bordeaux C. Représentation et sentiment d’appartenance
II. Les acteurs du changement
A. Comment s’organise la fabrique pluridisciplinaire? B. Les dispositifs et lieux de rencontre C. Lieux de partage: prismes et langage
III. La ville: une fabrique pluridisciplinaire / particpative?
A. Le croisement des points de vue: enjeux et limites du système B. L’importance des médiums de communication C. Le facteur d’une cohérence territoriale
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE/ ICONOGRAPHIE ANNEXES 15
PARTIE PREMIÈRE: phase 1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE La perspective d’une transformation de la ville de Bordeaux a été initiée lors du mandat de Jacques Chaban-Delmas (maire de Bordeaux 1945-1995); par des études et propositions de projets: projet controversé du métro léger VAL (1986-1994), projet ZAC des Queyries par Ricardo Bofill (1986-1989), projet d’aménagement des quais rives gauche par Bertrand Nivelle et Denis Salz (1988-1989), concours d’idées “Bordeaux Port de la Lune” Alsop/ Nouvel/ Hadid/ Koolhaas/ de Portzamparc/ Calatrava [...] (1989), ou encore étude et projet “Bordeaux, les deux rives” de Dominique Perrault (1992-1994). Malgré ces grands architectes penchés sur la question ces projets ne verront pas le jour. ¹ C’est avec l’élection d’Alain Juppé à la mairie (1995), qu’un projet urbain pilote pour la ville de Bordeaux est lancé en 1996. Celui-ci comprend une décision en faveur du tramway comme transport collectif et une procédure de concertation sur l’aménagement des quais rive gauche. Ainsi cette première phase du renouvellement de la ville, qui va s’effectuer sur un temps long de réflexion, de mise en place des stratégies et de réalisation (1996-2007), comporte de nombreux enjeux pour Bordeaux mais également pour les Bordelais. À travers l’exemple particulier du projet des quais mais également des témoignages recueillis auprès des acteurs du projet, nous tenterons de souligner les enjeux d’un tel projet mais également les stratégies mises en place et leur répercussions.
¹_Tsiomis Yannis, Ziegler Volker, Anatomie de projets urbains. Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg, Paris, Éditions de la Villette, 2007.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
port de Bordeaux fin XIXe siècle, début XXe siècle_ carte postale ancienne_ Blocs frères éditeurs
BORDEAUX LAC LE BOUSCAT
bacalan aubier
CENON
chartrons
bastide brazza
grand parc
caudéran
MÉRIGNAC
quinconces mériadeck
st pierre
AMÉNAGEMENT DES QUAIS
BORDEAUX RE CENTRE
st augustin
benauge
bastide
garonne eiffel
renouvellement urbain 16500 lgmts
st michel
RÉSEAU TRAM PESSAC
nansouty
TALENCE carte stratégie urbaine 1995-2007_ réalisation personnelle
gare st jean belcier
BÈGLES
FLOIRAC
I. La disparition d’un port, la refonte d’un système centré sur la “ville de pierre” vers les berges de la Garonne. A- La fermeture des activités portuaires, la gestion de lieux inconnus Lors de la disparition des activités portuaires dans le centre de Bordeaux en 1982, le port autonome cède une grande partie de ses terrains sur les quais, qui jusqu’alors étaient exclusivement du domaine privé ¹. En 1996 la CUB² met au propre la situation des quais et devient gestionnaire du domaine public rive gauche, ce qui rend enfin possible l’accès aux quais pour les Bordelais ¹. Il faut être conscient que jusqu’alors les habitants ne connaissaient pas ces lieux. “les quais hérissés de hangars, fermés de grilles, occupés au-delà du pont de pierre par des entreprises qui barraient l’accès à la Garonne” Alain Juppé³
Comme le souligne Alain Juppé, lors d’un entretien avec Ariella Masboungi, l’espace des quais a toujours été occupé par les seules entreprises. Ainsi ces lieux ne possèdaient aucune identité pour les habitants qui n’y ont jamais eu accès. Ils étaient des terres inconnues. L’enjeu de reconversion de ces espaces était donc plus particulier à Bordeaux, que dans d’autres villes où le port faisait partie de la vie et de la pratique quotidienne. “certains espaces étaient de véritables “no man’s land”. “nous avons de suite ressenti qu’une de nos responsabilités était d’aider les bordelais à accepter la mutation du port. Il fallait ouvrir de nouvelles perspectives, que les quais se modifient pour devenir un grand espace public.” Michel Corajoud ⁴
Lorsque Michel Corajoud revient sur ses premières réactions lors de la découverte des quais, il exprime très vite le manque d’accroche entre le port et la ville. Si le port a fait la richesse de la ville, au cours du XXe siècle, il est peu à peu devenu clos à la ville. Ainsi lorsque l’activité portuaire a disparu, ce lieu a été désaffecté: en a résulté un espace de plus de 3 km de long au coeur de la ville, sans aucune fonction. Il était alors évident que cette faille urbaine au centre de la ville et en accès direct sur le fleuve devait être rendue à ses habitants. Mais comment transformer un lieu inconnu en coeur de ville? “La mutation des quais demeure, avec le tramway, un des grands gestes emblématiques de la transformation de l’espace bordelais. Il ratifie d’abord une rupture historique, en devenant en lieu et place du port un parc urbain contemporain aux activités ludiques et touristiques. Dans un temps plus court, il incarne un autre retournement d’ampleur, le passage d’une ville vouée au tout automobile vers une ville à l’espace public partagé (piétons, cyclistes). C’est une rupture culturelle qui révèle une nouvelle urbanité” ⁵
¹_Tsiomis Yannis, Ziegler Volker, Anatomie de projets urbains. Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg, Paris, Éditions de la Villette, 2007. ²_CUB: Communauté Urbaine de Bordeaux, structure intercommunale, elle regroupe 27 communes de l’agglomération de Bordeaux, ce qui en fait d’elle l’agglomération la plus étendue de France après Paris. ³ _“Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur. ⁴_ Interview Michel Corajoud_ Arc en Rêve centre d’architecture, Les quais, Bordeaux 1999-2009, Bordeaux, éditions Confluences, 2009. ⁵_POPSU, Fiche du projet des quais rive gauche, sur http://www.popsu.archi.fr/POPSU1/valorisation/spip.php?article145
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vue aérienne sur la ville de Bordeaux et le fleuve la Garonne_ photographie de Le Lann Dominique
1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
Le POPSU¹ en dressant le bilan de l’action sur les quais rive gauche, met en évidence les ruptures portées par ce projet. Ainsi les changements d’usage de ces lieux seraient des “ruptures”: “historique”, “culturelle”; c’est ici l’expression d’un réel changement identitaire. Cette nouvelle urbanité marque la transformation de l’image de la ville et en particulier de l’image qu’en ont les habitants.
B - Évocation de l’image que les bordelais se font de leur ville. “Je me souviens des Cassandres² me disant en 1995 que les Bordelais n’aimaient pas leur fleuve, que les quais étaient inhospitaliers naturellement, qu’aucune animation ne pourrait s’y maintenir, qu’au-delà des quais des Chartrons on n’était plus à Bordeaux.” Alain Juppé³
Ce qu’évoque dans cet extrait le maire Alain Juppé, c’est l’image négative qui était portée aux quais par les Bordelais. En effet, le manque d’expérience de ces lieux, l’état de délabrement des bâtiments, les grilles, les parkings avaient fait des 3,5 km de quais rive gauche une frontière entre le centre ville et la Garonne, allant même jusqu’à nier l’appartenance de ce paysage à Bordeaux. L’image collective de la ville résidait dans ses constructions de pierre calcaire du XVIIIe siècle, comme-ci la “belle endormie” s’était figée à cette époque de son histoire. Pour la majorité des Bordelais, il était impossible d’imaginer une autre représentation de la ville. Pourtant l’enjeu politique était de faire entrer cette grande ville française dans le XXIe siècle. La question était de taille, comment renouveler une ville dont l’image même que se faisaient les habitants était restée figée dans le passé? “Pour changer la ville, il faut réussir à changer l’image mentale que s’en font les habitants.” Alain Juppé³
Ainsi, la réception et la viabilité du projet dépendait en grande partie du travail à mettre en place sur la représentation de la ville, et donc du travail avec les porteurs de cette représentation: les habitants. La communication du projet devait amener les Bordelais à réinterroger leur ville. “Le projet urbain de 1996, visait d’abord à restaurer la confiance, à mobiliser les énergies et combler les retards.” Alain Juppé³
Il existait donc un véritable enjeu quant à la réception du projet par le grand public. Le réaménagement des quais était un projet symbole qui devait donner à la ville une nouvelle identité, être porteur d’un renouveau.
C - “Ville de pierre” versus redécouverte du fleuve “Il fallait aider à l’avènement d’un autre temps, permettre d’autres perceptions, d’autres usages, intégrer les quais à la ville.” Michel Corajoud⁴
¹ POPSU: Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines, programme coordonné par Danièle Valabrègue pour le PUCA. Alain Bourdin: président du comité scientifique du programme. Robert Prost: responsable scientifique du programme. ² Cassandre, issu du nom de la prophétesse de la mythologie grecque qui annonça la chute de Troie, ce terme est aujourd’hui utilisé pour désigner l’usage de prophéties dramatiques qui peuvent paraître exagérées. ³_ “Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur. ⁴_ Interview Michel Corajoud_ Arc en Rêve centre d’architecture, Les quais, Bordeaux 1999-2009, Bordeaux, éditions Confluences, 2009.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
les quais face à la place de la bourse_ fermés aux public par des grilles_ issu de la rétrospective consacré à Bordeaux par le site GEO.fr
les quais envahis par la voiture_ devenu espace résiduel de la ville_1979_ issu de la rétrospective consacré à Bordeaux par le site GEO.fr
Lorsque Michel Corajoud emploie l’expression “l’avènement d’un autre temps”, il met lui aussi en exergue l’image statique de la “ville de pierre”. Il met également en évidence l’idée d’une nouvelle “perception” intégrant le paysage des quais. Le concept même de “ville de pierre” exclut 50% de la ville, celui-ci ne prenant en compte que le centre ville rive gauche. Pourtant la ville s’étend de part et d’autre de la Garonne. Le projet des quais est un projet de ville dans le sens où il entend considérer la ville dans sa globalité: rive gauche/rive droite. Le port a très longtemps creusé cette frontière entre les deux rives. Inaccessible, il était une séparation supplémentaire aux 500 m de largeur de la Garonne. Ainsi si le projet des quais a été conçu comme un projet d’espace public, c’est pour transformer cet espace de faille en coeur de ville rassemblant rive gauche et droite: faire du paysage du fleuve non plus une frontière mais un lien. “L’ambition du projet est d’opérer le deuil du port en le transformant en espace public. Il est aussi prévu de faire du fleuve un axe de développement et de cohésion urbanistique: c’est le concept de Bordeauxsur-Garonne cher à Alain Juppé.” Sébastien Ségas ¹
Ainsi la disparition des activités portuaires et l’acquisition de nouveaux territoires inconnus, jusqu’alors, ont entraîné la reconsidération des possibles de la ville. Bordeaux a reconsidéré son image de “ville de pierre”; la ville centrée sur son coeur du XVIIIe s’est retournée vers son fleuve, a redécouvert ses berges. La Garonne est devenue l’élément fédérateur du territoire. L’enjeu de la première phase de transformation urbaine a donc été de faire d’une frontière un lien, en proposant une nouvelle manière de vivre l’espace public mais aussi un nouveau regard sur la ville. Ce profond basculement a nécessité un très fort engagement de la part des acteurs mais également une démarche particulière apportée à la communication du projet. Ainsi nous allons tenter de mettre en lumière les démarches mises en place.
II. Les démarches expérimentales: donner la possibilité. A - l’ouverture des grilles: “cet espace est également le vôtre” La première démarche expérimentale menée à Bordeaux lors de ce projet, fût l’ouverture et la disparition des grilles qui fermaient l’accès des quais à la ville. Avant toute autre action, elle fût la première mesure mise en place après l’annonce du projet en 1996. Tous les acteurs du projet s’accordent sur la place prépondérante de cette action dans le projet des quais. “la grande révolution urbaine de 1995, c’est vraiment l’accès des bordelais aux quais, c’est à dire la disparition des grilles et l’ouverture des quais aux habitants comme un lieu de promenade un peu improbable, un peu insécurisant parfois, mais en tous cas un lieu à occuper. “ Michel Duchène ²
Comme l’explique Mr Duchène lors de notre entretien, l’intérêt premier de cette mesure était de donner la possibilité aux bordelais de découvrir ce “lieu” et non plus cet “espace” inconnu. Le terme “lieu” est important car il renvoie à plus qu’une simple spatialité. En effet, les quais ont une histoire, une identité propre et un paysage particulier. Les habitants devaient se rendre compte du “génie du lieu” par eux-mêmes, comme l’explique Alain Juppé.
¹_ Sébastien Ségas, “La production de l’aglomération Bordelaise par sa littérature savante”_Godier Patrice, Sorbets Claude, Tapie Guy, Bordeaux métropole, un future sans rupture, Marseille, collection La ville entrain de se faire, éditions Parenthèses, 2009. ²_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
les quais redonnés aux Bordelais _après l’ouverture des grilles_ après la mise au propre et la destrcuction d’entrepôts_ avant le concours et les travaux_ 1995-2000_ issu du site Bordeaux 1995-2008
les quais lieu de promenade _2000_ issu du site Bordeaux 1995-2008
les quais de Michel Corajoud_ après travaux_ 2005_ photographe Laurent Keller
“J’ai tout simplement fait tester les quais aux Bordelais. Nous avons enlevé les grilles et ce petit geste a créé immédiatement le désir d’aller au bord de l’eau.” Alain Juppé ¹
Ainsi lorsque l’on met en place cette action en 1996, c’est une démarche expérimentale qui sert à évaluer l’importance que ce nouveau territoire peut acquérir dans la vie urbaine bordelaise, mais c’est également une action symbolique qui va amener l’envie du changement. “Du point de vue des citoyens, l’action majeure a été d’enlever les grilles, et à partir du moment où l’on a amené des événements, cela a permis aux habitants de s’approprier le territoire. Ce qui a grandement facilité le désir de changement, mais il n’y a pas eu d’atelier public, c’est la vie qui a repris son cours. “ Nicolas Drouin ²
Comme le souligne Nicolas Drouin de l’A-URBA³, la vie a peu à peu repris ses droits. Ainsi les changements de la ville sont également initiés par la pratique de ses utilisateurs. Cette perception est une nouvelle manière d’envisager l’action publique urbaine. Cette première action inscrit le projet bordelais dans une nouvelle dynamique de considération du point de vue de l’habitant. “Donc d’une certaine manière, ce qui a permis de donner l’envie des quais dans un premier temps c’est cette ouverture, cette rupture avec l’ancien temps: l’ouverture des grilles. Alors c’était symbolique, car les quais on pouvait y rentrer en passant derrière les grilles ou d’autres points de passage. Le retrait des grilles a dit physiquement et symboliquement: “les quais vous appartiennent, vous pouvez les occuper”.” Michel Duchène ⁴
Une nouvelle considération de la manière dont on s’adresse au grand public Lorsque Mr Duchène exprime la valeur à la fois physique et symbolique de la possibilité d’occupation des quais, il met en évidence la volonté de s’adresser aux habitants à travers un geste fort. Ce geste étant même plus symbolique que physique, c’est une invitation, comme une inauguration. Mais c’est ici l’inauguration d’un endroit qui a toujours été, comme si l’ouverture des grilles changeait l’identité du lieu: “ils vous appartiennent”, “cet espace n’est plus celui des industries portuaires, c’est le vôtre”. Ainsi cette démarche, comme l’explique la directrice de l’aménagement Mme Larüe-Charlus, a changé l’image des quais avant même que les travaux commencent. “ Le public était donc présent sur les quais avant même le début des travaux. Mais comme il investissait cet espace pour la première fois, certaines personnes pensaient que l’aménagement était déjà en cours et le maire raconte souvent que les bordelais le félicitaient pour les quais alors même que rien n’était commencé.” Michèle Larüe Charlus ⁵
Ainsi la répercussion positive de cette expérience a amené la ville de Bordeaux à continuer l’expérimentation des quais en partenariat avec les habitants à travers de nouvelles démarches. Après avoir fait découvrir les lieux, il s’agissait alors de mettre les quais en mouvement, de recréer l’activité.
¹_”Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur. ²_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe. ³_ A-urba, Agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine, est l’outil stratégique de développement urbain de la métropole bordelaise. Instrument d’observation, de mémorisation, de prospective, de réflexion et de dialogue, elle travaille à toutes les échelles, du quartier à l’aire urbaine, sur les dossiers engageant l’avenir de l’agglomération. ⁴_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe. ⁵_ extrait de l’entretien par courriel de Mme Larüe-Charlus, directrice DGA_ Direction Générale de l’Aménagement de Bordeaux, mars 2012_intégralité de l’entretien en annexe.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
skate-park temporaire sur les quais 2000-2005_ issu du site streetlive
aménagement skate-park sur les quais 2006_ issu du site streetlive
B - micro-événementiel/ macro-événementiel: provoquer le mouvement Durant la période de mise en oeuvre de l’avant projet des quais de 1996 à 1999, la mise au propre des quais, le ravalement des façades, démolition des entrepôts [...], la ville a mis en place de nombreux projets événementiels. “Donc l’essentiel ensuite a été, comme vous le disiez très bien, des micro-projets / micro-événements qui ont donné le désir d’occuper les quais de les faire vivre au quotidien comme un véritable espace public ouvert à tous et à toutes, et pas seulement comme un lieu privatisé, réservé ou autre, tel qu’il était.” Michel Duchène ¹
Tous les acteurs s’accordent sur le fait que les événements aient très largement servi l’image des quais, tout en permettant aux bordelais de se ré-approprier l’espace. Deux types de projets ont été mis en place: des projets à l’échelle locale semi-permanents, et des événements ponctuels destinés à un rayonnement plus large. À l’échelle locale, les quais ont été ponctués d’initiatives expérimentales comme un skate-park, un marché temporaire [...]. Le succès de ces expériences a par la suite permis d’établir les fonctions nécessaires à intégrer dans le programme des quais: les usages ont été définis par l’expérience. “Nous avons démoli deux hangars (les hangars 11 et 13) et installé de façon provisoire une aire de skate-board, un marché du dimanche, un manège et des jeux pour enfants.” “Nous avons installé un écran géant sur le pignon du hangar 13 pour le mondial de football et 15000 personnes ont ainsi redécouvert les quais.” Alain Juppé ²
Comme l’évoque le maire de Bordeaux, il a également été mis en place des événements de grande ampleur comme la fête du fleuve, la fête du vin, Evento [...]. Ces événements ont permis de rassembler de nombreuses personnes sur les quais, activant ainsi ce lieu. L’exemple le plus emblématique étant la diffusion de la coupe du monde 1998 sur grand écran, qui a provoqué la cohésion entre les quais et le reste de la ville, mais également entre les bordelais eux-mêmes. “je pense, les événements culturels ou sportifs sont fondamentaux, ou les événements plus ordinaires comme les grands pique-niques. Et il y a eu un événement incroyable à Bordeaux, c’était la coupe du monde avant l’aménagement des quais, il y avait des parties des quais en chantier... Bien sûr ça se construit aussi avec des événements, c’est très clair. Et la première édition d’Evento a été exemplaire de ce point de vue là” Michel Jacques ³
Ainsi le projet des quais s’est également construit grâce aux expériences faites sur les quais, on constate aujourd’hui que la réussite de cet espace public s’est bâtie en collaboration avec les bordelais. Les démarches événementielles ont mis les lieux en mouvement, et cette dynamique a permis la redécouverte.
¹_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe. ²_”Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur. ³_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
fête du vin, issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux
fête du fleuve, issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux
C - la redécouverte et l’appropriation d’un territoire “Les bordelais ont plébiscité ces actions, somme toute modestes, en investissant les quais.” Alain Juppé¹
Les quais ont très vite trouvé une place dans la vie bordelaise, les usages se sont peu à peu dessinés en prenant en compte l’utilisation des habitants. La vie avait repris son cours sur les quais avant même les travaux commencés. “Si bien, que lorsque l’on a lancé le programme d’aménagement, il y avait déjà des usages finalement; la seule chose qui a été amenée de manière spontanée: c’est qu’il manquait d’espaces sportifs. Tout le reste était déjà là; ce que l’on a amené, c’est que sur les quatre kilomètres on conserve une identité, que ce ne soit pas morcelé dans différentes actions, qu’il fallait tenir la géométrie. Mais finalement, c’était des choses assez techniques, l’essentiel avait été fait par la pratique. Voilà, donc on n’a pas concerté sur les quais, mais c’était une autre démarche, on a accompagné une démarche spontanée.“ Nicolas Drouin ²
Nicolas Drouin souligne ici l’intérêt de la pratique dans la conception d’espace public. Un espace public ne se crée pas par simple décision, il faut que de nombreux facteurs soient réunis pour qu’il existe; le facteur des usagers étant le plus important. Aussi dans le contexte de Bordeaux, la redécouverte du fleuve était en quelque sorte un pari sur l’avenir. “dans toutes les villes on voit une reconquête du fleuve, mais c’est particulièrement fort à Bordeaux je crois. Et donc il y aussi ce phénomène, avant je pense, on s’évadait de la ville et là il y a un retour incontestablement à la ville, et parce que l’on a fait un lieu de vie tout simplement. On en a fait des lieux qui étaient des situations acceptables, où effectivement on peut après le travail se balader au bord de l’eau, ce n’est plus une autoroute ou un grand boulevard, on y a créé des conditions tout simplement de vie.” Michel Jacques ³ “l’acte c’était de rendre le site aux habitants” Michel Jacques ³ “En réalité ce qui a fait le succès des quais était la nécessité qu’il y avait à les ouvrir au public. Une communication institutionnelle était inutile.” Michèle Larüe Charlus⁴
Ces espaces de vie sont nés d’un engouement pour les possibilités nouvelles de la ville. La politique de la ville dans cette première phase du projet urbain a donc été celle de proposer des possibles, elle a ouvert les grilles comme autant de possibilités: elle a proposé aux habitants d’expérimenter leur ville. “Ce qui est un peu imprévisible c’est le goût, la reconquête des espaces, pas seulement publics d’ailleurs, la reconquête des espaces de la ville ont donné un goût à la ville. Ca c’est peut-être inattendu, ce n’était pas calculé. Ce goût, l’appétence que le public a pour la ville, ça rejoint l’attitude de démocratie.” Michel Jacques ³
Ces démarches expérimentales ont mis en évidence l’intérêt porté à leur ville par les habitants. Les Bordelais pouvaient également faire parti de la fabrique de la ville.
¹_”Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur. ²_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux. ³_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011. ⁴_ extrait de l’entretien par courriel de Mme Larüe-Charlus, directrice DGA_ Direction Générale de l’Aménagement de Bordeaux, mars 2012.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
atelier jeu de maison_Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve
atelier/ exposition legopolitain_Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve
III. De l’expérience à la culture de la ville Lors de cette première phase de transformation de la ville de Bordeaux, on constate donc que l’expérimentation a pris une place particulière dans la stratégie urbaine. On peut alors s’interroger sur les objectifs de cette stratégie et leurs répercussions dans la pratique.
A - de l’expérience à l’atelier / de l’atelier à l’expérience “Jacques Chaban Delmas avec Arc en Rêve avait déjà lancé des ateliers, des expositions, des projets dessinés, des maquettes; il y avait déjà eu un travail.” Michel Duchène ¹
A la demande de Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux à cette époque, Arc en Rêve ² lance en juillet 1989, l’appel à idées “ Bordeaux port de la lune/ Architecture 89”, l’objectif étant d’imaginer un avenir aux quais de la rive gauche de la Garonne. Sept équipes d’Architectes y ont participé: William Alsop& Joint Lyall (Londres), Santiago Calatrava (Zurich), Philippe Chaix & Jean-Paul Morel (Paris), Zaha Hadid (Londres), OMA/ Rem Koolhas (Rotterdam), Jean Nouvel (Paris), Christian de Portzamparc (Paris). Les propositions de projets et leurs lectures du site ont ensuite été exposées au Musée des Beaux Arts de Bordeaux. Présentés aux bordelais ces travaux innovants sur la redécouverte du patrimoine du port ont permis aux bordelais d’envisager leur ville sous un nouveau jour. Même si cette approche a été celle de l’utopie, de la ville rêvée et qu’aucun des projets n’a vu le jour, cette démarche a démontré que la ville de Bordeaux était loin d’être figée, que toutes les expérimentations étaient possibles. Après cette expérience, les acteurs culturels d’Arc en Rêve ont voulu continuer l’expérimentation avec le grand public. Ils ont développé une politique de sensibilisation au coeur de laquelle le public devient lui même acteur, proposant notamment stages, workshops, itinéraires dans la ville, café/ débats [...].³ Cette approche, associée à la rencontre des acteurs pluridisciplinaires du projet propose au grand public de prendre conscience des enjeux de la ville par l’expérience des lieux. Ainsi par la création de parcours thématisés, ils invitent le public intéressé à interroger l’espace qui l’entoure le temps d’une itinérance d’environ 2 heures.Toutes ces démarches sont fondées sur l’expérimentation. Ainsi les acteurs culturels avaient fait un travail de sensibilisation en amont. “L’expérience” est donc le maître mot qui réunit les démarches des acteurs culturels et celle de la ville dans la politique de sensibilisation aux changements de la ville. “Le premier travail a été, au niveau du travail de la communication, de donner l’envie de la “nouvelle ville” et de faire une concertation pour informer” Michel Jacques⁴
Les expériences mises en place lors de la reconquête des quais intervenaient donc en parallèle des démarches d’ateliers culturels.
¹_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux_ intégralité de l’entretien en annexe. ²_ Arc en Rêve, centre d’Architecture fondé en 1981, développe un projet culturel à vocation pédagogique, internationale, d’anticipation dans les champs de l’architecture et de la ville. Centré sur l’Architecture contemporaine la programmation s’élargit au paysage, à l’ingénierie et au design. Depuis plus de 30 ans, Arc en Rêve propose de sensibiliser différents publics aux enjeux de la création, au processus de production et de transformation de la ville, à travers: expositions, conférences, ateliers pour enfants et pour adultes, expérimentations, promenades, éditions[...] ³_Arc en Rêve centre d’architecture, Yellow 25 ,Bordeaux, éditions Arc en Rêve, 2006. ⁴_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_ intégralité de l’entretien en annexe.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
publication d’itinéraires proposant des parcours dans l’agglomération à travers différents thèmes _ Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve
B - du spectateur à l’élève concerné Comme de nombreux acteurs le mettent en évidence, il y eut de nombreuses actions urbaines dans l’histoire où le “fait du prince” ¹ était déterminant. Longtemps étrangers aux transformations urbaines, les riverains étaient les spectateurs des changements intervenant sur leur environnement. Depuis la décennie 1990, les procédés participatifs sont devenus les instruments incontournables de la prise de décision, ce qui dans le discours public apparaît comme le gage d’une gestion renouvelée de la ville. Mais pour que l’habitant participe, encore faut-il qu’il se sente concerné, et qu’il appréhende les tenants et aboutissants de la fabrique urbaine. “l’important c’est de leur suggérer, de représenter d’abord là où on en est simplement ce qui se passe, expliquer. Et ensuite, parce que les habitants ne sont pas urbanistes, ne sont pas architectes, après ils peuvent avoir des idées, il est bien de les confronter ou de leur proposer des figures, pour ouvrir les esprits. C’est un fait extrêmement important ouvrir les esprits, les seuls modèles qu’ont les gens, c’est la ville qu’ils ont sous les yeux, ou les représentations qu’ils s’en font; donc je pense que c’est important de montrer des alternatives. D’abord montrer qu’il y a d’autres visions, qu’on peut avoir d’autres villes à faire découvrir, il y a un vrai travail culturel à faire qui peut se faire, que l’on fait partiellement mais pas assez bien ni suffisamment ... les ateliers d’éducation, la culture, les visites, les voyages pour se constituer une vraie culture urbaine et architecturale... et que l’on peut mettre à profit après dans les échanges sur le devenir de la ville.” Michel Jacques ²
Comme l’explique Michel Jacques, directeur artistique d’Arc en Rêve, il y a tout un travail d’acquisition d’une culture de la ville, de points de comparaison, d’apprentissage des figures, et des différentes formes et représentations que peut prendre la ville. C’est en quelque sorte un effet d’entraînement. Plus le citoyen se sent concerné par la fabrique de la ville, plus il s’intéresse à ses modes de fabrication, plus il assimile des connaissances, plus il est à même d’échanger sur le devenir de la ville et donc plus il peut participer à son devenir. Ainsi l’habitant devient peu à peu l’élève concerné, qui par la suite deviendra peut être le participant concerné. C’est ce mouvement de culture urbaine qui a été initié à Bordeaux. Les différents travaux expérimentaux ont permis de développer un appétit pour la ville et ses projets. “Voilà, donc on n’a pas concerté sur les quais, mais c’était une autre démarche, on a accompagné une démarche spontanée. “ Nicolas Drouin¹ “c’est un projet marquant parce que j’ai le sentiment qu’il a été rejoint par le public [...] en prêtant une grande attention aux gens, à leurs pratiques, j’ai le sentiment qu’ils nous renvoient en retour le témoignage que le résultat de notre travail répond à leurs attentes” Michel Corajoud ³
Les acteurs rencontrés aiment à rappeler que le projet des quais est né des pratiques initiées par les bordelais, que le cahier des charges et les différentes séquences programmatiques inscrites dans le concours ont été bâtis sur l’expérience des habitants lors de la redécouverte de ces lieux. Michel Corajoud, architecte-paysagiste du projet des quais rive gauche, en revenant sur son expérience, s’exprime souvent sur sa rencontre avec le lieu. Il explique que pour lui tout était déjà là avant même la mise en place du projet, que son travail consistait uniquement à formaliser ces usages et à ramener la nature au coeur de la ville de pierre. Ainsi en permettant l’expérimentation d’un lieu, en accompagnant la démarche des usagers, en prenant en compte leurs pratiques, ce projet a créé des habitants concernés. S’intéressant peu à peu au devenir de leur ville, ils sont devenus les élèves de la fabrique de la ville.
¹_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe. ²_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe. ³_Interview Michel Corajoud_ Arc en Rêve centre d’architecture, Les quais, Bordeaux 1999-2009, Bordeaux, éditions Confluences, 2009.
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1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
Evento 2009_ passerelle Tadashi Kawamata_ dessin préparatoire_ issu du média culturel evene.fr
vue de la passerelle_ issu du classement thématique de blogs d’internautes par paperblog
C - forger une culture de la ville “C’est à dire que l’urgence était telle en 1995, que la priorité a été de rénover, redynamiser la ville; la priorité ça a été le projet urbain et pas la communication sur le projet urbain. Bien sûr, on a communiqué sur le désir du projet urbain, sur le désir du tramway, ça a été une communication du désir de la ville future, du désir du renouveau; une communication liée au rien, au vide puisque l’on avait rien fait et on ne pouvait pas s’appuyer sur du réel, donc ça a été une communication sur le désir d’une nouvelle ville, une communication sur l’avenir.” Michel Duchène¹
Comme l’exprime Michel Duchène lors de notre entretien, l’action urbaine lancée en 1995 est née d’une nécessité de redynamiser la ville, Bordeaux a communiqué sur ses désirs d’avenir. Ainsi, au lieu de communiquer sur un seul projet, la politique de communication a été celle de la sensibilisation à la ville. Dans le cadre de cette démarche on peut notamment citer l’événement culturel Evento. Initié en 2009 par Bordeaux puis reconduit tous les deux ans, le principe d’Evento est de donner carte blanche à des artistes internationaux. Ces derniers sont invités à produire une exposition, en mouvement dans Bordeaux, portant un nouveau regard sur la ville.² Évoluant en trois temps, cet événement propose la présentation des oeuvres, suivie d’une itinérance de dix jours dans la ville selon les parcours prévus par chaque artiste et enfin des rencontres-débats. Ainsi cette démarche, à travers le point de vue des artistes, invite à redécouvrir et à penser la ville. “Ce concept me séduit beaucoup car il épouse la vision urbaine que je développe pour Bordeaux : un territoire particulier à chaque personne et la ville du vivre ensemble. Au-delà de ce premier attrait, les installations, les rencontres, les oeuvres, sollicitées par Didier Fiuza Faustino et ses commissaires contributeurs dialogueront avec d’autres projets urbains et avec les Bordelais dont je connais la capacité de mobilisation, d’imagination, l’appétit de découverte.” Alain Juppé³
Nous remarquons ici l’interaction crée entre l’événement culturel et le projet de ville. Bordeaux fait ainsi la promotion d’une vision de la ville propre à chacun, et capable de se remettre en perspective face à celles d’autres intervenants. Dans cette optique, on peut citer l’exemple de l’installation éphémère de Tadashi Kawamata (auteur de nombreuses interventions urbaines éphémères en France: École d’Architecture de Versailles, façade du Centre Georges Pompidou à Paris, place de la mairie à Evreux). Cette passerelle de bois reliant la place des Quinconces (place très fréquentée du centre ville) aux quais rive gauche en se hissant au dessus du trafic. De plus son porte-à-faux au dessus du fleuve offre une nouvelle perspective forte de symbolique sur le relation que Bordeaux entretien avec la Garonne.
¹_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux. ²_communiqué de presse d’Evento_ http://art-flox.com/public/evento.pdf ³_ Alain Juppé_article en ligne evento 2009_http://www.aquitaineonline.com/actualites-en-aquitaine/gironde/eventobordeaux-2009-09092913.html
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Passerelle et Garonne_issu du classement thématique de blogs d’internautes par paperblog
1: LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE
PARTIE PREMIÈRE: Bordeaux ou le renouveau d’un territoire à travers un projet de ville. phase
“Familier des workshops, il associe facilement à sa démarche étudiants ou usagers de l’espace sur lequel il intervient, donnant ainsi à lire dans ses œuvres plusieurs histoires : histoire de l’œuvre ellemême, superposée, architecturée sur l’histoire du lieu, puis histoire de l’œuvre “à vivre”. En effet, avec Kawamata, le “spectateur” est un acteur, un expérimentateur de l’œuvre, il est central ; son usage de l’œuvre, avec les émotions produites, fait partie d’un dispositif qui appartient à chacun le temps de l’exposition, qui ne s’exhibe que de son utilisation. À Bordeaux, par exemple, en 2009, pour la première manifestation Evento, Tadashi Kawamata avait construit une passerelle qui reliait le centre ville au fleuve, tout en restant en suspend au-dessus de l’eau. Je crois que tous les bordelais sans exception sont montés dessus pour profiter de cette nouvelle perspective sur leur ville !” un blogger bordelais ¹
Les bordelais plébiscitent ces actions qui animent et mettent en valeur leur ville. Ainsi la ville de Bordeaux a travaillé une double approche de la fabrique de la ville, à la fois un projet mais également une culture. L’idéologie mise en place étant celle de la culture de la ville, à travers différents supports d’action auprès des citoyens. “Avec des actions concrètes de sensibilisation patrimoniale, il s’agirait de nouer un dialogue régulier avec les habitants, les acteurs économiques et associatifs, les experts, pour rechercher un équilibre entre protection et évolution de la ville et pour développer Ie concept de ville historique vivante. Une concertation avec les Bordelais et les sociologues, historiens, philosophes, artistes...” Michel Duchène²
Ainsi à l’aube d’une nouvelle dynamique de projet, la ville se tourne vers le dialogue. Cette nouvelle optique est celle du “construire ensemble”, intégrer tous les acteurs de la ville à la fabrique urbaine. Dialoguer aussi bien avec les experts que les usagers pour trouver l’équilibre de la ville de demain.
¹_parole d’un blogger bordelais_http://asselineau.blogspot.fr/2012_01_01_archive.html ²_entretien Michel Duchène _Sallenave Christian, Bordeaux-Unesco,Talence, collection Arts et société, édition Bastinage, 2008. Préface d’Alain Juppé, textes: Junaid Sorosh-Walli Ahmad, Choay Françoise, Guy Lambert, Duchène Michel, Corajoud Michel et claire...,
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DEUXIÈME PARTIE. phase 2: BORDEAUX MÉTROPOLE, LA VILLE
PARTICIPATIVE
La première phase du projet de ville à Bordeaux a changé son image auprès des habitants mais également son rayonnement à l’échelle de la France, et même à l’étranger grâce à son classement au patrimoine mondial de l’Unesco, le 28 juin 2007. À partir de 2007, regardant le chemin parcouru, la ville de Bordeaux lance une nouvelle phase de fabrique de la ville. Cette nouvelle réflexion s’intéresse à l’angle de la ville métropole, elle débouchera par la suite sur le projet intitulé Bordeaux 2030. Ainsi cette nouvelle étape se projette loin dans l’avenir, après un premier projet qui s’est déroulé sur plus de dix ans, la ville prévoit un développement sur vingt ans. Ce dernier se propose d’intervenir sur un champ d’action plus large, développer un arc de développement urbain réunissant rive gauche et droite, de Bordeaux Euratlantique (gare/ quartier Belcier) aux Bassins à flot/ Bordeaux lac.¹ Ces différents projets urbains, abordés sous l’angle du logement, sont le fruit d’un travail sur les problèmes d’étalement urbain dans les zones en périphérie de Bordeaux. La ville a donc reconsidéré son potentiel foncier à l’intérieur de limites de la ville (boulevards, rocade), mettant en évidence les possibilités de densification de la ville, notamment à travers les friches industrielles, portuaires et militaire, mais également les quartiers possédant un fort potentiel de renouvellement. Aussi si cette nouvelle phase est toujours un projet de la ville de Bordeaux. Il a nécessité une approche à une échelle plus globale, avec la collaboration de la Communauté Urbaine de Bordeaux. Cette nouvelle démarche résonne donc avec des enjeux différents, un public plus large et donc des outils différents. A travers l’étude des enjeux, des modes de communication, nous soulignerons l’évolution de la méthode de fabrication de la ville.
¹ Arc de développement à partir de projets urbains, particulièrement centré sur le logement. Il s’étend du pôle Bordeaux Euratlantique constitué par la Gare St Jean et le quartier Belcier, ce pôle se destine à devenir un quartier d’affaire. En passant par la rive droite, longtemps délaissée, plusieurs opérations sont programmées: Floirac, Bastide et un immense programme de rénovation urbaine des casernes militaire Niel. Pour déboucher sur les friches industrielles et portuaires des Bassins à flot de la rive droite, cet endroit atypique est destiné à recréer la ville et proposer une nouvelle manière de vivre en ville au bord de l’eau, thème qui trouvera sa continuité plus au nord sur les berges du lac.
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PARTIE SECONDE: BORDEAUX MÉTROPOLE, LA
VILLE PARTICIPATIVE carte stratégie urbaine_seconde phase_ Bordeaux métropole_ 2010-2030_ réalisation personnelle
carte de répartition des communes des la CUB_ issu du site de la CUB
I. La considération d’un champ d’action plus vaste, un projet global A - L’implication de la CUB¹, une démarche communautaire La ville attirant de plus en plus, elle a vu sa population s’accroître, notamment au-delà des limites de la ville, rencontrant comme d’autre villes françaises les désagréments de la dispersion urbaine, grignotant peu à peu les campagnes et le patrimoine végétal des communes environnantes. Ainsi le modèle de la ville centre ne suffisait plus à canaliser sa croissance et le flux d’habitants. “ Le nouveau projet urbain Bordeaux 2030 vise le passage d’une ville à un seul centre, à une ville multipolaire à cheval sur le fleuve, avec deux nouvelles centralités afin d’offrir des conditions de vie différentes” Alain Juppé²
Comme l’explique Alain Juppé, il fallait trouver un nouveau modèle, celui d’une “ville multipolaire”. Ce projet ne prend plus seulement en compte la ville de Bordeaux mais les répercussions sur toutes les communes environnantes. Ce projet prévoit un nouveau fonctionnement de la ville en partenariat et en lien direct avec toute son agglomération. “Mais je pense que ce qui nous fait faire un bond en avant, c’est l’opération transversale des 50 000 logements, et pour la première fois c’est un projet conduit par la communauté urbaine(CUB) et ce n’est pas un hasard; et c’est un projet non pas totalitaire mais un projet transversal.” Michel Jacques³
Transversal, le terme introduit ici reflète la démarche de cette nouvelle phase, il s’agit là réellement d’une collaboration entre la ville et la Communauté Urbaine de Bordeaux. Les enjeux sont “communautaires”, ce n’est pas un hasard si le projet lui même s’intitule “Bordeaux 2030, métropole durable”. La métropole est sur toutes les lèvres, c’est l’enjeu d’une double échelle: celle de la ville et celle de la communauté urbaine. “Oui, je crois que c’est le résultat d’une élection aussi; du fait que Vincent Feltesse (président de la CUB), étant aussi maire d’une petite commune, a envie de se doter d’un pouvoir plus important ce qui est normal, et d’assumer pleinement son rôle de président de la communauté urbaine. Il a développé une communication autour de la notion d’agglomération, c’est vrai que l’on en parlait avant mais peut-être un peu moins, mais Alain Juppé a toujours considéré que le projet bordelais était un projet d’agglomération. Donc maintenant, on parle plus de l’agglomération et c’est une bonne chose; je crois que le projet municipal et le projet communautaire sont tout à fait complémentaires.” Michel Duchène⁴
Le ton de ce nouveau projet est donc affirmé, il sera transversal servant à la fois les besoins de la ville centre et ceux de la CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux)¹.
B - Un plus grand public concerné L’implication de cette double échelle concerne donc un public beaucoup plus large et des enjeux différents de ceux de la première phase.
¹_ Communauté Urbaine de Bordeaux, elle regroupe 27 communes autours de trois objectifs: réaliser les grands équipements d’agglomération, moderniser les services urbains et développer l’économie locale. ²_”Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur. ³_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe. ⁴_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe.
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VILLE PARTICIPATIVE
évolution et répartition de la population sur l’agglomération bordelaise_ cartes de l’A-urba
“jouer avec souplesse sur deux échelles apparemment contradictoires: celle de la proximité et celle des grands projets. C’est l’harmonie entre ces deux échelles qui fait les villes heureuses, celles dans lesquelles chaque personne peut se sentir reconnue et celles aussi dans lesquelles chacun est fier de participer pleinement à quelque chose qui le dépasse mais qui le grandit. “ Alain Juppé¹
En exprimant les ambitions du projet Bordeaux 2030, le maire souligne l’importance de travailler avec d’une part une échelle locale tout en collaborant avec une finalité globale. Il s’adresse donc au même titre aux citoyens du centre ville et aux habitants de la communauté urbaine, comme autant de bordelais en puissance. Il introduit ici l’image d’une ville en tant qu’identité et non plus en terme de limite géographique, c’est en quelque sorte le discours de la ville métropole. La ville métropole ne s’arrête pas aux limites de la ville, elle concerne donc au même titre celui qui y habite que celui qui y travaille mais habite en périphérie. L’angle de vue adopté est devenu panoramique. En parallèle, on a constaté un retour des habitants vers la ville centre durant la période de la première phase de projet. “ Alors que la population de Bordeaux n’était plus que de 200 000 dans les années 1990, l’évolution démographique s’est inversée. Enfin , et on a assisté à un retour des gens en ville: 35 000 habitants ont été regagnés entre 1999 et 2006 et nous accueillons près de 3000 habitants nouveaux chaque année. A ce rythme Bordeaux aura entre 280 000 et 300 00 habitants en 2030.” Alain Juppé ²
Cet accroissement rapide de la population tend à démontrer le regain d’intérêt apporté à l’espace urbain grâce au projet de renouvellement de la ville mis en place. La première expérience bordelaise semble avoir donné envie aux bordelais de s’intéresser de nouveau à leur ville. Le maire met lui même en évidence un des nouveaux enjeux de la fabrique de la ville. “Il ne faut pas seulement agir sur le bâti mais aussi redonner envie aux gens de vivre en ville” Alain Juppé²
Ainsi la fabrique de la ville doit répondre aux attentes des habitants ou potentiels habitants. Mais comme nous l’avons souligné le public de la “ville métropole” est de plus en plus grand, alors comment s’adresser à tous ? Comment contenter un public toujours plus large?
C - La nécessité de la concertation “ce n’est pas le maire qui fait la ville mais les habitants” Alain Juppé ²
Lorsque le maire Alain Juppé s’exprime en ces termes, mettant son propre statut en retrait, il accentue alors le rôle à jouer des citoyens. Bien qu’il soit en réalité très impliqué dans le projet de la ville, il cherche à démontrer le changement d’idéologie. Il souhaite se démarquer de la politique urbaine autoritaire, du “fait du prince”. Il met en avant l’évolution de la démarche de fabrique de la ville vers une ville partagée.
¹_ extrait interview Alain Juppé, de l’ouvrage: Michèle Larue-Charlus, Habiter Bordeaux, Bordeaux, publication de la DGA Bordeaux, juillet 2011. ²_ “Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur.
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schéma extrait de la brochure informative “la fabrique métropolitaine”_diffusée dans le cadre d’un numéro spécial du journal d’information de la CUB
La politique urbaine tend vers une transparence des actions et développe des dispositifs de collaboration avec les usagers. Ceux-ci plus concernés, ayant été touchés par la démarche de la ville, informés et possédant une plus grande culture de l’espace urbain possèdent de plus en plus d’avis sur le devenir de la ville. De plus, ayant été confrontés à certaines dérives urbaines, s’ils ne savent pas ce que sera la ville de demain, ils sont sûrs de ce qu’ils ne souhaitent plus. Ces différentes évolutions d’idéologie face aux projets de villes, ont amené les professionnels à repenser la démarche urbaine. “ un “urbanisme de dispositifs”, organisé autour d’une logique de mise en réseau entre acteurs techniques et économiques. Cette ouverture du processus décisionnel va dans certains cas jusqu’à l’usager. En effet, la montée des exigences de contrôle de la part des citoyens (le lobbying des associations de riverains ou d’autres comme Trans’Cub est particulièrement fort à Bordeaux), ainsi que l’évolution des politiques urbaines vers des projets négociés plutôt qu’imposés “par le haut”, ont engendré des formes d’action plus participative.” Sébastien Ségas ¹
Ainsi comme en fait l’analyse Sébastien Ségas, lors d’une réflexion sur la production de l’agglomération, ces nouvelles formes d’actions participatives sont le fruit d’une volonté d’évolution vers des projets négociés, mais sont également le résultat d’un phénomène de société qui amène les citoyens à être plus exigents et plus critiques. “ La troisième mise en perspective ouvre la question de la capacité de mobilisation du référentiel vis-à-vis du plus grand nombre, des citoyens, usagers, habitants. Il s’agit de savoir comment susciter l’adhésion, à ce qui pourrait représenter un projet d’agglomération. Autrement dit, d’apprécier la capacité d’enrôlement du référentiel, sachant que la ville des experts ne se superpose que rarement à la ville des individus.” Patrice Godier ²
La ville des experts n’est pas forcément la ville des individus, alors comment permettre aux experts et aux citoyens de se comprendre? Quels outils sont nécessaires pour que les angles de vue s’apprivoisent, s’envisagent ou en tout cas s’entendent? A cette question la ville de Bordeaux a répondu par la mise en place d’une démarche de concertation. La concertation est le nouvel outil de fabrique de la ville. “ Le débat public contribue ainsi à la construction des références communes au sens d’un travail commun à effectuer, dans le but de trouver des solutions opérationnelles.” Patrice Godier ²
Des références communes, ce sont les objectifs premiers des travaux de communication mis en place sur un projet. Avant de pouvoir partager les angles de vue de chacun, l’information est nécessaire pour permettre à tous de mettre le même sens sur les termes employés, de comprendre les stratégies, les objectifs, de maîtriser le sujet. Importants pour n’importe quelle discipline, les moyens de communication sont des outils indispensables à l’exercice de la concertation, ils en sont à la fois le support et l’écran.
¹_Sébastien Ségas, “La production de l’aglomération Bordelaise par sa littérature savante”_Godier Patrice, Sorbets Claude, Tapie Guy, Bordeaux métropole, un future sans rupture, Marseille, collection La ville entrain de se faire, éditions Parenthèses, 2009. ²_ Patrice Godier, “Le référentiel d’action urbaine communautaire”,_Godier Patrice, Sorbets Claude, Tapie Guy, Bordeaux métropole, un future sans rupture, Marseille, collection La ville entrain de se faire, éditions Parenthèses, 2009.
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>>> RETOUR SUR…
La Fabrique métropolitaine, c’est quoi ? La Fabrique métropolitaine est une démarche ambitieuse qui a permis de définir ce que devrait être notre agglomération à l’horizon 2030. C’est dans 20 ans, mais c’est aujourd’hui que doivent se penser les grands axes structurants comme les transports, l’attractivité, l’environnement ou le logement. Pour mener à bien cette réflexion, La Cub s’est appuyée sur une large concertation auprès de ceux qui font et qui vivent l’agglomération bordelaise au quotidien : responsables associatifs, salariés, universitaires, artistes, chefs d’entreprise, élus, habitants et citoyens. Contributions individuelles et collectives, rencontres sur tout le territoire, entretiens, questionnaires… Près de 15 000 personnes ont nourri la réflexion. La Cub a restitué le bilan de cette réflexion commune le 27 octobre dernier devant 800 personnes. L’occasion aussi de préciser comment toute cette matière grise produite ensemble a été et sera prise en compte dans les semaines, mois et années à venir.
Un projet, des actions et un lieu de discussion… Le Projet a été voté le 25 novembre dernier. Il pose les 5 grandes valeurs qui fonderont
L’avenir
de la métropole :
TOUS
concernés !
à l’horizon 2030, le soutien à certaines filières comme le numérique, la création de trois opérations d’intérêt métropolita (OIM) s’inspirant de la dynamiq de l’opération Euratlantique… Mais la métropole ne se résum pas à son bâti et à son économ c’est pourquoi un certain nomb de travaux ont des visées plus immatérielles : mieux implique le citoyen dans la vie publique, s’ouvrir au monde et aux autres cultures par la pratique des langues étrangères, apporter de la cohésion à travers la culture, se préoccuper des enjeux de santé…
UNE MÉTROPOLE OUVERTE, ÉQUILIBRÉE, AGRÉABLE À VIVRE ET STIMULANTE, CELA NE S’IMPROVISE PAS. CELA SE PENSE, S’ANTICIPE ET… SE FABRIQUE. C’EST De la Fabrique DANS CE SENS QUE LA CUB ŒUVRE DEPUIS AVRIL 2010. à la Coopérativ métropolitaine la métropole. Elle sera Solidaire, Stimulante, Sobre, Sensible et Singulière. 5 ‘S’, 5 sens qui sont autant de directions à prendre et de significations à donner aux actions entreprises pour un territoire bordelais vraiment métropolitain. Les actions, justement ! La Cub a choisi d’en mettre 12 en avant dans ce document, comme leviers de transformation du territoire. Certains de ces travaux concernent le bâti et
les infrastructures comme la construction de 50 000 logements autour des axes de transports collectifs, l’aménagement de nouveaux espaces publics à vivre (on se souvient de la réussite des quais !) ou encore la préservation et la valorisation des parcs, jardins, de la nature et de l’agriculture en ville… D’autres concernent plus directement le développement de l’attractivité économique : l’objectif de création de 75 000 emplois
La Cub a souhaité prolonger sa démarche à travers la constitut d’une coopérative. Celle-ci a po ambition d’être un espace de co-construction de notre territo Depuis le 2 décembre 2011, date de son lancement, elle réunit Cub, partenaires, acteurs du territoire, citoyens et tous ceux qui partagent l’envie de porter ensemble cette ambition métropolitaine ! En savoir plus et participer aux prochains rendez-vous : www.participation.lacub.fr
> 14 article d’information sur “la fabrique métropolitaine”_diffusé dans le cadre du journal d’information de la CUB
“L’enjeu principal est de mettre en réseaux les territoires [...] Reste à effectuer pour ce travail un nouvel effort de formalisation, celui d’un projet d’agglomération, d’un énoncé “identitaire et promotionnel”, d’un récit local référentiel qui donne une vision assez longue - de vingt-cinq à trente ans - du développement urbain , un urbanisme au temps long. “ Patrice Godier¹
En 2009 après l’examen de l’action urbaine à Bordeaux, Patrice Godier souligne les enjeux de la deuxième phase de projet à mettre en place: “un projet identitaire et promotionnel”. En parallèle des réflexions sur les nombreux projets urbains dit “des 50 000 logements” proposés aux urbanistes, la CUB lance en 2011 un grand projet de concertation: “ La fabrique métropolitaine, quelle métropole pour 2030?”. L’objectif est annoncé: mettre en débat le projet, avec la participation des citoyens, construire des perspectives partagées. Viendra par la suite la présentation officielle du projet Bordeaux 2030 par Nicolas Michelin. Ainsi, si la première phase du projet de la ville bordelaise avait été une expérimentation, la deuxième phase met en place une stratégie travaillée: l’identité est annoncée, la promotion a commencé.
II. Une stratégie communicative à la base du projet “Disons que la deuxième phase du projet urbain a été peut-être plus professionnelle au niveau de la communication, tout d’abord parce que l’on avait une expérience, on devait tenir compte de nos réussites et de nos échecs” Michel Duchène ²
Comme l’exprime Michel Duchène, la première phase de projet à Bordeaux a énormément appris aux acteurs. C’est donc fort de cette expérience qu’ils ont choisi les moyens à mettre en place lors de cette deuxième phase de projet. Ainsi, si le premier temps de renouvellement de la ville possédait déjà l’envie d’une fabrique de la ville en lien avec les habitants, ce deuxième temps montre une démarche plus structurée et des outils de communication travaillés.
A - De la publication informative à l’outil de culture de la ville Les premières démarches de communication du projet furent celles de la présentation. Comme l’explique Michèle Larüe-Charlus directrice de la Direction Générale de l’Aménagement³, les premières prises de contact pour cette deuxième phase ont été nombreuses et variées: conférences de presse, présentation en plénière de conseil de quartiers, présentation au monde économique, présentation au monde de l’aménagement (promoteurs, bailleurs sociaux, architectes, aménageurs). S’adressant à un large public la Direction Générale de l’Aménagement s’est également lancée dans une démarche de publication. Dans un premier temps, la DGA a formalisé les grandes lignes de la politique urbaine à venir dans l’ouvrage “2030. vers le grand Bordeaux, une métropole durable”. Cet ouvrage a été publié à 15 000 exemplaires en 2009, puis fut réédité l’année suivante à 5 000 exemplaires. Cette publication destinée au plus grand nombre (bordelais, futurs bordelais, investisseurs, entrepreneurs..) a été diffusé gratuitement pour ainsi toucher et informer un plus grand public.
¹_Patrice Godier, Le référentiel d’action urbaine communautaire,_Godier Patrice, Sorbets Claude, Tapie Guy, Bordeaux métropole, un future sans rupture, Marseille, collection La ville entrain de se faire, éditions Parenthèses, 2009. ²_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux _ intégralité de l’entretien en annexe. ³_ extrait de l’entretien par courriel de Mme Larüe-Charlus, directrice DGA_ Direction Générale de l’Aménagement de Bordeaux, mars 2012 _ intégralité de l’entretien en annexe.
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Publications de la direction générale de l'aménagement [DGA] La Direction Générale de l’Aménagement de la Ville de Bordeaux a la charge de la mise en œuvre du projet urbain. travaille pour chaque projet avec les habitants, elle diffuse des brochures pédagogiques, elle édite de petits livres racontent les rencontres entre des personnes habitant un quartier et un projet urbain sur ce quartier : rencon méfiantes d’abord, puis de plus en plus constructives, positives et confiantes. Un projet urbain doit toujo
être partagé.
les publications de la dga de 2007 à 2011
Publications de la Direction Générale de l’Aménagement de la ville de Bordeaux _ issu de la publication Habiter Bordeaux, DGA carnet pratiqu
Dans cette même dynamique de partage et d’informations autour de la ville, la Direction Générale de l’Aménagement (DGA) s’est engagée dans une réelle démarche pédagogique auprès des habitants. En parallèle des rencontres et démarches de concertation, la DGA diffuse des brochures concernant les règles et principes de construction à Bordeaux. On peut par exemple y trouver l’explication: des démarches du Permis de construire et du Permis de démolir, des règles existantes pour Changer les portes et fenêtres dans la ville de pierre ou encore les principes du Construire durablement. Elle publie également des ouvrages concernant le parcours historique de la ville et l’héritage Bordelais: A la recherche des remparts disparus, Carnet d’une ville en héritage: la pierre, La caserne Niel [...]. Enfin la DGA a orienté certaines de ses publications vers l’action locale et la vie des habitants, leur donnant la parole et le loisir de s’exprimer sur la ville. Ainsi sont nés des ouvrages consacrés à des quartiers spécifiques: Quartier[s]1. Carle-vernet. Belcier. Saint Jean, Quartier[s]2. Bacalan. Bassins à flot. Chartrons, Quartier[s]3. Deschamps. Souys. Trégey. Il existe également des petits livres qui retranscrivent les rencontres de concertation autour d’un projet urbain avec les habitants du quartier : Les premières rencontres Bassins à flot , Les deuxièmes rencontres la Bastide [...]. Tous ces ouvrages permettent à la fois la diffusion des informations concernant la stratégie urbaine, mais ce sont également les terrains du partage d’une culture de la ville. On rencontre ici une nouvelle démarche qui ne tente pas seulement d’informer mais qui, peu à peu, met en marche un processus de sensibilisation et de “culturation” des habitants à la fabrique de la ville, comme si l’implication de la fabrique de la ville devenait une pratique citoyenne. “on lui donne les informations sur le projet urbain, on lui donne des informations sur d’autres villes, et on lui parle de points spécifiques que l’on n’avait pas abordé: la notion de trame urbaine, les limites des transports en commun, la problématique des flux de circulation. Tout cela, c’est une information qui est donnée pour que le projet soit co-construit, et c’est une manière aussi de mieux faire et de tirer la concertation vers le haut.” “vous avez les informations qui vous permettent de comprendre, qui vous permettent de participer, qui vous permettent de proposer; ou si vous n’avez pas envie de participer vous avez en tous cas les informations qui vous permettent de comprendre où en est votre ville et vers où elle va”. Michel Duchène¹
Comme le souligne Michel Duchène lors de notre entretien, cette démarche permet également d’élever le débat de la concertation, mais sans doute aussi d’amener plus de personnes à s’intéresser au devenir de leur ville et à entrer dans le débat.
B - la rencontre des angles de vue “Cette démarche de responsabilité, nous l’avions mis en place depuis juillet 2006 avec les habitants de la Bastide et nous la poursuivons avec les riverains de la caserne Niel. Il faut généraliser le principe des Rencontres de la Bastide, qui alternent les réunions ouvertes à tous et les ateliers de projet plus particulièrement destinés aux experts. C’est ce que nous allons faire aux Bassins à flots et à la gare. A l’intérieur même de chaque quartier, les questions de proximité doivent être débattues et tranchées avec les habitants dans la cadre de nos ateliers d’urbanisme.” Alain Juppé²
¹_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux _ intégralité de l’entretien en annexe. ²_ “Proposer et porter une vision”d’après un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi et Jean Audouin, Bien habiter la ville, enjeu d’une future métropole, sous la direction d’Ariella Masboungi, collection projet urbain, édition le Moniteur.
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visites et rencontres autour du projet pour la Caserne Niel_ photos issues de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux
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L’autre stratégie de communication mise en place lors de cette deuxième phase, est celle de la rencontre. Lors d’un entretien d’Alain Juppé par Ariella Masboungi an 2009, le maire rappelle que cette démarche a été initiée en 2006 avec les riverains lors des projets urbains concernant le quartier de la Bastide et il exprime son souhait d’étendre cette démarche. La démarche d’atelier d’urbanisme a effectivement était étendue à tous les projets en devenir de la future métropole, l’atelier d’urbanisme est ainsi devenu l’un des cadres privilégiés de la concertation. “Après plus globalement le discours a évolué, non pas sur la concertation, parce que l’on en faisait beaucoup mais peut être aussi sur la manière de faire de la concertation, la manière de s’adresser aux habitants. Moi ce qui me parait très important c’est ce que j’ai mis en place au niveau des ateliers d’urbanisme; c’est à dire sortir du conseil de quartier basique, où l’on parlait souvent de crottes de chien et de lampadaires cassés; et passer à des ateliers qui permettent de construire la ville, mais avant de passer à ces ateliers, de doter ces habitants d’informations (et pour ça le numérique est un formidable outil ) , ce qui leur permet de savoir, de se positionner face aux élus, aux techniciens, aux ingénieurs; et non seulement de se poser face à eux avec un discours construit mais de penser eux-mêmes leur propre ville, leurs propres propositions.” Michel Duchène ¹
Que ce soit dans le cadre des ateliers d’urbanisme qui donnent lieu à la rencontre des points de vue entre “experts” de la ville et riverains d’un projet en cours d’élaboration, ou encore lors des concertations de quartiers mis en place par la DGA à l’ambiance plus intimiste d’une échelle locale qui interviennent eux en amont du projet, on recherche aujourd’hui la vision habitante. “ Les habitants, premiers experts en matière d’habitat ! Le point de vue de l’intime du lieu, qui dans sa longue fréquentation des espaces à rebâtir a compris mieux que quiconque les connexions et ruptures qui le composent, est reconnu aujourd’hui comme un complément indispensable de toutes les études savantes qui, pour aussi poussées qu’elles soient, gardent toujours un côté “vue du ciel”. “ parole habitante recueillie par la DGA ²
L’habitant premier concerné du projet, est celui qui est l’usager du lieu en devenir, il possède ainsi le point de vue de l’usage dont les experts manquent. Cette rencontre avec l’angle de vue de l’autre est souhaitable, car il permet à chacun de prendre du recul face à son propre prisme. Aussi d’une part les experts de la ville se confrontent à des réalités plus immédiates et quotidiennes, qui sont contenues dans la vision des riverains, tandis que l’habitant lui, va prendre conscience de la stratégie globale, des répercussions d’un projet à plus long terme. Deux échelles de projet se rencontrent, une focale rapprochée et une vision plus globale, on peut alors procéder à la mise au point. D’autre part la concertation est également un outil pour la réception des projets, elle permet d’en provoquer l’adhésion.
C - Le point de vue de l’usage comme nouveau medium de la fabrique de la ville En parallèle des démarches propres de rencontre avec les habitants, d’autres démarches ont été mises en place pour recueillir l’expérience et le point de vue de l’usager. Deux démarches se démarquent: d’une part celle de la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB) qui a lancé une enquête et d’autre part le travail d’anthropologues pour réaliser une cartographie habitante.
¹_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux. ²_ extrait Les habitants curieux_Les Bassins à flot_Michèle Larue-Charlus, Habiter Bordeaux, Bordeaux, publication de la DGA Bordeaux, juillet 2011.
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VILLE PARTICIPATIVE compte rendu de l’étude anthropologique_ menée par le Laboratoire Architecture Anthropologie ENSA Paris la Vilette
En 2010, la CUB crée “la fabrique métropolitaine”. Cette démarche de réflexion et de définition des grandes lignes de la métropole a mis en oeuvre de nombreuses rencontres, conférences, études stratégiques d’experts [...]. A la suite de ses nombreuses démarches en juin 2011, la Communauté urbaine diffuse à 353 000 exemplaires une enquête, sous forme de brochure informative accompagnée d’un questionnaire à retourner. Cette brochure est diffusée dans le cadre d’un numéro spécial du journal d’information de la CUB. Elle s’adresse ainsi à tous les citoyens, allant les chercher au plus près de leur quotidien. “ C’est désormais, vers ses citoyens que la CUB se tourne. Après l’organisation, au printemps, de “rencontres métropolitaines” sur l’ensemble du territoire qui ont mobilisé plus de 2 500 personnes, chaque habitant est à présent invité, à travers le questionnaire de ce numéro spécial, à livrer son opinion personnelle. [...] Prenez la parole, vous qui êtes et serez, au coeur de la métropole bordelaise 2030.” Vincent Feltesse, président de la CUB ¹
Vincent Feltesse, président de la CUB, met en avant le rôle à jouer de chacun des citoyens du territoire. Cette nouvelle idéologie associée avec le choix de la méthode du questionnaire démontre l’utilisation du point de vue de l’usager comme un nouveau médium nécessaire à la recherche et à la conception de la ville. Dans ce même souci de la connaissance de la lecture de la ville par les usagers, la ville de Bordeaux a missionné des anthropologues dans le cadre de l’élaboration d’un projet urbain pour le centre ancien. Les anthropologues du Laboratoire Architecture Anthropologie de l’ENSA Paris la Vilette ont quadrillé le périmètre du territoire étudié et choisi trente-quatre personnes, auxquelles ils ont posé une question unique: “ qu’hérite-t-on de la ville?” ². De ce travail a émergé six traits essentiels de la ville qui ont été transformés en “cartographie habitante”. Six cartes sont alors réalisées: la ville belle, la ville froide, la ville vitale, la ville des frontières, la ville vide, la ville incertaine. Ces cartes ont permis de mettre en évidence spatialement les lieux stratégiques d’intervention mais également de transformer l’image que l’usager se fait de la ville en véritable medium du travail de l’architecte et de l’urbaniste. Ainsi, si les stratégies urbaines tendent à vouloir faire de l’usager un acteur du projet, il est intéressant de souligner la place des médiums utilisés dans cette rencontre de deux univers différents. Aussi, si l’on s’interroge sur la manière de transformer la parole habitante en réel medium de l’architecture et de l’urbanisme, il faut également envisager les mediums/ outils les plus propices pour diffuser le point de vue des experts aux habitants.
III. Faire du citoyen un acteur A - Quel support pour quel public? Quel support pour quels acteurs? / Le citoyen ne se reconnaît plus dans l’image de synthèse Lors des entretiens réalisés, il est souvent apparu que les supports de diffusion étaient révélateurs des modes de fabrication de la ville. L’exemple des différents projets présentés à Bordeaux souligne le lien entre les supports, la période/ le contexte “historique” et les courants de la fabrique de la ville.
¹_ communiqué de Vincent Feltesse, président de la CUB, maire de Blanquefort “Fabriquons ensemble notre métropole”_La CUB, le journal, numéro spécial La fabrique métropolitaine, Bordeaux, publication communauté urbain de bordeaux, deuxième trimestre 2011. ²_ Le travail des anthropologue à Bordeaux: une méthode inédite_Michèle Larue-Charlus, Habiter Bordeaux, Bordeaux, publication de la DGA Bordeaux, juillet 2011.
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planification proposée par Ricardo Boffill en 1986-1989 pour la ZAC Queyries/Bastide_ issu du site de Ricardo Bofill
image de synthèse diffusée pour le projet de stade à Bordeaux__ issu du site d’Herzog et De Meuron
LE PLAN/ LA PLANIFICATION Ainsi lors des prémices de réflexion sur la transformation de Bordeaux, Ricardo Boffill présente un projet pour la ZAC Queyries/Bastide (1986-1989). Ce projet est conçu en relation avec la forme urbaine du centre ville historique, et se présente donc sous la forme d’un plan directeur. Cette représentation de la fabrique de la ville avec comme support privilégié le plan, se place alors dans le contexte de la planification urbaine. Ce mode de fabrication de la ville place les experts (particulièrement les architectes et les urbanistes) comme acteurs privilégiés de la fabrique: le “plan” étant un support difficile à appréhender si l’on n’en maîtrise pas les codes. Ainsi ce mode de représentation exclut la compréhension et donc la participation des noninitiés. Comme l’explique Mr Nicolas Drouin, architecte/ urbaniste à l’A’Urba (agence d’Urbanisme de Bordeaux), lors de notre rencontre ¹, le plan est un support très difficile/ dangereux lorsqu’il s’agit du partage d’idées sur un projet. Il met notamment en avant les difficultés qu’il a lui même rencontrées lors de groupes de concertation. D’une part, la rigidité de spatialisation du plan donne souvent l’impression que les choses sont figées et qu’elles ne peuvent évoluer, la discussion est alors faussée par l’intuition que le projet est d’avance décidé: “Le premier réflexe, c’est “est-ce que l’on nous impose quelque chose? A partir de données que l’on ignorerait”.” Nicolas Drouin¹
D’autre part, lors de ces rencontres le langage et les différentes représentations qui sont propres à chaque acteur deviennent vite des obstacles importants. Ainsi, tel qu’exposé précédemment, le support “plan” est souvent difficile à comprendre dans son intégralité, du fait des codifications propres à ceux qui les produisent et qui parfois divergent entre les différents corps de métiers eux-mêmes. Ainsi le plan et la planification sont difficilement conciliables avec la communication/ la diffusion, ils ne sont donc pas les supports privilégiés de la “ville concertée”. IMAGE DE SYNTHÈSE Le second support souvent associé aux projets est l’image de synthèse. L’image a longtemps été le support de communication privilégié pour la présentation au grand public, notamment lors des publications des résultats de concours. Ainsi on exposait une image idéale de ce que la ville pouvait être. Or, la construction de la ville réelle se rapproche très rarement de l’image que l’on crée. La fabrique de la ville possède cette pointe d’inattendu, qui rend impossible toute figuration définitive d’un projet. De plus, les professionnels reconnaissent que l’on peut tout faire dire à une image même ce qui ne sera jamais. “ L’enjeu du projet n’est pas de dire tout de la vie sociale, ni de traiter tout l’espace de la ville, mais d’agir sur l’espace réel. On habite dans un espace réel et pas dans une image, encore moins dans une image virtuelle, si on peut faire ce mauvais pléonasme. On a tous la même télé, mais certains habitent dans l’île St Louis et d’autres aux Quatre-mille à la Courneuve”. Christian Devillers ²
L’architecte Christian Devillers soulève lui-même cette question lors d’une conférence sur le projet urbain au Pavillon de l’Arsenal. Il souligne ainsi l’usage ambigu de l’image de synthèse lors de projets urbains . Présentant un idéal virtuel, celle-ci n’a souvent que peu de chose à voir avec ce que vivront en réalité les habitants. Avec l’expérience, ils ont d’ailleurs fini par s’en méfier. Comme l’explique Nicolas Drouin de l’agence d’urbanisme: “Quand on est autour d’un projet, l’habitant ne supporte plus l’image finie. Il y a un ras le bol, les habitants ne s’y reconnaissent pas. “Nicolas Drouin ¹ ¹_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe. ²_extrait propos Devilers Christian, architecte_Devillers Christian,”Le projet urbain”, Conférence Paris d’Architectes 1994 au Pavillon de l’Arsenal, Paris, éditions du Pavillon de l’Arsenal, 1994.
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schémas explicatifs sur l’intérêt de la densité et des espaces partagés face à l’étalement urbain_ issu de la publication Habiter Bordeaux, DGA
Ces deux acteurs mettent également en évidence les problèmes de “connaissance” et de confrontation avec le “réel” rencontrés lors de la démarche de projet. Les architectes/ urbanistes ne peuvent percevoir aussi concrètement ces espaces de la ville que les habitants qui, eux, les côtoient jour après jour. Voilà pourquoi lorsque l’on conçoit des projets pour une ville, il est important de se méfier de “l’image finie”. La ville est une entité en perpétuel mouvement, il est souvent plus concret d’en proposer les possibles évolutions que d’essayer d’en figer une forme.
B - plus d’image figée, proposer les possibles évolutions de la ville: les schémas Conscients du décalage existant entre les images figées et la réalité vécue d’un projet, les architectes et urbanistes ont adapté leurs modes de communication lors de cette deuxième phase du projet bordelais. Car la fabrique pluridisciplinaire impose la création d’un dialogue et pose donc la question des supports nécessaires. Il a donc fallu rendre ces supports de projet plus flexibles et plus représentatifs de la démarche de projet. Au lieu de proposer des formes définies, on a cherché à retranscrire des idées, des enjeux comme nous l’explique l’architecteurbaniste Nicolas Drouin lors de notre entretien. “on présente des images qui renvoient plus à des enjeux, à des sens auxquels les habitants peuvent se raccrocher. Vous parliez de ce que c’est que d’habiter auprès de l’eau, ou auprès des réseaux de transport; on est dans la vie des gens. Plutôt que d’aborder les choses par le projet, on aborde les choses en essayant de toucher les gens dans leur façon de vivre et les renvoyer à une responsabilité, qui serait de tirer les ficelles pour eux-mêmes construire le projet.” Nicolas Drouin ¹
Ainsi le travail et le dialogue autour du projet passe par l’évocation de ses enjeux. La question n’est donc plus de séduire avec de belles images, mais d’intégrer un regard extérieur à la démarche de projet. C’est dans cet objectif de démocratisation de la démarche de projet, que la DGA (Direction Générale de l’Aménagement) a lancé de nombreuses publications concernant le projet de ville bordelais. L’une de ces publications a particulièrement attiré notre attention par le dialogue avec les habitants qui y est mis en place et les supports utilisés: Habiter Bordeaux, la ville action. Cet ouvrage est constitué d’informations importantes sur les projets quartier par quartier, mais traite également de nombreux enjeux décisifs dans la mutation urbaine aujourd’hui. Des questions comme l’étalement urbain, l’économie d’énergie, la Haute Qualité Environnementale (HQE), la Haute Qualité d’Usage (HQU) ou encore la densité sont évoquées et expliquées sous forme de schémas représentant les différentes possibilités d’évolution des villes. Prenons l’exemple ci-contre concernant l’importance du contexte bâti et de la densité. A travers différents dessins schématiques, il est ici abordé des problèmes propres au développement urbain, qui font l’objet de nombreuses études par les architectes et urbanistes mais sous un support plus parlant que des statistiques ou encore des règles de construction. Le lecteur est ici considéré comme partie prenante à la réflexion du projet. Cette nouvelle manière d’exprimer les enjeux d’un projet est plus accessible pour le grand public et permet en outre de les responsabiliser par rapport aux propres choix qu’il serait amené à faire pour leur logement. De plus si l’on regarde plus particulièrement les trois derniers schémas, on s’aperçoit qu’il est proposé différentes alternatives, l’intérêt n’est donc pas de déterminer une forme qui serait parfaite mais plutôt d’envisager différentes solutions à un problème. Les habitants sont donc amenés à se poser des questions sur l’évolution de leur ville et à envisager les différentes possibilités de mutation urbaine. Et c’est ici que l’architecte-urbaniste Nicolas Drouin introduit la notion de “responsabilité”, cette nouvelle pratique invite chacun des acteurs de la ville à se responsabiliser. Les habitants ne sont plus les spectateurs des transformations de leur lieu de vie mais sont invités à en devenir eux-aussi des acteurs. ¹_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe.
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VILLE PARTICIPATIVE
PARTIE SECONDE: BORDEAUX MÉTROPOLE, LA
C - Du passif à l’actif Comme nous l’avons constaté lors de l’étude du projet des quais, les habitants sont passés du statut de spectateur à celui d’élève concerné. Ainsi la première phase de la transformation bordelaise a mis en place une culture de la ville. Lors de cette deuxième phase l’enjeu du projet augmente, il est alors question de rendre les habitants acteurs du changement. “c’est une mutation. C’est à dire qu’avant le public était très captif du système de production de la ville. Actuellement, on est en train d’en faire un acteur de la ville” Michel Jacques ¹ “autour des ateliers d’urbanisme, dans ce deuxième projet urbain, ça a été véritablement la participation des habitants en tant qu’acteurs essentiels et surtout en tant qu’acteurs porteurs de propositions autonome.[...] leur dire que pour participer, il faut aussi se former, s’éduquer, s’enrichir d’une culture, d’un savoir. C’est à dire pour nous, développer une pédagogie, qui permet aux habitants de se doter de cette intelligence-là. Et à partir de là permettre aux habitants de faire des propositions [...]. L’idée, c’est tout de même de travailler en étroite concertation avec les habitants, mais pas seulement dans une dynamique du haut vers le bas mais aussi du bas vers le haut; c’est à dire qu’il y ait interaction entre les élus, les ingénieurs, les administrations, les décideurs en général; qu’il y ait une collaboration très étroite de va-et-vient incessants, de sorte à ce que le projet soit co-construit.” Michel Duchène²
Le passage au statut “actif” nécessite, comme l’introduit l’adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, Mr Duchène, une préparation. Aussi l’action culturelle, menée en amont lors de la première phase du projet, a en quelque sorte préparé le terrain en amenant tout un chacun à tenter de comprendre sa ville et ses changements. Avec ce nouvel intérêt pour la culture urbaine, des ateliers d’urbanisme ont étés mis en place pour que tous ceux qui le souhaitent puissent prendre part, à différents niveaux (représentants des conseils de quartier, représentants des différentes professions...), aux discussions menées sur les projets urbains. Cependant, une action pédagogique a vu le jour en parallèle, le but étant de donner aux citoyens et autres acteurs du territoire (communes, collectivités locales, acteurs économiques, collectifs, associations...) les outils pour comprendre et participer à leurs niveaux à la démarche de projet. Ainsi la transformation en acteur de la fabrique urbaine passe par les conférences, débats et autres publications pédagogiques dont nous avons abordé quelques exemples au cours de notre étude. Et comme nous avons pu le constater durant l’étude d’une de ces publications la question des outils et supports est récurrente lorsqu’il s’agit de discuter et de partager des points de vue autour d’une même table. Cette question ne se pose pas seulement pour les habitants mais également pour tous les acteurs professionnels amenés à travailler ensemble dans le cadre de la fabrique pluridisciplinaire. Aussi à l’issue de ce travail d’étude sur les deux phases du projet bordelais, il semble nécessaire de s’interroger sur l’évolution engendrée dans les pratiques. En quoi la pluridisciplinarité des acteurs a modifié le mode de fabrication de la ville?
¹_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe. ²_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à la mairie de Bordeaux _intégralité de l’entretien en annexe.
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jeunes 18-25 ans jeunes actifs 26-35 ans actifs 36 ans et +
réalisation d’une carte mettant en avant la répartition sur le territoire et le profil spatial des personnes interrogées lors de l’enquête_réalisation personnelle
TROISIÈME PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville [ retour sur action à travers l’exemple de Bordeaux ] Après avoir remis en perspective les deux phases du projet de ville, il paraissait intéressant de faire un retour sur action avec les acteurs de la fabrique. Ainsi en premier lieu, nous nous intéresserons aux habitants de Bordeaux et de son agglomération, qui ont été les premiers touchés. Dans un deuxième temps, nous interrogerons les principaux acteurs du changement. Enfin nous ferons le bilan de la fabrique pluridisciplinaire de la ville.
I. La ville participative/ La parole habitante L’idéologie de la ville participative veut que chacun puisse apporter sa participation, que chaque voix puisse être entendue. Alors le recueil de la parole habitante concernant la fabrique de la ville me paraissait important. Ainsi dans cette démarche, j’ai conçu une enquête¹ que j’ai proposée aux Bordelais et habitants de l’agglomération bordelaise, par le biais d’un site d’enquête en ligne. Nous avons privilégié une méthode semi-directive en proposant un questionnaire. Ce dernier était composé de questions ouvertes permettant de mettre en avant le point de vue de l’habitant, de questions fermées (oui/non) de sorte à dégager des avis tranchés et enfin de questions à choix multiples pour définir tendances et préférences des enquêtés. Cette méthode m’a donc permis de créer des graphiques, ratios et autres représentations graphiques, qui même s’ils restent indicatifs, permettent de prendre le pouls de la fabrique participative. D’autre part, l’intérêt de ce questionnaire était également de mesurer sur un panel les répercussions de la transformation urbaine sur l’image de la ville. Ainsi j’ai tenté de recueillir les témoignages d’un panel possédant une certaine diversité sociologique et géographique. [ci contre le profil spatial des personnes interrogées]
A. Le contexte: Comment se représente t-on la fabrique de la ville aujourd’hui ? Le paradigme de la participation Lorsque Marcel Roncayolo esquisse la définition du “projet urbain” dans son Abécédaire², il explique que ce dernier répond aux nouvelles conditions de fabrication de la ville. Selon lui, l’échec de la planification urbaine dans les années 1960-1970, a fait naître le besoin d’une “intervention urbaine plus flexible, plus humaine et plus pertinente”. Il met alors en évidence le nouveau “processus non linéaire”, que représente le projet urbain, “impliquant à la fois les spécialistes, l’attente et la réaction des bénéficiaires, jusqu’à l’habitant”. Ainsi la fabrique de la ville tend à devenir une démarche communautaire. Comme nous avons pu le constater lors de l’analyse des deux phases du projet de ville bordelais, les projets urbains qui s’y rattachent ont pris le parti de construire la ville avec ses habitants. Si dans le cadre de la première phase, cette démarche a été expérimentale et a recherché davantage à forger une culture de la ville; la deuxième phase, elle, a mis en place de nouveaux outils de concertation pour aller vers une réelle participation. Ce nouveau paradigme de la ville participative se retrouve dans de nombreuses villes françaises, comme l’a analysé la POPSU ( Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines) à travers l’étude des cas de Nantes, Lille, Lyon, Montpellier, Marseille, Toulouse et Bordeaux. ³
¹ texte de l’enquête en annexe ²_Marcel Roncayolo, Isabelle Chesneau, L’abécédaire de Marcel Roncayolo_entretiens, Gollion, Infolio éditions, collection Archigraphy poche, 2011. ³ _Bourdin Alain, Prost Robert, Projets et stratégies urbaines. Regard comparatif, Marseille, Editions Parenthèses, collection la ville en train de se faire, 2009.
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graphiques réalisés à partir des résultats de l’enquête_réalisation personnelle
DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
Ainsi la fabrique de la ville fait l’objet d’une nouvelle approche: celle d’une construction partagée. Mais quel est le point de vue des principaux intéressés ? Les habitants eux-mêmes s’intéressent-ils à la fabrique urbaine? Se sentent-ils concernés? Pour le savoir j’ai donc réalisé une enquête. Tout d’abord, à l’aide de questions à choix multiples, j’ai cherché à évaluer leurs centres d’intérêt concernant la ville. Ainsi, le graphique ci-contre nous apprend que la moitié des personnes interrogées s’intéresse à l’architecture et à l’urbanisme, avec une légère préférence pour l’architecture. Nous pouvons alors constater que les domaines qui régissent la fabrique de la ville ne laissent pas indifférents les habitants, et nous pouvons même émettre l’hypothèse que ces derniers ont ou recherchent à avoir des connaissances dans ces domaines. Dans un second temps, nous observons que si peu des habitants interrogés s’intéressent à l’action associative de leurs quartiers (10%) et la vie citoyenne locale (36%), en revanche 80% d’entre eux se sentent touchés par les transformations subies par leurs quartiers et leur ville. On remarque ici que l’image de leur ville ou de leur quartier est importante aux yeux de ceux qui les côtoient chaque jour. La transformation de la ville est donc devenue un réel enjeu populaire. Enfin, si l’on compare ces informations aux résultats de la question: “ Selon vous, l’habitant a t-il un rôle à jouer dans la transformation de sa ville?”, on constate que 100% des personnes interrogées se sentent concernées. Nous sommes ici bien loin de l’idéologie de la planification urbaine, ou du “fait du prince” comme l’introduit Nicolas Drouin [ architecte- urbaniste à A’Urba] lors de notre entretien, qui ont tous deux pourtant régné des années sur la fabrique urbaine. Ces résultats sont révélateurs d’un changement de mentalité quant à la construction de la ville. Ainsi le modèle de la ville participative n’est pas une idéologie portée uniquement par les décideurs politiques ou les experts de la ville [ architectes/urbanistes/ ingénieurs...], ce paradigme est d’abord celui du grand public. Les habitants eux-mêmes ressentent le besoin de participer. Aussi que la ville participative soit une réalité ou une nouvelle stratégie, la ville est aujourd’hui devenue une fabrique concertée dans l’imaginaire collectif.
B. Bilan de la démarche de concertation à Bordeaux Interroger les habitants nous permet également de faire avec eux le bilan de la démarche de concertation, de mettre en évidence les retours positifs mais également les limites du système. J’ai également tenté d’estimer le rayonnement des différents événements mis en place. On constate notamment que la fête du vin et la fête du fleuve sont des facteurs de rassemblement car presque 80% des personnes interrogées y participent. La ville ayant tourné le dos à son fleuve durant de nombreuses années, comme évoqué plus tôt dans ce mémoire, il est intéressant de souligner ici que l’un des plus forts taux de participation est détenu par une fête qui lui est consacrée. Ainsi, les rassemblements festifs sont les événements qui provoquent le plus de mouvements dans la ville, comme en témoigne les 50% obtenus par les retransmissions d’événements sportifs.
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graphiques réalisés à partir des résultats de l’enquête_réalisation personnelle
DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
En parallèle, les événements culturels autours des thèmes de l’architecture, de l’urbanisme, de l’art et de la ville tels qu’Agora ou Evento rencontrent eux aussi une participation intéressante [50% pour Evento]. De plus nous pouvons y ajouter les résultats des événements organisés par les acteurs culturels tels que les expositions/ conférences/ itinéraires /café pour lesquels la participation s’élève en moyenne autour des 20%. Ces données statistiques concernant la participation aux événements culturels peuvent être associés aux résultats précédents concernant un intérêt prononcé pour l’architecture, l’urbanisme et surtout les transformations de la ville. Il est particulièrement intéressant de découvrir que 10 à 30% des personnes interrogées s’intéressent suffisamment aux changements de leur ville pour participer aux actions d’Arc en Rêve. Ces expositions/ conférences/intinéraires / cafés interrogent le devenir des villes à travers des discussions, des ballades et des ateliers; les participants sont alors amenés à réinterroger eux-mêmes leur ville. Aussi, cette enquête révèle ici les fruits de la politique de sensibilisation menée lors de la première phase du projet de ville. On constate tout d’abord que les bordelais se sont mobilisés lors des démarches événementielles mais on peut également mettre en évidence la naissance d’une nouvelle culture de la ville. Les graphiques sont en quelque sorte le reflet d’une ville qui se vit, s’expérimente mais aussi se comprend.
C. Représentation et sentiment d’appartenance “Les fluctuations d’images seraient ainsi l’un des meilleurs détecteurs de l’histoire urbaine et vraisemblablement un enjeu à la fois économique et culturel.” Marcel Roncayolo ¹
Dans un dernier temps, il paraît intéressant de constater les représentations que véhicule la parole habitante. La manière dont les habitants se représentent leur ville et la manière dont ils la définissent sont souvent révélateurs. Dans cette optique, nous avons demandé à chaque personne interrogée de nous donner trois mots pour définir dans un premier temps leur ville de Bordeaux, puis dans un deuxième temps trois mots pour le projet urbain. A partir de cette matière, nous avons réalisé un rendu visuel de la parole habitante. La méthode étant de classer les mots exprimés par thème, puis d’accentuer la police des mots proportionnellement à la récurrence de leur apparition. Cette technique est empruntée au travail de l’artiste et compositeur Nicolas Frize, ce dernier a produit et diffusé un journal intitulé “TRAVAILS”, qui rassemble des paroles d’ouvriers, de personnels et d’employés de tous les champs professionnels, autour de l’exercice de leur subjectivité dans l’activité professionnelle, leur appropriation sensible et intellectuelle dans leur travail². A partir d’entretiens, il enregistre et met en évidence le ressenti à travers les significations des mots employés, cette méthode permet de souligner l’émergence des points de vue.
¹_Marcel Roncayolo, Isabelle Chesneau, L’abécédaire de Marcel Roncayolo_entretiens, Gollion, Infolio éditions, collection Archigraphy poche, 2011. ²_ TRAVAILS, dispositif de consultations de personnels sur leur lieu de travail, production et diffusion d’un journal_ précisions sur le site de Nicolas Frize_ www.nicolasfrize.com
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DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
LA PAROLE AUX BORDELAIS BORDEAUX
QUALITÉS ensoleillée . chic. paisible. convivialité. intense. morale. sublime. humaine.
agréable
.
belle
.
vivante. lumineux. chaleureux. heureux. calme. propre. ambitieuse.
dynamique
magnifique. accessible. bourgeoise.
. festif . artistique. éclectique.
élégant. jeune. exceptionnel. confort. unique. inspirante. attirante. épurée. généreuse. stylé. majestueuse. cosmopolite. culturelle. ARCHITECTURE/ URBAIN .conservation. architecturale. pierre.
aéré/ qui respire. places publiques.
DÉFAUTS étroit. sale. HISTOIRE
patrimoine. moderne.
renaissance .
historique.
touristique. vieux. contemporaine.
MOTS ASSOCIÉS vin. quais. va de l’avant. bon vivre. beauté. classique. carpe diem. Dans LA PAROLE HABITANTE, on distingue différents thèmes significatifs; d’une part les qualités, défauts et mots associés; et d’autre part un champs lexical associé à l’architecture/ l’urbain et l’histoire. Il apparaît ainsi, que les usagers de la ville accordent de nombreuses qualités à leur cadre de vie: CONVIVIALE, INTENSE, VIVANTE, AGRÉABLE, DYNAMIQUE, ACCESSIBLE, CULTURELLE[...]. Il est donc évident que l’image de la ville repose pour ses habitants, en premier lieu, sur la manière dont ils la vivent; d’où l’importance du travail événementiel lors de la mise en place du projet. Dans un deuxième temps, on ressent également que l’image de la ville est fortement attachée à son architecture et son histoire.
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DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
PROJET URBAIN QUALITÉS important.
innovant.
dynamique.
compréhension.
grand.
réussite.
ambitieux
.
intéressant. nécessaire . cohérent . utile. ouverture. attendu . pratique. positif . unique. imposant. prospère . populaire. beau. harmonisé .
TEMPS attente. avenir. novateur.
modernité. futur. révolutionnaire . progression. temporel.
URBAIN / ARCHITECTURE redynamisation. espaces. beauté de la ville (sens génie du lieu). écocentré . développement . métropole. port. pont bacalan-bastide. DÉFAUTS impératif. pas toujours pertinent. MOTS ASSOCIÉS éclairage. accessibilité. qualité de vie. social. tourisme. citoyen . ville nouvelle. inconnu. on verra bien. LA PAROLE HABITANTE concernant le projet urbain sous-tend les mêmes thèmes qui prennent alors des colorations différentes, les qualités s’orientent vers l’action: DYNAMIQUE, INNOVANT, NÉCESSAIRE, UTILE, PRATIQUE, AMBITIEUX, au détail près que celui-ci soit une action POPULAIRE/ CITOYENNE. Cependant un nouveau thème apparaît, celui du TEMPS,
les usagers sont conscients qu’un projet nécessite et s’associe à un cadre temporel:
PROGRESSION, ATTENTE, AVENIR, RÉVOLUTIONNAIRE, MODERNE[...]. Ce champ lexical nous
montre également un nouvel intérêt et une culture nouvelle de la ville par l’utilisation des termes : REDYNAMISATION, ÉCOCENTRÉ, DÉVELOPPEMENT, MÉTROPOLE. Cet usage de terme employés par les professionnels, nous démontre que l’habitant s’intéresse de plus en plus aux enjeux de sa ville. Nous pouvons également faire le lien entre ses représentations habitantes et une autre question évoquée lors de cette enquête: la notion de regard avant/ après. Plus de 76% du panel interrogé affirment avoir connu la ville avant ses premières transformations, et 90% nous apprennent que leur regard sur cette dernière a changé depuis sa transformation. Dans ce contexte, la notion de représentation habitante prend toute sa valeur, elle porte en elle les symboles inscrits dans cette transformation de ville.
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graphiques réalisés à partir des résultats de l’enquête_réalisation personnelle
DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
ATTRACTION
Enfin dans un second temps, il m’a paru intéressant de mesurer l’attachement que pouvaient avoir les habitants pour leur ville. Nous avons commencé par évaluer le temps passé sur le territoire bordelais et le contexte. Ainsi 56% du panel déclarent habiter l’agglomération depuis plus de 12 ans, ils ont donc connu le territoire bordelais avant et pendant ses différentes phases de transformations. 23% ont vécu ce territoire durant la période de travaux tramway/ quais. Ils sont 10% à avoir rejoint l’agglomération il y a 2 à 5 ans, cette partie du panel n’a donc connu le territoire qu’après la première phase de transformation. Et 13% du panel s’est installé sur le territoire durant la mise en place de la deuxième phase: Bordeaux métropole. Ces chiffres nous permettent également de mettre en évidence l’attraction exercée par la ville ces dernières années, ainsi 43% du panel interrogé se sont installés dans le territoire bordelais durant les 12 dernières années. Depuis le début de sa transformation, l’agglomération a connu une forte augmentation de sa population, elle est devenue attractive. RAYONNEMENT
Aussi, j’ai souhaité connaître les origines de cette attraction: il apparaît que seuls 50% des personnes interrogées sont originaires de Bordeaux et son agglomération, quant aux autres, 7% viennent de la région Aquitaine et 40% d’autres régions françaises. On mesure ainsi le rayonnement exercé sur le territoire français. La deuxième phase de projet Bordeaux Métropole est donc en accord avec la réalité des usagers: l’expérience habitante démontre que Bordeaux est une nouvelle métropole française. APPARTENANCE
Enfin si seulement 27% du panel interrogé est originaire de Bordeaux, plus de 96% des personnes interrogées affirment ressentir une appartenance à la ville de Bordeaux. Et, qu’ils habitent dans le centre de Bordeaux ou dans son agglomération, 90% d’entre eux se définissent bordelais. Ces statistiques sont particulièrement intéressantes, si l’on considère que seuls 60% d’entre eux habitent effectivement à Bordeaux, cette ville provoque donc un très fort sentiment d’appartenance. Comparé à d’autres villes françaises, comme Paris, on s’aperçoit que très peu d’habitants des banlieues parisiennes se considèrent parisiens. Il existe même des cas inverses: certains habitent Paris depuis 5 ans et ne se considèrent toujours pas parisiens. Ces cas de figure ne s’arrêtent pas au seul territoire parisien, de nombreuses personnes ayant rejoint les territoires des grandes villes françaises pour des raisons professionnelles ne ressentent pas d’attachement à ces dernières et continuent de ressentir un attachement très fort à leurs régions d’origine. Et pourtant Bordeaux, elle aussi grande métropole, suscite cette appartenance à un lieu/ à un territoire. Alors pourquoi? Ces résultats sont peut-être à rapprocher avec le bilan du projet. Le sentiment d’appartenance est peut être dû à la fabrique partagée de la ville: si peu d’entre eux ont participé de manière effective à la fabrication, tous se sont sentis concernés, ils ont massivement participé aux événements et aux expériences urbaines, et ont fait évoluer la perception de leur cadre de vie. Ainsi cette enquête démontre que la fabrique de la ville peut être partagée de différentes manières et surtout, qu’en impliquant la population on fabrique également la cohérence d’un territoire.
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DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
café d’architecture, rencontre avec un sociologue/ un universitaire/ un architecte/ une historienne de l’art[...]_initiative Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve
inauguration de l’exposition les 50 000 avec les architectes: Alexandre Chemetoff & associés, OMA Rem Koolhaas, Lacaton &Vassal, Clément Blanchet [...]_initiative Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve
II. Les acteurs de la fabrique Travaillant le retour sur expérience, la méthode d’entretien avec les professionnels s’est imposée d’elle même. Contrairement à la parole habitante, il ne s’agissait pas ici de constituer des statistiques ou même d’avoir un regard objectif; mais plutôt de rechercher la subjectivité et l’expérience personnelle. Ainsi nous avons sollicité des professionnels de la ville, nous les avons rencontrés et avons tenté de recueillir leurs expériences dans la fabrique de la ville en utilisant toujours la même grille d’entretien. Ayant constaté lors de cette analyse que la fabrique avait été plurielle, il nous a paru intéressant de rechercher à rencontrer des acteurs possédant des rôles différents. Nous nous sommes ainsi entretenus avec un acteur culturel: Mr Michel Jacques [ architecte_ directeur artistique d’Arc en Rêve]; avec un acteur politique: Mr Michel Duchène [adjoint au maire_ chargé de communication à la Mairie de Bordeaux]; et enfin avec un Architecte/Urbaniste: Mr Nicolas Drouin [architecte/urbaniste_directeur d’équipe Projet Urbain à A’Urba_agence d’urbanisme de Bordeaux]. Ils ont ainsi pu nous faire partager leur expérience et leur point de vue sur cette nouvelle fabrique.
A. La pluridisciplinarité: la place des acteurs dans cette nouvelle pratique. LES ACTEURS CULTURELS ONT DONNÉ L’IMPULSION
Les actions culturelles sont souvent les premières lignes des grands changements. Ils sont ceux qui amorcent le travail, testent le terrain et donne l’impulsion. La fabrique de la ville n’échappe pas à cette règle. A Bordeaux, la disparition du port était un enjeu majeur, les acteurs culturels se sont très tôt intéressés à cette question. Ils ont préparé le terrain, en mettant en évidence les enjeux, en créant un mouvement autour de cette question et en faisant émerger les idées. “il a fallu un temps préparatoire, avant Alain Juppé, Arc en Rêve avait communiqué sur cette grande question de l’avenir du port (cf: concours Bordeaux port de la lune). Sachant que le port partait, ils avaient lancé de grands concours d’idées, donc il y a eu des travaux préparatoires.” Nicolas Drouin ¹
Arc en Rêve est un Centre d’architecture, créé en 1981, il mène des actions de sensibilisation culturelle dans les domaines de l’Architecture, de la ville, du paysage et du design, il joue également le rôle de médiateur pour la promotion de la qualité du cadre de vie. Les ateliers pour enfants, chantiers ouverts au public, expositions, conférences, itinérances , cafés d’architecture [...] mobilisent les habitants et les acteurs de la cité. Les plus grands théoriciens et architectes internationaux, comme les jeunes talents, sont invités par ce centre fortement impliqué dans le tissus urbain local et dont l’engagement s’affirme dans la volonté de faire émerger le désir d’architecture dans un monde en mutation. Son action est soutenue par la ville de Bordeaux, depuis sa création, avec l’aide de la région et du Ministère de la culture. Depuis 2006, la CUB, Communauté Urbaine de Bordeaux, participe au financement. “on a constitué un fond culturel” “Arc en Rêve a été fondateur mais plus d’une pensée, d’une exigence “ “La chose est nouvelle avec Vincent Feltesse [ Président de la Communauté Urbaine de Bordeaux depuis 2007], le nouveau président, lui considère que justement Arc en Rêve peut jouer un rôle beaucoup plus grand et que c’est intéressant de faire ce travail de croisement, de conjuguer à la fois l’action culturelle et le projet. “ Michel Jaques ²
¹_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux. ²_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe de ce mémoire.
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Ainsi lorsque nous interrogeons Mr Jacques, sur la place d’Arc en Rêve dans la fabrique pluridisciplinaire, ce dernier met en évidence l’action culturelle menée en amont et en parallèle du projet de ville. Il est important de souligner la place des acteurs culturels qui permettent souvent de faire un travail préparatoire, d’ouvrir les esprits sur les enjeux de la ville mais également de permettre la rencontre de différentes disciplines. Aussi l’action culturelle a mis en place les prémices de la fabrique pluridisciplinaire, et comme le soulignent ces extraits d’entretien les acteurs culturels sont peu à peu amenés à prendre une place plus importante dans la démarche de projet de la ville. LES ÉLUS SOUTIENNENT LA DÉMARCHE
Au cours de notre étude nous avons mis en évidence le rôle du pilotage politique dans le projet de ville bordelais. Les élus de la ville et de la CUB [Communauté Urbaine de Bordeaux] ont souvent témoigné un intérêt de plus en plus prononcé pour le projet. “Je crois que derrière les élus, il y a aussi une éducation, une culture. Vous avez des élus qui ont cette culture de la ville, de l’urbain, de l’architecture, qui s’intéressent à la ville et à son devenir; et d’autres qui ne s’y intéressent pas, qui ne voient pas la différence entre tel et tel choix architectural et urbain. Il faut d’abord que l’élu ait une culture ou qu’il veuille s’en doter. Et je pense que ce qui a fait la force de Bordeaux, c’est le Maire. Avec sa personnalité particulière, il a eu un projet pour sa ville, il a eu une vision du devenir de la ville; à l’époque où l’on ne parlait pas de développement durable, il a eu une vision durable pour sa ville. Et il a tiré derrière lui un certain nombre d’élus” Michel Duchène ¹
Lorsque nous interrogeons Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, il met en avant la notion de “culture” des élus qui joue un rôle important dans la place qu’ils peuvent prendre en tant qu’acteur de la fabrique urbaine. Ainsi la sensibilité des élus à la question urbaine va déterminer leur implication. De plus, il met en avant l’action menée par le maire Alain Juppé, qui à la fois initiateur et acteur engagé du projet, a été un très fort soutient. Emmenant dans son sillage de nombreux élus, il a créé une dynamique qui a permis à la démarche de s’étendre à différents niveaux dans toute l’agglomération. ARCHITECTES ET URBANISTES RENCONTRENT DE NOUVEAUX PARTENAIRES
La pluridisciplinarité, c’est également donner la parole à d’autres acteurs de la ville, travailler en partenariat avec d’autres disciplines qui contribuent au développement urbain. “petit à petit les gens prennent conscience qu’il faut partager les points de vue. Il y a des choses qui ne se décrètent pas dans l’aménagement urbain, qui ne se décrètent pas unilatéralement: dire que dans tel secteur, il faudra des commerces de proximité, ça ne se décrète pas, le commerce, ça apparaît quand toutes les conditions sont réunies pour que cela puisse vivre. Donc tout est lié. On peut dire qu’avant, il y avait plus d’ignorance des acteurs (acteurs économiques, promoteurs, chambre de commerce..) sur les projets de ville, les projets d’agglomération faute de communication. Chacun avait sa focale sur ses “espaces”, donc aujourd’hui il y a plus de brassage. Ce qui est valable pour les habitants est valable pour les acteurs. “ Nicolas Drouin²
Comme l’exprime Nicolas Drouin, il y a une prise de conscience collective selon laquelle la ville est multiple, que pour la comprendre il faut s’intéresser à ces nombreuses facettes. Dans ce but, de nombreux experts de domaines différents sont amenés à se rencontrer, à échanger. La fabrique devient partenariale et nécessite donc pour les architectes et les urbanistes d’intégrer de nouveaux partenaires à la démarche de projet.
¹_extrait de l’entretien de Mr Duchène, adjoint au maire chargé de la stratégie urbaine, réalisé le 29 février 2012 à
la mairie de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe. ²_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe.
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B. Les dispositifs et lieux de rencontre “ Pour moi, ce que l’on appelle un projet urbain, c’est d’abord une démarche, une démarche partenariale, sur un secteur donné, qui s’inscrit dans une temporalité donnée, c’est à dire avec un début et une fin. Ce n’est pas un point de vue partagé. 1. Il y a plusieurs acteurs; 2. Cela s’intéresse à un périmètre géographique circonscrit et partagé; 3. Cela débouche sur des actions, qui ne sont pas forcément des actions d’aménagement, pas toujours. Donc une fois que l’on a dit cela, c’est un dispositif. “ Nicolas Drouin¹
Lorsque nous interrogeons l’architecte-urbaniste, Nicolas Drouin, concernant sa propre définition du “projet urbain”, celui-ci met en avant la notion de dispositif. Ainsi les dispositifs constituent le coeur de la fabrique pluridisciplinaire, ils sont le lien entre les professionnels de la ville et le grand public, mais également entre les différents corps de métiers de la fabrique urbaine. “Je crois que l’on a surtout élargi le tour de table. Je prendrais l’exemple du secteur de la gare, il y a eu des ateliers de travail avec toutes les forces économiques du territoire; je dis force économique car le développement urbain est un développement économique de fait; avec tous les acteurs publics et privés, les entreprises, le milieu scolaire, le milieu universitaire, les habitants; pour co-construire vers quoi le projet se dirige, on ne parle même pas de spatialisation mais on cherche un avenir pour ce territoire. On élargit le tour de table par rapport à ce qui s’est passé avant, c’est un travail plus transparent. Cela donne lieu à de vrais débats, entre des personnes qui ont différents prismes que les acteurs traditionnels. Moi je pense que c’est plus cela qui a changé. On a élargi le tour de table, donc ça donne une vision un peu moins technocratique de la façon de faire et un peu moins dirigiste. Il y a une co-construction des choses en élargissant le groupe d’acteurs.” “Ce sont des ateliers d’urbanisme; où vous réunissez des architectes, des promoteurs, des notaires, tous les acteurs publics et privés [...] pour tester les choses, pour que chaque point de vue comprenne le point de vue de l’autre. Voilà, que l’on sorte des rapports de forces où certains imposent leur point de vue.” Nicolas Drouin¹
Créer le lien entre les différents acteurs, les rendre partenaires, c’est chercher à les asseoir à la même table, trouver de nouvelles démarches de projet qui permettent la rencontre. Face à l’élargissement du tour de table, l’un des nouveaux dispositifs mis en place est l’atelier d’urbanisme. Avec l’exemple du secteur de la gare St Jean/ Belcier (quartier du futur pôle Bordeaux euratlantique), l’architecte-urbaniste souligne l’importance du dialogue entre les différents acteurs pour enrichir un futur projet. Cette rencontre avec les partenaires des différents milieux qui constituent la ville, met également en lumière les enjeux d’un territoire. Comme nous l’évoquions au cours de l’étude du projet de ville bordelais, la ville des experts ne se superpose pas toujours avec la réalité vécue des individus qui la côtoient. Les ateliers d’urbanisme sont donc aussi le lieu de cette rencontre avec les réalités des acteurs qui font aussi vivre la ville. Nicolas Drouin évoque également la possibilité d’une vision plus globale grâce à l’échange de points de vue. Une question reste cependant en suspens. S’il existe autant de prismes que d’acteurs, il existe également différents langages. Y a-t-il partage des points de vue ? Parlent-ils tous la même langue?
¹_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe.
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LA PAROLE AUX EXPERTS DE LA VILLE PROJET URBAIN
actions. ambitieux. ancré. démarche partenariale .
dispositif. fabrication de la ville. futur. global. moyen.
partagé. pas un point de vue partagé. penser la
ville. périmètre circonscrit. plusieurs acteurs. politique. réaliser la ville. temporalité . territoire .
PROJET URBAIN À BORDEAUX
ambitieux . ancré . anticipation. développement.
exploratoire . global.
partagé . politique.
prémonitoire . projet de référence . projet transversal. réussite. territoire métropolitain .
les mots de Nicolas Drouin _Architecte/Urbaniste les mots de Michel Duchène _Adjoint au Maire les mots de Michel Jacques _ Architecte/ Acteur culturel
C. Lieux de partage: prisme et langage La notion de “prisme”, “regarder à travers un prisme” exprime le fait de voir les choses ou de les considérer suivant ses préjugés et ses passions qui les colorent à leur gré ¹. En nous entretenant avec les acteurs de la fabrique urbaine, nous avons nous-même pu constater que selon les domaines d’activité les points de vue peuvent diverger. Ainsi nous avons tenté l’expérience de comparaison des prismes avec le terme même de “projet urbain”. Nous avons interrogé chacun des entretenus sur leur propre définition du terme résumé en quelques mots. [ ci-contre la représentation des résultats obtenus] Nous pouvons remarquer que pour l’acteur politique, le projet urbain est un outil, il l’énonce tel un MOYEN de penser/ réaliser la ville, un DÉVELOPPEMENT. Alors que l’architecte-urbaniste et l’acteur culturel évoquent plus le mécanisme d’une machine ou d’une fabrique, avec les termes: DÉMARCHE, ACTION, DISPOSITIF, FABRICATION. L’ Architecte et acteur culturel, Mr Jacques, rajoutant la coloration d’un projet EXPLORATOIRE. L’architecte- urbaniste et l’adjoint au maire soulignent tous deux la notion temporelle mais dans deux optiques différentes. Le premier rapproche espace et temps en utilisant les notions conjointes de PÉRIMÈTRE et de TEMPORALITÉ. Alors que le second, avec l’utilisation des formules GLOBAL/ FUTUR/ PRÉMONITOIRE / ANTICIPATION, semble rapprocher le projet d’un outil qui permettrait de voir plus loin dans le temps d’une ville. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que, ne perdant pas son rôle d’homme politique de vue, ce dernier met en avant sa ville en définissant le projet urbain bordelais comme étant une RÉUSSITE et un PROJET DE RÉFÉRENCE. L’enjeu pluridisciplinaire et participatif est sous-tendu par les deux architectes, il prend des couleurs différentes selon leur domaine d’activité. L’urbaniste soutient le jeu des acteurs en évoquant PLUSIEURS ACTEURS, PARTENAIRES et le croisement des POINTS DE VUE partagés ou non. En parallèle, l’acteur culturel semble vouloir lier le projet urbain avec la réalité et le vécu des habitants en utilisant les termes: TERRITOIRE PARTAGÉ, projet TRANSVERSAL et ANCRÉ. Ainsi si les prismes portent souvent la coloration de l’activité exercée, les points de vue tendent à évoquer les mêmes questions. Par son expérience, Nicolas Drouin introduit ici la notion de langue propre à chaque profession. “Donc pour résumer, c’est vraiment l’ouverture. On pourrait penser que l’on perd plus de temps dans la préparation des projets, mais on gagne du temps par la suite. Et puis toute la culturation est forcément positive, il n’y a rien de pire que le silence et l’ignorance. Et aussi la deuxième chose qui a changé, c’est l’apprentissage d’une autre langue. On est passé d’une langue d’experts, de spécialistes qui se parlaient entre eux; à une langue de vulgarisation, “se mettre à la portée de”, pouvoir être compris. Si l’on veut comparer, c’est la tour de Babel un projet, il y a un moment où l’on s’aperçoit que l’on ne parle pas le même langage, que l’on n’a pas le même prisme. En tant qu’architecte, on est bien placés pour savoir, que même sur un chantier on ne parle pas le même langage; j’ai été maître d’oeuvre et ça m’a beaucoup aidé. “ “on s’interroge plus qu’avant sur comment faire passer les messages, comment poser les bonnes questions, comment faire converger les points de vue, converger les adhésions.” Nicolas Drouin²
La fabrique pluridisciplinaire amène donc de nouvelles pratiques au sein de la démarche de projet: le partage passe aussi par la manière de communiquer. Ainsi les experts de la ville tendent à faire évoluer leur rôle vers plus de communication et donc l’utilisation de médiums différents et d’un langage nouveau. ¹_définition selon le dictionnaire Larousse ² _extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux.
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III. La ville: une fabrique pluridisciplinaire / participative ? Après avoir effectué un retour sur action avec les acteurs de la fabrique urbaine, il paraissait important de dégager les éclairages apportés par cette étude menée sur la fabrique pluridisciplinaire.
A. Enjeux et limites du croisement des points de vue Lors de ce travail, nous avons constaté une évolution vers une construction partagée. Pour mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle démarche, nous allons nous appuyer sur les écrits de trois auteurs. Puis, avec l’expérience des acteurs, nous soulignerons les limites rencontrées dans la pratique. Définition du projet urbain “Le projet urbain répond aux nouvelles conditions de fabrication de la ville , depuis les années 1980, conjonctures plus difficles, technologies porteuses de ruptures. La visée initiale, l’évaluation des étapes et du résultat dépendent de regards disciplinaires multiples. C’est un processus non linéaire, impliquant à la fois des spécialistes, l’attente et la réaction des “bénéficiaires”, jusqu’à l’habitant.” “Cette notion de projet urbain naît avec les avatars de la ville industrielle, dont les effets se dessinent dans les années 1960-1970, de l’échec de la planification urbaine; elle tente de rendre à l’intervention urbaine sa flexibilité, son humanité, sa pertinence.” “Il naît d’une nécessité d’être plus respectueux des pratiques sociales de l’espace, plus proches des jeux d’acteurs et des attentes des usagers; il s’agit de penser les articulations entre les différents interventions sur l’espace, de requalifier les tissus urbains plutôt que de s’inscrire uniquement dans une logique d’extension urbaine.” Marcel Roncayolo¹
Lorsque Marcel Rocayolo propose une définition du projet urbain, il évoque les regards disciplinaires multiples qui sont aujourd’hui nécessaires à la fabrique urbaine. Il met en avant le processus non linéaire de construction du projet. Ainsi la fabrique pluridisciplinaire résulte d’un jeu d’acteurs de divers horizons, au sein duquel les points de vue se rencontrent et tentent de s’appréhender. L’enjeu d’une pratique, qui implique plusieurs disciplines, étant de prendre le pouls d’un territoire à travers ces différents prismes. De plus, il souligne l’importance d’une pratique qui prendrait en compte la réalité d’usage. L’urbanisme participatif “Il est fondé sur une critique des modes de planification antérieurement dominants basés sur le postulat de l’existence d’un état futur souhaitable. Il émane de travaux scientifiques et d’associations locales qui demandent un droit de regard sur des décisions qui ont une influence directe sur leur cadre de vie.” “Il est fondé sur un autre système de valeurs. Aux valeurs d’esthétique et de rationalité technicoéconomique s’opposent les valeurs d’usage vernaculaire fondées sur les gratifications affectives que l’usage de l’espace est susceptible d’apporter aux habitants. En effet la répétition de gestes quotidiens engendre des micro-ritualisations qui développent le sentiment d’appartenance.” Jean Paul Lacaze ²
Lors de sa réflexion sur l’urbanisme participatif, Jean Paul Lacaze introduit la notion de “droit de regard”, qui selon lui découlerait d’une réforme des pratiques et modes de pensée antérieurs. Dans cette nouvelle pratique, il serait nécessaire que les personnes concernées par les transformations d’un lieu soient impliquées dans la prise de décisions. Il met ainsi en avant la sortie d’une démarche technocratique, dont l’objectif serait de redonner une valeur à l’expérience du lieu, en quelque sorte au savoir habitant.
¹_extrait de la notion “PROJET”_ Marcel Roncayolo, Isabelle Chesneau, L’abécédaire de Marcel Roncayolo _entretiens, Goillon, Infolio éditions, collection Archigraphy poche, 2011. ²_Jean Paul Lacaze, les méthodes de l’urbanisme, Paris, éditions presses universitaires de France, collection Que sais-je, 2007.
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Concerter, se concerter à Bordeaux “Depuis la décennie 1990, les procédés participatifs sont devenus les instruments incontournables de la prise de décision. La participation de la société civile au processus décisionnel apparaît dans le discours public, le gage d’une gestion renouvelée de la ville” “Associer les citoyens serait l’instrument d’une action publique éclairée, donc plus efficace et proche des besoins locaux, mais également garantirait une décision publique transparente et partagée.” Lise Monneraud ¹
Enfin Lise Monneraud, qui a étudié la démarche participative au sein de l’expérience bordelaise, interroge plus particulièrement le paradigme participatif. Elle souligne l’ambivalence de cette pratique, d’une part l’importance de l’implication des habitants et donc des réels besoins locaux, et d’autre part la recherche d’une adhésion citoyenne au projet de l’action publique. Les éclairages apportés par ces trois auteurs nous intéressent car ils évoquent des enjeux que nous avons nous-même étudiés en revenant sur l’expérience bordelaise. Nous avons pu constater que l’implication de nouveaux acteurs dans la fabrique comportait un double objectif. D’une part la prise en compte d’une nouvelle idée de la ville, qui voudrait que celleci se construise grâce aux savoirs combinés de toutes les disciplines et en première ligne des usagers qui mieux que personne sont capables de rendre compte de la réalité d’un territoire. Et d’autre part, la stratégie, plus ou moins mise en avant, qui en impliquant les citoyens provoquerait l’adhésion et donc la bonne réception des projets de l’action publique. Mais quelles sont les limites de cette pratique? Nous avons interrogé différents acteurs sur cette question. “Maintenant, je m’interroge, si on avait procédé comme ça pour le projet des quais, qu’est-ce que cela aurait donné? Car il y a un moment où il y a des échelles de projet qui sont d’intérêt public majeur; et donc on se pose la question de qui on met autour de la table. Il y a pas mal d’actions urbaines dans l’histoire, où la “décision du prince” était déterminante. Les quais rives gauches, si on avait concerté, on en serait encore à la discussion.” Nicolas Drouin en entretien ² “ tout ne peut pas se gérer dans le consensus, il y a des actes qui doivent être fondateurs. Donc ça ne peut pas être un partenariat de tous les instants, à un moment donné il y a des actes qui impliquent que soient confiés les pouvoirs à un président, un patron qui fait la fédération.” Michel Jacques en entretien ³
Ces témoignages permettent de prendre conscience que les habitants ne peuvent pas être acteurs jusqu’au pouvoir décisionnel. Il est très difficile d’obtenir le consensus, la fabrique urbaine a besoin d’une figure pour porter un projet, d’un décideur. La ville participative et pluridisciplinaire est avant tout un moyen d’évaluer les enjeux réels portés par un territoire, mais le pouvoir décisionnel n’est pas quelque chose qui se partage. Ainsi le principal enjeu de la fabrique est en réalité celui de la communication avec les différents acteurs qui constituent et font vivre la ville.
B. L’importance des médiums de communication Le travail de communication est donc au coeur du débat. Au cours de notre étude nous avons pu constater que les médiums de communication sont à la fois l’outil et le reflet de la fabrique pluridisciplinaire. Il est donc important de faire un retour sur l’évolution de ces médiums, leurs places dans le mécanisme urbain et l’évolution de pratique qu’ils engendrent.
¹_ Lise Monneraud,article “Concerter, se concerter à Bordeaux”,_Godier Patrice, Sorbets Claude, Tapie Guy, Bordeaux métropole, un future sans rupture, Marseille, collection La ville entrain de se faire, éditions Parenthèses, 2009. ² _extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux. ³_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe de ce mémoire.
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mb!g uf!ev!wjo!qmbdf!ef!mb!cpvstf rassemblement sur les quais et la place de la bourse, photo issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux
L’EXPÉRIENCE La première phase de transformation urbaine à Bordeaux a communiqué en mettant l’accent sur l’expérience des lieux et la pratique. A base d’événements symboliques (l’ouverture des grilles), ponctuels (retransmission d’événements sportifs sur grand écran), récurrents (Agora, fête du fleuve, Evento...) ou encore d’installations temporaires de nouveaux usages (skatepark, marché), la ville a su provoquer le mouvement. De l’usage est alors né un nouvel intérêt pour la ville. Cet engouement a été pris en compte lors de la mise en place d’ateliers culturels, qui eux aussi ont choisi de mettre en avant la découverte par l’expérience. Alors quel est l’apport particulier de l’expérience au sein de la fabrique urbaine? EXPÉRIENCE nom féminin (latin experimenta, de expeeriti, faire l’essai) _Pratique de quelque chose, de quelqu’un, épreuve de quelque chose, dont découlent un savoir, une connaissance, une habitude; connaissance tirée de cette pratique: Conducteur sans expérience. _Fait de faire quelque chose une fois, de vivre un événment, considéré du point de vue de son aspect formateur: Avoir une expérience amoureuse. _Action d’essayer quelque chose, de mettre à l’essai un système, une doctrine; tentaive: Tenter une expérience de vie commune. _Mise à l’épreuve de quelque chose, essai tenté sur quelque chose pour en vérifier les propriétés; expérimentation: Faire l’expérience d’un médicament. _Épreuve qui a pour objet, par l’étude d’un phénomène naturel ou provoqué, de vérifier une hypothèse ou de l’induire de cette observation: Expérience de chimie. ¹
Dans la notion d’expérience, il existe tout d’abord le lien avec une pratique d’où découlerait une connaissance, un savoir. Ainsi l’expérience de la ville et de ces lieux en transformation permettrait de mieux les appréhender et d’en découvrir les aspects fondateurs. Cette idée est appuyée par l’aspect “formateur” que l’on concède souvent à l’expérience, “apprendre par expérience”. De plus, si l’on fait appel à la racine latine du terme, on entrevoit la possibilité de faire un essai, de mettre à l’essai. C’est dans cette double optique que la communication par l’expérience est fondatrice pour la fabrique urbaine. Elle permet à la fois d’être un support qui apporterait de nouvelles connaissances et ferait le lien entre projet de transformation et usagers, mais serait également un outil de la démarche urbaine en permettent de tester des projets directement par l’usage. Aussi de plus en plus de projets sont assortis de campagnes événementielles, qui permettent d’accompagner les transformations de la ville, tout en redynamisant la vie de quartier. Nous pouvons citer l’exemple de rénovation urbaine du quartier Boucicaut à Paris: transformation de l’îlot da l’ancien hôpital en éco-quartier, conciliant logements/ équipements/ commerces/ école / foyer pour personnes handicapées/ pépinière d’entreprise. L’IMPLICATION Dans un deuxième temps, nous avons assisté à un phénomène d’implication de tous les acteurs potentiels de la ville. Lors de l’étude des démarches mises en place, nous avons pu constater la mise en place de différents moyens de communication. D’une part, les nombreuses publications de la DGA (Direction Générale de l’Aménagement), de la CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux), de la ville et des acteurs culturels; qui adressées à tous et parfois même directement distribuées en boîte aux lettres, ont permis de développer l’intérêt et la culture de la fabrique urbaine. Par la suite, les enquêtes, les conférences et les ateliers d’urbanisme ont permis de recueillir et de faire se rencontrer les points de vue. “Je suis persuadée que le travail de dialogue suivi dans le temps avec les habitants est la meilleure façon pour créer un climat de confiance. Et ce climat de confiance permet de comprendre les objectifs de la ville et donc le projet urbain. “ Michèle Larue Charlus ²
Les citoyens et les représentants des différentes disciplines qui constituent la ville ont été amenés à dialoguer au sein de la fabrique avec les experts de la ville. Mais cette question du dialogue avec les “experts” amène de nouvelles questions quant à la manière de communiquer. ¹ Le petit Larousse illustré,1 vol., Paris, Larousse, 2011. ²_ extrait de l’entretien par courriel de Mme Larüe-Charlus, directrice DGA_ Direction Générale de l’Aménagement de Bordeaux, mars 2012.
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schéma d’intentions de projet_ issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux
PARTAGER/ ÊTRE ACCESSIBLE Comme nous l’avons constaté avec les différents acteurs rencontrés, cette démarche demande une remise en cause de son propre prisme ou, en tout cas, une adaptation de focale qui permettrait de regarder à travers un autre prisme. EXPERT, EXPERTE adjectif (latin expertus, qui a éprouvé) _Qui connaît très bien quelque chose par la pratique: Je ne suis pas un expert en mécanique. _Qui témoigne de cette compétence ; habile, exercé: Regarder un tableau d’un oeil d’expert. ¹
Les experts de la ville sont donc ceux qui exercent au sein de la fabrique urbaine, qui en connaissent la démarche de projet, les codes et le langage. Ainsi comme nous l’avons abordé au cours de l’étude avec Nicolas Drouin, architecte-urbaniste, pour sortir de la technocratie et pouvoir partager, nous devons utiliser des moyens de communication plus accessibles. Cette démarche passe par la vulgarisation du champ lexical de la ville mais également par des procédés d’échange et de représentation différents, comme l’exemple des schémas que nous avons évoqué au cours de cette étude. Ainsi il y a donc un processus de “culturation” à effectuer de part et d’autre pour pouvoir communiquer au sein du projet. Les enjeux de la fabrique pluridisciplinaire demandent un renouvellement des outils et démarches de communication. Mais une fois que ce travail est mis en place que partage-t-on?
C. Le facteur d’une cohérence territoriale Durant l’étude de l’exemple bordelais, nous avons démontré que cette nouvelle démarche de fabrique de la ville est aussi porteuse de répercussions nouvelles dans la pratique urbaine, notamment en terme d’image. IMAGE / APPARTENANCE À UN TERRITOIRE “Pour la ville de Bordeaux , effectivement là où il y a un changement de méthode entre la période des quais et maintenant (depuis quelques années), c’est peut-être lié à un effet d’entrainement. Les bordelais ont peut-être pris conscience des possibles, des réussites, des changements d’image considérables de leur ville suite aux grands travaux et cette fierté les amène à être plus acteurs, plus participatifs. “ Nicolas Drouin¹ “C’est au-delà du consultatif mais voilà on se dit que c’est une émergence, on voit bien d’ailleurs les nouveaux termes utilisés: “la nouvelle citoyenneté’”.., donc c’est aussi le développement du sentiment d’appartenance à un réseau, à une ville.” Michel Jacques²
Lors de ce travail de mémoire, nous avons pu constater combien l’évolution successive de l’image de la ville était intimement liée à son procédé de fabrication. Cette co-dépendance est particulièrement sensible lorsque nous interrogeons les habitants. Les grandes transformations, le partage par l’expérience de la ville et la mise en marche d’une intégration des habitants à la démarche de projet ont permis d’interpeller ces derniers de développer leur intérêt pour le contexte urbain et ses grands enjeux. Ce processus nous intéresse car il souligne l’importance de la représentation collective dans le développement d’une nouvelle urbanité. L’étude de la parole habitante et la rencontre des acteurs, nous a permis de démontrer combien l’association citoyenne lors de la fabrique urbaine a fait émerger un sentiment d’appartenance à un territoire. Ce nouveau sentiment d’appartenance souligne une évolution des politiques urbaines vers une pratique plus collective.
¹_ Le petit Larousse illustré,1 vol., Paris, Larousse, 2011. ²_extrait de l’entretien de Mr Drouin, architecte/urbaniste, directeur d’équipe Projet Urbain A’URBA, réalisé le 29 février 2012 à l’Agence d’urbanisme de Bordeaux_intégralité de l’entretien en annexe de ce mémoire. ³_extrait de l’entretien de Mr Jacques, architecte, directeur artistique d’Arc en Rêve, centre d’Architecture action culturelle, réalisé le 19 décembre 2011_intégralité de l’entretien en annexe de ce mémoire.
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Évolution de la population
par secteur d’activités dans la Cub en 2007
entre 1990 et 2010 (source INSEE)
>>> DOSSIER Flux migratoires entre 2002 et 2007 (source INSEE RRP 2007)
(source INSEE RRP 2007)
Agriculture
27
Gironde hors CUB
1 821
93
Construction
15
7
22 809
+10,98 % +15,60 % France
Aquitaine
+15,25 %
Gironde
La Cub
Île de France
5
19
8
186 567
Administration publique, enseignement, santé, action sociale
19
hausse de la population
Variation de la population des communes de la Cub
baisse de la population
532
40
Cub
90
2
08 5
Aquitaine hors Gironde
hors France métropolitaine
1982-1999
44
14 6
stagnation de la population
(source recensement INSEE de la population)
1968-1982
6
87
60
122 796 Commerce, transports, services divers
+19,30 %
12 385
38 054
16 41
Industrie
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DERNIÈRE PARTIE Évolution des pratiques: nouvelles stratégies ou nouveaux modes de fabrication de la ville
Emplois
1999-2009
46 7
50 province hors Aquitaine
Personnes recensées de 2005 à 2009 et déclarant un autre territoire de résidence 5 ans auparavant. Les départs hors France métropolitaine et mouvements des enfants de moins de 5 ans ont été estimés par simulation.
Âge des personnes entrées et sorties de la Cub entre 2002 et 2007 (source INSEE RRP 2007)
Destination des sols du territoire de la Cub (source Cub – PLU)
Zones urbaines Zones naturelles < 15 ans
Zones à urbaniser
15-24 ans
25-34 ans
35-49 ans
50-64 ans
65 ans >
Zones agricoles
évolution de la population et phénomènes migratoires à Bordeaux_ issu du journal de la CUB > 10
> 11
vue sur l’île de Nantes depuis le toit de l’école d’Architecture_ photo personnelle
réalisation d’une structure temporaire dans les rue de Nantes par les élèves de l’école d’Architecture, financée par la ville dans le cadre de l’événement “Voyage à Nantes 2012”_ photo de Louise Guérin
Il y a en quelque sorte la prise de conscience du caractère complexe de la vile, sa perpétuelle mouvance et sa construction collective. C’est l’émergence d’une idée selon laquelle chacun aurait un rôle à jouer, une responsabilité dans l’urbanité de demain. Et même si au cours de cette étude nous avons souligné les limites rencontrées par cette démarche, cette pratique nous intéresse car elle donne plus d’importance à la réalité d’usage du territoire. Face à la grande échelle des enjeux de la métropole, il est nécessaire de conserver un regard sur le prisme local et donc d’encourager la cohésion territoriale. VERS LE MARKETING URBAIN De l’urbanisme de communication au marketing urbain “La lutte pour l’emploi est devenue une priorité de l’action des collectivités locales. Les villes agissent pour attirer de nouvelles activités, génératrices de taxe professionnelle, et créatrices d’emplois pour les électeurs. Au niveau micro-économique, deux facteurs d’implantation des entreprises dominent : la qualité du cadre de vie à offrir aux cadres, l’image moderne de la vile ou de la région. L’urbanisme de communication cherche donc à stimuler le développement local en jouant sur ces facteurs, en utilisant les acquis et techniques de la communication. L’étape ultime de cette évolution étant le marketing urbain, caractérisé par le passage d’une réflexion sur les besoins à satisfaire à une politique d’offre de biens et de services adaptés aux préférences subjectives des utilisateurs, la rentabilité financière étant le critère principal d’appréciation.” Jean Paul Lacaze ¹
D’autre part, comme l’évoque Jean-Paul Lacaze lors de son essai sur les méthodes de l’urbanisme, l’importance prise par la communication lors de la fabrique urbaine tend à faire de la ville un produit marketing. Durant notre étude, nous avons pu constater que la part de communication prend un nouvelle place dans la pratique des professionnels de la ville. Architectes et urbanistes notamment, en rencontrant de nouveaux partenaires, font évoluer leur perception et leurs outils lors de la fabrique urbaine. Les projets de ville semblent également devenir un axe porteur pour les collectivités et les élus, ils sont de plus en plus inscrits dans le discours politique et les programmes électoraux. Il est d’ailleurs intéressant de constater l’essor que les nouvelles métropoles françaises comme Nantes, Rennes, Lille,Lyon [...] ont pris en grande partie grâce aux innovantes démarches urbaines qu’elles ont misent en place. Aussi nous pouvons nous demander si cette évolution des pratiques urbaines n’est pas une nouvelle manière de rendre la ville attractive? Le bilan de notre étude met en lumière le double outil de cohérence territoriale qu’est devenue la fabrique urbaine. À l’échelle locale, les changements de pratique en terme de démarche de projet sont l’objet d’une nouvelle citoyenneté et d’une cohésion territoriale. Et à plus grande échelle, l’action urbaine tend à devenir une figure publicitaire pour le développement économique des villes.
¹_Lacaze Jean Paul, les méthodes de l’urbanisme, éditions presses universitaires de France, Paris, collection Que sais-je, 2007.
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CONCLUSION Comme nous l’avons évoqué lors de l’introduction, la récurrence des termes en “re” dans la dénomination de la fabrique urbaine, souligne l’évolution de nos manières de considérer la ville et donc la naissance de nouvelles pratiques. Ce mémoire a donc permis d’éclairer et de comprendre certains aspects et mécanismes de cette nouvelle urbanité. Nous avons pu constater une mutation des modes de fabrication de la ville. A l’issue de leur étude, il nous apparaît que le mécanisme participatif fait ses premiers pas vers les citoyens mais reste encore limité, cette démarche demande encore du temps pour trouver ses marques et porter ses fruits en terme d’action. Cependant nous remarquons de plus en plus d’implication et de réceptivité de la part des habitants mais également d’acteurs d’horizons disciplinaires divers, qui sont de plus en plus touchés par les enjeux de la fabrique urbaine. Ainsi si la participation habitante tâtonne encore quelque peu, la pluridisciplinarité est, elle, devenue un facteur essentiel des projets de ville et nous assistons à l’émergence d’une urbanité qui serait désormais une question collective. Cette évolution qui est une victoire pour les professionnels de la ville, renouvelle les pratiques et entraîne les acteurs de la fabrique à faire évoluer leurs perceptions mais aussi leur métier. Ainsi les capacités de communication des acteurs sont de plus en plus sollicitées. Dans cette dynamique, les architectes et urbanistes sont eux aussi amenés à reconsidérer leurs pratiques, ce nouveau partage les conduit à faire évoluer leurs outils et la démarche même de projet. Dans le panorama architectural, nous observons d’ailleurs la recrudescence d’actions en faveur d’une démocratisation de l’architecture; nous pouvons prendre pour exemple les agences telles que Herzog et De Meuron, PLOT et BIG qui développent une communication à base de schémas explicatifs et parfois même de bandes dessinées. La démarche de projet est donc de plus en plus compréhensible et accessible. Il y a une prise de conscience. Les enjeux de la métropolisation et du développement durable des grandes villes nécessitent l’intérêt, la responsabilisation et l’action du plus grand nombre. La question de la pluridisciplinarité de la fabrique urbaine est donc de plus en plus d’actualité. Au cours de cette année, est d’ailleurs née une nouvelle revue semestrielle, traitant de ces questions pour la métropole bordelaise: CaMBo, Cahiers de la Métropole Bordelaise. A l’initiative de l’A-urba ( Agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine), cette publication expose les enjeux, met en débat, interroge les acteurs et décrypte cette nouvelle urbanité. “Cette dynamique métropolitaine mérite bien une revue! Car les questions urbaines sont trop importantes, trop transversales, pour être confiées aux seuls urbanistes... Il n’y a plus de monopole de l’expertise. Encore faut-il qu’existent les informations et les analyses aptes à nourrir les intelligences collectives. Encore faut-il que les mots disent les choses, pour les comprendre, pour en discuter.”¹ “Être pédagogue, sans arrogance; rigoureux, sans pédanterie; curieux, sans snobisme; voici notre credo, pour participer à notre façon au développement d’une citoyenneté critique et responsable” JeanMarc Offner ¹
Pour ma part, ce travail de mémoire m’a permis de mieux appréhender le mécanisme de fabrique de la ville, du rôle à jouer des différents acteurs et notamment ceux de l’architecte et de l’urbaniste. L’architecte et l’urbaniste de demain devront rencontrer les acteurs qui font vivre la ville, être capables de remettre en cause leur prisme technique, sortir de la perception “vue du ciel” pour regarder à travers l’usage et la parole habitante, superposer leur savoir avec celui de l’expérience d’un territoire. Pour construire la ville de demain, le partage et la communication seront des outils indispensables du mécanisme de fabrication. Nous sommes tous responsables et usagers du territoire d’une nouvelle urbanité.
¹ _extrait de l’éditorial de Jean-Marc Offner, directeur général de l’A-urba, agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine_ CaMBo cahiers de la Métropole Bordelaise, n°1 “Bordeaux, ville cosmopolite”, juin 2012.
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1. OUVRAGES _ Arc en Rêve centre d’architecture, Les quais, Bordeaux 1999-2009, Bordeaux, éditions Confluences, 2009. _Arc en Rêve centre d’architecture, Yellow 25 , Bordeaux, éditions Arc en Rêve, 2006. _Bourdin Alain, Prost Robert, Projets et stratégies urbaines- Regard comparatif, Marseille, Editions Parenthèses, collection la ville en train de se faire, 2009. _Devillers Christian, “Le projet urbain”, conférence Paris d’Architectes 1994 au Pavillon de l’Arsenal, Paris, éditions du Pavillon de l’Arsenal, 1994. _Godier Patrice, Sorbets Claude, Tapie Guy, Bordeaux métropole, un futur sans rupture, Marseille, collection “La ville entrain de se faire”, éditions Parenthèses, 2009. _Lacaze Jean Paul, Les méthodes de l’urbanisme, Paris, éditions presses universitaires de France, collection “Que sais-je”, 2007. _Mangin David, La ville franchisée, Paris, Éditions de la Villette, 2004. _” introduction: un état des lieux” pp.18-29. _Masboungi Ariella, Bien habiter la ville, enjeux d’une future métropole, Paris, collection “projet urbain”, éditions Le Moniteur, 2010. _ Roncayolo Marcel, Chesneau Isabelle, L’abécédaire de Marcel Roncayolo_entretiens, Gollion, Infolio éditions, collection Archigraphy poche, 2011. _Roncayolo Marcel, La Ville et ses territoires, Paris, Gallimard, collection Folio/Essais,1990. _Sallenave Christian, Bordeaux-Unesco,Talence, édition Bastinage, collection “Arts et société”, 2008. Préface d’Alain Juppé, textes: Junaid Sorosh-Walli Ahmad, Choay Françoise, Guy Lambert, Duchène Michel, Corajoud Michel [...] _Tsiomis Yannis, Ziegler Volker, Anatomie de projets urbains. Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg, Paris, Éditions de la Villette, 2007.
2 . ARTICLES, REVUES, PÉRIODIQUES, PUBLICATIONS DE LA VILLE _ Le journal CUB, numéro spécial “La fabrique métropolitaine”, Bordeaux, publication communauté urbain de bordeaux, deuxième trimestre 2011 communiqué de Vincent Feltesse “Fabriquons ensemble notre métropole”. _ Brochure Communauté Urbaine de Bordeaux, Bordeaux métropole 3.0, vers la métropole durable _ Larue-Charlus Michèle, Habiter Bordeaux, Bordeaux, publication de la DGA Bordeaux, juillet 2011. _ Offner Jean-Marc, directeur général de l’A-urba, agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine_ CaMBo cahiers de la Métropole Bordelaise, n°1 “Bordeaux, ville cosmopolite”, juin 2012. _Revue Urbanisme, hors série n°22, “Bordeaux,une agglomération en mutation” , Paris, rédacteur en chef Rémi Cambiaux, septembre 2004.
BIBLIOGRAPHIE
3. ARTICLES EN LIGNE _Masboungi Ariella, “Le projet urbain est le fruit d’une négociation réussie”, 2009, disponible sur www. revueterritoires.files.wordpress.com/…/la-ville-negociee.pdf. _Masboungi Ariella, “entretien pour l’observatoire Veilla: Des modes de vie urbains”, site observatoire veilla >paroles d’experts>Ariella masboungi _POPSU, “Fiche du projet des quais rive gauche”, http://www.popsu.archi.fr/POPSU1/valorisation/spip. php?article145 _Wikipedia encyclopédie, article “Histoire de Bordeaux”, http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_ Bordeaux _ article en ligne “evento 2009”_http://www.aquitaineonline.com/actualites-en-aquitaine/gironde/ evento-bordeaux-2009-09092913.html 6. SITES INTERNET _ Arc en Rêve (site officiel)_ http://www.arcenreve.com/ _Bassins à flot (blog_enquêtes/repotages_ réalisés par les étudiants de l’ école de journalisme Bordeaux Aquitaine)_ http://www.bassinsaflot.fr/wordpress/ _ Bordeaux 2030 (site officiel)_http://www.bordeaux2030.fr/ _ CUB (site officiel)_http://www.lacub.fr/ _travail anthropologues sur les projet Bordeaux recentres_http://recentres.bordeaux.fr/le-projet-urbain/ la-methode 7. ENTRETIENS _DROUIN Nicolas,_Architecte/ Urbaniste/ Directeur d’équipe Projet Urbain, A’URBA, Agence d’urbanisme Bordeaux_Bordeaux le 29 février 2012 _DUCHÈNE Michel_Adjoint au maire/ Conseiller général/ vice-président de la CUB en charge des grands projets urbains, Mairie de Bordeaux, Bordeaux le 29 février 2012 _JACQUES Michel_Architecte / Directeur artistique, Arc en Rêve, Bordeaux le 19 et 20 décembre 2011 _LARÜE CHARLUS Michèle_Direction Générale de l’Aménagement, DGA Bordeaux, entretien courriel le 4 avril 2012
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COUVERTURE_ Le fleuve au centre, issu du site bordeaux 2030 + La fête du fleuve, issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux PARTIE PREMIÈRE_LES QUAIS, UN PROJET-SYMBOLE 16_port de Bordeaux fin XIXe siècle, début XXe siècle_ carte postale ancienne_ Blocs frères éditeurs. _carte stratégie urbaine 1995-2007_ réalisation personnelle. 18_vue aérienne sur la ville de Bordeaux et le fleuve la Garonne_ photographie de Le Lann Dominique 20_les quais face à la place de la bourse_ fermés aux public par des grilles_ 1960-1970_ issu de la rétrospective consacré à Bordeaux par le site GEO.fr _les quais envahis par la voiture_ devenu espace résiduel de la ville_1979_ issu de la rétrospective consacré à Bordeaux par le site GEO.fr 22_les quais redonnés aux Bordelais _après l’ouverture des grilles_ après la mise au propre et la destrcuction d’entrepôts_ avant le concours et les travaux_ 1995-2000_ issu du site Bordeaux 19952008 _les quais lieu de promenade _2000_ issu du site Bordeaux 1995-2008 _les quais de Michel Corajoud_ après travaux_ 2005_ photographe Laurent Keller 24_skate-park temporaire sur les quais 2000-2005_ issu du site streetlive _aménagement skate-park sur les quais 2006_ issu du site streetlive 26_fête du vin, issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux _fête du fleuve, issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux 28_atelier jeu de maison_Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve _atelier/ exposition legopolitain_Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve 30_publication d’itinéraires proposant des parcours dans l’agglomération à travers différents thèmes _ Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve 32_Evento 2009_ passerelle Tadashi Kawamata_ dessin préparatoire_ issu du média culturel evene.fr _vue de la passerelle_ issu du classement thématique de blogs d’internautes par paperblog 34_Passerelle et Garonne_issu du classement thématique de blogs d’internautes par paperblog DEUXIÈME PARTIE _BORDEAUX MÉTROPOLE, LA VILLE PARTCIPATIVE 38_carte stratégie urbaine_seconde phase_ Bordeaux métropole_ 2010-2030_ réalisation personnelle _carte de répartition des communes des la CUB_ issu du site de la CUB 40_évolution et répartition de la population sur l’agglomération bordelaise_ cartes de l’A-urba 42_schéma extrait de la brochure informative “la fabrique métropolitaine”_diffusée dans le cadre d’un numéro spécial du journal d’information de la CUB 44_article d’information sur “la fabrique métropolitaine”_diffusé dans le cadre du journal d’information de la CUB 46_Publications de la Direction Générale de l’Aménagement de la ville de Bordeaux_ issu de la publication Habiter Bordeaux, DGA 48_visites et rencontres autour du projet pour la Caserne Niel_ photos issues de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux 50_compte rendu de l’étude anthropologique_ menée par le Laboratoire Architecture Anthropologie ENSA Paris la Vilette
ICONOGRAPHIE
52_planification proposée par Ricardo Boffill en 1986-1989 pour la ZAC Queyries/Bastide_ issu du site de Ricardo Bofill _image de synthèse diffusée pour le projet de stade à Bordeaux__ issu du site d’Herzog et De Meuron 54_schémas explicatifs sur l’intérêt de la densité et des espaces partagés face à l’étalement urbain_ issu de la publication Habiter Bordeaux, DGA TROISIÈME PARTIE _ÉVOLUTION DES PRATIQUES: NOUVELLES STRATÉGIES OU NOUVEAUX MODES DE FABRICATION DE LA VILLE 58_Carte mettant en avant la répartition sur le territoire et le profil spatial des personnes interrogées lors de l’enquête_réalisation personnelle 60_graphiques réalisés à partir des résultats de l’enquête_réalisation personnelle 62_graphiques réalisés à partir des résultats de l’enquête_réalisation personnelle 68_graphiques réalisés à partir des résultats de l’enquête_réalisation personnelle 70_café d’architecture, rencontre avec un sociologue/ un universitaire/ un architecte/ une historienne de l’art[...]_initiative Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve _inauguration de l’exposition les 50 000 avec les architectes: Alexandre Chemetoff & associés, OMA Rem Koolhaas, Lacaton &Vassal, Clément Blanchet [...]_initiative Arc en Rêve_ issu du site Arc en Rêve 82_rassemblement sur les quais et la place de la bourse, photo issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux 84_schéma d’intentions de projet_ issu de la publication de la DGA, 2030 vers le grand Bordeaux 86_évolution de la population et phénomènes migratoires à Bordeaux_ issu du journal de la CUB _vue sur l’île de Nantes depuis le toit de l’école d’Architecture_ photo personnelle _réalisation d’une structure temporaire dans les rue de Nantes par les élèves de l’école d’Architecture, financée par la ville dans le cadre de l’événement “Voyage à Nantes 2012”_ photo de Louise Guérin
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ANNEXE 1 DÉFINITIONS DES ACRONYMES ET NOMS UTILISÉS_ Arc en Rêve_ centre d’Architecture fondé en 1981, développe un projet culturel à vocation pédagogique, internationale, d’anticipation dans les champs de l’architecture et de la ville. Centrée sur l’Architecture contemporaine la programmation s’élargit au paysage, à l’ingénierie et au design. Depuis plus de 30 ans, Arc en Rêve propose de sensibiliser différents publics aux enjeux de la création, au processus de production et de transformation de la ville, à travers: expositions, conférences, ateliers pour enfants et pour adultes, expérimentations, promenades, éditions[...] A-urba_ Agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine, est l’outil stratégique de développement urbain de la métropole bordelaise. Instrument d’observation, de mémorisation, de prospective, de réflexion et de dialogue, elle travaille à toutes les échelles, du quartier à l’aire urbaine, sur les dossiers engageant l’avenir de l’agglomération. CaMBo_ Cahiers de la Métropole Bordelaise. A l’initiative de l’A-urba ( Agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine), cette publication expose les enjeux, met en débat, interroge les acteurs et décrypte cette nouvelle urbanité.
CUB_ Communauté Urbaine de Bordeaux, elle regroupe 27 communes autours de trois objectifs: réaliser les grands équipements d’agglomération, moderniser les services urbains et développer l’économie locale. DGA_ Direction Générale de l’Aménagement de la Ville de Bordeaux, elle a pour objectif de mettre en oeuvre le projet “2030, vers le Grand Bordeaux, une métropole durable”. POPSU_ Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines, programme coordonné par Danièle Valabrègue pour le PUCA. Alain Bourdin: président du comité scientifique du programme. Robert Prost: responsable scientifique du programme.
DÉFINITIONS DES TERMES UTILISÉS_ VERSIONS COMPLÈTES DU LAROUSSE_ Le petit Larousse illustré,1 vol., Paris, Larousse, 2011.
ACTEUR, nom ( latin actor, celui qui agit) _Personne dont la profession est d’être l’interprète de personnages à la scène ou à l’écran ; comédien. _Personne qui participe activement à une entreprise, qui joue un rôle effectif dans une affaire, dans un événement ; protagoniste : Les acteurs du 18-Brumaire. ARCHITECTE, nom ( latin architectus, avec influence de l’italien architetto) _Personne qui conçoit le parti, la réalisation et la décoration de bâtiment de tous ordres, et en dirige l’exécution. Promoteur, maître d’œuvre d’une réalisation importante : L’architecte d’un projet grandiose. COMMUNICATION nom féminin _Action, fait de communiquer, de transmettre quelque chose: communication de la chaleur d’un corps. _Action de communiquer avec quelqu’un, d’être en rapport avec autrui, en général par le langage; échange verbal entre un locuteur et un interlocuteur dont il solicite une réponse: le langage, le téléphone sont des moyens de communication. _Action de mettre en relation , en liaison, en contact, des choses: établir une communication entre deux conduites. _Mise en relation et conversation de deux correspondants par téléphone ou par un autre moyen de télécommunication. _Exposé fait à un groupe et en particulier à une société savante, dans un congrès,.etc, information, écrite ou orale, donnée à un groupe, un organisme: communication de presse. _Liaison, jonction, passage entre deux lieux: porte de communication entre deux chambres. _Fait, pour une personnalité, un organisme, une entreprise, de se donner telle ou telle image vis à vis du public: conseiller en communication, campagne de communication. CONCERTER verbe transitif, latin [concertare: se mettre d’accord] _Préparer une action en commun avec une ou plusieurs personnes; combiner, arranger: Il a concerté ce projet avec ses collaborateurs.
ANNEXES
CULTURE nom féminin _Enrichissement de l’esprit par des exercices intellectuels. _Connaissances dans un domaine particulier: Elle a une vaste culture médicale. _Ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation: La culture occidentale. _Dans un groupe social, ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu’un qui le différencient de quelqu’un appartenant à une autre couche sociale que lui: Culture bourgeoise, ouvrière. _Ensemble de traditions technologiques et artistiques caractérisant tel ou tel stade de la préhistoire. ÉLU, ÉLUE nom _ Personne désignée par une élection: L’élu de la nation. _ Personne qui réunit mieux que les autres, qui semble avoir reçu un don spécial: Les élus de la société _Personne, peuple prédestiné par Dieu au salut. _ En France, sous l’Ancien Régime, officier chargé de la répartition de la taille et des aides dans une élection et du jugement des affaires concernant ces impôts. (Les élus perdirent leurs attributions au profit des intendants au XVIIe s.) EXPÉRIENCE nom féminin (latin experimenta, de expeeriti, faire l’essai) _Pratique de quelque chose, de quelqu’un, épreuve de quelque chose, dont découlent un savoir, une connaissance, une habitude; connaissance tirée de cette pratique: Conducteur sans expérience _Fait de faire quelque chose une fois, de vivre un événement, considéré du point de vue de son aspect formateur: Avoir une expérience amoureuse. _Action d’essayer quelque chose, de mettre à l’essai un système, une doctrine, etc; tentative: Tenter une expérience de vie commune _Mise à l’épreuve de quelque chose, essai tenté sur quelque chose pour en vérifier les propriétés; expérimentation: Faire l’expérience d’un médicament. _Épreuve qui a pour objet, par l’étude d’un phénomène naturel ou provoqué, de vérifier une hypothèse ou de l’induire de cette observation: Expérience de chimie. EXPERT, EXPERTE adjectif (latin expertus, qui a éprouvé) _Qui connaît très bien quelque chose par la pratique: Je ne suis pas un expert en mécanique. _Qui témoigne de cette compétence ; habile, exercé: Regarder un tableau d’un oeil d’expert. FABRIQUE nom féminin (latin fabrica, action de fabriquer) _ Établissement industriel ayant pour objet de transformer les matières premières en produit manufacturés susceptibles d’être livrés au commerce. _Petit temple, ruine ou autre construction de fantaisie servant l’ornementation d’un jardin (particulièrement à l’anglaise), d’un parc paysager. MÉDIUM nom masculin (latin medium, un milieu) _ Étendue située entre le grave et l’aigu de la voix ou d’un instrument . _Synonyme de liant (en peinture). PLURIDISCIPLINAIRE adjectif _qui concerne plusieurs disciplines, domaines d’étude. PROJET nom masculin [projeter] _ But que l’on se propose d’atteindre: un projet chimérique. _ Idée de quelque chose à faire, que l’on présente dans ses grandes lignes: son projet a été accepté. _Première ébauche, première rédaction destinée à être étudiée et corrigée: un projet de roman. _Tracé définitif, en plans, coupes et élévations, d’une construction à réaliser( machine, équipement, bâtiment, aménagement urbain...)[Le tracé initial, à partir des études préliminaires, est l’avant-projet. ] _Étude de conception de quelque chose, en vue de sa fabrication.
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ANNEXES 2
STRUCTURE D’ENTRETIEN semi directif à destination des différents représentants du discours et de la communication au sein du projet bordelais. 1.le temps, l’évolution du discours
Un projet urbain se développe à long terme. Le projet global a commencé dans les années 80 avec la disparition du port, des ateliers et concours d’idées ont étés organisés. Diriez vous que le temps du projet urbain a fait évoluer son discours ? si oui_ Quels sont pour vous les changements majeurs apparus entre l’ère 1, symbolisée par le tram et les quais et l’ère 2, Bordeaux métropole ? Diriez vous qu’il ait existé une politique de communication? si réponse plus nuancée_ Quels pourraient être alors les facteurs possibles de l’évolution du projet après le tram et les quais? Pensez vous que la manière dont les élus et les acteurs pensent et parlent du projet urbain a connu une évolution?
2.la place des quais dans le projet global
Le projet des quais ne représente qu’une figure parmi toutes celles des projets mis en place à Bordeaux. Pourtant il a symbolisé le renouveau de l’image que les bordelais avaient de leur ville. De quelle manière selon vous, il y a-t-il un impact des figures/images sur le projet urbain? (si oui_ Pensez vous que l’on ait plus besoin d’images/ figures pour porter le projet urbain aujourd’hui qu’il y a vingt ans?)
3.la communication inter-acteurs
Dans de nombreux entretiens et interviews, Michel Corajoud met en avant l’importance et le bon déroulement de la communication inter-acteurs dans le projet des quais; pour le citer lors de son interview pour la publication “les quais 1999-2009” : “ Nous avions la chance d’avoir en face de nous, à la fois Alain Juppé, I’initiateur, Ie guide et Thierry Guichard, le chef de projet pour Ia Communauté urbaine de Bordeaux, deux responsables de la maitrise d’ouvrage d’une très grande qualité. Ils faisaient des choix, prenaient les bonnes décisions et surtout, nous faisaient confiance. Je ne crois pas que de grands projets peuvent emerger sans cette association tripartite entre un site de qualite, un bon maître d’ouvrage et un bon maître d’oeuvre.” Considérez vous comme lui que la réussite du projet des quais est en grande partie lié à la communication mise en place? si oui_ A votre échelle personnelle, cette expérience collaborative/ interdisciplinaire a-t-elle changée votre manière de parler/ communiquer ou même votre pratique du projet urbain ? si réponse plus nuancée_Pensez vous que la manière dont les élus et les acteurs pensent et parlent du projet urbain a connu une évolution?
4.communication au grand public
Le projet des quais représente un réel changement dans les pratiques de l’espace urbain bordelais mais également dans l’image que les habitants avaient de leur ville. La vie de la ville s’est retournée vers le fleuve en transformant un espace portuaire en réel espace public. Ainsi la réception par le grand public était un enjeu de grande importance, avez vous développé une stratégie de communication au grand public particulière? si oui/si non_ quels ont été les dispositifs/les supports de communication mis en place? Cette expérience a-t-elle influencé votre stratégie de communication pour le nouveau projet Bordeaux métropole?
5.réceptions et évolution des pratiques
Pouvez vous nous parler de la réception du public? Les réactions ont-t-elles entraîner des changements dans votre manière de communiquer? dans votre manière de “pratiquer” le projet urbain?
6.les termes
Qu’est ce qu’un projet urbain pour vous? Selon vous, quels sont les 3 mots définissant le mieux le projet urbain à Bordeaux?
ANNEXES 3
STRUCTURE DE QUESTIONNAIRE diffusé pour recueillir la Parole habitante_ ENQUÊTE AUPRÈS DES HABITANTS DE BORDEAUX OU DE SON AGGLOMÉRATION 0. PRÉNOM: ÂGE: 18 à 25 ans 26 à 59 ans LIEU DE RÉSIDENCE: LIEU DE TRAVAIL/ ÉTUDES:
60 et +
1. DEPUIS COMBIEN DE TEMPS HABITEZ-VOUS À BORDEAUX OU DANS L’AGGLOMÉRATION BORDELAISE ? moins de 2 ans
entre 2 et 5 ans
entre 5 ans et 12 ans
plus de 12 ans
2. ÊTES-VOUS ORIGINAIRE DE .. Bordeaux
Agglomération
Aquitaine
Autre région française
Étranger
3. AVEZ-VOUS CONNU BORDEAUX AVANT LA PREMIÈRE PHASE DE TRANSFORMATION DE LA VILLE ( TRAVAUX DU TRAM/ QUAIS)? oui non VOTRE REGARD SUR LA VILLE A T-IL CHANGÉ APRÈS CES TRANSFORMATIONS ? oui non 4. AVEZ-VOUS PARTICIPÉ À DES ÉVÉNEMENTS PROPOSÉS PAR LA VILLE ? PAR LES ACTEURS CULTURELS DE LA VILLE? Agora édition 2004/ 2006 / 2008 / 2010 Evento Fête du vin / Fête du fleuve Retransmission d’événements sportifs sur grand écran (coupe du monde football/ rugby...) Pique-nique géant sur les quais Expositions / Conférences Arc en Rêves Itinéraires de découverte dans la ville (Itinérance) ou Café d’Architecture Arc en Rêve 5. AVEZ-VOUS ÉTÉ INFORMÉ DES PROJETS DE VOTRE VILLE/ DE VOTRE AGGLOMÉRATION ... ...PROJET TRAM/ QUAIS? j’en ai pris connaissance lorsque j’ai vu les travaux commencer j’ai reçu quelques informations j’ai été sensibilisé aux enjeux de ces projets ...BORDEAUX MÉTROPOLE 2030 (projet urbain euratlantique gare st jean / casernes niel/ pont bacalan-bastide / bassins à flot/ bordeaux lac...) ? j’en ai pris connaissance lorsque j’ai vu les travaux commencer j’ai reçu quelques informations j’ai été sensibilisé aux enjeux de ces projets 6. ÊTES-VOUS INTÉRESSÉ PAR.. L’Architecture L’Urbanisme La vie citoyenne locale L’action associative de votre quartier Les transformations subi par votre quartier/ votre ville 7. AVEZ VOUS PARTICIPÉ À DES ATELIERS D’URBANISME? oui non AUTRES ATELIERS CULTURELS CONCERNANT L’ARCHITECTURE OU LA VILLE ? oui non 8. SELON VOUS, L’HABITANT A T-IL UN RÔLE À JOUER DANS LA TRANSFORMATION DE SA VILLE ? oui non 9. QUE VOUS HABITIEZ BORDEAUX CENTRE OU L’AGGLOMÉRATION BORDELAISE, RESSENTEZ-VOUS UNE APPARTENANCE À LA VILLE DE BORDEAUX ? oui non DIRIEZ-VOUS QUE VOUS ÊTES BORDELAIS? oui non 10. DONNEZ TROIS MOT POUR QUALIFIER: -BORDEAUX -LE PROJET URBAIN
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ANNEXES 4 RETRANSCRIPTION D’ ENTRETIEN _Nicolas DROUIN_Architecte/ Urbaniste_ Directeur d’équipe Projet Urbain_ A’URBA_Agence d’urbanisme Bordeaux Entretien_ Bordeaux le 29 février 2012_ Pour entrer dans le sujet, j’aurais aimé avoir votre point de vue, c’est une grande question: Qu’est ce que le projet urbain pour vous? Ce que cela représente pour vous? C’est un vaste sujet... Pour moi, ce que l’on appelle un projet urbain, c’est d’abord une démarche, une démarche partenariale, sur un secteur donné, qui s’inscrit dans une temporalité donnée, c’est à dire avec un début et une fin. Ce n’est pas un point de vue partagé. 1. Il y a plusieurs acteurs; 2. Cela s’intéresse à un périmètre géographique circonscrit et partagé; 3. Cela débouche sur des actions, qui ne sont pas forcément des actions d’aménagement, pas toujours. Donc une fois que l’on a dit cela, c’est un dispositif. Je dis cela en opposition à la notion de projet urbain à l’échelle d’une ville. Un projet urbain d’agglomération, pour moi, ça n’existe pas; c’est un projet politique, ce n’est pas un projet urbain au sens de l’opérationnalité, du terrain. Par rapport à cela, un projet urbain se développe sur le long terme, a une temporalité largement plus importante que le projet architectural. On sait qu’au cours des différents projets urbains, qui ont eu lieu à Bordeaux, il y a eu différentes étapes de concours, d’ateliers [...] jusqu’aux réalisations; et chaque étape a porté des visions différentes. Pour vous de quelle manière le temps du projet urbain fait évoluer le discours de celui-ci? Est-ce que l’évolution est dûe à la rencontre de la réalité, entre le moment des concours et celui où il faut réellement lancer le projet? Ou est-ce que le projet est aussi influencé par ce qui se passe ailleurs, les autres projets urbains qui peuvent avoir lieu et dont on peut s’inspirer? Le projet urbain, dans sa démarche, se nourrît des expériences externes, des autres projets locaux [...] Le propre d’une démarche de projet urbain, c’est d’être très “itérative”; donc elle est “itérative”; sur le plan de la programmation, de la définition des outils d’action. Puisque l’on est sur du long terme, elle est aussi “itérative” sur les modes de faire. Alors effectivement, entre le top départ où les partenaires se réunissent autours d’un projet urbain et une première concrétisation architecturale, il peut se passer énormément de temps. La difficulté d’ailleurs lors de ces démarches, c’est de savoir qui tient les lignes directrices; ce qui suppose de le définir assez tôt pour que l’on ne perde pas les objectifs de départ dans le long terme. Il y a un côté hyperactif dans le projet urbain, ce qui est assez passionnant; mais il y a aussi un coté incrémental, on procède par palier, on stabilise les paliers, on procède par équations successives. Mais fondamentalement, il y a quand même des lignes directrices, et quelqu’un qui doit les porter, et là c’est essentiellement le pilotage politique et en fonction de la sensibilité de l’élu, cela marche ou pas. Il y a des élus plus aménageurs que d’autres. Mais l’autorité politique de l’ouvrage doit être très forte pour tenir les objectifs. Il faut que dans tout le processus du projet urbain, on puisse ne pas perdre les objectifs, qu’ils soient qualitatifs, spatiaux ou programmatiques. C’est là la difficulté d’un projet urbain, c’est la grande difficulté. J’ai une question à vous poser, elle est issue d’un avis personnel. On peut voir dans le cadre des premiers projets urbains, qui ont été effectués à Bordeaux à partir de 1998-2000.. ...il n’y avait pas de projet urbain à cette époque, c’était des opérations d’aménagement. ... donc pour vous quelles sont les différences entre projet urbain et opération d’aménagement? Un projet urbain est différent d’une opération d’aménagement. Une opération d’aménagement, c’est une opération d’aménagement, de construction sur un secteur propre, qui a son propre outil d’aménagement, comme une ZAC. Donc si l’on renvoie à la première période tramway première et deuxième phase, ça a déclenché des projets urbains, comme les bassins à flots; sur la rive droite aussi cela a permis de déclencher un projet urbain; cela a nourri les démarches de projet urbain en quelque sorte. C’est extrêmement difficile de faire un retour sur l’histoire. Est-ce que c’est le projet d’agglomération et la réalisation du tramway qui a généré des projets urbains; ou est-ce qu’il a nourrît des projets d’aménagement? Ou est-ce qu’il nous a permis de réinterroger les projets d’aménagement en marche? Il y a plusieurs typologies, plusieurs cas. C’est toute la thématique transport/urbanisme qui est derrière tout ça, c’est un autre sujet. Mais la question de départ est: est ce qu’il y avait du projet urbain avant? Non, il y avait des ZAC, des PAE, des micros opérations d’aménagement voilà. Mais le tram, l’aménagement des espaces publics, moi, je n’appelle pas ça un projet urbain; j’appelle ça une démarche enclenchée par une vision solide, dont l’objectif était transport, équité, revalorisation urbaine... On voit que le terme de “projet urbain” est apparu à cette époque-là. On voit par exemple dans les discours, qu’entre cette période-là et aujourd’hui, on nomme presque moins le “projet urbain” aujourd’hui qu’avant, on utilise beaucoup plus le terme de “projet”. Alors on a énormément de projets, qui sont finalement plus des projets urbains, on globalise sur le terme de projet, comme si c’était quelque chose de global qui amenait une autre démarche. Pour situer le projet d’agglomération en cours, on dit toujours que le projet s’oppose ou suit le projet urbain de la ville de Bordeaux ou plutôt d’Alain Juppé. Tout le travail conduit par Alain Juppé, on l’appelle projet urbain, c’est un
terme politique; en réalité c’est un projet de territoire. Quand on regarde son projet, il a redonné du souffle et du dynamisme à une ville qui était complètement endormie. Donc il y a un abus de langage, un projet urbain en terme d’urbanisme et d’architecture, c’est plus la définition que je vous en ai donnée tout à l’heure, ce n’est pas un projet global d’agglomération. Donc toujours dans la comparaison de ce qui a pu se faire avant, avec ce qui se fait aujourd’hui. On peut voir, que de manière voulue ou pas, le projet des quais a énormément servi l’image du changement de Bordeaux et l’image des projets menés par la suite. C’était également un symbole pour les bordelais eux-même; la ville, qui avait toujours été centrée vers le coeur de la ville de pierre, a redécouvert les rives de la Garonne. Est-ce que, pour vous, un projet de ville ou même un projet urbain a aujourd’hui besoin d’images pour avoir un impact auprès des habitants? Est-ce qu’il y a besoin d’images fortes pour porter un projet? Oui, moi j’en suis persuadé. Entendons-nous, image forte, ce n’est pas seulement la belle carte postale du quai rive gauche, ça c’est une image forte pour communiquer sur la ville et pour le rayonnement international. Mais les projets urbains ont besoin d’images fortes pour provoquer l’adhésion locale des citoyens et des acteurs locaux. Si on prend les bassins à flots, je dirai l’image forte qu’il a fallu construire, c’est le génie du lieu, qu’il y a ici et qui était complètement inconnu; à la limite, c’est une image forte. L’image forte, ce n’est pas le projet de Michelin mais c’est le génie du lieu. Les projets ont besoin d’images fortes pour exister. Les icônes peuvent être variables, il y a des territoires où c’est plus difficile de les trouver. Justement en ce qui concerne la communication au grand public, on s’aperçoit qu’il y a un réel changement dans les pratiques de l’espace urbain bordelais, entre la manière de vivre très centrée sur la ville de pierre et où maintenant on redécouvre un patrimoine autre, comme le patrimoine industriel qui peut exister à bordeaux. On a l’impression qu’à Bordeaux la réception par le grand public est un enjeu important, qu’il y aurait presque une stratégie mise en place. On a l’impression que finalement le projet des quais a été un élément déclencheur pour faire redécouvrir leur ville aux bordelais; et que maintenant on aurait envie peut être pas de travailler avec eux car ça paraît peu probable, bien que c’est ce qu’on essaie un peu de faire; mais peut être un effet “ les bordelais s’intéressent à leur ville, alors on va les intégrer à la démarche”. Il y a une sorte de stratégie qui semble émerger. Moi, je veux bien que l’on parle de cela, mais il faut dissocier ce qui est propre à Bordeaux et à son mode de management urbain, de la démarche d’agglomération. Si je prends en compte, par exemple, la démarche d’agglomération, ce que vous avez dit c’est la nécessité de plus communiquer aux citoyens pour faire adhérer à du changement. Vous me direz, la ville est toujours en changement. Cela est nécessaire, dans la mesure où l’on peut se poser la question, après s’être focalisé beaucoup sur le projet d’agglomération, si quand on est dans l’agglomération: est-ce qu’il y a la notion d’appartenance à un territoire commun? Ce n’est pas du tout sûr, il y a plein de gens qui habitent Mégiras et qui viennent à Bordeaux une fois tous les trois mois. Le sentiment d’appartenance à Bordeaux, en tant que fleuron de l’agglomération, il n’est pas partagé. Donc quand on parle des habitants de l’agglomération, on a une mosaïque de cartes, on ne parle pas des mêmes. Il faut se méfier des raccourcis. Mais c’est particulièrement sensible de préparer, de motiver les habitants à l’action et même de les intégrer à l’action. Dans cette agglomération, il y a un côté un peu “enfant gâté” sur le plan de la disponibilité des ressources; cela provoque de l’étalement urbain, c’est “ma maison/jardin et je ne veux pas que mon voisin monte deux étages sur sa maison”. Il y a un réel problème d’acceptation de l’intensification urbaine sur le territoire, qu’il faut anticiper et désamorcer, et cela passe par tout un tas de démarches. Il y a des projets urbains où il y a des démarches plus globales, comme le projet métropolitain, où il y a une sensibilisation au fait d’être tous concernés par l’avenir d’un territoire, que l’on a appelé la métropole. Il faut changer de prisme en fait; quand on est à Mégiras, on n’est plus à la campagne, on n’est plus dans ce giron inaccessible, on est dans des services urbains, on doit accepter ce changement de tonalité. En cela, toutes les opérations de communication qui sont menées aujourd’hui, alimentent l’action. Voilà, ça c’est pour la communauté urbaine. Pour la ville de Bordeaux , effectivement là où il y a un changement de méthode entre la période des quais et maintenant (depuis quelques années), c’est peut-être lié à un effet d’entraînement. Les bordelais ont peut-être pris conscience des possibles, des réussites, des changements d’image considérables de leur ville suite aux grands travaux et cette fierté les amènent à être plus “acteurs”, plus participatifs. On est loin du “fait du prince” comme il a prévalu dans certaines périodes de l’histoire des villes, dont Bordeaux. Par rapport à cela, je me suis procuré le livre “ Habiter Bordeaux, ville action”. On voit que par rapport à ce qui pouvait se faire avant, où l’on montrait de belles images finies, où l’on vendait une ambiance d’images de synthèse, qui finalement ont peu de rapport avec la réalité; on s’aperçoit qu’aujourd’hui il y a tout une démarche presque explicative de comment on fabrique la ville, avec tout ce qui peut être schémas. Je suis élève architecte mais cela m’a beaucoup intéressé la manière dont certains schémas pouvaient expliquer l’étalement urbain [...] Il y a tout un travail pédagogique. Aujourd’hui, on est capable de communiquer avec des images de synthèses, qui ne sont plus des images finies mais en quelque sorte des images qui expliquent “comment on fabrique”, où l’on montre un peu les dessous du projet. On semble dire: “voilà, on ne vous donne pas un objet fini, mais on vous explique quelle est la démarche et quelles sont les possibilités”; plutôt que dire “vous aurez un beau jardin, il y aura des arbres et ce sera ça l’ambiance”, on leur dit “ les possibles sont d’habiter avec l’eau accessible, d’habiter près de points de verdure tout en étant dense”; on explique ce qu’est la densité. Pour vous il y a un réel changement dans la manière de communiquer? Est-ce que cela vous touche? Est-ce que vous pouvez nous parler de votre expérience par rapport à cela?
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Moi c’est très simple. Quand on est autour d’un projet, l’habitant ne supporte plus l’image finie. Il y a un ras le bol, les habitants ne s’y reconnaissent pas. Et même s’il y a beaucoup de travail de démagogie à travers ces travaux de concertation, même si on sait beaucoup plus que ce que l’on dit sur le projet; on présente des images qui renvoient plus à des enjeux, à des sens auxquels les habitants peuvent se raccrocher. Vous parliez de ce que c’est que d’habiter auprès de l’eau, ou auprès des réseaux de transport; on est dans la vie des gens. Plutôt que d’aborder les choses par le projet, on aborde les choses en essayent de toucher les gens dans leur façon de vivre et les renvoyer à une responsabilité, qui serait de tirer les ficelles pour eux-même construire le projet. C’est un peu illusoire, mais en tout cas c’est une façon de faire en sorte que les habitants s’approprient un projet, s’approprient une démarche de projet: c’est ce que l’on appelle la co-construction de projet. Donc ça, c’est le schéma idéal. Est-ce que ça marche? Est-ce que ça ne marche pas? Et qui met-on autour de la table? Comment fonctionnent ces fameux ateliers? Il y a les ateliers des bassins à flots, des ateliers à Bordeaux [...], chaque cas est particulier. Pour résumer, je pense qu’aujourd’hui la question du mode de décision l’emporte sur la question de la nature de la décision; cela se vérifie aujourd’hui, ce n’est pas moi qui l’ai écrit c’est Jean Paul Lacaze (“les méthodes de l’urbanisme”, Jean Paul LACAZE, éditions presses universitaires de France, Paris, collection Que sais-je). Donc on est plus dans le mécanisme de fabrication de projet que dans le projet et la spatialité représentée, pour pouvoir le rendre acceptable et qu’il n’y ait pas de confrontation frontale au dernier moment. Et c’est tant mieux. Maintenant, je m’interroge, si on avait procédé comme ça pour le projet des quais, qu’est-ce que cela aurait donné? Car il y a un moment où il y a des échelles de projet qui sont d’intérêt public majeur; et donc on se pose la question de qui on met autour de la table. Il y a pas mal d’actions urbaines dans l’histoire, où la “décision du prince” était déterminante. Les quais rives gauches, si on avait concerté, on en serait encore à la discussion; il a fallu un temps préparatoire, avant Alain Juppé, Arc en Rêve avait communiqué sur cette grande question de l’avenir du port (ndrl: concours Bordeaux port de la lune). Sachant que le port partait, ils avaient lancés de grands concours d’idées, donc il y a eu des travaux préparatoires. Du point de vue des citoyens, l’action majeure a été d’enlever les grilles, et à partir du moment où l’on a amené des événements, cela à permis aux habitants de s’approprier le territoire. Ce qui a grandement facilité le désir de changement, mais il n’y a pas eu d’atelier public, c’est la vie qui a repris son cour. Si bien, que lorsque l’on a lancé le programme d’aménagement, il y avait déjà des usages finalement; la seule chose qui a été amenée de manière spontanée: c’est qu’il manquait d’espaces sportifs. Tout le reste était déjà là; ce que l’on a amené, c’est que sur les quatre kilomètres on conserve une identité, que ce ne soit pas morcelé dans différentes actions, qu’il fallait tenir la géométrie. Mais finalement, c’était des choses assez techniques, l’essentiel avait été fait par la pratique. Voilà, donc on n’a pas concerté sur les quais, mais c’était une autre démarche, on a accompagné une démarche spontanée. Pour vous, finalement, et là je parle de Bordeaux plus particulièrement. Est-ce que cette nouvelle manière de communiquer n’est-elle pas née des expériences faites en amont? En ouvrant les grilles, avec tous les événements comme Agora, la coupe du monde; cela a amené beaucoup de personne à redécouvrir l’usage de ces espaces. Est-ce que vous pensez que ça a permis une prise de conscience, du fait qu’un projet ait de meilleures chances de réussites si l’on prend en compte les usages des habitants? Est-ce que la nouvelle démarche, qui peut être jugée démagogique car l’on ne peut pas réellement construire avec les habitants, est née de ces expériences? Ou l’idée était-elle déjà présente lorsque l’on a commencé ces expériences? Cela a été très progressif. Je ne sais pas. On a changé d’état d’esprit; mais qu’est-ce qui a fait que l’on a changé d’état d’esprit? Peut-être le fait qu’il y ait trop de blocage sur certains projets, nous a fait changer de méthode. Est-ce que les bordelais sont plus concernés aujourd’hui? Ou peut-être ont-ils toujours été concernés mais que l’on prenait des décisions sans eux? Ou est-ce qu’ils sont plus concernés aujourd’hui car certaines personnes ont pris le temps de leur expliquer comment se fabrique la ville? Je réfléchis mais c’est les habitants qu’il faudrait interroger. Est-ce qu’ils ont vraiment l’impression qu’on les implique plus? Alors, oui, si vous interrogez ceux de Bacalan, ils vont dire “oui, nous sommes plus impliqués”; mais si vous interrogez un caudéranais, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que les élus ont senti la nécessité pour construire un projet local.. C’est peut-être la démarche tramway, qui a été initiatrice de la notion de concertation; parce que là il a fallu beaucoup expliquer. Pour construire un projet local, on a vu à quel point il était nécessaire de le mettre en perspective par rapport à une démarche politique: “pourquoi on veut que ça bouge là”, “à quoi ça se raccroche comme investissement public”[...] ; de sorte à éviter les écueils des démarches participatives d’antan, où seules les associations qui voulaient “râler” étaient présentes. C’est d’impliquer tous les citoyens dans ce qui est l’intérêt public. Pourquoi on veut construire des immeubles avec quelques étages de plus, c’est aussi leur expliquer que tout le monde doit faire des efforts, que l’on doit penser du global au local et qu’à un moment on doit aussi sortir de la culture du pavillon. C’est très important par rapport à la compréhension d’un projet, moi je suis persuadé que c’est effectivement très important, que chacun se situe dans une action locale mais qui prend en compte une démarche globale. Voilà cela nécessite beaucoup de pédagogie. D’ailleurs il y a des métiers qui se créent autour de cela, des bureaux d’études spécialisés; qui nécessite de savoir expliquer par des schémas [...] mais surtout pas par des plans. Je l’ai appris par expérience personnelle; nous avions eu un groupe de concertation monté autours du pont Jean Jacques Bosc, une démarche assez exemplaire qui dure depuis deux ans. Donc il y a un groupe de concertation, avec un président, différents acteurs habitants, ingénieurs[...], et on marche par validation de décisions successives; et il y a eu un moment où après avoir présenté les grands objectifs pour la construction de ce pont, tout cela était à l’écrit et à l’oral, et cela marchait; dès que j’ai commencé a projeté un plan, que l’on appelle plan d’objectifs et qui est destiné à synthétiser les objectifs spatialement, il y a eu des réactions très vives, non pas pour ce que contenait l’image mais sur la question de “qui a décidé de mettre la flèche comme ci ou comme ça” et
“d’où ça vient”, ce n’est pas “bien ou pas bien” mais “qui a décidé”. Donc lorsque je disais que le mode de décision devient plus important que la décision, c’est exactement cela. Le premier réflexe, c’est “est-ce que l’on nous impose quelque chose? A partir de données que l’on ignorerait”. Cela c’est quelque chose de très nouveau et de très dangereux pour la maîtrise d’ouvrage et les élus; donc si les élus ne prennent pas la précaution de tout expliquer.... maintenant c’est devenu le passage obligé. Et aussi parce qu’il y a une évolution des mentalités, aujourd’hui, tout le monde a accès à tout par internet; il y a une culture qui s’est forgée très rapidement. Nous sommes passés d’un stade passif/réactif à un stade instruit/réactif. On a l’impression que le sujet intéresse de plus en plus de gens, qu’il sont de plus instruit sur ce thème, peut-être également au niveau du vocabulaire. Dans votre expérience personnelle, au vu de la réception du public ou du travail avec différents acteurs, est-ce qu’il y a des choses qui ont changé dans votre pratique? ou peut-être dans vos moyens de communication? Nous, agence d’urbanisme, nous ne sommes pas dans ces démarches de participation, nous on alimente les maîtrise d’ouvrage sur des documents, des données, des analyses [...]; et eux réorganisent ça avec leurs experts et leurs chefs de projets, mais nous on n’apparaît pas; je parlais de cette expérience il y a deux semaines, mais c’est extrêmement rare que l’on soit amené en premier plan à agir dans ce type d’instance. Justement, nous nous sommes trop fait piéger dans le passé; où les élus trouvaient très pratique de nous mettre, agence d’urbanisme, au centre entre les citoyens et les élus; cela les arrangeait, ils disaient: “c’est l’agence qui a décidé” et on prenait tous les coups. Donc là, on est plutôt dans la préparation auprès des élus pour la communication et la concertation, mais on n’est plus présent physiquement; ou en observateur, mais pas en tant qu’acteur. Donc vous voulez dire, qu’il y a presque un nouveau métier qui est apparu? Qui serait celui de la communication autour du projet urbain? Oui, tout à fait, qui s’occupe de la digestion des choses, de la communication et de l’animation des débats. Il y a des bureaux d’études qui sont payés pour cela, ça devient un passage obligé. Et pour revenir un petit peu à ce que vous amorciez au niveau des acteurs, on se rend compte que sur un projet très important pour qu’il y ait un bon déroulement, il est nécessaire d’avoir une bonne communication inter-acteur. Quand on regarde un peu dans le passé et en lisant un peu, on remarque que Michel Corajoud a fait part dans de nombreuses interviews d’une bonne équipe de projet, entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre. Aujourd’hui pour vous, qu’est ce qui a changé dans la communication entre les différents acteurs du projet urbain? Est-ce que les politiques ont pris plus de place? On s’aperçoit, par exemple, qu’ils ont de plus en plus des avis prononcés sur les décisions urbaines. Non, je crois que l’on a surtout élargi le tour de table. Je prendrais l’exemple du secteur de la gare, il y a eu des ateliers de travail avec toutes les forces économiques du territoire; je dis force économique car le développement urbain est un développement économique de fait; avec tous les acteurs publics et privés, les entreprises, le milieu scolaire, le milieu universitaire, les habitants; pour co-construire vers quoi le projet se dirige, on ne parle même pas de spatialisation mais on cherche un avenir pour ce territoire. On élargit le tour de table par rapport à ce qui s’est passé avant, c’est un travail plus transparent. Cela donne lieu à de vrais débats, entre des personnes qui ont différents prismes que les acteurs traditionnels. Moi je pense que c’est plus cela qui a changé. On a élargi le tour de table, donc ça donne une vision un peu moins technocratique de la façon de faire et un peu moins dirigiste. Il y a une co-construction des choses en élargissant le groupe d’acteurs. Lorsque vous assistez à ces tours de table, trouvez-vous qu’il y ait une prise de conscience plus forte de “comment on construit une ville”, une culture plus forte de la ville de la part des citoyens et des élus? Avant les élus étaient conscients de ce qu’ils voulaient pour leur ville, mais c’était aux agences d’urbanisme et aux architectes de produire les stratégies [...]; aujourd’hui on a l’impression qu’ils sont plus instruits et plus conscients du processus de fabrication de la ville. Plus instruits, je ne sais pas. Il y a de l’acculturation dans la démarche de projet, donc petit à petit les gens sont plus instruits; en tout cas, ont conscience qu’il faut partager les points de vue. Il y a des choses qui ne se décrètent pas dans l’aménagement urbain, qui ne se décrètent pas unilatéralement: dire que dans tel secteur, il faudra des commerces de proximité, ça ne se décrète pas le commerce, ça apparaît quand toutes les conditions sont réunies pour que cela puisse vivre. Donc tout est lié. On peut dire qu’avant, il y avait plus d’ignorance des acteurs (acteurs économiques, promoteurs, chambre de commerce..) sur les projets de ville, les projets d’agglomération faute de communication. Chacun avait sa focale sur ses “espaces”, donc aujourd’hui il y a plus de brassage. Ce qui est valable pour les habitants est valable pour les acteurs. Donc on a développé une vision plus globale. Oui, tout à fait. Et pour les professionnels de l’aménagement, ça permet également de mieux comprendre les résistances, les problèmes auxquels peuvent être confrontés ces acteurs. Donc dans la pratique, cela se matérialise par du travail ensemble ?
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Ce sont des ateliers d’urbanisme; où vous réunissez des architectes, des promoteurs, des notaires [...] pour tester les choses, pour que chaque point de vue comprenne le point de vue de l’autre. Voilà, que l’on sorte des rapports de forces où certains imposent leur point de vue. Pour finir, toujours dans l’évolution des prémices aux projets urbains d’aujourd’hui; de l’époque tram/quais à aujourd’hui Bordeaux métropole. Quelle évolution avez-vous constatée dans votre pratique de projet entre ces deux phases du projet de Bordeaux? C’est un changement complet de façon de faire, c’est réellement la question de l’ouverture du projet. On était dans des systèmes fermés; quand on interrogeait les acteurs/habitants, c’était dans un contexte très particulier et dans un cercle très fermé. Je pense que l’exemple le plus marquant, est lorsqu’il a fallu négocier aux pas de porte près le tramway. Quand on a éprouvé la question de la concertation à l’échelle globale du projet de réseau, déjà on était moins local; il fallait expliquer le projet, expliquer pourquoi ces tracés [...]; et là ça a été assez dur parce qu’il n’ y avait pas cette culture de la préparation dont on a parlé tout à l’heure; et peut-être pas assez également l’ouverture aux acteurs, considérés comme étant plus lointains. Donc pour résumer, c’est vraiment l’ouverture. On pourrait penser que l’on perd plus de temps dans la préparation des projets, mais on gagne du temps par la suite. Et puis toute la culturation est forcément positive, il n’y a rien de pire que le silence et l’ignorance. Et aussi la deuxième chose qui a changé, c’est l’apprentissage d’une autre langue. On est passé d’une langue d’experts, de spécialistes qui se parlaient entre eux; à une langue de vulgarisation, “se mettre à la portée de”, pouvoir être compris. Si l’on veut comparer, c’est la tour de Babel un projet, il y a un moment où l’on s’aperçoit que l’on ne parle pas le même langage, que l’on n’a pas le même prisme. En tant qu’architecte, on est bien placés pour savoir, que même sur un chantier on ne parle pas le même langage; j’ai été maître d’oeuvre et ça m’a beaucoup aidé. Justement par rapport aux outils de communication, vous parlez du langage, mais est-ce que vos outils de communication ont changé? Ce n’est pas à moi, qu’il faut parler de cette question car je ne suis pas tellement dans la communication. Il faudrait voir cela avec les services de la ville ou de la CUB, qui s’en occupent. reformulation de la question. Pas des outils, mais on a des façons de présenter les choses qui sont différentes, on s’interroge plus qu’avant sur comment faire passer les messages, comment poser les bonnes questions, comment faire converger les points de vue, converger les adhésions. Voilà, donc c’est encore une fois au niveau de la représentation graphique, ne pas se précipiter, ne pas donner des informations prématurées par rapport à là où l’on est dans l’avancement d’un projet. Il faut toujours se méfier de la spatialisation des choses, donc c’est la prudence. On est dans la prudence et effectivement c’est une autre culture, s’interroger sur le sens des mots, comment cela va être compris en fonction des prismes particuliers. Moi en tout cas, au niveau de ma propre carrière, j’ai appris progressivement que lorsque l’on est autours d’une table et que l’on présente quelque chose, il faut se préparer: voir qui est autour de la table, comprendre où il risque d’y avoir des points de divergence, les lectures des documents graphiques car on n’a pas tous l’habitude de lire ces documents; c’est toute cette culture de la spatialisation et des mots. Et c’est un apprentissage très difficile, c’est très technique, il y a des formations pour cela. Et dans ce cadre, avez-vous développé une manière/moyen d’être accessible à tous? Ou est-ce que vous ciblez en fonction des interlocuteurs? C’est difficile de répondre à cette question, ça dépend des instances que l’on a en face. Le difficile dans ce métier, c’est de faire du sur-mesure. Pour pouvoir avancer dans une démarche de projet, il y a des jalons et il y a des moments où il faut pouvoir dire “est-ce que l’on est d’accord sur ça: oui/ non” ; et ça se prépare. Après effectivement quand on a une assemblée très hétérogène, de l’habitant au spécialiste, c’est plus problématique; mais c’est le type d’assemblée que rencontre plutôt les élus. Nous, agence d’urbanisme, on n’est pas confronté à cela, on reste quand même dans des cercles d’experts. On y est plus confronté dans des démarches comme les SCOTT et les PLU, peut-être. Et les élus ont eux aussi, chacun leur propre prisme. Mais cela reste quand même dans des cercles professionnels et politiques, c’est beaucoup plus difficile dans des grandes assemblées mais ce sont d’autres métiers, nous ne faisons pas cela. Par contre, on est amené quelquefois à fournir des documents graphiques et à les faire tester pas ces gens, et après eux ils “moulinent” pour tourner cela autrement, ou ils refont. Avant on était très fournisseurs de documents graphiques aux élus maintenant ils préfèrent gérer en propre, avec leur système de représentation.
ANNEXES 5 RETRANSCRIPTION D’ ENTRETIEN _Michel DUCHÈNE_Adjoint au maire/ Conseiller général/ vice-président de la CUB en charge des grands projets urbains _ Mairie de Bordeaux Entretien_Bordeaux le 29 février 2012_ 12h31-13h ... si la communication a évolué et si c’est le cas comment elle a évolué d’un projet à un autre? Moi ça m’est très difficile de vous répondre, car j’ai l’impression que la communication n’a pas radicalement évolué. Le problème, c’est d’abord, que nous, à Bordeaux et en particulier dans la commune de Bordeaux, on ne communique pas beaucoup et parfois on communique assez mal. C’est à dire que l’urgence était telle en 1995, que la priorité a été de rénover, redynamiser la ville; la priorité ça a été le projet urbain et pas la communication sur le projet urbain. Bien sûr, on a communiqué sur le désir du projet urbain, sur le désir du tramway, ça a été une communication du désir de la ville future, du désir du renouveau; une communication liée au rien, au vide puisque l’on avait rien fait et on ne pouvait pas s’appuyer sur du réel, donc ça a été une communication sur le désir d’une nouvelle ville, une communication sur l’avenir. Donc c’est une communication qui s’est appuyée sur des outils basiques: de la conférence de presse à la campagne d’affiches en passant par les flyers aux automobilistes et autres. Disons que la deuxième phase du projet urbain a été peut-être plus professionnelle au niveau de la communication, tout d’abord parce que l’on avait une expérience, on devait tenir compte de nos réussites et de nos échecs; et surtout aussi parce que l’on avait mis en place plus de moyens financiers que dans la première phase, encore que je n’en suis pas sûr, loin de là, parce que le tramway avait engagé des moyens financiers extrêmement importants; mais aussi parce que l’on s’appuyait sur des réalisations donc la communication était presque plus facile, “presque” le mot ne convient pas, elle était beaucoup plus facile que pour le projet de 1995 puisque l’on s’appuyait sur des réalisations, l’on avait pas besoin de donner envie d’autre chose, il fallait conforter et développer ce qui existait déjà. C’était plutôt une phase de développement de projet urbain, on s’appuyait sur des outils classiques mais je dois dire que le numérique et le net ont été très utilisés contrairement à la première phase de communication, le projet urbain dans sa deuxième phase a dégagé des moyens mais qui étaient dans la continuité de ce qui se faisait, je n’ai pas l’impression ... mais peut être en avons-nous eu l’impression dans la mesure où les outils de communication étaient beaucoup plus nombreux et très variés. Donc quelque part, un projet urbain comme Bordeaux qui se développe sur plusieurs phases, c’est un projet à long terme. Donc il y a vraiment une importance du temps du projet, est-ce que pour vous ça a fait évoluer le discours du projet urbain ou la vision que l’on avait du projet urbain? Le temps et les différentes expériences au cours du projet urbain, ont fait évoluer la manière dont on en parlait? Est-ce que vous voyez aujourd’hui des différences? Peu.. finalement la seule différence aujourd’hui est que l’on a modéré notre discours sur la ville millionnaire, ça c’est très très net, autant sur les transports en commun on n’a pas fait, autant sur le logement social ce n’est pas le cas.. je crois que ce qui a été modifié dans un laps de temps très court c’est le discours sur la ville millionnaire des élus. Moi, très franchement, j’étais modérément favorable au concept de “ville millionnaire”, je savais que l’on allait avoir des retours négatifs, des effets boomerang, ce qui n’a pas loupé. Pour avoir vécu le premier projet urbain, être élus depuis de nombreuses années et avoir vécu des délégations très contraignantes, que sont les permis de construire et la concertation; j’avais une bonne perception de la réaction des habitants et je me doutais bien que sachant qu’ils ne supportent rien à côté de chez eux, que ce soit un immeuble de quatre étage, un centre d’animation, une école ou autre, ils allaient peu supporter d’avoir de nouveaux habitants, et même s’ils ne les avaient pas auprès de chez eux ils allaient avoir l’impression de les supporter de différentes manières et en particulier en ce qui concerne la circulation. Là où l’on a évolué très nettement, avec Vincent Feltesse et Alain Juppé, c’est sur la notion de “ville millionnaire”; ils sont extrêmement prudents aujourd’hui car on sent une réticence dans la population après tout pourquoi devrions-nous être un million? Ils estiment qu’ils sont assez tranquilles dans leur quartier comme ça, ils voient que dans la ville il y a déjà des difficultés de circulation, ils n’ont pas envie que l’on soit beaucoup plus nombreux. Donc le discours et la communication a quand même évolué sur cet aspect des choses. Après plus globalement le discours a évolué, non pas sur la concertation, parce que l’on en faisait beaucoup mais peut être aussi sur la manière de faire de la concertation, la manière de s’adresser aux habitants. Moi ce qui me parait très important c’est ce que j’ai mis en place au niveau des ateliers d’urbanisme; c’est à dire sortir du conseil de quartier basique, où l’on parlait souvent de crottes de chien et de lampadaires cassés; et passer à des ateliers qui permettent de construire la ville, mais avant de passer à ces ateliers, de doter ces habitants d’informations (et pour ça le numérique est un formidable outil ) , ce qui leur permet de savoir, de se positionner face aux élus, aux techniciens, aux ingénieurs; et non seulement de se poser face à eux avec un discours construit mais de penser eux-mêmes leur propre ville, leurs propres propositions. Et pour cela, il fallait les doter d’information et d’un savoir qui leur permettent de nourrir cette culture de la ville, de la culture du devenir des villes. Donc pour vous le premier travail a été en quelque sorte la “culturation” des habitants? Le premier travail a été, au niveau du travail de la communication, de donner l’envie de la “nouvelle ville” et de faire une concertation pour informer et demander l’avis des habitants. Et la deuxième partie maintenant autours des ateliers d’urbanisme, dans ce deuxième projet urbain, ça a été véritablement la participation des habitants en tant qu’acteurs essentiels et surtout en tant qu’acteurs porteurs de propositions autonomes. Moi ça me parait
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extrêmement important de développer l’autonomie des habitants, de telle manière qu’ils soient sur le même pied d’égalité que ceux qui produisent la ville en tant que “professionnels” ( élus/ ingénieurs/ urbanistes / architectes..). Mais la communication en ce sens-là, je reviens un peu sur ce que j’ai dit au début, a évolué parce qu’autant ça a été une communication extrêmement large qui s’adressait à l’ensemble des habitants, autant la deuxième partie du projet urbain a travaillé sur une concertation de proximité, qui s’appuyait non seulement sur des propositions de professionnels mais aussi sur des propositions d’habitants. Donc quelque part, pour vous, ces ateliers cherchent à recueillir la parole des habitants. Mais quand l’on rencontre des professionnels du projet urbain, on se rend compte que les habitants ne peuvent pas participer à toutes les étapes de la construction de la ville. Pour vous, quel champ d’action peut-on donner aux habitants aujourd’hui à Bordeaux? Dans quelle mesure peuvent-ils participer? La priorité c’est de ne pas laisser croire aux habitants, qu’ils peuvent d’un coup de baguette magique décider du devenir d’une ville, d’un quartier; et leur dire que pour participer, il faut aussi se former, s’éduquer, s’enrichir d’une culture, d’un savoir. C’est à dire pour nous développer une pédagogie, qui permet aux habitants de se doter de cette intelligence-là. Et à partir de là permettre aux habitants de faire des propositions; tout en étant clair dès le début, que l’on est dans une relation de concertation, d’information mais aussi dans une relation citoyen/élus, élus qui ont été élu pour mener une politique qui ne doit pas être appliquée de manière brutale sans concertation mais qu’elle doit être appliquée parce qu’elle a été présentée lors de campagne électorale, et que les élus ont été élus sur un programme. Voilà donc l’idée, c’est tout de même de travailler en étroite concertation avec les habitants, mais pas seulement dans une dynamique du haut vers le bas mais aussi du bas vers le haut; c’est à dire qu’il y ait interaction entre les élus, les ingénieurs, les administrations, les décideurs en général; qu’il y ait une collaboration très étroite de va-et-vient incessants, de sorte à ce que le projet soit co-construit; mais à des moments clés, lorsqu’il faut trancher, la position a toujours été claire de notre part, ce sont les élus qui doivent décider. Donc par rapport à cette expérience, je voulais revenir sur l’expérience des quais, qui est tout de même une image très forte. Pour les bordelais eux-mêmes, sur l’image qu’ils se faisaient de leur ville, on est passé de la ville centre de pierre à une vraie évolution des espaces publics vers la Garonne. En faisant mes recherches mais également pour avoir été habitante ici, je me suis rendue compte qu’il y avait de petites expériences qui avaient été menées auprès des habitants durant le projet des quais; tout ce qui a été événementiel, la coupe du monde, le skate-park temporaire. Toutes ces petites expériences qui ont permis aux bordelais de s’approprier cet espace peu à peu. Estce que pour vous cette première démarche a été le début de ce qui a été amorcé dans la concertation plus tard ? Ce sont les premiers essais ? Oui, pour être honnête Jacques Chaban-Delmas avec Arc en Rêve avait déjà lancé des ateliers, des expositions, des projets dessinés, des maquettes; il y avait déjà eu un travail. Mais la grande révolution urbaine de 1995, c’est vraiment l’accès des bordelais aux quais, c’est à dire la disparition des grilles et l’ouverture des quais aux habitants comme un lieu de promenade un peu improbable, un peu insécurisant parfois, mais en tous cas un lieu à occuper. Donc l’essentiel ensuite a été, comme vous le disiez très bien, des micro-projets / micro-événements qui ont donné le désir d’occuper les quais de les faire vivre au quotidien comme un véritable espace public ouvert à tous et à toutes, et pas seulement comme un lieu privatisé, réservé ou autre tel qu’il était. Donc d’une certaine manière, ce qui a permis de donner l’envie des quais dans un premier temps c’est cette ouverture, cette rupture avec l’ancien temps: l’ouverture des grilles. Alors c’était symbolique, car les quais on pouvait y rentrer en passant derrière les grilles ou d’autres points de passage. Le retrait des grilles a dit physiquement et symboliquement: “les quais vous appartiennent, vous pouvez les occuper”. Alors on aurait pu en rester là et laisser le lieu dans l’état où il était avant la complète rénovation , mais le fait d’avoir installé les sièges de Perrault, d’avoir mené plusieurs opérations d’animation, d’avoir déposé les caillebotis avant qu’ils soient installer. Il y a eu des micro-projets comme vous le disiez, des interventions d’artistes .. et petit à petit on a montré que l’on était là dans le cadre d’un PROJET et non pas dans le cas d’une friche un peu improbable sans avenir. Est ce que pour vous en tant qu’élu, et peut-être aussi les différents acteurs du projet, de voir que ce projet a eu autant de succès , de voir qu’il y a eu une appropriation aussi forte des bordelais, est-ce cette expérience qui donne lieu à plus de concertation? Ou est-ce dans l’air du temps et que l’on a besoin de le faire aujourd’hui? Le maire a toujours eu l’intention de concerter, il a organisé des concertations dès le début de son mandat, lié à sa propre analyse de la vie en société, à sa propre analyse de la vie d’une commune, donc il a mis en place les conseils de quartier, qui se sont développés sur des secteurs particuliers. Donc ce ne sont pas les quais qui ont créé la concertation, ce sont les quais qui se sont créés à partir de la consultation. Donc c’est vraiment une volonté mise en place dès le départ du projet. Au niveau des acteurs et de la place des élus dans le projet urbain, on sait qu’un projet urbain est toujours porté par une prise de position politique forte, qu’il y a toujours une figure politique qui doit mener le projet pour qu’un projet se déroule sur le long terme. Quelle expérience vous avez de la communication entre les acteurs, quelle place ont les élus aujourd’hui? On a l’impression aujourd’hui que les élus, c’est une analyse personnelle, sont de plus en plus impliqués et presque qu’ils maîtrisent plus en terme technique la fabrication de la ville? Ca dépends des élus. Je crois que derrière les élus, il y a aussi une éducation, une culture; vous avez des élus qui ont cette culture de la ville, de l’urbain, de l’architecture, qui s’intéressent à la ville et à son devenir; et d’autres
qui ne s’y intéressent pas, qui ne voient pas la différence entre tel et tel choix architectural et urbain. Il faut d’abord que l’élu ait une culture ou qu’il veuille s’en doter; et je pense que ce qui a fait la force de Bordeaux, c’est que le maire, avec sa personnalité particulière, a eu un projet pour sa ville, a eu une vision du devenir de la ville; à l’époque où l’on ne parlait pas de développement durable, il a eu une vision durable pour sa ville. Et il a tiré derrière lui un certain nombre d’élus, qui l’ont fait parce qu’ils l’admirent, parce qu’ils y croyaient, qui n’ont pas toujours été enthousiasmés, qui parfois étaient contre. Est-ce que vous dans la stratégie de communication mise en place par les élus, est ce qu’il y a des points.. Oui pardon, je n’ai pas répondu à votre question, communication et élus? Les élus étaient informés par les délibérations qui passent au conseil municipal, par différentes présentations qui ont été faites par le maire du projet urbain et qui ne s’adressaient pas spécifiquement qu’aux élus, qui s’adressaient au grand public et les élus étaient pris dans cette dynamique d’information. Mais il n’y a pas eu d’opérations d’information, et d’ailleurs on pourrait se poser la question car on aurait pu éviter certains ennuis, il n’y a pas eu de communication spécifique et particulière pour les élus. Au niveau du mode de communication, car je sors d’un entretien avec l’agence d’urbanisme où l’on a discuté un peu des outils de communication qui sont mis en place pour communiquer au grand public, ils m’ont informés qu’eux transmettaient différentes données, cartes.. mais qu’il y a vraiment à Bordeaux un service de communication mis en place qui traite entre guillemets les informations et qui s’occupe de les rendre “accessibles” au grand public. Chaque service, avec internet, a maintenant sa manière d’informer. On a depuis peu décider l’ouverture des données, l’open data, mais ça c’est quelque chose qui n’est pas spécifique au projet urbain, la volonté c’est de donner un maximum d’informations. Et sur le fait qu’il y ait une communication particulière pour le projet urbain, oui, il y a eu le projet de Bordeaux qui a été ... (mot à chercher 18min15) où il y avait là des panneaux, des maquettes, c’était la volonté d’informer le public sur le projet urbain. Voilà, est-ce qu’il y a un service spécialement chargé de cette communication? Non, c’est le service de la communication qui un jour s’occupe du social et un jour va s’occuper d’urbanisme, mais c’est un travail qui n’est pas spécifique, qui fait partie de leur travail en général. J’ai remarqué qu’il y avait aussi des publications de la DGA (direction générale de l’aménagement)... et j’ai constaté qu’il y avait énormément de publication aller dans le sens d’expliquer aux habitants: comment la ville se fabrique, avec énormément de schémas. On a l’impression d’être passé d’une époque où l’on produisait un concours, on montrait de belles perspectives aux habitants, en leur disant “voilà, ce sera ça”; à une période aujourd’hui où la manière de communiquer est plus “ voilà la stratégie c’est plutôt d’aller vers cela...”, d’avoir des schémas.. Ce ne sont plus du tout des images finies où l’on dit “voilà il y aura cela et ce sera comme cela” ; aujourd’hui on semble plus exprimer des usages, des envies.. comme par exemple “vivre près de l’eau” ou être dans une politique d’habitat durable, d’éco-quartiers... On a l’impression que l’on donne plus des possibles aux habitants, une sorte de panel de possibilités des choses qui peuvent être mises en place; plutôt qu’une image de synthèse finie. Je crois que c’est lié, ici, surtout la DGA et à la volonté du maire de développer l’information à la concertation. Si l’on est aller très vite dans la première phase du projet urbain; dans la deuxième phase, parce que l’on a plus de temps aussi, on a plus tendance à expliquer, à informer, à débattre et à faire adhérer. C’est une manière, comme je le disais tout à l’heure, de co-produire le projet urbain. Donc on a de la part de la DGA et de la CUB, depuis quelques temps, la volonté de mieux communiquer, de mieux informer, de mieux expliquer; mais à l’époque on le faisait aussi, c’est à dire qu’aujourd’hui on a un peu plus de temps de travailler, on a des délais qui n’étaient pas ceux de l’époque, où l’on a avancé à marche forcée, il y avait tellement de retard. C’est une expérience personnelle, mais je me souviens qu’à l’époque du tram, il y a eu une exposition à Arc en Rêve, et différentes autres petites expositions explicatives; mais c’était presque plus aux citoyens de faire la démarche d’eux-même , alors qu’aujourd’hui on lui donne les bases... ..il y avait “1,2,3 TRAM” la revue; mais la c’est un peu le contraire, on lui donne les informations sur le projet urbain, on lui donne des informations sur d’autres villes, et on lui parle de points spécifiques que l’on avait pas abordé: la notion de trame urbaine, les limites des transports en commun, la problématique des flux de circulation. Tout cela, c’est une information qui est donnée pour que le projet soit co-construit, et c’est une manière aussi de mieux faire et de tirer la concertation vers le haut. J’ai vu, par exemple, le livre “Bordeaux, ville en action” et ce qui m’a étonnée c’est le fait que l’on parle aux habitants en se mettant dans leurs usages, dans leur déménagements, “pourquoi choisir tel quartier, qui pourrait le mieux correspondre à tel type d’habitants”... Et ce qui était particulièrement étonnant, c’était tous les schémas explicatifs, ceux de l’étalement urbain, “pourquoi faire le choix de la densité”, “pourquoi le développement durable”...c’était assez intéressant de voir, c’était cette notion de “fabrique de la ville ensemble”, on impose pas aux gens, car on sait qu’il y a eu énormément de projet sur les villes où si l’on avait demandé leur avis aux habitants, Haussmann par exemple, il n’y aurait jamais eu d’action. Et aujourd’hui on a un retour vers les habitants: “on va vraiment vous expliquer, on va vous donner les clefs pour comprendre ce qui se passe” Tout à fait, “vous avez les informations qui vous permettent de comprendre, qui vous permettent de participer, qui vous permettent de proposer; ou si vous n’avez pas envie de participer vous avez en tous cas les informations qui
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vous permettent de comprendre où en est votre ville et vers où elle va”. Est-ce que vous pensez que le fait que cette deuxième phase s’appelle “Bordeaux métropole”, c’est aussi une décision de la part des élus d’englober tous les habitants de la CUB, que tous se sentent concernés par ce qui se passe? Oui, je crois que c’est le résultat d’une élection aussi; du fait que Vincent Feltesse (président de la CUB), étant aussi maire d’une petite commune, a envie de se doter d’un pouvoir plus important ce qui est normal, et d’assumer pleinement son rôle de président de la communauté urbaine. Il a développé une communication autour de la notion d’agglomération, c’est vrai que l’on en parlait avant mais peut-être un peu moins, mais Alain Juppé a toujours considéré que le projet bordelais était un projet d’agglomération. Donc maintenant, on parle plus de l’agglomération et c’est une bonne chose; je crois que le projet municipal et le projet communautaire sont tout à fait complémentaires. J’ai ici une question qui touche plus à votre parcours personnel. On a parlé de la réception du public et de l’évolution du projet, est-ce que pour vous, d’avoir vécu ces deux phases, ça a changé dans votre pratique de la communication? Est-ce que ces différentes expériences ont changé quelque chose pour vous? Oui, tout de même... encore que pas beaucoup, j’allais dire oui sur la notion de pédagogie, mais on avait tout de même fait de la pédagogie sur la période 1995-2000 (amorce projet urbain et quais): c’était une ville d’un autre siècle et on est passé à la modernité, au développement durable... développement durable je ne l’utilise pas trop mais en tout cas, on a véritablement transformé la ville. Donc on avait fait de la pédagogie, disons qu’aujourd’hui, j’en reviens à la notion de temps, on a plus de temps pour aller au fond des choses et pour mener une action pédagogique de long terme; ça c’est vrai. A l’époque, ça a été de la pédagogie mais dans le sens où l’on voulait que le projet aboutisse le plus rapidement possible. Aujourd’hui on a plus de temps, on fait de la pédagogie pour expliquer notre projet et on est près à le faire évoluer; à l’époque, on avait pas tellement de marge de manoeuvre: le tramway dans le centre ville n’avait pas tellement d’endroit pour passer, alors que lorsque l’on travaille sur une ZAC comme les bassins à flots, on a différentes alternatives parce que l’on est dans des friches industrielles, où l’on peut a beaucoup de possibilités pour faire passer nos systèmes de transport. Dans la première phase, on est au coeur de la ville, on a peu de marge de manoeuvre et si l’on avait demandé l’adhésion des riverains, on ne faisait pas; alors que dans le secteur où l’on travaille maintenant si l’on a pas l’adhésion, on peut passer ailleurs; à l’époque le tramway sur la place Pey-Berland c’est au mètre près que ça se jouait, voire même au centimètre dans certains secteurs de la courbe du cours de l’Intendance. Donc c’était de la pédagogie mais il y avait aussi la nécessité de trancher rapidement. La communication a peut-être évolué dans le sens où va peut-être plus au fond des choses et on est doté de plus de documents pédagogiques; à l’époque, on n’avait pas grand-chose. Ce qui a évolué, mais c’est parce que l’on avait pas le temps et pas les moyens financiers, aujourd’hui on est doté de meilleurs moyens financiers, d’un volume financier qui nous permet de développer pas mal d’outils de communication, ça c’est sûr. Qui développe ces outils de communication? Cela peut être la collectivité, ça peut être les organismes privés, ça peut être la population que l’on dote de moyens financiers qui vont lui permettre de mener sa propre communication. Pourquoi pas? Pour finir, je vais vous poser deux questions que je pose lors de tous mes entretiens. C’est une question très vaste, mais très brièvement, c’est pour mieux comprendre le point de vue des différents acteurs. Qu’est-ce qu’un projet urbain pour vous? C’est un moyen de penser la ville du futur, de réaliser la ville du futur. Même question, mais pour le projet urbain bordelais cette fois? Quels sont, pour vous, les mots qui définiraient le mieux le projet urbain dans le cadre de Bordeaux? Réussite, c’est un projet qui a réussi, qui est vraiment un projet de référence nationale et même mondial. Je me déplace énormément, c’est l’un des rares projets urbains à être aussi global et aussi cohérent; et surtout à avoir été aussi prémonitoire, si je peux dire. Ce projet urbain a vraiment développé une ville, tel que l’on voudrait les voir se réaliser maintenant; c’est à dire, à une époque, où les problématiques d’aujourd’hui n’étaient pas aussi importantes, le projet urbain les a pensées et les anticipées. Donc s’il y a un mot qui convient: c’est réussite; après s’il y a un autre mot: c’est anticipation.
ANNEXE 6 RETRANSCRIPTION D’ ENTRETIEN _Michel JACQUES_Architecte / Directeur artistique _ Arc en Rêve Entretien 1_Bordeaux le 19 décembre 2011_ 18h27-18h52 .... Nous étions plutôt dans une logique de composition urbaine et de ... comment dire... de prolongement de la ville, de continuité urbaine qui n’est plus opérante aujourd’hui. Aujourd’hui, les questions que soulève l’échelle métropolitaine sont telles que, je dirais même d’un point de vue culturel, la question de la composition et de la continuité ne se pose plus depuis longtemps. Donc il faut considérer les choses de façon radicalement différente, on est dans une période de fin du projet urbain, des projets urbains tels qu’on les entendait il y a quelques années. Il en reste quand même trois et encore: il y en a un qui concerne les bassins à flot avec Nicolas Michelin; un autre c’est Bastide Niel avec Winy Maas (ndrl MVRDV); et le troisième qui est composite, c’est le grand site de Bordeaux Euratlantique avec sur un territoire Bernard Reichen, sur un deuxième territoire TBK, et en sachant qu’il y a un troisième et quatrième territoire, voilà. Donc déjà, Bordeaux Euratlantique, on sent bien que l’on rentre dans quelque chose d’autre, parce qu’il y a plusieurs acteurs, plusieurs équipes d’urbanisme. Mais je pense que ce qui nous fait faire un bon en avant, c’est l’opération transversale des 50 000 logements, et pour la première fois c’est un projet conduit par la communauté urbaine(ndrl CUB) et ce n’est pas un hasard; et c’est un projet non pas totalitaire mais un projet transversal, qui est compatible avec le projet urbain, néanmoins en rupture avec les méthodes du projet urbain. C’est à dire que l’on rentre dans une phase plus exploratoire, et avec chose curieuse: alors que l’entrée du projet urbain était souvent l’espace public et il faut bien le dire la voirie, les réseaux; à présent ce qui fait spécificité du projet des 50 000 logements c’est la fabrication de la ville avec l’entrée logement, mais qui est pris dans son sens le plus large évidemment, dans le sens que défend l’équipe de Lacaton et Vassal: réfléchir à la question urbaine en partant du plus petit de la chambre au plus grand qui est le territoire métropolitain. Voilà. Et que les réseaux, en particularité la voirie, ne sont plus fondateurs mais accompagnent, c’est une vraie révolution culturelle qui est en train de s’opérer à la fois chez les décideurs, les urbanistes, les architectes et les professionnels, tous ceux qui portent l’ingénierie de la ville. Si on considère les différentes périodes du projet urbain; qui a été commencé avec les ateliers “Bordeaux, port de la lune”, où finalement Arc en Rêve était déjà acteur; qui a réellement pris une forme en 1996 lorsque marie et CUB ont lancé le projet commun, puis les quais en 2000. Donc pour vous quelque part, le projet urbain a réellement changé de voie? Non, je pense justement que ce que l’on avait défendu en 1989(ndrl “Bordeaux, port de la lune”) n’était pas de l’ordre du projet urbain, on avait déjà le sentiment qu’il fallait faire les choses autrement. Les pouvoirs publics ont décidé de faire les choses différemment, de faire ce que l’on avait fait partout en France pour le meilleur et pour le pire, du projet urbain dans une continuité urbaine etc.. Alors que Bordeaux la ..(chercher le nom du projet de Perrault) fondait autre chose et peut-être avait plus à voir avec ces 50 000 logements, que c’était un peu prémonitoire. Et c’est pas un hasard si les principaux acteurs étaient des gens comme Koolhaas, Nouvel, comme Portzamparc qui ne sont pas du tout dans le projet urbain. Vous pourriez développer un petit peu sur ces aspects, qui étaient déjà fondateurs au sein de “Bordeaux, port de la lune”, et qui peut-être se retrouvent aujourd’hui? C’est difficile, parce que je pense ce n’est plus tout à fait ça, même OMA( ndrl Koolhaas), qui est une des équipes des 50 000, n’opère pas de la même manière. 1989 c’est il y a plus de 20 ans, donc on est complètement ......., ce n’est pas la même époque, ce n’est plus la même population, ce ne sont plus les mêmes acteurs politiques, donc c’est un peu difficile. Mais en tout les cas, je pense que c’étaient à l’époque déjà des architectes qui pensaient la ville en terme de discontinuité, de fragmentation, de diversité des échelles... Et qui avaient pris déjà leurs distances vis à vis de l’espace public, même s’ils considéraient que c’était un facteur majeur du développement des villes; mais n’était pas forcément le moteur. Vous voyez ce que je veux dire? Oui, Très bien et donc par rapport à ça, à l’échelle du projet des quais à Bordeaux qui est là un vrai projet d’espace public, pour vous personnellement, est ce que ce projet a eu un impact fort? Est-ce qu’il a joué le rôle d’une figure au sein du projet global de la ville? ou est-ce que finalement il n’est qu’un parmi d’autres, et que c’est vraiment l’assemblage de tous ces projets qui a fait le renouveau de la ville de Bordeaux? Je pense que c’est un symbole du renouveau, c’est un lieu symbolique, mais plus par son site que par ce qui a été fait. Moi je pense que ce qui a été fait est déjà daté dans la forme et n’offre pas de perspective. Mais bon ce n’est peut-être pas très grave, le site est là, superbe et que l’acte c’était de rendre le site aux habitants. Et peut-être ce qui est intéressant au delà des quais proprement dit , c’était , et là je fais référence au projet de Michel Desvignes sur le paysage du grand territoire, c’est à dire au fond, ce qui est peut-être intéressant c’est la dimension. C’est à dire qu’il ne faut pas s’arrêter aux quais rive gauche, aux 3,5 kms, mais plutôt aborder ça par les 7 kms de rive gauche qui fond face aux 7 kms sur la rive droite; et là on est dans un très grand territoire avec une séquence particulière qui est le ....(interruption par une collègue d’Arc en Rêve) et oui finalement ce qui est intéressant, c’est que l’on retrouve l’échelle métropolitaine, non seulement les quais de Michel Corajoud mais ce qui est plus intéressant, c’est ces 7 kms et actuellement c’est là où on est entrain d’arriver. Et Desvignes avait déjà eu cette
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vision là , et Koolhas en 1989 n’avait pas abordé ça du point de vue du paysage mais avait déjà abordé ces 3 pôles bassin à flots/ bastide/ st jean et il avait déjà imaginé cette liaison-là, qui a l’époque, était complètement nouvelle et avec il avait déjà imaginé ce sur quoi travaillent les 50 000, c’est la densification de cette liaison y compris, c’était une utopie mais il construisait sur le franchissement, un palais des congrès.. Et justement par rapport à ça, vous introduisez la notion des acteurs importants au sein du projet , au sein de la fabrique de la ville; Arc en Rêve a quand même une part importante dans la rencontre des acteurs, dans le fait de faire des ateliers pluridisciplinaires ... Pas tant que ça, en arrière plan peut-être, on a constitué un fond culturel, enfin beaucoup de gens pensent ...effectivement Arc en Rêve a été fondateur mais plus d’une pensée, d’une exigence que d’une.... il y a eu des ruptures, des décrochages. Par exemple 1989, ça aboutit au projet des deux rives de Dominique Perrault et finalement qui n’a jamais vu le jour, voilà donc il y a eu décrochage. Je veux dire , il y a eu décrochage dès qu’il s’est agi d’être, de... je veux dire il y a de la culturation en amont, il y a eu 1989 qui était très culturel mais dès que l’on rentre dans le cadre opérationnel, il y a le décrochage qui s’opère parce que les élus ne souhaitent pas qu’il y ait ; donc maintiennent une frontière entre la culture et l’opérationnel. Ce qui a été le cas avec Alain Juppé, qui, quand il est arrivé, a souhaité qu’Arc en Rêve reste dans son rôle d’acteur culturel point barre. Donc on n’a jamais fait parti de jurys. La chose est nouvelle avec Vincent Feltesse, maintenant, le nouveau président depuis 2 ans, lui, il considère que justement Arc en Rêve peut jouer un rôle beaucoup plus grand et que c’est intéressant de faire ce travail de croisement, de conjuguer à la fois l’action culturelle et le projet. Donc, on a renoué, il y a plus de liens actuellement dans le domaine opérationnel avec le grand territoire, qu’avec le territoire strictement de Bordeaux intra-muros. Sachant que la ville fait partie du grand territoire. Et c’est aussi l’un des objectifs principaux d’intégrer toutes les villes et communes alentours. Oui, bien sûr. Justement par rapport à ça, pour moi c’est quelque chose qui reste de l’ordre de l’intuition, mais on sent et dans plusieurs interviews Mr Alain Juppé l’a souligné, une des choses majeures qui s’effectuent comme changement dans le projet à Bordeaux c’est aussi la relation que l’on entretient entre le projet et le grand public. Comment la réception va s’opérer? comment finalement va-t’on venir parler du projet et quelque part comment attend-t’on un retour de ce projet urbain auprès du public? Ca, c’est une mutation oui. Mr Alain Juppé en parle très souvent. C’est à dire qu’avant le public était très captif du système de production de la ville. Actuellement, on est en train d’en faire un acteur de la ville, avant même il y avait des choses, on faisait participer les gens mais ça avait une valeur un peu démagogique, il faut bien le dire. Maintenant, je pense ça à réellement changé, on considère que les habitants, et Alain Juppé le dit très souvent, qu’il n’imagine plus décider quelque chose sans réellement prendre en compte... et tous les projets urbains actuellement font l’objet d’ateliers de concertation, mais au delà de la concertation, de discussion réellement . Bon, on peut dire que ce n’est pas assez, ce n’est pas à moi de porter un jugement là dessus mais incontestablement il y a des publications qui sont faites et qui rendent compte de ça. Est ce qu’il existe des outils majeurs de cette communication au grand public? Est-ce que pour vous il y a des outils qui sont plus importants que d’autres? Euh..Bah je pense les outils, ils restent beaucoup à inventer, la base c’est quand même les échanges, la réunion, la conférence, les échanges publics... mais souvent ce que je trouve qui fait défaut, ce sont les supports. En gros, les gens rêvent, on fait rêver les gens au vrai bon sens du terme, sur des choses, je pense justement,... que pour être productif il ne faut pas que le public soit devant une page vide.. voilà et je pense que l’important c’est de leur suggérer, de représenter d’abord là où on est simplement, ce qui se passe, expliquer. Et ensuite, parce que les habitants ne sont pas urbanistes, ne sont pas architectes, après ils peuvent avoir des idées, il est bien de les confronter ou de leur proposer des figures, pour ouvrir les esprits. C’est un fait extrêmement important ouvrir les esprits, les seuls modèles qu’ont les gens, c’est la ville qu’ils ont sous les yeux, ou les représentations qu’ils s’en font; donc je pense que c’est important de montrer des alternatives. D’abord montrer qu’il y a d’autres visions, qu’on peut avoir d’autres villes à faire découvrir, il y a un vrai travail culturel à faire qui peut se faire, que l’on fait partiellement mais pas assez bien ni suffisamment ... les ateliers d’éducation, la culture, les visites, les voyages pour se constituer une vraie culture urbaine et architecturale... et que l’on peut mettre à profit après dans les échanges sur le devenir de la ville. Donc pour vous, quelque part les démarches mises en place comme les itinéraires ou ateliers , sont un début d’association avec le grand public, et peut-être la voie de comment on peut comprendre la ville? Tout à fait, c’est un élément clef, sur lequel on est en train de réfléchir et on n’a jamais fini, il est sans cesse à renouveler. Actuellement, on réfléchit d’ailleurs sur le lieu d’Arc en Rêve, sur des actions qui, je pense ne pourront pas être les mêmes que celles que l’on a menées jusqu’à maintenant. Et même l’image d’Arc en Rêve, l’institution, le bâtiment dans lequel on est, cela véhicule un certain nombre de choses et qui nous semble actuellement, pas complètement, mais peut-être un petit peu dépassé; qui mérite une exploration, une remise en question.
Vous pensez à quelles sortes de démarches, par exemple, qui pourraient être mises en place? C’est une vraie question, par exemple les cafés d’architecture que l’on fait, ont vraiment un succès incroyable et ça, ça nous fait réfléchir. Il y a des formes...les visites aussi, on a fait un ouvrage récemment, qui est un guide et pas tout à fait un guide, c’est même un lieu où l’on peut se perdre mais qui a une vocation d’emmener les gens à visiter le territoire. Voilà ce type d’action, nous paraît.. et puis on n’est pas les seuls à mener ce genre d’action, il y a “le bruit du frigo”, tout ce qui s’est passé autours d’evento cette année. Même si on est aussi critique, je pense que les conditions nouvelles, c’est l’attitude des élus qui considèrent que les habitants sont acteurs. Voilà, on fait pas seulement que les consulter, on considère qu’ils sont producteur de la ville et c’est de ça qu’il faut discuter; souvent la ville contemporaine fait toujours peur,on a jamais réussi encore, les urbanistes malgré leur bonnes intentions n’ont jamais réussi à fabriquer une ville d’aujourd’hui, dans laquelle tout le monde se retrouve actuellement. Et c’est ça l’enjeu peut-être, et justement c’est la les limites du projet urbain, c’est que finalement... je ne dis pas du tout que c’est un échec mais je pose en terme de limite..est qu’au fond rarement on me dit ce quartier il y a quelque chose, il s’y passe des choses, parce qu’il peut être quelque chose, il peut même être esthétiquement intéressant mais on compte sur les doigts de la main les quartiers européens que l’on peut citer en exemple, c’est formidable, on y vit de façon formidable... et ça j’ai l’impression qu’on ne sait toujours pas bien faire la ville, peut être selon ce à quoi aspirent les gens. Mais attention aux attitudes démagogiques, je pense que c’est du devoir des élus, des professionnels, urbanistes, architectes d’amener les gens quelque part et de ne pas rester dans des... si l’on demande aux gens ce qu’ils veulent, je caricature un peu, mais à Bordeaux les gens sont plutôt dans la composition et dans le renouvellement de la ville sur la ville, dans la continuité urbaine, dans une ville de pierre qui pourrait se développer à l’infini... et là je pense que c’est une erreur fondamentale et qu’il faut en discuter, montrer que la ville peut nous offrir de belles surprises quoi.. A Bordeaux, il me semble que déjà finalement les habitants ont vécu un véritable retournement, Bordeaux a été pendant des années, pour y avoir vécu aussi, très tourné vers le centre ville et regardant très peu la Garonne. Et finalement avec les projets qui ont étés mis en place, il y a un réel enjeu qui a été opéré de tourner la ville vers le fleuve et qui a finalement plutôt réussi, puisque l’on voit un investissement des bordelais du fleuve et une vrai vie qui s’y développe enfin alors que ce n’était pas du tout une habitude au départ. Est-ce que vous pensez qu’il y a une communication réelle qui a été mise en place? ou que finalement c’est le projet lui même et les espérances qu’il donnait à voir, qui ont fait que le projet a pu se développer correctement et qu’il a eu une bonne réception? Le projet a une force en lui-même car par exemple il y a une chose qui me frappe ce sont les pique-niques; au delà du succès du miroir d’eau qui est intéressant sociologiquement, c’est une plage où il se passe des choses incroyables où tout est permis, c’est incroyable, on était plutôt dans un effet esthétique qui est devenu un lieu populaire. Au-delà de ça, il y a les pique-niques, je sais bien dans toutes les villes on voit une reconquête du fleuve, mais c’est particulièrement fort à Bordeaux je crois. Et donc il y aussi ce phénomène, avant je pense on s’évadait de la ville et là il y a un retour incontestablement à la ville, et parce que l’on a fait un lieu de vie tout simplement. On en a fait des lieux qui étaient des situations acceptables, où effectivement on peut après le travail se balader au bord de l’eau, ce n’est plus une autoroute ou un grand boulevard, on y a créé des conditions tout simplement de vie. J’avais une question également, je ne sais pas si vous pensez que ça a participé ou pas, on peut voir que dans différents projets , par exemple à Lyon aussi; dans un projet qui se développe sur le long terme, généralement il y a une transformation au fur et à mesure. A Bordeaux, ça a été le cas aussi, est ce que vous pensez que le fait que l’on accroche des événements au cours de la réalisation, comme ce qui a pu être fait sur les quais, les différents événements comme les concerts temporaires, la diffusion de match de foot, ... a aidé vraiment le public à reconquérir cet espace? A Lyon on a mis en place les mêmes choses dans les parties en travaux... Oui je pense, les événements culturels ou sportifs sont fondamentaux, ou les événements plus ordinaires comme les grands pique-niques. Et il y a eu un événement incroyable à Bordeaux, c’était la coupe du monde avant l’aménagement des quais, il y avait des parties des quais en chantier... Bien sûr ça se construit aussi avec des événements, c’est très clair. Et la première édition d’Evento a été exemplaire de ce point de vue là, la seconde cette année était moins présente. La fête du vin, moi même si j’ai des réserves, mais incontestablement elle draine des foules; il y a des grands rassemblements, la fête du fleuve et il y a d’autres événements au cours de l’année. 25min23 d’entretien Entretien 2_ Bordeaux le 20 décembre 2011_ 12h10-13H01 Hier soir, nous nous sommes arrêtés sur la nouvelle place des habitants en tant qu’acteurs du projet urbain. Comment à Bordeaux en est-on arrivé à une reconquête de la ville par les habitants, qui au départ été plus refermée sur le centre ville, avaient plus tendance à s’échapper de la ville pour les loisirs; et qui finalement retrouvaient l’espace des quais et venaient se répartirai les lieux vers la Garonne. Moi ce que j’aurais aimé savoir c’est: est-ce que pour vous il y a des facteurs clefs de cette évolution vers le public en tant qu’acteur? Est-ce que vous pensez que c’est quelque chose qui date à Bordeaux? Est-ce qu’il y a eu des facteurs ou même des acteurs qui sont allés dans ce sens ? Je pense qu’en dehors de ce que nous avons pu mettre en action, je pense par exemple aux “bruits du frigo” . Ca
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veut dire que c’est l’émergence à Bordeaux et en France de groupes activistes mais différents de ceux des années 1970 dans le cas de lutte urbaine, là c’est des groupes qui ont manifesté l’intérêt d’établir des relations avec les habitants, pas nécessairement autours de projets mais de sujets de la ville. Et donc soit c’était des projets avec des artistes, disons qu’il y a eu différents types d’actions sur le mode culturel, sur le mode socioculturel, sur le mode de l’alternative du contre-projet. Et ça, notamment je pense aux “bruits du frigo” , et ça a permis une prise de conscience, peut-être une évolution de l’attitude des élus. Ca a fait progresser la question de la démocratie locale dans le domaine de l’urba . Parce que ce n’était plus des luttes contre.., des associations contre Bacalan/Bastide, notamment il y a eu une époque de lutte contre les grandes infrastructures, contre la rocade.. Là, on est dans des luttes qui ne sont plus des luttes, mais des attitudes pour.., qui sont sous-jacentes à une présence des ..?.., et qui mettent en avant le bien-fondé de la parole des habitants. Voilà. Donc pour vous, il y a quelque chose qui se situerait plus dans la démarche consultative de ce qui se passe auprès du public, de ce que sont les attentes? ou est-ce que réellement il y a une envie de faire participer l’habitant à la création de la ville? Un peu les deux, il y a du chemin encore à parcourir, dans les deux sens d’ailleurs. C’est au-delà du consultatif mais voilà on se dit que c’est une émergence, on voit bien d’ailleurs les nouveaux termes utilisés: “la nouvelle citoyenneté’”.., donc c’est aussi le développement du sentiment d’appartenance à un réseau, à une ville. Ca c’est des choses qui sont nouvelles , ça a peut-être à voir aussi avec l’évolution du monde; je veux dire ce n’est pas une alternative mais la réaction à la mondialisation c’est la revendication du local, l’exacerbation de l’identité locale, de la culture locale .. Donc de la même manière, je pense ça à voir aussi avec ... comment dire.. le mot est un peu fort mais quand même la “faillite” de la fabrication de la ville, on voit bien que malgré la bonne volonté des urbanistes, de la réglementation, la ville d’aujourd’hui produite est extrêmement médiocre. Et on a beau se dire qu’il fallait du temps pour apprivoiser les nouvelles formes urbaines, on voit bien que ça ne prend pas, c’est plus sympathique, plus politiquement correct que ce que l’on a pu faire de plus brutal dans les années 70 mais ça n’a peut-être pas le même intérêt. Justement on peut se poser la question . Voilà je pense que l’on est un peu là-dedans. Est-ce que pour vous, dans votre expérience personnelle, vous avez vu une évolution depuis le début du projet de Bordeaux, de la manière dont vous-même parlez de la ville? Est-ce que vous pouvez nous expliquer ? peut être au sein d’Arc en Rêve, on a communiqué autrement le projet? Je pense qu’il y a quelque chose de fondamental dont on a pris conscience depuis dix ans, on a abandonné toute idée de rationalité et au contraire pour même revendiquer l’aléatoire, l’informel; c’était peut-être ce qui correspondait le mieux à une réalité de la ville et des gens. Et si on observe bien l’évolution de l’histoire de la ville, bien sûr, il y a des grands axes fondateurs qu’il ne faut peut-être pas abandonner, les deux démarches ne sont d’ailleurs pas forcément incompatibles, sauf qu’on était tombé dans un tout rationaliste, fonctionnaliste même sous des formes plus polissées. C’est pour ça que je dis qu’il y a finalement des projets plus radicaux des années 60 qui sont bien plus fondateurs et bien plus intéressant, on les redécouvre aujourd’hui, que toute la culture née du postmodernisme. Finalement, le modernisme est bien plus fondateur que le postmodernisme, surtout quand il intègre l’aléatoire, l’informel et les habitants. C’est pas incompatible tout ça et les contradictions aussi, ça veut dire que ce n’est pas parce que l’on discute avec les habitants qu’il faut abandonner tout acte fondateur, voilà il ne faut pas tomber dans une démagogie qui nous fait renoncer à tout projet. A un moment donné, il est possible d’avoir une vision prospective dans laquelle ne se retrouvent pas forcément les gens, c’est comme ça, c’est le propre du visionnaire; les architectes et les urbanistes ont leurs propres devoirs de vision. Donc d’anticipation, c’est aussi de notre responsabilité. Par rapport à ça, justement dans l’expérience de ces 20 dernières années, il y a peut être des moments dans le projet urbain où vous avez eu des surprises? Est-ce qu’il y a eu des choses auxquelles vous croyiez et qui n’ont pas eu la réception que vous espériez ? Vous me parliez par exemple des quais ou du miroir d’eau qui avait eu une réception supérieure à celle que l’on attendait au départ. Est-ce qu’il y a d’autres exemples comme ceux là, qui ont eu des réceptions différentes et qui ont fait basculer la vision que l’on avait du projet urbain? même dans des projets de logements par exemple.. Pas vraiment, parce que tout est tellement sous contrôle... je réfléchis... oui, il y a des petits phénomènes comme cela qui sont imprévisibles, des déplacements, c’est le cas effectivement du miroir d’eau. .... Ce qui est un peu imprévisible c’est le goût, la reconquête des espaces, pas seulement publics d’ailleurs, la reconquête des espaces de la ville ont donné un goût à la ville. Ca c’est peut-être inattendu, ce n’était pas calculé. Ce goût, l’appétence que le public a pour la ville, ça rejoint l’attitude de démocratie. Et ça a un peu à voir avec l’air du temps aussi, on peut observer cela pas seulement à Bordeaux, mais effectivement plus on met les choses en débat plus on offre ; parce que c’est un cadeau aussi fait, je pense. On peut penser aux quais, aux jardins, aux magnifiques fronts, d’ailleurs hier je parlais des 7 kms c’est plus..... même à terme, c’est l’idée d’aller au-delà de la Jalles au pont François Mitterrand, donc je pense il y a plus de 7 kms rive droite/rive gauche; d’en faire des séquences que l’on peut parcourir à pied avec des séquences plus minérales, plus constituées et des séquences plus sauvages comme à Bacalan. Donc rive droite/rive gauche mais il y a aussi un front dont on ne parle pas, et qui est une ballade magnifique, qui est de Bassens à Floirac, cette ligne ininterrompue quasiment, cet espace est un vrai balcon ininterrompu sur la ville. On en parlait un peu hier, c’est quelque chose qui a été mis en place dans le cadre du GPV (...) , donc les différents acteurs ont travaillé cette connexion et ces différentes séquences pour en faire un vrai territoire de promenade. Je dis ça parce que ça a été révélé en particulier par Panorama qui va être renouvelé
cette année, c’est un peu l’Evento de la rive droite. Mais je pense, il n’y a pas de hasard, organiser des ballades sac à dos, c’est quelque chose qui nécessite plusieurs jours... donc il y a toujours cette notion de temps, de grand territoire, et qui paradoxalement rapproche par des pratiques les habitants. Donc autours du projet urbain qui n’est plus tout à fait du projet urbain comme on l’entendait, est-ce que pour vous , vous me parliez hier de l’importance de la qualité de vie, des quartiers dans lesquels il y avait une vraie vie, qu’il se passait quelque chose... est-ce que pour vous c’est ça le nouvel axe d’un projet de ville? Autre que la rationalisation et le travail des espaces publics, c’est rechercher avec les habitants une qualité de vie supérieure ? une appropriation des lieux finalement supérieure à celle qu’elle est aujourd’hui? et peut être que c’est pour ça également que l’on recherche le public en tant qu’acteur? Oui. Bah je pense la référence reste toujours le quartier, quel que soit le quartier, les quartiers en difficulté sont précisément ceux qui ne fonctionnent pas. Et qu’est-ce qui fait la vie de quartier? C’est les espaces de rencontre naturelle, les halls d’immeubles, le petit commerce, l’espace urbain, l’espace public, les équipements, les écoles et l’espace publics liés à ces équipements... c’est important les parcs, la nature. Pour parler de nature, je pense qu’il y a des chiffres qui sont frappants sur l’agglomération bordelaise: sur les 55000 hectares de l’agglo il y a 50% de bâti et 50% de non-bâti. Et chose qui fait la force du projet de la communauté urbaine actuellement, c’est de densifier mais en préservant ces 50% de nature. Et d’exploiter le potentiel qui est l’urbanité actuellement, mais des fois urbanisé par défaut ou urbanisé avec un potentiel de densification extrêmement important. Et c’est peutêtre justement la densification qui est un handicap de cette agglomération, qui est peut-être un handicap pour la communication, le tissu de la périphérie est très lâche, très peu dense; et ça ça donne un espace pour vivre individuel mais ça ne donne pas forcément des espaces d’échange entre les gens. Voilà, mais bon c’est un peu une analyse superficielle. Pour l’instant nous sommes encore dans la pratique, nous ne possédons pas encore de retour ou de nom à donner à cette nouvelle manière de faire la ville. Si vous vous deviez définir cette nouvelle pratique? autre que le projet urbain qui est assez daté et qui a finalement une image qui n’est plus tout à fait ce que l’on fait aujourd’hui, qu’estce qui pourrait le mieux définir la démarche que l’on met en place aujourd’hui ? Qui est celle d’être à l’écoute, de faire participer les habitants tout en ce démarquant de la rationalisation? Les élus de la CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux) ont appelé cela le projet métropolitain, qui passe par une fabrique métropolitaine, des ateliers, des coopératives. Je pense qu’on ne le définit pas parce qu’on ne le connaît pas encore. Mais il y a l’émergence de la métropole. C’est clair que la métropole ne peut pas être une addition de projets urbains et qu’elle implique des actions transversales, qui peuvent se poser en terme de grands axes comme la construction de ponts, d’infrastructures.. mais qui sont peut-être aussi une attitude. Et paradoxalement c’est le grand territoire qui génère une attitude démocratique, parce que peut-être on comprend que ce n’est pas parce qu’ils sont très éloignés que les habitants de St Médard en Jalle ne doivent pas parler aux habitants de Carbon Blanc.. Et à la fois on est dans un apprentissage, c’est une collectivité mais les communautés d’agglo sont presque inexistantes, les élus de l’agglo ne sont pas élus au suffrage universel ; donc ça c’est un peu comme les régions, tant que les régions n’auront pas des présidents élus au suffrage universel elles sont inexistantes. Le défaut des communautés urbaines ou des communautés d’agglo, c’est qu’il ne sont pas élus, ce qui rend leurs gouvernances difficiles. Et je pense qu’il est urgent maintenant d’en faire de vraie entité politique digne de ce nom, car tout ne peut pas se gérer dans le consensus, il y a des actes qui doivent être fondateurs. Donc ça ne peut pas être un partenariat de tous les instants, à un moment donné il y a des actes qui impliquent que soient confiés les pouvoirs à un président, un patron qui fait la fédération. La communauté urbaine ne correspond pas tout à fait à l’identité géographique, je pense à l’aire métropolitaine qui serait plus juste peut-être. Enfin cela reste pour l’instant des questions, on n’y est pas encore, la réforme du collectif local est en route mais elle prend du temps. Mais elle rebat les cartes un petit peu et cette nouvelle organisation politique aura des incidences ou est déjà sous influence des nouveaux modes d’échange avec les habitants à propos du devenir des villes. Par rapport à cela Arc en Rêve a une démarche assez pluridisciplinaire, je pense notamment à tout ce qui est les cafés d’architecture, qui regroupe des acteurs très différents allant des universitaires, aux paysagistes, artistes, urbanistes, architectes... jusqu’aux élus qui se déplacent pour parler avec les habitants. Pour vous, quels sont les acteurs majeurs dont on va avoir besoin pour faire la ville d’aujourd’hui? Est ce que c’est l’ensemble justement des contributions de chacun dans sa pluridisciplinarité ? Je pense qu’on ne... c’est un peu prétentieux de ma part.... je pense qu’aujourd’hui la ville se fait collectivement, mais je continue à croire que les créateurs ont un rôle extrêmement important dans la fabrication de la ville. Ca veut dire qu’une ville peut s’organiser de façon idéale, organiser sa démocratie, sa gouvernance; si il n’y a pas un moment donné le talent du concepteur, ça donnera .. comment dire .. ça fonctionnera; or un ville a besoin de plus, a besoin de vrais lieux, de vraies dimensions, d’actes, c’est ce qui nous fait aimer les grandes villes touristiques: Londres, Vienne, Paris... Ce sont des villes qui ont construit une identité, c’est aussi un peu le cas de Bordeaux mais.. et ce qui donne l’identité d’une ville, c’est quand même les créateurs: les architectes, les urbanistes, les ingénieurs, tous les métiers qui concourent, qui ont un savoir-faire, des compétences dans la création de la ville . Et la maîtrise d’ouvrage est également extrêmement importante, on ne fait rien sans une maîtrise d’ouvrage éclairée qui conjugue culturation avec le talent, les idées des créateurs... Et justement, avez-vous constaté que la maîtrise d’ouvrage et peut être même les élus eux-mêmes, étaient de
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plus en plus éclairés par rapport à la construction de la ville? On a l’impression que lorsqu’ils en parlent, ils ont peutêtre aujourd’hui une culture différente de la ville que celle qu’ils avaient auparavant où l’on laissait plus de place aux architectes et aux urbanistes? Ils sont un peu plus éclairés, un peu plus...mais c’est long quand même. Moi je suis toujours un peu effrayé de .. comment dire.. il y a du travail encore dans la culturation. Eux sont encore vraiment.. ils ne sont pas encore sortis du projet urbain, à quelques exceptions près. Il y en a un qui je suis sûr en sort, quelqu’un qui réfléchit à ces questions c’est Alain Juppé c’est sûr, qui dans le fond tire un peu un bilan. Et puis, il y a quelqu’un qui est plus dans la prospective, c’est Vincent Feltesse et lui effectivement a fait un pas en avant dans ce domaine-là, mais il a pas encore réussi à convaincre la majorité de ses collègues de l’administration. Il y a une vraie révolution à faire là-dessus. Par rapport au métier même d’architecte, qui est le votre et celui vers lequel je me destine. Finalement auparavant il y avait vraiment une distinction entre le métier d’urbaniste et le métier d’architecte qui arrivait après; et on se rend compte que maintenant sur la scène internationale, les personnes qui se détachent et qui ont des idées très fortes sur l’urbanisme sont plutôt des architectes, qui eux même se sont posés la question de leur action au sein de l’urbanité. Je pense notamment à toutes les grandes figures,vous me parliez de Rem Koolhaas c’est vraiment quelqu’un qui a une démarche très forte sur l’urbanité bien qu’au départ se soit un architecte. Est ce que vous pensez que dans le métier d’architecte il y a une conscience qui est arrivée ces vingt dernières années, que l’Architecture ne pouvait plus être juste un morceau de la ville mais qu’il fallait vraiment un prise de conscience de l’action globale sur la ville? Il y a de moins en moins d’architecture qui se conçoit comme une architecture seule, qu’il y a de plus en plus d’avancées vers l’urbain. Et même les paysagistes qui deviennent de plus en plus des urbanistes. Oui, c’est vrai. C’est assez paradoxale, c’est curieux au moment où il y a une avancée de l’urbain, il y a un recul des urbanistes et une avancée des architectes. Voilà. Peut-être ce qui justifie ça, les urbanistes c’est un nouveau métier, c’est un métier un peu technologique même dans le cadre des projets urbains; actuellement ils sont pris de plein fouet par l’évolution. D’ailleurs urbanistes c’est un métier.. de tout temps les villes se sont reconstruitent sur elles mêmes, mais urbaniste c’est un métier nouveau. Les agences d’urbanistes sont assez récentes, c’est un métier qui a longtemps été réduit au sein des collectivités à un travail réglementaire ou a une gestion du foncier. Et ce qui donne le “la” des projets urbains, l’intention urbaine, ceux sont les architectes. Incontestablement il y a un retour des architectes sur cette question. Même au sein de nos études, on nous pousse de plus en plus vers les questions d’urbanisme, de faire un travail d’architecte qui prend en compte une idée globale de l’urbanisme, une vision de ce que pourrait devenir la ville. Est ce que vous pensez que c’est peut être une évolution du métier d’architecte? .. de se poser réellement la question de ce qu’est la ville et de comment elle peut se développer? Pour moi, l’architecte ne peut plus rester ce qu’il est, il est complètement archaïque. Et je pense même que l’enseignement de l’école d’architecture est archaïque. Je pense que là c’est un vrai sujet, la profession est “à côté de ses pompes”. Ici je défends souvent le fait qu’Arc en Rêve ne soit pas un centre pour les architectes, mais c’est un centre d’architecture. Les architectes ont un rôle et je suis le premier à revendiquer cela mais ce n’est peut être pas tout à fait les architectes que l’on forme dans les écoles d’architecture, ce n’est pas tout à fait des architectes de l’ordre. Aujourd’hui, il y a un déficit, le bilan est négatif, les architectes ont une responsabilité énorme là-dedans. Moi j’ai souvent rencontré des maires qui me disent : “j’ai tout fait, ce bâtiment est mauvais, ne marche pas; et j’ai tout fait : un concours, je suis allé voir un architecte. J’ai tout fait dans les règles. Pourquoi ça ne marche pas? “. Souvent les élus le disent. Donc ça ne suffit pas, les maires ,qui disent cela, oublient qu’ils ont un rôle; ils ont été très captifs , ils doivent être actifs, ça ne s’improvise pas la maîtrise d’ouvrage. Voilà. Moi je considère que même si les architectes restent au centre du dispositif, ils ne le resteront pas longtemps s’il n’y a pas .. ou on fera pas grand chose de très bien s’il n’y a pas un remise en question radicale. Alors effectivement c’est difficile, dans les années 60 les architectes étaient les rois; or là au contraire c’est les derniers, ils sont souvent traités avec beaucoup de mépris par la maîtrise d’ouvrage. Il y a un soucis, une crise de confiance, je crois. Une crise du savoir faire et une crise de confiance voilà. On ne fait rien sans un tandem maîtrise d’oeuvre/ maîtrise d’ouvrage, sans un travail collectif, les choses sont de plus en plus compliqués, le statut artisan de l’architecte s’est.... bon je fait un tableau un peu noir, je pense il y a des agences, des structures qui font un excellent travail, qui ont dépassé cela mais elles restent marginales. Pour revenir un petit peu sur la réception que peut avoir le grand public, nous parlions d’images, de l’identité de la ville. Est ce que vous pensez que finalement tout ce qui peut être la communication des projets, celle des concours contribue à l’image que va se faire le grand public? Est ce qu’il y a des outils qui finalement qui selon vous vont plus toucher le public? qui sont plus à même d’exprimer un projet dans la phase où le projet est entrain de se faire? Est ce que vous avez constater qu’il existe des outils qui donnent plus d’information? qui sont plus porteur d’une image pour la ville? C’est compliqué, je pense à l’exposition que l’on a fait il n’y a pas si longtemps sur Bordeaux euratlantique qui a restitué la consultation, où l’on a fait un effort et on a investit dans ce que l’on communiquait; c’est à dire on a convaincu l’OPA de communiquer autre chose que les panneaux de concours. Voilà et on a investit un peu d’argent dans quelqu’un qui a analysé, qui a .... bon c’est pas, comment dire que les choses.. comment exprimer cette contradiction .. ou comment rappeler aux gens qui accrochent souvent au projet de vues des architectes que c’est bizarre de dire ça.. c’est assez paradoxale.. que tout se passera différemment, que le quartier qu’ils auront sous les yeux sera certainement différent. Et ça c’est un vrai sujet,donc il faut relativiser, effectivement, les résultat d’un concours ou d’un avant projet et ses intentions. Cela c’est la chose la plus difficile, médiatiquement les gens ont une vision. Et puis l’informel, l’aléatoire dont je parlais
n’est jamais très rassurant pour personne, ni pour les habitants, ni pour les politiques; livrer ce type de message ce n’est pas très efficace. Concernant les outils, on peut faire mieux, c’est en montrant le contexte des projets peut être, en s’attachant, en rappelant toujours qu’un contexte a sa part d’impalpable. D’abord un contexte, c’est d’abord des humais, les personnes d’un territoire. Cela vient sans doute aussi, du fait que l’on travaille de plus en plus les marges, les friches urbaines, friches industrielles....; finalement la périphérie est presque une grande friche mais qui n’est pas dépourvue de valeur, c’est ce qu’il faut aussi démontrer. Rappeler aux gens, que la ville c’est autre chose que la ville centre. Que leur ville c’est aussi la périphérie, qu’elle a une valeur qui n’est pas la même que la ville historique, qui n’est pas fondé sur les mêmes idées mais qu’à partir du moment où un territoire est habité, traversé, vu il a une valeur. Donc je pense ce qui est important lorsque l’on montre un projet urbain constitué, c’est d’insister.. de consacrer au moins 50% au contexte, pour faire passer un message relativisé peut-être, expliquer que tout cela se fera mais sûrement pas comme cela est prévu et à certaines conditions. Mais que c’est aussi les règles du jeu de partir de quelque chose,des règles du jeu qui sont proposées par l’architecte; règles du jeu dans la fabrication, règles du jeu dans l’objet produit urbain ou architectural. Le travail que l’on fait... je pense que les mieux placés pour montrer cela, ce sont les artistes: c’est beaucoup plus important d’avoir un travail ou une vision d’un artiste sur un quartier que d’en faire l’inventaire documentaire. Parce que l’oeil de l’artiste, de part sa position si il est bien choisit, révèle la part d’irrationnel, évidement de façon non-exhaustive mais ça ce n’est pas grave. Donc l’artiste serait un peu plus démocratique? peut-être plus accessible que l’architecte? Pas toujours, c’est l’artiste bien choisit. Evidement, il faut que l’oeuvre... ça aussi c’est un autre débat. Mais je pense que l’idée d’avoir un regard de l’artiste et la place de l’artiste dans le projet urbain est très importante. Pas comme producteur d’objet mais plutôt comme producteur de situations. Et par rapport à cela, on voit qu’il y a une évolution de la manière de communiquer des architectes. Est ce que vous penser... par exemple dans tout ce qui est de l’ordre de l’urbanisme et même de la conception des projets, on est passé de la planification qui passait énormément par l’expression en plan, aux perspectives et images 3D qui permettaient de se projeter et maintenant on voit émerger dans les nouvelles agences tout ce qui peut-être de l’ordre des schémas et de nouvelles façon d’exprimer un projet, qui sont aussi plus accessible au grand public que des moyens de communication utilisés pas les architectes de manière plus technique avec les professionnels. Et que peut-être cette démarche est également celle de démocratiser l’action de l’architecte? avec d’autres outil de communication, en proposant une nouvelle manière qui permet de plus parler au grand public? Oui c’est vrai. Il y a une évolution des moyens de communication, mais sûrement... pas toujours dans ce sens là, je pense par exemple aux images de synthèse qui sont presque un contre-exemple... J’aurai également voulu savoir, aujourd’hui quel retour avez vous sur votre expérience? Si vous deviez mettre des mots sur l’expérience du projet urbain à Bordeaux? Et suite à votre expérience, quelles sont vos espérances pour la suite du projet? Les projets urbains, conduis jusqu’ici, ont le mérite d’avoir été fait, il fallait un certain courage pour les faire. Mais je pense qu’ils n’ont pas été assez loin, notamment dans leur expression. Et je pense qu’aujourd’hui il faut passer à autre chose et à une vitesse supérieure; si on ne veut pas délaisser les 2/3 de l’agglomération, qu’il n’y ait pas de territoires et d’habitants de côté. Je pense que c’est un pari sur l’avenir, ce ne sont pas des grands plans totalitaires; mais c’est plus un travail à grande échelle, des actes métropolitains à poser, des actes plus que des plans d’ailleurs. Et après il faut y associer le travail “micro” à faire avec les gens, qui doit participer à tisser ou à fabriquer une ville que l’on ne connaît pas aujourd’hui, à la fois formellement mais aussi dans les relations entre les gens: c’est le logement, c’est les projets économiques, les lieux de travail qui accompagnent, les équipements publics... Et puis il ya aussi cette idée qu’il y a de grands éléments fédérateurs que sont les quais, les parcs, les jardins, les grandes friches; et que voilà on peut.. je pense qu’ont peut réinvestir tous ces territoires là avec un autre regard, d’autres méthodes. Un autre regard sur les gens et tous ces aspects, cela veut dire élaborer des stratégies différentes, qui soient plus des stratégies sectorisées, zonées; parce qu’on est passé de zonning à une autre forme de zonning plus politiquement correct mais on est toujours un peu dans le zonning avec le projet urbain. Moi je pense que les projets doivent traverser le territoire, pas de façon uniforme il doit y avoir des intensités urbaines, il doit y avoir des densités urbaines, à chaque fois avec des modes d’actions appropriés, avec des échelles... Il faut sortir des idées toutes faites de la continuité, des espèces de glacis R+5 qui se développent comme ça à partir du centre. On peut faire coïncider nature et grande hauteur, des 25/30 étages en bordure des espaces de nature, on peut faire cohabiter du R+1 au R+30, que tout cela c’est compatible et même des fois intéressant. Il faut arrêter de dire qu’en dehors de la maison individuelle il n’y a pas de salut, il ne faut pas interdire la maison individuelle mais il faut offrir de vrais appartements dans les collectifs, il faut réhabiliter l’image des collectifs. Voilà, d’une part il y a le collectif horizontal, d’autre part le collectif vertical et pour la maison individuelle il n’y a pas que les lotissements comme forme de l’habitat individuel. Et puis il faut expérimenter, diversifier, il ne faut plus poser la question quand on loue ou on achète un logement: on va dans une agence immobilière et on dit “j’habite dans du neuf ou de l’ancien, j’ai T1/T2/T3...”. Je pense qu’il ne faut plus être dans ces shémas là, et on doit pouvoir fournir autant de façon d’habiter que d’habitant. Donc il faut une très grande diversité, il faut sortir de ces shémas tout fait . Il faut réfléchir à la gestion de l’espace public, il faut abandonner cette façon de traiter uniformément par exemple la voirie: il ya des endroits où il n’y a pas besoin de voirie et il y a des endroits où on a encore plus besoin que ce que l’on fait aujourd’hui. Il faut investir plus que jamais de la matière grise, il faut faire les choses simplement sans prétention, il faut tirer partis au maximum de l’expérience. Pourquoi toujours réaménager, refaire? Il y a des lieux
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qui fonctionnent très bien avec très peu de choses. Il faut mutualiser absolument, sortir des frontières entre espace public/ espace privé, il peut y avoir des espaces publics entretenus par des privés, il peut y avoir des espaces publics mis à disposition par les privés pour le public. Voilà. Il faut laisser place à l’invention, à l’imagination. Ce n’est pas facile je le reconnais, c’est plus facile à dire qu’à faire mais je pense c’est une autre forme d’occupation, une autre façon d’habiter la ville. Je pense qu’on pas le choix parce qu’on a plus les moyens, on a vécu au dessus de nos moyens pendant des années, qu’il faut arrêter de mettre l’argent là où c’est tout fait inutile, de mettre ça dans des matériaux.. Des fois il faut savoir mettre de l’ argent quand c’est nécessaire mais pas quand c’est inutile; moi je considère que c’est un peu un gâchis, il y a beaucoup de chose qui sont de l’ordre du gâchis, il faut arrêter avec ce luxe incroyable qui est mis dans l’espace public. Les architectes ont beaucoup de leçon de modestie à recevoir. Ce qui ne veut pas dire, tirer les choses par le bas, au contraire on doit avoir une autre ambition intellectuelle. On doit investir plus dans la réflexion,pas au service d’un style mais plutôt des habitants. Les villes doivent avoir une identité propre, et ça ce n’est pas les habitants qui vont la donner mais elle peut par contre être susciter par les architectes et permettre l’appropriation. Les choses se font collectivement, c’est important, d’où la culture qui doit être au centre du dispositif. Une culture contemporaine, on vit trop en particulier à Bordeaux sur la ville historique, qui est très protégée évidement mais qui doit nous encourager à construire une ville d’aujourd’hui, d’une qualité égale. On a eu tendance ces dernière années, à tout figer, la ville de pierre c’est quelque chose de monstrueu, elle est muséographiée et figée. La ville de pierre est une erreur. Les acteurs sont nombreux et effectivement les marges d’incertitude et d’aléatoire, y compris économique,sont plus que jamais présentes. Mais ce n’est pas une vision pessimiste, je pense que c’est une vision réaliste pour aller plus vite et plus loin. Et en tout cas ce n’est plus seulement la ville des urbanistes ou des architectes.
ANNEXE 7 RETRANSCRIPTION ENTRETIEN RÉALISÉ PAR COURRIEL _Michèle LARÜE CHARLUS_Direction Générale de l’Aménagement_ DGA Bordeaux Entretien courriel_ le 4 avril 2012_ 1.phase 1_ LES QUAIS Le projet des quais représente un réel changement dans les pratiques de l’espace urbain bordelais mais également dans l’image que les habitants avaient de leur ville. La vie de la ville s’est retournée vers le fleuve en transformant un espace portuaire en réel espace public. Ainsi la réception par le grand public était un enjeu de grande importance, avez vous développé une stratégie de communication au grand public particulière? Nous avons eu une stratégie de communication particulière en ce sens que, dans la première phase, nous n’avons pas communiqué du tout. La ville a enlevé les grilles du Port et le public a envahi les quais. Elle a installé un marché et réalisé une mise au propre provisoire. Le public était donc présent sur les quais avant même le début des travaux. Mais comme il investissait cet espace pour la première fois, certaines personnes pensaient que l’aménagement était déjà en cours et le maire raconte souvent que les Bordelais le félicitaient pour les quais alors même que rien n’était commencé. Par la suite, une fois les travaux en cours, la communauté urbaine a communiqué avec un journal des quais. En réalité ce qui a fait le succès des quais était la nécessité qu’il y avait à les ouvrir au public. Une communication institutionnelle était inutile. Les meilleurs atouts ont été : l’installation d’un grand écran sur le pignon du H13 (démoli depuis) pour la retransmission des matchs de la coupe du monde en 98, le ravalement de la façade des quais, les grandes fêtes (fleuve et vin). Quand le parc des sports a ouvert (2009), le jour même où l’on a enlevé les barrières de chantier, les espaces sportifs ont été envahis par des milliers de personnes. L’inauguration n’a eu lieu que plusieurs semaines plus tard, et elle aurait pu ne pas avoir lieu, cela n’aurait rien changé… 2.phase2_BORDEAUX MÉTROPOLE Lors de cette deuxième phase du projet urbain bordelais, on assiste à une communication accrue auprès des habitants notamment par la publication de brochures et de livres par la DGA. Quelle est la stratégie de communication développée? par quels outils? La rédaction du projet urbain n’est pas la réponse à une stratégie de communication. C’est plutôt l’inverse. Une fois le projet urbain écrit – ce qui est une nécessité première pour les services et les élus – nous nous sommes demandés comment le faire connaître. Sa communication a été très simple : conférence de presse, présentation en plénière de conseils de quartiers, présentation au monde économique, présentation au monde de l’aménagement (promoteurs, bailleurs sociaux, architectes, aménageurs). Le projet urbain, tiré à 15 000 exemplaires, a été réédité une année après à 5000 exemplaires. Il ne le sera pas à nouveau dans la mesure où il est déjà obsolète dans ses détails. En 2011, la Direction Générale de l’Aménagement a publié « Habiter Bordeaux » deuxième volume, territorialisé, du projet urbain. Il a fait l’objet de la même communication. Parallèlement, la DGA publie des « Portraits de quartiers » vendus en librairie qui détaillent le projet par quartier et met en valeur ses habitants et ses initiatives privées. Dans le cadre des études urbaines qu’elle mène sur certains de ses territoires, la DGA organise des concertations avec les habitants. Ces concertations donnent lieu à l’édition de livrets pour chacun des 8 territoires concernés. La DGA en a pour l’instant édité 18. Ils sont gratuits. Enfin en juin 2011, la DGA a ouvert un site internet www.bordeaux2030.fr. 3. AU SEIN DE LA DGA J’ai rencontré Mr Drouin d’A’urba, qui m’a appris que les cartes et documents fournis par l’agence d’urbanisme étaient très souvent retravaillés avant la communication au grand public. Existe-t-il un service voué à la communication? au retraitement en vue d’une diffusion au grand public? Nous ne travaillons pas les cartes de l’AURBA car la ville ne dispose pas de cartographe… Et les cartes de l’AURBA sont en général très belles. Est-ce un nouveau métier, né de cette nouvelle démarche de concertation des habitants? Non ce n’est pas un nouveau métier. Mais les urbanistes aujourd’hui ne peuvent plus travailler comme ils le faisaient il y a encore 20 ans. A la DGA, tous les urbanistes sont jeunes et paraissent trouver la démarche naturelle, même si elle est poussée très loin à la DGA, sans doute plus loin que dans d’autres collectivités.
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4. VOTRE AVIS / VOTRE PRISME Selon vous quels sont les supports ou les outils de communication les plus efficaces vis à vis du grand public? Je n’en ai aucune idée ! Je suis persuadée que le travail de dialogue suivi dans le temps avec les habitants est la meilleure façon pour créer un climat de confiance. Et ce climat de confiance permet de comprendre les objectifs de la ville et donc le projet urbain. Mais, même si les concertations mobilisent beaucoup de personnes, cela reste évidemment marginal par rapport à l’ensemble de la population. Finalement, pour un projet urbain, la meilleure communication, ce sont les grues ! Enfin je demande à chaque acteur interrogé de me donner en quelques mots (4 à 5 mots) sa définition: - du projet urbain? Global, ancré, partagé, ambitieux, politique. - du projet urbain à Bordeaux? Mêmes définitions. C’est dans les détails que le projet urbain de Bordeaux est bordelais et donc unique.
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