ROUBAIX RAVIVER LE QUARTIER DU PILE PAR LA DYNAMIQUE SOCIALE TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDES // ÉMILIE SAUVEUR Directeur de mémoire : Marc Claramunt Année 2013 // 2014
L’école Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage 1
MEMBRES DU JURY PRÉSIDENT DE JURY
. Bruno Ricard, ingénieur - hydraulique, enseignant en sciences et techniques de l’eau à l’ENSNP
DIRECTEUR DE MÉMOIRE
. Marc Claramunt, paysagiste DPLG, enseignant en projet de paysage à l’ENSNP
PROFESSEUR ASSOCIÉE
. Lolita Voisin, Ingénieur-paysagiste, docteur en aménagement de l’espace-urbanisme et enseignante en stratégie d’acteurs appliquée au projet de paysage à l’ENSNP
RAVIVER LE QUARTIER DU PILE PAR LA DYNAMIQUE SOCIALE TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDES - ÉMILIE SAUVEUR
BRUXELLES PARIS
QUARTIER DU PILE À 7km de Lille, la ville de Roubaix se situe dans la région Nord/Pas-deCalais. Peu marquée par le relief, elle s’inscrit au coeur de la Métropole lilloise, un paysage urbain dense. Le quartier du Pile est inclus dans le périmètre d’une Zone Urbaine Sensible (ZUS) et concentre sur une cinquantaine d’hectares un taux de chômage supérieur à 40%. Construit lors de l’essor industriel, le tissu urbain du Pile extrêmement serré concerne 7000 habitants. La densité de population s’élève à 10700 habitants/km2, presque deux fois plus qu’à Roubaix.
LILLE
N 500 m
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TOURCOING
WATTRELOS QUARTIER DU PILE
ROUBAIX
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SOMMAIRE 1 - APPROCHES
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. Prémices - Le parti-pris de paysagiste . Orientations - Entre social et spatial . Indices - Le Pile, un quartier dans la sensibilité . Premiers regards
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2 - LE CONTEXTE ROUBAISIEN : ENTRE SOUFFRANCE ET SOLIDARITÉ
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. Les origines : du hameau rural au quartier ouvrier du Pile . L’apogée de l’industrie : lorsque l’usine fait la ville . La période de l’instabilité : les premières failles et la volonté d’effacer le passé . Le déclin : une crise à l’échelle de la ville . La volonté du renouvellement : un échec pour le Pile . Le dernier espoir : le projet communautaire du PNRQAD . Le bilan : entre espoir et réalité
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3 - LE REGARD RENVERSÉ : DÉCOUVERTE DES POSSIBILITÉS
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. Méthode du renversement : détecter les leviers favorables au quartier . Les opportunités spatiales . Les opportunités sociales . Spacialiser le système insoupçonné
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4 - LA TACTIQUE EXPÉRIMENTÉE
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Démarche de la tactique Définition des enjeux Explication des intentions de projets Mise en place des actions
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CARNET DE RÉFÉRENCES
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1. APPROCHES Je me suis prêtée au jeu de laisser parler ma sensibilité lorsque j’ai parcouru le Pile. Sans mettre de côté mes questionnements de départ, je suis allée à la rencontre de ce quartier et des gens qui l’animent. Malgré son image de «ghetto» concentrant la misère de Roubaix, ce site m’a montré une autre facette dont je ne soupçonnais pas l’existence. La solidarité et l’énergie qui s’en dégage montrent que ces lieux possèdent encore une grande part d’humanité. C’est à ce moment là que j’ai pris conscience des possibilités d’intervention. Maintenant, je sais que le projet ne pourra se construire de manière classique. Je dois faire avec l’extrême complexité de l’existant. S’initier à un site par le regard du paysagiste.
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. PRÉMICES LE PARTI-PRIS DE PAYSAGISTE La découverte du site est un instant précieux. Ce fut pour moi une évidence d’arriver à Roubaix avec une certaine insouciance, sans jugement déjà préconçu par les idées reçues que l’on peut avoir sur la ville la plus pauvre de France. Ce regard, presque naïf, est essentiel pour avoir une lecture décloisonnée. Cette véritable prise de conscience fut une étape qui me permis de comprendre le fonctionnement complexe de ce site. La transversalité de l’observation des différents domaines que ce lieu exprime fut, pour moi, un déclic qui me conduit à démêler cet
enchevêtrement de contraintes spatiales, économiques, sociales, politiques et historiques. Elle déclenche une réflexion à la croisée de différents domaines, reflet de la complexité actuelle du quartier du Pile. En me positionnant comme médiateur, j’expérimente une méthode visant à améliorer le quotidien par le dialogue des habitants d’un quartier stigmatisé et victime de son passé. La rencontre avec les gens permet de soulever les particularités du site et les savoirfaire de chacun afin de les mettre au service du projet. En se situant ainsi à la charnière de
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différents domaines, le paysagiste cherche à organiser spatialement un fonctionnement humain et non de répondre à des questions d’ordre sociologique. Son rôle consiste à agir sur le cadre de vie au travers d’actions ponctuelles en s’appuyant sur les réalités du site et les besoins des usagers. L’idée est de mêler les regards pour faire ressortir les intensités présentes sur le quartier du Pile et pour pouvoir les amplifier à travers une requalification de l’espace public.
. ORIENTATIONS INTERVENTIONS SOCIALES ET SPATIALES « La ville est aujourd’hui partout, sinon dans sa matérialité, du moins comme fait de société. Elle est à la fois territoire et unité de vie collective, milieu et enjeu, cadre physique et nœud de relations entre les êtres sociaux. » Yves GRAFMEYER, Sociologie urbaine. C’est l’intention de modeler le paysage urbain qui m’a poussée à m’intéresser à l’humain. En effet, la ville est un système qui s’articule entre un cadre matériel, l’espace, et des dynamiques sociales, les modes de vie des usagers. Je reste convaincue que ce sont les pratiques, les parcours et les habitudes de chacun qui participent à la modification de l’espace du quotidien. La ville est bien un territoire de confrontations entre ceux qui l’habitent et ceux qui le gouvernent. C’est pourquoi je me suis donc questionnée sur les interactions des dimensions humaines et politiques sur l’espace public. En partant de cette réflexion, je me suis intéressée aux quartiers dits « sensibles ». Pour la plupart enclavés et délaissés des politiques d’aménagement, ils s’inscrivent dans
un processus de détresse extrême en accumulant les difficultés socioéconomiques. Ils sont vus comme les recoins sinistres des villes, là où se cache la misère. C’est ainsi que j’ai découvert le Pile, un territoire replié sur lui-même. Reflet du développement industriel considérable de Roubaix, ce vieux quartier populaire se compose de nombreuses rangées de maisons mitoyennes pour la plupart dégradées voire abandonnées. Complètement effacé des mesures de renouvellement urbain, le Pile souffre d’une image extrêmement dévalorisante, infligeant à ceux qui l’habitent un pessimisme implacable. Malgré l’usure physique du quartier, les habitants sont dans l’espoir et l’envie de dépasser cette situation. C’est dans ce contexte complexe que je me suis interrogée sur ma légitimité
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à intervenir sur un tel territoire. Faire avec les usagers et les moyens du bord pour relancer une dynamique de quartier s’avère être une nécessité :
Comment un projet de paysage peut-il influencer la qualité de vie d’un quartier asphyxié grâce à l’énergie de ses habitants ? La priorité est de mettre en place un réseau d’acteurs solidaires et décidés à agir rapidement pour renverser l’image du quartier en s’appuyant sur ses atouts. Cette expérimentation en matière de projet de paysage visant à modeler l’espace public serait une première alternative pour susciter la poésie et l’esthétique dans un quartier déprimé, tout en répondant aux besoins primordiaux de ses usagers.
Un tas de legos abandonnĂŠ sur le trottoir. 13
. INDICES LE PILE , UN QUARTIER DANS LA SENSIBILITÉ En général, quand on parle de quartier sensible, on a tout de suite l’image des grands ensembles de la banlieue parisienne, un paysage vertical. Je vous emmène dans le même genre de lieu, mais dans un paysage à l’horizontal.
BIENVENUE DANS LE QUARTIER DU PILE. Je vous propose une rencontre avec un fragment de la ville la plus pauvre de France. J’ai voulu dévoiler ce que pouvait être l’essence de ce site : une accumulation d’ambiguïtés, un entrelacs de détails reflètant les gens qui vivent cette complexité. Le Pile, c’est le quartier où personne ne veut aller et encore moins habiter. On en parle comme d’un endroit sale, triste, dangereux et qui « craint ». On me conseille de fermer mon sac et de ne pas m’attarder. Je comprends alors rapidement que je dois m’attendre au pire. À quelques pas du centre-ville de Roubaix, j’entre au Pile comme si je me trouvais en dehors de la ville. Le
long des boulevards s’enchaînent des alignements de petites maisons mitoyennes, pour la plupart délabrées. D’ailleurs, certaines fenêtres sont murées. Au cœur des îlots, les habitants ont investi l’espace réservé initialement au jardin pour construire des baraquements faits de bric et de broc. Aux angles, les anciens commerces ont fermé laissant place à la friche. Sur les trottoirs s’empilent des chaises, des débris et des ordures. Les rues sont envahies par la voiture. Quelques sheds et cheminées se découpent dans le ciel. Tout semble éteint. L’horizon est masqué par cet enchevêtrement de bâtiments. À certains endroits, une courée, formée par un couloir de briques sombre, aspire vers le cœur des îlots. Et pourtant, un marché anime l’unique place du quartier. Une gamelle traîne sur l’espace public. Des jardins partagés se détachent des recoins. Une femme prend le temps de m’accompagner jusqu’au canal où une ébauche de promenade se laisse entrevoir. Le square laisse entendre les cris d’enfants qui jouent. Des habitants se retrouvent pour boire un café sur le pas de leurs portes. Tout cela semble échapper à l’asphyxie de ce quartier abîmé. 14 Un signe d’appropriation de l’espace public comme territoire
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« Murs de briques ou de parpaings donnant sur des pelouses pelées, maisons de briques en cours d’expropriation aux fenêtres occultées, courées envahies d’herbes folles où une chaise en plastique moulé prend la pose devant un ailante, maison brusquement repeinte couleur prune, café d’angle fermé (Le Casting) dans une maison fantôme proche du canal (...). » Jean-Christophe BAILLY, Le Dépaysement - Voyages en France 18
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. PREMIERS REGARDS CARTE SENSIBLE DU QUARTIER DU PILE
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1 .LE CANAL SILENCIEUX
Le long du Canal de Roubaix, une promenade est lisible en pointillé.
2 .LA COUPURE DE LA FRICHE FERROVIAIRE
Du haut d’un pont, une impressionnante masse végétale se dessine sur les rives du Canal. Pourtant, les broussailles m’empêchent de la traverser.
3 .LA FRANGE INDUSTRIELLE
Entre le canal et le boulevard Beaurepaire, je longe une mosaïque d’entrepôts, d’usines, d’entreprises crachant leur flot de camions sur les voies de circulation.
4 .L’ARTÈRE PRINCIPALE
Cette artère principale dessine la limite entre la frange industrielle et le tissu résidentiel très dense.
5 .LE DÉDALE DU PILE
Au fil des rues, tout se ressemble. Une succession de petites maisons en briques plus ou moins abîmées, de courées, d’impasses et de friches. Difficile de trouver des points de repères.
6 .LE MONUMENT DES ARTS
Clinquant, ce bâtiment industriel aux briques colorées s’impose sur la petite place. Sa galerie accueille en ce moment une exposition sur l’art urbain.
7 .LA CITÉ FLIPO
Ce n’est ni une impasse, ni une courée. Passant à travers le porche sombre, je traverse la cité Flipo où la limite floue entre espace privé et espace public s’efface.
8 .LA FRICHE À LA CHEMINÉE
Ancienne teinturerie, cette friche a été partiellement aménagée par un vague chemin où les jeunes se retrouvent. Un petit jardin est entretenu par les habitants en partenariat avec la Maison du projet.
9 .LA PLACE DU VILLAGE
Cernée par un mail de platanes, l’immense place reste déserte sauf quand le marché l’occupe. Elle m’apparaît comme une respiration dans ce tissu ultra-dense.
10. LE SQUARE ANIMÉ
Unique espace planté, j’observe les enfants jouer dans ce square plutôt classique. Quelques immeubles donnent sur la pelouse déserte.
11 .LE BOULEVARD HERMÉTIQUE
On le longe mais on ne le traverse pas. Il s’affirme comme une limite infranchissable.
12 .LA RUE INTERMINABLE
Cadré de part et d’autre de cette rue deux interminables alignements de maisons en brique, l’horizon est invisible. Cet axe principal, encombré ne semble jamais se terminé. 21
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2 - LE CONTEXTE ROUBAISIEN : ENTRE SOUFFRANCE ET SOLIDARITÉ Dans un premier temps, je me suis attachée à décrypter le quartier du Pile par son histoire marquée par la conquête de l’industrie et les nombreux actes politiques. Dérouler les événements passés et comment les hommes ont façonné ce bout de territoire urbain fut la première étape pour comprendre l’état d’esprit et le contexte social qui font l’essence de ce site aujourd’hui. Creuser le passé pour appréhender les conditions actuelles.
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. LES ORIGINES DU HAMEAU RURAL AU QUARTIER OUVRIER DU PILE
Gravure du XVIIIe siècle - Panorama du bourg rural de Roubaix implanté le long du Trichon regroupant de grosses fermes spécialisées dans la confection du fil et du tissu
LA SPÉCIALISATION DANS LE SECTEUR DU TEXTILE Peu marqués par le relief, Roubaix et ses hameaux, dont le Pile fait partie, se sont développés le long de la vallée argileuse du Trichon. Pour pallier la difficulté de ces territoires gorgés par l’eau, les paysans ont réagi face à cette contrainte en cultivant le lin et en élevant des moutons. Ils alternaient les activités agricoles avec la confection du fil et du tissu pour subvenir à leurs besoins. Grâce à ce savoir-faire et à sa situation privilégiée à proximité de l’Angleterre et de la Belgique, cette ville s’est depuis toujours enrichie grâce à l’élaboration du textile.
Les innovations techniques au début du XIXe siècle, comme la machine à vapeur (1820) et le métier à tisser Jacquard (1828), ont permis aux tisserands de se regrouper au sein de fabriques. Ce nouveau fonctionnement a déclenché un véritable surcroît de la production du textile en France sur lequel Roubaix s’est appuyé pour se développer. Plusieurs lignes de chemin de fer ainsi qu’un canal sont aménagés afin de faciliter l’approvisionnement des usines en charbon. Ces signes sont les prémices de la grande révolution industrielle qui affectera la ville irrémédiablement.
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UNE MAJORITÉ D’ÉTRANGERS Par leur développement naissant, les entreprises roubaisiennes ont requis de plus en plus de main d’oeuvre. Elles ont notamment fait appel aux techniciens et ouvriers belges issus des fabriques de Gand, subissant la concurrence française depuis l’indépendance de la Belgique en 1815. Afin de fixer ce flux de travailleurs étrangers au plus près de leur lieu de travail, les patrons ont construit les premières rangées de maisons mitoyennes le long des artères principales. En 40 ans, la population est alors passé de 8000 à 25000 habitants et la majorité était de nationalité belge.
L’INTÉGRATION DU PILE Avec la mécanisation du tissage vers 1840, l’industrie va connaître une explosion fulgurante. Elle permet un travail plus régulier des ouvriers ainsi qu’un accroissement rapide de la production. Les anciens hameaux auparavant indépendants de Roubaix ont été petit à petit happés par le déploiement des usines. Composé uniquement par le logement des ouvriers et quelques bâtiments réservés à la production du textile, le Pile s’est métamorphosé. Le torchis est remplacé par la brique, le Trichon est transformé en canal, les champs sont remblayés avec les stériles issus du Bassin minier, les fermes sont reconverties en habitat ouvrier, les fabriques en imposantes manufactures. Les cheminées crachaient dans le ciel leur fumée noire. Le paysage rustique a alors laissé la place à la ville active. Le hameau est devenu un quartier rythmé par le fonctionnement des usines. Roubaix a basculé dans une intensité presque incontrôlable qui s’est amplifiée au fil du temps.
Le hameau du Pile déconnecté de Roubaix jusqu’à la moitié du XIXe siècle - Carte d’État Major (1824) 25
. L’APOGÉE DE L’INDUSTRIE LORSQUE L’USINE FAIT LA VILLE ROUBAIX SOUMISE AUX VOLONTÉS DES INDUSTRIELS Au cours du XIXe siècle, la plupart des élus était issue du patronat, facilitant des décisions politiques du domaine public en faveur d’un fonctionnement privé. N’obéissant à aucun document d’urbanisme, les grandes firmes industrielles se sont accaparés la ville et ont implanté les usines selon leurs volontés. À cette époque, l’économie régissait le tracé des rues, des filatures et des logements. Par conséquent, Roubaix s’est étalé entre le canal et la voie de chemin de fer selon un urbanisme de «productivité», formant un tissu urbain particulièrement dense et complexe. Le découpage des sheds et des cheminées dans le ciel marquaient la silhouette de ce paysage de l’industrie. Roubaix a connu une expansion démesurée unique en France. Sa population a été multipliée par quinze (de 8000 à 123 000 habitants) au cours d’un siècle seulement ! Son développement a été si rapide qu’elle abandonne son caractère rural au profit de capitale du textile à la fin du XIXe siècle. En 1911, elle a d’ailleurs atteint son apogée en accueillant l’Exposition Universelle pour affirmer
la suprématie du secteur du textile. La vie sociale engendrée par le rythme des usines est devenue l’essence de ce qu’est la ville de Roubaix aujourd’hui. Le sentiment d’appartenance qu’en ont les habitants est très fortement
lié à une histoire humaine. Ancrée dans le paysage urbain et social, la mémoire de cette époque permet de garder espoir face aux réalités socio-économiques qui touchent les habitants actuels du Pile.
Roubaix est surnomée la « ville aux mille cheminées » en devenant capitale du textile. 26
LE QUARTIER DU PILE
27 Le Pile est principalement composĂŠ de logements ouvriers, on compte seulement trois usines sur le quartier - Plan de Roubaix (1899)
L’HABITAT OUVRIER : UNE IDENTITÉ ROUBAISIENNE Une des conséquences de ce développement industriel est le contraste très prononcé entre le monde du patronat privilégié et la masse ouvrière dans la précarité. En acquérant une grande fortune à la fin du XIXe siècle, les patrons se sont fait construire d’imposants hôtels particuliers ou maisons de maître à proximité de leurs manufactures. Ce sont les paysans roubaisiens, au profit de ces grands industriels, qui
se sont chargés du logement de la nombreuse main-d’oeuvre immigrée. En conservant les formes de l’ancien parcellaire en lanière, ils ont construit un habitat à moindre coût. Très vite, les usines se sont trouvées entourées de petites maisons accolées les unes aux autres dans lesquels vivaient les ouvriers, au plus proche de leur lieu de travail. La brique est le matériau caractéristique de cet habitat mitoyen n’excédant pas les deux étages. Dans la continuité du terrain, un jardin propre à chaque foyer était aménagé pour cultiver ses propres légumes.
1. Couloir sombre menant à la courée 2. La densité extrême des courées (photographies XXe siècle)
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Cependant, cela n’a pas suffit à loger cette affluence et, dans la hâte, on a construit les cœurs d’îlots pour remédier au manque de place. Les courées ne sont reliées à la rue que par un étroit passage couvert et sombre au bout duquel se trouvait une cour commune. Souvent insalubres par manque d’air et de lumière, elles présentaient des conditions d’hygiène déplorables. Ces cloaques où s’entassaient les familles de travailleurs pouvaient abriter la moitié de la population de la ville (on compte 1524 courées en 1912).
TYPOLOGIE DE L’HABITAT SUR RUE
TYPOLOGIE DE L’HABITAT EN COURÉE
Courée
Agencement d’une courée en cœur d’îlot.
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30 Le stationnement des voitures empiète sur la cour de la citÊ Flipo
Ces formes urbaines singulières marqueront pour toujours l’image de la ville et l’esprit de ses habitants. Le quartier populaire du Pile, composé principalement de logements ouvriers, comporte aujourd’hui quelques exemples remarquables issus de l’urbanisation de cette époque.
La cité Flipo : ensemble architectural présentant une typologie de logement ouvrier similaire et organisé autour d’une rue. Un porche souligne l’entrée de l’espace public approprié par les habitants. Les usages actuels ont conduit à une saturation de la rue par la voiture.
L’ensemble des îlots lanières révélant la densité extrême du Pile
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Les îlots lanières : petites maisons mitoyennes dont les façades mesurent entre 3,5 et 4,5 mètres de larges. Cette forme urbaine est trop dense pour les usages actuels et nécessiterait d’être remaniée. Les cœurs d’îlots sont d’ailleurs étouffés par des constructions improvisées par les habitants.
LE PILE, UN QUARTIERVILLAGE À L’ESPRIT DES HABITANTS La société ouvrière s’est basée sur la vie de l’usine qui a entretenu un rapport de proximité avec la maind’œuvre puisqu’elle a nourrit et a logé des milliers de familles. La qualité de vie des ouvriers était particulièrement difficile à cause de la
pénibilité du travail et de la médiocrité des salaires. Pour faire face aux conditions de vie miséreuses au Pile, les habitants trouvaient refuge dans la solidarité et dans la débrouille. Rapidement, une vie de quartier intense s’est développée et ce quartier populaire s’est apparenté plus à l’esprit d’un village à part entière que d’un morceau de ville. La rue Jules Guesde était l’artère commerçante. Un cabaret ou un estaminet se
La foule à la sortie de l’usine
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trouvait à l’angle de chaque îlot. Les associations et les syndicats étaient très actifs sur l’ensemble du quartier. De nombreuses fêtes, comme le carnaval et la braderie, animaient les rues. Au Pile, les habitants se sont rendus solidaires pour créer une vitalité et une identité au quartier. Cette force perdure toujours notamment grâce au réseau associatif qui maintient des actions d’entre-aides.
Les rues du Pile ont longtemps été investies par les habitants
33 Les habitants sont à l’initiative de nombreuses festivités
Le carnaval du Pile fut célébré en 1907
. LA PÉRIODE DE L’INSTABILITÉ LES PREMIÈRES FAILLES ET LA VOLONTÉ D’EFFACER LE PASSÉ VERS LE BASCULEMENT À la veille de la Première Guerre Mondiale, Roubaix et son industrie textile ont subi un affaiblissement dû à la succession de nombreuses crises et de mouvements sociaux. Cette période d’instabilité et de tensions internationales ont marqué le début de la récession d’une part, à cause de l’émergence de nouveaux pays en voie de développement et d’autre part, de l’apparition des textiles synthétiques qui ont mis en péril les principales filatures.
À partir des années 1920, les grandes opérations de renouvellement urbain sont lancées pour remédier aux problèmes d’insalubrité des courées et améliorer les conditions de vie de ses habitants. On a construit de nouveaux logements sociaux sous la forme de collectifs d’abord de type HBM (Habitation Bon Marché) puis HLM (Habitation à Loyer Modéré). Ces grands travaux se sont surtout déroulés dans les quartiers de l’Alma, de l’Anseele et des Trois-Ponts.
LE RENOUVELLEMENT URBAIN TOURNE LE DOS AU PILE
Seule l’opération du square Destombes a concerné le quartier du Pile alors que la majeure partier du bâti datant de la fin du XIXe siècle était déjà vétuste.
Dans ce contexte difficile de crise, une majeure partie du logement ouvrier a commençé à péricliter. Par ailleurs, ayant connu un développement accéléré, la ville a souffert de sa forte densification. Le tissu urbain s’est retrouvé totalement saturé. Dans un souci de modernisme et d’hygiénisme, aérer la ville en faisant table-rase des bouleversements passés devient une nécessité.
Délaissé des chantiers, le Pile a conservé son image de quartier populaire et a constitué un refuge pour la vague d’immigrés algériens dans les années 60, qui ont logé dans les nombreuses courées privées d’eau et d’électricité. Les toilettes et l’accès à l’eau situés dans la cour étaient encore communs à cette époque !
Les courées insalubres sont condamnées
Les courées sont rasées à l’initiative d’un Nouveau Roubaix
La mutation de l’image de la ville par la construction des logements sociaux 34
QUARTIER ANSEELE LES ÎLOTS LANIÈRES
QUARTIER DES TROIS - PONTS
OPÉRATION DU SQUARE DESTOMBES
Seulement 80 logements seront construits sur le Pile en 1952 - Photo aérienne de 1962
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. LE DÉCLIN UNE CRISE À L’ÉCHELLE DE LA VILLE LA FIN DE L’EMPIRE DU TEXTILE Avec la crise due au choc pétrolier en 1973, Roubaix est touchée de plein fouet par le déclin du secteur textile subissant une concurrence internationale de plus en plus sévère. Le matériel obsolète et l’évolution de la demande ont entraîné de nombreux licenciements. Spécialisées dans un domaine unique, les entreprises ont eu des difficultés à se reconvertir et toute la ville a basculé dans la déprime avec des taux de chômage très élevés. Les usines ont délocalisé leur production à l’étranger puis ont été rasées. Les premières friches industrielles sont apparues. Les propriétaires ayant perdu leur emploi ont rencontré des difficultés pour entretenir leurs maisons qui
À la fin des années 70, le Pile n’a quasiment pas été modifié depuis l’essor industriel de la ville. Les maisons datent de la fin du XIXe siècle. 37
se délabraient progressivement. Les commerces ont tenté de résister pour conserver une vie de quartier mais ont malheureusement du fermer leurs portes. À la fin des années 70, le Pile est devenu un quartier en souffrance concentrant la pauvreté, le chômage, la misère et ne possédait pas une bonne réputation. Malgré l’énergie des habitants pour reconstruire le quartier en pleine décrépitude, la municipalité a fait des choix politiques d’aménagement qui ne se sont pas portés sur le Pile. Désemparés par la situation, les habitants du Pile se sont sentis oubliés, alors que les conditions socio-économiques déplorables empiraient.
. LA VOLONTÉ DU RENOUVELLEMENT UNE DÉFAITE POUR LE PILE CRÉATION D’UNE COMMUNAUTÉ URBAINE : LA LMCU Tourcoing
Suite aux difficultés rencontrées issues du déclin industriel, les communes du département du Nord se sentent désemparées et ont le désir de lancer un grand projet de reconversion collectif en créant en 1967 une communauté urbaine : la LMCU (Lille Métropole Communauté Urbaine). Aujourd’hui présidée par Martine Aubry également maire de Lille, elle s’articule autour de trois pôles urbains majeurs : Lille, Roubaix et Tourcoing. Elle regroupe 85 communes, dont 60% sont rurales, et concerne 1 100 000 habitants.
ROUBAIX
Lille
La Métropole lilloise (Lille-Roubaix-Tourcoing) concerne la majorité du territoire de la LMCU
UN NOUVEL ÉLAN CULTUREL ET COMMERCIAL Pour lutter contre une situation économique difficile, Roubaix doit se reconvertir en investissant son patrimoine architectural, urbain et paysager. Elle décide de changer son image en développant une politique culturelle et commerciale en instaurant une ZPPAUP (Zone de Protection
du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager). En 2001, elle reçoit également le label de «Ville d’Art et d’Histoire», ce qui lui permet d’obtenir des financements pour la revalorisation d’éléments notoires de la période industrielle. La réhabilitation de la Piscine en musée est l’une des 38
belles réussites de reconversion de la ville. D’autre part, Roubaix favorise l’implantation de nouvelles activités à la fois dans le secteur du textile (recherche, création mode et vente par correspondance) et dans le domaine du tertiaire.
Le musée de la Piscine : un bel exemple de reconversion d’un bâtiment style Art Déco
39 La proximité avec la Belgique a permis la réussite économique de ce centre commercial
Au Pile, les premiers effets de ce renouvellement urbain sont visibles à deux endroits : - la Condition Publique : inscrit en 1998 à l’inventaire des monuments historiques, cet édifice remarquable avait pour vocation le conditionnement de la laine. Racheté par la LMCU, il fut réhabilité par Patrick Bouchain en équipement public à la fois lieu de création et de diffusion de l’expression culturelle.
Très emblématique pour le quartier du Pile, il lui tourne malheureusement le dos physiquement. - En 2006, OVH, une entreprise gérant des serveurs informatiques, investit une ancienne friche industrielle pour implanter son siège sur le quartier du Pile. Derrière des murs, elle s’isole en développant une activité quasiautarcique du reste du quartier en ayant sa propre crèche, son propre restaurant et en proposant
Les bâtiments d’OVH implantés le long du canal altèrent le cadre propice à la promenade 40
des emplois hautement qualifiés, inadaptés aux compétences des habitants du Pile. Malgré ces efforts, Roubaix reste la ville où personne ne souhaite habiter. Concentrant les difficultés sociales et économiques, très peu de promoteurs privés veulent investir ici. D’ailleurs, la moitié de la ville est classée en ZUS (Zone Urbaine Sensible) et le Pile est entièrement inclus dans ce périmètre.
41 L’entrée de la Condition Publique orientée vers le Boulevard Beaurepaire, «tournant le dos» au Pile
LA RÉSORPTION DE L’HABITAT : UN DÉFI IMPOSSIBLE AU PILE L’urgence est avant tout dans la réhabilitation des logements insalubres. Pour cela, la municipalité de Roubaix s’appuie sur la LMCU et ses financements pour mettre en place la politique de la Ville Renouvelée. Elle consiste à limiter l’étalement urbain en reconstruisant sur la ville existante notamment en requalifiant les friches industrielles et en réhabilitant l’habitat ancien dégradé. Dans les années 80, la mairie de Roubaix met en place un projet de
DSQ (Développement social des quartiers) afin de régler les problèmes liés à la résorption de l’habitat au Pile. Consciente de son patrimoine, la ville décide d’acquérir du foncier en misant sur un diagnostic exhaustif de chaque maison pour pouvoir lancer les travaux. Cette politique d’une mise en oeuvre «tout en dentelle» demande beaucoup de temps, car il faut attendre les expropriations des habitants avant de pouvoir agir. Trop éparpillées, les quelques
opérations de «micro-chirurgie» n’ont pas vraiment abouti à l’effet de renouvellement du quartier et sont plutôt vécues comme des échecs par les habitants car la majorité du Pile reste encore très vétuste. Trente ans plus tard, les logements vacants acquis par la Mairie ont été laissés à l’abandon et ont, en partie, contribué au délabrement progressif du quartier.
Échantillon des nouveaux bâtiments construit par les bailleurs sociaux ne répondant pas à l’esthétisme architectural du quartier 42
Propriété de la ville Ancienne propriété de la ville Friche 43 Beaucoup de friches et de logements vacants sont sur des terrains appartenant à la ville de Roubaix
Bâti vacant
N 50 m
. LE DERNIER ESPOIR LE PROJET COMMUNAUTAIRE DU PNRQAD LES GRANDES ORIENTATIONS Depuis plus de 30 ans, la question du logement a fait l’objet de nombreuses études urbaines lancées par la ville qui n’ont abouti qu’à une compilation surabondantes de documents, faute de moyens financiers. Cependant, on peut retenir quelques volontés urbanistiques cohérentes telles que: - création d’une percée en prolongeant la rue Jules Guesde - recomposition des îlots lanières - mise en place d’un réseau d’espaces verts ouvert sur le Canal en confortant de grands espaces de respiration (Place Carnot, parcelle de l’ancienne Teinturerie...) - reconversion de la friche ferroviaire en voie de circulations douces (vélo et piéton)
MISE EN PLACE DU PROJET En 2009, l’ANRU décide d’initier un programme de rénovation urbaine dédié aux quartiers concentrant de l’habitat indigne avec une situation
économique et sociale en difficulté : le Projet National de Rénovation des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD). L’urgence sur l’ensemble de la communauté urbaine permet la signature rapide d’une convention et de débloquer des budgets pour cinq villes en 2012 : Lille, Roubaix, Tourcoing, Houplines et Wattrelos. Deux mois plus tard, la LMCU et les villes concernées décident de créer la Fabrique des quartiers, une SPLA (Société Publique Locale d’Aménagement) présidée par l’actuel maire de Roubaix, Pierre Dubois. Cette maîtrise d’ouvrage déléguée a pour mission d’assurer le lancement et la réalisation de cette opération. Un concours est lancé sous la forme d’un dialogue compétitif sur le secteur du Pile limité à une dizaine d’hectares. L’équipe de maîtrise d’oeuvre pluridisciplinaire Pile fertile (architectes, paysagistes, sociologues, associations et graphistes...) est sélectionnée sur une méthode expérimentale s’appuyant sur la participation des habitants et non un projet classique. Les démarches de concertation et de participation génèrent des tensions
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auprès des techniciens de la ville qui semblent très frileux du flou qu’engendre ces initiatives. En parallèle du réseau associatif présent, une maison du projet fut créée au sein du quartier du Pile pour informer et dialoguer sur la mise en place du projet. Des ateliers de bricolage et de jardinage sont également proposés au sein de cette structure, permettant ainsi de réactiver un réseau d’habitants et d’enclencher une nouvelle dynamique. La complexité du jeu d’acteurs mis en place sur ce projet provoque quelques difficultés. Selon les compétences des unes et des autres, les trois maîtrises d’ouvrage ont du mal à s’accorder et à se décider sur les avancements du projet. En ce qui concerne la maîtrise d’oeuvre, elle se retrouve bloquée face au contexte des élections municipales. Elle a, malgré tout, réussi à sauver de justesse une parcelle sur la friche de la Teinturerie où s’expérimentent les premiers ateliers de jardinage avec quelques habitants.
SCHÉMA DU JEU D’ACTEURS MIS EN PLACE SUR LE QUARTIER LÉGENDE Partenaires financiers pour la plupart sur le foncier
PARTENAIRES FINANCIERS
Maîtrise d’ouvrage déléguée
1
Gestionnaires et investisseurs
2 élus + techniciens
élus actionnaires + salariés
Personnes ou groupes leviers dans l’avancement du projet Lancement d’une action
président = maire
Lien financier Relation d’échanges
3
Tensions et blocages Accroche majeure Intervention à la Maison du projet dans le cadre d’acquisition du foncier
1
Création du PNRQAD et localisation des projets sur l’échelle intercommunale
2
Signature d’une convention avec la Ville de Roubaix et création d’une maîtrise d’ouvrage déléguée
3
Lancement du concours et choix sur une méthode plaçant les habitants au coeur du processus de conception et de réalisation.
EXPLICATION DES SIGLES DES PARTENAIRES ET DE LA MAÎTRISE D’OUVRAGE ANRU : Agence Nationale de Rénovation Urbaine - établissement public de l’Etat qui met en oeuvre des RHI : programmes de revalorisation des quartiers stigmatisés, comme le PNRQAD.
ANAH : Agence Nationale de l’Habitat - établissement public de l’Etat qui a pour mission de promouvoir le développement et la qualité des logements privés existants.
EPF : Etablissement Public Foncier - opérateur public la coordination de la stratégie foncière.
de l’Etat au service des collectivités territoriales pour
Résorption de l’Habitat Insalubre - opération publique financée par l’Etat pour traiter l’insalubrité irrémédiable par acquisition publique de terrain ou de bâti impropre à l’habitation, dans une optique de protection, de relogement et d’amélioration des conditions de vie des occupants.
ARh : Association Régionale pour l’habitat - regroupement public des organismes HLM de la région. C.G.59 : Conseil Général du Nord - gestion du territoire à l’échelle départementale via la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer).
GIP : Groupement d’Intérêt Public - établissement public de l’Etat mettant en commun les moyens financiers CAF : Caisse des Allocations Familiales - aides financières du départements dans le cadre de la construction pour la mise en oeuvre de mission d’intérêt général.
d’une crèche au sein du PNRQAD à Roubaix.
OPAH : Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat - outil d’intervention public de l’ANAH mis en LA FABRIQUE DES QUARTIERS - SPLA : Société Publique Locale d’Aménagement - outil 45opérationnel créé par la LMCU pour assurer la réalisation du projet du PNRQAD à l’échelle intercommunale et place sur des secteurs comprenant des difficultés liées à l’habitat privé. le pilotage politique avec les villes >> maîtrise d’ouvrage déléguée.
. LE BILAN ENTRE ESPOIR ET RÉALITÉ « Le Pile : ce vaste quartier ouvrier où les maisons sont serrées les unes contre les autres dans un dédale de petites rues... Un arbuste surgit d’un toit, des mauvaises herbes s’échappent d’une fenêtre du premier étage, une usine désaffectée impose sa masse lugubre, mais au détour d’une rue, ça et là, une façade rénovée, un immeuble collectif récent, une courée réhabilitée apportent une touche incongrue dans ce quartier du Pile où les friches à l’abandon, les dents creuses côtoient de petits squares et des îlots neufs. » Raymond PLATTEAU, Le Pile à coeur
L’IMAGE FAUSSÉE DE GHETTO ESSOUFFLÉ La spécialisation industrielle dans l’unique domaine du textile a permis à la fois l’essor et le déclin de l’intégralité de la ville. Basculant dans le chômage et la précarité, le Pile affronte ces réalités tout en conservant ses particularités misent en place par les habitants. Pendant plus de trente ans, la Mairie n’a cessé de redonner un espoir à ce quartier en mettant en place une multitude de solutions visant à améliorer les conditions de vie. Cependant, par manque de moyens financiers et de choix politiques,
celles-ci sont restées au stade de l’étude sans jamais aboutir à des réalisations concrètes et pérennes. Tout le monde se retrouve épuisé face à ce constat alarmant. Les habitants sont à bout de cette image de «ghetto» qu’on leur inflige. Pour eux, le Pile fonctionne comme un village malgré ses défauts. Ils gardent la volonté de s’en sortir en restant solidaires entre eux. Le PNRQAD est difficilement crédible aux yeux des habitants du Pile car ils ont été frustrés par l’attente et le manque d’actions réelles sur le quartier.
Frise historique synthétisant la succession d’innovations techniques, de crises, de tentatives d’aménagement et de projets réalisés conditionnant l’état du quartier du Pile aujourd’hui.
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1800 1815 1820 1828 1843 1878 1893 1911 1931-1932
123 000 habitants 250 usines 1952 1967
47 1973 1975
Ferm e ture
e
rève s
1983
110 000 habitants 10% de logements vacants à Roubaix 1990 1996
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ville
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Créa tion
Cons tr à pro uction d e ximit é du 88 loge m squa re De ents soc ia stom bes ux
de R ouba ix Expo sition univ ersell Prem eàR iè ouba du lo res cou ix rées gem rasée ent s ocial s de ty et remp la pe H BM e cées par t HLM
Cana l
Espoir
1999 2001 2008
25000 habitants 41 usines
97000 habitants 10% de logements vacants à Roubaix 33% de chômage
Réalité
2009 2012 Aujourd’hui
8000 habitants
94000 habitants 42% de chômage 15% des logements vacants sur le Pile
UNE SITUATION STRATÉGIQUE À la suite de ces nombreux échecs, je pense qu’il serait judicieux de cesser de ressasser les duretés de la réalité afin de s’attacher à ce qui fonctionne au Pile. Porter un nouveau regard positif sur ce quartier permettrait de réamorcer une dynamique partiellement éteinte aujourd’hui. C’est pourquoi je propose de me positionner comme paysagistemédiateur afin d’amorcer un premier dialogue entre les différents acteurs pour concilier les intérêts de chacun.
Ce rôle d’intermédiaire me permettra de considérer les objectifs, les logiques et les orientations de la ville en les agençant avec les usages des habitants. Cette démarche aboutira à un projet de requalification urbaine cohérent s’appuyant sur les financements, le foncier inexploité appartenant à la mairie et l’énergie des habitants. L’intention de ce projet vise à démontrer que la ville ne se conçoit pas de manière radicale. Un projet urbain
est beaucoup plus pertinent lorsqu’il s’établit comme une rencontre entre ceux qui la gouvernent, ceux qui la dessinent et ceux qui l’animent. Par ailleurs, je trouve judicieux de solliciter des acteurs extérieurs au quartier, comme des associations, qui ont les méthodes, les envies et le dynamisme pour redonner une certaine avidité aux habitants, pour agir sur leur espace public afin de modifier l’image actuelle du Pile.
QUELQUES RÉFÉRENCES D’ACTEURS EXTÉRIEURS AU PNRQAD Le tissu associatif, artistique et scolaire du Pile
Le collectif des Saprophytes
Nicolas Soulier
L’idée est de raccrocher les habitants sur ce réseau pour concevoir des actions concrètes demandant peu de moyens tout en répondant à leurs besoins.
Avec eux, je pense qu’il est possible de monter un projet plus pérenne sur les espaces délaissés afin de leurs donner un usage concret.
Il est intéressant de profiter de ses expériences basées sur le traitement des rues pour régler les difficultés rencontrés sur le quartier du Pile (encombrement des ordures et des voitures).
De nombreux équipements publics ainsi que des associations sont présents sur le quartier. Aujourd’hui fonctionnant de manière indépendante, il serait constructif de les mettre en relation afin de constituer un réseau actif mêlant différentes volontés sur un même lieu.
Cette association basée à Lille rassemble des architectes et des paysagistes s’interrogeant sur la place de l’Homme dans l’espace public. Déjà intervenu à plusieurs reprise sur le Pile, ce collectif met en place des ateliers mobiles, éphémères et pédagogiques permettant d’impliquer les habitants sur leur cadre de vie.
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Architecte indépendant, il expérimente des projets portant sur la ville, l’habitation et le jardin dans une démarche de reconquête des rues. Il travail notamment sur la notion de limites entre espace public et espace privé, la place laissée à la voiture et le traitement des déchets.
CIALE – EMILIE SAUVEUR
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▪ SCHÉMA DU JEU D’ACTEURS MIS EN PLACE SUR LE QUARTIER
PARTENAIRES FINANCIERS
és rs rs nt s ui
Création du PNRQAD et localisation des projets sur l’échelle intercommunale
2
Signature d’une convention avec la Ville de Roubaix et création d’une maîtrise d’ouvrage déléguée
3
Lancement du concours et prise de décision sur une méthode plaçant les habitants au coeur du processus de conception et de réalisation.
1
2 élus actionnaires + salariés
élus + techniciens
président = maire
3
x, su e
at a n s sr-
1
Canal
Voie ferrée désaffectée
Projets en cours
Reconquête des espaces publics Acupuncture urbaine Modèle de relancement économique
LÉGENDE Partenaires financiers pour la plupart sur le foncier Maîtrise d’ouvrage déléguée et officielle Gestionnaires et investisseurs du projet PNRQAD Personnes ou groupes leviers dans l’avancement du projet
Lancement d’une action Lien financier Relation de discussions, d’échanges Tensions et blocages Accroche majeure
Position d’ouverture par rapport au périmètre du PNRQAD
Intervention à la Maison Tout Pile dans le cadre d’acquisition du foncier
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▪ EXPLICATION DES SIGLES DES PARTENAIRES ET DE LA MAÎTRISE D’OUVRAGE
3 - LE REGARD INVERSÉ : DÉCOUVERTE DES POSSIBILITÉS Après avoir pris conscience des réalités du quartier du Pile, je me suis tournée vers les aspects négatifs qu’il reflète aujourd’hui. L’intérêt de cette démarche est de renverser le regard en montrant que ce site comporte des qualités sur lesquelles il faut s’appuyer pour pouvoir avancer dans la tactique de projet. En ciblant les bons fonctionnements du Pile, je constate que de nombreuses opportunités sont réelles. Les spatialiser me permettra de démontrer qu’un système insoupçonné est présent . Mettre en évidence les bons fonctionnements de ce quartier dénigré.
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. MÉTHODE DU RENVERSEMENT DÉTECTER LES LEVIERS FAVORABLES AU QUARTIER Comme partout, le Pile comporte des forces et des faiblesses. Cependant, en cumulant les échecs, l’optimisme s’est progressivement dissipé, au point de dénigrer le quartier et ses habitants. À force de se dévaloriser, la vitalité générale a été happée par l’image négative du ghetto provoquant son essoufflement. En reprenant la définition de cette notion sociologique, je me suis aperçue que cette vision faussée n’est pas appropriée pour qualifier le Pile.
Par ailleurs, cette comparaison ne fait que souligner les imperfections du quartier, accentuant son déclin. Pour pouvoir avancer, il faut cesser de se terrer dans la misère sociale. En ayant conscience des réalités complexes de ce quartier, il est nécessaire, à présent, de repérer les alternatives pour sortir de la dépression. La revalorisation de ce quartier en déclin passe par une prise de conscience de ses potentiels. La vitalité des habitants
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ainsi que la disponibilité du foncier et des matériaux sur le quartier sont une chance à saisir pour renverser l’image négative. Détecter les ressources spatiales et sociales du Pile permettrait de faire levier sur la situation. Cette tactique vise donc à valoriser le système sous-jacent pour pouvoir débloquer un projet de requalification urbaine. En s’appuyant sur les points forts, l’objectif de cette lecture est de montrer ce qui fait l’essence du Pile.
CENTRE-VILLE DE ROUBAIX
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BOULEVARD BEAUREPAIRE
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LES LIMITES VILLE DE WATTRELOS PÉRIMÈTRE D’ÉTUDE
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Périmètre choisi pour analyser l’ensemble du quartier en intégrant deux éléments paysagers : le canal de Roubaix et une friche ferroviaire.
ICH EF ER RO VIA
Surface : 90 hectares Habitants : 7000 Densité : 7800 hab/km2
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PÉRIMÈTRE ADMINISTRATIF Périmètre officiel défini par les documents d’urbanisme actuels. Il englobe la zone industrielle au Nord et est limité par les trois artères principales du quartier : le boulevard Gambetta, la rue Pierre de Roubaix et le boulevard de Mulhouse. Surface : 75 hectares Habitants : 7050 Densité : 9400 hab/km2
PÉRIMÈTRE VÉCU Périmètre ressenti par les habitants du Pile. Il ne comprend que le tissu résidentiel particulièrement dense, se détachant de la zone industrielle par le boulevard Beaurepaire.
QUARTIER DES TROIS-PONTS
Surface : 46 hectares Habitants : 6950 Densité : 15100 hab/km2 55
LES LIMITES MINÉRALES
LE BOULEVARD DE MULHOUSE
LA RUE PIERRE DE ROUBAIX
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LES LIMITES VÉGÉTALES
LE CANAL DE ROUBAIX
LA FRICHE FERROVIAIRE
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OVH
PLACE FAIDHERBE CITÉ FLIPO
MAISON DE RETRAITE
CHAUFFERIE
LA CONDITION PUBLIQUE
LA FUTURE MOSQUÉE
ÎLOTS LANIÉRES de
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PLACE CARNOT
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LA TEINTURERIE MAISON DU PROJET LA TERRASSE
SQUARE DESTOMBES
N 50 m
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L’ÉGLISE
SERVICE ESPACES VERTS
LES REPÈRES LES ÉMERGENCES Témoins de l’époque industrielle, plusieurs verticalités se distinguent au sein de ce quartier horizontal. Les cheminées en briques et une ancienne usine désaffectée se découpent dans le ciel et permettent de s’orienter dans les dédales du Pile.
LES JARDINS OUVRIERS
BOSSU CUVELIER
Aménagés dans les interstices du tissu urbain, les jardins ouvriers sont des lieux de rencontre. Ces espaces où le végétal prédomine se détachent du reste du quartier minéral aux tonalités rouge brique. Peu connu des habitants et en minorité au Pile, ils attisent la curiosité par leur singularité.
LES COULISSES Caractéristiques de la complexité du tissu urbain du Pile, les courées et les impasses sont des lieux à part entière reflétant la vie des habitants. Peu nombreux, ces espaces brisent la monotonie de l’ensemble de l’habitat ouvrier et ne permette pas de se repérer dans ce dédale.
59
LES CHEMINÉES
L’ANCIENNE USINE
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LES JARDINS PARTAGÉS
LES COURÉES
61
. LES OPPORTUNITÉS SPATIALES UN QUARTIER ASPHYXIÉ LE CANAL ENCLAVÉ Au Nord du quartier du Pile, les berges du Canal de Roubaix, partiellement aménagées pour la promenade, ne sont que très peu sollicitées en partie à cause d’une succession d’espaces hostiles qu’il faut traverser.
Par ailleurs, les rues permettant la traversée jusqu’au canal sont trop peu nombreuses et accentuent le fait que les habitants ne se soient
pas appropriés le canal. La lisibilité du canal est donc obstruée par cette accumulation d’obstacles. Ainsi, cet espace se retrouve en marge alors qu’il pourrait participer à l’amélioration de la qualité de vie au Pile.
CANAL DE ROUBAIX
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LE BOUL EVARD BEAUR EPAIR E
Les entrepôts, les usines, les garages et la chaufferie du quartier se sont installés le long du quai du Sartel au cours du XXe siècle en marge du Pile. Cela a permis d’éviter une défiguration occasionnelle du à l’activité industrielle sur le tissu urbain de ce quartier. Cependant, cette implantation compose l’espace du canal comme une zone très peu
LE TISSU D’HABITAT OUVRIER
62
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LA FRANGE INDUSTRIELLE
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Le quai du Sartel privilégie d’avantage la voiture au détriment de la promenade piétonne du canal. Cet endroit particulièrement gênant à cause de la circulation automobile pourrait se prêter à retrouver un caractère plus «naturel» afin d’inciter les habitants à pratiquer cet espace.
poreuse, presque infranchissable. Elle forme une véritable barrière rendant l’accès au canal assez difficile.
Le Canal déconnecté du quartier par le quai du Sartel à caractère routier
La frange industrielle empêchant la perception du canal
Le boulevard Beaurepaire très circulant scinde le quartier en deux entre logements et industries 63
LA DENSITÉ EXTRÊME DE L’HABITAT OUVRIER Organisées sur un parcellaire en lanière d’origine agricole, les maisons ouvrières composent une trame urbaine particulièrement étroite donnant une impression d’étouffement.
Le cas particulier des îlots lanières
Les îlots lanières soulignent un des paradoxes de ce quartier. À la fois protégé pour les particularités de sa forme urbaine atypique et inadapté aux usages actuels, cet ensemble se retrouve en contradiction avec le projet de renouvellement du Pile. Implantés de part et d’autre le long de la rue Jules Guesde, les îlots lanières sont disposés comme un couloir se terminant en impasse. Le front bâti très rigide manque de ponctuation. Les façades trop étroites conditionnent les habitants à vivre dans des logements réduits.
4 mètres
Typologie du bâti au Pile - Maisons mitoyennes R+1+combles
Cette partie du Pile est la plus dense du quartier et nécessiterait d’être remaniée afin d’offrir un cadre de vie plus agréable.
La disparition des cœurs d’îlots par la construction des courées Aménagées en coeurs d’îlots, les courées ont d’avantage densifié le tissu urbain. La Mairie, consciente de la dureté des conditions de vie qu’elles engendraient à l’époque industrielle et de la mise aux normes de sécurité, a pour volonté de les raser. Pourtant,
Les îlots lanières se terminant en impasse 64
les habitants se sont appropriés ces formes urbaines atypiques en les transformant et en les considérant comme leurs jardins. Les limites entre espace public et espace privé ne sont pas vraiment marquées.
Coupe d’un îlot type au XIXe siècle
Parcelles cultivées
10m
Des jardins privés effacés
20m
10m
Coupe d’un îlot type aujourd’hui
Parcelles obstruées par des baraquements
L’étroitesse des logements existants et le changement des usages ont amené les habitants à coloniser l’espace extérieur attenant à leur maison. Les constructions légères (abri de jardin, débarras, véranda...) se sont multipliées dans les cours. Ces extensions improvisées s’apparentant à des baraquements ont provoqué la saturation des cœurs d’îlots et la disparition progressive des jardins privés. Aujourd’hui, on compte moins d’1m2 de jardin par habitant au Pile et le sentiment de manque de place est toujours présent.
La saturation des coeurs d’îlots par les baraquements fabriqués à l’initiative des habitants 65
UN DÉFICIT D’ESPACES PUBLICS ATTRAYANTS Le manque d’aération
L’importance des emprises bâties est à l’origine de la saturation de ce tissu urbain extrêmement compact. Il ne comprend d’ailleurs presque pas d’espaces publics dégagés. Le manque d’aération de ce maillage ne permet pas d’offrir un cadre de vie agréable pour les habitants. Il serait alors nécessaire de penser des espaces de respiration comme des places et des jardins publics au sein des îlots résidentiels.
Les espaces plantés en minorité
Les espaces publics du Pile participent à cet effet d’asphyxie en partie à cause d’un manque de plantations. Quelques arbres ponctuent le quartier sur les places et le long du canal. Abîmées par le manque d’entretien et le développement des entrepôts, ces plantations sous la forme de mails décousus ne composent plus un ensemble et ont perdu de leur caractère. Il serait envisageable de réparer ces espaces en leur rendant leur forme d’origine.
une lecture plus claire dans le dédale que forme le tissu résidentiel. Le square Destombes est le seul espace vert présent sur les 75 ha du tissu urbain. Bien qu’il soit assez fréquenté par les habitants, il pose problème car il n’est pas traversant et ses entrées (dont une fermée) sont tournées vers l’extérieur : il se détourne du Pile.
Les jardins invisibles l’espace public
depuis
Aucun événement, tel que le débordement d’un jardin privé sur l’espace public, ne vient interrompre la monotonie des rues dépourvues de végétal. Les murs de briques opaques
ne laissent en rien transparaître ce qu’il se produit dans les cœurs d’îlots. L’absence de jardins privés visibles fait ressortir le côté trop minéral de l’espace public. Les quelques jardins partagés du quartier ont été aménagés sur d’anciennes courées et se situent dans des interstices peu perceptibles depuis la rue. Ils se retrouvent enclavés par des barrières, des murs et des pignons aveugles. Cette position en retrait, les préservant d’éventuelles dégradations, ne contribue pas à l’amélioration du cadre de vie des habitants et ils sont encore trop peu utilisés.
BD BEAUREPAI RE
PLACE FAIDHERBE
Jardins partagés Jardins partagés
Les seules rues plantées sont les boulevards bordant le quartier et les rues menant jusqu’au canal. Les alignements sont appréciables mais trop rares au Pile. Il serait pourtant intéressant de privilégier certaines rues en plantant des arbres afin de structurer d’avantage les circulations. Cela permettrait également d’avoir
PLACE CARNOT ANCIENNE TEINTURERIE LA TERRASSE
SQUARE DESTOMBES
66
PARVIS DE L’ÉGLISE
BD
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La place Carnot actuellement en travaux : un bel exemple de respiration au Pile JARDIN PARTAGÉ DISSIMULÉ
67 L’unique square public du quartier
Les jardins partagés trop peu visibles depuis l’espace public
DES ESPACES LIBRES INEXPLOITÉS Malgré la densité des îlots construits, le quartier du Pile comporte une multiplicité d’espaces libres, laissés à l’abandon, qui morcelent le tissu urbain.
LES DÉLAISSÉS URBAINS Après l’arrêt de la production textile, les usines ont été rasées et ont laissé comme empreinte de vastes emprises libres dispersées dans le tissu urbain. Progressivement rachetés par la ville, ces terrains sont pour la plupart inaccessibles et dissimulés derrière des murs, car les sols ont été grandement pollués par l’activité industrielle. La Mairie a d’ailleurs lancé des processus de dépollution afin de rendre les terrains accessibles au public et de les reconvertir soit en logements, soit en parc urbain. Au Pile, ils sont peu nombreux car le quartier a toujours été de nature résidentielle. En parallèle, les commerces situés aux angles des îlots ont fermé à cause de la baisse du pouvoir d’achat et de la création de supermarchés à proximité. Petit à petit, les locaux abandonnés se sont dégradés et ont été rasés. Une végétation spontanée
a colonisé ces petites parcelles. Délaissées par la Mairie, elles servent de décharge publique et de canisite par les habitants. Ces interstices ne doivent pas être perçus comme une fatalité mais plutôt comme une opportunité. Dans le contexte actuel privilégiant les principes de trames vertes et bleues, ils sont apparentés à des «réserves» de biodiversité abritant les plantes pionnières en milieu urbain. À mon avis, les friches sont des espaces ressources participant à la respiration du tissu urbain dense. Elles jouent un rôle particulièrement important dans l’équilibre des pleins et des vides de ce quartier mais restent, pour le moment, inexploitées. Pourtant facile à investir par les riverains, aucune initiative, même expérimentale, n’a encore vu le jour au Pile. Jardiner ces délaissés participerait grandement à la requalification urbaine ainsi qu’au changement d’image de ce quartier en partie abîmé par le manque d’attention sur ces espaces de qualité. L’investissement des friches peut également réduire le déficit de jardins privés et d’espaces verts.
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LA VACUITÉ DU BÂTI Depuis les années 80, la Mairie a eu le désir de requalifier les logements ouvriers dégradés du Pile. Cette volonté a conduit à une acquisition foncière fractionnée sur l’ensemble du tissu urbain, ne permettant pas de réaliser un projet cohérent. Initiée par les nombreuses expropriations, la vacuité des maisons a accentué le phénomène de détérioration du quartier par le squat, les incendies et l’invasion de moisissures et de rats. Le manque de moyens financiers des propriétaires pour entretenir ces maisons conduit à l’état misérable de certains logements, rendant impossible une réhabilitation à moindre coût.
30% DE FRICHES AU PILE
En envisageant la démolition, le bâti vacant représente une véritable opportunité. Au lieu de reconstruire, on pourrait imaginer que certaines parcelles soient laissées vides et s’inscrivent dans une «micro-trame» jardinée. Ces interstices pourraient être pensés comme des espaces d’expérimentation et de rencontre. Cette reconversion permettrait de repenser les cœurs d’îlots comme des espaces de respiration visant à redonner du souffle à l’asphyxie actuelle du quartier. 20% DU LOGEMENTS EST VACANTS AU PILE
71
N 50 m
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LES ESPACES DISPONIBLES L’asphyxie perçue au Pile est provoquée par son aspect très minéral associé à la densité extrême du tissu résidentiel. Pour autant, ce quartier présente de nombreux espaces inutilisés, identifiés en blanc sur la carte, contribuant à aérer l’ensemble du quartier. Les délaissés et le bâti vacant en nombre excessif ont auparavant contribué à une image négative du quartier. Cependant, ajoutés aux espaces publics, ils constituent un découpage par le vide intéressant. Ces interstices, qui morcellent le quartier, peuvent être perçus comme des opportunités de restructuration visant à constituer des lieux de rencontre, améliorant la qualité de vie des habitants. Ce sont sur ces parcelles libres que peuvent s’expérimenter des initiatives afin de les requalifier ou de leur apporter une utilité. Les actions envisagées viseraient, d’une part, à répondre à la demande des habitants qui sont en manque d’espaces vivriers et d’autre part, à susciter l’émerveillement dans ce quartier qui concentre les difficultés, afin d’offrir au Pile une nouvelle image appropriée à ses qualités formelles.
73
. LES OPPORTUNITÉS SOCIALES UN QUARTIER PERÇU COMME GHETTO À Roubaix, le Pile est perçu comme le quartier concentrant le plus de fragilités sociales. Son image de ghetto, contribuant à son isolement, est en partie due à sa forme urbaine et aux usages.
Les friches dépourvues de bâtiments sont les seuls endroits où l’on peut distinguer un horizon : le skyline formé par la masse rouge brique des toitures ponctuée d’émergences clairsemées. Ces espaces permettent d’avoir un recul nécessaire sur le
paysage urbain et sont trop rares au sein de ce quartier. En envisageant une reconversion des friches, il est important de souligner qu’ils peuvent contribuer à l’amélioration de l’image du Pile.
L’HORIZON BOUCHÉ D’un regard externe, le Pile semble opaque presque impénétrable par les longs alignements de maisons mitoyennes formant des murs épais similaires à des barrières. Depuis l’intérieur du quartier, les rangées de logements ferment les perspectives et l’enchevêtrement de couloirs étroits laisse entrevoir le Pile comme un dédale interminable. L’absence de débouchés visuels vers l’extérieur du quartier contribue à une sensation d’enclavement, comme s’il était impossible d’en sortir. L’uniformité des formes, des couleurs et des matériaux engendre la perte de repères et la standardisation des ambiances. La juxtaposition de toitures, de briques, de cheminées et d’antennes brouille la compréhension de l’espace. Cette impression oppressante contribue à considérer le Pile comme un endroit replié sur luimême.
Les alignements de maison rue Pierre de Roubaix laisse peu de place à la porosité
La juxtaposition de toitures efface l’horizon 74
L’ENCOMBREMENT DES TROTTOIRS Les espaces publics du Pile sont envahis à la fois par le stationnement informel le long des maisons et par des déchets de toutes sortes, ce qui accentue de nouveau le phénomène d’étouffement et d’insalubrité.
ne fait que renforcer l’image négative que peut avoir le Pile. Cependant, on peut voir que des planches, du métal et des objets usés s’entassent en quantité sur les trottoirs et qu’ils
peuvent être récupérés pour être recyclés. Cette pratique est d’ailleurs courante dans le quartier.
L’empiétement du stationnement sur les trottoirs
Par commodité, la voiture est garée en face de la porte d’entrée, débordant généreusement sur le domaine public. Le trottoir étroit est dédié à la voiture au détriment des cheminements piétons. Ce phénomène impacte la qualité des rues et empêche l’appropriation de l’espace public par les habitants. Malgré un gabarit plutôt confortable, les rues sont perçues comme resserrées et peu fonctionnelles.
L’insalubrité
Dénoncé par les habitants, le problème de l’insalubrité est loin d’être résolu. L’absence de lieu de collecte des déchets sur l’espace public conduit à l’entassement des ordures ménagères sur les trottoirs et sur les délaissés aux coins des îlots de manière sauvage. Cette habitude
L’impraticabilité des trottoirs causée par l’encombrement des ordures ménagères et le stationnement sauvage le long des façades.
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LES NŒUDS URBAIN L’espace public au Pile est principalement dédié à la voiture et aux transports en commun qui viennent perturber la circulation des vélos et des piétons.
Coupe d’une rue type du Pile (rue Jules Guesdes) Rue en double sens mais contrainte au sens unique à cause du stationnement sauvage
De larges boulevards très fréquentés et souvent embouteillés ceinturent le quartier. Ces limites sont perçues comme des barrières et contribuent à l’enclavement du quartier, le détachant du reste de la ville.
Front bâti
Front bâti
Le cœur du Pile est constitué de rues enchevêtrées, provoquant une sensation labyrinthique. Les impasses, les courées et les virages ralentissent fortement la fluidité du trafic et forment des points de tension. En parallèle, le stationnement sauvage au pied des habitations oblige le piéton à marcher sur la route. Ces constats mènent à repenser les circulations afin de débloquer les nœuds et améliorer la qualité des espaces publics.
8m
1,5m
7m
1,5m
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Coupe d’une artère au Pile (boulevard Beaurepaire) La largeur de la voirie permet de gérer les stationnements et les plantations améliorant la qualité de l’espace public
Consciente du manque de transport en commun, la municipalité a décidé d’améliorer les connexions avec le centre-ville de Roubaix en créant une ligne de bus à haut niveau de service (LNHS) en cours de réalisation.
Front bâti
La circulation du quartier n’est pas tout à fait réglée et engendre des difficultés pour le traverser. L’intention est d’agir sur le tissu dense existant pour pouvoir favoriser des passages et effacer les nœuds urbains.
8m
Front bâti
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P P
P P P
N 100 m
CARTE DES ÉNERGIES PRÉSENTES SUR LE QUARTIER DU PILE Artères principales : profil large permettant une circulation à double sens
P
Rues étroites en sens unique datant de l’ancien tissu
Espaces prévus pour le stationnement
Nœuds urbains compliquant la circulation au sein du quartier
Impasses, témoin du tissu industriel 77
UNE VIE DE VILLAGE Peu visible au premier abord, le quartier du Pile comporte une cohésion sociale très forte. Cette solidarité renverse l’image négative du ghetto car le quartier s’organise comme un village. Il est important de relever la volonté des acteurs de fabriquer un mode d’organisation collectif propre au Pile, faisant ainsi face aux difficultés sociales.
LA TRANQUILLITÉ Le fait que le tissu urbain soit compact et composé de petites maisons apporte une certaine tranquilité au quartier. Malgré le sentiment d’insécurité causé par le squat de jeunes sur les espaces publics, le Pile s’organise comme un village avec sa place et ses dédales. Aujourd’hui, le Pile reste encore préservé de l’afflux de voitures. Le calme est une chance pour le quartier qui doit être préservé dans le cadre de sa requalification.
UN SYSTÈME SOUS-JACENT L’économie parallèle
À proximité de la frontière belge, le quartier du Pile a toujours abrité un système d’économie parallèle pour remédier à la faiblesse des salaires. Aujourd’hui, il se traduit partiellement par le commerce illicite de stupéfiants (cannabis) et la revente de ferraille. Ces modes de fonctionnement de la «débrouille» reflètent les conditions
sociales de certains habitants. Les questions de l’aménagement ne peuvent pas résoudre ce genre de pratiques. Cependant, on peut relever que cette capacité à recycler les matériaux témoigne de l’habilité des habitants.
Les intensités sociales
Le Pile comprend un réseau de petites structures actives. Très diversifié, il s’organise autour du tissu associatif, des équipements culturels, des écoles, des lieux de culte, des commerces et de la maison de quartier. Ces établissements fonctionnent de manière indépendante et à des échelles différentes. L’idée serait de les lier sur un projet commun à petite échelle afin de mettre en réseaux les énergies présentes au sein du quartier. Cela permettrait d’amplifier leurs actions en faveur d’un aménagement profitable à tous. Le Pile est également rythmé au cours de l’année par des événements et des festivités, permettant de réunir les habitants sur l’espace public. De manière ponctuelle, ils métamorphosent l’aspect du quartier. Le marché, qui a lieu chaque samedi, est un bel exemple, témoin de ces changements. Ces pratiques éphémères participent au changement d’image du Pile et sont à conforter dans le cadre d’une future requalification du quartier.
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L’envie des habitants de s’impliquer dans le quartier se ressent notamment dans l’approche du jardin. Une parcelle expérimentale située sur l’ancienne teinturerie du Pile, au même titre que les jardins partagés, est le signe de cette volonté d’agir. Ces espaces investis par les habitants sont des points d’appuis précieux et devraient être amplifiés afin de subvenir aux besoins des habitants.
LES PROJETS EN COURS
En parallèle du PNRQAD, le quartier subit quelques transformations importantes. Le projet de la nouvelle mosquée, jouxtant la Condition publique, prévoit l’aménagement d’un espace extérieur traversant. Sa situation privilégiée offre la possibilité de devenir un nouveau lieu de rassemblement. Il serait intéressant de profiter de ce chantier pour dessiner un véritable jardin profitable à l’ensemble des habitants du quartier. La Place Carnot est en cours de renouvellement. Le parti-pris du projet se définit par une place minérale ajustant les usages liés aux transports en commun (LHNS), aux voitures, au marché et à l’implantation de futur commerce. Malgré cette initiative de requalification, cet espace reste encore sous-exploité vis-à-vis de son potentiel qualitatif.
LA SOLIDARITÉ MOSQUÉE ABOU BAKR CRÈCHE MARIE BUISINE
CENTRE SOCIAL
PLACE CARNOT PARCELLE DE LA TEINTURERIE
ÉCOLE PUBLIQUE BOILEAU PASTEUR ÉCOLE PRIVÉE NOTRE-DAME
LA TERRASSE
SUPERMARCHÉ ALDI N 100 m
CARTE DES ÉNERGIES PRÉSENTES SUR LE QUARTIER DU PILE Nouvelle mosquée
Associations
Jardins partagés
Église
Points de collecte de la ferrraille
Maison du projet
Commerces
La Condition Publique
Écoles et crèches 79
Points de deal
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La médiathèque a mis en place une bibliothèque mobile s’installant une fois par semaine sur la place Carnot
Repas convivial organisé par la Condition Publique avec l’aide des habitants
Le collectif des Saprophytes a investi l’espace public dans le cadre du festival «Pile au rendez-vous»
Le samedi, la place Carnot se métamorphose avec les étals du marché 81
LA PLACE FAIDHERBE
LA PLACE CARNOT
L’ANCIENNE TEINTURERIE
LE SQUARE DESTOMBES
N 50 m
LA PLACE DE L’ÉGLISE
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LES INTENSITÉS VISIBLES La sensation d’isolement, l’insalubrité et la forme actuelle du tissu urbain suscitent une image de ghetto. Pourtant, le quartier comprend une réelle vitalité permettant de faire face aux difficultés sociales. Malheureusement, elle se retrouve étouffée par les aspects négatifs faussant ainsi les représentations qu’on peut avoir sur ce quartier. Représentées en rouge sur la carte, les intensités du quartier forment un système peu perceptible au premier abord. Les commerces, les locaux associatifs, les lieux de culte, les écoles et la Condition Publique tissent un réseau social complexe. Les pratiques des habitants et les événements organisés au Pile mettent en avant les potentialités utilisables pour le projet. Assez dispersées, elles s’organisent surtout aux alentours des aérations, comme les places et les espaces plantés. En spacialisant ce système, je me suis aperçue qu’elles pouvaient être regroupées en points actifs, signifiés en pointillés. On peut également noter que certaines parties du quartier paraissent éteintes. Améliorer les conditions de vie des habitants susciterait donc l’envie d’appuyer les intensités et de raviver les points inactifs, pour l’instant.
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N 50 m
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. SPACIALISER LE SYSTÈME INSOUPÇONNÉ En prenant du recul, on s’aperçoit que le Pile est en déséquilibre par rapport à ses aspects négatifs et positifs. D’un côté, il concentre des problèmes d’insalubrité, d’asphyxie, d’encombrement et de noeuds urbains accentuant l’image de ghetto que l’on peut avoir au premier abord. De l’autre, la disponibilité du foncier et l’énergie des habitants qui s’exerce sur le quartier nous montre que le Pile s’apparente d’avantage à un village. Au final, le Pile comporte à la fois des opportunités spatiales et des intensités sociales. En les superposant, on remarque que ces potentialités dessinent un système très subtil. Certaines parties de ce quartier comportent des points actifs et témoignent de l’effervescence visible sur l’espace public. Participant à une image positive du Pile, il est nécessaire de les prendre en considération dans un projet de requalification urbaine. Par ailleurs, appuyer les points qui concentrent les
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énergies du quartier permettrait de contribuer au changement d’image tant attendu. D’autre part, on constate qu’une majeure partie du Pile se retrouve exclue de ce dynamisme social. Cette réalité est due à la présence de nombreuses friches inaccessibles à ce jour. L’idée serait de réinvestir ces espaces délaissés afin de les rendre accessibles aux habitants. Sur ces terrains, on pourrait imaginer de futurs parcs urbains, des places publiques ou encore des jardins communs permettant de redonner du souffle au tissu compact du Pile. Aujourd’hui, je reste convaincue qu’il faut se servir de ces potentialités que révèle le quartier du Pile pour envisager une requalification partielle. Le projet envisagé vise donc à investir les espaces disponibles en s’appuyant sur les énergies actives en considérant les projets et les objectifs définis par la ville.
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4 - LA TACTIQUE EXPÉRIMENTÉE Le renversement du regard sur le Pile m’a permise de déceler les qualités de ce quartier constamment dénigré. Cela m’a conduite à spacialiser les opportunités et les intensités sous la forme d’un système complexe mêlant les réalités sociales et spatiales sur ce site. J’ai choisi, pour le projet, d’expérimenter une nouvelle méthode considérant le contexte urbain du Pile, son histoire et ses acteurs. La mise en place de cette tactique d’aménagement conduit à rétablir un équilibre entre les bons et les mauvais fonctionnements du quartier. En référence aux concepts d’acupuncture urbaine, le principe de la méthode tend à appuyer les énergies présentes sur le quartier et à stimuler les lieux éteints en facilitant la réappropriation de l’espace public par les habitants. Elle vise à raviver le Pile afin de lui rendant son image de quartier village. Amorcer le projet de requalification urbaine par une tactique.
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. MISE EN PLACE DE LA TACTIQUE « Tactique : Art de diriger et de coordonner des actions pour atteindre un objectif. » Le contexte particulièrement complexe du Pile m’a conduite à établir une tactique afin d’enclencher le changement de son image. Ce parti-pris vise à raviver les intensités présentes sur le quartier afin d’amorcer sa requalification en «soignant» les dégradations et en améliorant le paysage urbain.
LE CONCEPT D’ACUPUNCTURE URBAINE Ce concept urbanistique propose de considérer la ville comme un corps où s’entremêle des flux d’énergies complexes et des nœuds de tension. En se basant sur les techniques de la médecine chinoise, elle soumet l’idée que l’on peut «guérir» les souffrances urbaines en agissant sur des points particuliers pour revitaliser l’ensemble de l’organisme. Cette démarche permet de répondre aux enjeux urbains en expérimentant la création de projets à petite échelle. L’intérêt de ce concept est de se concentrer sur les ressources locales et de promouvoir les interventions
urbaines participatives par des gestes significatifs, se répercutant à une plus large échelle. Jaime Lerne, architecte et maire de Curitaba, développe le concept d’acupuncture urbaine:
«Il est nécessaire de faire réagir la ville en donnant un coup de pouce à certaines zones pour aider la guérison, améliorer et créer une réaction en chaîne. Il est indispensable d’initier des interventions revitalisantes pour faire fonctionner l’organisme de manière différente.» Cette approche est surtout expérimentée de manière temporaire sur des quartiers défavorisés, lorsque les ressources budgétaires sont limitées. Cependant, on pourrait envisager que ces actions temporaires ne sont qu’une étape de transition, permettant ainsi d’amorcer les mutations de la ville à plus long terme.
LA TACTIQUE ADOPTÉE En s’inspirant de ce concept, je souhaite expérimenter la mise en
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place d’un urbanisme tactique. La justesse du projet envisage de trouver un compromis entre une restructuration du tissu urbain par des actes forts, mais nécessaires, et des interventions plus fines impliquant dans la réalisation les usagers du quartier. Pour qu’elle s’enclenche, il est important de définir les rôles de chacun des acteurs afin d’agir rapidement. Ce projet prend en compte les objectifs de la maîtrise d’ouvrage et les besoins des habitants actuels du quartier. Chacun des acteurs, selon ses compétences, intervient à un degrés différent dans les phases de conseil, de conception et de réalisation. Le paysagiste est présent constamment et à différents niveaux, pouvant parfois s’effacer lors de la réalisation pour laisser aux habitants les moyens de se réapproprier les espaces conçus. En mettant en place cette tactique, je souhaite réinventer les moyens nécessaires pour la reconversion de ce quartier en difficulté.
. LES ENJEUX UN CHANGEMENT D’IMAGE ...
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MUTATION DES FRICHES
en jardins communs mobiles, en prévision de la construction de nouveaux logements en espaces publics venant s’inscrire dans la trame existante en nouveaux logements
PRIORITÉ DES ACTIONS
2
RECONVERSION DU BÂTI VACANT en jardins vivriers réagencement des logements actuels
3
RESTRUCTURATION DES CŒURS D’ÎLOTS
rééquilibre entre les pleins et les vides réaménagement des courées
4
INTRODUCTION DE NOUVEAUX USAGES
gestion du stationnement et de la collecte des déchets aménagement des places existantes
5
création d’une percée pour faciliter les traversées internes
RÉTABLISSEMENT DES CONTINUITÉS
aménagement des berges du canal et de la friche ferroviaire en promenade
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... PAR L’INVESTISSEMENT DES ACTEURS CONSEIL
CONCEPTION
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RÉALISATION
. LES INTENTIONS DE PROJET 1
LES FRICHES Dispersées sur l’ensemble du quartier, les friches constituent des lieux où l’on peut expérimenter les premiers aménagements en amont des projets prévus par la municipalité. Des jardins communs peuvent être aménagés sur les petites parcelles avec l’aide des habitants. Sur les plus grandes friches, on peut initier la dépollution des sols pour pouvoir créer des jardins publics afin d’offrir des respirations au l’ensemble du quartier.
2
LES ÎLOTS LANIÈRES Comprenant une vingtaine de maisons vacantes, il serait intéressant de profiter de cette situation pour remodeler l’organisation des pleins et des vides afin de reconstituer un ensemble cohérent et agréable à vivre. Cela passe par l’agrandissement des logements existants, le redécoupage du parcellaire et la création de jardins communs dans les interstices, apparus suite à la démolition du bâti insalubre.
3
LA PERCÉE ET LA REQUALIFICATION DES RUES Créer une percée dans la continuité des rues de Babylone et Delezenne contribuerait à appuyer la reconversion des îlots lanières en débouchant ce nœud urbain et en améliorant la circulation du quartier. Cette action vise également à requalifier les rues situées dans son prolongement afin de recréer une promenade urbaine qualitative.
4
LE JARDIN DE LA NOUVELLE MOSQUÉE La nouvelle mosquée Abou Bkar prévoit la création d’un espace extérieur traversant l’îlot de la Condition Publique. Il serait judicieux de profiter des travaux en cours pour dessiner un véritable jardin s’inscrivant dans la trame des espaces de respiration, participant ainsi à améliorer la qualité des espaces du Pile.
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LA PLACE CARNOT La place Carnot nécessite de retrouver son activité en réintroduisant de nouveaux usages récréatifs pour devenir une centralité dans le quartier.
6
LES COURÉES ET LES IMPASSES Souvent encombrés par les voitures et les ordures ménagères, ces lieux méritent d’être requalifiés avec l’aide des habitants. Il serait intéressant de revoir le traitement du stationnement impliquant un plan de circulation à l’échelle du quartier et de se servir de la proximité des friches pour installer un nouveau système de collecte des déchets en initiant la récupération d’objets et de matériaux pouvant être recyclés.
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LA PROMENADE DU CANAL Le canal représente une véritable opportunité dans la requalification de ce quartier. En s’appuyant sur les tronçons déjà aménagés, il est nécessaire de travailler les coutures de cet espace en créant une promenade continue, se poursuivant le long de la friche ferroviaire.
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. PRÉVISIONS DES ACTIONS CALENDRIER DIRECTEUR
SPATIAL
AMÉNAGER TRAITEMENT DES DÉCHETS
> Amorcer la dépollution des friches industrielles > Créer un lieu pour récupérer les ordures ménagères en séparant ce qui peut être recyclable
> Reconvertir les délaissés en jardins communs mobiles en cultivant les plantations dans des bacs > Restructurer les pleins et les vides par la construction de nouveaux logements sur les terrains disponibles
> Apporter de usages pérennes aux espaces publics, notamment aux places > Requalifier la voirie en gérant les problèmes de stationnement > Création d’une percée à travers les îlots lanières et aménagement d’une promenade le long du canal
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CONSTITUER UN RÉSEAU SOLIDAIRE
DESSINER LES PREMIÈRES IDÉES
RÉALISER LES PROJETS
SE RÉAPPROPRIER L’ESPACE PUBLIC
> Repérer les personnalités volontaires, capables de s’investir > Répartir les rôles pour organiser un élan de solidarité > Attribuer un site selon la proximité et les besoins
> Décider des objectifs de la ville > Définir les besoins et les envies des habitants > Élaborer les premières esquisses
> Démarrer des chantiers participatifs avec les habitants et les associations du Pile > Célébrer l’inauguration des jardins communs sous la forme de festivités organisées par les participants du chantier
> Faire tomber les murs des friches et des maisons insalubres > Évaluer ce qui est réutilisable pour les projets d’aménagements (végétal et matériaux)
SOCIAL
PLANTER ET RECONSTRUIRE
OUVRIR L’ESPACE
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> Mettre en place une gestion des espaces aménagés par les personnes impliquées
CARNET DE RÉFÉRENCES Philosophies et projets sur lesquels s’appuyer pour avancer
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S’appuyer sur l’existant et concevoir le projet avec les habitants
SIMONE ET LUCIEN KROLL Paysagiste et architecte installés à Bruxelles, ils orientent leur travail vers une participation active des usagers dans l’élaboration des projets. En respectant les envies des habitants, ils défendent l’idée que l’architecture et l’urbanisme ne représentent pas des figures figées mais qu’ils se conçoivent de manière modulable pour laisser la possibilité d’être adaptés par les usagers. Ils partent du principe que le geste du concepteur se poursuit par les interventions spontanées de l’habitant.
Maquette évolutive du projet Hellersdorf à Berlin en 1994
À l’inverse de la démolition, leur travail s’appuie sur le concept de «remolir», ce qui signifie réparer l’existant. Toujours dans cette volonté respectueuse de l’habitant, ils conservent les espaces et les bâtiments en dessinant par dessus. Dans les années 90, ils sont les premiers à introduire des plantes potagères dans un jardin situé en pied d’immeuble correspondant d’avantage aux besoins des résidants de la cité HLM.
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Réunion de concertation avec les habtants - Tourcoing 2013
L’inscription dans le contexte et la réappropriation collective
PATRICK BOUCHAIN Architecte et scénographe, il défend l’idée qu’il faut «s’attacher à l’individu pour comprendre et agir sur l’ensemble» en disposant au coeur de ses projets les besoins des usagers. Il se spécialise dans la réhabilitation de friches industrielles en espaces culturels comme le Lieu Unique à Nantes et la Condition Publique au Pile.
Le Channel à Calais 2007 - cabane de chantier ouverte à tous
Rénovation de 60 maisons locatives sociales avec les habitants à Boulogne-sur-Mer en 2013
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Il développe principalement le concept de participation des habitants notamment en créant une maison du projet à proximité des futurs aménagements et d’une cantine commune durant le chantier. Ces initiatives, ouvertes au public, permettent d’amorcer un échange entre les différents protagonistes du projet (maîtrise d’oeuvre, maîtrise d’ouvrage, associations et usagers). Il vise à concevoir l’architecture contemporaine comme une opportunité d’expérimentation dans le but d’interroger les façons d’habiter en ville.
Exemple de qualification d’un délaissé en réutilisant des matériaux collectés dans le quartier
LE COLLECTIF ETC Cette association, composée principalement d’architectes, expérimente la manière de faire la ville en permettant aux usagers de devenir acteurs des aménagements. Leurs actions et recherches, s’apparentant à la discipline artistique, touchent aussi à des questions mêlant le social, la politique et l’espace. Leurs intérêts portent sur la génération de processus de fabrication sur l’espace public.
DÉTOURNEZ !
STRASBOURG - 300M2
Dans le quartier de la Laiterie, ce jardin public n’était que très peu fréquenté par les habitants. L’intention était de le réinvestir pour le transformer comme un espace de rencontre : un jardin collectif. En s’appuyant au maximum sur la récupération et la réutilisation de matériaux récoltés dans le quartier, le chantier s’est monté avec la participation active des habitants. Monté en parallèle, un atelier d’écriture a permis de faire ressortir leurs impressions sur le quartier.
Projet «Détournez !» à Strasbourg - 2011
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Exemple de création d’un jardin collectif sur un ancien parking
COLOCO Travaillant régulièrement avec Gilles Clément, l’atelier pluridisciplinaire développe à la fois des expérimentations ainsi que des projets d’aménagement en faveur de la diversité urbaine. Au travers des rencontres avec de nouveaux terrains d’expérience, il a pour désir d’œuvrer pour les projets adaptés à des situations particulières et dynamiques. JARDIN DeMAIN MONTPELLIER - 1200M2
Le jardin DeMain à Montepellier - 2011
Dans l’idée de «désaménager» l’espace urbain imperméable pour introduire une certaine diversité en cœur de ville, Coloco propose de rendre fertile un ancien parking situé au pied des immeubles. La conception et la réalisation de ce jardin potager s’est faite en collaboration avec les jardiniers de la ville et les habitants, afin de pouvoir mieux répondre à leurs besoins. Grâce à cette démarche, les usagers ont pu s’approprier ce lieu et gérer son entretien.
Projet de la Marquise à Paris - création d’un jardin à partir de palettes
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Exemple de la création d’une pépinière en pied d’immeuble à partir de la demande des habitants
LE BRUIT DU FRIGO Ce collectif bordelais se questionne sur la ville et le territoire habité à travers des démarches participatives, artistiques et culturelles. Il propose des façons alternatives d’imaginer et de fabriquer le cadre de vie en milieu urbain sous la forme d’ateliers, de formations et d’interventions sur l’espace public.
Le Jardin diffus à Marseille - 2006
LE JARDIN DIFFUS
MARSEILLE
Entre les quartiers St Antoine et du plan d’Aou, l’idée était de créer un jardin utile aux habitants vivant à proximité dans le cadre de la reconversion de cet espace. En investissant les interstices, le collectif a proposé la création d’une pépinière publique destinée au futur aménagement paysager et la construction de mobilier à partir d’objets collectés lors d’un nettoyage du site.
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Exemple d’utilisation d’un interstice
L’ATELIER D’ARCHITECTURE AUTOGÉRÉE (AAA) Cette structure est un réseau composé d’architectes, d’urbanistes, d’artistes, de chercheurs, d’étudiants, d’activistes, et d’habitants. Grâce à la croisée de différents points de vue, elle expérimente des «tactiques urbaines» à travers les délaissés de manière temporaire en favorisant la participation des habitants.
LE PROJET INTERSTICE
PARIS 20ÈME - 200M2
La parcelle du 56, ancien passage dans le centre du quartier Saint Blaise, était considérée inconstructible et demeurait fermée depuis plusieurs années. Le projet approuvé par la Mairie transforme cet interstice urbain en espace collectif autogéré. Élaboré sur la base des suggestions et sur les désirs des habitants et des associations locales, cet espace suit des principes écologiques. Aujourd’hui, ce lieu a évolué grâce à l’organisation d’activités spontanées à l’initiative des usagers.
Le 56 / Eco-interstice à Paris - 2006
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Exemple de jardins communautaires implantés sur d’anciens délaissés
JARDINS COMMUNAUTAIRES BERLINOIS Depuis la réunification, les parcelles laissées à l’abandon sont nombreuses à Berlin. De nombreuses initiatives collectives sont lancées par les habitants dans le but d’investir ces espaces en les transformant en jardin.
PARC DE TEMPELHOF
Au coeur de cet ancien aéroport aménagé en parc urbain a été créé un jardin communautaire proposant aux habitants de retrouver une agriculture locale et biologique en ville. Pour éviter de cultiver dans les sols pollués, toute les plantations sont cultivés en bacs. JARDINS DE MORITZPLATZ
Plantée au milieu d’immeubles, cette ferme urbaine a été pensé sur un terrain vague envahi par des déchets de toutes sortes. À la suite d’un voyage à Cuba, Robert Shaw avec Marco Clausen ont décidé de créer un jardin communautaire à Berlin. Cet endroit permet aux citadins de subvenir à leurs besoins en jardinant l’espace public.
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Exemple d’un jardin mobile
HORTUS BITUM
JARDIN ITINÉRANT
Ce projet participatif s’est monté dans le cadre du festival Excentrique en région Centre grâce à l’intervention du Collectif Dérive. Dans un container modulable et mobile, ce jardin se construit au fur et à mesure de l’avancée du festival dans les villes et villages traversés comme un cadavre exquis. Posée sur l’espace public, cette boîte éveille la curiosité en mêlant la végétation, les objets, la matière brute ou transformée, les images, la musique… Étape après étape, des éléments sont fabriqués par les habitantsjardiniers jusqu’à sa forme finale présentée à Chaumont-sur-Loire.
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CONCLUSION VERS LE PASSAGE À L’ACTE En réalisant la première partie de ce travail, je prend conscience qu’il est impossible de traiter l’ensemble des problématiques qui se concentrent sur ce quartier à bout de souffle. Pour sortir de cet état dépressif, dans lequel beaucoup d’acteurs se sont enfermés, et ne pas se laisser happer par la complexité, les orientations envisagées doivent, à présent, se détacher des aspects négatifs pour mettre à profit un projet visant à améliorer les conditions de vie des habitants du Pile. Dans un premier temps, la requalification urbaine envisagée s’appuie sur la valorisation de l’existant afin de retrouver une estime à ce quartier. L’idée est de mettre en avant les opportunités spatiales et les intensités sociales que le Pile comporte aujourd’hui tout en hiérarchisant les
priorités d’intervention. Il s’agit bien de trouver un compromis entre les volontés de la municipalité et des besoins des usagers du quartier. Par la suite, la tactique mise en place se base sur la présence d’un système sous-jacent révélant les énergies peu visibles du Pile. Il faut se saisir du moindre indice pour pouvoir avancer. Je souhaite m’appuyer sur ces quelques ressources dans le but d’initier les habitants à se réapproprier l’espace auquel ils sont confrontés tous les jours. J’imagine qu’on ne peut pas procéder de manière classique sur ce genre d’endroit en souffrance. C’est pourquoi je souhaite expérimenter une tactique cherchant à renverser l’image de ce quartier.
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BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES ET PUBLICATIONS . BAILLY Jean-Christophe, Le Dépaysement - Voyages en France - Éditions Seuil, 2011 . BONTE Jacques, L’épopée textile de Roubaix-Tourcoing - Éditions La Voix du Nord, 2002 . BONTE Jacques, Patrons textiles - Éditions La Voix du Nord, 2002 . BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, comment faire? - Éditions Acte Sud, octobre 2011 . CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités - Éditions Seuil, janvier 2001 . CLARAMUNT Marc, «Espaces publics à Roubaix» dans Les Cahiers de l’École de Blois dirigé par Jean-Christophe BAILLY - Éditions de la Villette, 2010 . DELSALLE Paul, Lille - Roubaix - Tourcoing : histoire et traditions - Éditions Charles Corlet, 1991 . DONZELOT Jacques, Quand la ville se défait - Éditions Points, 2008 . DUPREZ Dominique, Le mal des banlieues ? : sentiment d’insécurité et crise identitaire - Editions L’Harmattan, 2000 . GRAFMEYER Yves, Sociologie urbaine - Éditions Nathan Université, 1994 . HILAIRE Yves-Marie, Histoire de Roubaix - Éditions des Beffrois, 1984 . KROLL Lucien, Tout est Paysage - Éditions Sens&tonka, avril 2012 . LEFEBVRE Henri, Le droit à la ville - Éditions Economica, 2009 . LERNER Jaime, Acupuncture urbaine - Éditions de L’Harmattan, 2007 . LEROY Serge et PLATTEAU Raymond, Le Pile à Cœur, tome I et II - ouvrage financé par le Fonds de Participation des Habitants (Ville de Roubaix) et le Comité de quartier du Pile, 2002 (source : http://lafabrique.ville-roubaix.fr/sites/lafabrique.ville-roubaix.fr/files/le_pile_a_coeur_-_histoire_du_quartier.pdf) . MOTTE Gaston, Roubaix à travers les âges - Éditeur Société D’émulation, 1946 . PETILLON Chantal, La population de Roubaix : Industrialisation, démographie et société - Éditions Presses Universitaires du Septentrion, 2006 . SOULIER Nicolas, Reconquérir les rues : Exemples à travers le monde et pistes d’actions - Éditions Ulmer, avril 2012 . VAN DER MEERSCH Maxence, Quand les sirènes se taisent - Éditions Albin Michel, 1933
FILMS // CONFÉRENCES // ÉMISSIONS DE RADIO . Intervention de l’Atelier d’Architecture Autogérée (AAA) présenté par Constantin Petcou, 2007 (source : http://www.echelleinconnue.net/flux.php?media=10) . Présentation du Collectif Dérive - Cycle de conférences «Un autre regard sur la ville» à l’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois, 2014 . L’urbanisme tactique, Dimitri Boutleux - Cycle de conférence Viva-cités organisé par Rennes, ville et métropole, 2012
(source : http://metropole.rennes.fr/viva-cites/conferences/viva-cites/l-urbanisme-tactique/) . Entre urbanisme participatif et urbanité, Jean-Pierre Charbonneau - Cycle de conférences «Un autre regard sur la ville» à l’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois, 2014 . À propos de quatre projets..., Michel Corajoud - Cycle de conférences «PAYSAGES» au Pavillon de l’Arsenal, 2007 . L’abécédaire de Gilles Deleuze produit et réalisé par Pierre-André Boutang, 1988 . Une architecture habitée, Lucien et Simone Kroll avec le Collectif ETC - Cycle de conférences «PAYSAGES» au Pavillon de l’Arsenal, 2013 . Les jardins font la ville, réalisé par Florence Mauro. Arte production, 2010 . Mille Plateaux 5/5 : variations et métaphores avec Gilles Deleuze - émission Les nouveaux chemins de la connaissance sur France culture avec comme invité Jean-Clet Martin, 2011
SITES INTERNET . Atlas des paysages - http://www.nord-pas-de-calais.developpement-durable.gouv.fr . Coloco - http://www.coloco.org . Géoportail - http://www.geoportail.gouv.fr . Google Maps - https://maps.google.fr . Données IGN - http://www.ign.fr . Institut national de la statistique et des études économiques - http://www.insee.fr . L’Atelier d’Architecture Autogérée - http://urbantactics.org . Le Bruit du Frigo - http://www.bruitdufrigo.com . Le Collectif Dérive - http://collectifderive.blogspot.fr . Les Collectif des Saprophytes - http://www.les-saprophytes.org . Le Collectif ETC - http://www.collectifetc.com . La Fabrique - http://lafabrique.ville-roubaix.fr/# . La Fabrique des quartiers (SPLA) - http://www.lafabriquedesquartiers.fr . Le Monde - article: «Berlin cultive son jardin» -http://www.lemonde.fr/style/article/2012/10/05/berlin-cultive-sonjardin_1770025_1575563.html . Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU) - http://www.lillemetropole.fr . Strabic, revue numérique indépendante - http://strabic.fr . Urbanités inattendues - http://urbanites-inattendues.over-blog.com . Urbanoactivo, références - http://www.urbanoactivo.com . Ville de Roubaix - http://www.ville-roubaix.fr
ICONOGRAPHIE . Archives municipales - à la Mairie de Roubaix : page 27 . Coloco - http://www.coloco.org : page 99 . Données IGN - http://www.ign.fr : pages 54 - 55 - 58 - 59 - 72 - 73 - 77 - 79 - 82 - 83 - 84 - 85 . Exposition sur les courées - http://asso.nordnet.fr/vandermeersch/ : page 28 . Fond de documentation de la médiathèque de Roubaix - http://www.mediathequederoubaix.fr : pages 32 - 33 - 81 . Géoportail - http://www.geoportail.gouv.fr : pages 1 - 25 - 35 . Google Maps - https://maps.google.fr : page 31 . HILAIRE Yves-Marie, Histoire de Roubaix - Éditions des Beffrois, 1984 : page 24 . Jardin communautaire de Moritzplatz - http://www.panoramio.com/photo/53613988 : page 102 . Jardin communautaire du Parc de Templehof - http://rue89.nouvelobs.com/2013/07/01/lex-aeroport-tempelhofnouveau-terrain-jeu-titanesque-berlinois-243831 : page 102 . L’Atelier d’Architecture Autogérée - http://urbantactics.org : page 101 . Le Bruit du Frigo - http://www.bruitdufrigo.com : page 100 . Le Collectif Dérive - http://collectifderive.blogspot.fr : page 103 . Les Collectif des Saprophytes - http://www.les-saprophytes.org : page 81 . Le Collectif ETC - http://www.collectifetc.com : page 98 . LEROY Serge et PLATTEAU Raymond, Le Pile à Cœur, tome I et II - ouvrage financé par le Fonds de Participation des Habitants (Ville de Roubaix) et le Comité de quartier du Pile, 2002 : pages 36 - 37 . Les ateliers mémoire de Roubaix - http://cueep102.univ-lille1.fr/atemem/ : page 34 . Nordéclair - http://www.nordeclair.fr/info-locale/roubaix-un-nouveau-marche-presque-parfait-dans-leia50b0n248233 : page 81 . BOUCHAIN Patrick - http://www.construire.cc : page 97 . Présentation du PNRQAD et de la coordination des acteurs - document LMCU (Elena ITURRA) : page 65 . BOUCHAIN Patrick - Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée - Éditions Actes Sud Editions, 2013 : page 96
REMERCIEMENTS Je tiens à remercier pour leur intérêt, leur soutien, leurs conseils et leur disponibilité : Mes professeurs Lolita Voisin et Marc Claramunt, Les trois maîtrises d’ouvrages rencontrées : Véronique Duceux, ingénieur-urbaniste au service Aménagement quartiers Est de la mairie de Roubaix, Mathilde Rigot, chargée d’opération du PNRQAD à la Fabrique des quartiers et à Elena Iturra, coordinatrice du PNRQAD à la LMCU, L’Atelier Leblanc-Vénacque, paysagistes lauréats du projet Pile Fertile, Nawal Badaoui, salariée de l’association la Solidarité et habitante du Pile, Marie-George Volckaert, animatrice de la Maison du projet, Damien Gravas, membre actif du collectif des Saprophytes à Lille, et Claude Eveno, écrivain et urbaniste. Merci aux personnes qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire de fin d’étude, en particulier aux copains et à mes parents.
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ROUBAIX RAVIVER LE QUARTIER DU PILE PAR LA DYNAMIQUE SOCIALE À quelques pas du centre-ville de Roubaix se trouve le quartier du Pile. Ce quartier populaire est une relique de l’ancien tissu urbain issu d’un passé industriel lié au textile. Les petites maisons ouvrières en briques alignées forment une unité architecturale prononcée et permettent d’affirmer une identité propre au Pile. De multiples courées occupent les coeurs d’îlot et densifient davantage le bâti. Cet ensemble très structuré se retrouve perturbé par la présence d’imposants bâtiments dont les cheminées s’érigent encore dans le ciel. Depuis le déclin de cette industrie, le quartier s’est progressivement dégradé. Une grande partie du bâti est devenu insalubre et déserté. Les ordures s’empilent sur les trottoirs. Les commerces ont été abandonnés. Les usines ont fait le vide. Le quartier s’est complexifié et s’essouffle petit à petit. Sa vitalité a laissé place à une image négative et à de nombreux interstices toujours inexploités. Longtemps exclus par les politiques d’aménagement, les habitants se trouvent incompris face à celles-
ci et désavantagés par rapport au reste de la ville. Ils semblent épuisés face à la multitude de projets qui les écartent du devenir de leur quartier. Malgré cette impuissance, le Pile reste un lieu de solidarité, d’identité et de convivialité. La présence d’associations et d’événements particulièrement engagés dans l’évolution du quartier ainsi que l’existence de jardins partagés m’indique qu’une énergie sociale importante est toujours active. Aujourd’hui, le Pile est au coeur des préoccupations d’une étude visant à réhabiliter les quartiers anciens de la ville avant les élections municipales. La requalification d’une petite partie du quartier ainsi que la création de la nouvelle mosquée sont en cours. Cependant, rien n’est encore acquis par la maîtrise d’ouvrage. D’ailleurs, aucune forme de projet n’a été élaborée. Face à cette situation, je me positionne comme un élément nouveau du projet. En agissant en tant que paysagiste médiatrice,
L’école Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage 9 rue de la Chocolaterie - 41000 Blois tél. : +33(0)2 54 78 37 00 / fax: +33(0)2 54 78 40 00 / www.ensnp.fr
je souhaite mettre en place une tactique expérimentale permettant d’impliquer les différents acteurs à la fois dans la conception et dans l’élaboration d’un projet dans le but de solliciter leur temps et leur imagination au service du quartier. De mon point de vue, les imperfections de ce site représentent une réelle opportunité. Donner l’impulsion d’une nouvelle dynamique du Pile en investissant les moyens humains et matériels déjà présents sur le site, notamment en exploitant l’énergie sociale et les espaces vacants, permettrait de fabriquer un projet cohérent répondant aux contraintes économiques et sociales de ce site défavorisé. En combinant les énergies existante à l’ensemble du quartier, je souhaite amener de nouvelles réponses qui semblent inévitables pour améliorer les conditions de vie de ce quartier en difficulté.
Sujet de TFE - Septembre 2013 Emilie Sauveur