L’ÉMERGENCE DES COMMUNS Un nouveau centre de tri à vocation collaborative pour Rouyn-Noranda
« Tout est possible quand assez d’êtres humains prennent conscience que l’enjeu est immense. » -
Norman Cousins (cité dans Hopkins, 2008)
Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M.Arch. par Émilie Sirard Sous la supervision de André Casault
École d’architecture de l’Université Laval Hiver 2019
Résumé
Alors que l’économie collaborative se développe progressivement à travers le monde, on peut compter le Québec parmi les endroits où est senti son émergence. Ces nouveaux systèmes économiques et sociaux viennent bousculer nos façons de faire (positivement), et on se doit désormais de comprendre comment bien les encadrer, autant au niveau gouvernemental, au niveau juridique, qu’au niveau architectural. Ainsi, L’émergence des communs est un projet de recherche-création qui s’intéresse à l’évolution de l’économie collaborative dans la société québécoise, et de façon particulière au support d’initiatives collaboratives par le cadre bâti. L’essai(projet) cherche à démontrer la pertinence d’un environnement architectural réfléchi pour l’intégration de lieux de partage et de collaboration dans nos villes. Alors que les plateformes d’échange actuelles se trouvent majoritairement dans l’espace numérique, les plateformes d’échange physiques semblent nécessaires, mais grandement négligées. En puisant dans les concepts théoriques de l’économie collaborative, tel que discuté par Decrop (2017) et Botsman & Rogers (2010), des concepts architecturaux seront développés et mis en application. Puis, par un projet de centre de tri sociocollaboratif implanté à Rouyn-Noranda, la recherche tentera de démontrer l’application de ces concepts favorisant l’intégration de lieux de mise en commun dans une communauté.
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Encadrement
André Casault Architecte et Professeur titulaire à l’École d’architecture de l’Université Laval
Membres du Jury
Erick Rivard Architecte et chargé de cours à l’École d’architecture de l’Université Laval
Sonia Gagné Architecte associée chez Provencher Roy
Olivier Lajeunesse-Travers Architecte associé et co-fondateur chez Microclimat
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Remerciements
J’aimerais d’abord profiter de ces quelques lignes pour remercier toutes les personnes qui ont su m’appuyer, de près ou de loin, tout au long de mon parcours à l’école d’architecture. Merci à tous mes professeurs, qui, au travers des différents cours et ateliers, ont su me transmettre leur passion pour cet extraordinaire métier aux multiples facettes. Ce parcours n’aurait jamais été le même sans les merveilleuses amitiés rencontrées en chemin. Elles resteront gravées à jamais dans mon cœur et perdureront au travers des années, je n’en ai aucun doute. Je pense en particulier à mon groupe des burritos ; ce fut cinq belles et folles années passées avec vous. Je tiens à remercier également M. André Casault, qui m’a soutenu dans cette aventure qu’est l’essai(projet). Son intérêt et son expérience sans pareil ont su m’aider à cheminer et à terminer la session avec un projet dont je suis fière. Merci aussi à Martine Dion et à toute son équipe à La Ressourcerie, qui m’ont permis de visiter leurs installations et qui m’ont accueilli chaleureusement. J’ai appris énormément de ces visites et j’en serai infiniment reconnaissante. Je ne saurais exprimer toute la gratitude que j’ai envers mon copain Julien, qui a su me soutenir, me conseiller, et égayer mes journées même dans les moments les plus critiques. Étant déjà passé par le même processus, il m’a beaucoup appris et transmis sans aucun doute son amour pour l’architecture écologique. Enfin, un énorme merci à ma famille, qui m’a toujours encouragée, même en étant à 868km de chez moi. Un merci tout spécial à mon papa, qui depuis mon tout jeune âge a su me transmettre sa passion pour l’architecture. Qui aurait cru, alors que l’on assemblait ensemble ma maquette de la maison Schröder pour un cours de 5e secondaire, qu’on la visiterait ensemble quelques années plus tard lors de mon échange étudiant de l’école d’architecture. Je serai à jamais ravie de pouvoir discuter avec toi d’anecdotes sur cette belle école… Merci.
Émilie Sirard
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TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ..................................................................................................................................................................... 2 ENCADREMENT ......................................................................................................................................................... 3 MEMBRES DU JURY................................................................................................................................................... 3 REMERCIEMENTS ...................................................................................................................................................... 4 INTRODUCTION ......................................................................................................................................................... 6 CHAPITRE 1 - DÉFINITIONS & ENJEUX : L’ÉMERGENCE DES COMMUNS AU QUÉBEC........................................... 8 1.1 L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE DANS LE CONTEXTE QUÉBÉCOIS ......................................................................... 10 1.2 LE DÉFI DE L’ENCADREMENT DES COMMUNS ...................................................................................................... 10
CHAPITRE 2 - CADRE THÉORIQUE : LA RECHERCHE DE L’ÉQUILIBRE .................................................................... 12 2.1 L’ÉCONOMIE DÉCROISSANTE : REPENSER LA SOCIÉTÉ ......................................................................................... 14 2.2 LE RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT : L’IMPORTANCE DE CONNAÎTRE SON MILIEU ............................................. 16 2.3 L’ÉCHELLE LOCALE : VOIR PLUS PETIT ET PLUS PRÈS ............................................................................................ 17
CHAPITRE 3 – APPROCHE CONCEPTUELLE : APPLICATIONS ARCHITECTURALES ................................................. 19 3.1 LA RÉSILIENCE, À PLUSIEURS ÉCHELLES ................................................................................................................ 19 3.2 L’ÉCOCONCEPTION : VERS UNE CONCEPTION HOLISTIQUE ................................................................................ 20 3.3 ARCHITECTURE IDENTITAIRE ET SENTIMENT D’APPARTENANCE ......................................................................... 22 3.4 L’ESTHÉTIQUE DE PRODUCTION .......................................................................................................................... 23
CHAPITRE 4 – RÉFLEXION : L’ARCHITECTURE DES COMMUNS ............................................................................. 24 4.1 CONTEXTE DE LA RECHERCHE : LE PROGRAMME QUI EN DÉCOULE .................................................................... 24 4.2 L’ÉMERGENCE DES COMMUNS À ROUYN-NORANDA : QUELS SONT LES BESOINS ? ........................................... 26
CHAPITRE 5 – LE PROJET D’ARCHITECTURE .......................................................................................................... 29 5.1 À L’ÉCHELLE URBAINE .......................................................................................................................................... 29 5.2 À L’ÉCHELLE DU BÂTIMENT .................................................................................................................................. 39
CONCLUSION .......................................................................................................................................................... 50 BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................................................... 52 ANNEXES ................................................................................................................................................................. 55
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Introduction
L’émergence des communs est un projet de recherche-création qui s’intéresse à l’évolution de l’économie collaborative dans la société québécoise, et de façon particulière au support d’initiatives collaboratives par le cadre bâti. Considérant le regain d’intérêt pour l’échange, la réutilisation ou l’emprunt observable dans nos sociétés actuelles, l’essai(projet) cherche à démontrer la pertinence d’un environnement architectural réfléchi pour l’intégration de lieux de partage et de collaboration dans nos villes. Alors que les plateformes d’échange actuelles se trouvent majoritairement dans l’espace numérique, les plateformes d’échange physiques semblent nécessaires, mais grandement négligées. De ce fait, l’intérêt porté au contact humain, à l’acte social, est laissé de côté. Ainsi, l’importance d’un retour à la communauté de petite échelle et à l’expérience sociale sera au cœur de la démarche. La recherche prend racine dans le concept central du commun, soit de la ressource partagée, gérée et maintenue collectivement par une communauté. Autrement dit, « on peut définir les communs comme une ressource (bien commun) plus les interactions sociales (économiques, culturelles et politiques) au sein de la communauté prenant soin de cette ressource » (Le portail des communs, s.d.). Vu le constat de leur émergence et de leur importance face aux problèmes environnementaux actuels, l’essai(projet) tente de comprendre comment l’architecture peut-elle favoriser l’intégration de lieux de mise en commun innovateurs à nos villes et à nos modes de vie ? Ainsi, la recherche est orientée sur les facteurs de composition d’un lieu dit de mise en commun, favorisant son intégration à la ville et son utilisation par les membres d’une communauté. Dans le cadre du présent travail, la communauté rouynorandienne a été choisie pour son échelle relativement petite et par le fait même pour son fort sentiment communautaire prêt à accueillir la venue des communs. Le contenu de cet essai (projet) sera divisé en cinq chapitres, exprimant la démarche du plus général au particulier. Ainsi, le premier chapitre établit l’état actuel de l’économie collaborative au Québec, et explique les défis liés à son encadrement par l’architecture, puis les implications spatiales découlant de la mise en commun. Le deuxième chapitre, quant à lui, met la table sur les trois principaux concepts théoriques gravitant autour de l’idée des communs. Y est donc détaillée l’importance d’une véritable économie décroissante, d’intentions tournées vers le respect de l’environnement, puis d’un retour à l’échelle locale dans les échanges au sein d’une communauté.
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Ensuite, la troisième section exprime l’application architecturale des concepts théoriques précédemment expliqués. La recherche vise en effet à traduire les idées liées au concept des communs en facteurs de composition architecturale, afin de comprendre quels éléments favorisent la conception d’un lieu collaboratif intéressant. On discutera donc de résilience, et ce à plusieurs échelles, d’écoconception (ou encore de conception holistique), d’architecture identitaire et de sentiment d’appartenance, puis d’esthétique de la production. L’idée principale de ce chapitre est de déterminer des objectifs de design qui permettent d’encadrer le projet d’architecture. Le quatrième chapitre se veut une réflexion sur les trois premiers chapitres afin de lancer le projet d’architecture. Il dresse un portrait général de l’architecture des communs et de la mission portée par le projet. Il établit également les besoins de la ville de Rouyn-Noranda dans le contexte des communs, afin de cibler l’idéal programmatique du projet. Finalement, le chapitre 5 présente le projet et son contexte. Y seront exprimées les stratégies à l’échelle urbaine, puis les décisions architecturales favorisant l’intégration du lieu de partage conçu. Différentes stratégies seront déclinées, des stratégies formelles, organisationnelles, constructives, et bioclimatiques. Somme toute, cet essai(projet) tente de démontrer l’importance d’une réflexion architecturale dans l’encadrement de la mise en commun. Il met de l’avant la nécessité d’intégration des lieux de partage et de collaboration dans nos communautés, dans le but d’un changement des mentalités et des habitudes de vie par rapport à nos biens et au paradigme de propriété. Il encourage donc la naissance de ces lieux de mise en commun et leur mise en valeur par des stratégies programmatiques, urbaines et architecturales.
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Chapitre 1 - Définitions & Enjeux : L’émergence des communs au Québec
En 1936, le Great Plains Committee en venait à la conclusion que « la poursuite effrénée du profit, la libre compétition et la thèse selon laquelle la nature pouvait être totalement assujettie à la volonté humaine conduiraient irrévocablement à un sérieux déséquilibre de l’environnement » comme l’indique Roussopoulos (1994, p.22), dans son livre, Écologie Politique. Il cite également l’ouvrage The Limits to Growth, qui en 1972, « […] apporta à la thèse conservationniste l’idée que la crise environnementale plonge ses racines dans la croissance économique exponentielle » (p. 31). Déjà, à partir de ce moment, des citoyens concernés comprenaient que les problèmes environnementaux étaient reliés à des formes spécifiques d’organisation sociale et économique, y compris la structure politique de l’État (Roussopoulos, 1994, p. 39). C’était la naissance de l’ère de l’écologie. Ces formes d’organisations sont aujourd’hui sujettes au changement. Le développement de l’économie collaborative revisite l’organisation économique actuelle. Avant de plonger dans le concept de la mise en commun, il est important de définir le contexte économique dû à son émergence. L’économie collaborative, ou économie du partage tel que discuté par Decrop (2017) et Botsman & Rogers (2010), constitue un modèle économique novateur basé sur l’échange et le partage entre particuliers. Quoiqu’il ne s’agisse pas du modèle économique dominant dans notre société, il existe et est utilisé à différents niveaux. Tel qu’expliqué par Decrop (2017) : L’économie collaborative est une activité humaine qui vise à produire de la valeur en commun et qui repose sur de nouvelles formes d’organisation du travail. Elle s’appuie sur une organisation plus horizontale que verticale, la mutualisation des biens, des espaces et des outils (l’usage plutôt que la possession), l’organisation des citoyens en « réseaux » ou en communautés et généralement l’intermédiation par des plateformes internet (Decrop, 2017, p.13). Sans trop élaborer sur le sujet, il faut comprendre que l’économie collaborative est un domaine plutôt vaste. Il se divise en plusieurs aspects et comprends plusieurs façons de faire. Selon Decrop (2017), on peut subdiviser l’économie collaborative en quatre grandes catégories : la consommation collaborative, la production collaborative, le financement collaboratif, et la connaissance collaborative. Ces quatre catégories comprennent en elles-
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mêmes différentes façons de pratiquer l’économie collaborative. Ci-dessous, un tableau résumant les idées de Decrop (2017), pour exprimer la variété d’activités reliées.
L’économie collaborative Système de redistribution à Revente, troc, don… à Quelqu’un qui donne VS quelqu’un qui cherche
Consommation collaborative
Système de transformation à Un bien devient un service à Partage d’auto/de vélo, location de logement, repas préparés… Styles de vie collaboratifs à Échanges et partage immatériels (temps, compétences) à Banques de temps, repair café
Production collaborative
Réseau de citoyens en collaboration à Création pour tous à Wikispeed, Fablab…
Financement collaboratif
Financement sans banque à Financement participatif à Monnaies alternatives
Connaissance collaborative
Diffusion de savoirs libres à Ouvert à tous et participatif à Wikipédia et tous les logiciels « open source »
Figure 1 : Tableau des différentes facettes de l’économie collaborative, selon Decrop (2017) (par l’auteure)
Même si, pour la majorité, la principale raison pour participer à l’économie collaborative est l’économie d’argent, pour la plupart, la protection de l’environnement est également une motivation (Decrop, 2017, p.20). Selon Decrop (2017), cet aspect durable et l’esprit d’entraide y étant rattachée amènent plusieurs consommateurs à adopter l’économie collaborative dans certains contextes, notamment pour privilégier l’accès à la possession plutôt que la possession elle-même. Il ajoute « [qu’]en 2013, 83% des Français étaient d’accord avec l’affirmation que « l’important, c’est de pouvoir utiliser un produit plus que de le posséder » et 62% des consommateurs se déclaraient intéressés par un service de prêt de produit ou de matériel qui serait créé au niveau de leur quartier », selon une étude réalisée par ObSoCo (p.16). Qu’en est-il donc pour le Québec ? La première étape de la recherche était de saisir l’intérêt ou le désintérêt des Québécois envers cette nouvelle économie. Ce premier chapitre portera donc sur la mise en contexte de la recherche et sur les définitions importantes pour bien comprendre l’essai.
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1.1 L’économie collaborative dans le contexte québécois L’émergence de l’économie collaborative est encore très récente au Québec. En 2017, selon une étude NETendances réalisée par le CEFRIO sur l’Économie québécoise du partage, 3% des Québécois ont offert en location de courte durée des biens personnels au cours de l’année 2016 (CEFRIO, 2017, p.5). L’année suivante, en 2018, un document sur cette économie était créé par le gouvernement du Québec pour aider les citoyens à mieux comprendre les transformations qu’elle apporte. On y explique que cette tendance prend de plus en plus d’importance, et que le Québec souhaite même devenir l’un des meneurs en la matière. Un groupe de travail sur l’économie collaborative a même été mis en place. Leur objectif : formuler des recommandations pour l’encadrement des pratiques collaboratives, « afin de préserver l’équilibre entre l’innovation, l’équité, la sécurité et l’intérêt général » (ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, 2018, p.3). Même si les citoyens ne la vivent pas tous les jours, l’économie collaborative est bien instaurée au Québec. Elle existe à plusieurs échelles. Des entreprises internationales comme Airbnb permettent aux Québécois de louer un logement ou de mettre le leur en location ; avec Turo, la même chose est possible avec un automobile. De plus petites entreprises permettent la location d’outils et la réparation de biens, comme La Patente à Québec, ou les nombreux « Repair Cafés » à Montréal. Des « Makerspaces », soit des ateliers de fabrication manuels et numériques collaboratifs, émergent aussi un peu partout. À l’échelle de la ville, des initiatives comme Bixi permettent aux gens d’accéder à des vélos sans devoir en acheter. Dans un autre ordre d’idées, des plateformes de sociofinancement comme La Ruche permettent à des projets de se réaliser par la volonté des citoyens. Encore de nombreux exemples pourraient être évoqués ; bref, l’économie du partage est à nos portes.
1.2 Le défi de l’encadrement des communs Certains médiums de partage se retrouvent hébergés par les plateformes numériques ; Airbnb et Turo en sont de bons exemples. Alors que la simplicité d’utilisation des applications a fait le succès de ces entreprises, un espace physique n’est pas nécessaire à leur fonctionnement. Dans d’autres cas, comme celui des « Makerspaces », des bibliothèques d’objets, ou des « Repair Cafés », des espaces physiques sont requis pour permettre la collaboration. Étant émergentes et sans grands moyens financiers, la plupart
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de ces entreprises s’établissent dans des locaux plutôt dépourvus de qualités (peu ou pas de lumière naturelle, manque d’espace, etc.), souvent très peu mis en valeur, et non optimisés. C’est ici que l’analyse du cadre bâti supportant les initiatives collaboratives entre en jeu, et que l’on en vient à se demander si l’architecture peut contribuer à mettre en valeur ces lieux pour augmenter leur efficience et leur fréquentation par les citoyens. Dans le cadre de la recherche, l’intérêt est porté aux bâtiments encadrant la mise en commun, qui sont donc ceux qui nécessitent un encadrement physique. L’idée des communs engendre bien entendu différentes façons d’exploiter l’espace, et il est important de comprendre les nuances entre les différents changements. Dans plusieurs cas, la mise en commun amène à la création de nouveaux espaces, comme pour le cas des « Makerpaces », par exemple. Dans d’autres cas, la mise en commun permet d’économiser de l’espace, et ce souvent par l’ajout d’espaces annexes (ces deux implications spatiales sont souvent en relation, comme l’exprime la figure 2). Par exemple, l’ajout d’un stationnement pour voitures partagées permet d’économiser de l’espace sur les stationnements individuels. Finalement, la mise en commun engendre parfois un transfert d’espace, comme dans le cas de jardins communautaires, où les jardins individuels peuvent y être transférés pour ainsi permettre aux gens de faire usage autre de leur cour.
Figure 2 : Différentes implications spatiales des communs (par l’auteure)
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Chapitre 2 - Cadre théorique : la recherche de l’équilibre
Le cadre théorique englobant la recherche-création est né de constats suite à plusieurs lectures concernant les concepts d’économie collaborative et de mise en commun, notamment en comparant les différentes études mettant de l’avant les aspects positifs versus les négatifs. Comme il s’agit d’un sujet plutôt émergent et en constante évolution, plusieurs recherches pointent dans différentes directions. Cependant, dans chacune, la recherche d’un équilibre entre plusieurs concepts semble primordiale. Ainsi, trois concepts principaux ont émergé des lectures, trois facteurs qui doivent être considérés équitablement : les réalités économiques, les préoccupations environnementales, et l’importance de la communauté. De façon simplifiée, il s’agit d’un équilibre entre économie, écologie, et société, trois aspects que l’on met souvent en relation déjà pour parler de durabilité. Ces concepts se doivent d’être présents et en équilibre pour obtenir une économie collaborative dite véritable.
Figure 3 : Les piliers de la durabilité. Source : AgriDurable Tunisie. (s.d.). Agriculture durable ! Repéré à https://www.flickr.com/photos/agridurable/25097728889/in/photostream/
Selon Rachel Botsman et Roo Rogers, dans leur livre, What’s Mine Is Yours : The convergence of social networks, a renewed belief in the importance of community, pressing environmental concerns, and cost consciousness are moving us away from the old top-heavy, centralized, and controlled forms of consumerism toward one of sharing, aggregation, openness, and cooperation (Botsman et Rogers, 2010, p.22). Pour tenter de répondre à la question de recherche, l’hypothèse proposée est que les principes architecturaux pouvant favoriser l’intégration de lieux de mise en commun se
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retrouvent dans les principes fondamentaux propres à l’économie collaborative elle-même. La recherche-création tentera donc de démontrer la possibilité de traduction de ces principes en stratégies architecturales. Dans le cadre de la présente recherche, des positions sont prises de sorte que les réalités économiques seront discutées selon la décroissance économique, les préoccupations environnementales selon un respect de l’environnement, et l’importance de la communauté selon la communauté à l’échelle locale. L’aspect technologique discuté par plusieurs est laissé de côté dans le cadre de la recherche, afin de prioriser les relations humaines physiques. Le schéma des concepts principaux tente d’exprimer l’équilibre qui doit être maintenu entre ces concepts pour favoriser l’intégration des lieux de mise en commun (voir figure 4).
Figure 4 : Schéma des concepts principaux (par l’auteure)
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Méthodologie Dans le cadre de la présente recherche-création, la méthodologie suivante a été adoptée (figure 5), afin de tirer au maximum de la littérature et des projets réels, pour ensuite intégrer les apprentissages dans le nouveau projet. Ainsi, après avoir parcouru la littérature, une réflexion sera portée au chapitre 4 pour joindre les concepts aux aspects tirés de certains précédents. La transformation en langage architectural se fera à la fin de chaque concept du chapitre 3, qui se fera sous forme d’objectifs de design. Ceux-ci suivront tout au long du projet et l’atteinte des objectifs (ou non) sera discuté dans la section projet, au chapitre 5.
Figure 5 : Méthodologie adoptée (par l’auteure)
2.1 L’économie décroissante : repenser la société Nous vivons dans un présent de plus en plus conscient des méfaits de l’économie du marché et des bienfaits d’une économie plutôt sociale, solidaire, et respectueuse de l’environnement, économie qui serait porteuse d'un avenir meilleur (Bradburn, et Deboissy, 2017). Comme mentionné précédemment, dans l’idée d’une véritable économie collaborative, le système économique décroissant serait une avenue à privilégier. Dans ce contexte, la décroissance ne signifie pas une croissance négative ; il s’agit plutôt d’un
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ralentissement de notre croissance actuelle (Latouche, 2013). Moins consommer, moins posséder, partager davantage. Nicholas Georgescu-Roegen, mathématicien, docteur en statistique et professeur d’économie à l’Université de Vanderbilt de Nashville, est l’auteur d’un livre sur la décroissance dont la première édition apparaissait déjà en 1979. Il y explique que la pensée économique occidentale voit le processus économique comme un va-et-vient entre production et consommation, et ce à l’infini, alors que la science, en parallèle, nous parle d’évolution et d’entropie (Georgescu-Roegen, 1995, p.7). Il exprime ainsi la place à l’évolution dans notre système économique actuel. Il explique également que : Dans le passé, le développement a généralement induit la croissance et la croissance n'est advenue qu'en association avec le développement. Il en est résulté une singulière combinaison dialectique également appelée « croissance », mais à laquelle nous pourrions réserver une autre étiquette courante, celle de « croissance économique ». (Georgescu-Roegen, 1995, p.86) Cette croissance économique, qui signifie une augmentation de la production par habitant, implique forcément un épuisement lui aussi croissant de nos ressources disponibles. Cela nous amène à nous demander, à quoi bon puiser dans les nouvelles ressources, alors que nos ressources existantes sont jetées à la poubelle ? Comme l’indique l’auteur, après réflexion, le lien entre croissance et développement n’est pas nécessaire. Alors que les défenseurs de l’environnement ont souvent été accusés d’être des obstacles au développement, ils n’étaient en réalité que contre la croissance (Georgescu-Roegen, 1995, p.87). Le terme décroissance, qui fait peur à plusieurs, qui pour certains égale une régression, exprime au final un ralentissement, une nouvelle façon de faire, sans pour autant revenir en arrière.
La décroissance en architecture Que signifie la décroissance en architecture ? On parle de plus en plus du rôle de l’architecte dans la résolution des problèmes environnementaux. Alors que, comme le mentionne Latouche (2013), les urbanistes et les architectes tentent de leur mieux pour remédier à la crise en proposant des idées innovatrices, on oublie de voir plus large, soit de voir que la société de croissance mène théoriquement à la perte. Selon l’auteur, le changement de perspective sociétal vers la décroissance est possible par la mise en œuvre, à toutes les échelles, des huit « R » : Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Redistribuer, Réduire, Réutiliser, Recycler (Latouche, 2013, paragr.24). Latouche apporte sa propre vision de la ville décroissante. Pour lui, cela devrait être « une ville à empreinte écologique réduite, entretenant un rapport étroit avec l’écosystème (une bio-région) ». Il
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croit donc qu’une architecture décroissante ne consiste pas en la construction de nouvelles villes (supposément meilleures), mais en explorant une nouvelle façon d’habiter la ville. Sans même rien construire, la ville décroissante peut être une ville de laquelle sont retirées les voitures, par exemple. Ou encore, il peut s’agir de la ville où auront été optimisés les pistes cyclables, les jardins communautaires, les ateliers de quartier, etc. (Latouche, 2013, paragr.27-33). En bref, la décroissance en architecture et en urbanisme signifie construire moins, et apprendre à habiter autrement.
2.2 Le respect de l’environnement : l’importance de connaître son milieu Le deuxième aspect est donc le respect de l’environnement, ou autrement dit, la conscience écologique. Appliquée à l’économie collaborative, cette idée doit transcender dans chaque action. Pour ne donner qu’un exemple, si deux personnes font un échange (ce qui est à la base positif), mais qu’elles doivent emprunter leur véhicule et parcourir une grande distance pour procéder à cet échange, la pollution engendrée contre les effets positifs de l’action. La proximité (ou encore l’échelle locale) est dans cet exemple nécessaire au respect de l’environnement. C’est donc pour cette raison que les concepts sont imbriqués et se doivent équilibrés. Dans le cadre des initiatives collaboratives, le respect de l’environnement peut se faire de plusieurs façons. Les distances de transport réduites en sont un exemple. Autrement, les lieux de mise en commun, comme les bibliothèques d’objets, sont beaucoup plus respectueuses de l’environnement dans l’optique où leurs possessions sont recyclées, réutilisées, ou ont fait l’objet de don, plutôt que d’avoir acheté une série d’objets neufs pour ensuite les mettre en location ou disponible pour prêt. Le respect de l’environnement en architecture Il s’agit aussi d’un sujet très discuté en architecture depuis quelque temps. Il semblerait donc logique qu’un bâtiment abritant un projet collaboratif donne en lui-même l’exemple, quand cela est possible. Diverses méthodes sont nées grâce aux nombreuses recherches sur le développement durable et l’architecture écologique. L’écoconception est de plus en plus pratiquée par les architectes, parfois par simple conscience écologique, ou parfois par obligation, alors que certaines villes adoptent des règlements intéressants en faveur d’une meilleure conception architecturale. Par exemple, la ville de Bruxelles, en Belgique, a adopté, parmi plusieurs autres mesures, une loi imposant la construction passive pour tout nouveau bâtiment, et ce depuis 2015. Entre autres, cela signifie que toute nouvelle construction doit être écologiquement conçue pour fonctionner avec des besoins nets en chauffage de 15 kWh/(m2.an) et moins, ce qui correspond au standard passif. Cette loi
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implique également les bâtiments fortement rénovés (« Le passif désormais obligatoire en Région de Bruxelles-Capitale », 2015, paragr.6). L’écoconception semble d’autant plus importante quand on considère que le domaine de la construction produit environ 40% des émissions de CO2, 37% de la consommation énergétique et 40% des déchets produits par les pays développés (Deshayes, 2012). Différentes techniques d’écoconception seront donc discutées dans le chapitre correspondant sur les concepts architecturaux.
Figure 6 : Les divers aspects de l’éco-construction. Source : Deprez, B., Boutsen, D., Coûteaux, M., Hestin, S., Joris, S., le Maire, J., … Willem, J. (2009) Vert Bruxelles ! Architectures à suivre… Bruxelles : Éditions Racine.
2.3 L’échelle locale : voir plus petit et plus près L’importance de la communauté est donc le dernier aspect favorisant une véritable économie collaborative. Comme mentionné, il sera discuté de la communauté dans une optique de retour à l’échelle locale. La localité est importante non seulement pour réduire les déplacements (directement lié à l’aspect environnemental), mais aussi pour entretenir un sentiment communautaire favorisant l’entraide et le partage. Selon Cova et Rémy (2017), « avec l’essor de l’économe collaborative, on redécouvre donc ce qui a toujours été : les relations d’entraide et de collaboration » (p. 176). Nous devons certainement
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revaloriser l’entraide, et ce en revenant aux différentes racines rurales et urbaines de celle-ci (Cova et Rémy, 2017). Comme l’indique Bradburn (2017), il a été mentionné dans le rapport final du PIPAME, Enjeux et perspectives de la consommation collaborative, publié en juin 2015, que : « Les dons, échanges, ventes de biens d’occasion et coups de main entre particuliers, ne constituent pas des pratiques nouvelles. Toutefois, il peut être fait état d’un double changement : d’une part, ces échanges se multiplient et dépassent largement le cercle restreint de l’amitié ou du voisinage ; d’autre part, et ce certainement en réponse au premier constat, ces échanges se trouvent aujourd’hui organisés. À cet égard, les systèmes d’échanges locaux se placent en précurseurs de cette nouvelle économie collaborative : ‘’ Ce mouvement récent et grandissant s’appuie sur des pratiques prénumériques telles que les Systèmes d’Échanges Locaux (SEL), qui ont vu le jour en France au début des années 90 ‘’ » (p.391). Dans leur ouvrage Sharing Cities, McLaren et Agyemen (2015), discutent beaucoup de l’importance des échanges à l’échelle de la ville et non plus nécessairement à l’international. Yewon Kang, cité par McLaren et Agyemen (2015), mentionne que : « Over half of the UK would love to find ways of being able to share their time and resources within their local community [and] … one in three people would be willing to share their garden with someone else locally » (p.29). Gene Homicki, un grand participant à l’économie collaborative, a fondé le West Seattle Tool Library, toujours en fonction aujourd'hui. Il est l’un des précurseurs dans le domaine. Il gère aujourd’hui l’application MyTurn, qui a pour objectif de faciliter les échanges dans un voisinage. Il explique avoir beaucoup observé les phénomènes collaboratifs se développant à l’échelle des quartiers. Selon lui, les bibliothèques d’objets se greffent souvent à des Makerspaces, alors qu’à l’inverse, les espaces de coworking et les Makerspaces se joignent souvent à des bibliothèques d’objets. C’est une sorte d’évolution bidirectionnelle (Sundararajan, 2016). L’échelle de la ville, et même plutôt du quartier, semble idéale pour le démarrage d’initiatives collaboratives, où le sentiment communautaire et la confiance du voisinage se prêtent bien à de tels projets.
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Chapitre 3 – Approche conceptuelle : applications architecturales
L’objectif de ce chapitre est de discuter des concepts architecturaux qui découlent des concepts théoriques précédemment explorés, puis de définir des objectifs de design qui en résultent. Les concepts choisis ont découlé directement ou indirectement des premiers concepts, c’est-à-dire que certains peuvent provenir de plusieurs concepts à la fois, ces trois derniers étant en relation étroite.
3.1 La résilience, à plusieurs échelles Le concept de résilience est de plus en plus évoqué dans le domaine l’architecture et du design urbain. Alors que l’on a longtemps parlé de villes durables, le concept de villes résilientes vient nuancer les propos. Plusieurs essais de définition de la résilience ont vu le jour. Par exemple, Walker et ses collaborateurs (cités dans Hopkins, 2008), définissent la résilience comme : La capacité d’un système à absorber un changement perturbant et à se réorganiser en intégrant ce changement, tout en conservant essentiellement la même fonction, la même structure, la même identité et les mêmes capacités de réaction (Hopkins, 2008, p.60). Pour exprimer la résilience à l’aide d’exemple, Latouche (2013) se demande comment « […] de grandes agglomérations urbaines vont-elles pouvoir affronter la fin du pétrole, l’élévation de la température et toutes les catastrophes prévisibles ? » Selon lui, la réponse se trouve dans l’écologie ; on comprend qu’un système spécialisé est plus performant, mais plus fragile, donc moins résilient. Il explique donc que la résilience est renforcée par les capacités d’adaptation d’un système (Latouche, 2013, paragr.39). Le concept de résilience urbaine est né suite aux nombreuses discussions sur la résilience elle-même. Il s’agit de « […] la capacité de la ville à absorber une perturbation puis à récupérer ses fonctions suite à celle-ci » tel qu’expliqué par LHomme et ses collaborateurs (cité dans Toubin, M., LHomme, S., Diab, Y., Serre, D., Laganier, R., 2012). Dans son livre Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Hopkins explique que trois ingrédients font d’un système un système résilient ; la diversité (soit le nombre d’éléments qui compose un système), la modularité (soit la façon dont les composantes d’un système sont liées), puis les rétroactions directes (soit la rapidité et l’intensité avec lesquelles les changements sont pris en charge). Hopkins exprime d’ailleurs
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le fait que ces concepts ne sont pas nouveaux, et qu’ils étaient mis en pratique bien avant l’arrivée du pétrole (Hopkins, 2008). Alors qu’au milieu du 20ème siècle, on a dévalorisé ce qui était local avec le début de la mondialisation, un retour à la localité semble nécessaire à la résilience. Résilience allant également de pair avec la décroissance, on commence à voir des liens de tisser entre les différents concepts, souvent interdépendants. Ce concept s’applique alors à tous les domaines, autant à l’architecture qu’à l’économie. Alors que l’économie collaborative est encore émergente, celle-ci est en constante évolution et remaniement. Des initiatives démarrent, certaines s’épanouissent, certaines meurent, certaines sont évaluées comme de mauvaises pratiques, etc. La conception d’un bâtiment visant un programme avec autant de possibilités de changement se doit donc de considérer la résilience. Des changements tant au niveau du programme, qui sera possiblement évolutif, que des espaces qui se devront possiblement adaptables, doivent être considérés. Il est certain qu’il s’agisse d’un concept plutôt complexe ; afin de concevoir des villes résilientes, plusieurs professionnels devront mettre en commun leurs connaissances dans le but d’obtenir une approche holistique. Il semble toutefois intéressant de comprendre le concept et de faire le maximum pour le mettre en œuvre dans la conception architecturale. Objectifs de design _Prendre conscience de l’impact du projet dans la ville ; y tisser des liens _Réfléchir à l’adaptabilité du projet et à son cycle de vie _Considérer l’évolutivité du programme
3.2 L’écoconception : vers une conception holistique L’écoconception en architecture est devenue sujet récurrent (puisque souvent discuté) dans les dernières années. Alors que les technologies ne cessent d’innover, on parle beaucoup de conception passive, c’est-à-dire de choix de design qui favorisent une architecture écologique et peu énergivore. De simples initiatives comme l’orientation d’un bâtiment selon le soleil, ou la plantation d’arbres, peuvent faire toute une différence. L’écoconception se fait à plusieurs échelles. À l’échelle de la ville, en y traçant des corridors verts, ou encore à l’échelle du quartier, en ajoutant des stationnements pour vélos, puis à l’échelle du bâtiment, bien entendu. Jason F. McLennan, architecte et figure importante du mouvement pour l’architecture verte, explique dans son livre The Philosophy of Sustainable Design, l’habitude des
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professionnels à pencher pour un certain design puisque les choses se sont toujours faites ainsi. Il discute de l’importance de faire les choses autrement, avec les connaissances que nous avons aujourd’hui, dans le processus de conception architecturale. Il explique qu’un processus de conception durable, selon lui, implique quatre changements dans les façons de faire traditionnelles. Premièrement, assumer complètement le fait de faire les choses différemment. Deuxièmement, valoriser la collaboration avec d’autres disciplines, qui ont beaucoup à apporter au projet. Ensuite, adhérer à des méthodes de conception vertes et durables, puis finalement, la nécessité d'intégrer un processus de réflexion holistique par les différents intervenants (McLennan, 2004). Alors que dans le cas présent, le projet résultant de la recherche ne sera pas analysé par différents professionnels, il semble intéressant de tenter une approche holistique dans la conception, et ainsi d’aborder plusieurs aspects du projet pour en comprendre sa complexité. Dans un processus de conception qui se veut écologique, le contexte se doit d’être considéré. Comme l’expliquent G.Z. Brown et Mark DeKay (2013), les forces climatiques jouent un rôle important dans l’architecture, puisque la réaction d’un bâtiment au climat est directement liée à sa consommation d’énergie, et parce que le climat constitue un contexte local puissant, pouvant même offrir aux concepteurs un moyen d’expression régionale (Brown et DeKay 2013, p.1-2). Tous deux architectes et professeurs d’architecture, Brown et DeKay sont également co-auteurs du livre Sun, wind, and light : architectural design strategies. Assez unique en son genre, ce livre consiste en un recueil des stratégies visant à aider les concepteurs à bien entamer ce processus d’écoconception, dans une optique de consommation énergétique nette zéro (Brown et DeKay 2013). L’idée est de choisir les bonnes stratégies en fonction d’un projet particulier. En effet, l’utilisation de toutes les stratégies ne serait pas utile, et serait même impossible. Par le processus d’écoconception, on arrive à choisir des stratégies architecturales appliquées à un projet selon son contexte. Avec une pensée holistique et les bonnes stratégies en mains, un processus d’écoconception sera donc valorisé dans le projet de la recherche.
Objectifs de design _Intégrer des stratégies durables lors de la conception du bâtiment _Analyser la gestion de l’eau à l’échelle du site _Faire le choix de matériaux à faible énergie intrinsèque _Préconiser la réutilisation _Assurer la végétalisation des surfaces
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3.3 Architecture identitaire et sentiment d’appartenance Dans la conception d’un projet d’architecture encadrant la mise en commun, pour une ville ou un quartier, la question du caractère identitaire que doit porter le bâtiment se pose. En effet, en prolongeant l’idée d’un projet à échelle locale, où se côtoieront les habitants d’un même quartier, un bâtiment témoignant de l’esprit du lieu aura forcément un impact sur la perception qu’en auront les utilisateurs. Il est donc intéressant d’adopter un langage architectural identitaire, favorisant l’appréciation et la fréquentation d’un lieu. Selon Juhuani Pallasmaa, « l’identité culturelle, le sens de l’enracinement et de l’appartenance sont des fondements irremplaçables de notre humanité » (Pallasmaa, 2012). Les idées d’identité et de sentiment d’appartenance semblent donc aller de pair. Ces concepts sont primordiaux pour favoriser la vie communautaire. Alors que le phénomène des multiples constructions contemporaines qui sont le produit de projets clé en main manquent sans aucun doute de personnalité, elles nous prouvent qu’une architecture sans regard identitaire nous semble étrangère et peu attachante. Les bâtiments ne se distinguent plus des autres. Alors que l’on souhaite que les citoyens s’intéressent à leurs bâtiments publics, il est important de les réfléchir de sorte à retenir leur attention et leur procurer un sentiment d’appartenance. L’architecture identitaire se veut donc une réponse à son contexte, et à l’historique de ce dernier. Dans cet ordre d’idées, des stratégies comme la mise en valeur du patrimoine bâti ou encore la conservation partielle de bâtiments existants sont intéressantes. Dans le cas de bâtiments publics, la création d’espaces publics adjacents peut venir en réponse à l’historique du bâtiment. Également, l’appropriation du lieu par les utilisateurs est un bon indice du sentiment d’appartenance. En effet, quand les usagers s’approprient un espace ou le personnalisent, c’est qu’ils y développent un certain attachement ou s’y sentent chez eux. Dans leur livre Responsive environments, Bentley et ses collaborateurs expliquent qu’en personnalisant un lieu, les utilisateurs affichent leurs goûts et leurs valeurs et les communiquent aux autres. Cela permet entre autres de refléter, sans même ne rien faire, les gouts et valeurs d’une société. (Bentley, Alcock, Murrain, McGlynn, et Smith, 1985, p.100). Finalement, des lieux de rencontre, ou d’échange entre citoyens peuvent favoriser le sentiment d’appartenance alors que des moments heureux sont rattachés au bâtiment. L’identité locale semble donc primordiale à prendre en considération dans le processus de conception.
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Objectifs de design _Choisir un site connu des citoyens, voire identitaire (ayant un certain bagage historique lié à la communauté) _Utiliser des matériaux locaux _Concevoir un bâtiment à l’image de la construction traditionnelle rouynorandienne _Incorporer des espaces visant l’échange et les rencontres entre citoyens _Concevoir des espaces adaptables et appropriables par les utilisateurs
3.4 L’esthétique de production Ce concept est en quelque sorte un concept « bonus », mais tout aussi important. En effet, alors que les trois concepts précédents découlent des trois concepts principaux (économie, écologie, société), l’idée de l’esthétique de la production est d’apporter un aspect éducatif à l’architecture. Alors que les concepts précédents tenteront de favoriser l’intégration des lieux de mise en commun, ce concept vise plutôt la transmission des connaissances aux générations futures. À ce moment crucial de l’humanité, où l’on commence tout juste à comprendre l’impact réel à long terme de nos gestes et de certaines grandes décisions de société, il est primordial de démontrer ces nouveaux savoirs, pour s’assurer de les transmettre aux prochaines générations. Relaté par Cova et Rémy (2017) dans La consommation collaborative, cette idée est à la base discutée par Weber (1989), qui parle du concept d’esthétique de la production comme « une connaissance pour le processus de production et un intérêt pour cette connaissance », versus une esthétique de contemplation, soit « l’abstraction de toute information sur la production et la méconnaissance des processus de production ». Selon lui, « cette esthétique de la production est importante en ce qui a trait à la longueur de la chaîne d’interdépendance entre le producteur d’un bien et celui qui consomme ce bien » (Cova et Rémy, 2017, p.179). Des stratégies architecturales peuvent être mises en place pour extérioriser ces processus, les mettre en valeur, et les rendre intéressants aux yeux de la population. La simplification de ces processus peut également aider les visiteurs à mieux les interpréter ou les comprendre. Objectifs de design _Créer une vitrine sur l’économie collaborative _Considérer des espaces de démonstration _Rendre les processus simples et faciles à comprendre par les utilisateurs _Extérioriser le plus possible l’action interne du projet
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Chapitre 4 – Réflexion : l’architecture des communs
Cette section porte sur une réflexion personnelle par rapport aux sections précédentes, sur l’idée globale de l’architecture encadrant les communs. La réflexion permettra le choix programmatique du projet en fonction du contexte choisi.
Figure 7 : La mise en commun ; image interprétative (par l’auteure)
4.1 Contexte de la recherche : le programme qui en découle Les chapitres précédents ont permis de déterminer les différents concepts gravitant autour de l’architecture abritant les espaces de mise en commun. Cela a permis de dresser un portrait de ce qu’on pourrait appeler « l’architecture des communs », soit des aspects à considérer lors de la conception d’un tel espace. Y ont notamment été discutés la résilience, l’écoconception, l’architecture identitaire et l’esthétique de production. Certes, la mise en commun peut se faire de plusieurs façons ; dans le cadre de la recherche, l’objectif est de trouver un programme nécessitant un cadre bâti où ces concepts pourront être mis à l’épreuve. L’étape suivante étant le choix du contexte, la ville de Rouyn-Noranda a donc été choisie, premièrement par intérêt personnel, mais également pour son échelle relativement petite, et son fort sentiment communautaire, intéressants pour la mise en place d’un tel projet. Une recherche programmatique plus générale a été nécessaire avant de se lancer dans le projet précis, afin de bien connaître les projets émergents au travers le monde, et de comprendre dans quel contexte ils apparaissent. Quelques projets ont été retenus pour leurs particularités. Deux de ces projets seront explicités ici-bas.
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Lors de la recherche, plusieurs bibliothèques d’objets à travers le monde ont apparu. Ce sont des petites entreprises jeunes et dynamiques, s’insérant dans une communauté souvent à l’échelle d’un quartier. On en retrouve à Ottawa, à St-John, à Toronto, et même à Québec. Alors qu’on leur remarque des caractéristiques communes, comme les espaces extrêmement serrés, le manque de lumière naturelle, la non-optimisation du rangement, etc., il y a de l’espoir pour les bibliothèques d’objets. Le sujet des communs étant de plus en plus discuté dans le domaine de l’architecture, on voit apparaître des projets étudiants analysant les possibilités pour de tels espaces. C’est le cas d’étudiants en architecture à Gand, en Belgique, qui ont réalisé, en 2016-2017, une thèse dont l’objectif est la conception d’un quartier résilient à Gand. L’un des étudiants, Stephanne Goethals, a mis de l’avant la proposition pour une bibliothèque dans ce quartier, qui fait donc l’objet de sa thèse (voir Annexe A, p.55). Avec une étude sur la mise en commun et une analyse complète du contexte de la ville, un programme intéressant est développé. Se côtoient dans le projet, une bibliothèque traditionnelle, une bibliothèque d’outils, un magasin de matériaux, un fablab, des espaces de travail ainsi que des espaces sociaux et d’exposition. Le complexe comprend même des logements aux niveaux supérieurs pour une plus grande densité dans le nouveau quartier. Il en résulte un projet assez complet et intéressant. Les plans très libres permettent l’adaptabilité des espaces pour ce programme qui sera certainement en effervescence. Les circulations intérieures et extérieures en sont d’autant plus simplifiées, donc intuitives pour les utilisateurs. Le site est également travaillé de sorte à accueillir les passants et à bien intégrer le nouveau bâtiment dans la ville. Le second projet ayant été retenu est le centre ReTuna Återbruksgalleria en Suède (voir Annexe B, p.56). Il s’agit du premier centre commercial du recyclage au monde. Le complexe comprend donc un centre de tri et de recyclage, ainsi qu’une zone de vente pour les produits recyclés, où différentes boutiques d’artisans se spécialisent. Ces derniers récupèrent les matières dont ils ont besoin directement dans le centre de tri. Le gouvernement local a contribué à rendre ce projet réalité, qui a ouvert ses portes en 2015. En plus d’être un exemple éducatif quant aux problèmes environnementaux, il a permis la création de plus de 50 emplois. Il comporte une quinzaine de boutiques, un café, des salles de réunion locatives, des ateliers, etc. Il comprend même une petite école où est enseigné un programme sur le recyclage ! De ce projet innovateur qui fonctionne très bien, on peut en tirer également que les espaces ouverts et adaptables sont nécessaires. L’esthétique de production est un facteur important dans ce projet. Le processus du recyclage est montré au public et même mis en valeur. Un espace de dépôt extérieur annexé au projet permet aux gens de parcourir un trajet intuitif pour aller porter leurs déchets et effectuer euxmêmes le premier tri. Puis, dans la partie commerciale, l’objectif même est la mise en valeur
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des déchets. Il s’agit d’une autre façon de faire la mise en commun, cette fois-ci même en valorisant nos ressources existantes plutôt que des nouvelles. Le projet se trouvant à Eskilstuna en Suède, qui est une petite ville de 64’679 habitants, son échelle comparable à celle de Rouyn en fait d’autant plus un projet intéressant (« The world’s first recycling mall is found in Eskilstuna », s.d.). Bref, ces projets ont apporté beaucoup d’idées intéressantes au départ du projet de recherche-création. Par la suite, une recherche programmatique appliquée directement à la ville de Rouyn-Noranda a été nécessaire afin de cibler un programme fonctionnel à l’échelle de la ville, et selon ses besoins.
4.2 L’émergence des communs à Rouyn-Noranda : quels sont les besoins ? Le projet se situe donc à Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue. Lors de la recherche programmatique, je me suis intéressée aux différentes entreprises et différents organismes présents à Rouyn-Noranda qui font déjà la promotion de la collaboration, de l’entraide, et de la mise en commun. Ces valeurs étant bien présentes étant donné le sentiment communautaire fort, il était toutefois notable que les espaces de mise en commun soient plutôt limités. Alors que les grandes villes de ce monde voient apparaître des bibliothèques d’objets et des « Makerspaces », ces idées ne sont pas encore exploitées dans la petite ville. Il s’agit donc d’une opportunité pour lancer l’idée. Je me suis donc principalement intéressée à un organisme nommé La Ressourcerie, qui est un organisme à but non lucratif faisant notamment la promotion du recyclage et de la réutilisation. Comme ce sont des valeurs fondamentales en vue d’atteindre la mise en commun, la décision a été prise d’utiliser le programme actuel de l’organisme comme porte d’entrée pour les nouveaux programmes. On a pu voir d’ailleurs, avec le projet ReTuna, le potentiel qu’ont les espaces de recyclage bien réfléchis. Ainsi, La Ressourcerie possède différentes installations, soit un écocentre, un centre de tri, une friperie, ainsi qu’un magasin de revente seconde main. Leurs installations étant présentement explosées et non optimisées, le projet vise un rassemblement de ces fonctions, tout en bonifiant le programme pour le rendre plus actuel, mais aussi visant un aspect éducatif. L’objectif est de montrer à la population l’importance de nos gestes et comment peut-on faire autrement, tout en tendant progressivement vers la mise en commun. Un relevé photo des installations actuelles se retrouve à la page suivante. Un relevé plus complet se retrouve à l’Annexe C, à la page 57.
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Figure 8 et 9 : Photos des bâtiments du magasin 101 trouvailles (par l’auteure)
Figure 10 et 11 : Photos de l’écocentre Arthur-Gagnon (par l’auteure)
Figure 12 et 13 : Photos de la friperie (1) et du centre de tri annexé (2) (par l’auteure)
En somme, le projet regroupe, en plus des espaces énumérés précédemment, des espaces de vente supplémentaires pour des artisans du recyclage (en s’imaginant que différentes boutiques pourraient se spécialiser), des espaces de travail de toutes sortes, autant par exemple pour ces mêmes artisans que pour tous les citoyens, afin d’encourager la fabrication et la compréhension de la nature d’un bien, en encourageant également différentes initiatives locales. Un espace de prêt d’objet est également annexé afin de progressivement tendre vers la location au lieu de la possession, et qui du fait même dessert les ateliers. Finalement, des espaces communautaires
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extérieurs étaient prévus au projet afin de favoriser l’intégration du lieu dans la ville. Suite à ces choix, la mission du projet est de concevoir un lieu de mise en commun local, véhiculant les valeurs de la réutilisation, de l’entraide et du partage.
Figure 14 : Programme choisi dans le cadre du projet (par l’auteure)
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Chapitre 5 – Le projet d’architecture
Ce chapitre comporte l’essentiel du développement du projet, allant du plus général au particulier ; y sera donc décortiqué le contexte de la ville de Rouyn-Noranda, puis du site plus précis, pour terminer avec le projet en soi.
5.1 À l’échelle urbaine 5.1.1 Contexte large : La ville de Rouyn-Noranda La petite ville de Rouyn-Noranda, peuplée de 42889 habitants (selon l’Institut de la statistique du Québec, tableau en annexe), est la capitale régionale de l’AbitibiTémiscamingue, une jeune région du Québec. Il s’agit d’un des principaux centres urbains au nord de Montréal. Ville à la fois rurale et urbaine, sa population est répartie sur un vaste territoire de 6484 km2 (Ville de Rouyn-Noranda, 2012, paragr. 1-2). Rouyn-Noranda est une ville à vocations diversifiées, autant commerciales, industrielles, et culturelles. Elle est aussi un pôle de recherche et d’enseignement, étant dotée d’une université (UQAT). Née en 1986 de la fusion de Noranda et de Rouyn, elles-mêmes respectivement nées en 1925 et 1926, la ville n’a même pas 100 ans. Pourtant, « elle est reconnue aujourd’hui comme une des villes les plus dynamiques du Québec », selon le site de la Ville de Rouyn-Noranda (Ville de Rouyn-Noranda, 2012, paragr. 1).
MATAGAMI
LA SARRE AMOS
VAL D’OR ROUYN-NORANDA
ONTARIO VILLE-MARIE
QUÉBEC
MONTRÉAL OTTAWA
ÉTATS-UNIS
Figure 15 : L’Abitibi-Témiscamingue dans le Québec (par l’auteure)
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Bref historique Originairement, la ville s’est développée autour de l’industrie minière, en raison des gisements de cuivre et d’or présents dans la région, qui fut le facteur premier d’urbanisation et de peuplement. C’est la compagnie Noranda Mines qui commença à exploiter les minerais dans les années 20’, d’où le nom de la ville même. Cette petite ville, équivalant aujourd’hui au quartier du Vieux-Noranda, était dotée d’un urbanisme très structuré. La ville de Rouyn, au contraire, s’est développée de façon plus aléatoire, aux abords du Lac Osisko, près du centre-ville actuel. Rouyn jouera le rôle de pôle commercial dont les habitants de Noranda pourront bénéficier (Histoires de chez nous, 2017, paragr. 2-4). La construction d’un chemin de fer reliant la ville au reste du pays débutera en 1925, ce qui contribuera à l’effervescence rapide des villes sœurs (LeBrun, A. 2015, paragr.8). Vers 1930 approximativement, les deux villes comptaient 5500 personnes et devenaient la plus grande agglomération du Nord-Ouest québécois (Berthiaume, 1981, p.27)
Figure 16 : Plan d’urbanisme de Noranda, vers 1925-1926
Figure 17 : Rouyn, Vers 1926
Ville de Noranda, Guide de rénovation, centre-ville de
BAnQ Rouyn-Noranda,
Noranda, Publication gouvernementale, Noranda, 1986,
Fonderie Horne, série Vavasour & Dick. 08-Y,P123,S1,P15
fonds Xstrata Cuivre Canada,
p.10
Un symbole La mine sera toujours très présente dans la vie des citoyens. Les deux cheminées de la fonderie étaient, et sont encore aujourd’hui, l’un des symboles distinctifs de la ville. Les voies ferrées, qui étaient jadis en périphérie, se retrouvent aujourd’hui assez centrales dans la ville fusionnée, et font donc partie du quotidien pour les habitants qui doivent les contourner par le moyen de viaducs. La mine s’est transformée avec le temps ; aujourd’hui,
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plus rien n’est excavé, mais la fonderie est toujours en opération. Une usine d’acide sulfurique est érigée en 1989 afin de contrer la pollution rejetée par la fonderie (Histoires de chez nous, 2017, paragr. 1). Même si elle est moins importante qu’à ses débuts, la fonderie constitue encore l’une des principales sources d’emploi de la ville (directs et indirects), ainsi qu’un symbole et un repère pour les habitants.
Figure 18 : Les cheminées de la mine, au loin (par l’auteure)
La gestion des déchets à R-N Comme le choix programmatique est né principalement des activités de La Ressourcerie, une compréhension globale de la gestion des déchets (on exclut ici les déchets organiques, plastiques et papiers qui sont ramassés par la ville) était nécessaire afin de voir le grand portrait. Plusieurs entreprises différentes gèrent différents types de recyclage, ce qui peut rendre difficile la tâche aux citoyens quand vient le temps de disposer d’un rebut. Par exemple, pour disposer d’objets électroniques qui ne sont plus fonctionnels, il existe trois possibilités ; vous pouvez aller porter votre vieux téléphone à La Ressourcerie, qui sera trié, puis renvoyé au point de dépôt de la Fonderie, où vous auriez pu l’amener au départ. Bref, une transparence ou une clarté est nécessaire pour encourager les citoyens à disposer correctement de leurs objets non-utilisés. Davantage de détails sur la recherche de la gestion des déchets à Rouyn se retrouvent à l’Annexe D, p.58.
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La recherche d’un site La ville actuelle comporte donc un centre-ville avec les principaux services, avec des quartiers gravitant autour, le lac Osisko à l’est, important dans les activités de la ville, puis la Fonderie Horne (anciennement mine Noranda) au nord. D’autres quartiers plus ruraux se situent à l’extérieur de la carte ici représentée. On peut voir, à la figure 19, l’emplacement de la mine ainsi que les voies ferrées qui traversent la ville, en bordure même du centre-ville.
Figure 19 : La ville de Rouyn-Noranda en 2019 (par l’auteure)
Dans le processus de la recherche d’un site pour le projet, une analyse de la ville a été réalisée (voir figure 20). Afin de bien comprendre le fonctionnement de la ville, les principes de Lynch ont été analysés. Kevin Lynch était un architecte et urbaniste, et auteur du livre The Image of the City, publié en 1960, qui est une étude sur la ville. Selon Lynch, la ville est divisée en 5 items, soit les tracés, les limites, les quartiers, les nœuds, et les points de repère (Lynch, 1960). Ont donc été relevés les différents quartiers, 5 principaux gravitant autour du centre-ville, puis les circulations les plus importantes, soit les plus passantes, pour ensuite comprendre les points clés de la ville. Les limites urbaines les plus importantes
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semblent être le Lac Osisko et les voies ferrées, qui ne peuvent être traversées qu’en deux points, par des viaducs. Cela rend la circulation beaucoup moins fluide entre les différents quartiers, mais aussi très peu plaisante pour les piétons. Finalement, un relevé des différentes fonctions a été réalisé ; résidences, écoles, garderies, industries, centres loisirs et culture, ainsi que commerces.
Figure 20 : Analyse de la ville, des différents pôles, et des circulations (par l’auteure)
Un site a donc été choisi pour sa position stratégique dans la ville ; près d’artères passantes, près de quartiers résidentiels, mais aussi près de commerces, et surtout près de lieux éducatifs pour aller de pair avec les objectifs du projet. La grande place disponible sur le terrain est aussi idéale car il n’y a nul besoin de démolir. De plus, la réutilisation de bâtiments existants est possible. Il s’agit de l’un des sites actuels de l’organisme La Ressourcerie ; ainsi les habitants pourront conserver le lien qu'ils font déjà entre le site et l’organisme.
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On peut voir sur la carte ci-dessous les trois lieux de l’organisme ainsi que le site choisi, qui est plutôt près du centre-ville et qui se situe à la limite de deux quartiers résidentiels importants, soit le quartier Sacré-Cœur et le Vieux-Noranda.
Image X : Les trois sites actuels de l’organisme + le site choisi + Légende
Figure 21 : Cartes des trois installations de La Ressourcerie, et du site du projet (par l’auteure)
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5.1.2 Le site choisi - ses caractéristiques Sur l’image ci-dessous (figure 22), on peut percevoir le site et ses environs. À proximité de lieux clés, comme l’hôpital, un centre commercial, un aréna, une école secondaire, une école primaire, un centre de formation professionnelle, et une garderie, le site du projet est bien positionné et même fréquemment traversé pour se rendre d’un quartier à l’autre.
Figure 22 : Contexte du site choisi dans la ville de Rouyn-Noranda. En blanc, les bâtiments existants (par l’auteure)
De plus, il est adjacent à un grand site inutilisé du fait qu’il se situe près des chemins de fer, mentionnés auparavant, qui traversent la ville jusqu’au site minier, où se trouve la fonderie. Pourtant, ce vaste site a un grand potentiel, et on sent sur place le besoin des gens d’y passer pour raccourcir leurs parcours, qui se font plus longs en passant par les viaducs. Sur la figure 23, on peut bien voir la disposition peu accommodante des chemins de fer qui scindent la ville et rendent difficile l’accès entre les quartiers. Le site priorisé a donc été la zone en jaune, afin de conserver le plus possible les tracés existants. En analysant la course du soleil, on observe que le site est très bien ensoleillé. En effet, au sud du site se trouve un viaduc (permettant aux véhicules de passer sous les voies ferrées), ainsi qu’une école primaire et sa cour, donc il y a très peu d’obstruction, soit très peu d’ombre en général sur le site pendant l’année.
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Figure 23 : Site existant en plan (par l’auteure)
L’existant Les deux bâtiments existants présents sur le site ont été analysés pour mieux évaluer leur potentiel de réutilisation dans le cadre du projet, un objectif établi dans la section 3.2. Bien que datant de 1935, les deux structures, en acier, ont un bon potentiel de réutilisation ; il y a eu des rénovations depuis et les structures semblent en bon état suite aux observations.
Figure 24 : Axonométrie des bâtiments existants (par l’auteure)
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5.1.3 Le site choisi – son potentiel Avant d’amorcer le projet, une analyse des possibilités a été faite au niveau du site, étant donné la complexité de son contexte, les opportunités qui s’offraient. Les deux bandes de voies ferrées constituent évidemment des barrières urbaines importantes dans la ville. Alors que des amendes sont parfois données aux téméraires qui traversent les voies, plusieurs le font quand même, car leurs trajets en sont raccourcis. Le retrait des chemins de fer ne serait pas envisageable, puisqu'ils sont encore utilisés, même si cela est à une très faible fréquence. En effet, l’usine d’acide sulfurique de la Fonderie Horne envoie son acide extrait par trains lorsque revendue à de grandes compagnies. D’autres matières arrivent également à Rouyn-Noranda par ces voies ferrées. D’autres solutions devaient donc être envisagées pour effacer la limite urbaine tout en conservant l’activité des chemins de fer. La topographie a donc été relevée pour effacer les barrières et relier les deux quartiers, ainsi que pour donner au site une plus-value. On pourrait facilement imaginer que le remblai pourrait être fourni par une ou plusieurs des nombreuses mines régionales qui extraient des quantités incroyables de matériaux granulaires réutilisables. Celle-ci pourrait être utilisée pour relever le niveau d’une grande partie du site.
RELEVER LA TOPOGRAPHIE
EFFACER LES BARRIÈRES
RELIER LES DEUX QUARTIERS
Figure 25 : Concepts de surélévation du site (par l’auteure)
La nouvelle topographie exigerait approximativement 150'000 m3 de nouveau sol. À titre de comparaison, la Mine Canadian Malartic (située à environ 80km de Rouyn), avait prévu utiliser 350'000 m3 de matériaux granulaires (presque le triple) pour les travaux de rénovation des routes dans un secteur particulier de la ville de Malartic, en 2016 (WSP Canada Inc., 2016, p.162). Ce type de pratiques est donc courante, puisqu’ils se doivent de disposer les matières granulaires extraites. Bref, il s’agit d’un geste assez important mais totalement réalisable. Par ce nouveau terrain, les trajets des piétons et cyclistes entre les deux quartiers pourront être assumés et permettre une nouvelle approche au site et au projet. Un parc est donc créé, avec un nouveau couvert végétal et diverses installations sportives, qui ont été
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déterminées par des constats de manques dans la ville (une analyse des espaces verts se retrouve en Annexe E, p.59). En effet, des enjeux comme la disponibilité des terrains sportifs extérieurs sont déjà discutés à Rouyn-Noranda. Par exemple, suite à la construction d’un grand stationnement en 2017 qui a délocalisé quatre terrains de soccer, seulement deux nouveaux sont prévus pour 2020, et ce, très loin du centre-ville (ParentBouchard, É. (2018), paragr.11). Il s’agit donc d’une opportunité pour consolider le maillage vert de la ville. En plus d’apporter à la population un espace social et récréatif, la création de ce parc peut contribuer certainement à diminuer les ilots de chaleur en ville et à former un poumon vert entre les deux quartiers. Les nouveaux liens piétons et cyclables permettent d’encourager le transport actif, et favorisent une circulation de façon plus sécuritaire et plaisante entre les quartiers.
Figure 26 : Implantation du projet dans le nouveau parc (par l’auteure)
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5.2 À l’échelle du bâtiment Cette section est dédiée au projet d’architecture ; son évolution au travers de stratégies formelles, organisationnelles, constructives et bioclimatiques.
5.2.1 Stratégies formelles Organisation spatiale Pour ce qui est de la formalisation du bâtiment, c’est l'analyse du trajet des déchets qui a mené à son organisation formelle. En observant les déchets entrants et sortants, qui vont soit à la réutilisation immédiate, à la récupération, ou au renvoi (revente à des plus grosses entreprises ou à l’enfouissement), j’ai pu comprendre comment optimiser la disposition des programmes qui cohabitent. Après plusieurs essais et erreurs, c’est cette méthode qui a semblé la plus juste comme première étape pour aborder le projet.
Figure 27 : Schéma du trajet des déchets (par l’auteure)
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Développement formel et implantation Le développement formel s'est fait en trois temps. Premièrement, en donnant à la nouvelle partie un langage industriel mais aussi en relation avec l’existant et son contexte. Ensuite, en répartissant le programme selon le trajet optimal des objets délaissés. Puis, en jumelant le tout à l’existant qui est réutilisé. Le projet prend donc forme pour profiter au maximum du site, tout en respectant le plus possible les tracés existants.
UN LANGAGE À LA FOIS
UN PROGRAMME RÉPARTI
DES BÂTIMENTS EXISTANTS
UN COMPLEXE À LA FOIS
INDUSTRIEL ET RÉSIDENTIEL
SELON LES BESOINS
RÉUTILISÉS EN PARTIE
UNIFORME ET DINSTINGUANT L’EXISTANT DE L’AJOUT
Figure 28 : Schéma de formalisation du projet (par l’auteure)
Le bâtiment prend donc place à proximité de deux quartiers résidentiels, en bordure du viaduc, et ce jusqu’aux voies ferrées nouvellement enfouies, pour venir profiter de l’entièreté du site. L’écocentre, présentement en périphérie de la ville et caché derrière la fonderie, a également été rassemblé et connecté au projet, et par le fait même intégré à la topographie relevée afin de diminuer son impact dans le paysage. L’idée de le rapprocher de la ville est de permettre aux citoyens d’observer le processus, ce qui pourra d’ailleurs se faire directement par la passerelle qui le surplombe, connectée au nouveau parc.
Figure 29 : Axonométrie du projet final (par l’auteure)
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La façade sud a été travaillée afin de devenir une vitrine sur le monde du tri et du recyclage. Tel que discuté dans la section théorique de l’essai, l’esthétique de production était un concept à mettre de l’avant dans le cadre du projet. La section avant du projet a donc été traitée comme une vitrine explicative ; on peut y observer, de l’intérieur comme de l’extérieur, la chaîne programmatique par laquelle passe les objets délaissés. Cette vitrine permet également de mettre en valeur le convoyeur, qui sera explicité plus tard dans cette section. Ainsi, la circulation principale se situe à l’avant, avec deux entrées, et mène à un grand escalier qui permet d’atteindre le parc. Cet escalier permet notamment d’observer des points stratégiques de la zone de tri et de comprendre l’importance de ce qui s’y passe. Lors de l’aménagement du site, une volonté a été d’intégrer la garderie et son stationnement pour unir les deux projets et ainsi faire en sorte que les citoyens en perçoivent un secteur uniforme. Le stationnement ne servant actuellement qu’à deux moments très éphémères dans une journée, il est transformé en un nouveau stationnement partagé. De plus, on peut très bien s’imaginer la création d’activités éducatives en collaboration entre le centre et la garderie. Le secteur a donc été traité comme un tout, en grande partie végétalisé. Au nord du bâtiment se trouve le nouveau lien piéton et cycliste. L’installation de supports pour vélos à proximité du bâtiment vise à encourager le transport actif. Une autre volonté était d’introduire une lumière naturelle abondante à l’intérieur du bâtiment, idéalement partout. En l’introduisant dans les espaces régulièrement occupés du bâtiment, elle aide à renforcer les rythmes circadiens des occupants, et à réduire la dépendance à l'éclairage artificiel. Ainsi, le bâtiment est largement vitré ; la nouvelle toiture, en se joignant à l’existant, vient également créer quelques ouvertures au nord également, laissant entrer la lumière diffuse.
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L’écocentre Tel que mentionné auparavant, l’écocentre qui se trouve actuellement excentré est ramené au cœur du projet. En l’intégrant à la topographie, et donc en positionnant sous terre les bacs nécessaires (30 approximativement selon les besoins), son empreinte dans le paysage est considérablement réduite. De plus, un langage visuel simplifié et dynamique permet aux gens de mieux comprendre où disposer de leurs déchets.
Figure 30 : Perspective de l’Écocentre (par l’auteure)
Le centre de tri sociocollaboratif Tel qu’expliqué précédemment, le centre est organisé de sorte à optimiser le trajet des objets récupérés. Ainsi, un tunnel relie l’écocentre à la zone d’entreposage, puis s’enchaînent la zone de tri, l’administration (qui se veut centrale), la zone de revente, les ateliers, puis la bibliothèque d’objet, dotée même d’un espace café. Trois entrées permettent l’accès au bâtiment, dont deux dans l’axe circulatoire au sud, aligné avec l’escalier menant au parc. L’espace a été divisé de sorte à avoir les circulations au sud, les espaces principaux au centre, et les espaces servants, comme toilettes, casiers, café, etc., au nord. Puis, le
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deuxième niveau se veut très ouvert, principalement en mezzanine sur l’espace principal, en complémentarité. Les plans se retrouvent à l’Annexe F, p.60-61.
Figure 31 : Organisation en plan (par l’auteure)
Le convoyeur Dans la volonté d’optimisation du processus de tri et de recyclage, un convoyeur traversant l’entièreté du bâtiment a été intégré. Ce dernier trace en lui-même le trajet des objets récupérés, et il permet de faciliter les déplacements d’objets dans le bâtiment. Coloré de rouge, il s’agit d’un élément très visible dès l'entrée dans le bâtiment. Son côté ludique souhaite émerveiller les enfants, tout en piquant la curiosité des plus grands. Comme le mentionne Simard (2004), dans le livre Dynamique communautaire dans les quartiers ruraux de la Ville de Rouyn-Noranda : « Il suffit également d’intéresser les enfants pour que les parents participent. Ces activités pour les enfants et leur famille représentent des opportunités de renforcer l’intégration des jeunes à la communauté, elles permettent d’établir et d’entretenir des liens intergénérationnels. Elles favorisent également les contacts entre les familles nouvellement installées et les autres. Ces activités constituent aussi autant d’occasions pour les citoyennes et les citoyens de se rencontrer et d’échanger. » (Simard, 2004). À l’intérieur, l’espace est dégagé, pour permettre entre autres la bonne circulation du convoyeur, mais aussi pour exhiber la structure, l’existante en acier et la nouvelle en bois,
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tout en laissant la lumière pénétrer dans le bâtiment. Ces caractéristiques sont observables sur la figure 32 ci-dessous, dont l’objectif est de démontrer la place que prend ce convoyeur, mais aussi l’organisation spatiale en trois étapes tel que mentionné plus tôt, qui est dictée par la structure.
Figure 32 : Perspective intérieure (par l’auteure)
5.2.2 Les stratégies constructives Structure La nouvelle structure est donc principalement en bois, avec des colonnes de lamellé-collé et des fermes qui supportent la toiture, qui elle est également surtout de bois, soit en CLT et isolé également à la fibre de bois semi-rigide. L’idée est ici d’avoir une structure dont l’énergie intrinsèque est très faible (tel qu'établi par les objectifs de design), en plus d’encourager l’économie locale, car on retrouve d’énormes étendues de forêts et plusieurs scieries en Abitibi-Témiscamingue. À certains endroits, les colonnes viennent s’apposer en sandwich à la structure existante afin de supporter la nouvelle toiture et les nouveaux planchers.
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Figure 33 : Détail des colonnes sandwichs (par l’auteure)
Enveloppe Pour ce qui est de l’enveloppe, quoi qu’elle soit en majorité nouvelle, un effort est déployé pour conserver en partie l’enveloppe existante. En effet, les murs de blocs restés intacts sont conservés, en ne changeant que les revêtement intérieurs et extérieurs. Pour ce qui est du toit, qui sera supporté autant par l’ancienne structure que la nouvelle, son enveloppe est complètement neuve. Elle est dotée d’un platelage de CLT 5 plis, visible à l’intérieur, et d’un revêtement de tôle métallique à attaches dissimulées à l’extérieur. Dans un désir d’utiliser des matériaux à faible énergie intrinsèque, l’isolant en fibre de bois semi-rigide a été choisi. Ensuite, de sorte à atteindre les normes passives, l’épaisseur requise a été calculée. Pour atteindre cet objectif, la décision a été prise de réaliser deux couches d’isolation, où les supports de bois pourront être placés en quinconces pour éviter les ponts thermiques (voir figure 35).
Figure 34 : Détail d’une section du projet (par l’auteure)
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Figure 35 : Détail de toiture type et de mur existant
Figure 36 : Détail des fondations et de la dalle
(par l’auteure)
(par l’auteure)
5.2.3 Les stratégies bioclimatiques Dans l’optique de l’écoconception, des stratégies durables ont aidé à orienter le projet ; suivront quelques stratégies. Premièrement, une réflexion a été faite sur le choix des matériaux. Il y a le choix du bois dont il a déjà été discuté, mais également par exemple le choix de la toiture en tôle blanche qui permet la réflexion du soleil et donc encore une fois la réduction des ilots de chaleur. Également, le béton au sol est un choix permettant à la fois masse thermique, mais aussi chauffage radiant, pour offrir un chauffage par stratification naturelle, plus efficace et moins énergivore. Ensuite, la végétalisation du sol permettait aussi une opportunité pour l’analyse de la gestion des eaux, en transformant par exemple les stationnements d’asphalte en stationnement alvéolés végétalisés, et en venant créer des bassins de rétention de l’eau de pluie à même le site. L’objectif était surtout de concevoir un bâtiment dans une optique aussi durable que le programme qu’il propose.
Énergie Plusieurs stratégies ont été adoptées dans le but favoriser un apport en énergie passif plutôt qu’actif. Ainsi, le passage se trouvant au sud est doté d’une petite toiture qui joue le rôle de tablette réfléchissante. Celle-ci vise à refléter le soleil à l’intérieur pour diminuer les besoins en éclairage artificiel, tout en bloquant les rayons directs l’été et en les laissant
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pénétrer l’hiver. L’été, un refroidissement nocturne naturel permet d’évacuer la chaleur accumulée durant le jour pour refroidir le bâtiment.
Figure 37 : Coupe bioclimatique estivale (par l’auteure)
Durant le printemps et l'automne, la ventilation naturelle permet de réduire les besoins en ventilation mécanique, et par le fait même les besoins en énergie du bâtiment. Également, un échangeur d’air permet de récupérer la chaleur de l’air qui sort du bâtiment afin de préchauffer l’air neuf en hiver, au printemps et à l'automne. En été, l’échangeur est inactif, car l’air est évacué directement à l’extérieur.
Figure 38 : Coupe bioclimatique printemps et automne (par l’auteure)
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Finalement, une isolation supérieure, calculée selon les normes passives, limite les pertes d’énergie par les façades, accentue l’efficacité énergétique et limite ainsi les besoins en électricité et l’impact du projet sur le réseau de distribution.
Figure 39 : Coupe bioclimatique hivernale (par l’auteure)
Gestion de l’eau de pluie La dernière section du projet concerne la gestion de l’eau de pluie. Dans l’idée d’un respect du site, cet aspect se devait d’être analysé. De cette façon, un réservoir d’eau grise de 35m3 d’eau a été calculé afin de répondre aux besoins de stockage en eaux grises du bâtiment. La nouvelle toiture possède un potentiel de récupération de l’eau de pluie d’environ 2400 m3 d’eau par année, ce qui n’est pas négligeable. Comme discuté précédemment, la transformation des revêtements de stationnement asphaltés en alvéolé végétalisé permet de réduire l’effet d’ilot de chaleur des stationnements tout en rendant le sol plus perméable. Également, des bassins de rétention de l’eau de pluie permettent de diminuer la pression sur le réseau de collecte d’eau de pluie en cas d’averse. Des inondations plutôt impressionnantes ont eu lieu dans le viaduc dans les dernières années, en raison entre autres du manque de perméabilité des surfaces environnantes. Dans le cas de forte pluie, le réseau de collecte ne suffit pas toujours. De plus, ces nouveaux bassins permettent de recharger les nappes phréatiques naturelles (voir figure 40).
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Figure 40 : Coupe de la gestion des eaux de pluies, dans la partie du site au nord du projet (par l’auteure)
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Conclusion
En somme, L’émergence des communs cherche à comprendre le rôle de l’architecture dans le développement de l’économie collaborative. Au travers du projet, implanté à RouynNoranda, la recherche vise la compréhension du cadre bâti qui supportera cette économie émergente et incitera les gens à partager, facilitera la collaboration entre les membres d’une communauté. L’essai avance que le projet d’architecture peut contribuer au maintien équilibré des trois concepts primordiaux de l’économie collaborative. Il formule également l’hypothèse que ces concepts sont à la base même des concepts architecturaux visant un cadre bâti approprié pour ce type de projet. Des analyses de projets existants s’inscrivant dans le cadre d’initiatives collaboratives ont permis de consolider la présente recherche. Les concepts analysés se sont avérés très intéressants dans la mise en forme du projet d’architecture. Après quoi, ils sont sans aucun doute des concepts à garder en tête lors de la conception de lieux de mise en commun ; je ne crois toutefois pas qu’il faudra s’y limiter. D’autres concepts ont bien entendu émergé à même la conception, qui n’ont pas tous pu être considérés. Les concepts tels de que la flexibilité et la polyvalence ont été explorés en surface, alors qu’ils semblent plutôt importants. Dans l’idée où le projet serait amené encore plus loin, l’aspect du mobilier intégré et adaptable et de la personnalisation de l’espace seraient, à mon avis, primordiaux à réfléchir. Alors, à la question : comment l’architecture peut-elle favoriser l’intégration de lieux de mise en commun innovateurs à nos villes et à nos modes de vie ? La réponse demeure certainement incomplète. Des pistes intéressantes sont proposées dans cette recherche-création, mais cette question sera sans aucun doute soulevée encore pour quelque temps dans les recherches universitaires, le sujet étant encore émergent. Au final, l’échelle de la ville de Rouyn-Noranda semble idéale pour la mise en place de ce type de projet pilote en vue de l’appliquer ailleurs par la suite. Il a été amusant, en tant que citoyenne rouynorandienne, d’imaginer l’effervescence qu’un tel projet pourrait créer au sein de la petite ville. Ce nouveau centre de tri, qui se veut un bâtiment intégré au caractère de la ville de Rouyn-Noranda, autant par ses pignons qui s’agencent au style des maisons environnantes que par sa matérialité issue de matériaux locaux, serait un pas en avant pour la communauté. L’enjeu important de l’apprentissage aux prochaines générations, de la compréhension du processus, prime dans ce projet de centre de tri sociocollaboratif.
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Le Québec de demain est sans aucun doute un Québec où le partage prime sur la quête individuelle de la possession. Il faut penser dès maintenant aux structures qui encadreront cette économie du partage, et c’est ce que l’essai (projet) désire mettre de l’avant. Alors qu’on parle ici de l’Émergence des communs, on pourrait également parler du Retour des communs. Un regard en arrière est nécessaire pour nous faire ralentir dans cette frénésie de la croissance et de l’individualité. La première étape est de comprendre l’impact que génèrent nos rebuts au quotidien, mais encore comment il est possible de faire autrement, et surtout mieux.
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Annexes
Annexe A : Précédents – Ghent Tool Library Source : https://issuu.com/stephannegoethals/docs/sg_gtl_reflectionpaper
Plan et maquette du projet étudiant
Analyses personnelles des circulations, de la structure, et du public VS privé (par l'auteure)
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Annexe B : Précédent – ReTuna Återbruksgalleria Source : https://www.retuna.se/ Architectes : Koncept TM Superficies : Centre commercial : environ 15’600m2 / Centre de recyclage : environ 9000m2
Photos tirées du site web de ReTuna
Photos tirées de Google Map ã - Le centre en vue aérienne, puis le parcours de tri extérieur
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Annexe C : Relevé Photo – La Ressourcerie Visiter les différentes installations était très impressionnant, la zone de tri en particulier. Relevé photo en quelques images.
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Annexe D : La gestion des déchets à Rouyn-Noranda Recherche sur le recyclage à Rouuyn-Noranda – Points de services Écocentre Arthur-Gagnon à Accepte les encombrants et certains matériaux spécifiques. à Récupère la peinture pour revendre peinture et teinture recyclée. à Gestion assurée par La Ressourcerie. Multitech à Veulent proposer une alternative de valorisation des matières résiduelles. à S’occupe également du ramassage des déchets organiques, plastiques et papiers. à S’occupait autrefois de l’écocentre. à Maintenant vise une clientèle institutionnelle. Gauvin Récupération Inc. à Se spécialise dans la récupération et le recyclage de métaux. à Recyclage informatique / électronique. AIM Recyclage Rouyn-Noranda (avec Legaut Metal) à Recyclage de métaux ferreux et non-ferreux à Recyclage de matériaux et matières de site La Ressourcerie à Acceptent meubles, appareils électroménagers, appareils électriques, articles de sports, jouets, appareils électroniques, livres, bibelots, articles de bureau, vêtements, chaussures, literie, etc. Fonderie à Recyclage de divers appareils électroniques à Recyclage de divers objets ou rebuts de cuivre
Les bacs de la fonderie (par l’auteure)
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Annexe E : Les espaces verts à Rouyn-Noranda
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Annexe F : Les plans Plan du RDC
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Plan du 2e niveau
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Annexe G : Photos de maquettes
Photo de la maquette de site de l'existant, à 1 :1000 (par l’auteure)
Photo de la maquette de coupe, à 1 :100 (par l’auteure)
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Photo de la maquette de coupe, à 1 :100 – Les espaces servants (par l’auteure)
Photo de la maquette de coupe, à 1 :100 – Ampleur de la structure (par l’auteure)
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Annexe H : Planches présentées à la critique du 24 avril 2019
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