Transmettre notre passion pour les pauvres et l’éducation : Mission possible PRÉSENTATION À L’AIUL. Le 5 mars 2015 Frère Supérieur Robert Schieler, FSC
Mes salutations à tous! C’est un privilège pour moi d’être devant vous ce matin. Merci de votre aimable invitation! J’avais hâte de vous rencontrer, car je suis convaincu qu’au fur et à mesure que nous avancerons dans ce siècle le rôle de nos universités, de nos collèges et de nos institutions de haut savoir ne fera que croître en importance et en signification dans la mission lasallienne universelle. Je vous dis mon appréciation pour le choix du thème de cette rencontre (Encuentro). Il s’agit d’un sujet qui fut une préoccupation pour moi depuis le printemps dernier lorsque les Frères m’ont demandé de servir l’Institut comme Supérieur. Je suis intéressé à renforcer le pont qui existe déjà dans notre orbite lasallien. Au nombre des réseaux lasalliens les plus forts qui existent aujourd’hui, on compte le Centre de l’Institut et l’Association internationale des universités lasalliennes. Ces deux réseaux mondiaux accomplissent des choses extraordinaires. Le potentiel existe pour qu’ils puissent faire beaucoup plus encore. Le problème principal que je souhaite aborder avec vous aujourd’hui est le suivant : à ce moment de la vie de l’Institut, pouvons-nous laisser les choses comme elles sont ou encore trouver de nouvelles façons pour nous tous (ceux qui se consacrent à des projets spécifiques, ceux qui sont dans les écoles primaires ou secondaires, ou encore dans les collèges et les universités, ceux qui s’occupent des soins spéciaux aux enfants et aux jeunes en difficulté ou fragiles, ceux qui sont en éducation des adultes, les catéchètes et les directeurs de l’éducation religieuse), pouvons-nous trouver de nouvelles façons, donc, de vivre notre association lasallienne d’une manière plus originale en partenariat pour la mission? Est-il temps de dépasser les doutes, les préjugés et les peurs et de saisir ce moment historique dans l’histoire du salut? Ce que je me demande, c’est ceci : est-ce que le moment est mûr pour une coordination plus rapprochée entre nos réseaux qui « équilibre l’apport particulier de nos institutions avec l’apport universel en faveur du bien de notre mission et de l’éducation en général? Est-ce qu’on peut, ensemble, renforcer la synergie que nous avons en commun : notre histoire de fondation, constamment consultée et transmise dans les formations; notre manière décentralisée de fonctionner reliée par des objectifs communs; et l’usage de la technologie » (note 1) pour renforcer et mener plus loin les liens qui nous unissent les uns les autres, ainsi qu’à nos Districts et à nos Régions? Que gagnerons-nous en nous ouvrant à une collaboration plus intentionnelle et organique entre les deux réseaux dans un mode d’administration plus structuré et transparent? Qu’est-ce qu’on craint de perdre?
Mais tout d’abord, qu’est-ce que notre histoire nous enseigne? À la fin du 17e siècle, De La Salle et ses Frères-enseignants se sont engagés à libérer les enfants des pauvres du cercle vicieux dans lequel ils se trouvaient. Cette initiative tranchait par rapport aux pratiques éducatives établies. Le profit, les postes de pouvoir et les intérêts personnels étaient souvent les principaux facteurs considérés lorsqu’on devait décider qui devait recevoir une éducation et dans quel but. Les enfants des travailleurs journaliers sans le sou et les artisans sans protection avaient peu de chances, si tant est qu’ils en avaient, d’en bénéficier. (note 2) Qu’est-ce que De La Salle a fait? Je vais souligner, retenant quelques-unes de ses innovations, des pratiques et des façons de faire, familières à plusieurs d’entre nous, qui ont caractérisé notre héritage et les réseaux que nous avons aujourd’hui.
Une école lasallienne est une école définie par les besoins des élèves, et non par un programme de cours sans rapport avec leurs vies. Les enseignants ne travaillent pas en isolement, mais ils forment une communauté d’éducateurs. Les enseignants basent leurs interventions sur des observations, pas sur des idéaux théoriques. Ils n’imposent pas leurs vues d’une manière autoritaire. Quand ils mettent leurs connaissances en pratique, ils les vérifient d’abord avant de les présenter à leurs supérieurs. Ils connaissent le monde des jeunes avec ses hauts et ses bas, leurs valeurs et leurs faiblesses, leurs succès et leurs échecs, et ces jeunes sont invités à participer à leur propre formation et à croître en sagesse. Des données spécifiques sont conservées qui permettent de suivre l’apprentissage. Chaque aspect du programme commence par une connaissance du milieu dans lequel vit et travaille la famille.
Plus encore, les découvertes et les pratiques furent rendues possibles parce que De La Salle ne se contentaient pas de recherches livresques, mais il s’investissait dans l’accompagnement de ses Frères en accordant la priorité à l’entraînement, à la formation du maître. Les besoins des enfants constituaient la préoccupation principale. La responsabilité de s’occuper de ces besoins revient aux adultes dans une communauté éducative. Cette reconnaissance du rôle de l’enseignant n’était pas partagée par tous. Les écoles chrétiennes sous la direction de De La Salle exigeaient de l’attention et un dévouement hors du commun, un développement professionnel continuel et, toujours, une attention spéciale portée au contexte de vie de ses disciples. À en juger par les nombreuses rééditions de La conduite des écoles, il est clair que ces écoles remportaient un succès impressionnant, à la fois dans l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes et dans d’autres congrégations vouées au service de l’éducation. Pourquoi? « Les Frères eux-mêmes vérifiaient eux-mêmes de façon continue et approfondie les méthodes, les techniques d’enseignement, la structure et la discipline,
les activités éducatives, etc. Les Frères étaient ceux qui, d’abord individuellement puis ensuite tous ensemble, évaluaient la pertinence et l’efficacité de leurs pratiques avant de décider ce qui devaient être conservé et ce qui devait être abandonné. » (note 3). Le chercheur lasallien Frère Léon Lauraire écrit : « Comme travail de praticiens de l’école, la richesse de la Conduite, même aujourd’hui, présente un intérêt spécial à ceux-là seulement qui ont une expérience comparable d’enseignement. Lire cet ouvrage du point de vue d’une théorie éducative quelconque, ou même à partir d’une idéologie préconçue, présente le risque d’une faible compréhension. » (note 4) Et il continue : « Nous sommes en présence d’un processus inductif. L’importance première était accordée à la situation réelle : les besoins éducatifs des enfants… les conditions, les contraintes et les moyens de dispenser cette éducation; les possibilités d’avenir et le choix d’un objectif spécifique pour l’école. Une fois que ces choses étaient établies, les modalités appropriées d’instruction et d’éducation étaient mises en place. » (note 5) Au cours des derniers siècles, ce projet d’éducation lasallienne s’est consolidé au niveau élémentaire, avec ses racines dans l’itinéraire fondateur des écoles chrétiennes et gratuites, des écoles d’éducation populaire. Toutefois, lorsque De La Salle mourut, les 22 écoles qu’il nous a léguées ne paraissaient pas un succès remarquable à ce moment-là, mais il nous a laissé ces principes simples et clairs. C’est l’héritage des écoles élémentaires et lasalliennes populaires aujourd’hui. Sans imposer un zèle fondamentaliste, les pratiques et les politiques établies il y a trois siècles ont permis aux écoles de bien aller. Nos œuvres lasalliennes actuelles prennent en compte les manières privilégiées par les nouvelles générations pour penser, se sentir et se comporter, spécialement chez ceux qui sont dans le besoin, en faisant la promotion de pratiques qui feront en sorte que les jeunes voudront venir dans nos écoles. De l’éducation primaire aux écoles secondaires; vers les hautes études. Les Frères ne mirent toutefois pas de temps à comprendre, spécialement au cours du 18e siècle, que le dynamisme du charisme original ne se limitait pas aux écoles primaires pour les pauvres. Leurs écoles se configurèrent à partir des caractéristiques des petites villes où elles étaient implantées. Le niveau secondaire fit son apparition assez rapidement en se basant sur ce qui existait déjà pour les besoins urgents de la jeunesse pauvre et des travailleurs marginalisés de la société. Les Frères préparaient les pauvres et la classe ouvrière pour qu’ils puissent s’insérer dans la vie de la société avec des connaissances pratiques leur permettant de prendre des responsabilités dans ladite société; on revoyait les programmes au besoin. Quelles sont les origines de l’éducation catholique supérieure? Pour quoi et pour qui avons-nous été fondés? On s’entend généralement pour dire que les Jésuites, la Société de Jésus, l’Ordre des Prêcheurs ou Dominicains, les Bénédictins, les Augustiniens et les Franciscains furent les leaders de la tradition spirituelle et intellectuelle dans l’Église catholique. À plusieurs
reprises, ils sont perçus comme des rivaux, même des ennemis, en compétition les uns avec les autres, et pas seulement sur les terrains de jeux... Approuvés par la hiérarchie, ce qui était réalisé était défini comme catholique. Mais comment justifier l’existence d’une bande de laïcs consacrés fondés et éventuellement approuvés pour conduire des écoles élémentaires, pour servir la classe ouvrière, sans qu’ils aient une éducation classique, mais qui voudraient se risquer à explorer l’éducation supérieure? Ces Frères, aux périodes de formation fragmentées et occasionnelles, avec un horizon très étroit, les voilà qui répondent progressivement aux demandes d’une vie intellectuelle très sérieuse à l’intérieur de la tradition catholique! Le philosophe français Jacques Maritain, dans une allocution qu’il prononçait à Manhattan College lorsqu’on lui remit un diplôme honorifique à l’occasion du tricentenaire de la naissance de De La Salle, le 30 avril 1951, situa de façon impeccable l’importance du charisme d’une institution qui, à cette époque, comptait 14 000 Frères. Voici ce qu’il a dit : « Ils sont les maître incomparables de l’éducation populaire. Ils ont une manière qui leur est propre, avec une discipline forte, sérieuse et parfois sévère, de soulever l’affection de leurs élèves et leur éternelle reconnaissance. Ils ont l’art de prendre des moyens proportionnées aux fins, avec la précision d’un artisan, et en visant toujours l’essentiel. Dès les tout débuts, ils ont compris que, pour ce qui concerne les classes ouvrières – C’EST-À-DIRE L’HOMME NORMAL, l’homme dans sa condition la plus générale et naturelle – L’ÉDUCATION DOIT DOTER LA JEUNESSE D’UNE PRÉPARATION PROFESSIONNELLE ORIGINALE et efficace ET DES MOYENS DE GAGNER SA VIE. Et ils ont compris en même temps que la formation de l’âme et de l’intelligence, l’éducation d’un homme pour qu’il devienne un homme, demeure l’objectif le plus élevé et le plus indispensable de l’éducation. L’intégration, que tous recherchent aujourd’hui, de la pratique et de la théorie, de la préparation professionnelle et de l’éducation de l’esprit – avec l’ouverture et l’éveil que cela implique, la capacité à penser et à juger par soi-même, et un cheminement vers la sagesse – cette intégration est naturelle chez eux, et ils y travaillent de façon spontanée, pour la raison qu’ils ne sont ni des idéalistes qui méprisent la matière, ni des technocrates qui détestent le savoir; ils sont des éducateurs chrétiens dans le sens LE PLUS concret et le plus réaliste de cette expression. (note 6) Les réflexions de Maritain sont particulièrement intéressantes parce qu’elles sont basées sur l’idée qu’il avait des Frères en France. Il continue : « (…) nous avons l’habitude de penser aux Frères des Écoles chrétiennes en tant que dévoués à une sorte d’enseignement qui va très loin en vérité et qui couvre de larges domaines du savoir, mais qui a fait le choix volontaire de demeurer loin de l’éducation secondaire ainsi que de l’éducation collégiale et du haut savoir. Et nous sommes habitués à penser à eux comme étant attachés à ce qui est vernaculaire, avec une aversion claire pour le latin et les études classiques. » (note 7) Maritain montre les deux façons selon lesquelles l’Institut se développait au dixneuvième siècle en Europe et aux États-Unis et au Canada. Les deux modèles
ressortent. Les deux choisissent les pauvres comme étant leur préférence, et l’éducation pratique au niveau élémentaire. Les deux modèles sont caractérisés par une certaine rigidité pour ce qui concerne le latin et les études classiques. L’exemple qui est peut-être le plus spectaculaire de cette rigidité s’est produit aux États-Unis, lors de l’événement connu dans l’histoire de l’Institut sous le nom de « La question du latin ». Cette affaire du latin a ébranlé le modèle nord-américain. Profondément marqués par l’immigration et les besoins urgents d’une population de jeunes en expansion, les évêques se sont montrés très attentifs à l’éducation des immigrants catholiques. La pauvreté, le manque d’emplois et la marginalisation croissante en firent des victimes de l’économie. Quelques Frères constatèrent la situation qui prévalait et eurent l’audace d’apporter des changements au programme et d’aller au-delà de l’éducation élémentaire, fondant des écoles secondaires et établissant des écoles du soir et du dimanche, par exemple. Ils se montrèrent également attentifs aux relations entre les travailleurs et leurs chefs d’un côté, et entre les administrateurs et les propriétaires des usines d’un autre côté. Tous avaient besoin de nouveaux styles de dialogue, de techniques de négociation et d’habiletés. Que devrait être l’orientation des écoles dans ce nouvel environnement? D’autres congrégations firent une démarche semblable, avec leurs propres priorités, ce qui aida parfois, mais compliqua les choses à d’autres occasions. Tout cela eut pour effet que les Supérieurs de la France craignirent que l’on perdît le sens de notre charisme de fondation. Cependant, avec l’appui d’une importante frange de laïcs, et grâce aussi à l’intervention de quelques évêques, le besoin de changement apparut plus clairement. Maritain, encore une fois, citant le cardinal Gasparri, le secrétaire d’État du pape, décrit cela en ces termes : « En considérant les changements profonds que les temps modernes ont apportés aux programmes éducatifs et dans les statuts, et pour favoriser la participation de toutes les classes dans ces catégories d’études, Sa Sainteté, le pape Pie XI, estime que l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes doit, en conséquence, étendre son enseignement aux études classiques, comme cela a déjà été fait avec succès aux sciences en éducation supérieure, même au profit des classes aisées. » (note 8) La Question du latin occasionna de grandes souffrances et empêcha toute créativité. Des punitions injustes, l’exil de Visiteurs et de présidents de collèges, etc. ont fait l’objet d’études, mais ce n’est pas le moment d’aller plus loin dans ce sujet. Qu’il suffise qu’on se rappelle qu’il s’est agi de rien de moins que de l’expérience d’un Institut en train de débattre la question des attentes de son Fondateur et de la fidélité au moment présent. En fait, il n’existe pas deux fidélités. La fidélité au passé exige parfois l’ouverture au changement que le Fondateur ne pouvait pas prévoir. La distinction est importante, pas tellement pour la raison que le Fondateur ne pouvait pas tout prévoir, mais parce que, en histoire, les situations nouvelles émergent avec de nouveaux besoins qui exigent de nouvelles réponses. Ces situations exigent du discernement dans l’Église pour la gloire de Dieu, pour le bien de l’Église et pour le bien de la société des Frères. Mais pendant que des situations nouvelles et sans précédent
apparaissent, le but principal de la communauté, soit la préférence pour l’éducation des pauvres, demeure inchangé. La Question du latin a laissé voir deux concepts qui étaient considérés comme incompatibles au dix-septième siècle : les pauvres et les études classiques. Comme Institut, au cours des siècles, nous n’avons pas craint de rendre ces concepts moins incompatibles. Qui choisissons-nous comme préférence (ou audience) pour notre mission éducative? À la suite du second Concile du Vatican, du Chapitre de renouveau des Frères (19661967) et de la publication de la Déclaration sur le Frère des Écoles chrétiennes dans le monde d’aujourd’hui, l’Institut répond sans hésiter que les pauvres représentent notre option préférentielle dans notre service d’éducation. Quand, avec clarté et éloquence, nous parlons aujourd’hui des pauvres dans un monde marqué par une économie globale dominée par une culture consumériste de consommation, nous sommes davantage conscients de l’existence des « nouveaux pauvres » forcés d’aller à la périphérie; les conséquences pour leurs enfants sont souvent fatales. Déchirés par des difficultés d’insertion dans la société, ces jeunes font face à de nombreux obstacles à leur développement, aussi bien au plan intellectuel qu’au plan spirituel. Je crois qu’aucune réunion au cours desquelles nous discutons de notre mission lasallienne aujourd’hui ne se passe sans que nous abordions ce problème, spécialement lorsqu’il est question de ceux que nous aimerions servir. Faisant cela, nous nous inquiétons de ce que cela puisse causer des difficultés d’ordre académique à notre héritage, nous plaçant dans l’obligation de créer, pour accompagner ces étudiants, des programmes d’aide qui sont très coûteux et qui mettent des contraintes sur l’université. De plus, nous prétendons que, en raison de nos ressources limitées, nous ne pouvons financer ces programmes à partir seulement de ce que rapportent les étudiants qui peuvent payer les frais de scolarité. Eux aussi doivent être aidés et nous constatons, année après année, que le nombre de ces derniers diminue. Il s’agit d’un vrai dilemme : comment aider les jeunes à l’extérieur de leur milieu? Comme si en les attirant sur les campus, nous devions les faire renoncer à leurs familles, à leur milieu de vie, à leur culture et à leur histoire. Comment créer un lien entre le campus et ce qui l’entoure? Comment créer un lien entre ce qu’ils étudient et apprendre à partir de leur réalité? Je suis porté à croire que cette affaire ne se règle pas par des équations quantitatives; on devrait plutôt la considérer de façon qualitative. Cela exige que nous réfléchissions à notre option préférentielle. Une réponse possible à ce dilemme qui m’a mystifié fut l’exposé d’un Jésuite, le Président de l’Université d’Amérique Centrale, Père Ignacio Ellacuria. Il fut assassiné un soir, en même temps que d’autres confrères, par les forces répressives d’El Salvador.
Une université chrétienne doit tenir compte de la préférence évangélique pour les pauvres. Cela ne signifie pas que les pauvres seulement fréquenteront l’université, ni que l’université doive renoncer à son excellence académique, cette excellence qui est requise pour résoudre les problèmes complexes de notre époque. Ce que cela signifie, selon Ellacuria, c’est que l’université doit être présente où cela est nécessaire : -
Pour donner la science à ceux qui sont sans science; Pour donner des techniques à ceux qui sont sans techniques; Pour donner une voix aux sans-voix; Pour fournir un appui intellectuel à ceux qui ne possèdent pas les qualifications voulues pour faire respecter leurs droits.
Réfléchissez un moment à ces déclarations d’un Recteur qui imagina intentionnellement ce que peut être un collège qui prend option pour les pauvres. La première réalité qu’il mentionne est « l’endroit » où les universités se trouvent. Le campus est le lieu où les besoins et les espérances se rencontrent, et différentes interprétations de cela peuvent donner lieu à des conflits. Mais le point focal du processus d’apprentissage et de toute activité intellectuelle est là où vivent les pauvres et où ils se réalisent, là où ils mûrissent et se développent aux plans professionnel et spirituel. La seconde à laquelle il fait référence, c’est la « présence ». Il ne s’agit pas d’augmenter le nombre de pauvres à l’université. Tout au contraire, une université prestigieuse et forte réussit sans ambitions individualistes. Il ne s’agit pas créer un vide ou d’abaisser les standards, mais plutôt de les élever. Faire nôtres ces vertus est nécessaire en vue de régler des problèmes réels. Cette façon de comprendre un collège catholique représente un défi pour les universités élitistes, celles qui séparent du réel le contenu des diverses disciplines. Les échanges entre le contenu des diverses disciplines, ou les divers domaines professionnels, et les besoins de ceux qui sont laissés à eux-mêmes donnent lieu à un processus d’apprentissage particulier. Ceci n’exige pas des budgets de recherches particulièrement élevés. Avec des moyens simples, nous pouvons renforcer cette partie de la vie académique visant à aider des jeunes à être en lien avec de vrais problèmes. Cette étude est fondamentale. Les professeurs deviennent davantage passionnés et créatifs. Les étudiants sont plus motivés, car ils peuvent constater que ce qu’ils apprennent est en lien avec le réel et peut être mis en application. De la sorte, toutes les matières deviennent égales dans les conversations et dans les mises en œuvre suivantes. Mais Ellacuria va encore plus loin en identifiant quatre verbes qui donnent de l’énergie à la raison d’être d’une université. Ces verbes sont les suivants : -
« Fournir » de la science à ceux qui sont sans science.
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« Donner des habiletés » pour bien se servir de ce qu’ils ont appris et le mettre en pratique. « Être la voix » de ceux qui n’ont pas de voix. Cela ne veut pas dire d’enlever votre place, mais de leur donner le pouvoir de s’exprimer eux-mêmes. Nous ne sommes pas des remplaçants, c’est-à-dire que nous ne parlons pas à leur place. Enfin, donnez-leur un « appui intellectuel ».
Permettez-moi de souligner que, dans ce texte, Ellacuria ne parle pas de cette façon d’apprendre avec les pauvres et pour le bien commun comme étant un acte de charité. Les rendre capables d’agir fait référence au concept de justice sociale, tel qu’il est explicité dans les enseignements sociaux de l’Église. Cela exige un souci de l’excellence dans l’étude du contexte où se trouvent les pauvres, cela à partir des points de vue de chacune des disciplines. L’approche interdisciplinaire ouvre sur de nouvelles possibilités qui privilégient les interventions et les actions concertées. Enfin, trouver des façons et des moyens de rendre l’éducation supérieure plus accessible aux pauvres gagnerait en profondeur si l’objectif reconnu de l’université est un endroit où les pauvres et leurs professeurs sont présents les uns aux autres et œuvrent à la qualité de chaque étudiant à l’université. Heureusement, au sein de notre famille lasallienne, nous avons des exemples de cette sorte de présence ainsi que des modèles dont parle Ellacuria. Quoique je ne sois pas familier avec les initiatives que vous pouvez avoir, il y a Utopia ici-même à Bogota et, aux Philippines, à Manille, les origines du Collège Saint-Bénilde, qui ont permis l’accès à l’éducation tertiaire à ceux qui, autrement, n’auraient jamais pu le faire. Je termine là où j’ai débuté. Je n’ai pas le moindre doute concernant le potentiel de transformation et la force que détiennent nos deux réseaux internationaux. Historiquement, chacun est issu du même charisme donné à De La Salle et à ses Frères; le regard de foi et la passion pour la mission, qui ont fait agir notre Fondateur, sont toujours présents dans notre histoire d’aujourd’hui et dans nos deux réseaux lasalliens. Permettez-moi de faire une brève récapitulation de votre propre histoire. Les étapes d’une aventure Le Bulletin de l’Institut no 252, publié en 2010, fut entièrement consacré au sujet des centres lasalliens d’éducation supérieure. Dans ce numéro, Joan Landeros nous présente un merveilleux résumé des progrès et de l’avenir de l’AIUL. Elle nous rappelle la première rencontre, tenue en 1978 à l’Université La Salle de Mexico, et le développement qui a suivi, jusqu’en 1987, faisant état de l’incroyable changement d’atmosphère qui a eu lieu entre ces deux dates. La réunion de 1978 ne comptait que des Frères; aucun laïc. À cette époque, « on ne prévoyait aucune forme de suivi et toutes possibilités d’association aussi bien que des statuts qui la régiraient furent rejetés. »
Une conséquence directe de ce refus fut le retard à mettre en place ces Encuentros. Il a fallu attendre 1987 pour avoir la suivante. Lors de cette autre réunion, il n’y avait pas seulement des laïcs, mais également un dialogue avec un panel d’étudiants. Le climat était complètement différent; l’association naissante ne s’est pas repliée sur elle-même. Bien qu’il n’y avait pas encore de dirigeants élus pour diriger l’association, et pas non plus de règlements, les rencontres suivantes, spécialement la sixième Encuentro aux Philippines et la septième à Barcelone, ont laissé apparaître le besoin d’une meilleure communication ainsi que d’une plus grande collaboration inter-institutions. Une nouvelle idée venait de naître. Selon ce qu’il semble, Encuentro VIII, à Canoas, Brésil, fut le moment où le réseau a reconnu « le rôle parvenu à maturité de l’éducation lasallienne supérieure dans la mission éducative de l’Institut » (p. 10). Cette assemblée a pu aussi entendre l’appel insistant de F. Alvaro, alors Supérieur Général, qui rappela les appels du 42e Chapitre Général de 1993, de la première Assemblée internationale de la mission de 2006 ainsi que le 44e Chapitre Général de 2007. Le message de F. Alvaro présenta en effet à nos universités, collèges et institutions de haut-savoir un important rôle à jouer dans le mouvement associatif de l’ensemble des œuvres lasalliennes de l’Institut. Il vous encouragea à jouer votre rôle propre en répondant aux urgences et aux défis d’aujourd’hui, qui sont encore une fois ceux identifiés par nos quatre derniers Chapitres Généraux : la faim, la migration, la désintégration des familles et les nouvelles pauvretés. « Ne sont-ils pas, a-t-il demandé, l’appel de l’Esprit nous demandant une réponse prophétique à ce moment de notre histoire? ». Comme il est encourageant pour lui et pour nous tous de lire dans votre plan d’action 2013-2018 des projets de recherche dans les domaines de la nutrition et de la santé, de l’environnement, des innovations éducatives et de l’apprentissage visant à servir les pauvres. Deux réseaux – ancien et nouveau – une mission : un unique partenariat Dans le même esprit que mon prédécesseur, je vous assure aussi que ma présence ici veut vous dire sans l’ombre d’un doute l’importance que revêt pour moi, en tant que Supérieur Général, et pour tout l’Institut, ce réseau varié que nous appelons l’AIUL, composé d’universités, d’institutions techniques et agricoles, et d’institutions de haut savoir qui sont ou non associées à un autre collège ou université. J’apprécie beaucoup qui vous êtes et ce que vous faites. Ma présence se veut aussi un acte d’espérance dans ce que vous pouvez accomplir. La création d’un fort partenariat entre nous peut aussi être un appui et une aide pour toutes les entreprises lasalliennes. Nos réseaux ont des dimensions universelles et les Frères aussi bien que les laïcs contribuent à la mission. Plus encore, les deux réseaux, comme nous l’avons exprimé ici, reconnaissent et accordent de l’importance à notre charisme de fondation, celui de De La Salle et de ses premiers Frères au 17e siècle, en France. Et les deux s’acquittent en partenariat de la mission unique que leur a confiée l’Église. Souvent, cependant, nous sommes tellement passionnés par un lieu donné, un travail particulier que nous aimons, que nous perdons le sens de l’ensemble. Cela arrive dans
les deux réseaux. Cela a probablement un aspect positif : nous avons un zèle ardent pour ce que nous accomplissons dans nos ministères. Mais le risque existe que nous éliminions ainsi la possibilité d’un plus grand impact dans la mission. Ne pouvons-nous pas capitaliser davantage sur le caractère international de notre Institut? Présentement, les deux réseaux ont suffisamment d’autonomie pour bien fonctionner sans interférences et chacun a bien affirmé son identité, ses façons de travailler et les structures les plus appropriées. Je ne vois pas de doutes évidents ou de tensions. La validité de notre réseau d’éducation supérieure, ou réseau tertiaire, ne pose pas question, surtout lorsque l’on constate que nous sommes en vérité la voix des pauvres. Il ne doit pas y avoir la crainte que l’un des réseaux absorbe l’autre. Mais je demande ceci : le temps serait-il venu de revoir les possibilités et de faire un pas de plus, tel que suggéré par F. Alvaro Rodriguez, maintenant lui-même Recteur d’une université? Je pose la question également dans le contexte des changements démographiques rapides dans l’Institut, plus particulièrement pour ce qui concerne le vieillissement et la diminution du nombre de Frères. La semaine dernière seulement, en fait, lors d’une conférence à la rencontre annuelle des Directeurs d’établissements secondaires, dans le RELAN, un conférencier a mentionné l’impact qu’a la distance générationnelle croissante qui existe dans nos institutions lasalliennes par rapport à la culture mise en place par les Frères. Quelle est notre situation actuelle? D’un côté, on trouve des institutions lasalliennes dirigées par des Frères et/ou par des laïcs compétents, qui s’identifient parfaitement au charisme de De La Salle et qui offrent des programmes éducatifs et des projets. Parmi ces institutions, il y a celles où il y a encore une communauté visible de Frères et celles où la présence des Frères n’est plus aussi nombreuse qu’avant. La continuité de la mission est présentement assurée par la présence de Frères et de laïcs engagés et même, dans certains cas, par des laïcs seulement. D’un autre côté, un nombre en croissance d’œuvres éducatives de haut savoir, inspirées elles aussi par le charisme lasallien, ont davantage d’autonomie et sont gouvernées par le moyen de structures qui correspondent à ce niveau d’éducation. Dans ces œuvres, depuis leurs débuts, la présence des laïcs est beaucoup plus grande que celle des Frères. Bien sûr, tous ceux qui travaillent dans ces institutions ne se considèrent pas Lasalliens eux-mêmes, ou n’aspirent pas à le devenir ou à s’en inspirer. Mais plusieurs s’identifient clairement au charisme et à son héritage mis à jour aux plans spirituel et pédagogique. Ces derniers représentent le début d’un « mouvement lasallien » grâce auquel les Frères et les Partenaires sont à la recherche d’une structure d’association pour la mission par le moyen des réseaux de l’Institut. Au cours des dernières décennies, nos deux réseaux ont connu des développements importants. Confronté aux changements démographiques, l’Institut s’est restructuré,
passant de 11 Régions et environ 60 Districts à 5 Régions, 32 Districts et 2 Délégations. Le but de cette restructuration a été d’assurer, autant que cela est possible, la vitalité et la viabilité de la mission et le leadership dont elle a besoin. Mesurer le succès de nos efforts et des effets imprévus de cette restructuration pourrait, en soi, constituer un sujet de recherche. L’AIUL a évolué, comme nous avons pu le voir, d’une idée jusqu’à devenir une association avec des statuts, des échanges de professeurs et d’étudiants, un programme de formation à Rome et des initiatives de recherches menées en collaboration. Ici aussi vous avez pris à cœur les mots de mon prédécesseur : « L’AIUL devrait cesser de n’être qu’une association bénévole qui surveille ses institutions tertiaires et partager fraternellement. Elle devrait créer un corps, basé sur ce que nous avons déjà, qui lui permettra de mettre de l’avant, d’appuyer et de transformé avec efficacité la mission éducative au niveau tertiaire par le moyen de la fidélité à notre héritage lasallien (…). Je ne vous invite pas à créer quelque corps géant qui contrôlerait et paralyserait nos activités et exigerait des ressources énormes, mais bien plutôt un organisme qui permettrait une collaboration modeste mais efficace. » Je suis certain que votre programme de formation à Rome, ces dernières années, a été davantage apprécié en tant que collaboration efficace et renforcement des liens entre vos professeurs et les membres de votre personnel qui y ont participé. Il y a trois ans, l’Université Saint-Mary’s, à Winona, MN, a inauguré son premier Symposium de recherches lasalliennes. Lors de sa dernière rencontre, en septembre, des représentants sont venus des cinq Régions de l’Institut, incluant le Directeur des ressources lasalliennes et des recherches pour l’Institut, F. Diego Munoz. Plus récemment, le 45e Chapitre Général a décidé de confier au Supérieur Général de « désigner un Conseiller général pour accompagner l’éducation lasallienne supérieure et de recommander sa désignation au Conseil d’administration de l’AIUL. » J’ai appuyé personnellement cet appel à la collaboration et, comme preuve de cette conviction, j’ai nommé F. Gustavo Ramirez au Conseil général pour servir de liaison auprès de l’AIUL dans les domaines relatifs à la mission éducative. Comme je l’ai mentionné auparavant, alors que les données démographiques de l’Institut changent rapidement, est-ce que nos deux réseaux transmettent mieux ensemble notre vision, nos espérances, nos rêves pour ceux qui sont confiés à nos soins, spécialement les pauvres? Est-ce que ça ne va pas augmenter notre « pouvoir de transformation » à aller de l’avant? Qu’est-ce que nous avons à perdre? Qu’y gagnons-nous? Quelques autres pas possibles? Au cours des vingt dernières années, à chacun des quatre derniers Chapitres Généraux, des propositions furent proposées et adoptées, qui concernaient la contribution que nos universités, nos collèges et nos institutions d’éducation supérieure pouvait offrir à la mission lasallienne. J’ai souvent eu un sentiment mal défini à ce sujet. Non pas parce que je n’étais pas d’accord avec ces propositions; je suis certain d’avoir voté pour toutes. J’attribue cette ambivalence au fait qu’alors que certains des délégués étaient
engagés directement en éducation supérieure, l’Institut lui-même et ses ministères n’avaient pas de plate-forme pour un vrai dialogue et pour un échange de vues. Mes sentiments étaient donc : voici ce que souhaite l’Institut, mais qu’est-ce que nos universités souhaitent? Voilà pourquoi je vous suis reconnaissant pour ce qu’est devenue l’organisation aujourd’hui. Les dernières années ont été témoins de beaux développements et d’une augmentation des échanges et des communications. Mais nous avons encore du chemin à parcourir. À l’heure qu’il est, je ne veux pas entrer dans les détails. Si je le faisais, je ne respecterais pas ce que je viens tout juste de vous dire. Mais je vais rappeler quelques propositions issues du dernier Chapitre Général, simplement pour les porter à votre attention et pour d’éventuels échanges. Je le ferai sous cinq titres : organisation, recherche, vocations lasalliennes et formation, développement de notre présence en éducation tertiaire et collaboration avec d’autres organisations. Organisation En plus d’avoir nommé un Conseiller général responsable de l’éducation supérieure, une autre proposition de notre dernier Chapitre Général fut de créer le Conseil international de la mission éducative lasallienne. Le premier pas a consisté à former un comité spécial pour écrire les statuts de ce conseil d’Institut; ce travail a été terminé il y a deux semaines à Rome. Ce conseil sera formé de neuf membres, soit 1/3 de Frères et 2/3 de Partenaires. Chacune des cinq Régions de l’Institut y aura un représentant. On y a réservé une place pour un membre du Conseil exécutif international de l’AIUL. Cela représente un pas de plus en vue d’une coordination plus rapprochée avec vous en faveur de la mission lasallienne. Recherche Concernant la vitalité de la mission, le Chapitre a reconnu à nouveau que les universités peuvent apporter leurs compétences en recherche, comme cela se fait déjà à quelques endroits. Travaillant en collaboration, les deux réseaux peuvent mener des recherches sur des sujets comme l’économie, la culture de consommation, les nouveaux pauvres, et les nouvelles pauvretés, et comment tout cela touche les jeunes et les adultes qui fréquentent nos institutions. Malgré le bon travail de F. Diego Munoz et des Services des ressources et de la recherche au centre de l’Institut, il s’agit d’un domaine qui a constamment besoin d’être renforcé. Quand on se projette dans l’avenir, il est improbable que l’on puisse encore trouver un groupe de chercheurs parmi les Frères, comme ce fut le cas dans le passé. J’aime croire qu’il se trouve dans l’une ou l’autre de vos institutions des jeunes, des professeurs non-permanents qui sont à la recherche d’un créneau dans le monde de la recherche. La recherche, avec une couleur lasallienne, pourrait être menée à partir de domaines comme l’éducation, l’histoire, la théologie, la sociologie et la spiritualité. Vous avez reçu, fin janvier, une lettre annonçant la tenue de la 6e session de la SIEL. Tenue à Rome en octobre prochain, la SIEL est un programme qui s’adresse aux chercheurs
lasalliens. Nous sommes particulièrement intéressés à des chercheurs qui proviendraient de vos institutions. Une raison importante de promouvoir l’éducation supérieure dans une relation forte avec le réseau de l’Institut est la possibilité que chaque faculté imagine des projets concrets de recherches, qui impliqueraient leurs étudiants en train de développer des connaissances et de trouver des applications possibles en vue du bien commun. Les professeurs des deux réseaux apprendraient les uns des autres et seraient encouragés à poursuivre leur formation académique et professionnelle. Le domaine dans lequel la recherche serait entreprise, et les publications réalisées, serait mieux centré si toutes les universités ou un consortium d’universités travaillaient sur les mêmes problèmes : l’immigration de l’Amérique du Sud aux États-Unis, ou de l’Afrique à l’Europe, les travailleurs immigrants au Moyen-Orient, ou la jeunesse en danger, les enfants de la rue, déplacés par la guerre. Chaque faculté ou un groupe donné de facultés pourrait définir des domaines de recherches dans les périphéries ou les marges des sociétés dont parle le pape François à partir de thèmes comme la santé, la nutrition, et l’environnement, comme vous avez d’ailleurs commencé à le faire. Travailler avec nos propres modèles institutionnels pourrait être pensé, mis en marche et suivi. Chacun des membres des deux réseaux, étudiants, professeurs et enseignants, ainsi que les voisinages immédiats, pourraient trouver avantage à cette collaboration. Les vocations lasalliennes et formation La recherche, au moins dans le monde occidental, nous dit que les jeunes adultes retardent leurs choix de vie jusqu’à la fin de la vingtaine et même au début de la trentaine. Est-ce que les universités lasalliennes et les institutions lasalliennes d’éducation supérieure, en collaboration avec les chargés des vocations des Districts, de la Région et de l’Institut, pourraient développer des stratégies plus efficaces de promotion des vocations lasalliennes au niveau tertiaire, à la fois pour la vie de Frères et pour les éducateurs lasalliens intéressés? Afin de commémorer le 300 e anniversaire du décès de saint Jean-Baptiste de La Salle, le Chapitre a désigné l’année 2019 comme étant l’année des Vocations lasalliennes. Présentement, comme on compte environ 80 novices sur une base annuelle, je ne crois pas que nous devrions attendre 2019 pour faire face à l’actuel défi des vocations. Développement de notre présence en éducation tertiaire Plusieurs de nos Frères africains détiennent un doctorat ou sont en train de le faire. J’ai rencontré tous les Visiteurs de nos Districts africains en novembre, et je les ai encouragés à commencer tranquillement l’établissement d’une université lasallienne sur le continent africain. L’AIUL pourrait nous être ici d’un grand secours dans la réalisation de ce rêve. De plus, le nouveau cardinal d’Addis Abeba est venu me voir la semaine dernière, demandant que les Frères prennent la direction de l’Université catholique
d’Éthiopie. Je ne sais pas encore si nous devrions répondre positivement à cette demande, mais il faut certainement la considérer. Collaboration avec d’autres organisations Répondre avec audace et créativité aux besoins urgents des plus vulnérables de nos sociétés est une autre proposition, et un défi, lancée par le Chapitre. Je suis heureux de vous informer qu’il y a trois jours l’Institut a accepté de joindre une coalition avec les Frères Maristes pour établir une présence et un centre éducatif pour les réfugiés syriens au Liban. Nous l’appelons le Fratelli project. Il est prévu que tout sera lancé dans les tout prochains mois. Tout en répondant à la crise actuelle, le but de nos deux congrégations est de reproduire ce modèle dans d’autres régions qui seront en besoin. Enfin, pouvons-nous imaginer atteler ensemble nos deux réseaux à deux autres réseaux de notre famille : les Volontaires lasalliens et UMAEL, l’association des anciens élèves? Quel extraordinaire vecteur pour le bien ne pourrions-nous pas devenir? Dans ces temps à haute vitesse que nous connaissons, avec cette technologie qui communique l’information en un instant à tout le monde ou à peu près sur la planète, il n’y a pas un seul réseau qui ait la capacité de répondre de façon efficace aux besoins d’aujourd’hui dans un délai acceptable. La plupart des organisations, toutefois, ont quelques personnes ou des lieux ou encore des projets qui détiennent des graines d’innovation en vue de l’avenir, au moins dans une forme partielle. Ensemble nous pouvons trouver et aider ceux qui sont peut-être en train de pousser dans nos réseaux. Encore une fois, ce que je viens de présenter sont des orientations générales que le Chapitre et d’autres instances nous invitent fortement à prendre. J’ai hâte d’entendre vos idées, alors que, je l’espère, nous ferons ensemble les pas qui nous conduiront dans un avenir partagé. CONCLUSION Dans la toute première de ses Médiations pour le Temps de la retraite, De La Salle nous dit : « Non seulement Dieu veut que tous aient la connaissance de la vérité, mais il veut que tous soient sauvés. » Nous avons là notre but et notre mission comme membres de la famille lasallienne. Dans son exhortation apostolique, La joie de l’Évangile, le pape François écrit : « L’Église, dans son engagement à l’évangélisation, apprécie et encourage le charisme des théologiens et leurs efforts savants pour faire avancer le dialogue avec le monde de la culture et des science. Les universités constituent des environnements extraordinaires pour organiser et développer cet engagement à l’évangélisation d’une manière interdisciplinaire et intégrante. Les écoles catholiques, qui se sont toujours efforcées de joindre leur travail d’éducation à une proclamation explicite de l’Évangile, sont une ressource très valable pour l’évangélisation de la culture, même dans les pays et les villes où des situations hostiles nous forcent à une plus grande créativité dans notre recherche de méthodes appropriées. » (note 9) Ne s’agit-il pas là d’une bonne raison militant pour une coordination plus rapprochée de nos deux réseaux? Les universités et nos écoles secondaires et primaires annonçant
ensemble la bonne Nouvelle du salut pour tous, en ce monde et dans le Royaume de Dieu à venir! MERCI!
Notes : 1. Capelle, Nicolas. Je veux aller à ton école! Pédagogie lasallienne au 21e siècle. Salvator, 103, rue Notre-Dame-des-Champs, F-75006 Paris, 2006, p. 241. 2. Lombaerts, Hermans. Chapel of Disclosure. Vlaams Lasalliaans Perspectief Brochure, p. 7. 3. Lauraire, Léon. La conduite des Écoles : une approche contextuelle. Cahiers lasalliens, No. 61, Maison San Juan Bautista De la Salle. 476, Via Aurelia, Roma, 2008, pp. 6-7. 4. Ibid. p. 7 5. Ibid. p. 7 6. Maritain, Jacques. Mot prononcé à Manhattan College dans « Historical note », 30 avril 1951, p. 43-44 7. Ibid. p. 44 8. Ibid. p. 45 9. Pape François. The Joy of the Gospel, Apostolic Exhortation, Pauline Books and Media, Boston, 2013, p. 92 (La joie de l’Évangile, exhortation apostolique)