Argumentaire expliquant le règlement

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ARGUMENTAIRE PROPOSÉ Commentaires généraux

On ne sait pas ce qui inspire les critères proposés ● Les groupes communautaires n’ont pas été consultés. ● En décembre 2013, les groupes travaillant avec les personnes trans avaient déjà expliqué que ce genre de prérequis était dangereux.

Aucune date de mise en vigueur ● On ne sait toujours pas quand ce sera appliqué. Comme depuis décembre 2013, la fin des exigences chirurgicales reste dans un futur indéfini. Commentaires spécifiques sur des extraits de la réglementation proposée Les énoncés de la réglementation proposée étaient si problématiques à nos yeux que nous avons dû les segmenter pour les présenter ici.

1. « Parmi les motifs exposés dans sa demande, le demandeur doit déclarer... » ● Une déclaration sous serment a une valeur légale. ● Mentir lors d’une déclaration est un acte criminel. ● Si une personne trans ne répond pas à tous les critères, elle commet donc un acte criminel. ● Les critères étant impossibles à remplir, les personnes trans sont donc mises en position de parjure par défaut.

2. … « vivre en tout temps » ● Cela implique une grande variété de contextes (dans l’intimité, à la maison, cercle d’ami-e-s, travail, école, famille, espaces publics, en voyage, du lever au coucher, même pendant le coucher). ● « Vivre en temps » suivant l’identité voulue ne dépend pas seulement de la volonté de la personne. Une personne trans risque de devoir choisir entre sa sécurité immédiate et le respect des exigences du gouvernement. ● Les employeurs ne permettent pas souvent aux personnes trans en début de transition de s’habiller ou d’aller travailleur sous l’apparence du genre qu’elles désirent. ● L’exigence de vivre en tout temps retire toute flexibilité aux personnes trans dans leur transition.

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3. … « depuis au moins deux ans » ● Cette exigence impose une période de discrimination obligatoire à toutes les personnes trans. ● Étant donné le grand nombre de contextes que peut impliquer le critère « en tout temps », le délai de deux ans s’étirera beaucoup, car il est difficile de vivre avec la discrimination qui découle du fait de ne pas avoir des documents d’identité conformes à son identité. ● Chaque fois que les circonstances forceront une personne à ne pas présenter une apparence conforme à son identité pour des raisons de sécurité (par exemple aux douanes), le deux ans est remis à zéro. ● Cette période de deux ans ne commence pas en même temps que la transition ou que la découverte de l’identité trans. ● Deux ans, c’est souvent plus long qu’obtenir des chirurgies, pour les personnes trans qui les veulent. Remplacer les chirurgies par une attente de deux ans ne fait que déplacer le problème.

4. … « sous l’apparence du sexe pour lequel un changement est demandé » ● Ce critère est très peu clair. Qu’est-ce que cela veut dire, l’apparence d’un sexe? ● Comment l’apparence d’un sexe sera-t-elle définie? Comment demandera-t-on aux gens de prouver cette apparence? ● Nulle part ailleurs, n’exige-t-on une apparence ayant un caractère légal. Seules les personnes demandant un changement de mention de sexe devront se plier à une apparence particulière.

5. … « et avoir l’intention de vivre en tout temps sous cette apparence jusqu’à son décès » ● Les personnes trans seront donc le seul groupe au Québec dans l’obligation de se conformer légalement à une apparence. ● Cette apparence devra répondre à des normes non publiées qui seront établies des fonctionnaires du gouvernement. ● L’État se réservera-t-il le droit de vérifier si l’apparence d’une personne trans est toujours « conforme » dans le futur ? ● Une personne trans perdra-t-elle son changement de mention de sexe si son apparence ne répond pas ou plus aux attentes des fonctionnaires du gouvernement ?

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6. Sur la lettre d’un médecin, d’un psychologue, d’un psychiatre ou d’un sexologue... ● Cette liste restreint le nombre de professionnels reconnus et autorisés à rédiger des lettres alors qu’ils et elles ne sont pas les seul-e-s à accompagner les personnes trans. ● Le système de santé est reconnu, étude après étude, pour être un environnement non sécuritaire pour les personnes trans. Ainsi, les consultations exigées pour fournir les documents requis peut nuire considérablement au bien-être des personnes trans. ● Exiger une thérapie ou une évaluation est coûteux et non remboursé par la RAMQ. Même si la consultation d’un médecin travaillant au public est remboursée par la RAMQ, la rédaction d’une lettre par celui ou celle-ci est toutefois payante (plusieurs centaines de dollars). ● On ne fait pas confiance aux personnes trans dans la description de leur expérience et dans l’identification de leurs besoins.

7. …. « qui déclare avoir évalué ou suivi le demandeur » ● La nécessité de consulter ces professionnels pathologise inutilement les personnes trans. ● La formations de ces professionnels-les sur les questions trans est soit inexistante, soit pathologisante, c’est-à-dire qu’elle présente les identités trans comme une maladie mentale. ● Les services de médecins, de psychologues, de psychiatres et de sexologues ne sont pas accessibles partout en province. Or, au fils des ans, des personnes trans ont effectué leur transition légale dans plus de 130 villes et villages de toutes les régions du Québec.

8. … « qui confirme que l’identité sexuelle du demandeur ne correspond pas à la mention du sexe figurant à son acte de naissance et qui est d’avis que le changement de cette mention est approprié. » ● Non seulement les professionnels autorisés sont formés pour comprendre les identités trans comme des pathologies, mais en plus, aucun protocole n’est en place pour effectuer cette évaluation. On force les professionnels à faire une évaluation qu’il ne savent pas faire. La lettre reposera donc sur l’arbitraire. ● Le Directeur de l’état civil est très strict dans son interprétation des règlements. Comment comprendra-t-il le sens de cette exigence? Faudra-t-il fournir un diagnostic formel de dysphorie de genre? Si oui, très peu de professionnels sont formés à établir ce diagnostic. Il sera donc difficile pour les personnes trans de remplir cette exigence.

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9. « La demande doit également être accompagnée d’une déclaration sous serment d’une personne majeure qui atteste connaître le demandeur depuis au moins deux ans... » ● Pourquoi demande-t-on que le témoin connaisse le demandeur depuis au moins deux ans? Est-ce que c’est une nécessité pour témoigner du temps passé à temps plein, ou pour être certain que le témoin connaît bien le demandeur? ● Parallèlement aux explications du point 4, attendu que le « en tout temps » inclut plusieurs milieux et contextes de vie, il sera extrêmement difficile pour les personnes trans de trouver une personne qui pourra témoigner sur la constance de leur apparence dans l’ensemble de leur vie. ● On ne peut présumer que les personnes trans ont des connaissances de longue date, précisément parce qu’elles sont trans. Souvent, leur famille et leur entourage les abandonnent à cause de leur transition. ● Les personnes trans dépendent souvent d’un réseau social formé après la transition. ● On nuit à la liberté de mobilité des personnes trans : elles ne pourront plus déménager (pour leurs études, pour un emploi, ou même à cause de leur transition) si elles veulent garder contact avec des gens qu’elles connaissent depuis deux ans.

10. ...« et que, à sa connaissance [celle du témoin], celui-ci [le demandeur] vit en tout temps, depuis au moins deux ans, sous l’apparence du sexe pour lequel un changement de mention est demandé. » ● On force les personnes qui ont déjà mené leur transition et qui vivent « stealth » dans un nouvel environnement de faire un coming out possiblement dangereux et superflu seulement pour obtenir un témoin. ● On force potentiellement des gens à rester dans des relations toxiques si elles veulent conserver un contact avec une personne qu’elle connaît depuis au moins deux ans. ● Une tierce personne, le ou la témoin, sera juge de ce qui est acceptable comme apparence de sexe pour la personne trans.

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Une proposition inclusive et non discriminatoire 1. Déclaration sous serment de la personne trans... ● Le gouvernement doit mieux utiliser les outils dont il dispose déjà. ● La déclaration sous serment est un instrument légal important. Une fausse déclaration est un acte criminel. ● Si le gouvernement veut s’assurer que les personnes faisant des demandes sont sérieuses, il peut fournir un document expliquant les conséquences du changement demandé et comment celui-ci sera appliqué, afin d’établir un consentement éclairé. ● Les personnes trans n’ont pas à souffrir de la possibilité que quelqu’un abuse des procédures conçues pour elles.

2. … « confirmant que l’identité de genre inscrite à son acte de naissance n’est pas conforme à son identité de genre vécue » ● Cette proposition est beaucoup plus proche des recommandations des organisations professionnelles telles CPATH et WPATH. ● Cette formulation avait déjà été proposée comme l’une des alternatives étudiées par le gouvernement en décembre 2013. ● Elle s’éloigne des aspects discriminatoires de la réglementation proposée. ● Cette formulation ne réglemente pas l’apparence masculine ou féminine.

3. Déclaration sous serment d’un témoin qui confirme que l’identité vécue de la personne ne correspond pas avec sa mention de sexe ● Cette exigence permettra de donner plus de crédit à la demande, sans mettre trop de poids sur les personnes trans les plus marginalisées : il suffit de connaître une personne qui sait qu’elle est trans et qui peut témoigner pour elle. ● Elle permettra aussi une constatation de la différence entre le certificat et l’identité présentée au lieu d’une évalutation de l’identité de la personne. ● Il sera plus facile pour les personnes trans de trouver des personnes pouvant faire cette déclaration et connaissant leur identité trans. En plus de cette proposition, nous invitons la ministre de la Justice à prendre contact avec les organismes communautaires pour établir de nouveaux critères. Étant donné qu’aucune justification n’a été donnée pour les critères présentés dans le projet de règlement, il est difficile pour nous de savoir quels sont les besoins du gouvernement en matière de changement de la mention de sexe, tout comme il lui a été difficile de comprendre les besoins des personnes trans. Il est important d’entretenir le dialogue à ce sujet. 5


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