Réponse de la cdpdj

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Direction de la protection et de la défense des droits Bureau de Montréal

CONFIDENTIEL

PAR COURRIEL ET PAR LA POSTE

Le 9 octobre 2013

Madame Gabrielle Bouchard Coordonnatrice du support entre pairs et défense des droits Centre de lutte contre l'oppression des genres 1455, rue De Maisonneuve Ouest, annexe V-01 Montréal (Québec) H3G 1M8 N/Réf. : C1176_13 – Centre de lutte contre l'oppression des genres / Ministère de la Justice du Québec Objet : Étude de votre demande d’enquête

Madame, Votre correspondance du 11 août dernier, après avoir été traitée par madame Fara Mérilan, a été transmise à la soussignée pour étude et réponse. Nous comprenons que vous êtes coordonnatrice du support entre pairs et défenses des droits Trans au Centre de lutte contre l'oppression des genres, et c’est à ce titre que vous vous adressez à notre Commission. Vous demandez à la Commission de faire enquête sur le fait que le Code civil, dans sa forme actuelle, contrevient à plusieurs des droits fondamentaux des personnes transgenres qui souhaitent obtenir un changement de sexe légalement reconnu. Vous soulignez à juste titre que la Loi impose actuellement à ces personnes des obligations ayant pour effet de les discriminer en raison de leur sexe : tout changement de sexe demandé ne sera en effet accordé que si la personne a subi avec succès une modification structurelle de son corps, si elle est majeure et si elle a la citoyenneté canadienne. Ces contraintes, clairement exposées dans la Loi, créent selon vous un obstacle infranchissable pour toute personne qui souhaiterait faire une telle demande sans avoir le désir ou le pouvoir de rencontrer l’un ou l’autre, ou même l’ensemble de ces critères. Votre organisme soutient que la loi constitue une atteinte non seulement au droit à la dignité, mais également au droit à la vie privée et au droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne et le droit à la personnalité juridique. L’atteinte au droit à la vie privée s’étend selon vous au parent de l’enfant transgenre, en ce qu’il lui est exigé de divulguer des informations confidentielles dans le cas d’une demande de changement de sexe d’un mineur.


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Travaux de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Comme vous le mentionnez dans votre lettre, plusieurs de ces éléments ont été soulevés par notre Commission lors de sa participation aux consultations sur le projet de loi 35, loi visant à modifier le code civil. Cette intervention de la Commission s’inscrit dans la responsabilité qui lui est dévolue à l’article 71, 2e al. (6) de la Charte qui stipule qu’elle doit : « relever les dispositions des lois du Québec qui seraient contraires à la Charte et faire au gouvernement les recommandations appropriées ». Nous souhaitons vous informer qu’en sus de la mention d’une atteinte au droit à la dignité, la Commission a également soulevé les atteintes aux droits précisés dans votre lettre. À cet égard, nous vous invitons à prendre connaissance du document ci-joint, rendu public par la Commission, intitulé « Commentaires sur le projet loi n° 35, loi modifiant le code civil en matière d’état civil, de successions et de publicité des droits ». Le sujet touchant les personnes trans est plus précisément abordé aux pages 3 à 10. Le 21 mai 2013, la Commission a également émis un communiqué de presse dans lequel elle salue les modifications apportées au projet de loi 35 et où elle souligne celles qui doivent encore être apportées. Vos remarques trouvent selon nous, écho dans ces deux documents. Ajoutons que le service de la Recherche de la Commission travaille encore activement sur ce dossier dans le but de produire des commentaires sur de nouveaux amendements proposés à la Loi, concernant la citoyenneté et l’âge exigés lors d’une demande de changement de sexe. La Commission demeure donc vigilante et assure une veille juridique et sociale afin de consolider sa capacité d'intervention auprès du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Votre demande d’enquête Concernant votre demande d’une enquête de la Commission, soulignons que l’article 71, 2e al.(1) mentionne l’obligation de la Commission de faire enquête, notamment sur toute situation qui lui paraît constituer un cas de discrimination au sens des articles 10 à 19. L’article 74 de la Charte spécifie que : « La plainte peut être portée, pour le compte de la victime ou d’un groupe de victimes, par un organisme voué à la défense des droits et libertés de la personne ou au bien-être d’un groupement. Le consentement écrit de la victime (nos soulignés) ou des victimes est nécessaire, sauf s’il s’agit d’un cas d’exploitation de personnes âgées ou handicapées prévu au premier alinéa de l’article 48. » Tel que déjà mentionné par madame Mérilan, les critères (soulignés plus loin) servant à établir la recevabilité d’une plainte sont bien définis et ont été éprouvés au fil du temps par la pratique, des avis juridiques et la jurisprudence. Le libellé de la Charte emporte l’obligation, pour l’organisme plaignant, de soumettre la situation particulière d’un individu qui aura été personnellement victime, durant la tentative de l’exercice d’un droit, d’une


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atteinte à ce droit en lien avec un motif interdit de discrimination. Un préjudice personnel doit en découler. Nous partageons votre point de vue à l’effet qu’une enquête de la Commission pourrait avoir pour effet de faire avancer le présent dossier, et à l’effet que votre organisme occupe une position privilégiée en termes de connaissance de la problématique tant sur le plan théorique que pratique, ce qui fait d’elle un organisme visé par l’article 74 précité. Nous comprenons par ailleurs que votre organisme soulève des difficultés importantes qui l’empêchent de déposer une plainte conforme aux critères d’une plainte recevable ci-haut énumérés. À cet égard, nous souhaitons souligner que la Commission et, notamment, les membres de son personnel ont un devoir d’assistance aux personnes, groupes ou organismes qui en font la demande, pour la réalisation d’objets qui relèvent de sa compétence. Elle doit aussi prêter son concours pour la rédaction d’une plainte (art.72 de la Charte). Dans ce cas précis, nous vous soumettons que pour permettre à la Commission de faire enquête, votre organisme devrait présenter la situation d’une personne transgenre qui, en tentant d’obtenir un changement légal de sexe, se serait vu refuser, par exemple, l’accès au formulaire à remplir au motif qu’elle ne rencontre pas les conditions imposées par la Loi. Le refus n’a pas à être fait par écrit. Il peut avoir été signifié verbalement. Il sera important de noter la date et l’heure de la conversation, et de décrire toute circonstance pouvant fournir un éclairage le plus précis possible sur ce refus. Nous sommes donc d'avis que notre intervention dans le cadre de notre responsabilité d'enquête, par le traitement de plaintes de victimes identifiées et liées à des situations concrètes de discrimination, pourrait mener à des résultats probants et ainsi répondre aux attentes des personnes qui sont visées par ces situations. . Notez qu’une seule plainte portée à l’attention de la Commission, si elle est jugée recevable et qu’elle porte sur une situation de nature systémique, peut donner lieu à une enquête systémique et, le cas échéant, à une décision à large portée. N’hésitez pas à communiquer avec la soussignée pour toute question que vous pourriez avoir concernant la présente. Le cas échéant, il nous fera plaisir de vous assister à présenter une demande d’enquête qui sera de nature à permettre à la Commission de faire enquête, dans l’intérêt de toutes les personnes qui peuvent être touchées de près ou de loin par la problématique soumise. Nous vous transmettons, madame Bouchard, nos salutations distinguées,

Lison Rouleau Coordonnatrice, Service de l’accueil et de l’évaluation (450) 569-3220 ou 1 877 226-7224 Lison.Rouleau@cdpdj.qc.ca


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