Musée d'Unterlinden, Colmar

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ENSAS cycle Master UEM 123

Projeter dans l'existant

Le musée d'Unterlinden : un édifice à fort potentiel historique

Julie Bolle-Reddat Juin 2012

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Le musée d'Unterlinden : Un édifice de départ à fort potentiel historique Le musée d’Unterlinden est situé actuellement dans un ancien couvent du XIIIe siècle. Ce cloître gothique, édifié de 1280 à 1289, est l’un des mieux conservés d’Alsace. Au cœur de la ville de Colmar, il est intégré à un espace urbanistique composé au fil des époques avec, par exemple un édifice des anciens bains municipaux de style Art Nouveau qui lui fait face et qui va jouer un rôle important dans le projet d’extension. C’est en 1230 que deux veuves nobles, Agnès de Mittelheim et Agnès de Hergheim, décident de se retirer au lieu-dit « Unterlinden » (« Sous les Tilleuls ») à Colmar afin de fonder une communauté religieuse. Leur communauté prenant de l’ampleur, elles partent s’installer à l’extérieur de la ville mais à la suite de la fortification de la ville de Colmar, la communauté en pleine expansion finit par revenir se développer au cœur de la ville dans un souci de protection. Leur monastère s’édifie à partir de 1252 et comprend une église, un cloitre et des bâtiments annexes ; La partie centrale forme un ensemble de forme quadrilatère. Cette construction sera terminée en 1289.

Le style de cet édifice correspond au style ogival de l’époque ou style nommé gothique avec une forte influence allemande. Cela peut se voir dans le chœur et les arcades de l’église, il n’est plus visible dans la nef qui a été très rapidement restaurée après sa construction. Cet ensemble monastique important aux XIVe et XVe siècles, le couvent des Unterlinden devient un pôle de la mystique chrétienne dans la vallée du Rhin. C’est d’ailleurs ce qui, à une époque florissante, va amener à la construction de nombreux édifices annexes qui encadreront ainsi l’immense propriété de la communauté et constitueront un quartier de la ville à part entière. Conséquence de la Révolution française, l’année 1793 marque la fin du couvent et sa dévastation. L’édifice devient propriété de l’état. Ce dernier est alors amené à héberger de nombreuses activités au fil des besoins de la ville : caserne militaire, hébergement de prisonnier de guerre, caserne de cavalerie…

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En 1847 sont détruits les dépendances et le parloir. Au fil des activités qui l’investissent, l’ensemble de la construction se dégradent progressivement. Pour ce qui est du projet de musée, on peut le séquencer en différentes étapes :  1793- 1849 : premières avancées d’idées concernant la création d’un musée et cela, à la suite de la constitution d’une bibliothèque universelle à Colmar.  1849- 1867 : action de la société Schoengauer pour un musée d’art  1859- 1867 : constitution d’un musée scientifique par la société d’histoire naturelle  Depuis 1867 : activités des 2 sociétés au sein du musée au profit d’un « double musée ». Le choix du couvent des Unterlinden pour ce projet est fait car cet édifice est voué à la démolition. Louis Hugot (1805-1864), alors archiviste et bibliothécaire de la ville de Colmar, cherche à sauver l’édifice en lui offrant une nouvelle vocation. Cette nouvelle vocation voit se programmer la restauration des ¾ de l’édifice. Les œuvres sont progressivement collectées et quelques pièces importantes vont graduellement faire la renommée de ce musée et notamment le retable d’Issenheim. Mais depuis la naissance du musée d'Unterlinden, les transferts, les donations et les politiques d’acquisitions, ont fait de lui un « musée de type encyclopédique » aux collections plurielles, bien que dominées par deux ensembles, d’une part les collections d’art ancien du Moyen Âge à la Renaissance et d’autre part, une collection importante d’art moderne

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On peut observer dans ce plan ainsi que dans les documents annexes, le fonctionnement du musée à ses débuts à la fin des 18ème siècles ainsi que les aménagements faits jusqu’à son fonctionnement actuel. L’édifice de départ a déjà été le sujet d’un projet de réhabilitation en l’éloignant largement de sa vocation religieuse de départ. Il a ainsi déjà, en quelques sortes, été sauvé du délabrement avec l’utilisation de ces murs pours une vocation culturelle. On peut observer dans l’évolution des plans que le principe de fonctionnement autour du cloître a suivi les différents aménagements. On peut d’ailleurs observer sur les plans et dans les écrits que le fait d’aggrandir ou de modifier l’édifice avait quelque peu été anticipé. En effet le plan de 1872 nous révèle l’étude faite avec le déplacement de la bibliothèque à l’extérieur du musée. On est encore bien loin de la vaste extension proposée actuellement !  Un projet pour offrir une nouvelle ampleur au musée : Les collections grandissantes poussent progressivement le musée à réfléchir à une extension. De plus la volonté de donner une place plus valorisante à des chefs d’œuvres (On cite souvent le retable d’Issenheim come faisant la fierté de ce musée) tout en offrant de nouvelles activités plus ludiques et vivantes au sein de cet espace culturel. Le concours lancé en 2007 pour l’extension du musée des Unterlinden visait à offrir de nouveaux espaces plus vastes et plus adaptés à certains chefs d’œuvre conservés dans les collections permanentes mais aussi à proposer un nouvel espace ludique et éducatif au profit des plus jeunes. Le projet de l’Agence Herzog et de Meuron propose donc un projet consistant dans les grandes lignes à :  Le réaménagement du musée actuel situé dans un couvent du XIIIe siècle, classé Monument Historique.  La réalisation d’une galerie souterraine reliant le couvent aux anciens Bains municipaux et à la Nouvelle Aile.  La construction d’un bâtiment contemporain (nouvelle aile) qui abritera les expositions temporaires et les collections d’art moderne et contemporain.  La rénovation et transformation des anciens bains municipaux de Colmar, réaménagés et utilisés pour des événements culturels. Ainsi le projet vise à réellement déployer le musée à la fois en investissant les édifices voisins mais aussi en créant des extensions devenant trait d’union de ces divers corps de bâti.

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Le cabinet Herzog & De Meuron propose de casser des petits bâtiments de la cour intérieure et d’adjoindre au bâtiment de la piscine une nef contemporaine pour y déployer l’art moderne et contemporain. L’importance du retable serait soulignée par sa place, toujours dans la chapelle, mais au cœur d’une véritable symétrie axiale. L’ensemble se déploie dans un rapport à l’eau évident : le canal souterrain va être, en partie, découvert et des passerelles permettront son franchissement. Quant au jardin du cloître, qui a une grande importance dans le bâtiment actuel, il va trouver son contrepoint avec le jardin des sculptures, qui sera aussi une cour fermée. L’office du tourisme sera installé au rez-de-chaussée pour développer un étroit particulier avec le musée. Grâce à une verrière, les promeneurs pourront voir la galerie souterraine qui reliera les deux bâtiments. Cette galerie souterraine passera sous le canal et permettra aux visiteurs d’aller dans la nouvelle aile consacrée à l’art moderne et aux expositions temporaires. On conserve comme noyau dur la partie ancienne avec le retable et les collections anciennes déployées. En 1852, la chapelle du couvent a été classée au titre des Monuments Historiques ce qui fait qu’une partie du projet sera suivi par des architectes de cette organisation, ils seront maîtres d’oeuvre pour la chapelle. Le projet d’extension du musée Unterlinden à Colmar est constitué de deux ensembles qui se font face de part et d’autre de la future place d’Unterlinden : d’un côté le cloître médiéval avec la chapelle abritant actuellement le Retable d’Issenheim de Grünewald et de l’autre la nouvelle aile d’une volumétrie similaire à la chapelle, qui constitue son pendant en formant avec les bâtiments des Bains une deuxième cour de l’autre côté de la place Unterlinden. Entre ces deux ensembles, une maison marque la présence du musée dans la ville. Le couvent et la nouvelle aile sont liés par une galerie souterraine. Cette galerie traverse la petite maison. L’espace intérieur de la maison est largement vitré et offre une vue sur la place d’Unterlinden et vice versa. Le projet associe, de manière étroite et nécessaire, trois dimensions : urbaine, muséographique et architecturale.

Les espaces seront redistribués avec cette extension de plus de 8000 m². Cette réorganisation offrira des espaces dédiés bien particulièrement à chaque catégorie d’éléments de la collection en attribuant des volumes en fonction du recul à offrir vis-à-vis de l’œuvre. La répartition se fera ainsi de cette manière :

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La nouvelle entrée du musée sera située au niveau de la façade nord de l’ancien couvent, en face des anciens bains municipaux. Elle permettra l’accès à l’ensemble du musée et mettra en valeur le cloître et l’architecture gothique. De nouveaux espaces d’accueil seront ainsi proposés aux visiteurs (vestiaire, sas d’orientation et multimédia, boutique).

Le chœur de l’ancienne église sera complètement dédié au retable d’Issenheim. Les œuvres contemporaines à la création du retable telles que le retable de Veit Wagner, et le Christ des douleurs de Martin Hoffmann seront exposées dans la nef. Le chœur de la chapelle sera dépourvu de tous les éléments pouvant perturber le retable. Les éléments pédagogiques et les aides à la visite seront remplacés par des informations sur support multimédia présentées uniquement sur la tribune d’où l’on peut voir le retable. L’aile nouvelle, habillée de briques et de cuivre, sera consacrée à la présentation des œuvres d’art moderne et contemporain sur deux niveaux. Cette collection privilégie des œuvres issues des mouvements de l’abstraction d’après-guerre (Magnelli, Poliakoff, Soulages, Bram van Velde, Viera Da Silva) et des chefsd’œuvre de Dubuffet et de Picasso. Le 3e niveau permettra la mise en place d’expositions temporaires d’envergure.

Cette liaison souterraine sera segmentée en trois salles d’exposition pour laisser place à l’histoire du musée, aux collections des Beaux-Arts du XIXe siècle, des œuvres de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Cette galerie créera trois salles : l’une consacrée à l’histoire du musée, les deux autres permettront de faire une transition avec le XIXe et le début du XXe siècle. La salle médiane profitera de l’éclairage naturel de la verrière de la maison juste au-dessus.

Quant à l’édifice des bains municipaux, il sera revalorisé tout en gardant ses spécificités du début du XXe siècle pour devenir un espace événementiel. En dehors des manifestations temporaires, ce magnifique espace sera visible depuis le balcon, accessible à partir du 1er

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étage de l’aile nouvelle et contiendra une bonne partie des éléments administratifs du musée. Avec son nouvel aménagement, le musée d’Unterlinden prendra une forme contemporaine et audacieuse : celle d’un musée fortement modernisé, réaménagé et considérablement agrandi. Le projet d’extension propose un nouveau musée, où l’éducation du regard et l’apprentissage de l’œuvre d’art sont au cœur du projet muséographique, où les technologies d’information et de communication les plus récentes sont mises en place. Ce réaménagement met en œuvre un musée ouvert et accessible à tous dans une démarche actuel des espaces culturels. L’architecture choisie joue d’ailleurs un rôle important dans cette notion de captage d’un nouveau public. Cette opération représente un projet majeur pour l’urbanisme de la Ville de Colmar et un impact tout particulier dans une démarche de dynamisation touristique de la région Alsace. En plus d’être un enjeu culturel pour l’ensemble de la région, l’extension du musée d’Unterlinden se présente comme un facteur de développement urbain, économique et de cohésion sociale.

Quelques chiffres et date clés : 2007-2009

Etude du projet et choix du maître d’œuvre, le cabinet Herzog & de Meuron

2010 et 2011

Etudes architecturales

Mai 2012

Démarrage des travaux dans le musée

Fin 2013 début 2014

Inauguration

Coût de l’opération (avec aménagements urbains concomitants) : 36 millions d'euros

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 Mon appréhension personnelle du sujet : Lors d’un projet de réhabilitation ou d’extension il me semble important de traiter avec respect l’existant et d’affirmer clairement une ligne de conduite quant au rapport entre la construction nouvelle à venir et l’ancien subsistant dans le projet. Le parallèle entre les deux n’est pas toujours facile à trouver mais je trouve ici que la nette distinction fait la force de ce projet. En effet, on intègre ici concrètement l’idée de se décrocher visuellement de l’existant avec un traitement très contemporain des nouvelles constructions mais en travaillant cependant avec la jonction de 2 styles de bâti existants provenant de 2 périodes très différentes (ancien monastère et établissement des bains). Le principe de concevoir avec pour ligne forte la refondation des tracés fluviaux historique me semble être un fondement intéressant pour ce projet. En effet le canal jusque-là interrompu sur la place située devant le musée est prolongé pour le projet et devient ainsi fil conducteur traversant le projet, le scindant en deux mais ne devenant pas pour autant. Ce canal devient fondateur au cœur de la construction tout en pouvant être traversé par le soussol du musée sans créer une rupture au cœur du projet. D’autre part l’ancien ensemble monastique semble renaitre avec cette création d’un groupement d’édifices à même vocation. En effet cette construction à forte expressivité possédait un caractère peu accueillant en tant que porte d’entrée d’un espace culturel. La nouvelle entrée modifiera je pense fortement l’image du musée en lui offrant une notion d’accessibilité plus forte. Quant à l’impact sur la ville, cette nouvelle transition vers le centre me semble intéressante car elle a vocation à transformer le cœur du projet en passage et ainsi lui apporter un caractère plus accessible mais surtout faire revivre ce musée qui possédait un aspect quelque peu austère avec cette façade sombre. On ne se heurtera plus à un mur imposant mais on poursuivra la ballade urbaine au travers du musée. Le projet est présenté comme ayant une vocation à différentes échelles, aussi bien urbaines qu’architecturales. Il me semble remplir ses diverses fonctions en étant à la fois intégré dans une centralité de ville mais aussi en offrant une dynamisation de l’image du musée et cela avec une répercussion à différents degrés. Par ailleurs, la jonction avec d’autres activités telles que l’office du tourisme me semble pouvoir être moteur pour dynamiser le rayonnement du projet. Ainsi ce nouveau dispositif muséal offrira à la fois une nouvelle amplitude à l’existant par une nouvelle appréciation des espaces historiques en y exposant moins d’œuvres pour laisser une plus grande expression au génie du lieu mais il permettra aussi de proposer une extension permettant une nouvelle flexibilité pour des expositions temporaires dans un espace plus adapté.

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