Pas d'tes affaires | Numéro 03 Sublime

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Pas d’tes affaires 03 Sublime


comité magazine magazine committee henry beasley patrick forrest jeffrey marianne lonergan-pilotto jonathan massove guerville couverture cover maryanna chan mise en page layout marianne lonergan-pilotto révision des textes en français revision of french texts aurélie fortin révision des textes en anglais revision of english texts alison kate helmer traduction translation david noël

textes et images des étudiants de l’École Nationale de Théâtre du Canada texts and images from students of the National Theatre School of Canada 2020


table des matières table of contents

04 mot de la rédaction

17

24

note from the editors

dive

ak helmer

roulette russe

sarah cavalli pernod

18

26

charlotte raoutenfeld

flavie

39

28

ryan wilcox

06

ceci est une invitation

esther duplessis 10

todo en un mundo francés isabel fuentes

les charognards

21

i thought que j’avais envoyé this too late, mais OK, it’s here maintenant david noël

12

rapid eye movement

espoir segbeaya 14

refuser le monde cerf gris

22

top chef

margot lacoste

constat 2019 four poems

patrick forrest jeffrey

36

des cris de ralliement et des prétentions hugo fréjabise

fraud 40

feast

anna moreale 30

lettre d’amour au karaoké aurélie fortin 33

king kong

isi-bhakomen


04

pas d’tes affaires

sublime

a note from the editors

mot de la rédaction rédaction

Oh 2020, you were going so well until that

Ah, 2020. On s’entend-tu que tout allait

freight train from outer space hit planet

relativement bien jusqu’à ce que les

earth. But hey ! Now that we’re all shelte-

Illumanti interviennent pour foutre de la

red in our bunkers like mammals burrowing

grosse mierda ? Mais bon, maintenant qu’on

away from an asteroid, we have plenty

est esttou.te.s tou.te.sààl’abri, l’abri,confiné.e.s confiné.e.scomme comme

of time to do all of those projects we’ve

des despetites petitestaupes, taupes,on onaaenfin enfindu dutemps temps

been meaning to finish. There’s finally time

pour pournous. nous.Enfin Enfindu dutemps tempspour pours’attaquer s’attaquer

to write all those screenplays ! Time to

ààtoutes toutesles lespetites petiteschoses chosesqu’on qu’onvouvou

dye all that fabric ! Time to name all those

lait faire, mais qu’on laissait traîner. En

new emotions we excavated from the

veux-tu veux-tudes desplafonds plafondspropres, propres,des desgardegarde

space between “ worry” and “ concern ” !

-robesrangées, robes rangées,des desfours fourslavés, lavés,des destêtes têtes

Time to colour coordinate our closets

rasées, rasées,des destoupets toupetsapproximativement approximativement

(black on one side, and faded black on the

coupés, coupés,des desLives LivesInstagram Instagrampartagés, partagés,des des

other). There’s time to finally read King

quiz quizpersonnalisés, personnalisés,des desbouquins bouquinsterminés, terminés,

John  ! Time to come up with an opinion

du dumanger, manger,du dumanger mangeret etdu dutemps tempspour pourse se

on the latest political scandals. Time to

masturber masturberben bencomme commeililfaut ? faut ?En Env’là ! v’là !

propose to that sexy coach via Zoom chat (I‘m sure that one will age well). Time to wash the ceilings. Time to figure out what “ Autocadº” means (some kinda virus, I heard). And finally, oh yea friends, you bet, as never before, we have time to meal prep !


05

In many years from now when we live in

Dire que dans plusieurs années, on pourra

a world free from sickness and strife, we

se seremémorer remémorerde detout toutce cetemps tempsde dequalité qualité

will look back fondly on this quality time

qu’on qu’ondisposait. disposait.Des Desbeaux beauxsouvenirs souvenirsde de

we had with ourselves, holed up in our

nous, enfermé.e.s dans nos chambres (en

rooms, watering our plants, writing on the

mou), arrosant nos plantes (en mou) et riant

mirrors, breathing into paper bags, posing

à nos propres blagues (en mou).Après mou). Aprèstout, tout,

for our own nude calendars, and laughing

le rire est thérapeutique ! On dit que pen pen-

at our own jokes. Laughter, after all, is

dant la peste, Shakespearea Shakespeare aprofité profitéde dela la

very important medicine. Foremost literary

fermeture des théâtrespour théâtres pourécrire écrire

scholar Rosanne Cash reminds us that

Le Roi Lear, une tragédie à la fois joyeuse

Shakespeare wrote King Lear in quaran-

et comique, mais surtout une oeuvre mar-

tine. King Lear, as we all know, is one of

quante du répertoire théâtral occidental.

the most joyful and hilarious works in the

C’est pas rien. On vous invite donc à garder

Western canon. So keep up the good cheer,

le moral, à prendre soin de vous, à relaxer

practise self care, crack open this zine

et à découvrir ce zine : ceque ce que« l’avenir « l’avenir

of your peers’ best writing, don’t stress,

du théâtre » a de meilleur à offrir. Si on ne

and remember, if one of us doesn’t come

réussit pas à produirel’o produire l’o euvre euvredramatique dramatique

up with our generation’s defining dra-

emblématique de notre génération pen pen-

matic work during this crisis, we all lose.

dant cette crise, çasera ça seraune uneperte pertepeutpeut-

Because Art, as we know, is the greatest

être, mais ça sera pastant pas tantgrave. grave.Cela Celadit, dit,

competition of all. (But no stress, bro.)

l’art, comme on lesait, le sait,est estla laplus plusgrande grande compétition quiexiste. qui existe.Pourquoi Pourquoine nepas pasen en

Peace, love and good vibrations,

profiter ? (Maiszéro (Mais zérostress, stress,bro.) bro.) Pyjamas, Party Mix pis GROS CALIN VIRTUEL, VIRTUEL,

Pas d’tes affaires team

L’équipe de de Pas Pas d’tes d’tes affaires affaires


06

pas d’tes affaires

sublime

ceci est une invitation esther duplessis

Note : Le genre féminin est utilisé comme générique, dans le seul but de ne pas alourdir le texte.

Mon amour pour le jour où j’aurai choisi mon camp entre les mouches noires et les humaines j’ai un grand plan d’évasion

si j’avais tous les mots du monde je t’écrirais une cathédrale pour t’y offrir tous les poèmes un grand je t’aime illimité je t’aime trop pour me répéter mais à défaut d’une cathédrale si tu veux mon amour pour toi et moi

dans l’fond d’une forêt boréale j’m’en vas nous gosser une cabane en boue en bois en roches tu verras on pourra dormir toujours au chaud et à l’abri et si un jour l’hiver revient on aura qu’à se coller plus toujours plus fort toujours plus proche on se soudera en cuillère je te jure le froid nous laissera en paix mais

si la forêt est achetée si la forêt est arrachée


07

j’nous creuserai un trou dans la terre avec mes ongles mes griffes mes dents avec toute l’énergie du monde ou au moins l’énergie qu’y m’reste j’nous broderai un lit de lichen ou de racines tissées-serrées je laisserai des brèches au toit pour laisser passer la lumière promis pas question d’oublier l’soleil mais

si le sol se fait poignarder pour que les grands sachent c’qu’il y a dessous si un gros tuyau métallique défonce nos murs de terre battue

mon amour nous retournerons à la mer mais cette fois on met l’canot su’l top du char on parle pas de canot-camping on parle d’écrire un monde nouveau on se trouvera une île déserte qu’on partagera aux oiseaux on se fera un grand feu de joie pour célébrer notre chez-nous anyway pus besoin d’pagaies j’ai dit au revoir à ma famille j’ai dit au revoir à mes amies pis si un jour on s’ennuie trop on se dressera un goéland à sa patte on mettra la map je te le dis notre île sera toujours assez grande pour toutes celles qui veulent s’évader mais mais

si l’océan est assiégé si un raz-de-marée de plastique engloutit notre paradis


08

pas d’tes affaires

sublime

Mon amour il faudra bien prendre les armes

je reviendrai avant de partir avant mon grand plan d’évasion je n’y crois pas à la conscience tranquille mon amour mon frère d’armes puisque je t’aime je ne serai jamais Alceste entre les mouches noires et les humaines je ne choisirai pas mon camp car je n’ai foi qu’en l’espoir et de l’espoir j’en ai encore et avec toi j’en ai beaucoup et je jure de mourir en même temps que lui mon amour

j’m’en vas nous voler tous les livres qui sont coincés dans leur pages grises j’apprendrai tous les mots par cœur pour qu’on puisse jamais les brûler j’m’en vas t’écrire je t’aime sur tous les murs sans fenêtre sur toutes les portes fermées à clef

j’m’en va chanter à tue-tête toutes les chansons d’amour que j’sais personne pourra dormir debout

j’m’en va décrocher en plein jour toutes les pancartes électorales on pitchera d’la peinture dessus pour créer quelque chose de beau on en fera des châteaux de cartes ou des cabanes pour les oiseaux j’m’en vas libérer toutes les fées qui sont enfermées dans les rêves ceux qu’on ne dit pas à voix haute parce qu’une fée ça sait déranger

j’m’en vas brûler les centres d’achats pis sauver les manteaux d’hiver pus personne aura jamais froid

j’m’en vas nous planter des tomates des tomates de toutes les couleurs parce qu’à part les deux mains dans terre je sais pas trop où y’a du sens j’m’en va écrire un dictionnaire où il n’y a pas le mot profit mais plusieurs fois le mot courage et plusieurs fois le mot debout


09

ah pis fuck off j’m’en vas convaincre toutes les Alceste de revenir défier le monstre nous vaincrons à grands coups d’amour-bombe mûre de deux ou trois étoiles filantes et de beaucoup de chants d’oiseaux pis à celles qui trouvent ça quétaine tant pis elles seront quand même les bienvenues

nous aurons tout ce qui nous manque des feux d’argent aux portes des banques des abattoirs de millionnaires des réservoirs d’années-lumière

sur le cadavre des tours de verre bien ancrées au niveau du sol on installera notre QG on s’inventera le plus beau des cadavres-exquis à huit milliards de personnages où il n’y a pas de premiers rôles et pas encore de dernière page Ceci est une invitation. La joie est de notre côté. ¶


10

pas d’tes affaires

sublime

Todo en un mundo francés isabel fuentes

En un mundo francés doorways are bolted to ceilings, Smuggling the napping sun from our sighs. Each room is a treasure hunt of texts and chests, Each wall a home to a reality unknown. En un mundo francés las rosas toman té con Neruda, suspendidas desde el altar huesudo del cielo rojo. Smoke smothers doubts, And light is but a thought.

En un mundo francés las cartas se escriben en Blanco y Negro; Thinking controls the hour, But thoughts stay smothered behind the door. [El vino de cristal purifica nuestras mentes como la sal del mar.] En un mundo francés viajamos a la Patagonia; Las mochilas nos pesan kilos, y el agua nos hace flotar. [Un amor dorado sale volando de tus poros.] En un mundo francés tu mamá crea nidos con historias incomprensibles; Snakes roam free from lips to mouth, From house to home. En un mundo francés el español es inglés, y el inglés portugués. En un mundo francés yo soy yo, y tú eres Él. ¶

laure anderson >


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By my calculations this hourly disruption Cannot be healthy Not healthy for me

I set an alarm for each hour after midnight. I don’t wanna miss calls Can’t be missing calls Do you see ?

I used to stay curled all day Snuck through dreams of others And pretended I was sitting in a mermaids belly

rapid eye movement espoir segbeaya

And yeah I disrupted that That miracle doesn’t come I miss out on dreaming cause I’m waiting Waiting for a call Get it ? Do you see ?

I set an alarm for each hour after midnight I don’t wanna miss a call And besides Not much else to do lately

I think it’s ’cause I like the tangents you can go on All blended up making no sense Gambling with reality Not a talk of the weather Unless it’s about cloud seeding and silver iodine conspiracies

I think it’s ’cause I hate that mob I think I hate the circles it speaks in The conversation, it’s just too elementary The victorians would call it an idiot For all this talk of the weather It drives me crazy It adds to my loss of sleep

So I set an alarm for each hour after midnight I don’t wanna miss your call Get it ? Damn That’s Do you see ?


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When everyone is asleep you cry. It is not because you are finally alone but because you wish you had said something during the day when everyone was awake. And you have been swimming all day so you can’t quite tell where the salt on your face is from. Crying so hard your chest hurts or just a quick dip in the sea ? And It’s confusing and comforting like peeing in the shower. Salt on tears. Piss and water. Makes you feel like there aren’t any damn rules but there should be. You should keep everything in one place. No peas in the potatoes. Get yourself together you shouldn’t cry in a bed that someone else is sleeping in so just stay up. ¶


refuser le monde 14

pas d’tes affaires

sublime

cerf gris

Les mots dans ma tête se bousculent De ma bouche rien ne sort Les mots secoués par la peur qui les bouffe Les mots m’étouffent L’écho Dans la nuit souffle le vide C’est l’heure fatigante du répit Le monde dort Ici le monde dort De ma bouche rien ne sort Mes poumons doucement brûlent brûlent brûlent Se consument du gaz qu’ils n’expulsent pas Les mots m’asphyxient Ma gorge en supplice me fixe du regard Le vide m’essouffle

Je chante fort Le silence hurle dans mon corps Mes cordes vocales sont muettes ni tambour ni trompette Ici le monde dort De partout Des échos Des rébellions Des ras-le-bol Pour la survie Pour la suite du monde Haiti Irak Liban Roumanie Catalogne France Égypte

Des feux sont allumés Dans les yeux les flammes brillent Brillent comme les rêves brisés Brillent contre les promesses déchirées Des feux sont allumés des torches citoyennes


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tendent la main éclairent le chemin

de liberté ne durent pas

Ici le monde dort

Saisissons-les Capturons-les Délions les maillons Alignons-les autrement Formons Déformons Informons Que des cercles pleuvent Des cercles concentriques Des gouttes Dans des vases clos Sur des plafonds de verre Qu’ils éclatent Que l’on fasse un vitrail des morceaux

Serbie Chili Algérie Hong Kong Soudan Équateur

ceci est un plaidoyer pour l’arrêt des processus automatiques ceci est un plaidoyer pour refuser le monde ceci est un plaidoyer contre ce qui vient contre la suite du monde miracle ! j’invoque les miracles ! que l’on interrompe les événements qui s’enchaînent nous enchaînent comme si le monde était fini que l’on interrompe les automatismes que l’on crée des liens, du beau que l’on tisse des toiles que l’on peigne des chants que l’on se trompe tant que l’on interrompe le monde

Hannah Arendt écrivait les périodes de liberté ont toujours été relativement courtes dans l’histoire du genre humain les périodes

Les chances que demain soit comme hier sont toujours les plus fortes Les périodes de liberté ne durent pas

De partout Des échos Des rébellions Des flammes pour remplir le vide pour insuffler la vie

Tout s’arrête Quand le monde dort Mais si l’on rêve Si l’on crée Le monde n’est pas mort ¶



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dive

ak helmer

I am staring over the edge of a cliff overlooking the ocean ready to dive and you are standing ten metres back telling me how much you would love to be in that water with me. I can feel the sea spray on my face twisting my hair into wild salty spirals, and hear the gulls swirling below, calling me downward. You tell me how you have felt this water before and how it was always too cold for you, but we both watched the sun come back months ago and by the way the waves keep swallowing streams of sunlight as they touch its forever-changing face, it looks so warm to me. I cannot understand why you are still so far inland when I am standing here and I can see how beautiful it is looking out at this vast ocean in front of me. The air here is electric and inviting. I cannot let myself fall with you standing all the way over there but the ground is weak on the edge and if I am not careful I will be alone at the bottom very soon. You say you would love to swim, but are too afraid of heights, of the wide expanse that stretches out between the edge of the rocks and the surface of the water, while I for one have always found the most terrifying things I have done have each time proven to be the most divinely important. I am afraid of heights too, but -foolish as I amwilling to jump to swim with you. You warn me of sea monsters you have encountered before, or have just heard a great deal about, but all I can imagine are the infinite and unfathomable forms of life that await us just below the surface. In the end, if you are not with me on this cliffside then it is up to me to turn away or to dive in alone. Standing ten metres back, you tell me how much you want us both to be out there already, while as I turn my head I can see your feet sinking further and further into the ground. Âś

< alice trixide


18

pas d’tes affaires

sublime

les charognards

charlotte raoutenfeld

La plus grande solitude au monde C’est moi qui l’habite Elle m’abrille Douillette en patchwork mal fait Qui m’expose Nue À la merci Des grands vents de décembre Et de ma cuisine déserte Et moi je cours vers le Saint Laurent Pour essayer de m’y jeter Mon enveloppe boursouflée d’engelures Qui se cogne à l’ère glacière L’air glacé d’hier Que j’ai parcouru L’air de rien Entre amnésie Et désespoir Je tire la couette-solitude sur mon corps Le party est pogné au deuxième Ça bardasse sur ma tête


19

J’entends des pieds se chevaucher Des voix s’entremêler J’entends les yeux se rencontrer Je goûte leur désir d’être aimé Je vomis dans ma bouche Grève de douleur Grève de compassion Je deviens engourdie Et pour la première fois Depuis des lustres Je dors D’un sommeil stérile À une heure de l’après midi Je m’y mets Je m’exécute J’exécute Je les exécute J’appelle les monstres Pervers narcissiques De nos vies De nos familles Et je les chasse À coup de flèches De poignard De lasso Course meurtrière Au travers de la forêt D’ombres et de bouleaux

Leur charogne je la prends sur mon dos Une fois la sale besogne accomplie Je la prends sur mon dos Et comme Elles m’ont appris J’écorche la pourriture Je dépèce la carcasse J’arrache le cartilage Yeux de sang Mains de bourreau Bouche avide La forêt me berce Et verse sur moi Son liquide sacré-sublime Elle me lave Coule sur ma poitrine L’essence qui me quitte Plus rien ni personne ne m’habite Je suis seule Seule avec moi Seule moi-sublime Sais vous reconnaître Bande de charognes ! ¶


20

pas d’tes affaires

sublime


21

i thought que j’avais envoyé this too late, mais OK, it’s here maintenant david noël

I am loved I feel like shit but I am told that I am loved I don’t feel attractive but I am told that I am beautiful I want to believe it I really do and I say thank you and smile yet deep down inside I’m-I’m-I’m not and I tell others they are beautiful and I really do mean it and when I tell them “ I love you ” I always do mean it But I don’t know if I actually love myself

which seems to crack your door open toi, tu dors encore et je te regarde respirer stillness floods the room dans tes draps froissés mes orteils frétillent and I suddenly want you in ways more than one

I can’t stop thinking about him

bientôt tes lèvres (sur les miennes) bientôt une jupe rouge bientôt ta trahison bientôt une année passe and I’m left with knowing that I don’t know what ready means but that I kind of do want someone new quelqu’un to corrupt me completely to be my everything

petit homme petit enfoiré de petit homme d’amour qui n’existe plus

tu ne fais plus partie de moi tu ne comptes plus mais mon corps marqué has a memory and I can’t stop myself from going back to the sun

< mathilde donnard

réveille-toi j’ai soif d’être vu par toi de te retrouver délivre-moi de mon apnée protectrice

for now. ¶


22

pas d’tes affaires

margot lacoste >

sublime


23


pas d’tes affaires

roulette russe russe 24

sublime

sarah cavalli pernod

C’est la beauté que je désire écrire, c’est la beauté qu’on nous demande. C’est le sublime que tout le monde cherche. Et pourtant. Ce matin il se lève, et comme à son habitude Mr Monde passe de l’eau sur son visage, pure. À l’approche des dix heures, Mr Monde prend son café et regarde les nouvelles sur son iPhone. C’est pas très drôle ce matin, c’est pas très neuf, alors Mr Monde joue à Tetris, pour évacuer ce flow. Mr Monde range son bureau, fume une dernière cigarette, en cachette bien-sûr, Dépose la cendre dans le cendrier au coin de sa fenêtre — personne n’est dupe — et Mr Monde accueille son premier client. Premier client entre, respire, mal à l’aise et se confie à son docteur, Mr Monde. Discussions, auscultation, échanges, Premier client est rassuré il peut rentrer chez lui en paix pour sa journée. Mr Monde allume une autre cigarette, ouvre son iPhone, puis accueille Deuxième client.

Matinée chargée pour un médecin de campagne, matinée bousculée pour cet homme seul. Ouvrir sa porte, « Bonjour » enfants, dépressifs, personnes fragiles, malades, virus, clients réguliers. Ordonnances sur ordonnances. Abondance de petites pilules prescrites et represcrites, ensemble pour un futur sans peur. Ordonnances sur ordonnances. Signatures sur signatures, 20h passées, Mr Monde fait un dernier sourire à Mademoiselle la secrétaire. Il entre dans son Audi A4 noir, roule, il roule trop vite d’ailleurs Mr Monde. Mais ce n’est pas grave , on a tous confiance en lui, Mr Monde, il gère sa carrière.


25

Bip, il ouvre le portail, bip bip, il ouvre la porte de sa maison, bip bip bip, personne. Mr Monde vit seul, dans un appartement art déco, bien trop grand, bien trop vide. Photos d’enfants, souvenirs d’un mariage heureux, Mr Monde se sert un gin. Et déjà la nuit. « À quand le jour ? Et pour quoi faire le jour ? Pour recommencer un lundi ? » Un gin, deux gins, trois gins, quatre gins, Mr Monde est enfin prêt à dormir, « Le canapé c’est mieux, C’est moins froid qu’un lit seul ».

Mais cette nuit là, Mr monde ne dort pas. Il a donné toutes ses petites pilules, il ne lui en reste plus pour passer sa nuit, à lui, sans sueur. Et sa fille, et ses fils, et son ex femme, bien-sûr ne lui répondent pas. Mr Monde est un père pas correct, pas comme on voudrait. Alors Mr Monde pleure aussi, et panique aussi, et pète une coche aussi, et cette nuit -là, parce que seul le gin lui sourit, il termine la bouteille. Et cette nuit-là, pris de fureur, il trouve des petites gélules, mais pas les bonnes, trop fortes ces gélules-là. Et dans la vapeur de l’alcool, dans le brouillard de la nuit, dans la folie des petites gélules, Mr Monde se perd. Mr Monde explose, Mr monde sort dehors, ouvre son garage, Mr Monde cherche le fusil des Week-ends Pères Fils. Allez on s’amuse, Mr Monde charge une balle, deux balles, trois balles, et dans un souvenir d’enfant amusé, Roulette Russe. Mr Monde n’ira pas travailler demain pour la première fois de sa carrière. ¶


26

pas d’tes affaires

sublime

constat 2019 flavie

Je n’aurais jamais cru voir

Les grands éboulements Le ciel calme en novembre La détresse agrippée par les cornes raides Une tempête de neige qui passe Calme comme des manifestants

Des avions sauvages trancher le ciel apocalypse Une falaise placide Jamais cru entendre Le rire fou des mes idées enterrées La métropole de mes angoisses expirer Mon rire se perdre dans une vallée d’or La houle est libre en novembre Brulante comme la couronne solaire ¶

flavie >


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28

pas d’tes affaires

sublime

four poems

patrick forrest jeffrey

I.

Virtually all the steel used to make Geiger counters comes from warships sunk before the nuclear tests in the 1940s. This is because in the wake of all these explosions, the air has been contaminated with nucleotides, which makes « low background steel » impossible to make. We had to choose carefully from my friend’s baby pictures when making a birthday card because some were taken after his father’s death, and he does not consider those years childhood.

II.

Consider the feeling you get when you learn your friend has a Very Big Dick But you don’t know what you should do with this information. Should you treat him differently ? Should you revere him ? Finally somebody with authority ! He is a few years younger than you though. That doesn’t seem right. And now you’re sitting in a room. Just you, your friend, and your friend’s Very Big Dick. And now you’re at the movies. Just you, your friend, and your friend’s Very Big Dick. You are confused by the V.B.D. You are confused that it means anything at all. And you’re angry at your confusion that your friend’s V.B.D. means anything at all. In your mind you stand in a courtyard arguing with yourself about whether or not it should mean anything at all and a third party comes over and says you’re arguing over semantics. As if semantics isn’t the most important thing in the world. As if sifting through data in an infinite puddle of the stuff isn’t the human project. A project we now spit on with that bitter cud ‘ semantics ’. And all the while you’re baffled and disappointed that your friend’s Very Big Dick has somehow « changed the friendship » when not even the death of your friend’s dad « changed the friendship ».


29

III.

I want to say I wished I wished to shoo you, perched on my arm like a bird but I (like the man in North by Northwest who gets on the unexplained cornfield bus when he says to Carey Grant on the bottommost step) « Can’t say it’s true cuz it ain’t true ».

IV.

A little bump and up and can’t we go later I gather the room And goose down on her shoulder and no birdlike children’s entertainer too watchful always on time. And when she goes a little splinter in my eyelid to watch smooth creases even out, seeing frost gather light craft dynamic in the cold pull of morning. I wish I could But I can’t. Tug a little lime out the crack Juiced orange her feather soft skips across the door like surfaces like quiet. Face me no anodyne don’t spare me mop up me make a fold of me My crest of paper. She creates comet spoofs in sleep And she so weary Keeps me up at night to hold off And now the morning What buries its light in shapeless spaces makes a sound like A rest. ¶


30

pas d’tes affaires

sublime

lettre d’amour au karaoké aurélie fortin

Quand j’étais enfant c’était dans mon salon. Karaoké Jukebox trois-quatre DVD qui garantissaient le party des DVD lourds de promesses que mon père sortait dans les réunions de famille quand le small talk s’essoufflait. Agadou-dou-dou qu’est-ce qu’on a fait des tuyaux donnez-moi de l’oxygène je m’appelle Jean on s’est aimés comme on se quitte une sélection certes limitée mais visiblement conçue par des experts des vers d’oreille. Bordée au deuxième j’entendais les passions se déchaîner et je soupirais qu’est-ce que ça me semble exaltant d’être une adulte. Ma première performance publique huit ans fête de ma grand-mère c’est le début d’un temps nouveau c’est le début d’une nouvelle passion. Les femmes font l’amour librement Les hommes ne travaillent presque plus Le bonheur est la seule vertu que je claironne. Les mononcles matantes m’applaudissent Ielles ont créé un monstre. C’est à 17 ans que je me permis pour la première fois de pénétrer dans l’antre tamisée du karaoké alcoolisé. Indispensable pour certain.e.s la bière n’est qu’un peu d’huile sur ma flamme déjà ardente. Audacieuse et festive je tente Mariah Carey all I want for christmas is to turn 18 and come here every Saturday. Je crie la bonne note à ceux et celles de qui l’oreille fait défaut on me tend le micro je suis une bouée dans la mer houleuse. Je bats la mesure sur ton épaule ce n’est pas une critique c’est de la bienveillance ton succès m’importe.


31

La bande surligne les mots comme un phare fluo la bande éclaire la suite la bande donne la poussée nécessaire pour se rendre en bout de course sans trop d’accrocs. Tour au micro heure de gloire toustes y passent toustes ressentent le frisson de la performance c’est tu ça démocratiser l’art ? Une orchestration épurée qui laisse toute la place au cri animal d’un bar au complet qui se reconnaît. Aujourd’hui j’ai 22 ans et je ne sais pas si c’est la pénombre ou la foule compacte ou la familiarité des chansons choisies par les participant.e.s malgré la myriade disponible dans le cartable plastifié ou le goût aqueux de la grosse Tremblay, mais… Musical Break, 12 measures Au karaoké le temps s’arrête Tout est possible plus d’inhibition nous sommes toustes également ridicules nous avons toustes choisi de passer ici notre vendredi en sachant pertinemment qu’on ne s’entendrait pas parler derrière la fille qui fausse Provocante. Nous choisissons nos mots et ce sont ceux qui comptent. Ce soir tout se peut et on entendra Total Eclipse of the Heart et on se regardera comme si c’était un signe alors qu’il y a toujours quelqu’un.e qui essaie de chanter Total Eclipse of the Heart. Et demain j’aurai la nausée-sourire Ce n’était qu’un rêve, mais un bon Turn around, bright eyes. ¶



33

king kong

isi-bhakomen

An Ape in Heels “ It will be refreshing to have a classy beautiful, dignified first lady in the white house. I’m tired of seeing an ape in heels. ” Well I’m tired I’m tired of listenin‘ to bullshit. My presence bothers you. The colour of my skin, the striking features on my face, the blackness of my hair makes you uncomfortable. So you refer to me as ape ? You try to turn my beauty into ugly ? Honey You are mistaken because I am not an ape I AM KING KONG !!!

I am the monstrous creature rumoured to be dwelling on Skull Island. I kill everything that comes within my path. Your venomous words have no effect on me. It is the definition of white noise. The poison of white privilege. Don’t be coming at me with your pettiness, ignorance, bigotry, stupidity, racism. I AM KING KONG !!!

< maryanna chan


34

pas d’tes affaires

sublime

They chained and shackled me. They moved my body across waters So that you could marvel at my greatness They tried to define me as a freak show. Put me on display as your entertainment. But I will not be the epitome of colonial exploitation. For some reason you think that you’re better than me! Yet, the only way that you can stop me is by shooting me down from the Empire State building. Because Honey when you go low, I go high. I climb so high that you can’t even touch me. I AM KING KONG !!!

Go ahead shoot me, but remember that the thud of my fall will echo for eternity. You may think that I am not classy, beautiful and dignified. But you cannot dispute that I am the definition of strength, power, intelligence, resilience, determination, perseverance — Because the odds were against me and I broke through. I chose to live in a white house that was built by black slaves because I believe in progression. I have faith that glass ceilings will be broken. But most of all I know that people like you are insignificant. Your insecurities make you small so you try pull others down so that you can feel better about your pitiful self. Do I sound mean ? Am I being rude ? I don’t care because I AM KING KONG !!!


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I will run through New York City, with my fists held high, I will pound on my chest with pride and you won’t shoot me down. Your fingers won’t pull on that trigger. Because deep down I know that you idolize me. You love everything about me. You tried to turn my beauty into ugly ? You elected a man that is the biology of misogyny. Donald Trump ain’t worth glorifying. Honey You played yo self So as you hand in your letter of resignation I hope that you understand that the consequences were justified. Honey Next time think twice before coming after an ape in heels. ¶


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pas d’tes affaires

sublime

des cris de ralliement et des prétentions hugo fréjabise

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marion bajot


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de la précipitation, de l’esprit de contradiction, de l’espoir en ce qui va et de la détermination et de la persévérance, et de l’obstination à toujours trouver une manière de se défendre. Il en faut de l’esprit de contradiction pour trouver que ça ne va pas comme ça. Il en faut de la tête baissée et de la tête dans les nuages. Des réactions épidermiques. Des injonctions prophétiques. Des accumulations à trouver le beau même si ce n’est pas le laid qui manque. Il en faut de la désinvolture pour pousser les portes qui ne s’ouvrent qu’avec un coup à risquer la fracture ouverte. Il en faut des tactiques, des stratagèmes, des innovations intelligentes à défier les lois de la physique classique. Il en faut de l’attentat. Verbal. Crier sous les toits malgré les risques de retour de bâton par certaines administrations qui s’occupent des petites affaires bien réglées. De l’attentat à la gueule des messieurs et des mesdames qui s’en sortent mieux sans se poser la question des réponses que nous essayons de porter. De l’attentat dans le cercle absurde d’un jour plutôt qu’un autre – quand parfois c’est juste y aller qu’il faut, sans chercher l’heure exacte, le lieu idéal et la raison absolue de faire plutôt que rien. IL EN FAUT DU COURAGE,

quelque chose quelque part qui fasse sens comme disent les Anglos. Même si nous ne nous souvenons pas toujours – la mémoire est dans le corps, dans le geste posé. Il doit bien y avoir une explication à la marche que l’on croit sans destination simplement parce qu’elle n’a pas annoncé son projet. Il doit bien se trouver des traces, hiéroglyphiques ou cunéiformes, ou même sans chercher aussi loin, qui puissent rendre compte de toute cette obstination à raconter. Et s’il n’y a pas encore de traces, nous essaierons de les mettre en place. Il faut inventer pour trouver à découvrir, et etc. IL DOIT BIEN EXISTER

quelqu’un quelqu’une pour écouter. Ne pas s’inquiéter des bancs vacants. Simplement tout le monde n’a pas toujours le temps pour tendre l’oreille. Le temps, ça se prend. Le temps, ça se provoque. Et les oreilles, ça se chatouille – avec des sons inattendus inentendus. À nous de jouer pour rassembler. Il y aura toujours une possibilité pour se rassembler. IL Y AURA TOUJOURS

nous prendre pour superficiels, nous avons donné de mauvais indices. Va falloir repeupler les bancs publics laissés vacants par manque d’oreilles curieuses. Et il va falloir se donner des occasions. Et des raisons. Et des légitimités. Et des cris de ralliement. Et des tapes d’encouragement. Et des prétentions à la réalité. Et des prétentions à l’utilité au monde. Et des prétentions à la nécessité. Se dire : nous sommes nécessaires. Se répéter : nous sommes nécessaires. Se répéter : nous sommes nécessaires. À quoi ? À qui ? Pourquoi ? Laissons-nous le temps de chercher. Tant que nous ne vendrons pas des tuyaux pour machine à laver, il ne faudra pas s’inquiéter du public cible. Laissons le bénéfice du doute. La chance du désespoir. Du coin de l’œil, guetter notre prochain témoin, notre prochaine camarade de rue, prête au petit banc public, à la petite interruption, au moindre détournement. ¶ À FORCE DE


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pas d’tes affaires

sublime


fraud

ryan wilcox

I’ve lost the identity I was given. I haven’t earned it Because it was never said the same as it was given. A common occurrence of misinformed identity. Of imposter syndrome. But if what is heard isn’t my given identity, Then I’ve never owned it. It’s never been mine. I’ve grown tired of attempts to be what never was. Instead I will make small changes. Soon I’ll own an identity. ¶

< joanna gourdin


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pas d’tes affaires

sublime

feast

anna moreale

ACT 1

What you see of me is only an accessory i picked out this morning because it matched my socks my metals never mix, unless i’m feeling reckless, and my mood determines the costume’s hue i do it all for you like a chameleon i shift my shape and pour my outsides in moulds i made myself you see, i come from a species much more mature than humans a species who cracked the code spilling over into labels we were never allowed viscous our bones are made of liquid too fluid we slip between fingers yet the taste of me still lingers a feast for the eyes

ACT 2

When the show is over when i reach home crawl into the nest of knick knacks my bed of body hair next to a shelf of pickled personas, each jar labelled by day of week, i unfix the weights from my ears unbutton my waist unlace each eyelash from its place i shed and hang my skin to dry


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ACT 3

It is then and only then that i can rest my limbs : weightless with no one to witness i bathe in the moonlight raw and recharging a clean palette a ball of clay a yard of cheesecloth the bounds of my body see through an appearance not meant for you to digest or claim it is here that i end it is here that i start knowing when i return my sanctuary will be the same. œ


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marianne lonergan p.


Projet rendu possible grâce au soutien financier de l’Association étudiante de l’École Nationale de Théâtre du Canada ainsi que de l’École Nationale de Théâtre du Canada. This project was made possible thanks to the financial support of the Student Association of the National Theatre School of Canada and the National Theatre School of Canada.



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