BAKCHICH HEBDO N°35

Page 1

Numéro spécial, 32 pages

bakchich

3€

L 13723 - 35 - F: 3,00 

N° 35 | du sameDI 31 juillet au vendredi 3 sept 2010 | informations, enquêtes et mauvais esprit


Baignade interdite

2

Bakchich Hebdo N째35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


Bienvenue dans le bar à tapas un grain de sable dans la routine

L

’appel du large et du grand air. Quand grimpe la température, les vêtements se font plus légers, les peaux se mettent à dorer et les sourires sont bien moins forcés. Si la misère semble moins pénible au soleil, les vacances se savourent surtout sur les côtes, au bord de la mer. Alors, Bakchich a choisi de se glisser dans les bagages de ses fidèles abonnés, chers lecteurs ou futurs fans. En remplissant jusqu’à ras bord son sac hebdomadaire de 16 pages, pour le transformer en numéro spécial de 32 pages, tout entier consacré aux histoires côtières, petites et grandes. En prenant le chemin des douaniers (lire page 15), en se faufilant entre les dunes pour découvrir les repères des tout-nus, « à-poilistes » ou tout simplement nudistes (lire page 23). La nuance est de taille, attention ! Mais l’essence du journalisme n’est-elle pas de mettre l’actualité à nue ?

doigts de pieds en éventail

ô surprise ! La côte, d’Azur, bleue ou marseillaise, n’est pas seule à s’en tirer comme une Manche. SaintTrop’ s’enfonce toujours plus dans le pèze (lire page 16). La Camargue, dans la mer (lire page 6). Nice, sous les affaires du Milieu (lire page 17). Mais là-haut, tout au nord du pays, une lumière irradie. Pas celle d’un phare (lire page 20). Celle des usines. Le Pas-de-Calais brûle de ses sites classés Seveso (lire page 7). Une poudrière. Un peu plus loin, La Hague et sa décharge nucléaire – site de traitement des déchets, dit-on quand on est poli (lire page 12). Puis, la Bretagne, à l’abri du soleil. Mais pas des cochons (lire page 5) ou des Parisiens, déjà nostalgiques de Paris plages (lire pages 24-25). Bref, sous la plage, Bakchich a retrouvé des pavés d’affaires, des puzzles de scandales, à reconstituer les doigts de pieds en éventail. La relève de ce numéro spécial arrivera le 4 septembre en kiosque. Mais n’oubliant ni ses devoirs de vacances, ni ses internautes, ni ses personnages préférés de l’actualité, la rédaction va continuer, pendant le mois d’août, de distiller informations, enquêtes et mauvais esprit sur le Web. Bettencourt, Woerth, Sarkozy et leurs amis, rendez-vous sur Bakchich.info ✹ xavier monnier

de bakchich

L

a beauté d’un pays peut disparaître sans prévenir. Si incroyable que cela paraisse, les côtes de France étaient encore une merveille voilà seulement un siècle. Et même dans l’immédiat après-guerre : il y a donc des survivants capables de parler de ce qui fut. La Bretagne était nue, c’est-à-dire pleine de sortilèges, de naufrages et de tempêtes. Arcachon n’avait pas encore été inventée. Bidart, sur la côte basque, était un minuscule port de pêche. Collioure, dans les Pyrénées-Orientales, se partageait entre vignes et anchois. Et puis il y avait la Côte d’Azur, qui n’était pas encore ce pays de requins et d’assassins qu’elle allait devenir. Les plages privées n’existaient pas ; le marché aux poissons de Saint-Tropez n’attirait pas encore Barclay, Hallyday et le bling-bling du monde entier ; Porquerolles et les Lérins restaient des îles désertes. Mais le mieux est peut-être de se souvenir avec les peintres, plus fidèles qu’aucune mémoire. Connaissez-vous la Baie de Marseille, vue de l’Estaque ? Demandez à Cézanne. La Maison du pêcheur, Varengeville en Seine-Maritime ? Voyez avec Monet. Ou avec Picasso et sa Famille au bord de la mer si vous tenez à savoir comment on se tenait autrefois sur les plages. Ou encore avec Renoir à Salernes, Matisse à Nice, Derain à Banyuls. Ce n’est pas de la nostalgie, c’est de la saudade, c’està-dire le désir intense de ce qui a été perdu.

tourisme de masse

Que s’est-il passé ? Un maelström que Bakchich vous propose de découvrir comme on picore dans un bar à tapas. Il y en a pour tous les goûts, et l’on n’est pas obligé d’aimer tout ce que le patron propose. L’idée générale est simple : le béton et le tourisme de masse ont tué la perspective. Les perspectives. Le béton, c’està-dire les promoteurs et les politiques qui les ont laissés faire. En somme, les traditionnels copains et coquins de l’histoire. Combien d’enveloppes ? Quant au tourisme de masse, il aura rempli les poches des constructeurs de bungalows, de résidences les pieds dans l’eau, de bâtiments aussi nouveaux qu’affreux en front de mer. L’exemple le plus foudroyant de tous : 96 % du littoral des Alpes-Maritimes est urbanisé. Et des petits malins cherchent encore le moyen d’aller plus loin. On peut leur faire confiance.

petites histoires

Nous avons envoyé nos reporters chercher quantité d’histoires de rapines, de tueries, de naufrages, de sauvetages, de destructions, de cul – il fallait bien –, de dauphins et de fous de Bassan. Mais nous ne savons toujours pas pourquoi cet attrait pour les plages. Laissons la parole à Jean-Jacques Bavoux* : « On reste médusé devant le paradoxe de ces millions de touristes qui fuient leur ville parce qu’elle est surpeuplée, bruyante, polluée et qui viennent chercher dans telle ou telle station leurs deux semaines parfois

au moins aussi surpeuplées, embouteillées, bruyantes et polluées, la seule différence étant qu’il faut payer – et généralement fort cher – pour ce privilège. » En attendant que ça s’arrange, il nous reste la possibilité de rire et de pleurer, d’apprendre et d’oublier, de rugir et de s’indigner, et, bien sûr, de lire Bakchich sur la plage ✹ fabrice nicolino * Les Littoraux français (éd. Armand Colin, 1997)

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

3


special cotes Saint-Brieuc, paradis des cochons. Les élevages de porcs ont provoqué la prolifération des algues vertes, toxiques et envahissantes. Lutter ? Le lobby des éleveurs veille au grain.

cogema p. 12 seveso p. 16 jungle p. 16 baignade interdite p. 12 sous-marins p. 13 juin 36 p. 12

À La Hague, l’usine de retraitement des déchets nucléaires fait vivre du monde mais n’est pas un atout pour le tourisme. Encore moins pour la protection de la nature.

Dunkerque n’est guère mieux lotie, avec une douzaine de sites classés Seveso, autrement dit tout ce qu’il y a de plus toxique.

tatihou p. 26 sainte-adresse p. 13 phares p. 20

paris plages p. 24-25

La capitale se la joue station balnéaire. Des tonnes de sable déplacé pour un bonheur éphémère.

baie des cochons p. 5

jobs d’été p. 12

wakesurf p. 27

xynthia p. 28

Le lac d’Annecy subit les surfeurs d’un nouveau genre. Fun.

conservatoire p. 15 Heureusement que le Conservatoire du littoral existe pour protéger les 5 500 kilomètres de côtes françaises. Ouf  !

paddleboard p. 10-11

estuaire p. 5 Label bidon, le pavillon bleu s’attache à tout noter… sauf la qualité de l’eau.

crs p. 22 pavillon bleu p. 20 hélicos p. 16 yachts p. 28 montée des eaux p. 6 saint-trop-de-pèze p. 16 thon p. 26 fort p. 5 tout-nus p. 23 arsenal p. 22 fous p. 9

surfrider p. 21 immobilier p. 7

permis de construire p. 12

Au Pays basque, les autochtones ont de plus en plus de mal à se loger à cause de la flambée des prix et du nombre croissant de résidences secondaires. La spéculation rend la situation explosive.

4

Dans les Pyrénées-Orientales comme ailleurs, les promoteurs s’en donnent à cœur joie pour bétonner le littoral. Peu importe la législation.

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

hospitalité p. 7 et 13 Attention, nucléaire ! Avec tous les navires de guerre qu’elle abrite, la rade de Toulon vit sur une véritable poudrière radioactive.


brégançon

fort des puissants résidence Le fort de Brégançon, dans le Var, est le lieu de villégiature estivale des présidents de la République. Chacun a utilisé l’endroit à sa guise.

Archipel

O

ubliez ce que vous croyez savoir. À quelques milles marins de Brest, l’archipel de Molène compte neuf îles et îlots principaux, dont certains sont exempts d’hommes. Mais les animaux sont partout. À terre, des oiseaux de légende, comme les sternes ou les puffins, mais aussi des loutres venues du continent, qui traversent le chenal du Four avant de se perdre sur les plages de Litiri, Quémenes ou Trielen. En mer, le spectacle le plus incroyable est celui des forêts de laminaires. Au milieu de ces algues verticales, le plongeur peut se perdre aussi facilement que dans la forêt enchantée de Brocéliande. À chaque pas, des poissons, des oursins, des ophiures, des crustacés. Surtout, surtout ne pas oublier les phoques gris, dont la présence est attestée depuis le XVIIIe siècle. Il y en aurait environ 45 autour de Molène, dont la plupart se prélassent des heures au soleil, sur le sable ou les rochers. Quand il y a du soleil. Quand il pleut, il ne reste plus qu’à chevaucher l’un des 50 grands dauphins qui circulent dans l’archipel. Difficile, mais pas impossible. On se demande bien pourquoi Molène a obtenu, dès 1988, le prestigieux label « Man and Biosphere » de l’Unesco ✹

C

’est ainsi que l’on surnomme la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), toute dédiée à l’élevage porcin. Lequel est directement responsable, via ses rejets nitriques, de l’apparition, dès les premières chaleurs, d’une glutineuse marée d’algues vertes dans toute la baie. Puantes, laides, ces ulves sont, on le sait maintenant, également meurtrières. Un chien, un cheval et un homme ne se sont pas remis, l’an dernier, d’avoir respiré l’hydrogène sulfuré qui se dégage de ces algues en putréfaction.

lobby des éleveurs

D

isparaissez, manants ! Ce fort vous rendez compte : ils se retrouvaient n’est point fait pour vous. face au président de la République et au Résidence des présidents Premier ministre, et à leurs épouses en de la République française, robes longues. Lui était venu en polo et elle, en petite jupette. » posé sur un piton rocheux à quelques brasses du cap Bénat, sur la commune Avec François Mitterrand, dès 1981, varoise de Bormes-les-Mimosas, le fort Brégançon est déserté car Tonton lui de Brégançon a diversement été utilisé préfère les Landes. Il fera une exception par Nos Excellences. le 1er janvier 1987, en recevant, à l’entrée Charles De Gaulle y dort un soir de 1964 du fort, une délégation de grévistes de et promet de ne jamais revenir. Le couple la SNCF. Sur fond de cohabitation avec Pompidou s’y plaît et Chirac, redevenu chef Madame fait installer d e g o u ve r n e m e n t , L’épouse de Giscard – c’est une révolution pour bien montrer son a fait sauter la roche pour – des meubles en Plexidésaccord avec la poliglas. Valéry Giscard tique menée. installer une terrasse. d’Estaing, élu en 1974, Chichi, qui piaf fe y séjourne à de nomdepuis si longtemps, breuses reprises, parfois en solitaire. arrive enfin à l’Élysée en 1995. Pour lui, Sa noble épouse, Anne-Aymone, fait Brégançon, c’est le pied ! Et même le cul. dynamiter la roche pour y installer une Le 4 juillet 2001, des paparazzi planqués terrasse avec transats. Le 6 juin 1976, dans les rochers réussissent à mitrailler Giscard invite Jacques Chirac, qui est le Président alors qu’il regarde au loin alors son Premier ministre, pour un le yacht des frères Schumacher, héros repas « à la bonne franquette ». Jaquot de la Formule 1. Menu problème : il est ne le lui pardonnera jamais, car Gisà poil. Complètement à poil. Les photos card, qui a aussi invité son moniteur ne seront jamais publiées. de tennis et sa femme, le traite comme Reste notre bon ami à tous, Nicolas un larbin. Jacques Chirac dira plus Sarkozy soi-même. Une vilaine rumeur tard : « C’était inadmissible ! Les deux prétend qu’il préférerait le Cap-Nègre. Horreur ! ✹ malheureux étaient terrorisés. Vous

La prise de conscience a donc commencé. Enfin, presque. Le député UMP Marc Le Fur, élu des Côtes-d’Armor, membre du Club des amis du cochon à l’Assemblée nationale, qui se bat chaque jour que Dieu fait pour que vive la Bretagne, a déposé, au début de l’été, un amendement à la loi de modernisation agricole relevant le seuil d’ouverture d’une porcherie de 400 à 2 000 têtes. Sans étude d’impact sur l’environnement. En janvier 2007, Le Fur donnait un entretien de haute tenue au magazine, hélas méconnu, Porc magazine. « Les producteurs de porcs sont de véritables chevaux de course entravés dans leur envie d’entreprendre et leur volonté d’être compétitifs. » Son amendement, dévastateur pour les littoraux, a été adopté. Il faut dire que, dans le coin, il n’est pas bon de se mettre à dos le lobby des éleveurs de porcs.

Les carnets de Jacques Ga

illard

Sur les menus de vacances, le canard fait un malheur. Quel que soit l’endroit, et même à cinq kilomètre s de il trône sur le menu « régio la mer, nal titre que la friture du golfe, », au même comme si le Gers avait envahi la France . Il faut dire que cette viande fait sens : elle sen (il y a beau temps que le pou t la ferme plus la basse-cour), la ma let n’évoque re de fumier, le r roulé des pay à côté du tas sans occitans, la philosophie gastronom ique du gras, le french paradoxe. Plus sop la dinde, désormais si ban histiquée que ale petits salaires qui sévit à la , viande pour cantine et marine dans une sauce bla nche en plat du jour chez Nénesse, sous le nom de « fricassée de volaille ». Plu s elle fait saliver les urbains, rustique, au même titre que le « jambon de pays » ser épaisses et la « terrine ma vi en tranches ison » posée sur la nappe à carreaux. Car, dan il y a un ancêtre paysan qui s tout urbain, sommeille, et la campagne est à la mo de, puisque le bonheur est dans le pré . En fait, le magret de canard C’est vers 1960 qu’on envisa n’a que 50 ans. ou de le poêler – auparavangea de le griller en confit dans de la graisse t, on mettait les restes de la bête sacrifiée pour son pré cieux foie. Et c’était une nourriture de pauvres, qui rêvaient de gros steaks sai gnants. Viande de récupération, d’accord, mais goûteuse (le gras, c’est le goût !), et se prêtant à une foule de recettes. Pou r sa rusticité, le simple gril ave souligner en croisillons et des patate c des marques s pour l’ennoblir, des flots de au gras ; miel, des figues ou une farce au foie gras ; pour l’« exotiser », des ananas, des baies bizarr cantonais et une sauce à la es ou du riz menthe… De nos jours, avec la cuisse confite et le cou farci, tout est bon dans le canard. De toute façon, au menu populaire du resto des Flots bleus, en plats de viande, on vous sert essentiellement de la vache laitière et du gigot australien (seule sont peut-être de Provence) s les herbes . franchouillard, c’est comme Le magret le monde nous l’envie ✹ le Roquefort : vait, en juillet dernier, via la poste, un sympathique avis de décès le concernant. Quelques semaines plus tard, son jardin était recouvert, en pleine nuit, de meules de foin. Auparavant, il avait dû essuyer un amas de purin devant sa porte. De vraies têtes de cochons, ces éleveurs ✹

avis de décès

Ainsi, le porte-parole de l’association Halte aux marées vertes, André Ollivro, coupable de s’être trop agité dans les médias sur la question, rece-

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

5


Les eaux troubles de Cousteau face cachée Certes, le commandant Cousteau a initié des générations au monde sous-marin. Certes, il a été l’un des grands défenseurs de la planète. Mais pas seulement. Au-delà de l’icône, quelques déroutantes vérités.

L

e bonnet est rouge, forcément rouge. Il y a au moins cachalots. D’accord, c’était une autre époque, mais Cousteau s’en foutait. Autre point désagréable : l’obsession suspecte de deux manières de considérer le commandant Cousteau, qui aurait eu 100 ans en juin 2010. L’exécrable, et ce grand faiseur de gosses – il en a eu au-delà de 80 ans – pour la meilleure. Côté casse-pompon, Jacques-Yves Cousla surpopulation. Surtout celle du Sud. « Une planète idéale, teau en a toujours trop fait. Même après sa mort. Pour le cendéclara-t-il à son biographe, Yves Paccalet, ce serait une Terre où l’humanité se limite de 100 à 500 millions de tenaire de sa naissance, la Fondation Cousteau osait, sur son site, cet invraisemblable surtitre : personnes, mais éduquées et respectueuses de la Le tournage du Monde du « Défenseurs des mers depuis 1943 ». Défenseurs nature. » silence a necessité le flingage Enfin, Cousteau était un dur en affaires, qui avec un s. Et pourquoi 1943 ? Parce qu’à cette date Cousteau présentait, au palais de Chaillot, s’est (gravement) embrouillé, pendant des de poissons à la dynamite. à Paris, son premier film sous-marin, Par dixannées, y compris devant la justice, avec l’un huit mètres de fond. Mais avec la bénédiction de ses fils, Jean-Michel. des nazis et le soutien enthousiaste du torchon fasciste Je suis Mais il serait injuste et ridicule d’oublier le reste. Jacques-Yves partout, où son frère Pierre-Antoine coupait des têtes, juives Cousteau est réellement, progressivement, devenu écologiste, de préférence, à chaque parution. et ses très nombreux documentaires ont initié des générations Cousteau, qui n’était pas, lui, collabo, s’est inventé un itinéentières, à partir des années 60, à la protection des mers. raire d’écologiste pour les besoins de sa promotion. Dans la D’abord grâce à d’impressionnantes trouvailles techniques, réalité, il s’en foutait, et pas qu’un peu. Le chef-d’œuvre que comme le scaphandre autonome ou la soucoupe plongeante Louis Malle a consacré au travail de Cousteau, le Monde du sous-marine. Ensuite grâce à « l’invention » de La Calypso, ce silence (1955), a nécessité le flingage à la dynamite de centaines bateau qui aura sillonné toutes les mers du monde, pour le bonheur de millions de gosses éblouis ✹ de poissons, le harponnage guilleret de requins, la lacération de

camargue

L

a Camargue vit-elle ses dernières années ? Les habitants du delta du Rhône sont les témoins directs des effets du changement climatique. L’eau monte, aucun doute. « Les Saintes-Maries-de-laMer sont au milieu de la zone d’érosion, entre les pointes de Beauduc et de l’Espiguette », explique Éric Coulet, directeur de la réserve naturelle de Camargue. Mais la station balnéaire est protégée par des épis en béton, et les Roms devraient donc pouvoir garder ce lieu de pèlerinage encore longtemps. Ailleurs, rien de sûr, car le renforcement d’un point fragilise d’autres parties du littoral. « On risque de devoir blinder toute la Camargue ! » prévient Éric Coulet.

3 millimètres chaque année. Une étude prévoit une élévation du niveau moyen de la mer, « probablement de l’ordre de 44 centimètres d’ici à 2100 ». Déjà, les remontées de sel chamboulent l’équilibre écologique et économique du delta. La sansouire, ce milieu typique où pousse la salicorne (délicieuse en salade), risque simplement de disparaître. La culture du riz est elle aussi bouleversée par l’avancée de la mer. Le riz meurt à 1 gramme de sel par litre, un taux d’alerte déjà atteint plusieurs fois cette année. La montée des eaux pose un redoutable problème : l’homme doit-il se substituer à la nature et organiser l’équilibre entre l’eau douce et l’eau salée ? Et le peut-il ? ✹

montée des eaux

Certes, l’estuaire du Rhône, comme tous les estuaires, est en perpétuel mouvement. Tantôt la mer gagne sur les terres, tantôt les alluvions charriées par le fleuve font reculer les eaux salées. Ces changements de topographie s’opèrent à l’échelle d’un ou de plusieurs siècles. Mais, cette fois, avec le changement climatique, ajoute Éric, « la vitesse des événements nous dépasse. Elle est surnaturelle. Elle ne correspond pas à la capacité d’évolution des habitats locaux ». Depuis 1900, la mer est montée de 13 à 14 centimètres et elle continue, de

6

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

N

aguère florissant, le marché des camping-cars est désormais dans l’impasse. Envolée du prix des carburants, évolution des comportements… Les amateurs de ces boîtes de conserve à roulettes se font de plus en plus rares. Du coup, pour relancer le business, tous les arguments sont bons. Même les plus déroutants. En 2008, une grande campagne de pub lancée par la Fédération des véhicules de loisirs clame que rouler en camping-car, c’est écolo ! Ah bon ? Quinze litres aux 100 quand un 4x4 en consomme déjà 10, ce serait écologique ? C’est très simple, explique le spot : rouler en camping-car, c’est écolo, parce que le camping-cariste vit au plus près de la nature, trie ses déchets et mange bio. Il fallait oser. D’autant plus que des milliers de ces pustules métalliques défigurent les plus beaux sites du littoral. Combien d’héroïques aventuriers se garant en haut des dunes les plus fragiles ? En 2009, changement de braquet, fini le green-washing. Crise oblige, les professionnels de ces maisons roulantes nous affirment, cette fois, que le camping-car, c’est éco… nomique. Ah bon ? Ben oui, puisqu’on ne dépense pas plus que si on restait calé au fond de son canapé. Élémentaire ! Tant pis, donc, pour la douloureuse de diesel, et tant pis si ces engins coûtent en moyenne 50 000 euros ✹

Coke I

l en faudrait plus. Oui, il faudrait 100 fois plus de cocaïne en circulation, à condition que les saisies soient proportionnelles au trafic. Bakchich est en mesure de révéler qu’à ces conditions le trou de la Sécurité sociale et le déficit des caisses de retraite ne feraient plus partie du débat public. Exemple avec ce voilier repéré par les douanes françaises. Bien que les services concernés refusent de parler, c’est probablement à la suite d’une dénonciation que la surveillance du bateau a commencé. Son skipper s’apprêtait à traverser l’Atlantique quand une vedette des douanes a fondu sur lui, le 1er juin dernier. Dans les eaux internationales, à 40 milles nautiques de la Martinique. À bord, 40 ballots de 30 pains de cocaïne, soit la bagatelle de 1,39 tonne de poudre blanche. C’est la plus grosse saisie de coke de toute l’histoire de France. Cocorico ! Montant estimé du butin : 83 millions d’euros… ✹

Massacre sur la dune Passez votre chemin, ça craint. Soit une nuit d’hiver, froide et venteuse, au bord de la mer du Nord. Sur la plage du Portel, près de Boulogne, c’est tout de même carnaval. On s’amuse, on rigole, on allume un grand feu où l’on jette le « brûlé », c’est-à-dire Monsieur Carnaval. Quatre copines font la fête, masquées, avant de se rendre à Equihen, la plage voisine, où elles dansent jusqu’à l’aube. Ensuite, Peggy, Audrey, Isabelle et Amélie – elles ont entre 17 et 20 ans – décident de rentrer à la maison. En stop. C’est une très mauvaise pioche, car deux barbares sont au même moment sur la route. Deux frères, Jean-Louis et Jean-Michel Jourdain. On ne connaîtra jamais le détail du massacre – car c’en fut un. La seule chose certaine, c’est que, neuf jours après la « disparition » des gamines, Jean-Louis craque et conduit les flics sur la plage de Sainte-Cécile. Elles ont été violées, tuées et enterrées sous la dune. Au procès, Jean-Michel tentera de faire croire qu’elles étaient, en quelque sorte, consentantes : « Pendant le trajet, ça rigolait bien au fond du fourgon. Ensuite, Jean-Louis les a emmenées dans le blockhaus. Moi, je regardais la mer. » Crédible. Les deux frangins, jugés irrécupérables par les experts, ont été condamnés à la prison à vie il y a dix ans ✹

creperie

C

’est un petit coin de paradis niché au bout de la presqu’île de Crozon, dans le Finistère. Du haut de la falaise où est arrimée la crêperie du Veryac’h, la plage dessinée par les caprices des vents bretons s’offre au regard des curieux. La vue sur l’océan est imprenable. Et les crêpes, délicieuses. Installée depuis plusieurs années non loin de la pointe de Pen’hir, sur la commune de Camaret-sur-Mer, la crêperie connaît quelques tumultes ces derniers mois. La mairie a en effet décidé de construire un parking pour vélos en lieu et place de la terrasse attenante à la petite bicoque en bois qui sert de restaurant. Il n’en fallait pas moins pour mettre en péril les cinq emplois saisonniers de la crêperie et provoquer l’ire des amoureux du lieu. Un groupe de soutien a d’ailleurs été créé sur Facebook. Il compte aujourd’hui plus de 1 150 membres. Suffisant pour faire plier la mairie ? ✹


boum Au Pays basque, les locaux ont bien du mal à se loger à cause des prix exorbitants du foncier. Si vous vous baignez à Dunkerque, c’est à vos risques et périls : les usines Seveso sont légion. Enfin, en Corse, les nationalistes font barrage aux « colons » de métropole. Quitte à user de la force.

spéculations explosives

A

u Pays basque, l’hospitalité le réalisateur tournait pour la télévision est la règle. « Tout le monde britannique (BBC) une série documenest bienvenu en Pays basque, taire sur le Pays basque et tombait amouà condition que tout le monde reux de l’endroit. Cinquante ans plus trouve à se loger », déclare tard, il serait bien tristement surpris de Peio Etcheverry-Ainchart, retrouver le petit village de Ciboure, avec élu nationaliste à la mairie de Saint-Jeanla maison de Michèle Alliot-Marie surveillée 24 heures sur 24 par une armada de-Luz et opposant tenace à la ministre Michèle Alliot-Marie, adjointe au maire. policière et un nombre impressionnant de Au Pays basque, entre 1998 et 2008, le volets fermés dix mois dans l’année. prix du foncier a connu une augmentaDès 2001, Peio Ectheverry-Ainchart et son tion sans précédent : + 120 %, soit plus du parti, Abertzaleen Batasuna, ont lancé une doublement des prix. En 2008, le volume campagne contre la politique du « laisserdes transactions a baissé de 30 %, mais le faire » et collé des affiches avec la mention prix des locations et des biens destinés « vide » sur les résidences secondaires. à la vente s’est maintenu. Aujourd’hui, Et l’occupation d’un immeuble munila plupart des jeunes cipal vacant à Bayonne qui ont grandi sur une Dans certaines villes basques, avait marqué les esprits. commune du littoral Depuis, des initiatives la moitié des maisons sont sont condamnés à vivre citoyennes (Herrian Bizi ailleurs, tant l’accès au et Etxaldea) tentent d’endes résidences secondaires. logement est devenu difrayer le phénomène en ficile. achetant des biens afin Une des principales raisons tient à la prode les destiner à la location. fusion des résidences secondaires, conséCôté ministère du Logement, interrogé quence directe du tourisme et d’une dérépar Bakchich sur le cas basque, Benoist gulation du marché de l’habitat. Le Pays Apparu, le secrétaire d’État, a eu le mérite de la clarté, et de l’hyperbole : basque est à la mode, mais, si ce bout de « On pourrait mettre en place des mesures, côte atlantique attire les pipoles comme mais le mur de Berlin est tombé il y a bien Frédéric Beigbeder, Isabelle Huppert ou longtemps. Nous sommes dans un pays de Laurent Ruquier, il est difficile de réduire libertés et l’État ne peut pas intervenir sur ce problème à quelques vacanciers forles prix du foncier. » Pourtant, s’il fallait tunés. En effet, sur la côte, 22 % des habitations sont secondaires. À Biarritz, le convoquer les chars russes pour réguler phénomène atteint 35 %, mais il est à son le marché, il n’est pas dit que ces derniers comble à Saint-Jean-de-Luz, Bidart et ne lui auraient pas confisqué le logement Guéthary, où le taux frôle les 43 %. Orson HLM dont il jouissait, en plein Paris, jusWelles reconnaîtrait-il les lieux ? En 1956, qu’à l’an passé ✹

dunkerque polluée jusqu’à l’os

S

e baigner à Dunkerque ? C’est possible, à condition de ne regarder ni le ciel, ni les alentours. Les plages sont là, mais elles sont bien moins nombreuses que les usines Seveso, dont Dunkerque est farcie. Ce sigle administratif désigne les industries les plus polluantes, qui sont aussi les plus dangereuses : bienvenue au pays du carnaval. D’un côté, on lance des harengs depuis les fenêtres de l’hôtel de ville, les jours de fête. De l’autre, on croise les doigts en espérant que tout ira bien.

du seveso, du nucléaire…

Mieux vaut être prévenu avant de faire trempette dans les eaux dunkerquoises, aucun drapeau n’indique la dangerosité des lieux. En plus d’un paysage bucolique – des cheminées, au loin, crachent des fumées on ne peut plus saines –, le touriste a donc le bonheur de profiter d’une zone particulièrement risquée. Ne craignez pas le retour de Jean Bart, le corsaire local, mais plutôt cette quin-

zaine de sites classés Seveso qui s’étalent sur une bande de 20 kilomètres de long et 3 de large, sur le front de la mer du Nord. Arcelor, Polimeri, BASF Agri Production… que du beau monde ! À quoi il faut ajouter le fleuron local, installé les pieds dans l’eau : la centrale nucléaire de Gravelines. Un vrai paysage de carte postale au dioxyde de soufre et aux poussières, hérité de la Seconde Guerre mondiale, quand Dunkerque avait été presque entièrement détruite par les bombes. À la place, on a « réindustrialisé », en dynamitant, pour commencer, les ruines du passé. Le futur promet. Dernier sujet à la mode : une nouvelle entreprise Seveso pourrait rejoindre la collection locale, après avoir été refusée à Calais. Dunkerque est donc intéressée.

… les habitants fuient !

Autre projet, un terminal méthanier qui fait couler beaucoup d’encre, parce qu’il est prévu dans l’un des derniers

Le FLNC 1976 boute Séguéla hors de Corse

Située au sud de l’île de Beauté, sur la commune de Bonifacio, la plage paradisiaque de Calalonga (eau bleu turquoise, sable doré à perte de vue) bénéficie d’une protection en béton. Avec elle, pas de risque d’y voir surplomber un hôtel à étages ou une villa : le « FLNC 1976 » veille. Autoproclamé branche radicale du fameux FLNC canal historique, ce groupuscule fait son apparition officielle le 5 mai 2008, date du 32e anniversaire du FLNC. Et il s’oppose au projet de construction d’une villa de 570 mètres carrés aux abords de la plage par le très pipole Jacques Séguéla, néanmoins grand amoureux de la Corse. Pas question de laisser « le colon Séguéla » (sic) toucher à ce joyau, a prévenu le Front dans un communiqué directement adressé au publiciste, ou « vous en assumerez les conséquences au niveau de votre sécurité ». Bigre ! Finalement, ce sera l’Association bonifacienne de défense de l’environnement qui aura la peau du patron de la boîte de pub Euro RSCG. Le Conseil d’État, qu’elle avait saisi, lui a donné raison l’année dernière et, horreur, a imposé au couple Séguéla le versement de 2 000 euros au titre du remboursement des frais de justice. Morale de l’histoire : ce n’est pas parce qu’on a eu une Rolex à 50 ans qu’on a le droit d’avoir une villa en Corse à 76… ✹ espaces préservés du dunkerquois (et c’est dur à trouver…) : le site du Clipon, une plage connue pour sa faune, sa flore et son environnement encore relativement préservés. Le montage financier semble bloqué, mais le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, vient d’annoncer que l’idée n’était pas abandonnée. Tant pis pour les promeneurs ou pour les kite-surfeurs du dimanche

qui venaient se délecter de la biodiversité et respirer l’air marin, (un peu) à l’écart des usines. Cette belle qualité de vie des Dunkerquois ne semble pas plaire à tout le monde : entre 1999 et 2006, l’agglomération a perdu 8 000 habitants. Un record dans l’Hexagone : la plupart des autres villes du littoral français sont en plein boom démographique ✹

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

7


L

’explorateur et écrivain Patrice Franceschi, capitaine du trois-mâts La Boudeuse, n’avait jamais vu cela en trentecinq ans de bourlingage. Son expédition scientifique Terre-Océan, missionnée par le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, s’est arrêtée le 1er juin, faute de financements. Non seulement la très officielle lettre de mission ne lui a pas permis de rassembler l’argent nécessaire, mais le ministère, se rétractant sur les 500 000 euros promis, a fait couler l’expédition. « J’avais engagé cet argent parce que le ministère m’avait donné des garanties. Aujourd’hui, je vais perdre mon bateau à cause de la légèreté d’un ministre », s’emporte Franceschi. Il a mis en vente La Boudeuse pour éponger ses dettes. Un appel à souscriptions est sa dernière chance de sauver son bateau (www.sauvonslaboudeuse.org). Au 19 juillet, 70 000 euros de promesses de dons avaient été enregistrées.

sauver la boudeuse

estuaire

C

elui de la Gironde est plein d’îles. Depuis quelques années, on peut parler, là-bas, d’une vraie renaissance culturelle et naturelle. De nouveaux espaces de liberté s’ouvrent pour les citadins de Bordeaux, les habitants des rives et même de plus loin, car des entreprises parisiennes y envoient leurs équipes s’aérer au milieu du fleuve. Coucher de soleil au milieu des roselières, vue panoramique sur l’estuaire du haut du phare de Patiras, cinéma en plein air, contes entre deux eaux sur l’île Nouvelle ou promenade ornithologique guidée… « Un espace qui accueille du public acquiert plus d’attention sur son intérêt écologique et plus d’arguments pour le financement de sa préservation », fait remarquer Jérôme

Hirigoyen, chargé de mission au Conservatoire du littoral. Aussi ce dernier et le conseil général ont-ils prêté l’oreille et le portefeuille quand Philippe Lacourt, un ancien chef d’entreprise en mal d’insularité, leur a proposé de restaurer le phare et de remplacer l’ex-maison du gardien par un « refuge » pour accueillir le public.

îles sur la gironde

Au départ, le Conservatoire avait acquis l’île Nouvelle, la Grande Ile et Patiras pour leur intérêt botanique et pour réhabiliter ces zones humides, étapes de plus d’une centaine d’espèces d’oiseaux migrateurs – un promoteur privé aurait bien transformé la Grande Ile en marina bétonnée. Historiquement, ces trois îles avaient été endiguées au XIXe siècle pour y faire pâturer du bétail et y cultiver la vigne. La douceur du climat préserve les ceps du gel et la possibilité de les inonder les a sauvés des épidémies de phylloxéra. Mais la maïsiculture intensive, qui a dominé plus tard, a rompu l’équilibre écologique et social et entraîné le départ des insulaires, des ouvriers agricoles et de leurs familles, ainsi que de la plupart des oiseaux qui y nichaient.

paradis des oiseaux

Aujourd’hui, les roselières sont de retour et les oiseaux ont la priorité, ce qui oblige à encadrer et à limiter les visites du public. La discrétion est le prix de l’ouverture, mais aussi l’assurance de la tranquillité pour les touristes qui accostent. Cela n’empêche pas la créativité, à en croire le nombre de manifestations de théâtre, de cinéma, de musique et de danse qui y sont données pendant l’été. Les cultures et les vignes existent toujours sur Patiras et la Grande Ile, mais elles ont été diversifiées, dans un esprit écologique. Un projet ambitieux est de faire revenir les habitants sur la dernière et d’y installer des énergies renouvelables. La plate-forme Gens d’Estuaire, qui centralise l’offre des loisirs, devrait poursuivre sa croissance tranquille entre nature, œnologie, gastronomie et culture… Le projet de terminal méthanier sur l’estuaire, avec ses cinq cuves de 48 mètres de hauteur et de 80 mètres de diamètre, des torchères et des unités de regazéification, a été déclaré « grenello-incompatible ». Ouf  ! On respire… ✹

8

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

Le battage médiatique autour de l’expédition, au printemps 2009, avait pourtant été à la hauteur de la grandeur des missions confiées aux scientifiques embarqués : problèmes environnementaux, exploration géographique des côtes et des fleuves, mais aussi mission diplomatique avec les peuples d’Amazonie et des îles du Pacifique. Tout cela en deux ans. L’expédition n’aura duré que sept mois depuis le départ du bateau, en novembre 2009, à Brest. Car, constatant le désintérêt soudain du ministre, la douzaine de partenaires financiers (Total, BNP Paribas, la Caisse des dépôts, Veolia, Schneider, la RATP, etc.) s’était empressée de regarder ailleurs. Le 9 juillet, le capitaine a été reçu par Jean-Louis Borloo, qui s’est déclaré prêt à « tout faire » pour remettre à flot la mission. Le ministre semble ne pas vouloir être désigné responsable. En attendant, La Boudeuse a repris la mer pour rentrer à Brest et tenter de remonter la mission ✹

François-Marie Banier, l’ami de Liliane Bettencourt, n’aime pas l’île d’Arros, dont il est propriétaire. Pourquoi ? A. « Elle est bourrée de moustiques, elle est minuscule, et il y fait très humide. » B. « On n’y est pas tranquille : un couple du gouvernement vient toujours nous voir. » C. « On n’y trouve ni journaux, ni boutiques, ni banques. » Réponse : A.

Fiasco

A

terre, on appelle cela une aubaine. Des centaines, des milliers de bateaux ont fait naufrage sur les côtes de France au cours des derniers siècles. Autour de l’île de Ré, on en dénombre environ 400 entre 1789 et 1917. Provoqué ou non, le naufrage était souvent synonyme de fête, comme en témoigne le banal échouage du Peggy, le 11 février 1776. La scène se passe dans le Finistère, à Mesperleuc. Dès qu’il est alerté, le procureur de Plouhinec se rend sur place et nomme une dizaine de gardiens pour empêcher le pillage. Un peu tard ! Il manque l’alcool, les cordages, des ballots de peaux d’hermine, des outils, du chocolat, des vêtements…

trésors naufragés

La cabine du capitaine et les caissons des matelots ont été forcés. Ah ! ça n’a pas traîné. Les flics arrêtent 29 personnes. Y compris un huissier de justice, accouru en grève dès le 11 février, et convaincu de s’être proprement soûlé, comme les copains. Tarif pour l’huissier : 30 livres de dommages et intérêts, 12 livres d’amende, huit jours de prison. Les autres ont écopé d’une peine comparable, et d’une terrible amende collective de 687 livres ! Maudit naufrage ! ✹

Les carnets de Jacques Ga

illard

Ça a commencé comme ça : a fauchés les enjoliveurs de à Juan-les-Pins, camping du Golfe, un trois étoiles. Pou roues. Je me demande qui de camping-car. Bon, on a peut avoir envie de fauche rtant, on nous fait sans. r des enjoliveurs On s’est dit : partons vers les Alpes, nous aurons de l’air. Sur les bords du Verdon laissé le bahut pour faire une , nous avons télé. Écran plat, 40 pouces balade à vélo. Quand on est revenus, la porte éta it forcée : plus de , en face du lit. Josette en était malade : elle suit Des lettres tout en préparant le chi fric même poste chez un brocan hti du soir. Coup de pot, le lendemain, j’ai retrou ffres et des vé teu exactement le r de Cas tell ane . Ça m’a tou Puis, il y a eu le Cantal. Fau sse bonne idée : c’est pluvie t de même coûté 200 euros. je veux mettre en route le ux, l’Auvergne ! Et froid, sur cha couvre et on va au Champ uffage, plus de radiateur. Parti avec l’ancien télévise les plateaux : ion en plus, la cocotte-minute . Là, sur le parking, nouvelle effraction : adieu la nou ur. Bon, on se et camping-cars, que c’est plu le grille-pain. Eh oui, il y a tant de belles choses, dés velle télé, et, s ormais, dans les Roms, mais on n’a pas de cambriolé, paraît-il, que les maisons de maître. « C pre ’est sûrement des geaient du pain grillé. Jos uves ! » disent les gendarmes. Je ne savais pas que ett les Roms manle 46, c’est pas pour les ma e ouvre la penderie : tout vidé, sauf ses sous-vêtem ents. Forcément, l Que faire ? La Bretagne ! Là, nourris… dans les sacs à dos, le lecteuon décide de tout garder sur nous. Les alignements de cheveux, deux paires de dra r de CD, le PC pour les photos, le radiateur de la dou Carnac avec, che, le sècheps et la pou pée esp agn ole qu’au retour nos vélos s’ét aient envolés. Et ils avaien qu’on pose sur le lit, c’est galère. Surtout t siphonné le réservoir de s’en souviendra ! gazole. Carnac, on Les châteaux de la Loire, RAS  : tro p cul tur el pou r la cailler l’autoroute, on pose le cam ion en face de l’Autogrill. Je a. Dernière étape avant Levallois. Sur une salade au surimi. Vou s avez tout compris. L’assur mange une andouillette, Josette se tape ance nous a envoyé un tax train depuis Nemours. Le camping-car ? Un voyage i. On est rentrés en au bout de la nuit… ✹


Leur disparition fait tache d’huître mollusque Depuis des décennies, les huîtres sont décimées par des parasites. Et les autorités n’ont pas l’air de se poser les bonnes questions.

fosse

L

es mystères de celle-ci sont insondables. Située à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest du cap de La Hague (Cotentin), dans les eaux territoriales britanniques, la fosse sous-marine des Casquets est une incroyable décharge. On y trouve de tout. Après la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni y a balancé des milliers de tonnes d’explosifs non utilisés. Combien ? Secret d’État. Puis, et pendant des décennies, on y a jeté de grandes quantités de pesticides. Vu le coût – bas – de l’élimination à terre, il ne fait aucun doute que les pires poisons s’y trouvent encore. Ou dans la chair des poissons. Mais le comble est nucléaire. De 1950 à 1963, 28 000 fûts radioactifs ont été immergés dans la fosse des Casquets. Et ils fuient. Une estimation officielle fait état d’une radioactivité totale de 57 942 giga becquerels. Ça ne vous dit rien ? C’est beaucoup. C’est énorme ✹

Fous L

A

ttention aux contrefaçons. constatée sur les côtes de France. De 80 à 100 % d’après les résultats des Visiblement, quelque chose ne tourne pas rond dans le nombreux lots analysés par le grand monde de l’ostréiculture made organisme public Ifremer. in France. La première, celle que nos Bakchich suggère respectueusement ancêtres ont boulottée pendant des aux autorités de se pencher sur une millénaires, s’appelait « gravette » question – volontairement ? – oubliée. autour du bassin d’Arcachon ou encore Celle de la pollution chimique diffuse du « belon » en Bretagne. Mais cette pauvre littoral, notamment par les pesticides. Ostrea edulis – l’huître plate – a été Les coquillages sont extrêmement senravagée par un petit parasite nommé sibles aux molécules toxiques, et pourBonamia ostreae, un protozoaire. tant les analyses sont aussi rares qu’inPour les industriels complètes. La baie de de l’huître, elle n’était entre la La baie de l’Aiguillon, cœur l’Aiguillon, plus « exploitable » et Vendée et la Charentede la production d’huîtres, Maritime, est au cœur a été remplacée par Crassostrea angulata de la production natioest gorgée de pesticides. – l’huître portugaise –, nale d’huîtres. Bien qui a eu l’heureuse idée que réserve naturelle, de faire souche en Gironde après avoir elle se situe au débouché du marais poiété relâchée accidentellement en 1868 tevin, transformé en quarante ans en par un bateau qui en était chargé, Le une mer de maïs gorgée de pesticides, Morlaisien. dangereux pour tous les organismes Mais rebelote. Au début des années 70, vivants, dont les huîtres. une autre épizootie fait disparaître Or il n’existe qu’un seul point de l’huître portugaise, obligeant les ostréicontrôle de la contamination chimique culteurs à se rabattre sur Crassostrea pour toute la baie. Et l’on ne recherche gigas, l’huître japonaise. Importée que neuf éléments, dont le cuivre, le de l’archipel nippon, mais aussi de plomb et le zinc sur des centaines possiColombie britannique (Canada), elle bles. Et aussi deux pesticides, dont l’un, assure aujourd’hui l’essentiel de la prole DDT, est interdit en France depuis duction française. Jusqu’à quand ? 1971, et l’autre, le lindane, illégal dans En 2008 et 2009, une surmortalité plus de 50 pays. Autrement dit, on s’ineffarante des huîtres japonaises a été terdit de savoir ✹

es fous de Bassan sont d’étonnants oiseaux au plumage blanc et à la tête ocre jaune. Tandis qu’éclatait la Seconde Guerre, en 1939, quelques éclaireurs s’installaient dans l’archipel des Sept-Îles, au large de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor). Avec une forte prédilection pour l’île Rouzic, désormais peuplée, au moment de la nidification, par la bagatelle de… 20 000 couples. En mai, depuis la mer, Rouzic est comme un bouillonnement blanc d’où s’échapperaient de petits nuages. Les fous sont des plongeurs cinglés. Capables d’apercevoir sous l’eau, de 40 mètres de hauteur, un maquereau, ils se laissent tomber sur leur proie à une vitesse comprise entre 60 et 90 km/h. Inutile de dire que celui qui reçoit l’obus est sonné. Ah ! si le fou est appelé fou, c’est parce que les observateurs le voyaient toujours sortir de l’eau le bec vide. En fait, il avale les poissons sous l’eau, avant d’éventuellement les régurgiter au nid, pour les petits. Pas fous, malins ✹

Le mystère Godard Nous sommes le 27 août 1999. Le docteur Yves Godard consulte dans son cabinet de Caen. Le 1er septembre, à Saint-Malo, il monte à bord du voilier Nick avec sa fille, Camille (6 ans) et son fils, Marius (4 ans). Le 5 septembre, des pêcheurs trouvent l’annexe en caoutchouc du bateau qui dérive avec un blouson contenant un chéquier d’Yves Godard. L’affaire commence. Les gendarmes perquisitionnent la maison familiale et y trouvent du sang. Puis la voiture du médecin, pleine du sang de l’épouse. Tout s’emballe. On découvre, au fil des ans, en mer, des cartes de crédit, des vêtements, appartenant tous à Godard. Puis le crâne de Camille est repêché et identifié. Nous sommes le 6 juin 2000. Jusqu’en 2006, Yves Godard est signalé en Afrique du Sud, en Crète, en Écosse. Mais, en septembre 2006, son tibia et son fémur sont repêchés au large de Roscoff. Il est donc mort, mais sa femme ? Morte aussi ? Accidentellement ? De la main de Godard ? Le 14 décembre 2008, un pêcheur à pied découvre sur l’estran de l’archipel des Ebihens (Côtes d’Armor) la carte d’assuré social du docteur. Elle est intacte. Près de dix ans après la terrible disparition ✹

L

’île de Beauté, enfer des handicapés. Seules trois plages sont équipées pour leur en favoriser l’accès. L’âme (presque) charitable pour attirer le pinsut friqué de la métropole, les maires corses se montrent moins prompts à former du personnel spécialisé. L’association Handiplage, qui se bat depuis treize ans pour encourager les communes côtières à se doter d’équipements adaptés, mesure ses progrès sur le rocher au grain de sable près.

192 plages équipées sur 3 000

Pourtant, sur l’autre rive de la Méditerranée, la région Paca fait figure de première de la classe. Sur la cinquantaine de sites « labellisés » par l’association, 11 sont dans la zone sud-est. Sacre ultime, trois des cinq lieux situés en niveau 4 – la crème du service aux personnes à mobilité réduite – sont dans les Alpes-Maritimes. À l’échelle nationale, le constat est moins glorieux, puisque ce sont 192 plages sur 3 000 qui ont fait des efforts sur le sujet. À peine une sur 15, avec des coins qui se font discrets. « En Bretagne, ils font des choses, mais nous tiennent rarement au courant, comme en Vendée. Et dans le Nord, c’est difficile d’avoir la mairie », précise Ramon Espi, président d’Handiplage. Reste que, cette année, dix nouvelles plages ont obtenu le sceau de l’asso. Pour espérer marcher sur l’eau✹

Hélicos

D

epuis plus de dix ans, les hélicoptères ne cessent de hanter la baie de Saint-Tropez. Les richissimes ne peuvent imaginer rester bloqués dans les embouteillages monstres de la précieuse cité. Alors, pour un oui ou pour un non, on prend l’hélico. Même pour des sauts de puce entre leur résidence et la plage… Des hélistations plus ou moins légales, rudimentaires et mal sécurisées, ont donc prospéré. Enrichissant certains propriétaires agraires peu scrupuleux.

170 vols par jour à saint-trop’

En 2009, la préfecture a dénombré 170 mouvements par jour entre juillet et août. Excédés, des riverains avaient menacé, en 2008, de bloquer la ville si les pouvoirs publics ne faisaient rien. La préfecture a commencé à bouger. Timidement. En 2009, toujours le même enfer. Bakchich a pu le constater sur place. Horaires limites de vol mal respectés, augmentation du trafic, pilotage trop proche des habitations. Enfreindre la loi ne coûte pas cher : seulement 38 euros l’amende, 10 à 30 fois moins que le prix d’une course. Cette année, les Tropéziens avaient bon espoir. La préfecture avait annoncé la construction d’une grande hélistation en bord de mer pour juillet. Les passages se seraient faits par la côte. Hélas, le projet est tombé à l’eau en raison de problèmes de sécurité. Sans faire de bruit ✹

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

9


cap odyssĂŠe

10

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N째35

11


i Le monstre de la hague

nucléaire Si La Hague recèle de magnifiques rivages, c’est aussi la ville de la Cogema, l’usine de retraitement de déchets radioactifs, fleuron de l’industrie nucléaire française. La mer est contaminée. L’image de la région aussi.

T

erre de contrastes. Côté mer, l’un des rivages les plus de Jobourg à l’aide d’un petit tuyau débusqué, il y a une dizaine beaux de la France sauvage. Prévert a fini sa vie à d’années, par une caméra sous-marine de Greenpeace, mais Omonville-la-Petite, sur les conseils du décorateur et ses cheminées diffusent aussi des quantités sympathiques de ami Alexandre Trauner, et il a bien eu raison. La mer krypton 85 dans le bocage où broutent des Normandes, comme est au détour de chaque chemin bocager et, dans certains vill’a rappelé un documentaire d’Arte, il y a quelques mois. Du lages délicieux – maisons de pierre aux ouvertures bordées de coup, l’office de tourisme, qui a lancé une campagne cette briques –, on se croirait sur une île. Normal : année, rame pour rétablir une image positive le haut Cotentin est presque une île, une de la presqu’île. Bien entendu, il n’y a aucun Évidemment, l’usine fait presqu’île. Une Presqu’île au nucléaire, pour problème. Françoise Zonabend raconte ainsi reprendre le titre d’un livre de la sociologue avoir rencontré l’habitant d’un hameau situé vivre du monde. Mais Françoise Zonabend (éd. Odile Jacob, 1989). à quelques centaines de mètres de l’usine. n’incite guère au tourisme. « L’usine, de chez moi, déclarait-il alors, on ne Un monstre est en effet caché dans le paysage. la voit pas… Alors, on est protégé. » Vers 1960, les habitants voient des ingénieurs Mais la sociologue a aussitôt rectifié : depuis la maison de ce traîner sur la lande. Ils ont avec eux des instruments de mesure et prétendront pendant des années qu’ils sont là pour préparer faux témoin de parfaite bonne foi, on a une vue superbe sur les installations nucléaires. Ce que Zonabend appelle « la cécité le terrain pour une usine d’engrais. Ou de plastique. Ou de paysagère » ✹ casseroles. Ce sera finalement un immense centre de retraitement nucléaire et d’enfouissement de fûts radioactifs de la Cogema. Malgré les protestations, dont celle du poète normand Côtis-Capel, qui écrit pour l’occasion un texte resté célèbre (« Haro ! Haro ! No n’veurt dé vos ôtis à ma », « Au secours ! Au secours ! Nous ne voulons pas de vos outils de malheur »), l’usine devient le cœur même de l’industrie nucléaire française. Le matin, au moment de l’embauche, toutes les routes qui convergent vers l’usine sont noires de voitures. À voir les matins d’hiver, quand il fait encore nuit et que les lumières de l’usine transpercent le brouillard. Évidemment, le monstre fait vivre du monde dans cette région rurale, mais n’incite guère les touristes à venir en toute quiétude. La Cogema a quelque peu contaminé l’image de la région. Non seulement l’usine de La Hague rejette en mer des effluents radioactifs au large de la pointe

B

leu terni. Comme Ribéry, l’enfant du pays, et comme cette mer du Nord aux allures de terrain vague. Depuis 1991, Boulogne-sur-Mer demeure sous le coup d’un arrêté préfectoral interdisant la baignade. Rien à faire, la ville reste le cancre de la région. Avec une eau aussi trouble qu’un pastis servi à midi sur la Canebière. Oui, mais Boulogne-sur-Mer joue de malchance. D’abord, il y a cette plage coincée en fond de baie qui ne permet pas la dispersion des polluants. Ensuite, il y a cette rivière, la Liane, avec ses 1 500 rejets, dont une bonne part d’eaux usées. On vous laisse deviner où se trouve son embouchure. Sans compter le port juste à côté – le premier port de pêche français – et sa centaine de rejets, et les modestes communes en amont et leurs réseaux d’assainissement pas toujours conformes. Enfin, il y a ces fâcheux courants marins qui drainent les pollutions depuis le large. La plage idyllique, en somme.

pas de baignade à boulogne

Côté pouvoirs publics, on assure que le problème est pris très au sérieux. Faut dire qu’une eau si moche avec un Centre national de la mer en bordure de plage (Nausicaa), ça fait franchement pas sérieux. Une station d’épuration a été construite, des travaux sont menés sur les

12

Qui a dit : « Aller en vacances avec sa femme, c’est comme aller au resto avec ses tartines » ? A. Sacha Guitry B. Frédéric Deville C. Jacques Chirac D. Jean-Marie Bigard Réponse : B. Le peintre et graphiste belge Frédéric Deville.

Interdite

réseaux d’assainissement, et on en passe. D’ailleurs, la qualité de l’eau ne cesse de s’améliorer au fil des ans. Pas suffisamment, néanmoins, d’autant que les directives européennes se sont encore durcies cette année. On vous l’a dit, Boulogne joue de malchance. Mais la ville escompte la réouverture de la baignade pour 2012. Dans les faits, ça ne changera pas grandchose, puisque les Boulonnais ne se privent déjà pas de faire trempette, en dépit des risques de gastro ou de problèmes de peau. Et on leur montre même l’exemple. L’an passé, le député-maire, Frédéric Cuvillier (PS), n’hésitait pas à mouiller le maillot. Au sens propre. Sur son blog, une photo montrait l’élu se livrant à quelques brasses. Dedans jusqu’au cou ✹

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

Illégaux S

ur les plages, les pavés ? La densité de population sur le littoral étant deux fois supérieure à la moyenne nationale, un pressant besoin de logements se fait sentir. Et entraîne des arrangements entre communes peu scrupuleuses de la loi littoral et promoteurs. En 1994, la mairie de Port-Vendres, dans les Pyrénées-Orientales, autorise la construction du lotissement Le Pont de l’amour près du rivage. Or la direction départementale de l’équipement vient de rendre un avis défavorable à cause des risques liés à l’évacuation des eaux. Seize ans plus tard, malgré l’annulation de l’arrêté municipal, les villas du Pont de l’amour se vendent comme des petits pains…

permis de construire

Les associations mènent pourtant la vie dure aux élus. La Frêne 66 vient de faire condamner à la démolition le supermarché Lidl de Canet, construit dans une zone humide. La commune avait délivré un permis dix ans plus tôt. « Plus il y a de l’argent, moins la zone est inondable », ironise-t-on chez ces associations. Mais un per mis d’agrandissement a été accordé juste avant le passage devant la cour d’appel. Histoire de reporter sine die toute décision… Les écolos n’ont pas encore la côte ✹

Jobs d’été

C

ette année, la plage des Sablesd’Olonne s’est offert une malicieuse campagne de pub, financée par Ambre solaire. Pendant plusieurs semaines, elle a squatté les médias en lançant un grand jeu concours autour du meilleur job de l’été. À savoir, pour les deux gagnants, propulsés « ambassadeurs de la protection solaire », le droit de tartiner d’Ambre solaire le dos des touristes, contre un salaire de… 5 000 euros ! Correct. Marketing viral efficace et buzz sur Facebook garanti pour la station balnéaire. De quoi faire oublier que, dans les faits, les jobs d’été sont plutôt synonymes de grand n’importe quoi. Les quelque 700 000 embauches estivales recensées par l’Insee rendent rarement hommage au code du travail, surtout dans les stations balnéaires, où les jeunes doivent déjà s’estimer heureux de travailler au bord de l’eau. Selon la Jeunesse ouvrière chrétienne, l’association la plus en pointe sur le sujet, 14 % des jeunes qui bossent l’été n’ont aucun contrat ; parmi eux, ils seraient 70 % à avoir moins de 18 ans. Quand plus du quart des jeunes ne se font tout simplement jamais payer leurs heures supplémentaires… Beau boulot ! ✹

L

es riches claquent des dents. Dès le joli mois de mai, les prolos se révoltent d’un bout à l’autre de la France. Ils réclament la semaine de 40 heures, des congés payés, et certains rêvent même de révolution. Au plus fort du mouvement, on compte 12 000 grèves. Au total, deux millions de travailleurs cessent de bosser. Le gouvernement de gauche nouvellement élu, dirigé par Léon Blum, impose au patronat la signature des accords dits « de Matignon ». Le 20 juin 1936, une loi accorde pour la toute première fois des vacances à ceux qui n’en prenaient jamais. Tout salarié ayant travaillé un an a désormais droit à quinze jours de congés payés.

congés payés !

De Boulogne à Arcachon, de Perpignan à Menton, les plages sont brusquement occupées par de nouveaux venus. Des ouvriers à gapette – façon Gabin – et leurs dames chargent leur tandem dans des trains spéciaux et débarquent, ahuris, devant la mer ou l’océan. Ambiance pique-nique et apéro au bord des vagues. Pendant ce temps, planqués dans leurs villas, les habitués à particules et comptes en banque se pincent le nez. Pouah ! Le littoral, qui leur appartenait de toute éternité, ne sera plus jamais comme avant ✹


la grande-motte

Le Havre

Lâches sous-marins

I

Kurdes S

tation balnéaire corse la plus prisée par la jet-set parisienne, Bunifaziu – Bonifacio pour les pinsuts du continent – avait plutôt pour habitude de voir déferler sur ses plages de rêve des stars politico-cathodiques comme Claire Chazal ou le couple Kouchner-Ockrent. Et voilà qu’une nouvelle concurrence a tout chamboulé. Pour la première fois dans l’histoire de l’île, un groupe de 123 clandestins, femmes et enfants compris, a fini, l’année dernière, son terrible voyage ici. Et pas en Italie ou en Sardaigne voisines, pourtant plus habituées à voir ce type de « vacanciers » dans leurs eaux territoriales.

Originaires du Kurdistan syrien pour la plupart, ils ont à peine eu le temps de profiter de la plage de Paragnano ou de l’hospitalité corse. Ou de l’assistance d’avocats, comme il est d’usage. Redirigés vers la base aérienne de Solenzara, ils ont été expulsés illico vers différents centres de rétention du continent, l’île de Beauté n’en étant pas équipée. Au grand dam de certains élus de l’opposition locale, qui ont dénoncé les pratiques sécuritaires de l’État et son mépris des efforts de solidarité de la commune. Quarante-deux enfants en cabane, ça fait mauvais genre. Désavouant les sbires de Besson, les juges des libertés de Marseille, Nîmes et Rennes avaient finalement décidé de les relâcher. Bonifacio, nouvel eldorado des réfugiés ? C’est pas gagné ✹

abonnez-vous gaiement Nom abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc Prénom abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc Adresse abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc

abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc Code postal abbbc Ville abbbbbbbbbbbbbbbbc E-mail abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc Je m’abonne pour un an : Hebdo : 50€ O Hebdo + Web : 80€ O Hebdo + Web + digital : 100€ O Je m’abonne pour trois mois : Hebdo : 15€ O Hebdo + Web : 30€ O Hebdo + Web + digital : 40€ O Par chèque bancaire à l’ordre du GROUPE BAKCHICH

l faut savoir choisir la bonne rive quand on veut se baigner en baie de Seine. C’est sûr, pour l’agrément, rien ne vaut l’attrait de Deauville et sa longue plage de sable. Mauvais plan ! La bonne adresse, c’est Sainte-Adresse, juste en face, charmante commune blottie contre Le Havre et son gigantesque port. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement belge en exil, qui s’était installé dans le « petit Nice havrais », a vraiment eu du nez. Certes, la plage est en galets, mais les eaux y sont de bien meilleure qualité. Dixit le ministère de la Santé, qui, chaque été, joue pourtant les empêcheurs de se baigner en rond sur les plages les plus touristiques du littoral. Il y surveille les streptocoques fécaux, les colibacilles et autres bactéries intestinales. Verdict : depuis 2006, les eaux de Sainte-Adresse sont jugées de « bonne qualité » et celles de Deauville, de « qualité moyenne ». Même si, depuis le début de cet été, la tendance s’inverse. En tout cas, le pavillon bleu flatte chaque année la fierté des Ha-vrais et renforce la rivalité entre Haute et Basse-Normandie.

bénie sainte-adresse

L’explication de cette injustice est toute simple : entre les deux rives coule la Seine, dont l’estuaire déverse son lot de déchets chimiques – PCB et autres – et organiques, et de matières fécales, comme l’intestin généreux d’un corps dont la tête serait la région parisienne. Et, par la facétie des courants, « une bonne partie file au large des plages de Deauville plutôt que vers Le Havre », constate l’association Surf-rider Foundation, qui prédit qu’en 2015, avec les nouvelles normes européennes, une bonne partie des stations balnéaires du Calvados auront du souci à se faire. Une façon de rendre aux Parisiens, qui prisent tant Deauville et son littoral, tout ce qu’ils produisent en amont. Et dire que, lorsqu’il était maire de Paris, Jacques Chirac promettait qu’on pourrait se baigner dans la Seine ✹

Le 15 janvier 2004, à 12 h 25, Yves Gloaguen annonce sur le canal de sa radio : « Serge, viens vite, on chavire ! » Yves est le patron du chalutier breton Bugaled Breizh, en pêche au large du cap Lizard, devant les côtes anglaises. Il parle à son copain Serge, le patron d’un autre chalutier, qui n’est pas loin. Quand L’Éridan arrive, il est trop tard. Le Bugaled a sombré et ses cinq marins sont morts. Pour de multiples raisons, le bateau n’a pas pu être la victime d’un accident de pêche. Les autorités lancent alors un leurre : un bateau philippin aurait harponné le Bugaled, avant de s’enfuir. La vérité est parfois ailleurs. Des manœuvres militaires de l’Otan avaient lieu sur zone au même moment, en présence de sous-marins nucléaires. Six ans plus tard, il est presque certain que le Bugaled a été entraîné sous l’eau à la suite d’une rencontre avec l’un d’eux. Néerlandais, britannique, français ? Dans tous les cas, l’armée a menti aux proches des victimes. mensonges militaires

Est-ce si nouveau ? Le 14 mai 1987, le chalutier La Jonque ne donne plus de nouvelles. Cinq hommes sont à bord. Lors du dernier message, le bateau était au nord-ouest d’Ouessant et la mer était belle. Le 17 mai, quand des avions militaires se lancent au secours des probables naufragés, il se passe un fait inouï : l’un d’eux, un Bréguet-Atlantic, repère un canot de sauvetage avec deux hommes à bord, mais ne leur porte pas secours. Les bandes magnétiques contenant les échanges entre le Bréguet et le centre de secours seront effacées… Lorsque La Jonque est finalement retrouvée, le mystère est encore plus complet. Comment un chalutier peut-il « crocher » – accrocher – son filet dans du sable au point d’être entraîné à sa suite ? Bien que le drame soit demeuré sans explication, de nombreux proches des victimes sont convaincus, depuis vingt-trois ans, que le chalutier a croisé un sous-marin d’attaque. Le filet se serait pris dans l’engin, entraînant le bateau par le fond. Reste une terrible question : que sont devenus les deux hommes à bord du canot ? ✹

dès aujourd’hui, retrouvez Bakchich Hebdo sur votre ipad Disponible aussi sur PC, Mac, iPhone, iPod touch…

bakchich

chaque samedi | Informations, enquêtes et mauvais esprit

Abonnement 3 mois 15€ seulement!

Pour tout abonnement hors France métropolitaine : Service abonnements • 01 43 72 51 32 • abo@bakchich.info

MERCI DE REtourner CE BON complété À : Bakchich, service abonnements, 121 rue de Charonne 75011 Paris

Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.bakchich.info

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

13


bon de souscription tttttttttttttttttttttttt tttttttttttttttttttttttt tttttttttttttttttttttttttttttt Adresse mail tttttttttttttttttttttttt Je soussigné demeurant à

souhaite souscrire au capital de la SAS « Le Club des amis de Bakchich » constitué à l’effet de regrouper et porter les souscriptions à la SAS Groupe Bakchich.

1 action = 100€ Nombre d’actions : tttttttt x 100€ Total : tttttttt Par chèque bancaire à l’ordre du club des amis de bakchich Date et signature

MERCI DE REtourner CE BON complété À : Bakchich, 121 rue de Charonne 75011 Paris Contact : Service souscription • 01 43 72 51 32 • souscription@bakchich.info

REJOIGNEZ LE CLUB DES AMIS DE

BAKCHICH L

e Club des amis de Bakchich regroupe nos lecteurs les plus fidèles, décidés à aider financièrement notre équipe en devenant actionnaires de notre site et de notre hebdomadaire. Actionnaire du Groupe Bakchich, le Club des amis détient 8,5% du capital de notre société fondatrice. En décembre 2009, Isabelle Adjani a accepté de prendre la présidence d’honneur du Club des amis. Ce dernier regroupe quatre-vingt lecteurs-actionnaires, qui ont versé pour l’instant 110 000 euros. Soit une aide précieuse en attendant que nous atteignions, dans les prochains mois, notre point d’équilibre financier. Un grand merci à eux tous. Et merci également à tous ceux qui, dans les semaines qui vont suivre, rejoindront notre Club des amis ✹ xavier monnier, directeur de la publication et nicolas beau, directeur de la rédaction

Devenez actionnaire ! Depuis décembre 2009, Isabelle Adjani nous fait l’honneur de présider le Club des amis de Bakchich : « Contre toutes les attaques quotidiennes de nos libertés fondamentales, les sites d’information et un journal comme Bakchich sont absolument nécessaires. Alors demandez tout autour de vous, à vos amis, à vos parents, à vos collègues de travail de soutenir Bakchich en devenant actionnaire. » Isabelle Adjani

14

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


plouf La France compte 5 500 kilomètres de côtes. Un trésor protégé par le Conservatoire du littoral, créé en 1975, et renforcé, en 1986, par la loi littoral. Hélas, celle-ci est constamment foulée aux pieds par les élus. Quant au Grenelle de la mer, qui ne traite même pas de pêche, son utilité laisse songeur.

Nuages sur la protection du littoral C

e mystère est du genre complet. Nous sommes en 1975, l’année qui suit l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République. Tous les margoulins de l’immobilier du temps de Georges Pompidou – et ils sont nombreux – se sont ralliés au blanc panache de VGE, comme le Président aime à se faire appeler. Pour le littoral, tout semble perdu. Dans quatre ans, le ministre Robert Boulin sera retrouvé mort après une sombre histoire de terrains vendus et achetés au bord de la mer.

l’état peut exproprier…

Et c’est alors que naît une merveille que, pour une fois, l’Europe nous envie vraiment : le Conservatoire du littoral. Késako ? Un établissement public chargé de sauver les meubles en achetant des portions du littoral – mais aussi des lacs, des estuaires, des deltas –, de façon à les rendre à jamais inconstructibles. Comment ça marche, Jean-Pierre, et, surtout, combien ça coûte ? En pratique, des délégués régionaux sont chargés de repérer chez eux ce qui peut et ce qui doit être protégé. Le plus souvent, les acquisitions sont réalisées à l’amiable, mais, en cas de besoin, le Conservatoire peut utiliser un droit de préemption sur les ventes – reconnu par la loi – ou même exproprier.

… et possède 17 % des côtes

Dans tous les cas, il faut beaucoup d’argent : le budget du Conservatoire est passé de 50 millions de francs en 1985 à 50 millions d’euros en 2009. Et le bilan des courses n’est pas vilain. Au 1 er juillet 2009, le territoire métro-

politain du Conservatoire comptait 600 sites répartis sur 125 000 hectares et 1 000 kilomètres de côtes. Soit environ 17 % du littoral. Parmi les dernières surprises, l’achat en cours de 4 500 hectares d’un seul tenant en Camargue, et l’octroi par l’État de 5 700 hectares aux Antilles, essentiellement des mangroves. Mais où sont passés les spéculateurs ? ✹

Une loi bafouée Hélas, la loi votée en 1986 pour protéger le littoral n’aura pas suffi. Au départ, c’est génial. La loi littoral interdit le mitage des côtes en obligeant à urbaniser à partir des hameaux, villages et villes existant déjà. Pas le droit de créer un bâti à partir de rien. Cerise sur le bord de mer, la loi interdit toute construction à moins de 100 mètres du rivage. Cela n’a l’air de rien, mais, pour un promoteur, c’est dur. Ce qui explique les innombrables tentatives de torpillage, parfois sous la forme de « cavaliers législatifs ». Au détour d’un texte de loi sur, disons, l’étiquetage du vin bio, des députés glissent un article qui n’a rien à voir mais qui écorne la législation visée. Si on se fait prendre, ça ne marche pas. Et sinon… bingo ! Autre tactique très rodée : l’amendement simple. En 2000, par exemple, celui défendu par le maire de Ramatuelle, dans le Var, légalise d’un coup les paillotes construites avant 1986 sur le domaine maritime. Joie. En 2005, autre exemple, le sénateur Pierre Hérisson fait voter un amendement qui permet aux communes riveraines de lacs de plus de 1 000 hectares de ne pas respecter la loi littoral. Une aubaine pour le béton ✹

un Grenelle de la mer littoralement inutile

E

ncore une de ces concertations de la taille d’une baleine qui Trop polémique, peut-être ? Surtout, les pêcheries ne sont pas accouchent d’une sardine ? L’abandon du trois-mâts La Bouun secteur économique très porteur, vu le peu de poissons qu’il deuse après sa première mission scientifique en Guyane, reste. Alors que la plaisance, au contraire, attire de gros poissons ! « Il a fallu batailler pour que les problématiques de pêche alors qu’il devait faire le tour des océans, est mauvais signe (lire soient abordées », confirme Emmanuel Buovolo, de Greenpeace. l’article « Fiasco »). Lors du Grenelle de la mer, qui s’est clos le Étonnant, pour un pays qui a sous sa juridiction 15 juillet 2009, les ONG, aguerries par les discusla deuxième zone maritime au monde (quatre Les négociations n’ont sions sur celui de l’environnement, étaient pourfois la Méditerranée). Ce territoire donne à la pas abordé les questions tant parvenues à introduire de vraies mesures France une grande responsabilité, au moment où la Commission européenne estime que 72 % en faveur des énergies marines, la protection sur la pêche. Absurde. des ressources halieutiques ou encore pour des stocks de poissons des eaux européennes lutter contre la pollution des eaux. On passera sont surpêchés. « Au cours des négociations, les responsables ont préféré botter en sur le volet recherche et innovation, qui consiste à « développer touche et monter une mission », témoigne Emmanuel Buovolo. l’exploration des mers pour mieux connaître et comprendre les écosystèmes marins ». N’était-ce pas exactement la mission de Début juillet, les associations écolos ont retoqué un rapport offiLa Boudeuse ? « On va mettre l’argent ailleurs », a dit, en « off », ciel de l’Ifremer, notant : « Ce rapport tente de faire croire que les Jean-Louis Borloo. Quant aux comités opérationnels, entre pêches profondes sont durables, écologiquement acceptables, et, comble de l’imposture, qu’elles sont rentables économiquement. » celui sur « le bateau du futur » et celui sur la « plaisance », on n’a pas trouvé moyen de monter le moindre comité sur la pêche. Il est vrai qu’en eaux profondes, on pêche à l’aveugle… ✹

Un sentier contourné Où est-il passé ? Sur le papier, ce « chemin des douaniers », créé en 1849 pour la surveillance des côtes, est une obligation. La loi de 1976 prévoit une servitude minimale de trois mètres de large au bord du domaine public maritime. On doit donc pouvoir passer n’importe où, même devant le fort présidentiel de Brégançon. Essayez donc ! Partout en France, des « exceptions »… Ô mystère, les riches s’arrangent toujours pour être plus tranquilles que les pauvres. Bon courage à ceux qui voudraient passer devant le Cap-Nègre, où habite la mère de Carla Bruni. Le producteur de disques Eddie Barclay, lui, avait carrément fait construire des murs de béton pour couper le sentier et avoir la paix sur « sa » plage. Après une bagarre de plusieurs années, l’armée a dû jouer de la dynamite pour rétablir le passage ✹

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

15


à la tropézienne riviera Saint-Tropez, ville de riches, mais ville pauvre. En tout cas, mal gérée. Entre oublis, boulettes et projets foireux, c’est un festival.

L

’homme est mort, mais la mer se souvient. Jean-Claude Méry, longtemps si proche de Chirac et de ses affaires municipales qu’on l’appelait « Méry de Paris », est mort en 1999, emportant bien des mystères dans la tombe. Receleur du côté de Marseille dans les années 80, financier on ne peut plus inventif du RPR pendant la longue marche de Chirac vers le pouvoir, il sera finalement emprisonné en 1994 pour ses innombrables magouilles. Dans son immortelle vidéo posthume, Méry affirmait avoir remis 5 millions de francs (de 1986) à Chirac, dans son bureau de l’Hôtel de Ville. Un bien beau parcours, donc, mais qui ne doit pas faire oublier le Méry bâtisseur. Le 9 septembre 1989 – une photo l’atteste –, Méry présente à ses amis la maquette d’une future marina qui prendrait la place de l’ancienne fabrique de dynamite de Paulilles, à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales). Les amis de Méry s’appellent Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac. Que du bon, que du grand.

port-méry, projet mégalo

C

rise ou pas, on ne va pas comdins… Il faut dire que Bolloré comme mencer à faire des économies. Arnault ont un intérêt constant pour Avec 46 millions d’euros de Saint-Trop’. « Ils achètent domaine sur dettes pour 50 millions de domaine dans le très prisé quartier des Canoubiers, et le maire aime beaucoup budget, Saint-Tropez n’en dépense pas partager leur compagnie », raconte un moins allègrement ses deniers. En 2009, 2 autres millions ont alourdi le déficit. habitué des mondanités tropéziennes. Et le ciel azur de « Saint-Trop-de-Pèze » Sûrement pour les convaincre d’aider risque de s’obscurcir encore puisque la ville à se désendetter et prendre, au 60 % des emprunts de la ville, présentés passage, des conseils de gestion. à taux fixe, sont en fait structurés, c’estCar les projets foireux n’ont pas à-dire probablement toxiques. manqué, principalement autour de la Un nuage noir qui pèse sur la note des Semagest, une société mixte spéciaimpôts locaux, déjà bien salée. « La lisée dans l’aménagement, les parkings mairie est soucieuse des encours de la et la gestion du port de la ville. Cette dette, nous rassure le service de comdernière activité, très rémunératrice – 223 000 euros de bénéfices par an –, munication, elle est en train de créer une fondation pour le renouveau de la ville s’est stoppée net fin 2009. La Semagest, et le développement des dont la mairie est l’acmanifestations artistitionnaire majoritaire, Endettée à 92 %, la ville ques. » Ouf  ! Enfin quela « oublié », de renouqu’un qui parie sur la veler sa demande de offre quelques cadeaux culture. Aussi va-t-on de service à ses résidents milliardaires. délégation « faire appel à de riches public pour la gestion résidents de la ville, des du port. Du jamais-vu ! capitaines d’industrie qui pourront sub« Tuveri aime décidément se moquer du ventionner la fondation, et exempter la monde, ou alors c’est un grand incamairie de certaines dépenses », précisepable », raille l’opposition. Résultat t-on avec délices. des courses, la Semagest perd le port. Pour encourager les dons des richisBonheur pour le maire, qui en récusimes Bolloré, Bouygues, ou encore père la gestion et place ses hommes. Arnault le maire, Jean-Pierre Tuveri La Semagest perd aussi sa compétence (DVD), ancien directeur à l’OCDE, d’aménagement, qui a été catastrophique : 16 millions de déficit en onze aime montrer l’exemple et son souci ans ! Outre des travaux mal faits qui de l’écologie. Dernièrement a été voté un projet d’ensablement de la côte des se sont éternisés, des projets ont été Canoubiers pour la modique somme frappés de nullité. C’est le cas de celui de 700 000 euros. Grâce à un système de du Couvent : ni publicité ni mise en boudins – c’est très sérieux – placés au concurrence. Encore un oubli… qui fond de l’eau, les vagues ramènent gencoûte un max. timent le précieux sable sur la berge. À Saint-Trop-de-Pèze, à force de vivre au Heureux hasard, c’est la villa de Vincent rythme des milliardaires, on en oublie la valeur de quelques millions ✹ Bolloré qui va ramasser les eaux de bou-

16

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

Que veut Méry ? Un grandiose port de plaisance, qu’il envisage sérieusement d’appeler Port-Méry. En 1988, il a racheté les 32 hectares de Paulilles et rêve à voix haute d’un destin national. Le maire de Port-Vendres a été, semble-t-il, facilement convaincu de l’intérêt du projet, qui détruirait pourtant une des dernières zones non construites de la côte. Tout va donc pour le mieux. Sauf pour Jean-Claude Madrénas, maire démocrate-chrétien de la ville voisine de Bages, opposé au projet. Le 19 décembre 1992, il est tabassé à son domicile au milieu de la nuit. Le 5 février 1993, à bord de sa Mercedes, il est soufflé par une explosion qui lui arrache une jambe. Aux flics, il dira laconiquement : « Ça vient de la côte. » Comprendre le bord de mer, les projets immobiliers, les enveloppes, les caisses noires… De là à accuser Méry, il n’y aurait guère qu’un pas, qui ne sera pas franchi. Mais les choses se gâtent pourtant, et Méry est la malheureuse victime d’une enquête fiscale qui marque le début de sa fin. Adieu veaux, vaches à lait, port de plaisance. Port-Méry ne sera jamais construit, et les 32 hectares achetés en 1988 seront finalement rachetés en 1998, et sauvés, par le Conservatoire du littoral. Et un happy end, un ! ✹

Qui est l’auteur de cette phrase : « On n’a jamais vu un aveugle dans un camp de nudistes » ? A. Gilbert Montagné B. Woody Allen C. Clara Morgane D. Bill Clinton Réponse : Woody Allen.

magouilles

Méry

Migrants C

«

irculez, il n’y a plus rien à voir. » Au moment de déclencher sa grande opération de com, en septembre 2009, Éric Besson, ministre de l’Immigration, imaginait-il une seule seconde régler le problème des migrants ? Et que les touristes débarquant à Calais, station balnéaire bétonnée, allaient enfin pouvoir se balader sans y voir la misère ? Près d’un an après, c’est raté. Certes, la « jungle » des migrants, cachée dans les bois, n’est plus. Rasée. Il y a moins de réfugiés, mais, en sirotant une bière sur la digue, il y a de fortes chances de croiser le regard d’un ou deux d’entre eux.

jungle de calais

La raison ? Jungle ou pas, l’eldorado anglais n’a pas bougé. De certains endroits, par beau temps, il est même visible. Mirage suffisant pour que les migrants continuent de camper à droite à gauche, dans des tentes, sous les ponts ou dans des bâtisses sans fenêtres ventilées par l’air marin, au grand dam de la mairie. Wahid, un Afghan de 27 ans, lui, n’a même pas de murs. Il dort depuis quatre mois dans des fourrés sablonneux, voie rapide d’un côté, mer de l’autre. Une étendue d’eau qu’il a déjà tenté de franchir une quinzaine de fois, sans succès, à bord de camions embarquant sur les ferries. Les douaniers ne veulent pas de lui, Wahid devrait donc demander l’asile en France. En attendant, il se recouche à côté d’un tas de détritus. Pendant qu’à deux pas quelques pêcheurs repartent à la maison sans un regard vers ces campements improvisés, habitués désormais comme tous les Calaisiens aux ballets incessants des réfugiés dans leur ville.

objectif : grande-bretagne

D’ailleurs, la spécialité calaisienne a fait des petits. Et plusieurs maires du littoral peuvent maintenant se vanter d’avoir des migrants sur leur territoire. Mais, en dehors de Calais, il faut avouer que ça ne se voit pas trop. Pratique pour ceux qui ne veulent pas voir, justement. À Loon-Plage, par exemple, à 30 kilomètres de l’ancienne jungle, on trouve deux camps d’une cinquantaine d’hommes, à l’écart de la ville, juste derrière la zone portuaire. Parce que la mer y est plus belle qu’à Calais ? « Non, confie un jeune Afghan. À Calais, il y a trop de contrôles, on m’a dit que c’était mieux de venir ici. » Avant de plaisanter : « En arrivant ici, j’ai vu les gens sales avec de vieux vêtements. Je me suis dit que je ne finirais pas comme ça. » Deux tentatives de passage plus tard, il est dans le même état que ses compagnons. Il monte sur la butte, vue sur le port industriel. Sacré panorama, pendant qu’un peu plus loin, sur le littoral, un ferry déverse ses touristes britanniques insouciants sur les plages calaisiennes ✹


ouessant

Les carnets de Jacques Ga

illard

C

Entre Martigues et Mento n, sur la table. Normal : la piz pas de vraies vacances sans soirée à la pizzeria, ave c du za il n’y avait que cinq ou six vient de Marseille, comme le pastaga. Eh oui, juste rosé glacé pizzerias en France. Et tou tes à Marseille, où les imm après la guerre, du Sud se sentaient bien dep igrés d’Italie uis des lus tre s. Cette pizza des origines éta garnitures, et pas une de it déclinée plu quoi). Comme elle faisait s : anchois, fromage (gruyère) et moitié-moitié (an sous trois bie chois-fromage, Rien à voir avec le monstre n 40 centimètres de diamètre, on la découpait sur la « e de la Chicago style pizza, épa stouffe-chrétien » à la taille de ton assiette, croise table. me marshmallows ou le pepper isse de deux doigts et couverte de machins bizarres nt comme les un salami en tranches), et oni (qui n’a plus rien à voir avec les poivrons : c’est, chez Obama, de la pizza des boulanger s, en pâte à pain, découpée pour le casse-croûte. Non, la en (et pas le thym), ça porte pizza marseillaise, ça se partage ; ça embaume l’or rectangles des olives noires (et pas des igan un soupir, croustillant com câpres ou des pignons), c’es me un baiser, et ça « endu re » quelques gouttes d’h t fin comme que l’on appelle ici le « fa ï trica » en lui supposant les uile pimentée, Tout changea dès la fin des ver années 50, à la suite du suc tus du Viagra… rue d’Aubagne, rue du Mu sée ou rue Caisserie, chez cès de quelques maisons fameuses, Antoine, Jeannot ou Angèle populaires surgirent dans tou . De bois de pin et de chêne, d’o s les quartiers de Marseille, avec leurs fours en briq s pizzerias ue ù le pizzaïolo sortait une pel d’agneau ou du figatelli. letée de braises pour griller chauffés au des côtelettes Le jambon, l’envahissante mo mer » (en boîte) compliquèr zzarella issue de mamelles discutables, les supion s, hasard, porte ouverte au ent la garniture. Puis vinrent les champignons, de les « fruits de Paris comme par n’importe quoi sur des piz zas devenues portions – trio de l’individualisme. Des poi mp vro des œufs, des bouts de sau ns qui « reprochent », de la viande hachée « à l’ar he mercantile cisse… Rideau, fin d’un mo ménienne » (?), Aujourd’hui, sur la côte, on nde. trouve des pizzas aux lard au thon et au reblochon. ons fumés, à la crème fraîch À quand le hareng et le pet it-suisse ? Un conseil : ne come, à la roquette, une pizza dans une pizzeria si vous ne voyez pas le fou amateur de surgelés… ✹ r de votre place. À moins quemandez jamais vous ne soyez

moustiques

C

et été, les brigades du moustique-tigre sont en alerte. Les ententes interdépartementales de démoustication (EID) ont été prévenues que des bestioles noires tachetées de blanc, porteuses du chikungunya, débarquaient dans le Sud-Est. Inutile d’utiliser lampes à ultra-violet, citronnelle, crucifix ou ultrasons. Le produit en vigueur depuis une vingtaine d’années, le BTI, est une bactérie qui fait éclater les membranes de l’intestin de la larve. « C’est un produit sélectif, mais on ne peut pas dire que c’est un produit bio », sourit Gilles Besnard, biologiste à l’EID RhôneAlpes. En tout cas, le BTI coûte très cher. Le budget annuel en Atlantique, où sont employés 55 agents pour traiter 183 communes, est de 4 millions d’euros environ. « Sans nous, vous auriez une quarantaine de moustiques continuellement sur vous à cinq kilomètres à la ronde des zones humides », soutient l’EID du Sud-Ouest. La femelle, qui est la seule à piquer pour fournir ses œufs en protéine, en produit jusqu’à 300 par ponte. Sans traitement, assisterait-on à un mauvais remake des Oiseaux d’Hitchcock ? ✹

Raz-de-marée de noyades ça ne s’arrange pas. En 2009, le nombre de noyades a (légèrement) augmenté. Au total, 1 366 cas ont été recensés, dont 462 mortels. Parmi ces derniers, 188 ont eu lieu en mer, 54 en piscine, le reste sur des plans d’eau, et jusque dans les… baignoires. L’Institut national de veille sanitaire et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé donnent, comme chaque année, les mêmes conseils aux adultes, qui seront évidemment oubliés. Il faut être en forme physique, faire gaffe à l’état des courants et de la marée, ne pas picoler, et, surtout, ne pas se baigner si l’on ressent des frissons. Pour les Bretons et ceux de la mer du Nord, c’est déjà râpé ✹

N

om de code : Crim Org 06. Effectif  : 300 gendarmes, des juges un peu fadas, un procureur pugnace. Objectif  : nettoyer le milieu nissart de son parrain « présumé », Michel Soret, alias « le Vieux ». Fiasco total. C’était en 2002.

michel soret, parrain

ette île est la pointe avancée du continent européen face à l’Amérique. Mais elle se mérite. Aujourd’hui encore, les bateaux qui viennent de Brest ou du Conquet peuvent rester bloqués au port, pour cause de tempête. La mer d’Iroise est une furieuse, et Ouessant est pleine de sortilèges. Pendant une vingtaine d’années, un ornithologue hors pair, Yvon Guermeur, a passé d’innombrables saisons sur l’île, où les migrations d’oiseaux sont spectaculaires. Mais, comme il était curieux de tout – il est depuis retourné sur le continent –, il ne cessait de marcher, comme un personnage de Paul Auster. Archéologue amateur, il découvrait sans cesse de nouvelles merveilles. Ici, la trace d’un ancien port romain. Là, l’écho d’une présence néolithique.

trésor archéologique

logues professionnels vont bientôt sabler le champagne, car Mez-Notariou va peu à peu devenir un grand chantier archéologique européen.

mystères

Le site a été occupé au moins entre le quatrième millénaire avant notre ère et jusqu’à 500 ans après. Depuis les haches du néolithique jusqu’à la fin de l’Empire romain. Il y a trois mille ans, ce village comptait sans doute près de 400 habitants, soit presque la moitié de la population actuelle. Pourquoi avoir bâti un village en bois – les preuves abondent – sur une île en pierres ? Ouessant, selon l’étude des pollens, n’a pas abrité de chênes, qui ont pourtant servi aux fondations de MezNotariou. Faut-il imaginer du bois flotté dans les terribles courants de la mer d’Iroise ? Faut-il croire que ses habitants défiaient à ce point les éléments ? Des mystères dignes de ceux de l’île de Pâques ✹

En 1987, il se balade aux abords d’un chantier du centre de l’île, situé à MezNotariou, autrement dit le « champ du notaire ». Il aperçoit, dans une tranchée creusée par une pelle mécanique, des fragments de poterie et des pierres un rien curieuses. Il emporte le tout, brosse ses échantillons au coin du feu et commence une expertise sauvage. La pierre a été cuite, certains fragments semblent d’apparat et pourraient remonter à une époque située entre l’âge de fer et l’âge de bronze. Guermeur trouve tout cela seul, car il a accumulé, en autodidacte, un grand savoir. Finalement, il confie ses découvertes à des services officiels. À Quimper, les archéo-

Six ans plus tard, la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille s’est piquée d’essorer le Vieux, 66 ans, toujours proche des carambouilles locales. Ouverte en 2008 sur « tenue de maison de jeux clandestins », l’instruction du juge Voglimacci s’est épaissie. Selon l’enquête, Soret tremperait dans du racket en bande organisée. Dans la « bande », le comité local de pêche. Tenu par le granitique Alex Plusquellec, le syndicat de pêcheurs niçois, « attributaire de presque toutes les subventions publiques destinées aux pêcheurs », est « suspecté, en s’autorisant de la protection de Michel Soret, d’un racket systématique sur les professionnels ». Ou quand le gros poisson fait bosser les petits…

trafic, racket

Les enquêteurs fouillent le courrier du bras droit – armé – de Soret, Jean-Pierre Berquin, dit « le Balafré ». Dans un colis, des cartouches de cigarettes et un petit mot : « Le prix définitif est de 1,70 euro le paquet, livré où l’on veut. (…) Ils veulent bien démarrer à 200 cartons. (…) » Trafic de clopes. « Ils » ? Les écoutes téléphoniques, d’Ukraine à Monaco en passant par l’Italie, laissent augurer d’un vaste réseau. « Je ne répondrai pas à cette question », s’offusquent de concert Berquin et Soret, tous deux passés par la case prison en 2009 et sortis en février 2010. Sans avoir été blanchis. Le 3 juin dernier, la chambre d’instruction d’Aix-en-Provence a refusé leur demande d’annulation de l’enquête pour des erreurs de procédures. Le Vieux ne saurait avoir tous les vices. Même de forme ✹

la bakchich team Coordination du numéro : Fabrice Nicolino et Lucie Delaporte • Directeur de la publication : Xavier Monnier • Directeur de la rédaction : Nicolas Beau • Conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Pierre-Georges Grunenwald (édition), Cyril Da (Web) • Maquette : Émilie Parrod, Marjorie Guigue • Secrétaire de rédaction : Élodie Bui • Correction : Marie-Claire Vierling, Tatiana Weimer • Ont participé à ce numéro : Émile Borne, Louis Cabanes, Christophe Demay, Anne Giudicelli, Hélène Huteau, Anthony Lesme, Laurent Macabies, Nicolas Montard, Jean-Sébastien Mora, Simon Piel, Catherine Quignon, Anne Steiger, Anaëlle Verzaux , Clotilde Warin • Chroniqueur : Jacques Gaillard • Dessinateurs : Avoine, Bar, Baroug, Bauer, Besse, Biscotte, Decressac, Essi, Gil, Goubelle, Ray Clid, Khalid, Klub, Lacan, Large, Ludo, Magnat, Mor, Mutio, Nardo, Noël, Oliv’, Pakman, Pavel, PieR Gajewski, Presse Papier, Roy, Soulcié, Thiriet • Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121, rue de Charonne 75011 Paris • Téléphone : 01.40.09.13.25 CPPAP : 1114 C 90017 • ISSN : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France Offset Direction des ventes : Thierry Maniguet/tmaniguet@scpe.fr/01.70.39.71.05 Publicité : pub@bakchich.info Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

17


18

Bakchich Hebdo N째35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N째35

19


Le FEU aux paillotes

restauration Il y a onze ans, l’incendie de Chez Francis provoquait un tollé. Depuis, la loi autorise les établissements de plage temporaires, mais les patrons de ces affaires très lucratives la jugent trop restrictive. Situation électrique.

D

epuis l’incendie, en 1999, de la paillote Chez Francis par les gendarmes, sur ordre du préfet de Corse, Bernard Bonnet, la question des paillotes est un sujet brûlant. La législation accorde désormais des autorisations d’occupation temporaire des plages : les constructions montées au printemps doivent impérativement avoir disparu au 1er octobre. Des contrôleurs de la Délégation à la mer et au littoral sillonnent l’île de Beauté pour vérifier que la superficie des paillotes correspond bien à celle autorisée, que les matériaux utilisés sont bien temporaires (bois, paille, mais pas de béton) et que les constructions sont démontées à la bonne date. Mais, tous les ans, des récalcitrants finissent au tribunal administratif. « En Corse, les communes ne veulent pas prendre en main la gestion des paillotes, car il y a trop d’irrégularités. Elles préfèrent que l’État tente de gérer ces constructions édifiées sur le domaine public », confie un connaisseur du dossier. C’est de l’autre côté de la Méditerranée que la situation est la plus électrique. En ligne de mire, un décret datant de 2006, jugé « très restrictif » par les exploitants des établissements de plage (le terme « paillotes » fait bondir Jean-Claude Moreu, président de la Fédération nationale des plages restaurants, qui regroupe 1 500 exploitants). Ce décret impose en Face à la colère des exploitants, le secrétaire d’État au Tourisme, effet à ces restos d’être démontables et transportables, et de ne Hervé Novelli, a lancé, en 2008, une mission destinée à assoupas occuper plus de 20 % de la surface d’une plage. « Ce sont des plir le décret tant décrié. « Cette annonce a juste servi à nous critères courtelinesques, pas du tout adaptés à la façade méditercalmer un moment, mais, dans le nouveau texte, il n’y a rien qui ranéenne », tonne Jean-Claude Moreu, qui rapchange », déplore le patron de la Fédération des pelle le poids économique de ces établissements de plage. Or le décret de 2006, qui s’imFace aux patrons en colère, restos les pieds dans l’eau. À Ramatuelle, la plage de pose lors du renouvellement des concessions, le gouvernement promet Pampelonne compte 34 constructions de front va commencer à s’appliquer peu à peu sur de mer. Chiffre d’affaires en 2007 : 38,2 millions d’assouplir le décret décrié. tout le littoral. C’est déjà le cas à Nice. Et, dans d’euros. Et 832 emplois, dont 170 en CDI. Monquatre ans, ce sera au tour de Pampelonne, une tant de la redevance versée : 1,26 million d’euros. plage dans le golfe de Saint-Tropez sur laquelle Bref, un commerce qui profite à beaucoup. Un établissement aucune construction n’est jamais démontée. « Où stocker ces étapeut payer entre 10 000 et 100 000 euros à la ville. « Certaines comblissements qui, une fois démontés, occupent plus d’une dizaine de semi-remorques, dans une région où il n’y a pas de terrain munes entendent même maintenant nous faire payer au pourcendisponible ? » s’interroge, amer, Jean-Claude Moreu ✹ tage de notre chiffre d’affaires », s’étrangle Moreu.

Pavillon bleu L

a plage qui peut l’arborer est dite belle, propre, écolo. Illusions. Au départ, en 1983, le pavillon bleu concernait la qualité des eaux, mais on a, depuis, empilé quantité d’autres critères. Les infrastructures, les bacs à fleurs, l’accès pour les handicapés, et une cinquantaine d’autres. Pour la qualité de l’eau, il vaut mieux repasser, car les analyses sont faites sur la base de prélèvements… de la saison précédente. Impasse complète sur les orages, qui peuvent pourrir le littoral en deux heures, et bien sûr sur les dégazages ponctuels. Pour Sylvain Pastor, élu vert du Gard, « c’est un label de complaisance, obscur sur ses attributions, et qui ne prend pas en compte la biodiversité, la protection des espèces ou les effets d’un urbanisme ravageur, comme c’est le cas au Grau-du-Roi, où des associations ont demandé son retrait ».

label illégitime

Ils ne sont pas rares, les spécialistes écolos de tout poil qui allument le pavillon bleu. Les maires, eux, se l’arrachent. Cette année, Nice vient de l’emporter les doigts dans le nez. Tout content de l’afficher sur cinq de ses plages, Estrosi a – discrètement – financé la conférence de presse nationale 2010 du pavillon bleu. Coût : 9 200 euros de bon argent public, offerts à la puissante Fondation pour l’éducation à l’Europe (FEE), en charge du label et de

20

bien d’autres encore, qui cumule déjà subventions nationales, européennes, et donations privées, comme celles, entre autres, de Suez ou Veolia. À la plage, mieux vaut rester vague. Le pavillon bleu a forcément la confiance de Veolia – et vice versa. Au Maroc, par exemple, le label s’est développé sous la houlette de l’entreprise, qui se charge de l’assainissement, du contrôle, voire de la publicité. Limpide ✹

Phares

I

ls ne sont plus habités. Pendant des siècles, les phares des côtes de France ont été entretenus par des gardiens plus ou moins satisfaits de leur condition. Le « progrès » a en tout cas définitivement réglé leur sort, car un vaste programme d’automatisation, débuté en 1990, s’est achevé en 2004 par le dernier phare alors habité, celui de Kerléon, installé sur le rocher de Men Tensel – « pierre hargneuse » –, entre Ouessant et Molène. Le plus mythique des phares français est sans aucun doute celui d’Ar-Men, situé, depuis la pointe du Raz, de l’autre côté de la chaussée de l’île de Sein. Son histoire est déjà une épopée. Tout commence par un énième naufrage, dans la nuit du 23 au 24 septembre 1859. La frégate impériale Sané (nous sommes sous Napoléon III) provoque une énorme émotion. Encore !

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

Encore sur la chaussée de Sein ! La commission des phares est chargée de construire un feu permanent pour empêcher d’autres désastres. Ce sera, après beaucoup d’hésitations, ArMen, qui signifie « la pierre ».

automatisation

En 1865, l’ingénieur Paul Joly se rend sur place : « On ne peut songer à y faire un ouvrage en maçonnerie, les dimensions sont trop faibles. » Paris insiste et les travaux débutent en 1867. On commence par placer des barres de fer dans le granit, qui soutiendront la maçonnerie. Dantesque. Mais les premières pierres ne sont posées qu’en 1869, avec un ciment préparé à l’eau… de mer. Il faudra au total quatorze années de travaux avant la mise en service, en 1881. Surnommé « l’enfer des enfers » par les autres gardiens de phares, Ar-Men a été surveillé, entre 1959 et 1963, par JeanPierre Abraham, devenu écrivain. Il a tiré de son séjour un petit classique, Armen (éd. Le Tout sur le tout) ✹

Plages E

lles sont sales parce que les gens sont sales : papiers gras, sacs, bouteilles, mégots, canettes… Les associations qui effectuent un ramassage saisonnier ont sorti leur calculette : environ 100 kilos de déchets par kilomètre de sable ! Mais, soyons honnête : seulement 20 % des cochonneries sur le sable ont été abandonnées par le public. En fait, « 80 % arrivent par la mer », explique Olivier, de la Surfrider Foundation. Il y a d’abord ce que produit la navigation. Jusqu’à 3 milles des côtes, on a le droit de balancer par-dessus bord les déchets alimentaires broyés. Jusqu’à 12 milles, on peut tout rejeter, en dehors des objets en plastique, « ce qui autorise donc les canettes, qui, à terre, ne sont pas considérées comme pollution, mais comme nuisance visuelle », continue le responsable de l’association.

pcb, dtt, etc.

Mais « le gros des déchets qui s’échouent sur les côtes arrive en fait indirectement de la terre, via les fleuves », explique Olivier. Voilà comment une bouteille en plastique jetée d’un pont peut devenir votre voisine de plage. Et, à terme, vous pourrir la santé. Il y a peu, une nappe géante d’objets en plastique a été découverte en Atlantique nord. Avec le temps, la matière se fractionne en microparticules qu’ingèrent les poissons. Certaines microbilles fixent toute une série de polluants hydrophiles, comme le PCB ou le DTT. Miam ! Heureusement, sur les grandes plages familiales, les mairies précautionneuses passent l’éponge tous les matins. Des engins ramassent tous les détritus laissés la veille sur le rivage. Pas si terrible que ça, estiment les écolos, car les machines enlèvent aussi les dépôts organiques. « Ça ne gêne pas certains estivants, qui considèrent les algues ou le bois échoué comme une nuisance », constate une autre association. Et si la vraie pollution des plages était le tourisme de masse ? ✹


ports, les places sont très chères

bateaux Dans certaines régions, les plaisanciers doivent attendre jusqu’à trente ans pour obtenir une place ! Du coup, le système D se développe.

C

Pytiriasis versicolor

A

h, les Antilles ! Le soleil, l’eau turquoise… et les bananes au chlordécone. Près de la moitié des sols martiniquais et un cinquième des sols guadeloupéens sont empoisonnés par ce méchant pesticide. Et pour des siècles, car le chlordécone est d’une stabilité stupéfiante. Selon William Dab, président du conseil scientifique du Plan chlordécone, « 80 000 personnes habitent dans des zones contaminées et 13 000 absorbent chaque jour une quantité de chlordécone dépassant la valeur toxicologique de référence ». Traduction : ça craint. Et une étude publiée le 21 juin par le très sérieux Journal of Clinical Oncology confirme les pires craintes : « Le chlordécone est responsable d’un accroissement significatif du risque de cancers de la prostate, lequel représente 50 % de l’ensemble des cancers dépistés en Guadeloupe et à la Martinique. »

la faute aux békés

Comment dépolluer ? Personne ne le sait. Interdit en métropole depuis 1990, le chlordécone a été utilisé par dérogation en Guadeloupe et en Martinique, officiellement jusqu’en 1993, clandestinement jusqu’en… 2002, selon le Parisien. Selon certains, la faute en incombe au ministère de l’Agriculture. Pour d’autres, à l’instar du directeur du journal la Tribune des Antilles, Louis Boutin, si rien n’a été fait pour décontaminer les sols, c’est surtout la faute aux insatiables békés. Ces Blancs descendants des colons français détiennent 70 % de la filière d’exportation de la banane… ✹

Protecteurs

V

ous avez peut-être croisé sur les plages les bénévoles de la Surfrider Foundation. Créée en 1990, cette association a pour but « la défense, la sauvegarde, la mise en valeur et la gestion durable de l’océan, du littoral, des vagues et de la population qui en jouit ». C’est d’autant plus beau que ce réseau compte 1 000 bénévoles, 5 000 adhérents et une quarantaine d’antennes locales. Avec le temps, l’association a d’ailleurs acquis une incontestable expertise sur ces thèmes.

C’est le doux nom qui désigne la mycose la plus fréquemment attrapée sur nos belles plages. Les symptômes : éruption de taches marron sur le thorax, les épaules, le cou ou le dos, qui évoluent élégamment en taches blanches de dépigmentation. Dans la même famille, l’onychomycose n’est pas mal non plus, quoi que plus discrète. Elle se contente de colorer d’un jaune répugnant les ongles, tout en s’attaquant à leur structure. Autre joyeuseté à contracter sur le sable, la maladie dite « pied-main-bouche », due au virus coxsackie, qui parsème les trois parties concernées de boutons, chez les tout-petits. Une infection pas totalement étrangère à la pollution due aux déjections canines sur les plages. Tu l’as posé où, ton sandwich ? ✹ Reste qu’au sein même de Surfrider, certains s’interrogent sur les contradictions naissantes. Financée à 50 % par le partenariat et le mécénat – green-washing oblige –, Surfrider permet souvent aux grands groupes de s’acheter une caution environnementale. C’est le cas par exemple de la Lyonnaise des eaux, qui, en co-organisant avec Surfrider un triathlon à la mi-juillet à Paris, tentera de faire oublier qu’elle est une filiale de GDF Suez, classé parmi les cinq groupes les plus pollueurs du CAC 40. Bien entendu, les marques de surf sont aussi des partenaires privilégiés. Des mécènes concernés, là encore, de très loin par l’environnement.

inquante-quatre mille, c’est d’une place, il faut tout simplement… le nombre de demandes de acheter un bateau. « Le droit d’usage est en vigueur : on achète un bateau, places non satisfaites, selon il reste sur l’anneau, il a une place », la Fédération française des ports de plaisance (FFPP). Le chiffre explique Michel Meacci, de Marseille serait plutôt de 20 000, si l’on se fie aux accueil culture et traditions, l’une des douze associations qui « gèrent » les données de l’Union nationale d’associations de navigateurs, qui regroupe places du port. Pour Étienne Caputo, 55 000 plaisanciers. Du simple au double. directeur des ports de la communauté Cette situation ubuesque illustre bien urbaine de Marseille, « c’est une pratique illégale car on ne peut pas transla cacophonie de la gestion des places mettre le domaine public. La commudans les ports de plaisance. En France, nauté urbaine de Marseille a supprimé les 370 installations – parfois de simples le transfert d’usage ». Cette « loi » a en bouées – et les 180 ports de plaisance n’offrent de toute façon effet été édictée en 2007 pas assez de places au lors de la signature À Marseille, il n’existe mouillage. d’une convention de Les propriétaires de même pas de liste d’attente. cinq ans entre la ville et bateaux n’ont qu’à les associations. Mais le Tout se fait en sous-main. prendre leur mal en règlement de police n’a patience, car les délais pas encore été adopté. d’attente se chiffrent en années ! Ainsi « On ne veut pas faire ça brutalement », les plaisanciers doivent-ils mariner en explique-t-on à la communauté d’agglomération. Cette vente « anneau en moyenne cinq ans pour obtenir le droit main » profite bien à l’acheteur. Aucun d’amarrer leur bateau dans l’un des 50 plus grands ports français, selon un chiffre ne circule, mais ces ventes de classement établi par le magazine l’Exbateaux assurés d’avoir une place s’efpansion. Sauf à Quiberon, en Bretagne, fectuent très rapidement, et les prix où il leur faut patienter neuf ans. À Fossont souvent surévalués. Le Vieux sur-Mer ? Plus de dix ans. À la LondePort fait figure de dernier de la classe les-Maures, dans le Var, plus de dix-huit en matière de respect de la loi. Les ports ans. À Arcachon, trente ans ! Et même du Var, qui cédaient aussi à cette pratrente et un ans à Granville, dans la tique, y ont mis fin depuis peu. Manche… D’autres agissements tout aussi douteux Des solutions légales sont régulièresont monnaie courante dans les ports ment proposées pour pallier ce manque de plaisance. Un possesseur de bateau de places : quelques extensions de ports. amarré peut choisir, par exemple, de le « On ne peut pas étendre indéfiniment les vendre en parts. Il reste officiellement ports de plaisance, car on est confrontés propriétaire de son bateau s’il en détient aux contraintes littorales », rappelle au moins 51 %. En sous-main, le bateau Mathieu Guilloto, de la Fédération des peut être vendu à 100 %, selon un accord ports de plaisance. Des projets de ports amiable passé entre détenteur d’anneau sont à l’étude, comme celui, pas forcéet amoureux du grand large ! ment bienvenu, de Brétignolles-sur-Mer La situation reste de toute façon très en Vendée, qui menace directement tendue : la moitié des bateaux en France une réserve d’oiseaux migrateurs. Ou ne sont pas à flots mais sur remorque. encore le stockage des bateaux à terre, Sur le littoral méditerranéen, l’été, les une solution pas vraiment pratique queues formées par ces plaisanciers pour le plaisancier assidu… sans anneau mettant leur bateau à Mais la gestion de la pénurie passe surl’eau peuvent atteindre une centaine de tout par le système D. Au Vieux Port de personnes, et les forces de police sont Marseille, par exemple, il n’existe même parfois mobilisées pour gérer ce flux inattendu ! ✹ pas de liste d’attente. Pour bénéficier

surfrider, machine à com ?

Surfrider serait-elle devenue une grosse machine à communiquer et à rechercher des financements ? En tout cas, pour une partie des militants, ça ne passe plus. « Les dirigeants de l’asso viennent de SciencesPo et des grandes écoles, ils ont une culture institutionnelle, pas du tout environnementale, ni militante », regrette Marie-Laure, bénévole à l’antenne Pays basque. Ces dernières semaines, la découverte d’une pollution à Hendaye avait donné lieu à de vifs échanges entre les bénévoles et le siège de la structure. Pour les premiers, le QG parisien a préféré s’écraser pour ne pas se mettre en porte-à-faux avec la commune d’Hendaye, dont la responsabilité était pourtant criante ✹

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

21


S

i on appliquait les nouvelles normes européennes de 2015, 169 plages françaises seraient interdites à la baignade. C’est la conclusion d’une étude de l’association Surfrider, qui s’appuie sur les résultats des contrôles sanitaires officiels. Il n’y a pas le feu à la mer puisque 1 800 autres plages seraient en conformité, mais la crainte de l’association est de voir des mairies fermer des plages plutôt qu’investir dans la qualité des eaux. Comme ce fut le cas en Grande-Bretagne, où 500 plages ont été supprimées il y a dix ans. Dans son nouveau règlement, l’Europe contraint les pays membres à respecter des niveaux de qualité bactériologique deux à trois fois supérieurs à sa dernière directive, vieille de trentequatre ans.

Terrien, ingénieur sanitaire, se veut rassurant : « Les laboratoires sont obligatoirement agréés par le ministère de la Santé. » Sans doute, mais le mouvement est lancé, et les grands de l’eau, comme Veolia, Suez et Saur, proposent désormais leurs propres services de contrôle sanitaire. Depuis 2003, déjà, Veolia eau contrôle les eaux de baignade d’une centaine de collectivités ! Tout en s’occupant généralement de leurs stations d’épuration. C’est le cas par exemple à Cannes avec Suez. Voici venir les temps nouveaux : les principaux pollueurs potentiels chargés du contrôle de la qualité des eaux de baignade… Vous avez dit juge et partie ? ✹

labos privés

Ce n’est pas gagné. « D’ici à 2015, toutes les eaux de baignade ne seront pas de bonne qualité, prévoit Philippe Duchène, spécialiste de l’épuration des eaux au Cemagref, l’institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement. Mais les Espagnols et les Italiens seront derrière nous, c’est sûr. » Nous voilà rassurés. Pour un spécialiste de l’agence régionale de santé qui tient à son anonymat, les efforts de l’État et de l’Europe vont globalement dans le bon sens, mais le problème le plus inquiétant concerne le désengagement de l’État en matière de contrôle sanitaire. Aujourd’hui, ce dernier sous-traite les prélèvements des eaux de baignade mais aussi de consommation. Des laboratoires privés comme Carso ou IPL ont remporté de nombreux marchés. Hervé

Les carnets de Jacques Gaillard

Sur les marchés de Provence, quai du Port ou le long de la plage, ce stand est immanquable : « Produits corses », avec des noms qui sentent le maquis et la tête de Maure un peu partout. À des prix exorbitants, mais c’est, vous explique-t-on, la rançon de l’insularité. Et le coût de méthodes ancestrales pour saler et sécher ces cochons qui gambadent dans les sous-bois et se gavent de châtaignes avant d’être tirés à la chevrotine par les autochto nes, en récompense de leur liberté de bandits d’honneur. Hélas ! la totalité des cochons de l’île suffirait à peine à approvisionner pendant deux ou trois jours les fabriques de charcuterie corse… Car le troupeau est maigre et on le consomm e en famille, dans les villages, ou en réservant des morceaux de choix pour la parentèle du continent qui revient chaque été faire la sieste dans la casa en indivision. Donc, quelques usines de « transformation », surtout en Corse-du-Sud, traitent les tonnes de viande qui finiront en « produits corses ». Sur le port de Bastia, chaque matin, on peut voir débarquer des monceaux de carcasses de porcs généralement surgelées qui viennent du continent ou de pays où il serait surprenant qu’on les gave de châtaignes et de glands – la question est même de savoir avec quelle cochonnerie on a épaissi leur lard. Et de là tout part à la hachoir et à la saumure, pour revenir avec, écrit en tout petit, « élaboré (ou transformdécoupe, au é) en Corse » sur l’emballage. Quand il y a un emballage… Alors, bon appétit pour dévorer du prisuttu authentique né en Roumanie (35 à 50 euros le kilo, tout de même !), du lonzu de truie polonaise ou chinoise, de la coppa et du figatellu issus des porcheries industrielles bretonnes ou espagnoles. Pas forcément mauvais, et même parfois de bon goût – il y a du savoir-faire du côté de Sartène. Moins exotique, toutefois, que le saucisson d’âne : la bidoche de ces baudets vient d’Argentine, dit-on. Non mais vous croyez que les Corses laisseraient des touristes à l’accent pointu bouffer leurs (quelques) ânes ? ✹

22

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

Les scouts de M. l’abbé L’abbé Cottard, c’est du lourd. Ce cureton intégriste organisait des camps de voile accueillant de jeunes scouts bien-pensants de l’Association française de scouts et guides catholiques (AFSGC). Comme il prenait souvent des risques, il aimait à répéter : « Chaque fois que nous avons un problème, je dis aux enfants : “Nous allons demander à saint Joseph”, et le problème se résout immédiatement. » Mais pas le 22 juillet 1998. Ce jour-là, sept gosses embarquent sur une mer déchaînée à bord d’une petite Caravelle prévue pour six personnes. Aucun adulte n’est à bord. Le minuscule voilier devait atteindre Perros-Guirec à 15 heures, mais les vagues en décident autrement. Tout comme Cottard, qui ne prévient les secours qu’à 21 h 53. Quatre gamins se noient, ainsi qu’un plaisancier accouru à leur secours. L’enquête montre que Cottard faisait régner dans son camp de voile une discipline mili fana. D’autres incidents graves se sont produits les jours précédents, dont l’excellent abbé s’est contrefoutu. Condamné en 1999 à quatre ans de taule, dont dix-huit mois ferme, il est redevenu prêtre et officie en Indre-et-Loire. Les parents des enfants morts lui ont, paraît-il, soutenu le moral ✹

Radioactif

D

u mont Faron, on ne voit rien. Ou plutôt, on ne voit que la magnifique rade de Toulon. Ce point de vue sur la ville est époustouflant. En face : la presqu’île de Saint-Mandrier, le cap Sicié. À l’ouest, au loin, la baie de Bandol. À l’est, la presqu’île de Giens et, si on regarde bien, l’île de Porquerolles. Des lieux qui sentent bon le sable chaud. Tache grise dans le paysage : le port militaire. « L’arsenal », comme le nomment les Toulonnais, est le siège de la Force d’action navale. On y trouve les plus beaux bâtiments de la marine française – les sous-marins nucléaires d’attaque et le porte-avions Charles-de-Gaulle. Et beaucoup de ces joujoux utilisent le nucléaire comme moyen de propulsion. Sans parler des munitions… Nucléaire, le mot casse l’ambiance. Le centre d’information géographique du Var explique, dans une étude de mars 2001 : « Il n’y a pas eu en France d’accident nucléaire avec des conséquences immédiates pour la population. Toutefois, en raison d’activités nucléaires dans la base navale de Toulon, il existe un risque pour la commune. »

accident nucléaire à toulon ?

Trente-cinq villes sont officiellement incluses dans un « périmètre de sécurité », soit un cercle de 25 kilomètres autour de l’arsenal de Toulon. Mais chut ! Ce périmètre correspond à une zone exposée à un risque d’accident nucléaire grave pouvant survenir dans le port. Dans cette zone à forte densité de population figurent les plus belles plages du Var : Bandol, Hyères, Six-Fours. On imagine le tableau en cas d’alerte ! L’eau est claire ; la brise, fraîche. Le tout à proximité de centrales nucléaires flottantes qui fonctionnent au combustible militaire, bien plus enrichi que le civil ! En cas d’accident, ce serait tellement plus chic, côté radioactivité. Bronzez tranquilles : Hyères, Saint-Mandrier, Six-Fours et Toulon ont toutes décroché leur pavillon bleu, qui garantit « un environnement de qualité pour des communes balnéaires ». Plouf ✹

Saint-Ex O

ù donc est mort l’auteur du Petit Prince ? Aviateur de combat pendant la Seconde Guerre mondiale, il a disparu à jamais le 31 juillet 1944, à bord d’un Lockheed P-38 Lightning. Mais où ? Près de Carqueiranne (Var), où la mer a rejeté un corps resté anonyme ? Le 7 septembre 1998, un pêcheur a retrouvé la gourmette de l’écrivain près de l’archipel marseillais de Riou. Et, en 2000, des morceaux de son appareil sont récupérés au large de Marseille, ce qui semble régler la question. Horst Rippert, ancien de la Luftwaffe, assure avoir abattu l’avion de Saint-Ex audessus de la Méditerranée, et a déclaré : « Si j’avais su que c’était Saint-Exupéry, l’un de mes auteurs préférés, je ne l’aurais pas abattu. » Requiescat in pace ✹

sardines

E

lles sont passées par ici, mais elles ne repasseront peut-être pas de sitôt. Pendant des siècles, les sardines ont fait vivre un nombre impressionnant de ports de la façade atlantique. En 1717, Douarnenez comptait 300 chaloupes spécialisées. À la fin du XIXe siècle, toute l’économie littorale bretonne tournait autour de la sardine. Les bateaux sardiniers se comptaient par centaines, et les pêcheurs par milliers. L’euphorie.

poisson migrateur

Mais la sardine est une migratrice qui se moque des affaires humaines. Tantôt elle est partout, tantôt nulle part. Entre 1902 et 1909, elle disparaît à peu près totalement de nos côtes, plongeant des régions entières dans la dépression. On estime que, en 1898, 51 millions de tonnes de sardines ont été pêchées de Camaret jusqu’aux Sables-d’Olonne. Mais seulement 9 millions en 1903. Depuis, la sardine fait du yo-yo, et Douarnenez, autrefois premier port mondial pour la sardine, est une ville en déclin. La Bretagne ne pêche plus qu’environ 15 000 tonnes de sardines par an. Une misère ✹

C

«

RS, SS ! » Depuis Mai 68, dans toutes les manifs, on invente des slogans contre ces gros bras de la police taillés pour matraquer les agitateurs. Et que dites-vous de celui-ci : « CRS, en string » ? L’été, au côté des beaux gosses bénévoles de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer), une kyrielle de Robocops se transforment en sauveteurs des mers. Au total, 500 CRS détenteurs du brevet national de secourisme et d’athlétisme sont envoyés sur le littoral hexagonal. Un chiffre en baisse – rigueur oblige. Les CRS se battraient pour y aller : sauver des vies, quel beau métier ! En dépit des 60 euros par jour versés par les municipalités. Stéphane Battaglia en a fait l’expérience, quinze étés durant. « La plupart d’entre nous logions dans des caravanes. » Et que font les CRS en slip de bain ? « En Méditerranée, on soigne les piqûres, les brûlures de méduse et les déshydratations. C’est l’effet bobologie ! » ironise-t-il. En revanche, « en Atlantique, l’action de sauvetage est importante. Les nageurs du Sud-Ouest sont victimes des baïnes, ces courants très violents qui vous poussent vers le large. Là, on sauve des vies ». Comme quoi, tout arrive ! ✹


mode de vie Tous prônent la nudité, mais pas de la même façon – ils tiennent même à bien se différencier les uns des autres. Si le naturisme se vit comme une philosophie, les nudistes désirent tomber le slip sans contraintes. Restent les « à-poilistes », ces mateurs qui passent à l’acte en plein air.

Tout sur les tout-nus «

S

urtout, vous levez bien Le lendemain, nu en effet, nous renconla queue. » Cul nu, seins trons Max, 30 ans, membre de la Fédération française de naturisme (FNN) : nus, au domaine de la « Il existe une grande convivialité ici, car Sablière (Gard), Gaby, la soixantaine, accueille nous partageons les mêmes valeurs de toléle vacancier dans ce qui rance, d’humanisme, de respect de l’autre. » sera son bungalow pour la semaine. Pas Et les filles nues ? « On les regarde moins de malentendu, la « queue » n’est en fait que sur une plage classique. Une belle fille que la poignée de porte. « On se retrouve en string est sexy. Une belle fille nue est… belle. » Reste la question de l’érection non tous près du bar, lance Gaby. Ce soir, c’est couscous et karaoké. » Faut-il sortir dîner contrôlée. « C’est surtout le problème des nu ou habillé ? Le prospectus prévient : non-initiés et des adolescents », précise Max, « Lorsque le temps le permet, la nudité pour qui l’« on apprend progressivement à maîtriser son sexe ». Il y a vingt ans, l’érecest obligatoire sur tout le domaine de la Sablière. » La température atteint à peine tion était vécue par les naturistes comme les 20 °C : nous opterons une exultation naturelle pour un jean. Nous avons du corps. Aujourd’hui, Le naturisme pur et dur : bien fait car, ce soir-là, la elle n’est plus du tout contact avec la nature, centaine de tout-nus du acceptée et peut même domaine est habillée et douche glacée, méditation… signifier un renvoi. Les filles ont un autre souci : s’époumone sur Johnny ou Joe Dassin. leurs menstruations. Dans cette ambiance familiale, nous tenDans les années 70, elles exhibaient un tons quelques naïves allusions à ce qui slip noir pour signifier leur indisposition. nous amène : le cul. « Pour nous, le sexe Aujourd’hui, toutes les couleurs sont toléest personnel, lance d’emblée Gaby. On rées, à condition de ne pas porter la culotte n’en parle pas. » Pas de voyeurs ? « Non, pendant plus de cinq jours. répond-elle. On a un service de sécurité Les naturistes seraient-ils un peu coincés ? pour les éloigner. Parfois, ils se cachent sur Ils auraient en tout cas besoin d’un sérieux coup de jeune : « Le noyau dur de le massif d’en face avec des jumelles. Mais nous avons un taille-haie à l’accueil. Quand la FNN a plus de 50 ans de moyenne d’âge, on les surprend, on leur fait peur. » Vivre les analyse Max. Ce sont pour la plupart des fesses à l’air incite-t-il à une sexualité plus ultraconservateurs bloqués par la hantise d’être assimilés au nudisme. » Dans les expansive ? « Notre sexualité n’est pas franannées 30, la fédération prêchait même chement débridée, répond Gaby. Pourtant, nous buvons des litres de sarriette [plante l’idée que les naturistes étaient « parfaits » aphrodisiaque locale, ndlr], mais cela ne puisqu’ils ne buvaient pas, ne fumaient m’a jamais rien fait. » Et les échangistes ? pas, ne baisaient pas. À les entendre, ils « Des échangistes ici ? Jamais de la vie ! » étaient presque asexués ✹ s’indigne la patronne. Une furie vient interrompre la conversation, hurlant pour faire baisser la sono. Nudistes a la cool C’est Laurette, la cinquantaine, adepte de la Sablière depuis 1977. Une naturiste Sérignan-Plage, au cœur de l’Hérault. pure et dure : le contact avec la nature, le Jeux de ballon, châteaux de sable, pain noir au petit déjeuner, la méditation bronzette : l’ambiance est la même que et les douches glacées, été comme hiver. sur n’importe quelle plage… sauf qu’on Interrogée sur sa pratique de la nudité, y est nu. Chez les vrais naturistes, elle répond : « C’est très simple : le corps tatouages, chaînes et autres babioles qui des autres, nous ne le regardons pas. À pourraient attirer le regard sont interdits. force, nous ne le voyons plus. Vous verrez Ici, on est moins strict. On aperçoit quelques demain quand vous vous mettrez nu. » sexes épilés, voire des piercings dans le nez

les « a-poilistes » du cap-d’agde

R

ésumons. Les naturistes méprisent les nudistes, lesquels exècrent la tribu des « à-poilistes ». Ne pas confondre serviettes de bain et torchons. À en croire les nudistes, ces tout-nus particuliers sont un peu exhibitionnistes, beaucoup mateurs et franchement dégueulasses. Le Cap-d’Agde, où ils sont essentiellement concentrés, est le plus grand centre de tout-nus d’Europe. Avec ses énormes tours de béton en demi-cercle, ses trois centres commerciaux, sa bonne pincée de clubs échangistes et sa capacité d’accueil de 30 000 personnes, Le Cap n’a effectivement plus rien du camping baba cool créé il y a une quarantaine d’années. Les légendes sur le lieu fusent. On parle de partouzes sur les plages ou de gang-bangs dans les dunes. On dit aussi que des CRS et des flics à cheval parcourent régulièrement les plages pour distribuer des procès-verbaux – la peine encourue pour un flagrant délit de cochoncetés sur la voie publique étant d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende… « Jouer avec la police fait aussi partie du jeu et décuple le plaisir, explique Olivier, un voyeur habitué des lieux. Quand les festivités

commencent, nous sommes plusieurs à faire le guet pour prévenir d’éventuels gêneurs. » Sur le fameux spot échangiste du Cap, Jocelyne, 43 ans, et Claude, 39 ans, sont originaires de Cannes. Ils viennent ici depuis deux ans pour oublier leurs « soucis » : « C’est surtout les branleurs qui mettent une mauvaise ambiance, lance Jocelyne. J’ai testé, et il n’y a rien de pire que cinquante zozos pas très sexy avec leur b… à la main pour vous donner le cafard. » Et la police ? « Pour l’instant, elle nous laisse un peu tranquilles. »

partouzes sur la plage

En fin d’après-midi, vers 18 h 30, cette plage bien particulière devient effectivement une boîte à partouze grandeur nature où les couples s’adonnent à des jeux érotiques sans se cacher. Des grappes de voyeurs se déplacent silencieusement jusqu’à eux. Un couple entame ses réjouissances à même la mer. De l’eau jusqu’au nombril, un « promeneur » se masturbe à côté d’eux en faisant mine d’observer le large. Chauffés par ce before en plein air, Jocelyne et Claude décampent : il est grand temps d’aller se doucher avant d’attaquer les boîtes à partouzes… les vraies ✹

ou à l’arcade sourcilière. Victor, 32 ans, originaire de Lyon, est nudiste à Sérignan depuis cinq ans : « J’aime pouvoir me dénuder quand je veux, où je veux, sans pour autant m’encombrer de l’idéal naturiste. Pas question pour moi d’être enfermé dans un camp, nu du matin au soir, ou de faire de la méditation transcendantale. Je veux tout simplement éviter la trace du maillot, sentir le soleil sur mon corps. » Ici, les gens s’exhibent et s’observent beaucoup moins que sur une plage classique. Reste que la délimitation entre plages « natu » et « texti » est très floue. Du coup, les nudistes ne sont jamais à l’abri d’un joggeur-promeneur voyeur : « Le pire, c’est le vicieux qui se fige en mer », explique Jean-Guy, responsable du camping SérignanPlage, agréé par la Fédération française de naturisme. « Il a de l’eau jusqu’au nombril et se caresse gentiment le sexe en matant la plage. En général, il se fait vite jeter par les papas et mamans Natu » ✹

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

23


paris coule-t-il ?

24

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N째35

25


trivial pursuit

L

es baigneurs des côtes basque et landaise le savent bien, on retrouve en permanence des déchets sur les plages. Bidons et bouteilles en plastique, palettes de bois, résidus industriels ou préservatifs usagés… la nature des déchets varie mais obéit parfois à des tendances. Ainsi les côtes ont-elles eu à essuyer les rejets gluants du Prestige, échoué en Galice. En 2004, ce ne sont plus des plaques de fioul qui s’échouaient sur le sable mais une « marée blanche », avec l’arrivée massive de paquets de cocaïne d’un kilo. Aujourd’hui, le nouveau phénomène « déchet » préoccupe beaucoup moins la police que les surfeurs et les baigneurs. Depuis plus d’un an, des millions de rondelles de plastique ont fait leur apparition sur le sable. Appelées aussi « camemberts plastiques », comme les pions du Trivial Pursuit, on les retrouve coincées dans les rochers ou dans la végétation. Facilement reconnaissables, elles sont mêlées à la laisse. Depuis l’automne 2009, on sait qu’il s’agit de « médias filtrants » utilisés dans le trai-

tement des eaux usées par les stations d’épuration municipales, l’industrie agroalimentaire, la pisciculture et certains paquebots de croisière. L’été dernier, des millions de pièces s’étaient échappées d’une entreprise installée au Guipuzkoa, le Pays basque espagnol. Nouvel épisode, le 11 février 2010 à Corbeil-Essonnes, quand 500 à 800 mètres cubes de médias filtrants étaient sortis d’une station d’épuration, pour rejoindre la Seine puis les plages d’Honfleur le 25 avril.

camemberts plastiques

Dans les centrales d’épuration, les médias filtrants flottent et servent de support à des bactéries épuratrices. Les camemberts sont ainsi introduits en très grande quantité, mais le nombre impressionnant de médias retrouvés sur toutes les plages atlantiques ne peut s’expliquer uniquement par des accidents isolés. Une fois de plus, la technologie et le souci de la protection de l’environnement vivent un paradoxe : les roulettes de plastique utilisées pour purifier les eaux usées terminent leur vie à l’état de déchet sur les plages. Progrès, quand tu nous tiens ! ✹

Les trésors de tatihou

histoire En 1692, pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, la flotte française perd la bataille navale de La Hougue contre une armada anglo-hollandaise. Douze vaisseaux coulent. Leurs épaves recèlent des pièces magnifiques.

L

a bataille navale de La Hougue reste en travers de la Hougue, où il se croit à l’abri. Mais les perfides Anglais y pénègorge. Ne jamais se fier aux Anglais ! Tout le monde se trent, le 2 juin, à bord de canots à partir desquels ils envoient souvient de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, n’estdes brûlots et des explosifs sur nos malheureux navires de ce pas ? Les Anglais sont les alliés des Hollandais, qui guerre. ne valent guère mieux, et notre valeureuse flotte est conduite C’est horrible, c’est monstrueux, et 12 vaisseaux bien de chez par l’amiral Tourville. En 1692, après des années d’étripage, nous sont purement et simplement incendiés avant de couler. la France est enfin proche de la victoire. Louis XIV, qui veut La bataille consacre la suprématie anglaise sur les mers jusplacer sur le trône d’Angleterre son cousin Jacques II, s’apqu’à… la Seconde Guerre mondiale. prête à débarquer 20 000 hommes sur les côtes Mais à quelque chose, malheur est bon. Penanglaises. Encore faut-il que Tourville puisse dant des décennies, les populations côtières Autour de l’île de Tatihou, tenir tête à l’armada anglo-hollandaise qui récupèrent du fer et du bois sur les navires règne sur la Manche. dans la Manche, gisent des français naufragés. Redécouvertes en 1985 par Le 29 mai, notre flotte est en route vers La plongeurs, leurs épaves recèlent encore des navires de guerre français. des Hougue, près du port de Saint-Vaast-la-Hougue, trésors archéologiques, notamment celles qui où elle doit embarquer l’armée d’invasion de reposent par le fond autour de l’île de Tatihou, Jacques II. Mais ces traîtres d’Anglo-Hollandais sont déjà à en face de Saint-Vaast. Barfleur, avec 99 bateaux et 7 100 canons, quand Tourville ne Le musée de Tatihou abrite désormais des centaines de pièces peut aligner que 44 vaisseaux et 3 100 canons. En somme, ça de la vie quotidienne des marins du XVIIe siècle : aussi bien des craint. chaussures en cuir que des poulies en bronze, aussi bien des Après une première bataille indécise, confuse, sans gros flacons de parfum que des canons, aussi bien des peignes que de la vaisselle en verre ou en étain, réservée aux officiers ✹ désastre en tout cas, Tourville va se réfugier dans la rade de La

C

elui de Méditerranée est en train de mourir. Trop de pêcheurs veulent leur part du gâteau, dont une poignée de thoniers senneurs basés à Sète. Ce sont des gros durs, embarqués à bord de bateaux ultramodernes, qui traquent le poisson par GPS. Ils sont cousus d’or et n’arrêteront que quand la mer sera vide. Les prises partent directement au Japon, où elles rapportent des fortunes. Sur le marché tokyoïte de Tsukiji, un thon de 128 kilos a été vendu 75 000 euros l’an passé. Et le record est de 160 000 euros ! Bon app’ ✹

Trempette L

es vacances à la mer ont une histoire. Pendant des millénaires, les hommes ne savaient pas qu’on pouvait jouer au foot ou sauter dans l’eau avec une bouée à tête de canard. Difficile à croire, mais vrai. En France, la mode des bains de mer a été lancée vers 1820 du côté de Dieppe par des aristocrates comme le prince de Galles, venus à la demande de leur médecin pour guérir leurs maladies. L’air iodé, pensaiton, pouvait contribuer à soigner la tuberculose, maladie alors mortelle.

bienfaits de la mer

Jusqu’à cette époque, en tout cas, la mer fait peur. Elle est le lieu des naufrages et de l’immensité, propice à toutes les noyades. Couverts de la tête aux pieds, hésitant à sauter dans l’eau, les aristos, souvent anglais, vont pourtant lancer un mouvement qui ne s’arrêtera plus. Parallèlement, le romantisme naissant modifie la perception que les Français ont de la mer. De menaçante, elle devient attirante. Corot découvre Trouville, Paul Signac, Saint-Tropez, Victor Hugo, Biarritz. Un autre facteur change peu à peu la donne : l’irruption du chemin de fer. Le train conduit des milliers de voyageurs dans des lieux totalement neufs. C’est le cas de la ville d’hiver d’Arcachon, cité nouvelle « inventée » au XIXe siècle par le chemin de fer. Conçue comme une sorte de petite Suisse par les frères Pereire, propriétaires de la ligne Bordeaux-La TesteArcachon, elle a beaucoup perdu de son lustre passé. Mais elle est toujours là ✹

26

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


week-end

à La grande-motte tourisme En 1968, dans l’Hérault, La Grande-Motte est créée de toutes pièces en un temps record. Une station balnéaire artificielle où le béton prédomine.

ubuesque

R

ien n’est trop beau pour la plage de Saint-Jean-de-Luz, la ville de Michèle Alliot-Marie. Alors que, dans le coin, comme à Guéthary, Anglet ou Bidart, les plages sont plutôt granuleuses, la ville a décidé de s’offrir du sable fin, quitte à perdre beaucoup d’énergie et un peu d’argent. En tout cas, pas question de subir les diktats de la nature, ce serait bien trop vulgaire pour la ministre. Pensez ! Les tempêtes d’hiver et les courants arrachent sans cesse les moindres particules de sable des plages basques, pour les déposer plus au nord, où elles grossissent les dunes landaises, dont celle du Pilat. Il fallait donc réagir et récupérer de gré ou de force le sable envolé. Coûte que coûte.

la mairie rachète le sable !

Pendant une quinzaine d’années, la Ville a ainsi acheté du sable à la commune landaise de Capbreton. Payé 30 euros le mètre cube, le sable était acheminé par camion pour un total de 100 000 euros annuel. Depuis deux ans, l’opération ne coûte plus que 75 000 euros à Saint-Jean car le sable n’est plus dragué dans le port landais mais directement prélevé sur la plage. Super, non ? Un tapis roulant perpétuel et ubuesque où les grues et les camions recueillent ce que l’océan arrache et ramène. Et où la ville casse sa tirelire pour racheter ce qui, perpétuellement, lui échappe. Encore bravo, madame Michèle ! ✹

A

C

réée ex-nihilo en 1968, La Grande-Motte comprend 70 % d’espaces Grande-Motte est d’abord une naturels et offre aux touristes la possiarme de guerre touristique. Il bilité de sillonner toute la ville à vélo ou s’agit alors de stopper la fuite à pied, à l’ombre des pins. Mais, vu de la en Espagne de millions de vacanciers mer, c’est surtout le béton qui domine qui emportent avec eux de précieuses et fait hurler les écologistes. Et la folie des grandeurs continue : devises. Là où il n’y avait que du sable, la mer, des oiseaux, en 2008, le député de la mission Racine – la circonscription, Un port de plaisance, chargée de développer l’UMP – tendance Vildes campings, un casino, le littoral méditerralepin – Jean-Pierre néen – fait pousser en Grand, avoue planet des immeubles… un temps record un cher sur un projet de port de plaisance, des presqu’île comprenant campings, un casino et surtout ces quinze immeubles et un port pouvant fameux immeubles en forme de pyraaccueillir de gros yachts afin d’attirer mide. Son architecte, Jean Balladur, des vacanciers haut de gamme. Une idée le cousin d’Édouard, s’est directement qui a révulsé jusqu’au maire Stéphan Rossignol, UMP lui aussi : « La Grandeinspiré des pyramides de Teotihuacan, Motte n’a rien à voir avec Dubaï ! » au Mexique. Sublime. Le concept urbanistique est très étudié : Jamais sortie des cartons, cette proau levant, la ville « mâle », les pyraposition était une « lubie », confiemides. Au couchant, la partie féminine, t-on aujourd’hui à la mairie. Le résultat des bâtiments aux formes arrondies actuel n’est déjà pas si mal à condition appelés « les conques de Vénus ». Sans d’aimer la pierre et la foule : cette ville rire : de Vénus. Jean est un poète. Préde 8 600 habitants accueille 110 000 touristes l’été. Qui dit mieux ? ✹ sentée comme une « station verte », La

mateurs de surf, plus besoin d’aller à Biarritz pour trouver un spot, c’est maintenant possible sur le lac d’Annecy. Nul besoin non plus de poireauter cent sept ans pour guetter un soulèvement des Alpes qui créerait un tsunami lacustre. Voilà trois ans que des fondus ont introduit le wakesurf sur le joyau des lacs savoyards, où ils organisent des compétitions fun et un brin bling-bling. Le principe ? Un bateau au moteur surpuissant et au cul bien lesté crée un sillon profond sur lequel virevoltent les adeptes du surf d’eau douce. Dérivé ultime du wakeboard, sorte de ski nautique pratiqué avec un surf accroché aux pieds – bien heureux celui qui parvient à sortir de l’eau lorsque le pilote vous arrache les bras –, ce loisir provoque bien des remous. Notamment chez les amis des oiseaux, les pêcheurs du dimanche ou les professionnels qui fournissent les restos du coin en petite friture, ombles-chevaliers, féras et autres lavarets. Une pétition est même remontée jusqu’à Sarkozy, en vain. Comme l’a dit le Président, l’écologie, ça va un moment.

Les carnets de Jacques Ga

illard

Naguère, ça commençait comme ça : à 16 ans, ils persuadaient pèr de les laisser partir pour la e et mère me Alors, c’était le train, parfois r entre potes. avec la mer au bout, et la la mobylette, pet la canadienne, la guitoune, ite tente, les lampes de poche et que le camping-gaz, lques billets pour tenir trois semaines. La a longtemps commencé au liberté camping de la Plage. Ou des Grands Pins, du Phare, des Girelles. Sous deux mè tre de toile, avec ces putain de s carrés moustiques, et les filles un peu trop sag es qu’ils draguaient dès les bacs à vai Désormais, le camping n’e sselle. st de tentes. Au camping de plus une affaire la Plage, cette année, il y a 140 mobil-hom rang d’oignons entre leurs es alignés en deux mûriersplatanes réglementaires, ave pour l’apéro, une balustrad c la terrasse e le chien et même un paillas pour attacher son pour se sentir chez soi. Il reste enc ore 30 caravanes, des habitués séniles dans leu aménagé d’année en ann r enclos ée, avec ou sans nains de jardin – mais ils se dépassés. Et une pincée de sentent camping-cars échoués là parce que, fina lement, rouler, c’est fatigant. Le propre d’un mobil-hom e, jamais mobile. Disons-le car c’est qu’il n’est le contournement cynique rément : c’est du construire, approuvé par une permis de qui leur suppose des roues administration et que ces hideuses bicoques feint de croire de plastique, filles indignes du container et de chantier, pourront un jou de la baraque s’ébrouer et partir à l’avent r, subitement, ure un camion complaisant. No , traînées par n : ils pourriront là, les sweet mobil-homes, qu’il faut retenir un an à l’avance pour jou ir en août de leur bidet, de leur télé, de leur bac et profiter de la clim comme à glaçons, Pour les tentes, les canadi à la maison. ennes, les guitounes, voyez près des il reste peut-être de quoi en poubelles, Sinon, les jeunes, cassez-vo caser quatre. us toiles de fauchés et vos piq avec vos uets qui font trébucher les vieux et revene pourrez vous payer du sol z quand vous ide pétards, du Ricard, sinon . Ici, pas de rien ! ✹ adeptes à signer une charte de bonne conduite. Petit détail, le wakesurf est interdit au large d’Annecy-le-Vieux, commune dont est maire le brillant Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. Surfer sur la vague, oui, mais si elle se tient à distance… ✹

fun et bling-bling

Pas question de priver les très UMP et déjà richissimes communes riveraines du lac d’Annecy de retombées supplémentaires. Loin d’interdire le wakesurf, le préfet a donc pondu, à la mi-juin, un arrêté légalisant c e t t e « a c t i vité ludique et pourvoyeuse d’emplois », agrémentant son autorisation de quelques restrictions et incitant les

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

27


La pêche aux yachts rapporte gros

marlous Le petit monde du yachting n’est pas aussi tranquille que vous le croyez ! Il y a les voleurs de ces joujoux. Et puis il y a les mauvaises rencontres que l’on fait. La pègre marseillaise, par exemple. Prudence !

A

mis millionnaires, camarades milliardaires, yachting. Un malheur est si vite arrivé. Par exemple, à gare à vos joujoux ! Accessoires de plage aussi ce pauvre Alexandre Rodriguez, l’héritier du Rodriguez indispensables pour le riche plaisancier que Group, numéro un mondial du yachting de luxe. Insle jeu de boules pour l’humble vacancier, les tallé à Cannes, Rodriguez est le spécialiste des bateaux à 20 millions d’euros pièce. Horreur, au début de juin, yachts provoquent parfois de menus désagréments. Pullulant dans les eaux méditerranéennes l’héritier a vu débarquer sur son en plein été – sans doute la période de Atlas une escouade de flics venus Bien garer son engin reproduction –, ces monstres des mers pêcher le marlou. Dans les sont en effet sauvagement chassés… filets des poulets, quelques ne suffit pas toujours À l’instar du Beru Ma, propriété du gros poissons. Les frères à éviter les embrouilles. gourou de la banque d’affaires Lazard, Campanella, Gérald Bruno Roger, par ailleurs pote de et Michel, accomChirac et soutien de Sarko Ier. Et principal acteur d’un pagnés de Bernard Barresi, imbroglio diplomatico-judiciaire entre la France et la mythique figure de la pègre Tunisie. Un épisode raconté aux tout premiers temps marseillaise, recherché depuis 1994. Quoi ? Rodride Bakchich, à l’été 2006. Ou comment le neveu préféré de Leila Trabelsi, la guez aurait copiné avec régente de Carthage et néanmoins épouse du présila crème du milieu marseillais ? C’était à dent Ben Ali, s’est pris d’affection pour un yacht qui mouille aux abords de Bonifacio. Dérobé en mai, le l’insu de mon plein bateau baigne ensuite dans les eaux de Sidi Bou Saïd, gré ! plaide l’héritier où Imed Trabelsi joue les skippers du dimanche. Après en garde à vue. En une longue enquête sur un réseau de chapardeurs offitout cas, en pleine ciant sur les côtes méditerranéenne et corse, la justice avant-saison toufrançaise décerne à Imed son brevet de pilote. Sous r i s t i q u e, c ’ e s t la forme d’un mandat d’arrêt international daté du mauvais pour le 3 mars 2007. Également visé, un autre neveu de Leila, business : le cours de le trop méconnu Moaz. Non pour un, mais pour trois l’action est suspendu. bateaux. Avant le Beru Ma, le Blue Dolphin IV, dérobé Que dire alors de ces filiales du Rodriguez à Cannes, et le Nando, escamoté du côté du Lavandou, Group qui avaient pour habitude de s’étaient retrouvés sur les côtes tunisiennes. Bref, un frayer avec des marchands d’armes joli réseau international de vol de bateaux, chapeauté (Adnan Khashoggi ou Akram par les héritiers Trabelsi. Ojjeh), des amoureux du pétrole D’une visite de Sarko Ier à Tunis en arrangements sous (André Tarallo) ou des démole jasmin, l’affaire a été gentiment vidée de sa substance crates africains convaincus (Omar Bongo) ? Face au diplomatique. Le navire fut restitué, et les neveux présidentiels laissés à disposition de la justice tunisienne, juge, Rodriguez, qui a qui les lava de tout soupçon. Quand les complices pourtant engagé l’un français, eux, furent condamnés, en octobre 2009, par des Campanella le tribunal d’Ajaccio à des peines allant jusqu’à deux comme coach perans de prison ferme. « Un naufrage judiciaire », jugea à sonnel, a prétendu l’époque Corse-Matin, quotidien pourtant habitué aux avoir péché par brasses coulées. naïveté. Il est touMais bien garer son engin ne suffit pas toujours à éviter jours incarcéré. Les marins les embrouilles. Méfiance ! fortunés vacanciers : on fait ne voient-ils jamais venir les requins ? ✹ parfois de drôles de rencontres dans le petit milieu du

xyn th i a

E

n février dernier, la tempête Xynthia a coupé l’île de Ré en trois îlots. Cherchez l’erreur : seules une vingtaine de maisons sont condamnées et actuellement en cours de rachat par l’État. Les zones noires – où le danger est maximal – ne concernent que deux communes, La Flotte et Loix, alors que « 100 hectares ont reçu entre 80 cm et un mètre d’eau, inondant neuf communes », affirme Léon Gendre, maire de La Flotte. Bien entendu, aucun rapport avec la présence sur Ré de tant de pipoles et de gens fortunés.

les mystères de l’île de ré

Dans le nord de l’île, là où les risques d’inondation sont le plus forts, l’administration a « oublié » de colorier les cartes en noir, voire en jaune. Le jaune signale un risque réel pouvant être maîtrisé au moyen de protections. Aucune villa ne sera détruite à Portes-en-Ré, là où les propriétés se négocient entre 3 et 12 millions d’euros. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre.

28

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

D’autres élus charentais et vendéens se sentent, eux aussi, floués, et les associations de riverains qui contestent le classement officiel ont visiblement du mal à obtenir les documents d’expertise qui justifient les décisions prises. Puisque ces mystères nous dépassent… ✹


autopromo

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N째35

29


jeux un peu de culture

9. Antoine Blondin, l’auteur de Monsieur Jadis et du Singe en hiver et qui vivait cantonné dans son petit coin de la rue du Bac, à Paris, affirmait ne « franchir le boulevard Saint-Germain » que : A. Pour aller voir sa mère B. Pour aller au cimetière C. Pour aller à Tokyo

10. L’auteur de ce quizz aléatoire est : A. Un gros cuistre B. Un ignorant C. Un bon client pour une encyclopédie Réponse : Les trois réponses sont acceptées.

Réponse : C, les destinataires étant censés habiter « en ville ».

30

8. Sur leurs plus célèbres parcours de golf, nos amis britanniques réservent un accueil particulier aux femmes. Ainsi, leurs plateformes de départ sont : A. Plates et bien tondues B. Recouvertes d’un tapis de jute C. Il n’y a pas de plateformes pour les femmes

Réponse : C. Avant la construction de Roissy, pour aller au Japon, il fallait se rendre à Orly et, donc, franchir le boulevard Saint-Germain.

Réponse : A et B. L’expression « de concert » a pour origine le fait de se « concerter » en agissant. La seconde est issue de la légende marine. Au XVIIe siècle, les vaisseaux se regroupaient pour naviguer ensemble et « conserver » leur intégrité. D’autres sources affirment que ce « de conserve » vient de la coutume d’arrimer à un bout un petit bateau contenant les conserves pour le voyage. 5. Les lettres E.V. que les gens courtois inscrivent en haut et à droite d’une enveloppe qu’ils déposent à l’intention d’un correspondant signifient : A. Enveloppe vue B. Enveloppe vérifiée C. En ville

7. Le merveilleux Bernard-Henri Lévy a vivement protesté contre la prolongation du contrat liant Frédéric Taddeï à France Télévisions, au prétexte qu’il invite à son émission, Ce soir ou jamais, trop d’« antisémites ». Le contrat de Taddeï a été renouvelé jusqu’en : A. 2011 B. 2013 C. 2014

Réponse : C. Totalement misogynes, les grands parcours anglais refusent les femmes, qui ont aussi l’interdiction de pénétrer au club house.

Réponse : C. Ce n’est que dix-huit ans après sa sortie de prison, et bien qu’il ait dirigé l’Afrique du Sud pendant cinq ans, que ces paranoïaques ont supprimé le nom du grand Nelson de leurs ordinateurs. 4. Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, Roux et Combaluzier, Dupont et Dupond. On sait que ces êtres, si proches, ont pour habitude d’agir en commun. On peut dire de ceux-là qu’ils marchent : A. De conserve B. De concert C. Au pas

6c. Le véritable nom de Gracq était : A. Marcel Subileau B. André Jolivet C. Louis Poirier

Bakchich Hebdo N°35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010

Réponses : La mouette, le raccord sur la machine à laver, le goulot de bouteille manquant, la cheminée, l’os, le soleil et la ligne blanche du maillot.

Réponse  : C. 3. Héros de l’histoire de l’humanité, le marxiste Nelson Mandela a été libéré des geôles sud-africaines en 1990. Son nom a été effacé de la liste des terroristes et autres « rouges » tenue par l’administration américaine : A. En 1993 B. En 1996 C. En 2008

6b. Et Gracq a obtenu un grand prix littéraire : A. Le Goncourt B. Le prix de l’Académie C. Le Nobel

Réponse : Aucune. BHL, comme toujours, a raconté n’importe quoi. Il a confondu le contrat signé en Italie entre le footballeur Rodrigo Taddei et le club de l’AS Roma avec la situation de Frédéric Taddeï. Le journaliste n’a aucun contrat de longue durée qui le lie au service public !

Réponse : A et B. Nous sommes ici au cœur d’une querelle. D’un côté, les tenants de la métaphore maritime. Pour eux, à son plus haut, la marée « bat son plein ». Donc, les marées « battent leur plein ». En face, les tenants de la métaphore musicale. Où le tambour « bat son plein » et donc les tambours « battent son plein », puisque nous sommes dans le « son » de la sonorité et non du possessif. 2. Alphonse Allais, peu avare de mensonges, prétendait détenir les records du monde du millimètre, avec 1/17 000 de seconde « sans entraîneur et sur piste », alors que sa performance sur route était, selon lui, de 1/14 000. L’humoriste prétendait « s’entraîner quatorze heures par jour ». Allais décrit ses exploits dans : A. Les Prodiges du cycle amen B. Le Millimètre et le Néant C. Les Confessions d’un enfant du cycle

6a. L’écrivain Julien Gracq, ancien élève de l’École normale, rue d’Ulm, a enseigné dans différents lycées jusqu’à sa retraite. Il était professeur de : A. Français B. Histoire C. Géographie

Réponses : C, A et C. Louis Poirier, dit Julien Gracq, a enseigné la géographie. Il a obtenu le Goncourt, qu’il a vertement refusé.

1. La programmation des festivals atteint actuellement son apogée. On pourrait dire que les festivals : A. Battent leur plein ? B. Battent son plein ?

1) Français Vous apprenez que votre beau-frère, que vous détestez, a, lui, loué pour 300 euros seulement par semaine un luxueux manoir dans la Creuse avec piscine sans méduses, Canal + et pas le moindre moustique. Rédigez vos impressions (surtout s’il a beaucoup plu à Loctudy cette année). 2) Biologie Que fait-on des souris intoxiquées par les huîtres pas bonnes ? Et si oui, combien ? 3) Calcul Combien aurez-vous dépensé en parking cette année ? Comptez les contraventions. Ne trichez pas. Désolé. 4) Économie Comparez le prix de huit bolées de cidre à la crêperie Ty Coz et celui d’un margaux 2005 de milieu de gamme à la maison. 5) Philosophie « Il y a des gens pour qui la mer n’est que de l’eau. » (J.-B. Botul, Bouts de fragments) Commentez et discutez. 6) Physique Calculez l’indice de viscosité d’un kouign amann à l’huile de palme hydrogénée. Cela peut aider le chirurgien. 7) Histoire-géo Le mot « toilettes » n’existe dans notre langue que depuis 1945. Où allait-on pisser avant ? 8) Gymnastique Marchez sur un oursin et ôtez les épines vous-même.


jeux Dis-moi quelles vacances tu aimes, je te dirai qui tu es…

4. Comment bronzez-vous ? Bof… je suis bronzé toute l’année Façon cycliste du Tour de France Avec tous ces UV, c’est trop dangereux Je bronze plus pour peler plus 5. Faut-il interdire le string à la plage ? Oui, la République est menacée ! Ça va pas, non ?

r é b u s

7. Que lisez-vous en vacances ? Bakchich Hebdo Bakchich Hebdo Bakchich Hebdo Bakchich Hebdo 8. Qu’emportez-vous cette année ? L’iPad 32 Go, connexion illimitée, une tuerie Ma Rolex, achetée pour mes 49 ans Des tongs en plastique recyclé Une bombe lacrymogène 9. Pour vous, les vacances, c’est : L’enfer des autres L’héritage de juin 36 La faute aux 35 heures Plus de pollution 10. la chanson de vos vacances ?

VOTRE PROFIL

11. La pire galère des vacances ? La caravane fait trois tonneaux Les piqûres de moustiques et de méduses Le Porsche Cayenne embarqué à la fourrière Quinze jours avec belle-maman 12. « Il me semble que la misère… » «… la misère, quelle misère ? » «… est la même où que l’on soit » «… c’est mal : le Smic à 4 000 euros ! » «… serait moins pénible au soleil »

Bling-bling tendance UMP. Les ennuis de M. Woerth ? Un coup monté de la presse socialo-fasciste ! Les vacances toujours plus chères ? On n’a que ce qu’on mérite – déjà qu’il y a les congés payés… Non, mais. Gauche tarama, tendance bobo parisien. Un rien populo, un poil chicos, vous vous mélangez… un peu, mais pas trop. Faut pas abuser quand même, quoi. Écolo enragé, Nicolas Hulot-compatible. La Terre court à sa perte, à cause de la pollution humaine. Du coup, vous boycottez les plages françaises. Vous partirez plutôt en décembre au Chili, en mai au Vietnam… Quoi, quel bilan carbone ?

13. Les vacances, c’est fini… … mince, retour à l’usine … bah non, je suis chômeur … bah non, je suis rentier … vivement l’année prochaine !

Gaucho-révolutionnaire. Le grand soir, c’est pour demain, et le peuple, c’est vous. Marre de ces abus, marre de ces politiques, marre de ce pouvoir, mare aux canards… Une grosse envie de couper des têtes vous démange.

14. Que pensez-vous de ce test ? Super, j’ai adoré J’ai rien compris Oui, tout à fait Complètement débile

Trouvez qui se cache derrière la photo-mystère A

B

C

D

Pendant la canicule de l’été 2003, qui avait fait 15 000 morts en France, que conseillait Roselyne Bachelot, ministre de l’Écologie ? A. « Faites un effort, garez votre voiture à l’ombre. » B. « Vous n’avez qu’à vous faire construire une piscine. » C. « N’hésitez pas à vous faire vacciner contre la chaleur. » D. « Évitez d’être trop chaleureux avec les vieux. » Réponses : 1. L’été indien • 2. l’année des méduses • 3. homard mayonnaise

3. où déjeunez-vous sur la plage ? Les frites mayo de la baraque de plage J’opte pour la glacière tout équipée Manger sur la plage ? Vous n’y pensez pas ! Une salade de légumes bio

6. Qu’y a-t-il sous la plage ? Cette question m’angoisse Les pavés Du sable Rien

Tout nu et tout bronzé Les Sunlights des tropiques L’Internationale La Marseillaise

Réponse : « Faites un effort, garez votre voiture à l’ombre. »

2. Quel véhicule utilisez-vous pour le bord de mer ? Le yacht de mon ami Vincent B. Un pédalo Un Vélib’ Des rollers : sur le sable, c’est top

Pas s’il y a une burqa dessus Peu importe, je suis naturiste

A. Martine Aubry B. Rachida Dati C. Carla Bruni D. Ségolène Royal

1. Quelle est votre plage de prédilection ? Cuba Paris plages, comme son nom l’indique La plage du Palm Beach, à Cannes Une crique perdue

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | Bakchich Hebdo N°35

31


32

Bakchich Hebdo N째35 | du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.