5 1 0 2 e r b m e v o N 28 e l e u q s o i k n E
Décembre 2015 - Janvier 2016
3 ÉDITO
8 TRIBUNE Christian Carde
21 - L’HOMME DE L’ANNÉE DE L’EPERON
Comme en chaque fin année, la rédaction de L’Eperon revient sur ceux qui ont marqué la saison écoulée dans leur domaine. D’où ressortent sept «nominés» et, parmi eux, notre «homme de l’année» ! Et la gagnante est...
Camille Condé Ferreira.
PSV
SOMMAIRE
10 IMAGES D’ACTUALITÉ 21 HOMME DE L’ANNÉE Camille Condé Ferreira
32 - EN COUVERTURE Immersion chez Bertram Allen
26 LIVRES
Un îlot de jeunes Irlandais au cœur de l’Allemagne. Voilà à quoi ressemblent les écuries de Bertram Allen. Le prodige (vingt ans) les dirige en effet avec sa sœur April, vingt et un ans (!), avec le soutien, depuis leur île natale, de leurs parents et premiers supporters, Géraldine et Samuel Bertram. Retracer son parcours permet de mieux saisir le taiseux Bertram, qui rêve déjà de ses premiers JO à Rio.
29 SHOPPING 32 EN COUVERTURE Bertram Allen 44 PORTRAIT CAVALIER Pierre Volla 51 PORTRAIT CHEVAL Badinda Altena 54 LA PAROLE À Pénélope Leprévost 58 ÉLEVAGE Mondial du Lion
JACQUES TOFFI
60 REPORTAGE Elevage de Kergane 67 LA PAROLE À Joop Aaldering 72 ÉTUDE Casall
84 ENQUÊTE Amateurs propriétaires 88 TECHNIQUE Le TREC 92 SANTÉ Quelle ferrure pour quelles lésions 97 ÉCONOMIE Top 100 des entreprises En couverture : Bertram Allen/Molly Malone V (Ph. Scoopdyga) et Camille Condé Ferreira/Pirole de la Chatre (Ph. PSV)
44 et 51 - PORTRAITS Pierre Volla et Badinda
Devenue la coqueluche des carrés en quelques mois, la « blonde » Badinda Altena impose son caractère bien trempé à son heureux cavalier Pierre Volla, qui en a un peu aussi ! Nous les avons rencontrés chez eux à Merle-Leignec, fief de Claude et Arlette Pélardy et de leur fille Perrine Volla. JEAN-LOUIS PERRIER
77 ÉTUDE Journées du Selle Français
LDD FEI
Décembre 2015 -Janvier 2016 - L’EPERON - 5
Sommaire P.5-7.indd 5
20/11/2015 16:56
Décembre 2015 - Janvier 2016
100 ÉCONOMIE Mérial 103 DOSSIER Se former à l’étranger 110 TOUR DU MONDE - Finale du GCT - Leon Melchior - AG de la FEI - Diamant n°1 mondial 118 DANS LE VISEUR
54 - LA PAROLE À Pénélope Leprévost
Ses deux victoires Coupes du monde à Oslo puis à Lyon ont propulsé Pénélope au 3e rang du classement mondial. Rencontre avec la Normande qui aborde ses prochains objectifs (finale du Top 10, finale Coupe du monde et JO de Rio) avec le meilleur piquet de chevaux de sa vie et la détermination de gagner tout en améliorant encore et toujours la manière.
JESSICA RODRIGUES
SOMMAIRE
60 - REPORTAGE ÉLEVAGE Kergane, ça nous gagne
120 TOUR DE FRANCE - CCI4* Pau - Equita’Lyon - Finale Grand National de saut - Championnats de France Amateur de complet 138 TOUR DES RÉGIONS ANNONCES CLASSÉES chevaux, pensions, véhicules, stages, santé, équipements, emplois, immobilier ERIC FOURNIER
145
161 INFOS PRATIQUES - Courrier - Adresses, calendrier 77 - ÉTUDE Au Meeting de Saint-Lô
Beau concept et belle manifestation que ce «Meeting de Saint-Lô» qui réunissait mi-octobre le CSI 3*, les ventes Nash et les agréments d’étalons SF de 2 et 3 ans. Le volet élevage reste celui qui se prête le plus aux analyses et débats passionnés !
LES GARENNES
162 C’ÉTAIT HIER Premier Salon du cheval de Paris
En Bretagne, à l’ouest de Rennes, Louis Menier, qui a d’abord élevé des moutons puis des porcs, se consacre depuis quinze ans à sa passion des chevaux de sport. Discret, cet agriculteur compose avec des moyens modestes, ne s’interdit rien en matière de croisements et a déjà sorti plusieurs bons chevaux.
103 - DOSSIER Se former à l’étranger Entre les pp. 130-131 : Top 100 - SHF, épreuves des 4, 5 et 6 ans après les finales de Pompadour et de Saumur. Fiche juridique : la location du cheval de sport
Désormais, sans une deuxième langue, pas de salut. Les formations de notre secteur qui proposent à leurs étudiants des séjours à l’étranger sont encore trop rares, mais elles existent et la tendance va vers un meilleur échange entre écoles de tout poil et tout pays. Décembre 2015 -Janvier 2016 - L’EPERON - 7
Sommaire P.5-7.indd 7
20/11/2015 16:57
EN COUVERTURE
Le prodige irlandais Malgré sa frêle silhouette, son look d’ado dégingandé et sa timidité, Bertram Allen est, à vingt ans, le plus jeune cavalier au monde à faire la pige aux ténors du circuit, dont certains ont le double, voire le triple, de son âge. Après des débuts fulgurants au plus haut niveau, il poursuit inexorablement son ascension vers les sommets avec une aisance insolente. Rencontre avec un prodige.
L
e 1er août 1995, Bertram voit le jour dans la demeure familiale de Brownswood, à Enniscorthy, dans le comté de Wexford, au sud est de la province de Leinster, bordée par la mer d’Irlande. « En fait, je suis né à la maison, ma mère n’a pas eu le temps d’aller à l’hôpital », opine le jeune homme en baissant les
yeux, un peu embarrassé. Un an auparavant, ses parents, Géraldine et Samuel Bertram, accueillaient April, et la fratrie s’est depuis enrichie avec Grace (dix-neuf ans), Lucy (dix-huit ans), Ivan (quinze ans), Harry (quatorze ans), et Ruben (huit ans). « C’est merveilleux d’avoir une si grande famille pour nous comme pour eux », assure la mère de Bertram, look de jeune fille, visage illuminé d’un regard pétillant et d’un large sourire. Dans le clan Allen, les principes d’éducation anglo-saxons sont scrupuleusement respectés. Tous les enfants sont en pension, à une heure de la maison, dans l’école que fréquentait déjà leur père. « C’est
32 - L’EPERON - Décembre 2015 - Janvier 2016
Reportage Allen POUR P32 et P34.indd 32
20/11/2015 12:41
un établissement mixte, où ils peuvent tous se retrouver, et qui leur offre la possibilité de pratiquer d’autres activités, dont des sports comme le rugby, le hockey et le cricket. » Le mercredi
après-midi et pendant le week-end, tout le monde profite des chevaux et poneys basés dans la maison de bord de mer, à Ballywalter. « Nous avions l’habitude de monter les poneys sur la plage », se souvient Bertram. « C’est là que nous gardons tous nos chevaux et poneys, y compris ceux qui sont en retraite. Ils sont tous passés d’un enfant à l’autre et ils finissent leur vie à la maison », complète Géraldine. La passion des
chevaux a germé grâce au père de famille, Samuel Bertram. Associé à son frère Maurice, ce brillant homme d’affaires a fait fortune dans la transformation et l’exportation de viande de bœuf et de mouton grâce à deux usines implantées en Irlande et en Belgique, tout en s’adonnant à son hobby, élever et préparer des chevaux de steeple-chase pour les célèbres « point to point », organisés depuis 1889 par la société de courses National Hunt.
LES ANNÉES PONEY
Comme la plupart des enfants au Royaume-Uni, April, Bertram et les autres débutent l’équitation au centre équestre voisin de Carrigbeg, à Tilmobridge, chez les sœurs Burges, à l’âge de six ou sept ans. « Je montais une fois par semaine. C’était bien, je n’en ai que de bons souvenirs, mais rien d’extraordinaire. C’est quand j’ai commencé à monter en concours que j’ai vraiment accroché. » Il se pique au jeu du saut d’obstacles, et bientôt
Bertram Allen a commencé les grosses épreuves avec Romanov (page de gauche, ph. J. Toffi) et avec Molly Malone V (ci-dessus, ph. D. Caremans), 7e des Jeux mondiaux 2014 à Caen. En Allemagne, l’Irlandais et sa sœur April (à droite) sont à la tête d’une équipe ultra jeune. Ph. B. Fletcher Décembre 2015 - Janvier 2016 - L’EPERON - 33
Reportage Allen P32-43.indd 33
12/11/2015 19:20
REPORTAGE
PIERRE VOLLA
Une impulsivité bien gérée « En début d’année, mon objectif était l’étape Coupe du monde de Lyon, parce que j’en avais marre d’être toujours spectateur ! » Vœu plus qu’exaucé, avec les 7e et 6e places fin octobre. Mais le clou de la saison fut cette participation « surprise » aux championnats d’Europe cet été et la large contribution du couple à la qualification de la France pour les JO. Dans les deux cas, Pierre Volla et Badinda Altena ont réalisé leurs meilleures performances. La compétition réussit à ce jeune trentenaire venu du saut d’obstacles.
L
a trajectoire de Pierre Volla est peu courante à haut niveau, les cavaliers de saut d’obstacles restant généralement dans cette discipline plus lucrative et médiatique. Devenu Rhône-Alpin par son mariage avec Perrine Pélardy, ce Creusois de naissance a, comme beaucoup, commencé par la discipline reine en France. Tout est parti de son père Sylvain, cavalier de loisir et propriétaire de quelques chevaux. Grâce au Comité d’entreprise de Michelin, où il travaillait, il peut initier ses trois enfants, Sébastien et Sylvette, huit et six ans de plus que Pierre, à l’équitation aux Ecuries des Dômes chez M. et Mme Banny.
D’ABORD LE SAUT D’OBSTACLES E. KNOLL
Pierre commence à sept ans à poney et ne passera que tard à cheval, vers douze ou treize ans, « car il y avait des poneys de concours qui allaient bien, avec lesquels je sortais un peu en saut d’obstacles, mais je n’étais pas mordu de compét ». Cette
passion naissante lui fera choisir le lycée Pro d’Yssingeaux en Haute-Loire, d’abord pour un BPA de tourisme équestre, puis un Bac CGEA (Conduite et gestion de l’exploitation agricole). Diplôme en poche, il fait des stages à droite à gauche, notamment chez Marianne Eichenberger où il reste deux ans avant d’être embauché, plus d’un an. Pierre y fait les débourrages, la préparation des 3, 4 et 5 ans avant leur départ chez des professionnels du saut d’obstacles ou leur vente, souvent chez Fences. « Je ne voyais que par le saut, mais déjà j’aimais faire des parcours avec des chevaux dressés, donc je travaillais beaucoup sur le plat ».
Chez la propriétaire du Haras du Soleil, il fait la connaissance d’un autre cavalier, Alexandre Louchet, et décide d’aller passer un an chez lui à Villefranche s/Saône pour se perfectionner sur les barres et avec les jeunes chevaux. « J’adorais le travail des jeunes, les former, concourir avec eux, toujours dans l’optique de vendre, car j’étais déjà passionné par le commerce avec l’idée de lutter contre l’image du maquignon. Trouver le bon cheval pour la bonne personne, c’était une sorte de hobby, mais surtout un défi. »
Puis il part chez Jean-Michel Martinot, pas très loin, à Cluny, « car j’étais fan de la finesse du cavalier d’ETOILE, DONJON, FIDELIO (tous de Merzé, ndla) ». C’était en 20022003. Que ce soit chez les Louchet ou chez les Martinot, Pierre a beaucoup appris, car les pères respectifs (Bernard et Michel) de ces deux cavaliers les faisaient travailler. Mais, malheureusement, après dix mois, une mauvaise chute sur
la route avec un jeune cheval lui casse une vertèbre dorsale et l’oblige à s’arrêter pendant six bonnes semaines. Alors l’Auvergnat décide de changer de voie et devient intérimaire dans le bâtiment avant de passer dix mois à s’occuper des vaches laitières de la station de l’INRA de Saint-Génès-Champanelle (63). Les horaires lui laissent du temps et, les chevaux continuant à occuper un bon coin de sa tête, il achète un petit camion et commence à en chercher pour les clubs alentour et les cavaliers de loisir ou de saut d’obstacles. Comme il lui reste du temps, il crée rapidement une entreprise de travaux agricoles (débroussaillage, déneigement, etc.) qu’il revendra en 2008. Entre-temps, il a quitté l’INRA, car il ne s’est pas inscrit aux concours pour entrer dans la fonction publique. Pierre n’est pas un fan de diplômes : il a passé le BP Jeps en 2013, sur les conseils insistants d’Alain
44 - L’EPERON - Décembre 2015 - Janvier 2016
Reportage Volla P.44-50.indd 44
20/11/2015 12:45
dans une soirée chez elle, « un coup monté par des copains ! » Elle a fait les Juniors et les Jeunes Cavaliers en dressage, monte en petit et grand tours au gré des chevaux dont elle dispose. Toute la famille Pélardy est « dans » le dressage avec déjà une installation confortable pour des amateurs (voir encadré). Assez naturellement puisqu’il aime le travail sur le plat, Pierre s’initie à la discipline avec son beau-père, Claude, et celle qui va très vite devenir son épouse, Perrine. De toutes façons, reconnaît Pierre, « je n’étais pas un très bon compétiteur de saut d’obstacles. Je cherchais tellement à dresser les chevaux que je prenais sur leur influx. Il faut leur laisser de l’autonomie. J’en faisais trop sans avoir les bases suffisantes. »
Chez les Pélardy, il y a des chevaux à monter dont ZÉNITH DU PLESSEL, un petit (1,64 m) kwpn né en 2004 par GRIBALDI X RONALDO que Claude Pélardy avait acheté foal. Dès 2009, lors des finales de 5 ans, Pierre Volla le met en lumière à la Grande Semaine de Saumur ce qui leur vaut d’être invités au stage offert par la SHF avec Hans Heinrich Meyer zu Strohen, entraîneur des Français. Les choses sérieuses commencent, d’autant que la même année, Pierre achète BADINDA pour une bouchée de pain, avec l’intention d’en faire commerce, mais « elle n’est pas facile à vendre et pas facile tout court. Maintenant c’est fini, déclarait-il au début de cette année à Vidauban où le couple tournait son premier Grand Prix. J’ai une relation spéciale avec elle que je n’ai
Depuis les championnats d’Europe, Pierre recherche une jument plus relâchée et ce fut le cas à Lyon (photo). Avec, en prime, des passages et piaffers plus « académiques ». Après le CDI de Stuttgart, Badinda sera en semi repos et le travail de l’hiver perfectionnera encore tout ça. Page de droite, vue du barn au toit gris sur les vallonnements du Forez. L’écurie ellemême est vallonnée ! Photos J.-L. Perrier
jamais eue avec aucun cheval. C’est elle qui me donne envie de monter les autres. »
UNE ÉVOLUTION RAPIDE AVEC ZÉNITH ET BADINDA
Francqueville, le directeur technique du dressage de l’époque, afin d’être en règle lorsqu’il coache des élèves. Mais malgré son statut d’athlète de haut niveau, il n’envisage pas de devenir instructeur. D’ailleurs, même pour le BP, il n’a pas recouru à ce statut qu’il avait déjà (deuxième réserve), car « il fallait aller à Saumur quinze jours par mois. Je ne pouvais pas trop me le permettre, donc je l’ai passé près de chez moi, à raison d’un jour par semaine. »
RENCONTRE AVEC LES PÉLARDY ET LE DRESSAGE
En 2008, donc, il vend sa « supérette du cheval de club et de loisir. J’avais acheté une petite installation pour y organiser une écurie basique qui me permettait de préparer les chevaux et de les vendre prêts à l’emploi aux clubs. Ça marchait plutôt bien, mais il fallait faire beaucoup de route. »
C’est à ce moment-là que Pierre rencontre Perrine Pélardy,
En 2012, les deux chevaux font quelques concours ensemble, dont les internationaux 3* de Pompadour et Vierzon, elle en 6 ans et ZÉNITH en petit tour. Niveau où Pierre a même l’honneur de recevoir un Trophée Allège Ideal qui récompense une belle équitation avec un cheval en harmonie et confiance. Une bonne année puisque c’est également à Vierzon que BADINDA ALTENA est sélectionnée pour représenter la France aux championnats du monde des Jeunes chevaux à Verden (All) et que le couple inaugure ses nouvelles installations à Merle-Leignec, sans compter la naissance de Lorette. En 2013, Pierre fait ses gammes en Grand Prix avec ZÉNITH, avec un premier international en GP 8-10 ans en mai à Saumur, puis très vite le premier Grand Prix au CDI 3* de Pompadour en juillet et juste après une 5e place dans le GPS 3* de Vierzon. Le couple intègre le Groupe B fédéral. L’année suivante, 2014, sera une année noire. Le 1er mai, au CDI de Saumur, Pierre se brise les ligaments croisés avec un jeune cheval et restera éloigné des carrés (et même très longtemps de l’entraînement, Perrine montant ses cheDécembre 2015 - Janvier 2016 - L’EPERON - 45
Reportage Volla P.44-50.indd 45
20/11/2015 12:45
ENQUÊTE
AMATEURS PROPRIÉTAIRES
Un monde enthousiaste Essentiellement établie avec l’aimable contribution des médaillés 2015 en championnats de France Amateurs dans les trois disciplines olympiques et les finalistes de l’Amateur Gold Tour de saut d’obstacles, cette enquête rapide avait pour objectif de mieux connaître ce public qui fait vivre la filière. Quelques autres amateurs se sont joints à eux, séduits par l’idée de cette enquête et, surtout, parce qu’ils adorent parler de leur monture, avec laquelle ils entretiennent une relation durable, intense, presque intime.
G
lobalement les propriétaires qui sortent en épreuves Amateur Elite à Amateur 3 appartiennent à la classe moyenne au sens large. Ils, ou elles, sont étudiants, enseignants de l’Education nationale ou en équitation, administratifs, chefs d’entreprise, paramédicaux, mères de famille (dont une taquinée par le virus de l’élevage !). Voire même paysagiste, restaurateur, chercheur en chimie. La moitié de ceux qui nous ont répondu est issue de la filière équestre ou y baigne. Et les enfants d’éleveurs ou cavaliers pro sont nombreux à récolter les bonnes places, car ils travaillent en famille tout en assurant la relève. Tous nos candidats signalent leurs premières émotions équestres à poney entre trois et six ans et, apparemment, ils n’ont pas cessé de pratiquer l’équitation depuis ces débuts, avec généralement les premières compétitions amateurs à cheval à l’adolescence.
COUP DE CŒUR ET CONFIANCE
Julie Simonet du Centre équestre de Saint Justin, championne de France Amateur Elite avec Sursumcord’Or, est ici avec son deuxième cheval Rock & Roll de Buissy. La jeune Landaise est en tête du classement permanent FFE. Ph. L. Simonet
Mais qu’ils appartiennent à la filière équestre ou pas, le ton et les réactions sont identiques : leur choix est fort peu rationnel, voire plutôt passionnel. Donc, il n’est pas question pour eux de médire de leur monture, ni de s’en séparer. Deux seulement parmi nos « sondés » l’envisagent et sous condition que leur cheval ne puisse plus les accompagner dans leur progression. Personne n’imagine se laisser séduire par un beau gros chèque ! Sur ce point, les refus sont fermes et signent la détermination à former un couple le plus longtemps possible. Après l’avoir achetée, souvent sans l’essayer très longtemps – de quelques heures à quelques semaines – en ayant rarement le mode d’emploi délivré par le vendeur, chacun est parti avec sa conquête dans le van et s’est débrouillé ou, plutôt, a compté sur son coach. C’est lui qui capitalise toute la confiance, qu’il peut partager avec les parents, s’ils sont du milieu. Tous les cavaliers interrogés ont
Les amateurs en chiffres En 2014, sur les 689043 licenciés à la Fédération française d’équitation - dont 265822 fléchés « cheval » – 162 953 avaient une licence compétition dont 32 672 en catégories amateurs. Parmi ces derniers (23 312 femmes et 9 360 hommes) les 21 ans et plus représentent une écrasante majorité : 25 182 (17 337 F et 7 845 H), soit 77,1 %. Les femmes, qui représentent environ 65 % des pratiquants – 570 709, soit 63,05 % en 2014, dont 133 438 en compétition (19,4 %) – sont également très largement présentes parmi ces compétiteurs alors que cette tranche d’âge est la seule dans laquelle la proportion H/F s’inverse chez les Pro. Au total des disciplines, presque un quart de ces amateurs est licencié en région Ile-de-France (24,8 %), Franche-Comté atteignant un surprenant 23%, Rhône Alpes 22,3% à égalité avec la Bourgogne. Il y a fort à parier que ces chiffres varieraient quelque peu si l’on ne tenait compte que des disciplines olympiques traitées dans cet article. La répartition des engagements par catégorie et discipline ainsi que les classements permanents de la FFE, malgré les doublons observés d’une catégorie à l’autre, donnent une bonne indication de l’activité. Le saut d’obstacles reste écrasant dans la première (cf tableau p. 86), tout comme du côté des classements où il totalise 43 947 chevaux classés pour 24 182 cavaliers. Complet et dressage se tiennent, avec 3 347 cavaliers classés (et 3 967 chevaux) en dressage, alors que le complet enregistre 2 526 cavaliers et 3 647 chevaux. Ces chiffres permettent aussi un autre constat : les cavaliers de saut d’obstacles ont en moyenne plus de chevaux à monter que ceux de complet et surtout de dressage chez lesquels l’écart cavaliers/chevaux est le plus faible. L’année 2012 avait marqué un record à 706 449 licences pratiquants, mais 2013 avait enregistré 694 480 licenciés et 2014, 689 043. Le rapport moral pour 2015, qui devait être présenté le 23 novembre lors l’Assemblée générale à Valence, fait état d’une nouvelle baisse à 673 026 licenciés, mais annonce une stabilité pour la compétition. n Marie-Hélène Merlin
84 - L’EPERON - Décembre 2015 - Janvier 2016
Enquête P84-87.indd 84
20/11/2015 15:30
le leur. Au minimum pour se préparer aux grandes échéances et partir en concours. Souvent pour une séance par semaine. La plupart parlent de coach « permanent » ou « quotidien » et cela représente un poste de dépenses conséquent. Une autre tendance se dessine en faveur des juments. Elles ont de trois à dix ans, selon la volonté d’utilisation immédiate ou la formation souhaitée ensemble, particulièrement pour les plus jeunes cavaliers qui recherchent un « maître d’école », selon les ressources financières et l’envie ou non d’avoir une poulinière en fin de carrière... Au moment du choix et de l’achat, l’affectif est si fort qu’il l’emporte même sur l’inquiétude que pourrait générer la révélation de risques de santé lors de la visite vétérinaire. Ainsi, Laure Imbert se fie à son propre jugement et achète My Song de la Seudre (Yarlands Summer Song) après en avoir fait connaissance pendant six mois en location : « Je me suis décidée sans regarder son livret, car notre entente a été immédiate. » Bonne intuition puisqu’elles sont championnes de France Am 1 senior en complet cette année. Coup de cœur, confiance, qui reviennent comme une ritournelle pour traduire l’acte d’achat, marquent une vraie tendance et la transaction est plutôt vécue comme un moment d’émotion. Ainsi de Julie Simonet, du Centre équestre de Saint-Justin dans les Landes : il lui suffit de trente minutes devant Sursumcord’Or (Yarlands Summer Song) pour décider de l’acquérir. Il faut dire à sa décharge qu’il lui est présenté par la bien connue Marie-Christine de Laurière et qu’elle a déjà entendu parler de cette lignée pour le complet. Le titre de championne de France en Am Elite de complet confirme la qualité... ainsi que la tête du classement permanent FFE. Bravo ! Cette démarche serait-elle réservée aux personnes bien
introduites dans le milieu, sûrement avantagées par rapport aux néophytes, telle Martine Valot, stagiaire au Haras de Fleurville (Ain) à qui Sylvie et Georges Bizet demandent de travailler Quérol Fleurville (Priam RBO, Lusitanien) pour qui elle a un coup de cœur... C’est sa première jument en propriété. « Je l’ai prise en confiance, car elle correspond à mon attente. » Bonne pioche, elles se classent 3e au championnat de France Am Elite de dressage. « Rien ne me pousserait à la céder, ni l’argent, ni un autre cheval. » Dont acte. La tendance « coup de cœur et confiance » a aussi touché ces cavalières de SO : l’une, scotchée face à une 5 ans par Cardero qu’elle essaie trois heures à la finale des jeunes chevaux à Fontainebleau avant de signer un chèque de 25 000 € « en confiance » ; une autre qui emmène « en confiance » une fille d’Alpha d’Elle élue pour son « caractère et son potentiel. Ses origines sont juste un plus. » En Pays-de-Loire, Maï Payet, vingt ans, 3e en Am 3 de complet, a choisi Dysney Utopia (kwpn, par Viceroy T) « au feeling » après seulement deux petits essais.
« C’est une question de confiance envers mon coach » JAMAIS SANS MON COACH
En revanche, le mode de repérage du cheval est très varié et internet y joue désormais son rôle, avec Cheval annonce, Find your horse et même le généraliste « Le bon coin ». Carrément originale, la Varoise Audrey Aïem, dix-neuf ans, qui a remporté l’Am Gold tour 2014 et s’est classée 2e en 2015, a craqué sur Lucky d’Jane (Don Juan V) grâce à une affichette aperçue à Lamotte-Beuvron alors qu’elle cherchait un poney. Après l’avoir d’abord loué pendant six mois avant de l’acheter sans visite véto, ni intermédiaire, elle l’a entraîné avec son père, cavalier de loisir. Mais le mode de sélection le plus courant reste le repérage sur les terrains de concours, Décembre 2015 - Janvier 2016 - L’EPERON - 85
Enquête P84-87.indd 85
20/11/2015 15:30