EPFL CDH - Apéro-philo "Pourquoi (encore) travailler ?" - Pour aller plus loin

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HUGUES POLTIER : Maître d’enseignement et de recherche en philosophie à l’Université de Lausanne, Hugues Poltier est spécialisé en philosophie moderne et contemporaine. Il s’intéresse tout particulièrement aux questions de philosophie politique : démocratie, justice, émancipation-domination, égalité-inégalité, dans la lignée des pensées de Castoriadis, Rancière, Lefort, Derrida, Badiou, etc. Il est également chargé de cours au Collège des humanités de l’EPFL où il enseigne l’éthique sociale et politique et l’éthique de la recherche scientifique.


SENS

Travailler pour gagner de l’argent pour vivre, mais ne plus avoir le temps, l’énergie et la motivation de vivre après le travail. Boulot métro dodo, à quoi ça rime ? Comment font les gens ? Pourquoi ça ne change pas ? Laura

Le travail apporte du sens à l’existence lorsqu’il donne le sentiment que nos actions ont une utilité pour d’autres. Cet accomplissement nous enrichit et donne du sens à notre quotidien – en particulier en enrichissant l’entre-nous. Hannah Arendt observe que vivre en latin se dit «inter homines esse». Le sens est d’abord l’enrichissement, l’accroissement de cet « être entre-parmi les humains » Hugues Poltier

Le travail donne-t-il un sens à la vie ? Iola

WWW À LIRE Hannah Arendt Condition de l’homme moderne


AUTONOMIE

Un avenir hautement productif dans lequel les humains n’ont pas besoin de travailler pour survivre et ont une liberté totale pour passer leur temps rendrait-il les gens heureux ? Xiaotong

Nous nous constituons dans l’extériorité, nous n’existons que par et avec d’autres. Les sources de souffrance au travail sont souvent issues du manque d’autonomie, de la non-perception du sens de ce que l’on accomplit (bullshit jobs décrits par Graeber) et des problèmes dans les relations hiérarchiques. Tout cela dans un contexte de rareté de l’emploi rendant trop risquée l’issue de la démission. Ce qui nous rend joyeux-heureux-actif, c’est de pouvoir décider ensemble ce que l’on fait, comment on le fait et pourquoi on le fait. En un seul mot : l’autonomie. Hugues Poltier

DOMINATION

Il est important de voir la situation depuis en bas, depuis ceux qui sont dans des situations précaires pour lesquels chaque progrès technologique est une menace de perte d’emploi. Ces personnes vivent l’angoisse de la perte d’emploi, c’est ça la domination, ce n’est pas le chef qui domine mais le système qui impose une rentabilité et menace des emplois de disparition. Hugues Poltier

WWW À LIRE ET WWW À VOIR D. Graeber , Bullshit Jobs

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À ÉCOUTER le sociologue Vincent de Gaulejac, Pourquoi le travail aujourd’hui peutil rendre malade ?

question pratique : Comment créer les conditions d’une telle autonomie dans un état des choses marqué par la très forte division des tâches et l’impératif incontournable d’une organisation et coordination à grande échelle ? Tel est le défi. Actuellement, l’opérateur en est le marché sous pilotage des grandes entités capitalistiques en concurrence. Leurs besoins ne sont pas de nous approvisionner en marchandises mais de contrôler les process et canaux de leur valorisation. Si elles pensent que cet intérêt passe par la marchandise, elles feront en sorte de la produire pour la mettre à disposition. Mais aujourd’hui, la croissance phénoménale de la valeur en circulation dans les marchés spéculatifs le montre bien, le détour par la marchandise n’est pas, et de loin, la première médiation de la valorisation de la valeur. Cependant, croire que la financiarisation serait une évolution parasitaire accidentelle du capitalisme pourrait bien être illusoire… Hugues Poltier

BULLSHIT JOBS

Aujourd’hui, les gens semblent avoir plus de peine avec le travail, avec beaucoup de burn-out par exemple. Est-ce un nouveau problème dans la structure du travail ou est-ce parce que l’on en parle plus qu’avant ? Odile Comment est-on arrivé au point actuel, où tant d’emplois peuvent être considérés comme des «bullshit jobs»... La question de la *valeur travail*, de l’impératif du travail salarié avant tout, me semble pertinente. Charlety On remarque la disparition de nombreux travaux «simples» qui convenaient à certains : dame pipi, liftier, poinçonneur de tickets, etc. et on a augmenté les cadences dans beaucoup de tâches, comme le nettoyage des rues ou la préparation de commandes. Les personnes qui n’arrivent pas à s’adapter à ces évolutions se retrouvent en souffrance / incapacité de travail. Xavier

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WWW À LIRE ET ÉCOUTER Alain Deneault La Médiocratie Offshore. Paradis fiscaux et souveraineté criminelle

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À LIRE Gabriel Zucman La richesse cachée des nations. Enquête sur les paradis fiscaux


TRAVAIL

Le bénévolat est-il une forme de travail ? May Si je fais le ménage chez moi ce n’est pas du travail aux yeux du plus grand nombre? Isabelle

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À LIRE Lacan, Le grand Autre

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À LIRE Freud, L’idéal du moi

Est considéré comme « travail » une activité rémunérée par un tiers payeur. Si l’activité est pour moi ou des proches, ce ne sera pas considéré comme un travail… Or il existe toute une série d’activités productives qui ne rentrent pas dans la catégorie « travail ». Ce qui indique bien que « travail » renvoie à l’insertion sociale, plus précisément encore au jeu de la circulation de la « valeur économique », plus qu’à l’activité proprement dite. Hugues Poltier

« [la] transformation de la nature en fonction d’une idée non matérielle est le travail au sens propre du terme, travail qui crée un monde non naturel, technique, huma­ nisé, adapté au désir humain d’un être qui a démontré et réalisé sa supériorité sur la nature par le risque de sa vie pour le but non biologique de la reconnaissance » Alexandre Kojève

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À ÉCOUTER Axel Honneth, sur la lutte pour la reconnaissance

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À LIRE Alexandre Kojève, Introduction à la lecture de Hegel

INSERTION SOCIALE

Le travail nous donne un statut, montre notre rôle dans la société. Il devrait être vecteur mais aussi source d’insertion sociale et donner la satisfaction d’apporter un plus aux autres et à la société. Hugues Poltier

RECONNAISSANCE

Je remarque dans de nombreux cas de « burn-out », qu’un manque de reconnaissance de la part de la hiérarchie est en cause. Xavier, coach en entreprise Ne peut-on pas considérer tout type de travail comme une voie et trouver un accomplissement dans cette voie ? Il serait alors pertinent d’être un livreur, car le fait de suivre « la voie du livreur » pourrait donner une reconnaissance sociale et personnelle... Timothy La reconnaissance renvoie à une disposition fonctionnant comme une instance de confirmation-validation de la pertinence-utilité-justesse d’une proposition de prestation ; Ici, cette instance est massivement le marché. Le marché : site de validation des offres des uns par les choix d’achat des autres. Hugues Poltier


Hegel et sa dialectique du maître et de l’esclave dans la Phénoménologie de l’esprit ETAPE 1 « Chacun est aux yeux de l’autre l’élément médian par lequel chacun s’intermédie et se concatène avec lui-même… » (op. cit., p. 117 (pagination de l’édition originale), tr. Lefebvre). ETAPE INTERMÉDIAIRE « Il s’ensuit que la vérité de la conscience autonome, c’est la conscience servile du valet. » (op. cit., p. 124) ETAPE FINALE Par l’activité formative de transformation de la chose, la conscience servante « devient pour elle[-même] son propre être, […] sens propre… » (op. cit, p. 127)

WWW À VOIR ET À LIRE Raoul Peck, I am not your Negro à partir des écrits de James Baldwin

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À LIRE ET ÉCOUTER Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs Seront désaliénés nègres et blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée du Passé. Frantz Fanon


WWW À LIRE Christian Bobin, Souveraineté du vide

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À LIRE Pour une pointe d’anarchisme : André Gorz Misères du présent, richesse du possible

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À LIRE Vincent Gerber et Floréal Roméro Murray Bookchin pour une écologie sociale radicale

BESOIN D’ACTIVITÉ

Il est difficile d’être un ermite ! Nous, humains, ne savons pas rien faire. Le besoin d’activité est inhérent à notre besoin de remplir le temps qui nous est donné. Hugues Poltier

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À LIRE Frédéric Lordon Figures du communisme

Le besoin d’activités semble pouvoir être comblé par d’autres moyens que le travail salarié. Comment faire changer la structure de l’activité humaine pour réduire au minimum le travail aliénant, et maximiser l’activité volontaire et créative ? Arthur La réponse à la question d’Arthur est aussi simple que difficile : en mettant fin au régime de la conditionnalité de l’accès au revenu – lui-même condition d’accès à toute chose (ou presque) – à un « travail », plus précisément un emploi rémunéré consistant en la vente de ma force de travail dans un cadre que définit exhaustivement l’acquéreur de ladite force de travail. Hugues Poltier

RAPPORT SOCIAL

Aujourd’hui le travail renvoie plus à l’insertion de l’individu dans les rapports sociaux de travail qu’à l’activité proprement dite. Etre étudiant ou professeur est un statut, il y a des mécanismes de reconnaissance d’une valeur, d’une position dans la société. Cette position est centrale dans l’imaginaire que nous nous faisons du travail. Hugues Poltier


SPINOZA: LA PUISSANCE, UNIQUE VERTU « Il n’y a pas de singulier, dans la nature des choses, qui soit plus utile à l’homme que l’homme qui vit sous la conduite de la raison  » Ethique, IV, 35, cor. 1 « C’est quand un homme recherche au plus haut point son propre utile, que les hommes sont le plus utiles les uns aux autres » Ibid., IV, 35, cor. 2 …

SUBSTITUTION

La substitution du travail par des machines est aujourd’hui une réalité. Il est très probable que d’ici peu, nous puissions déléguer, sinon la totalité, du moins une part sans cesse croissante des tâches productives à des robots pilotés par des algorithmes. Ce qui, dans une société dans laquelle le moteur de l’intégration est l’emploi rémunéré, ne peut manquer de soulever d’immenses problèmes sociaux. S’il suffit de, disons 20% de la « population active » (= l’ensemble des personnes entre 20 et 65 ans) pour produire la totalité des biens et services « offerts » sur le marché, que deviennent les 80% restants ? Hugues Poltier

« Et donc user des choses et s’en délecter autant que faire se peut (non, bien sûr, jusqu’à la nausée, car ce n’est plus se délecter) est d’un homme sage. » Ibid., IV, 45, sc. … « La Satisfaction de soi est une Joie qui naît de ce que l’homme se contemple lui-même ainsi que sa puissance d’agir. […] En vérité, la Satisfaction de soi est ce que nous pouvons espérer de plus haut. » Ibid, IV, 52 et sc. « Le premier et unique fondement de la vertu, autrement dit de la droite façon de vivre, est de rechercher son utile. » Ibid., V, 41, dém. « Tout ce qui contribue à la Société commune des hommes, autrement dit, ce qui fait que les hommes vivent dans la concorde, est utile ; et mauvais, au contraire, tout ce qui introduit de la discorde dans la Cité. » Ibid, IV, 50

Si je devais reformuler librement le propos de Spinoza, je dirais ceci : nous sommes joyeux à la mesure de l’expression de notre puissance – i.e. de notre activité – et par là-même sommes le plus utiles les uns pour les autres. Exceller dans une puissance – la cuisine, la danse, la musique, le dessin, les mathématiques, la conception architecturale, la pensée, etc. –, c’est pouvoir toujours inventer un chemin pour y résoudre ou aborder une difficulté – et en éprouver un sentiment joyeux. Aussi bien devant la chose à faire-réaliser que dans la transmission à celles et ceux moins à l’aise dans la pratique en jeu. C’est en allant au bout de la puissance où j’excelle que je suis le plus utile à mes semblables. Partant, une forme sociale qui m’amputerait de cette possibilité devrait être jugée indésirable, pour cela seul. Hugues Poltier


WWW À LIRE Karl Marx Le Capital À LIRE Robert Kurz, L’Effondrement de la modernisation

SE RÉALISER

Etre sous les ordres d’un chef n’empêche pas de se réaliser, il y a aussi le lien à nous-même. Dans le passé, les gens étaient étroitement liés à leur activité, monsieur Boucher ou monsieur Boulanger avaient un statut très clair dans la société. Ne pourrait-on pas aujourd’hui revaloriser toute profession en liant les voies de chacun à leur personnalité ? Thimothy

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Le problème auquel renvoie la question de Timothy n’est du ressort de personne dans une société de marché : pour un service donné, il y a ou il n’y a pas d’acheteurs en suffisance pour assurer aux personnes exerçant une profession donnée une rémunération suffisante pour couvrir leurs besoins (ceux de leurs dépendants y compris). Que cette condition ne soit pas remplie et la profession disparaît : la diminution formidable du nombre d’artisans produite par la croissance continue du travail mort (celui des machines de la grande industrie, de plus en plus en pilotage automatique au moyen d’algorithmes) n’a pas été un libre choix des personnes concernées. Mais bien une contrainte imposée par l’impossibilité de concurrencer les prix de production automatisée. Si je peux accéder à ma viande et à mon pain au tiers du prix de messieurs Boucher et Boulanger et qu’en plus je gagne du temps parce que je fais mes courses en un seul lieu, je n’alimenterai plus les rentrées de ces messieurs et si je ne suis qu’un parmi de multiples autres à m’ajuster selon les mêmes règles, alors la diminution de leurs recettes ne tardera pas à les forcer à mettre la clé sous le paillasson. Quant au problème du chef, sympa-humain ou non, ce n’est pas la question. En dernière analyse, la question est : qui est le chef du chef ? et le chef du chef du chef ? etc. La remontée au sommet conduit, finalement, à l’assemblée des actionnaires. Et lorsqu’elle (sa majorité) n’est pas satisfaite du « retour sur investissement », elle a, en tant que propriétaire assemblé, le droit de congédier une direction dont elle jugerait les résultats sub-optimaux. Voyez le cas récent de l’ex-PDG de Danone, remercié parce que voulant intégrer des paramètres étrangers à la maximisation du profit dans la gouvernance de l’entreprise. Ce constat nous conduit en ligne droite à la question du site réel de la domination dans la société présente… Hugues Poltier

Le capitalisme comme rapport social – le rapport capital-travail – pilote l’ensemble des rapports sociaux. Entendre donc : même dans les sphères de travail dites « hors-marché ». Hugues Poltier


PERFORMANCE

Penser la fin du monde est toujours plus simple que de penser la fin du système à l’œuvre depuis des siècles, à savoir le capitalisme... Désormais une ritournelle bien dans l’air du temps. Hugues Poltier

La société ne peut pas se construire uniquement dans l’horizon des supers gagnants, elle doit admettre que tout le monde n’est pas hyper-performant et que chacun a droit à une vie décente, convenable et à des vecteurs de réalisation de soi adéquats à ce qu’elle ou il peut. Il n’y a aucune bonne raison de considérer désirable que le gagnant emporte tout… Hugues Poltier

LIRE SERVIGNE ET STEVENS EST PARTICULIÈREMENT RAFRAÎCHISSANT : c’est comme du Spinoza en acte. Ils s’attellent à la question du réchauffement climatique, plus largement à celle des grands équilibres planétaires dans la fine couche que constitue l’atmosphère et les sols. S’attachant, pour tous les domaines de connaissance impliqués, à comprendre et intégrer les savoirs validés les plus récents, ils parviennent à montrer que la dynamique vers l’effondrement est inarrêtable, sauf à mettre fin sur-le-champ à l’excès de gaz à effet de serre que génèrent les activités industrielles si complètement dépendantes des énergies fossiles. Ce qui est particulièrement remarquable dans leur manière de présenter les choses, c’est que, si désespérant que soit la matière exposée, ce n’est jamais lourd et toujours expliqué avec le sourire.

À LIRE Pablo Servigne et Raphaël Stevens Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes

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À ÉCOUTER Conférence de Pablo Servigne Un avenir sans pétrole ?

À VOIR Frédéric Lordon Tout le monde déteste le Travail

À LIRE Grégoire Chamayou La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire

À VOIR Grégoire Chamayou, Discipliner les travailleurs

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Le rapport employé/patron est d’abord un rapport de chantage : si tu ne remplis pas les tâches, tu es viré ! C’est propre au néo-libéralisme, qui a un plan anthropologique pour employer l’individu, le considérer comme une entreprise à lui tout seul, lui imposer des impératifs. Cela isole l’individu et incite à considérer l’employé comme un coût et non comme une valeur. Ne pourrait-on pas inverser cette tendance en redonnant à l’employé une valeur, plutôt qu’un coût ? Loïc Le problème se situe essentiellement dans un rapport de force objectif. La situation de l’emploi est aujourd’hui très fragile, il est donc facile (voire irrésistible) pour l’employeur d’exercer une pression sur l’employé. La peur de perdre l’emploi est tétanisante pour ce dernier et libère les vannes du sadisme chez le premier, exutoire de ses frustrations… Cette peur est alimentée par l’aliénation globale : qui a pouvoir sur l’outil de travail ? Voir, (SE RÉALISER), réponse à Timothy Hugues Poltier


LE REVENU DE BASE INCONDITIONNEL, C’EST QUOI, AU JUSTE ? Site web du réseau mondial du revenu de base – suisse :

WWW REVENU DE BASE UNIVERSEL-INCONDITIONNEL

Le revenu de base permettrait à chacun de choisir ce qu’il souhaite faire de son temps. Il enlèverait la dimension de contrainte financière dans laquelle se retrouvent celles et ceux qui se voient obligés d’accepter n’importe quel emploi, à des conditions dégradantes, au risque permanent de burn-out, à un niveau de rémunération indécent et avec l’interdiction, sinon de droit, du moins de fait, de l’adhésion syndicale. Sans compter, pas si rarement que cela, le risque sanitaire voire carrément létal (les accidents mortels sur les chantiers ne sont pas si rares que cela …). La formule du « revenu de base universel », si attrayante soit-elle comme solution immédiate à la crise de l’emploi, est très contestée pour ce qu’elle comporte de risque de pérennisation des rapports sociaux capitalistes – spécialement si le niveau du RBI n’est pas suffisant pour vivre, comme c’est le cas dans les modèles « libéraux » en circulation (en particulier le modèle à 450€/mois, voir ci-dessous).

WWW À LIRE Modèle à 450€/mois proposé en France par Marc de Basquiat et Gaspard Koenig

À ÉCOUTER Modèle du « salaire à vie » Bernard Friot

WWW À ÉCOUTER F. Lordon : Face au désastre qui vient : le communisme désirable, entretien avec J. Thiéry

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COMMENTAIRES ET QUESTIONS

L’inconvénient, ou avantage c’est selon, est que le modèle proposé par Friot et Lordon suppose d’avoir mis fin au capitalisme. Condition qui, on l’admettra, n’est pas mince… Hugues Poltier

Si tout le monde touchait un revenu de base inconditionnel, est-ce qu’on continuerait à travailler ? et pourquoi ? Qui se chargerait des tâches ingrates ? Je n’arrive pas à me représenter une société avec un revenu inconditionnel de base. Que ferait tout le monde ? Maxime Toute personne a des activités qui correspondent à ses goûts. Personne ne restera sans rien faire. L’exemple des retraités qui sont toujours très actifs. S’il existe des tâches ingrates nécessaires au bien et à l’agrément commun que personne ne souhaite faire, il faudra se les partager entre tous, de manière solidaire, au terme d’une délibération démocratique. Hugues Poltier


FRUSTRATION

Comment faire face à la frustration que génère le constat de la situation actuelle du travail ? Thibault

WWW À LIRE Thomas Hobbes Le Leviathan

Par un engagement militant (certes insuffisant) et aussi en partageant cette frustration et en remarquant que de nombreuses personnes l’éprouvent et la vivent également. Il faut se mettre dans la peau des personnes qui vivent des difficultés d’insertion professionnelle, qui n’ont pas de formation et sont facilement remplaçables dans le marché de l’emploi. La seule voie pour éviter la montée des jalousies et des haines intergroupes, engrenages des dynamiques mortifères, est d’entendre toutes les souffrances, comme étant a priori toutes légitimes, nul ne pouvant prétendre à un rang privilégié ; et à partir de là, d’échanger sur les conditions à même d’atténuer les craintes et de construire une solidarité entre toutes et tous, chacune et chacun. Nul doute que chacune et chacun pourrait y trouver de quoi donner sens à son existence en se sentant utile, dans la mesure de ce qu’elle ou il peut. Nous ne sommes pas tous Einstein ni chirurgienne capable de sauver une vie en urgence vitale. Mais il n’est nullement nécessaire que nous le soyons pour nous rendre utiles les unes pour les autres. Hugues Poltier

REPRÉSENTATIONS DOMINANTES

Il faut casser cette représentation du travail (= ici : emploi rémunéré) comme seule possible. Elle nous est imposée par la société et sa prévalence dans nos discours est un indice de notre aliénation. Nous en sommes moins les sujets que les assujettis. Elle gouverne notre agir : elle est une composante de l’« Idée du divin Marché », ce grand Autre devant lequel nous nous prosternons et qui nous détermine à nous dépasser-en-dépassant-les-autres-et-les-autres-en-nous-dépassant, jusqu’à l’implosion par burn-out. Ses injonctions nous convainquent que nous n’en faisons jamais assez, alimentant culpabilisation et sanction des « inactifs », entendez celles et ceux dont l’activité ne tombent pas sous la qualification d’emploi rémunéré. Elles produisent peur, envie, amertume, désinsertion, sdfisation, misère de masse, ghettoisation, colères jusqu’à des haines pouvant conduire à des gestes meurtriers, quand ce n’est pas génocidaires.

Les questions et réflexions proviennent de participants de l’apéro-philo du 28 avril 2021. Liens et textes: Hugues Poltier, Anne Laure Gannac et Virginie Martin https://go.epfl.ch/apero-philo

En nous mettant tous et toutes en concurrence généralisée les unes contre les autres, le marché instaure entre nous la « guerre de tous contre tous », si magistralement décrite par Hobbes dans son Leviathan (1651, ch. 13) et qu’il ramasse dans cette formule : là « the life of man [is] solitary, poore, nasty, brutish and short » « La vie humaine [y] est solitaire, misérable, dangereuse, animale et brève », trad. G. Mairet, folio-Gallimard, 2000, p. 225) Hugues Poltier EPFL, Collège des humanités, avril 2021 design : Typorganisme.ch illustrations : Trân Tran


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