Édition spéciale Assises Les Clés de la presse avec l'EPJT - Jeudi 10 mars

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spécial assises du journalisme n°2 - 10 mars 2016 En partenariat avec

Assises.journalisme.epjt.fr

Beaucoup de radio, un peu de presse et de télévision, peu de réseaux sociaux. Selon notre reportage, réalisé hier aux assises, les jeunes sont friands des médias d’information /p.2

Victorine Gay

Oui, les jeunes s’informent L’Enquête

Le Native advertising

C’est le nouveau graal des médias. Mais attention au mélange des genres entre rédactionnel et publicité /p.4

Le portrait

Soizic Bouju au chevet de la PQR La directrice de l’innovation éditoriale de centre france la montagne invente la presse locale de demain /p.8

L’entretien

Le credo de laurent joffrin

Pour le directeur de la rédaction de libération, président du jury des assises, la diversification est une nécessité /p.3


2 L’événement

10 mars 2016

Les Clés de la presse

Leurs médias préférés

Photo : Flora Battesti

Les collégiens ont montré leur intérêt pour l’information, lors d’un atelier aux Assises. La télévision occupe une place majeure.

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e veux devenir journaliste parce que je souhaite apprendre aux gens de nouvelles choses, leur montrer les autres cultures », raconte une jeune collégienne. A l’atelier radio, ils sont une petite dizaine à discuter avec des journalistes de Radio campus. Les jeunes sont nombreux, en effet, à prendre part à cette première journée des Assises. Et la curiosité est bien présente. S’i l s s o nt v e nu s p o u r m i e u x comprendre ce qu’est le métier de journaliste, ils apportent aussi leur pierre à l’édifice : les élèves du collège JeanPierre-Rameau de Tours présentent aux intervenants leur journal, le P’tit JP. Au

collège Léon-Delagrange, à Neuvilleaux-Bois, c’est leur professeur d’histoiregéographie, Florian Kerneur, qui encadre, depuis un mois, le journal Zoom sur collège avec ses élèves de quatrième, qu’il prépare aussi au lancement d’une Web radio.

Les réseaux sociaux en dernier Et les jeunes avec qui il monte ce projet sont déjà très intéressés par l’information. « J’écoute tout le temps la radio, raconte Vincent, 13 ans. Dès que je suis chez moi, je l’allume et j’écoute France info. » Pour la plupart de ces collégiens, la radio reste le support le plus diversifié et ils n’ont que la station France info à la

bouche -, tandis que la télévision tourne en rond, particulièrement TF1 et France 2. « Les JT sont restés trois jours en boucle sur le salon de l’Agriculture », leur reproche Antonin. Et pourtant, la plupart de leur temps libre, ils l’accordent au petit écran. «A l’adolescence, ils ne sont pas trop portés sur le papier », s’amuse Florian Kerneur, leur professeur. Et l’étude Junior connect, publiée par Ipsos, le confirme. Les jeunes de 7 à 19 ans n’étaient que 31%, en 2014, à être des « grands lecteurs » de titres de presse écrite. Plus de 38% d’entre eux sont dits « très équipés » en smartphones et tablettes. 20% ne s’informent d’ailleurs que par ce canal. Et les réseaux sociaux ne semblent pas si présents dans leur vie. « Je vais peu sur Facebook, explique Alexandre. Je m’en sers surtout pour parler à mes amis, pas du tout pour m’infor mer ». « Moi , je n’ai p a s Facebook », glisse Vincent au passage. Et s’ils trouvent de l’information sur le Web, c’est « par hasard, sur la page d’accueil d’Internet ». Pour eux, si les journaux sont avant tout l’apanage des plus vieux - selon Alexandre, « ce sont souvent les personnes âgées ou pas modernes qui les lisent » -, ils ont encore de l’avenir. Comme l’estime Antonin, « les gens auront toujours besoin de sentir le papier entre leurs doigts. » Sara Guillaume et Célia Habasque

Une plateforme pour accompagner l’éducation aux médias

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ediaeducation.fr a été lancée il y a cinq jours. Le projet est né après les attentats de janvier 2015. L’objectif : créer un outil commun et participatif qui fédère tous les acteurs.

« Après les attentats qui ont touché Charlie hebdo, nous avons tous eu une prise de conscience », se rappelle Elodie Gautier, déléguée académique à Créteil à l’é duc ation au x mé dia s (représentante du Clemi). Lancée il y a cinq jours, Mediaeducation.fr est une

plateforme née de cette prise de conscience pour accompagner les acteurs de l’éducation aux médias , notamment guider les enseignants en leur proposant des initiatives menées par certains de leurs confrères avec leurs élèves, mais aussi les aider à décrypter des textes législatifs en lien avec l’éducation. Une rubrique permet aux acteurs du monde de l’éducation et à ceux de l’information d’échanger sur les actions menées ou celles qui sont en cours. Journalistes et enseignants peuvent aussi entrer en contact pour des

inter ventions dans les établissements scolaires. L a p l ate fo r m e a é té soutenue par le ministère de l’Éducation nationale, mais surtout par celui de la Culture et de la Communication, qui ont misé sur un collectif issue de la société civile.

Sortir du cadre scolaire L e C l e m i e n co u r a g e l e développement de projets liés à l’éducation aux médias. « L’idée est de dépasser les simples questions et réponses à un travail ré ali sé en commun, entre élèves et professionnels », insiste Elodie Gautier. Mais l’éducation aux

mé dias reste difficile à intégrer dans les heures de cours. Du coup, les actions menées sont souvent p o n c tu el l e s . «  No u s n e sommes pas formés à l’éducation au x médias, a j o u t e L a u r e H a r d y, enseignante d’allemand au lycée Silvia Monfort en Eureet-Loire. La plateforme apparaît comme un bon moyen pour échanger sur les pratiques de chacun ». Apolline Merle

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Les Clés de la presse

L’entretien

10 mars 2016

Coup de fil à… Laurent Joffrin

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« Nous devons être créatifs »

Le directeur de la rédaction de Libération et président du jury des Assises, Laurent Joffrin, insiste sur la nécessité de se diversifier.

La solution proposée par les actionnaires, à l’époque de votre arrivée, de faire de Libération une marque transmédias vous semble-telle toujours être la bonne ? L.J. Un journal ne peut plus se contenter de publier un quotidien papier. Il faut que ce quotidien s’unifie autour d’un numérique étroitement lié au print. Puis, nous devons trouver d’autres sources de revenus, dans la mesure où la simple diffusion d’informations ne permet plus de faire vivre le papier. Il faut être créatif. A Libération, nous organisons un certain nombre d’événements afin de compléter notre chiffre d’affaires. Notre journal a

un rôle d’information, de spectateur et d’animateur certes, mais également une vocation d’animateur social. Le projet des actionnaires avec Laurent Joffrin, figure du journalisme en France, est revenu « sauver » Libération en 2014. le bar, le restaurant Libération, rédactionnelle ancienne qui permet aux n’était en aucun cas central. journalistes de travailler librement. L’économie n’est-elle pas intimement Même la nomination du directeur de la liée à la question de l’indépendance rédaction est ratifiée par un vote. des médias, l’un des thèmes de votre Quand le prix de l’information est conférence ? L.J. L’indépendance des médias vis-à-vis évoqué, il est difficile de ne pas des pouvoirs économique et politique penser à la situation des journalistes est une question primordiale. Beaucoup d’investigation, qui ont besoin de de journaux sont inclus dans des groupes temps et donc de moyens. Ont-ils (ce qui est le cas de Libération, propriété encore leur place dans les quotidiens ? du groupe Altice média, NDLR), ce qui L.J. L’investigation, c’est de l’enquête à peut poser un certain nombre de long terme sur des sujets d’indignation, questions. Il me semble que, pour être de révélations, voire de scandale. C’est le indépendant, il faut indubitablement travail quotidien d’un journal. Il faut donc essayer de dégager du temps. être équilibré économiquement. Récemment, nous avons sorti une Quand les difficultés économiques longue enquête sur Areva qui a demandé pointent leur nez, comme à Libération, beaucoup de temps. Nous devons n’y a-t-il pas un hiatus entre nécessité continuer de le faire, même si les moyens sont clairement moins importants de s’en sortir et indépendance ? L.J. L’indépendance s’assure aussi qu’avant. Il est nécessaire de préserver autrement. A Libération, en plus des l’identité du journal, notamment chartes internes respectées par les constituée d’investigations. actionnaires , il y a une culture Propos recueillis par Théo Sorroche Crédit : D.R.

Les Clés de la presse. Dans ces Assises, on parle d’économie, un point qui cristallise les tensions à Libération. Pouvez-vous faire un état des lieux aujourd’hui ? Laurent Joffrin. La situation est nettement meilleure qu’il y a deux ans. Nous avons rétabli en grande partie les comptes et maintenu la diffusion du journal sur l’année 2015. Libération a été créatif, nous avons transformé l’équipe, créé de nouvelles formules pour le site et pour le print. Le journal se redresse, il n’y a pas de doute là-dessus.

Crédit : D.R.

Next format

Le dernier numéro de Next est sorti le 5 mars.

Le mensuel lifestyle de Libération va faire peau neuve. Le journal étudie les possibilités pour faire de Next un hebdomadaire plus généraliste. « La périodicité mensuelle devenait difficile à comprendre pour les lecteurs, autant que pour les annonceurs », explique Laurent Joffrin. Il paraît compliqué pour le lecteur d’être au rendez-vous

tous les mois. L’objectif est clair : fidéliser le lectorat. Libération pourrait donc, si la métamorphose se confirme, prendre le pas du Figaro, du Monde et des Echos avec leurs hebdomadaires (le Figaro magazine, le M et les Echos week-end). La dimension lifestyle de Next devrait être amoindrie, tout en restant relativement

caractéristique du magazine. « L’univers était peut-être un peu trop éloigné de notre quotidien », déchiffre le directeur de la rédaction, « il devrait y avoir d’autres sections, plus proches de ce que représente l’esprit Libération ». Les équipes concernées ont suspendu l’activité, jusqu’à septembre, afin de repenser entièrement le Next, son prochain hebdomadaire.


4 le dossier

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Les Clés de la presse

Les liaisons dangereuses

Le native advertising est devenu le nouveau cheval de bataille des médias. Mais attention au mélange des genres entre rédactionnel et publicité. Enquête.

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Crédit : Victorine Gay

omen inmates ». C’est le nom du grand format travail, mais c’est justement quelque chose d’assez sain, note consacré par le New York times à l’incarcération Acacio Pereira, directeur de la rédaction du quotidien gratuit. des femmes aux Etats-Unis. Le reportage donne Chez nous, on distingue au maximum les contenus publicitaires l’impression d’avoir été fait, comme tant et éditoriaux. Je ne me charge que de ces derniers. On a une d’autres, par la rédaction du plus grand média équipe dédiée pour ça, et l’annonceur n’intervient jamais. » Le du monde. Mais en réalité, l’article est une opération de native Syndicat national des journalistes (SNJ), à l’arrivée du native advertising, une publicité qui propose du contenu advertising sur les sites Web français, avait d’ailleurs journalistique et s’intègre à la ligne éditoriale du site, financée « solennellement mis en garde la direction du groupe ExpressRoularta » sur ces pratiques, pointant du doigt la très fine par le géant Netflix pour sa série Orange is the new black. séparation entre information et « Dans le cas du New York publicité. times, c’est très fin et intelligent », Aujourd’hui à l’Express, l’accent note Eric Mettout, directeur est mis sur l’indépendance des adj oint de l a ré d ac tion de pigistes qui écrivent ces articles de l’E xpre ss. Tout en haut , la native advertising . Jamais mention « Paid post » permet au l’annonceur n’a de droit de regard lecteur attentif de comprendre ce sur la production. « C’est pour poser qu’il en est. Tout l’art du native ce genre de conditions que j’interviens advertising se situe dans cette le plu s tôt p o ssible d an s le s a m b i g u ï t é  : l a p l u p a r t d e s négociations », explique Eric internautes ne sont finalement Mettout . Au Figaro, la rég ie pas au courant qu’ils lisent un publicitaire souhaite, elle, éviter c o n t e n u p u b l i c i t a i r e . «  L e toute ambiguïté. Les mentions qui reportage est très intéressant et témoignent de l’aspect sponsorisé finalement très éloigné de ce qu’est des contenus sont placées bien en la série, souligne Guillaume Sire, évidence avec l’annotation « Figaro maître de conférence spécialisé partner ». « Cela nous gênerait que le dans le native advertising. Je ne lecteur puisse lire quelque chose de suis donc pas contre par principe. publicitaire sans s’en rendre compte », Tout dépend de comment c’est assure Baptiste Huriez, directeur fait, mais il ne faut pas exclure adjoint marketing. Cette politique se l’idée que ça peut être bien fait. » poursuit même sur les réseaux Le New York times est même sociaux, où les comptes du Figaro ne devenu un exemple à suivre. partagent jamais directement les 20 minutes, qui mise beaucoup sur le native advertising, s’est Le Figaro, via « Figaro partner », vient de développer articles sponsorisés. Pourtant, quelle que soit la inspiré du média américain. « On une opération de native advertising avec Randstad. a observé ce qu’ils font depuis deux ans, et on a fait quelque mention apposée et la place qu’elle prend, le native advertising chose de similaire avec les séries de HBO », raconte Renaud pose question. « Ce qu’il faudrait savoir, c’est si la marque a pu Grand-Clément, directeur général adjoint de 20 minutes en rayer des phrases ou même changer des mots, si elle a joué le rôle charge des revenus. Pour autant, rapprocher à ce point le de rédacteur en chef ou de secrétaire de rédaction. Et dans ce cas rédactionnel et la publicité peut poser question. « Quand on a là, c’est un vrai problème », avance Guillaume Sire. En revanche, débuté, on s’est interrogé sur la façon dont on faisait notre pour lui, la quantité n’est pas un souci. Pourtant, au Figaro, il y


le dossier

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Crédit : Victorine Gay Photo : machin chose

Les Clés de la presse

Les articles sponsorisés sont de plus en plus courants. Les internautes ne savent pas toujours qu’ils lisent un contenu publicitaire. Au New York times, la mention « Paid post » leur indique, comme ici sur cet article, un partenariat avec Netflix.

a des limites. « Je me verrais mal négocier avec mon éditeur qu’il y ait deux ou trois articles de native advertising en même temps sur la page d’accueil de notre site. Un, c’est suffisant et je pense qu’on n’ira pas au-delà ».

Un marché de 5 milliards d’euros en 2015

Mettout abonde : il assure ne pas avoir à rougir du native advertising publié sur Lexpress.fr, notamment pour HP, l’un de ses plus gros partenaires. Cependant, la mention « En partenariat avec » peut parfois nuire à la crédibilité du journaliste. « Dans l’exemple du New York times, celle qui a écrit doit être dégoûtée de voir marqué Netflix si elle a parfaitement fait son travail », lance Guillaume Sire. Pour lui, il serait donc nécessaire de connaître les conditions de production des articles sponsorisés. Mais pour le reste, le native advertising ne mérite pas tant de méfiance : « J’ai confiance en l’intelligence des uns et des autres. Les gens ne sont pas bêtes. Le risque, ce serait si tout le monde devenait idiot ».

Cela n’empêche toutefois pas le native advertising de prendre une place toujours plus importante. En Europe, les dépenses dans ce domaine s’élevaient à environ 5 milliards d’euros en 2015. Pour 2020, les prévisions tablent sur plus de 13 milliards. Il représente ainsi 20 % des revenus numériques pour l’Express, et plus de 30 % pour 20 minutes, dont l’objectif est de dépasser les 50 % d’ici à fin 2017. Le succès de ces articles sponsorisés p ermet au x mé dia s d’être plein d’espoir. D’autant que le trafic n’ y e s t p a s m o i n s e native advertising est content”. Mais ce n’est pas si important que sur le l’adaptation de ce que l’on différent. » reste des contenus, bien trouve depuis des années « A l’Express, on a notre au co nt r a i re . C ’e s t dans les journaux papiers : le propre définition du native l’intérêt de l’article qui p u b l i - r e p o r t a g e . Po u r advertising », explique Eric fait venir ou non le Guillaume Sire, le terme est Mettout. Chez 20 minutes, lecteur. « Au Figaro, on même apparu pour succéder on cherche même à donner veut apporter quelque à l a notion de « brand un autre nom à ce que les chose de qualité à nos content », qui associe une autres appellent du native utilisateurs, reprend marque à une logique de advertising. « On a deux Baptiste Huriez. Et le communication. « Il fallait types de contenu native : fait qu’une marque soit une nouvelle terminologie, l’advertising est de la publicité partenaire ne rend pas parce qu’on avait trop usé et sous forme informative et un article moins d é c r i é c e l l e d e “ b ra n d renvoie vers l’annonceur ; le i n t é r e s s a n t  » . E r i c

Robin WATTRAINT

Une question de vocabulaire

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publishing le développement de contenu éditorial autour d’un thème », détaille Renaud Grand-Clément. Même l’Interactive advertising bureau (IAB) n’a pas réussi à définir clairement cette notion. « Ils en donnent une définition tellement souple que tout ou presque peut se prétendre être du native advertising », lance Guillaume Sire.

R.W.


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Sur le vif 10 mars 2016

Les Clés de la presse

Pages réalisées par l’équipe de la rédaction

Notre sélection du jour

Capture d’écran BFM TV

Les étudiants de l’école publique de journalisme ont eu un coup de cœur pour certaines des conférences proposées.

Touchés comme jamais Libé est en fête. Le journal célèbre son déménagement en présence de plus d’une centaine de personnes. Place de la République, Nicolas Chapuis et Élise Barthet, journalistes au Monde, commencent leur soirée autour d’un verre. Ce soir-là, la fête tourne court. Trois hommes se font exploser à l’extérieur du Stade de France, un commando tire sur les terrasses de restaurants et un autre s’attaque au Bataclan. Nous sommes le 13 novembre. « Au début, les flics se cachait, je me cachais, on se cachait tous ». Luc Peillon, journaliste économique à Libération, est envoyé au Bataclan. La salle de concert est à moins d’un kilomètre de la rédaction. Comme les autres journalistes, il est tenu à l’écart. « Quand je suis arrivé, les policiers avaient leurs revolvers braqués sur le Bataclan », renchérit Maxime Cogny, de BFM TV. Rapidement, les journalistes commencent leur travail. « Il était difficile d’avoir des informations sur

place, se remémore-t-il. Mon boulot est alors de décrire ce que je vois et ce que je ressens ». Toute la nuit, il sera le relais de la chaîne sur place, où les journalistes n’ont pas le temps d’avoir peur. « À ce moment-là, je suis même très sereine. Je sais ce que j’ai à faire », confie Élise Barthet. Le 7 janvier, c’est déjà elle qui avait couvert l’attaque contre Charlie hebdo : « j’ai su que ça allait se reproduire et je sais que ça va recommencer ». Olivier Rogez, grand reporter à RFI, traverse la capitale en scooter. Il vient relayer son collègue. « Les derniers corbillards venaient de quitter les lieu x, se souvient-il. L’ambiance était glaçante ». Pourtant habitué aux scènes de guerre, le journaliste est touché comme jamais. À l’antenne, il se contentera alors de décrire les lieux et une ambiance « triste et blême ». « On entend les sirènes et le croassement des corbeaux, se souvient Élise Barthet. Paris est couvert de corbacs ». Aubin Laratte

Photo : Victorine Gay

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La journée commence avec la conférence Enseigner l’entrepreneuriat aux jeunes journalistes de 9h30 à 11h, avec Claire Berthelemy, Sébastien Bossi-Croci et Faustine Kopiejwski, respectivement fondateurs des sites d’information l’Imprévu, Ijsberg magazine et Cheek. De 11h à 12h30, ils sont une source précieuse pour les journalistes, les Lanceurs d’alerte : état des lieux, préconisations, actions avec RSF. Pour en discuter, deux d’entre eux sont présents : Rémy Garnier a eu un rôle clé lors de l’affaire Cahuzac, et Stéphanie Gibaud a dénoncé les pratiques d’UBS. Au même créneau horaire, Francis Kohn, directeur de la photographie à l’AFP en France et à l’international, et Jean-François Leroy, directeur de Visa pour l’image, proposent, aux côtés d’autres journalistes, la conférence : le photojournalisme se réinvente. En début d’après-midi, un sujet qui nous tient particulièrement à coeur : quatre chaînes tout info, est-ce trop ? De 14h à 15h45, avec les directeurs de la rédaction des chaînes BFMTV, TF1 et ITélé. Enfin, le baromètre social des Assises du journalisme. Bilan de l’emploi des journalistes en 2015 accueille à 16h Jean-Marie Charon, chercheur associé à l’EHESS et président de la Conférence nationale des métiers du journalisme.

Cartooning for peace s’affiche aux Assises « Il était très important que le dessin de presse soit présent [aux Assises] », justifie Marc Mentré, le président.

C’est la raison pour laquelle Cartooning for peace, l’association créée à l’initiative de Plantu et du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, en 2006, expose sur le plateau du deuxième étage du centre des congrès. L’exposition, livrée clés en main par le Clemi, a déjà été présentée dans différents lieux de l’académie d’Orléans-Tours. Racisme, droits des femmes, censure et humour sont des thématiques illustrées par les dessinateurs de l’association, qui en regroupe 130 de 40 nationalités différentes.


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Des rédactions représentatives de la société ? Malgré des progrès, on en est encore loin. Si les rédactions comptent de plus en plus de femmes, les journalistes issus de la diversité, les journalistes handicapés ou de la communauté LGBT sont rares, pour ne pas dire absents, des rédactions. La situation est encore plus préoccupante dans les instances dirigeantes des organes de presse. Alors, pour encourager les jeunes à devenir journaliste, quel que soit leur profil, des associations comme la Chance aux concours ont été créées. « En aidant de jeunes boursiers à préparer les concours d’entrée en école de journalisme, nous voulons leur faire comprendre qu’il y a de la place pour tous dans la profession », racontait, hier, en conférence, Marc Epstein, président de la Chance aux concours et rédacteur en chef du service monde de l’Express.

“Maîtriser la production d’information prépare la jeunesse à la citoyenneté.” Crédit : Margot L’hermite

Les Français restent prêts à payer pour une information de qualité. C’est l’un des enseignements de l’enquête Harris interactive (menée en février) dont les résultats ont été révélés hier soir. Près de 7 Fr a n ç a i s s u r 1 0 c o n s o m m e nt d e l’information payante au moins de manière occasionnelle. Ils sont également prêts à payer pour des contenus digitaux : 23 % achètent des contenus payants sur des sites Internet ou sur des applications mobiles de presse écrite. S’ils sont prêts à dépenser pour accéder à l’information, c’est parce qu’ils estiment que l’information payante est de meilleure qualité. 69 % pensent qu’il est justifié de payer pour une information qui provient d’une enquête ou d’un reportage sur le terrain. Et 68 % pour être sûr de la véracité de l’information. Concernant la presse écrite, les Français valorisent particulièrement l’information payante. 73 % trouvent la presse payante bien écrite (contre 56 % pour la presse gratuite), 72 % de qualité et 68 % bien analysée. à l’heure de l’instantanéité de l’information, l’exclusivité de l’actualité a en revanche moins de valeur aux yeux des Français. Seuls 35 % d’entre eux pensent qu’il est justifié de payer pour être informé avant les autres.

Des avancées, mais peut mieux faire

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale.

Photo : John Mills

L’information de qualité a une vraie valeur

Crédit : C. Charpentier

10 mars 2016

Crédit : Victorine Gay

Les Clés de la presse

Drone : quand le journalisme s’envole Aux Assises, le thème « Nouvelles pratiques » ratisse large. Au programme, conférence sur le journalisme à 360°, sur l’innovation et… sur l’utilisation des drones. En réalité, cette « nouvelle pratique » a déjà quelques années derrière elle mais est en train de s’implanter sérieusement en France. En mars 2014, le journal le Monde parlait même d’une « invasion des drones » dans la profession. Le principe est simple : utiliser des engins volants pour filmer de haut des zones inaccessibles au public. En France, les rédactions se sont converties, à divers degrés, à cette pratique. Dès 2013, le lab de l’Express lance l’opération « drone it » et confie à ses journalistes des drones. Les chaînes de télévision sont également coutumières du pilotage. BFM TV a récemment dégainé ces machines pour survoler les camps de migrants de Calais. Un terme est né pour définir ce type de journalisme, le « drone journalisme ». Voilà bien la preuve que le phénomène est tout sauf anecdotique. Simon Soubieux


8 Le portrait

10 mars 2016

Les Clés de la presse

Soizic Bouju, PQR mon amour

Soizic Bouju entretient un amour pour la presse locale depuis plus de vingt ans. La directrice de l’innovation éditoriale de Centre France-la Montagne a toujours œuvré pour faire évoluer les choses.

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’année 2016 sera une année charnière pour les médias régionaux. Les prévisions ne sont pas bonnes, c’est à nous de ne pas la rendre catastrophique ». D’une voix ferme, Soizic Bouju est alarmiste, sans être pessimiste. « Nous allons évoluer », se reprendelle. La journaliste, sortie de l’ESJ Lille en 1990, organise du coaching pour les journalistes locaux depuis moins d’une dizaine d’années. Son objectif : mettre en œuvre des projets pour réinventer le monde de la PQR (presse quotidienne régionale). « Dans dix ans, j’imagine la presse locale avec une périodicité différente, un contenu transformé avec une information plus individualisée et accessible sur de nouveaux supports. Là, nous auront évolué ».

en tant que coach média. Elle est aujourd’hui directrice de l’innovation éditoriale du groupe Centre France – la Montagne.

« Les dix engagements » de la presse régionale

Crédit : Victorine Gay

« Les lecteurs ne se sentent plus proches de leur journal local, analyse-t-elle. Avant, ils avaient le réflexe d’aller le chercher chaque matin, aujourd’hui ils commencent à se demander s’ils vont l’acheter. La presse régionale a plusieurs soucis auxquels nous essayons de remédier en accompagnant les acteurs du milieu ». Pour cela, l’ancienne journaliste de 49 ans a travaillé sur une feuille de route éditoriale, « les dix engagements », qu’elle fait respecter aux journalistes du groupe. On y retrouve des conseils pour « ouvrir sa ré« Les lecteurs prennent les journalistes locaux daction », « rendre service », ou De journaliste à directrice pour des gens inaccessibles. Au contraire, encore « faire de vrais choix ». de l’innovation Il y a un an et demi, l’équipe de il devrait y avoir un échange permanent ». rédaction de la Montagne, à Arrivée en Bretagne dans les Riom (Puy-de-Dôme), a adopannées 1980, Soizic Bouju a grandi à Rabat (Maroc). « Ce sont mes stages au sein du quotidien régional té pendant un mois et demi le mode de grands-parents qui m’ont fait aimer la Nord éclair lui font ensuite adorer la fonctionnement digital first. L’idée : presse. Je lisais la Liberté du Morbihan presse locale. « J’aime énormément leur penser à la version numérique avant avec eux. En France, c’était le grand écart liberté éditoriale et la proximité avec les celle du papier. « Cela a permis d’aboravec le Maroc, où les journaux sont plu- lecteurs ». Une rédaction qu’elle quitte der les thématiques et construire des artôt de la propagande », se rappelle-t-elle. en 1998, après huit années de services, ticles de façon différente sur la version Dès la fin du collège, je savais que je vou- pour se consacrer aux ressources hu- papier », conclut Soizic Bouju aulais être journaliste. En troisième, j’ai maines. Après un poste de DRH dans le jourd’hui. Le numérique avant tout, c’est envoyé une lettre à l’ESJ Lille pour me groupe Prisma presse entre 2003 et peut-être l’avenir de la presse quotirenseigner sur l’école ». Une formation 2008, Soizic Bouju retrouve son premier dienne régionale. dans cet établissement et quelques amour : la presse quotidienne régionale, Nicolas Tavares Les Clés de la presse. Hors série réalisé en collaboration avec l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT). 12 rue Gabriel Péri. BP 5, 92 122 Montrouge Cedex. Tél.01 46 55 88 40 www.lesclesdelapresse.fr Directeur de publication : Didier Falcand. Rédaction : Jessica Ibelaïdene (01 46 55 88 42), Justine Cantrel, Marie-Christine Lipani, Christine Monfort. Et les étudiants de l’EPJT : Thibaut Alrivie, Flora Battesti, Camille Charpentier, Ralitsa Dimitrova, Florian Gautier, Victorine Gay, Sara Guillaume, Célia Habasque, Noémie Lair, Aubin Laratte, Jeanne Laudren, Chloé Marriault, Apolline Merle, Wilfried Redonnet, Théo Sorroche, Simon Soubieux, Nicolas Tavares, Robin Wattraint. Illustrations et infographies : Félé. Conception graphique : Laure Colmant/EPJT. Site Internet : CVMH solutions. Publicité : nous contacter au 01 46 55 88 40. Abonnement : 290 euros TC (dont TVA à 2,10 %) par an pour 4 magazines papier et 90 lettres électroniques. Impression : université François-Rabelais, Tours. Les Clés de la presse est édité par la société Jouillat Presse, Sarl au capital de 16 000 euros, immatriculée au RCS de Nanterre (n°479 276 396). Siège social : 8, rue Amaury-Duval, 92 120 Montrouge. Code Naf : 813Z. ISSN : 1777-3059. Commission paritaire n° 0314 I 87643. Dépôt légal : mars 2016. Toute reproduction interdite et passible de poursuites.


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