La Feuille
Tobeca, des imprimanTes 3d made in Vendôme inspirées du logiciel libre p.16
SPECIAL
politique
ce que proposent les candidats l’usine du futur dans la campagne présidentielle. éclairage sur les autres pays européens /p.6
industrie
anciens et précurseurs
Connecté au futur
des industriels historiques, comme socofer et plastivaloire, ont intégré les apports de l’usine du futur. /p.8
fabrique
un robot à 80 euros
Noé Poitevin
Machines autonomes, robots, imprimantes 3D sont déjà au cœur des usines. Ce horssérie de l’EPJT dresse un portrait de l’industrie 4.0 en région Centre-Val de Loire
l’lassociation funlab à tours ouvre son atelier aux projets des particuliers et des professionnels /p.14
pénibilité
remèdes contre le mal de dos
exosquelettes, robots, automates ; ils remplacent ou accompagnent les opérateurs CHARTE GRAPHIQUE MADE IN VAL lors des tâches répétitives /p.24 DE LOIRE 2017
« Que l'avenir ne soit plus ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire. » Henri BERGSON
PROGRAMME DU SALON
DÉCOUVREZ MARS LES 24 ET 25 DE DEMAIN S R E I T É M S E L RISES P E R T N E 0 0 1 GRÂCE AUX ET EXPOSANTES MES AUX ORGANIS N DE FORMATIO EMENT N G I E S N ’E D T E SSUUPPÉÉRRIIEEUURR..
VENDREDI 24 MARS
8h30 : Ouverture aux exposants et partenaires 9h - 12h : Le temps des experts Partages d’expériences
13h : Ouverture du salon De 14h à 18h : animations étudiants 18h30 : Fermeture
SAMEDI 25 MARS
DU 5E SALON DUSTRIEL IN E IR SAVOIR-FA
Ne pas jeter sur la voie publique.
10h - 18h : Ouverture du salon Tout au long de cette journée, il sera proposé des démonstrations autour de l’industrie 4.0 par les exposants et les partenaires 18h : Fermeture du salon
A R S 2 0 17 ci 2 4 & 2 5e M n g rè s V in o C d e C en tr S R U TO
WWW.MADEINVALDELOIRE.ORG Avec la collaboration
Nos partenaires
La Feuille
sommaire
3
La Feuille - 24 mars 2017 - Spécial - Made in Val de Loire
20
le big data, gisement pour start-up
18
p. 8 industrie automobile les équipementiers sont interressés par l’industrie 4.0 pour leurs processus de production. p. 10 socofer innove Une usine tourangelle conçoit et fabrique des véhicules de maintenance des voies ferrées.
p. 12 la poste transformée le service public est contraint de se moderniser pour perdurer ce qui génère des tensions. p. 14 pédagogie atelier ouvert, le funlab crée des machines pour expliquer l’utilité des robots aux enfants. p. 16 le génie de l’imprimerie La start-up Tobeca s’est lancée dans la création d’imprimantes 3D, outil essentiel à la fabrication additive. p. 20 métiers d’avenir tour d’horizon des principales formations à l’industrie du futur dans la région centreval de loire. p. 22 formation les salariés doivent s’adapter aux nouveaux besoin des entreprises qui se projettent dans l’industrie du futur.
Thomas Cuny/EPJT
Clara Gaillot/EPJT
p. 4 panorama régional la région centre-val de loire a vu se développer de nombreuses entreprises innovantes qui s’adaptent à l’industrie du futur. d’autres régions font plus fort. p. 6 programmes alors que l’industrie du futur est au centre des préoccupations des entreprises, voici ce que proposent les principaux candidats à la présidentielle.
à Tours l’incubateur de start-up Mame, implanté sur le site de l’ancienne imprimerie de la famille du même nom, accueille deux start-up qui ont misé sur le big data. Ces informations personnelles que l’on partage tous les jours sur la Toile sont devenues une vraie mine d’or. La start-up You-Trust se charge de collecter les impressions de vos collègues pour définir votre personnalité. Quant à Mixdata, elle facilite la prospection commerciale. Mais à l’heure du tout connecté et du tout partagé, qu’en est-il de la sécurité des données des entreprises ?
12 p. 24 haro sur la pénibilité l’industrie du futur prend aujourd’hui en compte les conditions de travail des salariés grâce à de nouveaux outils. p. 26 l’é l cologie à l’usine des gains substantiels existent dans les économies d’énergie dans les entreprises en général et les data centers en particulier.
La Feuille numéro spécial Made In Val de Loire, mars 2017, Première année journalisme, école publique de journalisme de Tours/IUT, 29, rue du Pont-volant, 37002 Tours Cedex, Tél. 02.47.36.75.63 ISSN n° 0291-4506 Directeur de la publication : Nicolas Sourisce. Rédacteurs en chef : Stéphane Frachet et Xavier Renard. Coordination : Laure Colmant. Rédaction : Colin Abgrall, Clément Argoud, Louise Baliguet, Manon Brethonnet, François Breton, Clément Buzalka, Thomas Cuny, Margaux Dussaud, Taliane Elobo, Tiffany Fillon, Clara Gaillot, Emma Gouaille, Valériane Gouban, Valentin Jamin, Charles Lemercier, Anastasia Marcellin, Pablo Menguy, Théophile Pedrola, Lorenza Pensa, Noé Poitevin, Daryl Ramadier, Malvina Raud, Fatoumata Tandia, Alizée Touami, Hugo Vallas. Photo couverture : Noé Poitevin. Imprimeur : Imprimerie Paquereau, Saint-Barthélémy-d’Anjou (49).
4
territoires
Made in Val de loire – 24 Mars 2017
La Feuille
Le centre-VaL de Loire intègre Le 4.0 Lancé en 2013, le projet « usine du futur » vise à transformer le modèle industriel français. Le conseil régional cherche à promouvoir la place de l’homme dans ce saut technologique.
E
n septembre 2013, François Hollande et son ministre de l’Économie Arnaud Montebourg lancent trente-quatre plans pour une Nouvelle France industrielle (NFI). Parmi les « leviers de croissance », le plan usine du futur définit les objectifs de cette nouvelle ère. Ladite usine devra être économe en ressources, en énergie et implantée dans le tissu économique local. L’humain, lui, doit en être le cœur. En mars 2015, la nomination d’Emmanuel Macron à Bercy bouleverse le processus. Exit les plans de son prédécesseur, le ministre refonde le programme de la NFI en l’appuyant sur un pilier : l’industrie du futur, accompagnée de neuf « solutions thématiques » dont les objets intelligents, la ville durable, etc. Dans un rapport daté de 2016, le Conseil économique, social et environnemental du Centre-Val de Loire (Ceser) décline l’industrie du futur en neuf « briques technologiques » : le big data , le cloud , la cybersécurité, la fabrication additive, l’intégration horizontale et verticale des systèmes, l’Internet industriel des objets, la réalité augmentée, la robotisation, la simulation.
équipe.» Ses propos rejoignent ceux d’Alban Marché, directeur régional du développement de l’industrie et des services : « Beaucoup de régions ont misé sur des aspects technologiques pour mener leur politique concernant l’industrie du futur. Mais l’humain est le premier acteur de l’entreprise et il doit être au cœur des décisions prises. » Pour assurer le dynamisme de cette nouvelle industrie, la région s’appuie aussi sur le travail en équipe. À travers l’agence économique DevUp, Harold Huwart,
vice-président de la région, délégué au développement économique, souhaite « que les forces vives du territoire puissent se retrouver et impulser une dynamique qui entraînera les autres entrepreneurs et fera émerger les nouveaux projets ». Le contrat de plan État-région (CPER) 2015-2020, passé entre le gouvernement et le Centre-Val de Loire, projette la mobilisation de 41 millions d’euros sur cinq ans pour aider les entreprises du territoire à devenir des usines du futur. Une somme qui a été largement dépassée
À Saran (Loiret), non-loin d’Orléans, l’usine John-Deere a mis en place des robots capables de rectifier eux-même leurs erreurs. Ils collectent des données qui sont analysées et qui leur permettent de se recalibrer automatiquement. Les opérateurs n’ont donc plus besoin de les réajuster manuellement. Chez Redex, entreprise spécialisée dans les engrenages et les composants de machines-outils, l’usine du futur est envisagée dans son volet ressources humaines. « L’innovation des machines et des procédés est importante, mais l’industrie du futur se fait aussi par la révolution managériale », explique Bruno Grandjean, président de la société et ambassadeur de l’Alliance industrie du futur dans la région. « Les systèmes de fonctionnement et de hiérarchie pyramidale ont volé en éclats, ajoute-t-il. Ce qui prime, c’est le travail en réseau, en
p.4-5.indd 2
Demain, les robots pourront-ils se passer de la main humaine dans les usines ?
Plastivaloire
Des robots autonomes
15/03/2017 10:29
p.4-5.ind
017 10:29
Territoires
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
dès la première année d’entrée en vigueur du contrat. En cause : les trop nombreux projets d’investissement des lauréats de l’appel du projet Usine du futur, comme le confie Alban Marché. En partenariat avec la Banque publique d’investissement (Bpifrance), la région propose également aux intéressés un prêt territorial baptisé usine du futur. Incitatif, il permet de financer des investissements tout en proposant aux entreprises de différer leurs remboursements de deux a n n é e s . Po u r F l o re nt L e p e r t , d e BpiFrance, ce prêt fait que « l’entreprise a tout à gagner : elle investit, voit si cela marche et commence à rembourser deux ans après. »
Un nécessaire apprentissage
Si les machines sont incontournables, il est néanmoins impossible d’occulter le facteur main d’œuvre du futur. Les besoins des entreprises changent et la formation des employés va inéluctablement devoir s’adapter. Problème : l’industrie, même du futur, est victime d’une mauvaise image chez les adolescents, ce que déplore Harold Huwart : « Les entrepreneurs ont de la peine à recruter parmi les jeunes. Ils pensent que l’usine d’aujourd’hui est toujours celle du temps de Zola. » Il ajoute que « l’industrie du futur est un vrai travail de conception, de technologie, de précision et de pointe dans un univers qui n’est plus couvert de suie, avec des gens qui triment dans la poussière ». Le conseil régional n’est compétent que depuis 2002 dans la formation continue et l’apprentissage, qu’il doit « valoriser et rendre attractives », confie Grégoire Hamelin, secrétaire général de Force Ouvrière en Indre-et-Loire. Le syndicat défend la garantie de la formation continue des salariés au sein de l’entreprise. « D es emplois p eu qualifiés vont disparaître, mais l’entreprise doit apporter des compétences à ses salariés pour qu’ils ne se retrouvent pas hors-jeu. » Les différents acteurs territoriaux sont d’accord : la formation est un défi, pour la région comme pour les entreprises. « Le futur de la formation passera forcément p a r l’ap p re nt i s s a g e d e n o u v el l e s techniques , grâce notamment à l’utilisation de la réalité augmentée, des tablettes numériques, etc. » conclut Albin Marché. L’usine du futur se révèle donc être bien plus qu’un simple saut technologique agrémenté de progrès numériques : elle est multidimensionelle. Son projet tend à incarner un idéal, un modèle à atteindre. Celui-ci s’inscrit dans une prise de conscience de ce que d’aucuns nomment le retard industriel français. François BRETON et Fatoumata TANDIA
p.4-5.indd 3
5
Chaque machine coûte des dizaines de milliers d’euros. L’apport régional est vital.
Théophile Pedrola/EPJT
La Feuille
Les régions se mettent en marche
La réforme territoriale de 2015 a accru certains pouvoirs économiques des régions. L’industrie du futur fait désormais partie de ses compétences.
L
a région Centre-Val de Loire estelle en retard dans la course à l’industrie du futur ? C’est plus complexe que cela, s’accordent à répondre les différents acteurs du territoire. Pour Florent Lepert, de Bpifrance, « nous ne pouvons pas dire que nous sommes en retard. Nous sommes simplement dans l’air du temps. » « Nous sommes entourés de deux mastodontes : les Pays de la Loire d’un côté, la NouvelleAquitaine de l’autre », concède pour sa part Grégoire Hamelin, secrétaire général de Force Ouvrière en Indre-et-Loire. En matière d’usine du futur, l’ouest du pays est en effet bien placé. Les Pays de la Loire accueillent par exemple l’Institut de recherche technologique (IRT) JulesVerne. Des IRT, la France en compte aujourd’hui huit. Industriels, grandes écoles et organismes de recherche réfléchissent et étudient les différents projets mis sur la table.
Des sites dédiés à l’innovation
Implanté dans l’agglomération nantaise, l’IRT Jules-Verne planche sur les matériaux de demain, les robots et la réalité augmentée, autant de domaines couverts par l’industrie du futur. En 2015, il totalisait soixante et un projets de recherche. Afin de sensibiliser ses entrepreneurs, la région Bretagne a également ouvert un site dédié à l’industrie du futur. Les enjeux de cette dernière ont également en-
traîné la mise en place d’un parcours de neuf ateliers sur trois ans, invitant les entreprises à échanger sur des lieux dédiés comme le campus de Ker Lan à Bruz, au sud de Rennes (Ille-et-Vilaine). La Nouvelle-Aquitaine est, elle aussi, une région en avance. Un grand projet nommé Usine du futur y a été développé dès 2014. Elle revendique aujourd’hui trois cents entreprises engagées dans la démarche et pense pouvoir atteindre les six cents bénéficiaires d’ici 2020. Le programme accompagne les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les branches du numérique et de l’usine connectée.
Nouvelles rivalités régionales
Du côté du Grand-Est, la région propose un mentorat pour les entreprises voulant se moderniser. Une solution pour rassurer et conseiller les entrepreneurs prêts à se lancer à la conquête de l’industrie du futur. Ces exemples illustrent l’émergence de l’industrie 4.0 et la forte concurrence entre les régions. « Apparaître comme un territoire industrialisé qui se renouvelle, qui est dynamique est un enjeu important d’attractivité », admet le vice-président du Centre-Val de Loire, Harold Huwart qui sait bien que sa région doit cravacher pour conserver son rang de territoire industriel.
F. B. et F. T.
15/03/2017 10:29
6 Présidentielle
Made in Val de loire – 24 Mars 2017
La Feuille
Marie-Lan Nguyen/AFP
FrAnçoIS FIllon – rEMPlACEr lE PrInCIPE DE PrÉCAUTIon
« Faire de la France le pays de l’innovation et capitaliser sur notre grande histoire industrielle », c’est ce que martèle François Fillon. adepte des nouvelles technologies, le candidat lr évoque davantage, dans sa campagne, le numérique que l’industrie, délaissée au profit de l’entreprenariat. l’ancien premier ministre s’engage, dans le volet « rupture » de son programme, à « saisir la chance du numérique, des biotechs, de la data » et « arrêter de brider le progrès et de censurer les initiatives de recherche ». il propose de remplacer le principe de précaution, un frein à la recherche, par un principe de responsabilité. celui qui est peint comme un « geek » parie sur l’open-data (données privées ou publiques libres d’usage et d’accès). il veut aussi former les Français au numérique dès leur plus jeune âge et renforcer la cybersécurité.
François Guillot/AFP
Benoit Hamon – taxer les roBots
Inspiré par Bill Gates, le candidat du PS souhaite taxer les robots, qui selon lui détruisent les emplois peu qualifiés afin de financer la protection sociale. « Si demain une machine remplace un homme et crée de la richesse, il est normal qu’elle cotise », déclare Benoit Hamon. Cette richesse ne reviendrait pas aux actionnaires mais contribuerait à sa mesure phare, le revenu universel. Pour le député des Yvelines, avec la révolution numérique l’emploi va se raréfier. Il envisage donc de mieux partager le travail. Pour cela, il s’est inspiré d’un rapport rédigé et défendu devant le parlement européen par Mady Delvaux, eurodéputée luxembourgeoise et membre du parti socialiste. Son projet de revenu universel est contesté par le magazine Challenges, qui le qualifie d’« anticompétititif ».
Leurs propositions Patrick Kovarick/AFP
MArInE lE PEn – HAUSSE DE 30 % DU BUDGET PoUr lA rECHErCHE
pour le Front national, la réindustrialisation de la France est une priorité. marine le pen fustige les normes européennes qu’elle considère comme nocives pour les entreprises de l’Hexagone. la candidate souhaite protéger les « secteurs stratégiques ». la préférence nationale concerne aussi ce domaine. une entreprise subventionnée par l’État ne pourra être rachetée par un investisseur étranger pendant dix ans. le Fn mise sur la recherche et l’innovation pour préparer l’industrie de demain. le budget public consacré à cet effet sera augmenté de 30 % pour arriver à 1 % de piB. « recentrer le crédit impôt recherche vers les pme et les start-ups » est une des mesures proposée pour inciter la r&d. on retrouve aussi des idées plus vagues comme « soutenir les start-up françaises pour moderniser le système de santé ».
Amateur de selfies et passionné par la FrenchTech, le candidat d’En Marche ! est un familier du numérique. Il estimait, quand il était ministre de l’ Économie, que l’usine du futur est la « matrice de la montée en gamme et de la modernisation de notre tissu industriel ». Il appelait alors à la robotisation et la digitalisation, insistant sur la formation pour qu’elle accompagne les salariés durant toute leur vie professionnelle. Dans cette campagne présidentielle, Emmanuel Macron a dévoilé sur le tard la création d’un Fonds pour l’industrie et l’innovation doté de 10 milliards d’euros pour « financer l’industrie du futur ». Une partie de son plan d’investissement de 50 milliards d’euros sera destinée à la révolution numérique. Il propose en outre la création d’une banque publique de données numériques.
CopyLeft
emmanuel macron – un Fonds pour l’industrie et l’innovation
Burlot
JEAn-lUC MÉlEnCHon – PrÉSErvEr l’HUMAIn
p.6-7.indd 2
le pionnier du meeting par hologramme à lyon et à paris en février dernier privilégie le contact humain dans son programme. le candidat de la France insoumise ne s’exprime pas précisément sur l’usine du futur. alors qu’il souhaite pénaliser les entreprises qui se servent des nouvelles technologies pour supprimer des emplois, il veut d’un autre côté valoriser et soutenir les innovations autour des « productions utiles ». il engagera pour cela un effort massif en faveur des filières technologiques et industrielles et de la recherche tout en développant les formations. concernant la cybersécurité, le candidat de la gauche radicale souhaite remettre en question les pratiques et dispositifs de surveillance de masse sur internet, les réseaux sociaux ou les téléphones.
15/03/2017 10:36
p.6-7.ind
017 10:36
La Feuille
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
La quatrième révolution industrielle en Europe
Europe
7
Si l’Allemagne fait figure de leader européen, certains de ses voisins ne suivent pas la même dynamique.
Trois fois moins de robots en Italie qu’en Allemagne
L’industrie est également un secteur majeur en Italie. Mais le gouvernement opte pour une méthode différente : la fiscalité. Pour cela, l’État prévoit des dégrèvements de 20 milliards d’euros entre 2017 et 2020. Depuis quatre ans, le gouvernement a créé un nouveau programme : Fabbrica Intelligente, la fabrique intelligente. Avec 47
la France a pris du retard dans la course à la modernisation de son industrie.
Yann Caradec
L
’industrie 4.0 est née en Allemagne. Dès 2006, le pays recherche une main-d’œuvre qualifiée et des systèmes de production « à la pointe » pour maintenir sa compétitivité. L’objectif est de développer, au sein des usines, des systèmes de production dits intelligents afin de conserver son leadership à l’international. Un projet est alors introduit en 2011 lors de la foire de Hanovre, le salon de la technologie industrielle outre-Rhin. En 2012, le plan industrie 4.0 est officiellement lancé. Le pays exploitait environ 200 000 robots en 2014. Pour garantir son avance face à ses voisins européens, le gouvernement s’est doté d’un financement public à hauteur de 200 millions d’euros.
dans le secteur industriel. Problème : la dégradation de la compétitivité-coût (coûts de productions, coûts salariaux) a réduit les marges des sociétés qui n’ont plus les moyens d’investir. Or, l’investissement permet de lutter contre le vieillissement de l’outil de production, de réaliser des gains de productivité et donc de baisser les prix. La France peine à se différencier et à résister à la concurrence. Si le gouvernement se targue d’avoir diminuer le déficit, la compétitivité hors-coût, comme la recherche et développement (R&D), doit être améliorée. En 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie donne un second souffle à la Nouvelle France Industrielle, programme de modernisation de l’appareil productif français lancé trois ans plus tôt par Arnaud Montebourg. Baptisé Industrie du futur, cette seconde version promeut l’usine de demain et renforce en conséquence la coopération européenne. La banque publique d’investissement (Bpifrance) a annoncé en 2016 qu’elle injectera 15 milliards d’euros dans l’industrie d’ici à 2018 dont 1,2 milliard de prêt à l’usine du futur.
millions d’euros, le gouvernement italien a mis en place des espaces de collaboration et de spécialisation par région. Ce plan a permis d’augmenter la participation des entreprises, qui reste toutefois limitée. En 2014, l’Italie disposait de 62 000 robots, soit trois fois moins que l’Allemagne, mais deux fois plus que la France. Dans un contexte de désindustrialisation et d’incertitudes politiques, les puissances industrielles de l’Europe ont amorcé leur modernisation. Quid de la France ? Pour combler leur retard, les pouvoirs publics incitent à monter en gamme en intégrant la réalité augmentée et l’impression 3D Lorenza Pensa et Charles LemerCier
Le soutien de l’UE en question
p.6-7.indd 3
Ouvert en 2014, il finance des projets innovants en R&D grâce à des partenariats publicprivé (PPP) destinés aux entreprises, aux centres de recherches et aux universités. C e s P P P co n ce r n e nt l e s nanotechnologies, matériaux, biotechnologies et systèmes de production (NMBP). Les meilleurs projets, européens ou non, sont subventionnés. En 2017, l’UE leur a consacré 120 millions d’euros dont 15 millions pour l’action en recherches et innovation. La part de la France dans les subventions obtenues par Horizon 2020 au 30 septembre 2016 s’élève à 8,7 % dans les
NMBP avec 156 projets et 132 millions d’euros. OutreRhin, cette part grimpe à 18 %. Le Royaume-Uni (10,3 %), l’Italie (11 %) et l’Espagne (14,3 %) sont également mieux classés.
Porter l’industrie 4.0
En parallèle, l’association de la recherche de l’industrie européenne du futur, appelée Effra (European Factories of the Future research Association), favorise le développement des technologies novatrices. Ce plan fonctionne également avec un PPP mis en place avec l’UE. Il promeut la recherche compétitive à l’échelle euro-
Hinkle Group
L
a production industrielle représente 16 % du produit intérieur brut de l’Union européenne, une part de moins en moins importante depuis les années quatre-vingt. Dans le même temps, ce secteur majeur porte 50 millions d’emplois directs. Face à ce constat, l’Europe déclenche la quatrième révolution industrielle. Le commissaire européen au numérique, Günther Oettinger, souhaite imposer une stratégie commune de coopération. Mais celle-ci est restée au stade d’annonce. Pour l’heure, le programme Horizon 2020 résume les seules actions concrètes de l’UE.
les nanotechnologies sont les cibles favorites des financeurs.
péenne. À partir de ces recherches, naissent des projets transfrontaliers avec des grandes et des petites industries. À ce jour, plus de 1 900 organisations européennes ont participé et 151 projets ont été lancés.
L. P. et C. L.
15/03/2017 10:36
4 Tétière
XX mars 2017 – made in Loire VaLLey
La Feuille
Plastivaloire
L’usine Plastivaloire est spécialisée dans la production de pièces de plastique injecté pour l’automobile
auto : le virage de la robotisation
Parmi les secteurs industriels traditionnels, l’automobile a pris de l’avance dans l’usine du futur. Sans que les robots ne suppriment d’emplois.
P
roduire plus vite, plus de voiture, à moindre coût : une constante pour le secteur automobile qui a toujours été précurseur dans les nouvelles manières de produire depuis les années trente et la Ford T. La révolution technologique en cours ne déroge pas à la règle. En Touraine, Plastivaloire fait office de pilier industriel régional. Spécialisée dans la production de pièces plastiques injectées, la société tire 70 % de son chiffre d’affaires – 582 millions d’euros – du marché automobile. Les 450 employés du site de Langeais (37) sont les pièces d’une mécanique européenne : 27 usines réparties dans 11 pays différents, en attendant une prochaine installation sur le continent américain. Un succès qui lui permet d’inclure l’industrie du futur dans son process de production. Dominique Manceau, directeur de l’innovation du groupe, détaille : « Notre partie rob otique comprend deu x spécificités majeures : les robots industriels et les collab oratifs . »
p.8-9.indd 2
Autonomes, les premiers se caractérisent par la répétition des mêmes gestes ; du travail de chaîne, en quelque sorte. Les seconds assistent les employés au quotidien. Ils intègrent le processus de transformation du plastique, sans pour autant remplacer l’humain qui intervient chaque fois que c’est nécessaire.
Une amélioration des emplois
La robotisation permet une augmentation de la vitesse de production et une réduction des coûts de main d’œuvre. D’où un gain évident de compétitivité et un frein à la délocalisation des usines liées à l’automobile. Jusqu’à créer des emplois ? « Cela engendre de nouveaux besoins, donc de nouveaux postes. Il faut plus de personnes dans la maintenance robotique, du personnel plus qualifié. Mais on aura toujours besoin d’ouvriers pour les petites séries qui ne sont pas rentables en automatisation », affirmeDominique Manceau. Pour lui, l’industrie 4.0 n’est pas synonyme de mise au pas des employés dans son entreprise.
La santé est l’un des atouts de l’industrie 4.0. En leur évitant des tâches redondantes, elle permet de réduire les risques de pathologies (troubles musculosquelettiques notamment) liées au travail. « Cela nous évite des efforts, confirme un salarié. Passez huit heures à enfoncer des objets dans du plastique, vous verrez l’état de vos doigts à la fin de la journée. » Et son directeur innovation de renchérir : « Au départ, la partie robotique a été pensée pour la productivité. Maintenant, il s’agit d’aider nos opérateurs. » Le gain de productivité n’occulte pas l’exigence de qualité. L’« objectif zéro défaut » est assumé et entériné, grâce notamment à l’installation de contrôles automatiques. Ceux-ci sont réalisés par des caméras qui scannent chaque pièce présentée par le robot pour vérifier sa finition. Mais aujourd’hui, seules quelques machines fonctionnent en totale autonomie : la majorité reste sous le contrôle de l’œil humain. Le rêve de l’industrie 4.0 est de supprimer ce dernier contrôle. Même chose concernant
15/03/2017 10:38
p.8-9.in
017 10:38
industrie
24 mars 2017 – made in VaL de Loire
l’emballage des produits. Cette tâche est réalisée par des robots, ce qui permet de libérer les employés. L’impression 3D, symbole de l’industrie du futur, est également surveillée de près par le secteur. Son utilisation va dépendre de la progression technologique : « Dans notre catégorie, l’impression 3D est encore trop lente par rapport aux injections dans nos moules. Là où on peut sortir une pièce en trente secondes, l’imprimante 3D va mettre cinq minutes. Pour l’instant. » L’impératif de vitesse, donc. Mais « ce n’est que le début, tout va très vite ».
« Une question de survie »
Pour le journaliste économique Nabil Bourassi, l’industrie du futur est parfois d i f f i c i l e à ap p réh e n d e r p o u r l e s équipementiers auto. Selon une étude menée par le Boston Consulting Group, 74 % des industriels français l’expérimentent avec cette révolution, mais seulement 6 % en ont une vision complète qui va de la conception à la vente finale du produit en passant par sa réalisation. La Tôlerie industrielle de Brezolles (28), spécialisée dans les véhicules sanitaires tels que les ambulances et les camions de pompiers, illustre cette
Dominique Manceau est responsable des nouveaux outils de production chez l’équipementier Plastivaloire.
Théophile Pedrola/EPJT
La Feuille
9
plus obligée de changer la totalité d’une ambulance. « Nos clients n’ont ainsi pas besoin de régulièrement racheter des véhicules. » Il lie donc aussi le concept d’industrie 4.0 à la facilitation de la vie de l’acheteur, tout en y intégrant la question é c o l o g i q u e : « C ’e s t a u j o u r d ’ h u i indispensable. On a à la fois des réglementations européennes et des demandes venant directement des clients. Nous travaillons actuellement sur de nouvelles ambulances propres. » L’industrie automobile et ses affiliés voient dans l’industrie du futur une formidable opportunité. Gains de productivité, relocalisation des emplois ou amélioration de la vie des salariés font partie de ses mantras. Si elle est bien comprise, la révolution pourrait satisfaire entreprises et clients sans pour autant sacrifier le travail humain, sur qui pèse le spectre de la robotique. Comme le résume selon Jeffrey Immelt, P-DG du géant américain General Electric interrogé par Le Figaro, il faut « être suffisamment innovant et compétitif pour lancer de nouveaux produits et services afin de répondre aux besoins des clients. C’est cela qui aboutira à créer des emplois. »
volonté ralentie par la dureté d’assimilation de la notion. La petite société eurélienne, qui dépose au moins un brevet par an, associe les améliorations de l’innovation 4.0 à la qualité des matériaux et la facilité des constructions. « L’innovation est une question de survie, clame le P-DG Philippe Sandrin. Si on ne réussit pas à constamment innover, on meurt. » Concrètement, En réparant une pièce la PMI (petite et moyenne industrie) n’est Théophile PEDROLA et Daryl RAMADIER
un trésor en pleine renaissance
La Faïencerie de Gien sauvegarde son savoir-faire en investissant dans la 3D.
p.8-9.indd 3
rencontrées dans ses premières heures, de 1830 à 1850. La situation s’est stabilisée dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Pour en témoigner, l’entreprise peut se targuer d’avoir reçu de nombreux prix et récompenses lors d’expositions internationales, telle cette mention à l’Exposition universelle de Paris en 1839.
Faïencerie de Gien
C
ela fait presque deux cents ans que la Faïencerie de Gien habille les jolies tables. Créée en 1821 par un industriel anglais, l’entreprise du Loiret est spécialisée dans la faïence fine. Sa réputation lui a permis de traverser les époques et de résister aux délocalisations, si bien que Gien abrite aujourd’hui la plus grande faïencerie d’Europe. Cette usine phare compte 150 employés et exporte son savoir-faire industriel. L’entreprise a été reprise en 2014 par Pascal d’Halluin. Ce changement illustre la situation économique délicate du secteur ces trente dernières années. Les coûts de production se sont élevés face à une concurrence massive venue d’Asie du Sud-Est et de Turquie. Des difficultés que la Faïencerie de Gien avait déjà
Un artisanat pionnier
Quelques années plus tard, en 1875, la faïencerie prend le nom sous lequel nous la connaissons aujourd’hui. Elle change aussi de statut puisqu’elle prend celui de société anonyme. Mais s’il y a bien une chose qui ne change pas depuis deux siècles, c’est le savoir-faire, grande force de la Faïencerie de Gien. De la peinture jusqu’à l’application des décors sur les pièces, tout est fait sur place et à la main. Ou presque.
Fleuron français des arts de la table, la Faïencerie de Gien mise à la fois sur l’artisanat et sur l’impression 3D.
L’industrie moderne, bien présente, n’a fait son entrée que récemment et sur des secteurs précis, mais indispensables. Les imprimantes 3D, par exemple, servent aux modeleurs à concevoir les moules des objets fabriqués par la suite en série. Une forme de sauvetage puisque les moulistes pour la céramique ont disparu.
L’e n t r e p r i s e b é n é f i c i e aujourd’hui d’une renommée mondiale. Avec un chiffre d’affaires de plus de 10 millions d’euros chaque année, la Faïencerie de Gien représente un f leuron de l’industrie française. Elle a d’ailleurs reçu le label Entreprise du patrimoine vivant.
Colin ABGRALL
15/03/2017 10:38
10 Transports
Made in Val de loire– 24 Mars 2017
La Feuille
Photos : Clément Buzalka/EPJT
Des employés de l’usine Socofer à Saint-Pierredes-Corps assemblent les pièces d’un train-aspirateur. Le véhicule de maintenance permet d’éliminer les détritus présents sur les voies.
socofer réinvente son savoir-faire
Fondée en 1920, l’usine française de construction d’engins de maintenance ferroviaire Socofer a investi dans un nouveau bureau d’études. Grâce à des outils innovants, elle a su s’emparer de projets d’envergure internationale.
T
out est neuf dans la nouvelle usine de maintenance de Socofer, à Saint-Pierre-des-Corps, où les cent cinquante employés s’activent. Ces jours-ci, ils mettent au point les engins de maintenance des métros du Maroc, de Berlin et de New York, ainsi qu’un projet top secret. L’effervescence règne des bureaux jusqu’à l’atelier. Des ouvriers en gilet orange fluo s’affairent autour d’énormes châssis qui doivent partir aux quatre coins de la France jusqu’au bout du monde. « La SNCF n’est pas notre plus gros client. Heureusement, sinon Socofer n’existerait plus. C’est l’export qui compte le plus. Il représente 50 % de notre chiffre d’affaires », précise Jack Morin, le directeur commercial de cet équipementier ferroviaire. L’industriel tourangeau produit des véhicules automatiques légers, de petite et moyenne puissances. Ils sont destinés à la maintenance de voies de tramways et des réseaux ferrés
permettant le transport de voyageurs mais aussi de fret. Socofer est aujourd’hui à la pointe de la fabrication d’engins roulants déstinés à la maintenance ferroviaire. «Dans notre domaine, on a le transport de passagers tout en haut de l’échelle et, en bas, ceux qui fabriquent les voies. Nous sommes au milieu, comme un lien entre ces deux mondes», proclame Jack Morin. Ces réalisations sont le fruit de plusieurs milliers d’heures d’études et d’une expérience construite « non pas en années, mais en dizaines d’années », comme le précise le cadre de Socofer. Ce fleuron industriel de la région Centre-Val de Loire a en effet ouvert dans les années vingt. À l’époque, cette petite PME familiale construisait des draisines à bras. Après la Première Guerre mondiale, l’entreprise étend son domaine à la fabrication de locotracteurs pour l’armée française. Aujourd’hui, elle s’est adaptée pour produire des engins de meilleure qualité et plus rapidement.
p.10-11.
La Feuille
Transports
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
« Nous avons commencé à utiliser la 3D en 2003. Elle aide à la conception des véhicules de A à Z grâce au logiciel Solid Edge. Nous avons une vision plus nette du produit sur l’écran, ce qui évite les interférences entre deux pièces », explique Charly Deroche. Il est responsable de projet au pôle recherche et développement de l’usine, aussi appelé bureau d’études. Paradoxalement, ces nouvelles techniques ne leur font pas immédiatement gagner du temps. La conception est en effet plus longue que sur un logiciel de projection 2D mais le niveau de sécurité est finalement plus élevé. Le temps perdu est récupéré par l’équipe de production qui peut assembler plus rapidement.
Des techniques agréables
Pour le directeur commercial, il était impératif d’investir dans ces « outils de conception puissants, notamment pour affronter la concurrence internationale ». D’autant que les principaux rivaux de Socofer, comme Alstom, travaillent ainsi. Il fallait donc se mettre à jour pour garder une place avantageuse sur le marché, mais également pour améliorer le confort des employés. « Quand j’ai commencé dans le ferroviaire, on dessinait sur des tables à dessin avec du papier calque et un Rotring. C’était long et fastidieux », explique Jack Morin. Il ajoute : « Aujourd’hui le secteur ferroviaire soutient la comparaison avec les filières automobile et aéronautique. » Pour lui, impossible de travailler sans outils performants et sans collaborateurs qui savent s’en servir. Le bureau d’études regroupe quarante calculateurs et dessinateurs. Le nombre de salariés du service a doublé en deux ans. En revanche, le manque de personnel dans certains services commence à être un frein pour l’entreprise. Alors qu’elle souhaite se développer, il lui est difficile de trouver des employés qualifiés. Le service après-vente est le plus touché, puisqu’il ne compte plus que cinq employés.
11
Si la 3D est désormais acquise, la réalité augmentée s’invite pas à pas dans cette industrie. Seuls quelques ateliers du bureau d’études misent sur cette innovation. Elle permet d’intégrer dans un environnement réel des éléments conçus à l’aide d’un logiciel de modélisation 3D. Cette nouvelle approche est « agréable », selon Charly Deroche. Les projets se développent sur plusieurs interfaces pour voir les évolutions du produit. À partir des logiciels de représentation et de maquettes en 3D, le bureau d’études peut travailler d’abord sur la conception d’un véhicule pièce par pièce, avant d’élaborer dans les détails le rendu final. Le design du produit est pensé et personnalisé à la demande de chaque client. Dès le début, Socofer a travaillé sur le projet de la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA) entre Tours et Bordeaux. Leurs plans de réalité augmentée ont été présentés en Charente, lors de l’inauguration de la ligne le 28 février. Le président François Hollande, lors de l’événement, a déclaré : « Saint-Pierre-des-Corps est un grand site historique ferroviaire. » Ces propos ont été approuvés par Jack Morin qui promet un travail assidu pour le reconstruire. Le centre de maintenance va être élargi sur plus de 4 000 mètres carrés dès 2018, après un accord signé avec le géant allemand Vossloh. Près de 50 emplois seront créés par cette co-entreprise. Un investissement de 7 millions d’euros est nécessaire pour maintenir et relancer tout le pôle ferroviaire. Le carnet de commandes de l’usine reste très chargé et est déjà planifié sur deux ans. Cela explique la nécessité d’études très pointues et d’une sélection exigeante des projets. L’an dernier, Socofer a dû refuser de nombreuses commandes par manque de temps, mais surtout parce que la société s’attache à une « réinvention permanente ».
Manon BRETHONNET et Clément BUZALKA
Une innovation qui va bon train Socofer livre un camion rail-route pour l’entretien des LGV.
C
’est « le plus grand chantier de génie civil en Europe », selon François Hollande. La ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA) entre Tours et Bordeaux est un projet titanesque dont le coût s’élève à 7,8 milliards d’euros. La ligne est concédée jusqu’en 2061 à l’entreprise privée Lisea, filiale de Vinci. Dès juillet 2017, date de la mise en service totale, une autre filiale de Vinci, Mesea sera en charge de son exploitation et de sa maintenance. Celle-ci a commandé un matériel rail-route inédit à Socofer pour contrôler 340 kilomètres de voies. Ces camions de maintenance, appelés Modul’RR (marque déposée par Vinci), peuvent entrer et circuler à tout moment sur la ligne. Ils travailleront sur les voies et les caténaires.
Une première en France
camions en structures mobiles sur rails. Moins chers, plus efficaces, ces camions modulables sont le cœur du projet railroute étudié par le bureau d’études de Socofer, avec l’appui du centre d’ingénierie de la SNCF. C’est une première en France. Mais Socofer a été amenée à penser différemment que la SNCF, avec de nouveaux outils, pour imaginer ces véhicules innovants. Le camion Modul’RR vérifiera chaque matin la ligne, avant le passage des trains commerciaux à grande vitesse.
Ces engins sont réalisés à partir de camions ordinaires, directement sortis des concessionnaires, puis équipés de structures de maintenance. L’innovation Modul’RR, le véhicule de maintenance tient aussi dans la transformation de issu d’un camion ordinaire.
p.10-11.indd 3
Aujourd’hui, cette mission de maintenance est effectuée par des rames commerciales vides, qui pèsent tout de même 400 tonnes. Or, des études ont montré qu’elles généraient des dégâts sur les voies. Socofer a donc privilégié des trains légers, plus rapides, roulant à 160 km/h. Très mobiles, les Modul’RR s’enraillent et se déraillent sur toutes les voies et à tout moment sur la ligne. Leur tâche est facilitée par la combinaison de plusieurs modules. Ils sont composés d’un plateau avec grue pour les travaux sur les voies, d’une nacelle pour atteindre les caténaires, d’un atelier et d’une plateforme de déroulage de câbles. Les bénéfices pour les passagers de la LGV SEA sont multiples. D’abord parce que la sécurité liée à l’intégrité matérielle des voies est mise en œuvre. Ce qui réduit les risques d’incidents et les retards. A contrario, c’est un argument commercial pour Lisea qui loue des sillons, autrement dit un droit de péage appliqué aux trains commerciaux. De son côté, Socofer assure que les cinq camions Modul’RR seront prêts au printemps 2017.
M. B. et C. B.
15/03/2017 10:43
La Feuille
Photos : Thomas CUNY/EPJT
Les machines trient automatiquement le courrier en fonction des destinations. Une partie des salariés est chargée de déposer les plis dans des caissettes qui seront ensuite acheminées vers d’autres centres de tri.
la poste à marche forcée
Depuis les années quatre-vingt, l’entreprise publique se réforme mais elle paye au prix fort sa modernisation.
L
a plate-forme industrielle courrier de Sorigny (37), près de Tours, témoigne de la modernisation de La Poste. Cet immense site de 22 000 mètres carrés, qui se veut à la pointe de la technologie, est équipé de 18 machines de tri. Chaque jour, 2 millions de lettres circulent, à plus de 15 kilomètres/heure, dans les entrailles de ces monstres d’acier aux capacités hors-normes. Selon les trieuses, entre 10 000 à 40 000 plis sont traités toutes les heures. Des lecteurs optiques de reconnaissance d’adresses postales dernier cri permettent d’accélérer le processus. Mais ce temple de la modernité sonne creux. Peu d’agents travaillent à Sorigny. En moyenne, entre deux et trois personnes seulement sont affectées à chaque
p.12-13.indd 2
machine de tri. Dès que la lumière rouge s’allume, des hommes de la maintenance technique interviennent. C’est le seul lien entre les différents ateliers. Chacun est isolé à son poste et les rares moments collectifs ont lieu sur les temps de pause, lorsque le brouhaha des machines s’arrête. Les employés sont silencieux. Seul le bruit des machines se fait entendre. Une atmosphère pesante règne dans le centre de tri. à Pontarlier (25), Charles, 53 ans, postier, a mis fin à ses jours le 17 juillet 2016. Symptomatique de la crise sociale qui couvait dans l’entreprise publique depuis de nombreuses années. Les conditions de travail sont régulièrement dénoncées par les salariés. D’après la CGT et Sud PTT, 50 salariés du groupe se
15/03/2017 10:46
p.12-13.in
017 10:46
La Feuille
24 mars 2017 – made in Val de loire
seraient donné la mort au cours de l’année 2016. Ces syndicats affirment également qu’une cellule interne aurait été mise en place par la direction. Selon eux, elle surveillerait de très près les éventuelles crises au sein du groupe. Des informations démenties par la direction. En octobre 2016, un collectif de cabinets d’expertise agréés par les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) s’inquiétait de la situation préoccupante des salariés de l’entreprise. « La direction de La Poste prend le risque de dégrader simultanément la qualité de service [et] la santé des travailleurs », expliquaient-ils dans une lettre ouverte.
« Des cadences de travail infernales »
Emploi 13
la retraite sur cinq. Mais, en réalité, La Poste a voulu se diversifier. Elle propose maintenant des prestations inédites dans l’histoire de l’entreprise. Les agents se sont vu allouer de nouvelles fonctions en plus de la distribution du courrier. Ils peuvent désormais faire passer le code de la route. Ils ont également des partenariats avec les enseignes de la grande distribution, grâce auxquels ils livrent les commandes des particuliers à domicile. Dans la région Centre-Val de Loire, le groupe s’est lancé dans la livraison de légumes de saison en circuit court. La diversification des compétences des agents postaux n’a pas été suffisamment anticipée par la hiérarchie. La Poste reconnaît que ces évolutions sont un facteur supplémentaire de stress pour ses employés. Raison de cette diversification : les Français postent beaucoup moins de lettres en raison de l’augmentation puis de la banalisation des courriers électroniques. La concurrence d’Internet a particulièrement affecté la société. Mais La Poste reste un service public. Elle doit donc se moderniser afin d’assurer sa compétitivité. La recherche de la rentabilité se fait aux dépens des employés parfois déstabilisés par les évolutions de leurs postes.
Ces bouleversements, apparus trop brutalement pour certains postiers, ont précipité les tensions sociales. De son côté, le groupe invoque la difficulté de mettre en place une politique davantage favorable aux travailleurs. Dans la réalité, de nombreux salariés ne supportent plus la pression que la direction fait peser sur leurs épaules. Et la dégradation des conditions de travail n’a cessé d’empirer. C’est ce que dénonce un ex-syndicaliste qui souhaite rester anonyme : « Il y avait un équilibre qui permettait un “vivre ensemble”. Le personnel se côtoyait et Des efforts qui ne font pas l’unanimité pouvait discuter. Aujourd’hui, les machines mesurent 40 mètres Les investissements du groupe dans de nouvelles machines de long. Une personne est postée à chaque extrémité. Les salariés devraient permettre à long terme de combler les pertes ne se parlent plus. » C’est la situation des postiers de Sorigny. économiques dues à la baisse des envois postaux. Dans son Même si on n’a, jusqu’ici, pas rapp ort 2016, la Cour des constaté de suicides en région comptes demande explicitement Centre-Val de Loire. à L a Poste « d’accélérer sa La restructuration des centres de transformation et ses réformes ». tri empêche toute relation entre Dès les années quatre-vingt, le les agents. Ils ne travaillent plus groupe a fait évoluer le traitement q u ’a v e c l a m a c h i n e . E n des lettres et des colis avec conséquence, les arrêtsl’apparition des premières maladies, « largement au-dessus machines. Les années deux mille de la moyenne nationale des ont marqué un tournant dans entreprises françaises », poursuit l’automatisation de toutes les l’ex-syndicaliste, ont explosé. étapes du traitement des plis. « Travailler aujourd’hui dans une Désormais, la société s’équipe de unité postale, sur une plateforme machines de dernière génération industrielle courrier, c ’est comme les drones. Ils sont utiles comme travailler dans une pour desservir des zones peu usine », conclut-il. accessibles telles que le cirque de Pour lui, « La question du Mafate à La Réunion. surmenage et des suicides est La direction assure avoir mis en liée à la mécanisation. C’est un place des mesures afin logiciel qui calcule le temps d’améliorer durablement les d’une tournée d’un facteur. La conditions de travail de ses machine ne tient pas compte du postiers. Le groupe a instauré des volume du courrier, c’est le ateliers de prévention et de problème. » Il explique que discussion. Les équipements ont te mp s q u’u n p o s t i e r d o i t été améliorés pour éviter des consacrer à la remise d’un troubles musculo-squelettiques re commandé e st é v alué à (TMS), l’une des nombreuses seulement deux secondes. Et de causes d’arrêts maladies. Il a par déplorer que la réalité ne soit pas En France, en 2015, plus de 22 milliards de plis ont été trai exemple installé des chaises en tés. La Poste est le deuxième opérateur postal européen. prise en compte. forme de selle de cheval pour La majorité des suicides à La Poste découlerait également des plus de confort. Mais elles ne sont utilisées que pour le tri mauvaises relations avec la hiérarchie. Celle-ci serait accusée de manuel, autrement dit, par peu de personnes. L’entreprise s’est harcèlement et d’imposer des cadences de travail infernales. Les également dotée de machines qui tiennent compte de la posture facteurs qui ne tiennent pas leurs objectifs vivraient très mal des salariés. Elles placent les caisses remplies de courrier de cette situation. manière à limiter au maximum les torsions du dos. Bien que le groupe La Poste soit le deuxième employeur public La Poste assure prendre en compte le bien-être de ses employés de France derrière l’État, le nombre de facteurs a sensiblement malgré les bouleversements qu’elle connaît. Les mesures prises diminué ces quatre dernières années passant d’environ 100 000 par le groupe restent cependant inefficaces aux yeux des à moins de 73 000. Les dirigeants précisent que cette diminution syndicats. est la simple conséquence du non-remplacement d’un départ à Thomas CUNY et Valériane GOUBAN
p.12-13.indd 3
15/03/2017 10:46
14 Découverte
Made in Val de loire – 24 Mars 2017
La Feuille
polysson, le ro À Tours, l’industrie du futur est au service du public. Une ancienne imprimerie accueille désormais le FunLab, une fabrique associative autour du numérique.
A
u FunLab, on teste, on s’entraide, on découvre, on renouvelle ou on est simplement curieux. On manie des imprimantes 3D, une machine à coudre numérique ou encore une découpeuse à fil chaud dans un esprit de convivialité. Avec le FunLab, créé en 2013 par Didier Roudault, le citoyen lambda peut s’impliquer personnellement dans l’élaboration de son projet ou dans la réparation de ses appareils domestiques. Non seulement il s’investit à chaque étape, mais certains vont jusqu’à distribuer les produits qu’ils créent. Une seule condition, qu’ils soient professeurs de technologie ou simples amateurs, tous doivent assurer le bénévolat au FunLab. C’est-à-dire aider les autres à leur tour. Et c’est bien ce qui fait le succès et la pérennité de cet espace au sein de l’incubateur Mama, à Tours. Chaque jeudi après-midi, à partir de 16 heures, tout le monde participe. Ici, la transmission est fondamentale et les créations à bas coût. Alan, membre récent de l’association, se voit déjà commercialiser son nouveau jeu de société. Ce jeune père de famille a imaginé un jeu tout simple pour ses enfants, dont le but est de déplacer des pions en aluminium sur des plateaux circulaires. Il a pu le développer grâce aux outils et aux machines disponibles dans les locaux.
Des projets ouverts
Un peu plus loin, un homme penché sur son bureau dessine un engrenage à l’aide d’un logiciel de modélisation 3D. Albert, la cinquantaine, tente de réparer sa rôtissoire à poulet. Il produira ensuite la pièce nécessaire avec l’imprimante 3D Ultimaker, disponible en plusieurs exemplaires au FunLab. Tous les outils disponibles sont des alternatives à ceux des professionnels qui proposent de réaliser des prototypes mais moins rapidement pour plus cher. Du coup, certaines entreprises ont recours aux petites mains du FunLab pour de simples réparations d’objets. Tout comme les particuliers. L’association propose par ailleurs des ateliers découverte, destinés aux grands comme aux plus petits. L’année dernière, ils ont donné à Didier Roudault une idée : la création du robot Polysson. Le petit panda en polystyrène d’une trentaine de centimètres de haut n’est pas destiné à être vendu. Financé par l’association, il a un but pédagogique : les enfants découvrent grâce à lui les technologies du futur. Il ne se déplace pas mais il est la preuve qu’on peut fabriqur un objet technique avec très peu de moyens.
p.14-15.indd 2
le cerveau : la carte imprimée La carte Arduino Uno est un microcontrôleur. C’est-à-dire qu’elle possède les caractéristiques essentielles d’un ordinateur et permet donc d’exécuter des programmes préalablement écrits. Le récepteur infrarouge au niveau du cœur permet de la commander à distance. La carte doit être connectée à un ordinateur via un câble USB. L’utilisateur écrit ensuite le programme de son choix avec un langage informatique spécifique sur le logiciel Arduino. Une fois déconnectée de l’ordinateur, la carte est intégrée dans le robot et reliée aux servomoteurs et aux LED (par l’intermédiaire de câbles). Italie, 2005, 20 euros.
le corps: le polystyrène La découpeuse à fil chaud MiniCut2d permet de fabriquer des petits morceaux de polystyrène (format A4 maximum). La commande numérique se fait à l’aide du logiciel gratuit FilChaud2D. Lorsque la machine est en fonctionnement, le fil ne touche pas le matériau. Ce dernier est découpé grâce à la chaleur produite par le fil en tension. Ces nombreuses pièces en polystyrène constituent le corps de Polysson. Elles sont ensuite imbriquées les unes dans les autres comme un jeu de construction. La complexité de ces imbriquements permet au petit robot de tenir debout. Machine : 100% française, 2013, 400 euros. Polystyrène : 2 euros pour une plaque de 20x30x3.
Louise BALIGUET et Noé POITEVIN
15/03/2017 10:49
p.14-15
La Feuille
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
Découverte
robot pédago
17 10:49
lesémotions : les led Les dispositifs lumineux LED créent de l’émotion chez Polysson qui rougit sur commande (au niveau de joues). 0,25 euros chacune.
15
le prix : peu onéreux Le prix de ce petit robot est peu élevé grâce à des éléments eux-mêmes peu chers. Il joue désomais son rôle d’outil de découverte à la bibliothèque de Chinon. Coût total : 80 euros environ.
les muscles : les servomoteurs Les servomoteurs mélangent mécanique et électronique. Ils sont contrôlés par la carte imprimée. Avec sept servomoteurs, Polysson peut bouger la tête de droite à gauche, ses bras d’avant en arrière, tourner ses poignets et tenir des objets avec ses pinces. 2 euros chaque servomoteurs.
les articulations : des pièces en plastique L’acide polylactique (PLA) est un plastique qui n’est pas issu de la pétrochimie mais obtenu à partir de ressources renouvelables. L’imprimante 3D permet de concevoir des pièces par addition de matière fondue. Les pièces imprimées sont les mécanismes en rotation du corps de Polysson (épaules, poignets). La commande numérique de l’imprimante 3D se fait avec Cura, un logiciel opensource (modifiable et gratuit). Machine, Pays-Bas, 2011, 995 euros. PLA : de 2 à 20 euros.
Photos : Noé Poitevin/EPJT – DR
contrôle de polysson : mini télécommande La mini télécommande infrarouge Adafruit permet à l’utilisateur de piloter Polysson à distance. Reliée à la carte imprimée, ses neuf boutons contrôlent les différentes parties du robot. 6 euros.
p.14-15.indd 3
15/03/2017 10:49
16 Innovation
Made in Val de loire – 24 Mars 2017
La Feuille
le petit génie de l’impression
Féru de bricolage, Adrien Grelet, créateur de la start-up Tobeca, conçoit des imprimantes 3D. Sa personnalité explique son succès, à la pointe de la technologie.
T
Alizée Touami/EPJT
out le monde a besoin de l’impression 3D, mais tous ne L’entreprise propose aussi du sur-mesure. Le dirigeant déclare le savent pas encore », tel est le credo du fondateur de « réinventer sans cesse, sachant que les clients demandent Tobeca. Le jeune homme, âgé de 29 ans, est persuadé parfois des choses qui n’ont jamais été faites ». Les deux qu’un jour, la majorité des entreprises investiront dans techniciens de Tobeca constatent qu’une partie de leur métier ce produit révolutionnaire. Et il n’a pas tort : dans le repose sur cette adaptation permanente. monde, le secteur de la conception 3D connaît une croissance « Pour chaque machine, nous suivons des plans différents, annuelle moyenne de 26,7 % depuis une trentaine d’années même si certains éléments demeurent », explique Armel (rapport d’avril 2016 du cabinet américain Wohlers Associates). Avonture, ancien ouvrier dans la métallurgie, entré chez C’est en 2013 qu’Adrien Grelet fonde, seul, son entreprise située Tobeca en 2014. L’opinion des employés est prise en compte par le chef d’entreprise. « Nous lui à Vendôme (41). Tobeca est une donnons notre avis. Il est très à des championnes de l’impression l’écoute, mais il reste le seul à prendre 3D en France. Mieux, le patron la décision finale », affirme Edwige n’hésite pas à se considérer Marchal, qui a rejoint l’équipe en comme « le seul fabricant septembre 2016. f r a n ç a i s , v o i re e u ro p é e n , Tobeca, c’est une petite famille. d’imprimantes 3D sur-mesure et Sté phanie Grele t , l’é p ou s e du ad apté e s au x b e s oins de s dir ige ant , e st impliqué e d ans professionnels ». L’entreprise a l’entreprise. Elle se consacre à la déjà mis en vente plusieurs comptabilité et à l’administratif. gammes d’imprimantes. La L’ambiance conviviale participe au Tobeca 3, le prototype le plus bien-être des employés « ravis d’aller récent, sera commercialisée très travailler ». prochainement. Ces machines Avec sa silhouette longiligne et ses fonctionnent toutes selon le cheveux mi-longs, Adrien Grelet n’a même procédé : un logiciel relié pas l’allure d’un chef d’entreprise. à l’imprimante modélise en 3D le Plutôt des airs de gamer décontracté f utur objet . L e s d o n n é e s en chemise noire, baskets et une informatiques sont ensuite boucle à l’oreille gauche en forme de transmises à l’appareil qui crucifix. superpose progressivement Il assure un peu tous les rôles au sein des couches de matière les de l’entreprise, dont il est l’actionnaire unes par-dessus les autres. majoritaire. Relations avec les clients Pour se distinguer, Adrien Grelet et les fournisseurs et essai des a développé un concept original, machines. C’est avec l’aide de son apprenti une philosophie issue du logiciel qu’il conçoit toutes les imprimantes. libre. Il ne protège pas ses moQuand il a le temps, cet amoureux du dèles 3D, les premières versions bricolage en profite pour aider ses sont d’ailleurs en open source, De son atelier, Adrien Grelet dirige son équipe techniciens. Une habileté manuelle qui c’est-à-dire libre d’accès. Une de techniciens. La start-up compte cinq salariés. communauté de connaisseurs peut les télécharger et même les lui vient d’un grand-père ingénieur en mécanique et passionné modifier pour les améliorer. Tobeca s’inscrit dans le maker mo- d’aviation. « Il m’a transmis très tôt le goût de construire. Dès vement, cette génération du Web qui se sert de ses compétences 3 ans j’avais le marteau dans les mains », se souvient-il. Grâce à pour inventer et construire des objets tangibles. L’acheteur peut un BTS support informatique à Orléans et un DUT génie s’amuser à monter lui-même son imprimante. Un assemblage électrique et informatique industrielle à Tours, Adrien Grelet a rendu possible par un sachet de pièces en kit fourni avec l’arma- acquis des connaissances en matière de programmation, ture de l’imprimante. Ceux qui n’ont ni l’envie ni les compétences d’électricité, d’électronique et de mise en place de serveurs. De quoi lui permettre de couvrir toutes les étapes de fabrication de pour le faire peuvent l’acheter déjà montée.
p.16-17.indd 2
15/03/2017 10:51
p.16-17.
017 10:51
Innovation 17
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
Tiffany Fillon/EPJT
Photo : machin chose
La Feuille
Antoine Després utilise une imprimante Tobeca accessible au Funlab de Tours. Situé à l’intérieur de Mame, le laboratoire de fabrication met à disposition des ressources matérielles et humaines afin d’offir la possibilité de réaliser divers projets.
ses imprimantes. « Il a le cerveau qui fume. Il est toujours en train de réfléchir », remarque Armel Avonture. Cela dit, ses employés le décrivent comme quelqu’un qui a « la tête sur les épaules » et qui « sait où il va ».
Imprimer la peau
Marqué par l’art de la bricole, Adrien Grelet a débuté dans le garage de sa maison en 2012 sous le statut d’auto-entrepreneur. Son premier prototype d’imprimante 3D, il l’a monté à la perceuse avec des bouts de bois et de métal. Grâce à ce premier modèle, il a imprimé les pièces plastiques du deuxième prototype, celles-ci ont permis de fabriquer celles du troisième. Puis l’auto-entreprise est devenue une société à responsabilité limitée (SARL) en 2013. C’est au cours de la même année qu’il a fabriqué sa deuxième imprimante, la Tobeca 2, vendue en kit. Il a placé ses premières machines sur Internet en France, en Belgique, en Suisse et même à Los Angeles. Ensuite, les clients lui ont demandé du e Cetim-Certec, bureau sur-mesure. Tobeca s’est end’études et laboratoire gagé sur ce marché et s’est spécialisé dans le sectourné vers une clientèle teur de l’industrie du futur, davantage professionnelle. définit la fabrication additive D é s o r m a i s cel l e - c i s e comme un « ensemble de compose à 90 % de spéciaprocédés permettant de listes, des industriels de f a b r i q u e r, c o u c h e p a r l ’a g r o a l i m e n t a i r e p a r couche, par ajout de matière, exemple, et plus récemment un objet physique à partir des chercheurs de la faculté d’un objet numérique ». L’orde médecine Claudeganisme accompagne les Bernard de Lyon. entreprises dans le dévelopLes chercheurs lyonnais ont pement de leurs produits utilisé des imprimantes
Tobeca pour reconstituer des échantillons de peau. Ce nouveau tremplin leur a ouvert le champ de tous les possibles dans ce secteur en pleine effervescence. Cet esprit d’initiative et d’innovation, Adrien Grelet le cultive depuis toujours « à l’instinct ». Pour autant, ce changement de clientèle nécessite une adaptation commerciale et une nouvelle communication. C’est une des faiblesses actuelles de Tobeca. Pour y remédier, le jeune homme n’a pas lésiné sur les moyens en travaillant la notoriété de son entreprise avec une agence spécialisée. Sa vision de Tobeca et du secteur d’ici deux ou trois ans ? « Aucune idée ! On danse sur un fil en espérant y arriver. » Plutôt que de se soucier de l’avenir, Adrien Grelet peaufine sa Tobeca 3. Après quoi son cerveau se mettra à fumer pour un autre projet.
Tiffany Fillon et Alizée TouAmi
Les clés de la fabrication additive
L
p.16-17.indd 3
technologiques et dans la réalisation de prototypes. Tobeca est pour le moment l’unique fabricant d’imprimantes 3D dans le CentreVal de Loire. La start-up collabore avec le Saymtech de Blois, un bureau d’études qui conseille les professionnels et les aide à définir leurs projets industriels. Des fablabs sont présents à Orléans, à Tours et à Blois. Ces lieux ouverts au public
mettent à disposition une multitude de machines et d’outils utiles pour créer des objets. Ils sont fréquentés par des entrepreneurs, des étudiants, des designers, des artistes ou des amateurs de bricolage et de nouvelles technologies. On peut tout autant fabriquer un crochet de porte-manteau que des pièces détachées d’électroménager.
T. F. et A. T.
15/03/2017 10:51
18 numérique
Made in Loire VaLLey – 24 Mars 2017
La Feuille
Start-up et big data un duo gagnant Banque, santé, sport…, tous les domaines sont concernés par le big data. En voici deux exemples dans le recrutement et le commerce.
T
out d’abord, qu’est-ce que le big data ? Il n’existe pas de définition précise et universelle. Pourtant, nous y contribuons tous chaque jour. Nous laissons tous des traces , des données depuis notre Smartphone ou sur Internet. Ces traces, dans le jargon numérique, sont appelées des tags. Google connaît ainsi nos sites web préférés, Facebook sait ce que nous aimons et Amazon nous recommande des liv res . Chaque t ag constr uit finalement un dossier rempli de données nous définissant. Toutes ces informations arrivent par milliers dans les serveurs. Beaucoup de start-up s’engouffrent dans ce créneau à la fois novateur, créateur d’emplois et très rentable. En effet, une donnée vaut entre 0,01 euros et 10 euros selon les cas. Multiplier par les trois milliards d’utilisateurs d’Internet, le calcul est vite fait. La société Serena Capital, fonds d’investissements p our les entrepreneurs, l’a bien compris. C’est pourquoi, elle a fait une levée de fonds de 80 millions d’euros, provenant d’acteurs
institutionnels comme Allianz et BNP Paribas, destinés aux start-up du big data et de l’intelligence artificielle dans différents pays européens.
Une exploitation intelligente
Dans l’incubateur (str ucture d’accompagnement de projet de création d’entreprises) Mame à Tours, You-Trust et Mixdata sont deux start-up qui baignent chaque jour dans cet océan de données. L’une collecte les avis des anciens collègues et employeurs d’une personne à la recherche d’un emploi pour connaître sa personnalité et valoriser son CV. L’autre permet aux commerciaux de prospecter avec plus d’efficacité en réunissant un maximum de données comme la localisation, le chiffre d’affaires, les services et technologies utilisées (comme un e-commerce) des entreprises. You-Trust préfère utiliser le terme Smart Data. Au sein de cette entreprise, « on privilégie une plus petite quantité d’informations ayant une réelle valeur ajoutée plutôt que des volumes immenses
sans pertinence », soutient Nicolas Morel, créateur de l’entreprise. Directeur pendant quinze ans d’un cabinet de conseil en recrutement qui a embauché plus de 500 salariés, il a pu constater certaines tensions entre les employés et leur hiérarchie. Dans de nombreux cas, les compétences professionnelles n’étaient pas la cause de l’échec mais un problème de comportement et de savoir-être. Il a donc voulu réinventer le recrutement. En 2015, le nombre d’employeurs ayant commis une erreur de recrutement s’élevait à 53 %. Un chiffre d’autant plus éloquent quand on sait qu’un mauvais recrutement peut coûter plus de 50 000 euros à une entreprise selon You-Trust. Il y a un an et demi, l’idée d’une plateforme informatique qui aiderait des personnes de tout âge sur le marché de l’emploi à certifier leurs qualités humaines et sociales a pris son sens. Sur le site, tout commence par une auto-évaluation accompagnée d’un suivi avec un conseiller. Puis, l’avis d’anciens collègues de travail et d’employeurs à propos de son ouverture
Clara Gaillot/EPJT
L’incubateur de start-up s’est installé dans l’ancienne imprimerie Mame. L’inauguration a eu lieu en juin 2016. Il ouvrira ses portes au public dans quelques mois.
p.18-19.indd 2
15/03/2017 11:00
p.18-19.
017 11:00
La Feuille
numérique 19
24 Mars 2017 – Made in VaL de Loire
Le Big data au service des pros
Cet examen de personnalité est rendu possible grâce à différents algorithmes qui prennent en compte les facteurs suivants : l’expérience du candidat (le dernier poste occupé aura plus d’importance que celui occupé il y a vingt ans), la durée de cette expérience et la véracité des informations mises en ligne. Pour cela, l’équipe de la jeune start-up téléphone aux anciens collègues et aux employeurs afin d’enquêter sur tous les réseaux pour contrôler l’authenticité du CV. En se positionnant comme un garant du savoir-être des postulants, You-Trust certifie donc un meilleur recrutement. Comme le dit Nicolas Morel, la valeur ajoutée de son entreprise est l’attention qu’elle porte à humaniser son travail. « Nous nous appuyons sur un support
Nicolas Morel, créateur de You-Trust, certifie les CV grâce aux données.
Taliane Elobo/EPJT
d’esprit, mais aussi de sa motivation, est sollicité. Les recommandations sont rédigées par les personnes elles-mêmes et mises en ligne sur le site internet de YouTrust. Le candidat a la possibilité de consulter les réponses de ses collègues et supprimer les éléments jugés déplaisants. Une notification est alors apposée sur le profil indiquant la suppression.
développement à Tours. Elle fait partie d’un groupe de cinq associés, tous issus du monde de l’informatique. Le rôle de la start-up est de structurer et de rendre les données plus faciles à traiter. Labellisée « jeune entreprise innovante », elle simplifie la prospection des sites commerciaux. Avec son équipe, Cécile Chetrit crée un référentiel détaillé d’informations sur chaque entreprise qui la sollicite. À l’aide de leurs propres algorithmes, de calculateurs utilisés par d’autres organisations et de données de l’Insee, ils regroupent et décortiquent des dizaines de sites internet, réseaux sociaux, blogs ou toutes autres informations disponibles en ligne. Ce référentiel, tel un moteur de recherche, permet, par exemple, à un commercial de contacter tous les directeurs marketing de la région. Cerise sur le gâteau, tous les abonnés réalisent de significatives économies en matière de marketing. L’ambition pour cette année est d’étendre cette plateforme à d’autres pays européens. Pour le moment, il y a peu de concurrence, selon Cécile Chetrit, les véritables prédateurs sont les Américains qui ont une bonne longueur d’avance.
technologique, le big data, mais derrière, il y a des hommes et des femmes, pas seulement des ordinateurs traitant imbécilement des dizaines de données .» You-Trust n’existe actuellement qu’en France mais entend rayonner au-delà d’ici quelques années, convaincu que cette méthode peut intéresser des décideurs du monde entier. Mixdata, qui compte une vingtaine de salariés, est « le Google des entreprises » selon Cécile Chetrit, responsable Taliane ELOBO et Clara GAILLOT
L’enjeu méconnu de la cybersécurité
A
ujourd’hui, tout objet connecté à Internet, de l’imprimante basique aux composants d’une machine industrielle, peut être une p o r t e d ’e n t r é e p o u r d’é ventuelles intrusions . D’inquiétants évènements, tel que la découverte du ver informatique américain, Stuxnet (un virus reproducteur très puissant) en 2010, poussent les organismes à se protéger et à sécuriser leurs activités numériques. Franck Teyssier, étudiant à Polytech Tours et ingénieur chez Sectronic, confie que son entreprise a subi des attaques informatiques : « Il est déjà arrivé que la connexion Wi-Fi de l’entreprise soit piratée, par exemple ». D’après l’Agence nationale de sécurité informatique, les entreprises n’ont pas toujours pleinement
p.18-19.indd 3
conscience des menaces : vols de données, sabotage industriel ou encore des risques pour l’environnement. L’agence rappelle dans ses rapports que la sécurité informatique est un « processus continu demandant des efforts importants ». Elle ajoute : « La s ensibilisation doit ê tre régulière car les risques évoluent en permanence .»
Une prise de conscience
Franck Teyssier explique que « les entreprises font de plus attention, mais introduire un périphérique infecté dans votre machine est vite arrivé ». Les entreprises sont en effet plus sensibles à la question qu’il y a quelques années. « Nous sommes accompagnés en matière de sécurité, les sociétés travaillant dans des domaines sensibles, comme l’industrie de la défense, reçoivent régulièrement la
Le piratage informatique est devenu une véritable menace pour de nombreuses entreprises dans le monde.
visite de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure, NDLR) ». Malgré ce regain d’intérêt, les entreprises les moins dé velopp é es et hors des domaines liés à la sécurité nationale, restent vulnérables. Elles ne sont pas toujours en m e s u r e d ’e n g a g e r d e s
Hugo Vallas/EPJT
Dès qu’une entreprise se connecte, elle s’expose à un risque.
ingénieurs et des informaticiens capables de gérer la sécurité de leurs systèmes informatiques à plein temps. « J’ai tout de même le sentiment que les informaticiens sont de plus en plus écoutés », conclut Franck Teyssier.
Hugo VALLAS
15/03/2017 11:00
20 Formation
24 mars 2017 – made in Loire VaLLey
La Feuille
S’orienter verS leS métierS de demain En région Centre-Val de Loire, les écoles qui forment les ingénieurs comme les techniciens, s’adaptent à l’évolution permanente de l’industrie.
L
a ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé en déplacement à Tours début mars la création de cinq cents nouvelles formations professionnelles dans les métiers d’avenir pour la rentrée prochaine. L’annonce concerne les secteurs jugés porteurs ou sous tension dont le numérique, l’industrie et les énergies renouvelables. Frédéric Cayrel, chef du département génie électrique et informatique industrielle à l’institut universitaire de technologie (IUT) de Tours, qui tient dans ses mains la plaquette de présentation de la formation nuance : « Nous formons des êtres humains à un métier où il n’y en a pas. » Sur l’image, des robots aux bras articulés s’activent, pilotés à distance par un ordinateur. Aucune présence humaine sur l’image, tout est automatisé. Comment préparer des étudiants à des métiers où leur place sera de plus en plus réduite et leurs actions de plus en plus limitées ? C’est la question que se posent depuis quelques années les enseignants en écoles d’ingénieurs. En région CentreVal de Loire, les écoles Polytech d’Orléans, l’Institut national des sciences appliquées (Insa) et l’IUT de Tours doivent préparer les acteurs de l’industrie de demain. Si l’usine du futur n’a plus aucun secret pour les enseignants, les étudiants, eux, restent perdus face à un sujet jamais abordé directement dans leurs cours.
certaines sociétés quand d’autres en sont déjà au big data », explique Benoit Leroux. À l’Insa, aucun enseignement n’est spécifiquement dédié à l’usine du futur, mais le sujet est implicite dans tous les cours, assure Jérôme Fortineau, directeur du département génie des systèmes industriels. Toutefois, il est convaincu qu’il faut la rendre plus visible. Pour lui, l’anticipation est la clé de la réussite : « Toutes les usines vont se transformer. Et toute école d’ingénieurs a la mission d’anticiper cela. Nous adapterons nos programmes mais ce ne sera pas un grand bouleversement. Plutôt une évolution. »
Même discours à Polytech Orléans, où les programmes sont réorientés selon les besoins des industries. Dans les années à venir, l’école compte mettre en place des enseig nement s p our anticip er la révolution en cours. Une métamorphose qui touche l’organisation du travail, les savoirs des opérateurs, les métiers, etc. Benoit Leroux tient cependant à rassurer ses étudiants : « Si l’usine du futur détruit certains emplois, elle en crée aussi de nouveaux. Les machines remplacent les hommes, mais il faut des techniciens et des ingénieurs pour maintenir et commander ces engins. » Les emplois
À Polytech Orléans, l’usine du futur est un sujet omniprésent. L’intérêt est marqué puisqu’une conférence a été organisée au sein de l’école en février, sur ce sujet. Pour Benoit Leroux, enseignant en management de la production, ces conférences sont surtout un « point de départ » dans la formation des étudiants. « Elles leur permettent de rencontrer des professionnels déjà engagés dans ce processus de modernisation », précise-til. Pour l’instant, ils observent et se concentrent sur leurs travaux de re cherche. C ’e st lors de s v i site s d’entreprise qu’ils plongent dans la réalité du terrain. « Le tableau blanc et le marqueur sont encore fréquents dans
p.20-21.indd 2
Photos : Anastasia Marcellin/EPJT
Adapter les cours
L’école Polytech Tours forme des ingénieurs en informatique industrielle.
15/03/2017 11:02
p.20-21.
017 11:02
La Feuille
Formation
24 mars 2017 – made in VaL de Loire
À Tours, 88 % des apprentis de GEII poursuivent leurs études après le DUT.
nouvelle for mule re quièrent une qualification plus élevée, une exigence que l’école compte bien satisfaire, affirme en substance le professeur. Frédéric Cayrel n’est pas inquiet pour ses étudiants, il sait qu’il y a une carence de techniciens et que tous trouveront du travail après leur diplôme. Au sein de l’IUT, il essaye plutôt de changer les
21
2000, semblent ignorer l’usine du futur, tout en mesurant les défis de leur prochain métier : « Nous devons être capables de créer des systèmes innovants en utilisant le moins d’énergie et de matières premières possibles , tout en privilégiant les matériaux recyclables et les énergies renouvelables », explique Florian, en quatrième année de spécialité mécanique et conception des systèmes à Polytech Tours. L a centralisation des donné es et l’automatisation des processus sont des sujets incontournables de leur apprentissage. Ces futurs professionnels doivent maîtriser leur transmission ainsi que leur stockage. Ils apprennent à concevoir une base de données fiable et sécurisée pour éviter toute intrusion. Paradoxalement, ces écoles post-bac, où le taux de placement frôle les 100 %, cherchent à attirer de nouveaux profils provenant des filières scientifiques et technologiques. Les lycéens sont parfois rebutés par l’image du technicien en blouse bleue. Or, Frédéric Cayrel affirme qu’aujourd’hui « la réalité de l’usine du futur, c’est un professionnel connecté en permanence ».
pédagogies pour les intéresser. « Nous cherchons à rendre les cours plus concrets et à enseigner autrement. » Pour lui, c’est surtout le numérique qui est au cœur de l’usine du futur. Les étudiants, plutôt amateurs de nouvelles technologies, arrivent déjà avec de bonnes connaissances à l’IUT. Et pourtant, ceux qu’on appelle aussi les millenials, nés à l’approche de l’an
Anastasia MARCELLIN et Emma GOUAILLE
Se former au-delà des frontières Anticiper l’usine de demain passe aussi par des échanges à l’étranger.
L
’Allemagne, à l’origine du projet industrie 4.0 a donné l’impulsion à l’usine du futur française. Les étudiants allemands, comme Otman Saladi, élève ingénieur marocain à l’université technologique de Munich, en entendent parler quotidiennement. Chaque lundi, l’université reçoit un professionnel de l’industrie qui initie aux défis de demain. Otman craint que beaucoup de personnes perdent leur emploi. Il reconnaît pourtant que la digitalisation et l’automatisation ont des avantagess. Pour l’instant, ses cours sont plus théoriques que pratiques, car il n’est qu’en première année. « J’ai du mal à imaginer mon futur métier », reconnaîtil. Les étudiants en deuxième année apprennent à se servir d’imprimantes 3D et de découpeurs laser. Le jeune étudiant
p.20-21.indd 3
n’a pas encore choisi entre ingénieur civil et mécanique, il se spécialisera en master. Mais il prévoit de continuer à voyager et souhaiterait étudier à Tokyo.
Apprendre ailleurs
À Polytech ou à l’Insa, tous les étudiants ont la possibilité de partir un semestre à l’étranger. Benoit Leroux, professeur à Polytech Orléans, constate une différence de niveau avec l’Allemagne : « Quand nos étudiants en reviennent, leur niveau est un peu juste par rapport à nos attentes car un niveau bac+4 ici équivaut à un bac+5 outre-Rhin. En France, les cursus sont plus pertinents et plus efficaces, notamment grâce à nos bases solides en sciences. » Jérôme Fortineau, chef de département génie des systèmes industriels à l’Insa, nuance : « Les formations sont plus spécialisées dans les
Les formations étrangères sont plus spécialisées qu’en France.
autres pays et manquent de vision globale. » L’IUT de Tours reçoit des étudiants malaisiens, péruviens, marocains, attirés par la qualité des diplômes français. « Nos formations sont reconnues grâce à notre rigueur et nos moyens », assure Frédéric Cayrel, chef du département
GEII à l’IUT de Tours. Il encourage ses étudiants à partir en stage à l’étranger pour se confronter à d’autres modèles pédagogiques. Les opportunités restent toutefois rares. L’année prochaine, certains étudiants partiront au Japon, en Allemagne ou en Macédoine.
A. M. et E. G.
15/03/2017 11:02
Pour les dernières vérifications d’un moteur qui sort de la ligne de production, le salarié est guidé grâce à sa tablette,
John-Deere
La Feuille
À l’école de l’usine
L’entreprise John-Deere, à Saran, joue depuis deux ans la carte de l’usine du futur, et mise sur la formation continue de ses salariés.
P
our nous, l’usine du futur c’est le présent », lance Rémi Chambard, directeur technique de l’unité de production française JohnDeere à Saran, dans le Loiret. Cette entreprise fabrique des moteurs pour des engins de chantier et des tracteurs. Dans l’usine, les tablettes et les capteurs ont intégré progressivement les lignes de production. Ces nouvelles technologies sont censées faciliter les tâches les plus ingrates et donner plus d’autonomie aux ouvriers. De tels investissements font évoluer l’entreprise par petites touches vers un modèle d’usine du futur.
« L’innovation n’est pas là pour faire joli »
Une question se pose : comment faire en sorte que les employés puissent s’adapter à l’évolution de leur travail ? Selon Thomas Fisher, responsable méthode et qualité, les salariés sont déjà très connectés chez eux. Ils n’ont donc aucun mal à s’adapter aux transformations techniques de leur entreprise, qui restent assez simples. Les salariés peuvent se former très rapidement à l’usage des outils. « Ils étaient enthousiastes à l’idée de passer des classeurs aux tablettes », assure Rémi Chambard. Les systèmes intelligents recommandent des actions préventives à mener et informent sur les interventions à venir. « Un opérateur qui passait huit heures par jour sur le contrôle qualité n’en
p.22-23.indd 2
passe maintenant plus que six », affirmet-il. Cela lui laisse ainsi plus de temps pour se former à des tâches « plus intéressantes ». John-Deere mise sur la pédagogie. Le but est de faire comprendre aux salariés que « l’innovation n’est pas là pour faire joli », et qu’elle ne vise pas à supprimer des postes, seulement à transformer leur travail en le rendant moins pénible. Rémi Chambard voit la formation comme la solution pour fédérer les salariés autour de leur entreprise et leur redonner de l’intérêt pour leur travail. Ainsi, la place de l’homme est remise en avant. Pour l’année 2016, la formation continue a représenté 3,8 % de la masse salariale de l’entreprise. À titre de comparaison, la moyenne nationale en France tourne autour de 3,2 %. En 2015, John-Deere met en place un robot collaboratif censé effectuer des tâches considérées comme pénibles pour les opérateurs. « Ça nous a pris un an pour en mettre un en place. » Pourtant, dans l’unité d’Orléans-Saran, les tâches pénibles à effectuer ne sont pas nombreuses et l’utilité du robot peut être remise en cause. « Nous avons compris que les robots n’étaient pas indispensables pour innover », avoue Rémi Chambard. Pour faire évoluer l’usine, les cadres de l’entreprise réalisent d’abord une veille sur les innovations. Après en avoir choisi quelques-unes, un groupe de travail constitue un projet pilote pour les tester sur plusieurs mois. Des panneaux
pédagogiques sont également disposés dans l’entreprise pour rendre compte aux salariés des résulats des tests. Ceux qui sont concluants sont realisés. Dans les services, une vingtaine de mentors sont alors désignés. Après avoir été formés rapidement par le groupe de travail, ils ont pour rôle de transmettre ce qu’ils ont appris et de guider leurs collègues dans l’utilisation de ces techniques de travail. Ils interviennent donc comme une interface entre les groupes de travail et les ouvriers en assurant leur formation continue.
Mettre à jour les connaissances
Mais les mentors ne sont pas les seuls à assumer ce rôle de formateur. L’entreprise organise aussi des Innovation Day, des journées de formation pour toutes les catégories de personnel, assurées par des intervenants extérieurs pour mettre à jour les connaissances de chacun. En 2016, selon l’entreprise, l’usine a formé 490 salariés, soit près de 62 % de ses effectifs, bien plus que la moyenne nationale qui est de 42,7 %. Cela représente douze milles heures de formation. Mais de plus en plus souvent, ce sont les machines ou tablettes qui guident l’op érateur dans le pro cessus de production et lui indiquent où intervenir. À se demander si la formation continue ne sera pas bientôt entièrement dispensée par les nouvelles technologies.
Clément ARGOUD et Pablo MENGUY
15/03/2017 11:05
p.22-23.
017 11:05
La Feuille
24 mars 2017 – made in Val de loire
Formation
23
“nous devons toujours innover”
Michel Rappeneau est responsable de la formation et de l’amélioration continue au sein de l’entreprise ST-Microelectronics à Tours. L’usine de 1 400 salariés fabrique des composants électroniques de haute précision pour l’automobile, les télécommunications et l’industrie.
ST-Microeletronics
maîtrise d’un équipement spécifique. Cela peut durer d’une Que vous apporte la formation en continu ? semaine à un mois et demi en fonction des postes. Michel Rappeneau. ST-Microelectronics évolue dans un Comment savoir si l’opérateur a bien assimilé ce qu’il a secteur économique qui change très vite et constamment : appris lors de son temps de formation ? celui des semi-conducteurs. Nous devons donc anticiper pour M. R. Nous évaluons les performance de chaque opérateur. rester vivants. Pour cela, nous devons innover, et garder des Ensuite, chacun peut s’auto-évaluer régulièrement grâce au salariés toujours au top. C’est fondamental pour notre e-learning et avoir accès à des compétitivité. Comme nous quizz sur ordinateur. Grâce à acquérons régulièrement des tests avant et après la des nouvelles machines, formation, nous pouvons ingénieurs, techniciens et savoir ce qu’elle lui a apporté. opérateurs doivent s’y L’opérateur peut suivre une adapter en continu. C’est nouvelle formation s’il a des pourquoi nous avons un résultats inférieurs à 85 % régime permanent de de réussite. Pour approfondir formation. Chaque nos formations, nous faisons opérateur est certifié tous également appel à des les dix-huit mois, quel que chercheurs de l’université ou soit son poste. des laboratoires extérieurs. Que représentent pour D’où viennent vos vous ces formations en formateurs ? temps et en M. R. Nous les faisons venir de investissements ? l’extérieur en fonction des M. R. Nous comptons besoins. Ils viennent aussi bien environ 2 400 événements de Tours que du Japon. La de requalification chaque formation des opérateurs se fait année. Le volume horaire à 100 % sur leur temps de travail. des formations est très En revanche, les techniciens et important. En 2015, nous les ingénieurs suivent les avons effectué plus de vingt formations directement chez le mille heures de formation. fournisseur , souvent à l’étranger. Soit environ trente heures Il transmet ce qu’il a appris. par salarié sur l’année. Cela C’est une formation en cascade. coûte cher à STCes formations sont-elles Microelectronics. contrôlées de l’extérieur ? L’entreprise y consacre près M. R. Nous devons faire un de 3 % de sa masse salariale. compte rendu de nos formations Comment s’organisent ces formations ? ST-Microeletronics est le deuxième site industriel régional. C’est à nos différents clients et M. R. Nous ajustons nos dans la salle blanche que sont développés les semi-conducteurs s o m m e s c o n t r ô l é s e n permanence par des auditeurs formations en fonction externes. Nous avons une traçabilité rigoureuse de la formation des commandes. Les responsables de la production indiquent et pouvons revenir jusqu’à vingt ans en arrière. En plus nous le nombre de personnes dont ils ont besoin pour un poste organisons des formations qui s’adressent à tous nos précis en fonction de cette commande. Nous embauchons ou collaborateurs sur le recyclage, la gestion des déchets ou encore requalifions un opérateur spécialement pour ce poste grâce à la sécurité. un expert. Il dispose d’une check-list de compétences à acquérir. Après cette formation, il travaille sous le contrôle Recueilli par Clément ARGOUD d’un tuteur. Ce dernier a été choisi car il a une très bonne et Pablo MENGUY
p.22-23.indd 3
15/03/2017 11:05
24 Conditions de travail
Made in Val de loire – 24 Mars 2017
La Feuille
Réduire la pénibilité, le défi de l’industrie 4.0
L’ergonomie est aujourd’hui au cœur de l’usine du futur. De nouveaux concepts sont mis en place pour améliorer les conditions de travail des salariés.
L
’industrie du futur ne rime pas seulement avec robots et intelligence artificielle. Beaucoup d’entreprises investissent dans les nouvelles technologies pour accompagner le salarié dans son activité et améliorer ses conditions de travail. C’est le cas de Proludic, qui conçoit des aménagements d’aires de jeux et de sport en plein air. Cette société basée à Vouvray consacre une part importante de son budget au financement de matériel ergonomique. L’an passé, la direction a acheté deux exosquelettes d’assistance à l’effort. Ces armatures futuristes accompagnent et fluidifient les mouvements. Le principe est simple : lorsque l’ouvrier se penche en avant, un système articulé empêche son dos de se courber en appuyant sur ses cuisses, l’obligeant à plier les genoux pour se baisser. Pendant un mois, des salariés volontaires ont essayé ce nouvel équipement. « On sent vraiment la différence, c’est moins douloureux », témoigne Vincent Moinot, un ouvrier de l’entreprise.
Ce nouvel outil fait maintenant partie de son quotidien. « Je m’en sers deux ou trois heures par jour », confirme-t-il. Après les tests, les travailleurs satisfaits ont en effet pu continuer à utiliser ces prothèses intégrales. L’exosquelette de Vincent Moinot coûte 1 200 euros mais ce n’est pas le plus cher. Un modèle de 8 kilos comme celui de son collègue d’atelier, Mickaël Le Goff, s’élève
Même si l’efficacité de l’exosquelette est prouvée, ce matériel n’est pas supporté par tous et peut être encombrant. « Quand je l’enlevais le soir après ma journée de travail, j’avais l’impression de voler », se rappelle Mickaël. Il ne l’a utilisé que quatre mois. Mais l’exosquelette ne sera pas abandonné dans un coin de l’atelier. Un marché s’est à présent mis en place entre les entreprises qui se revendent les appareils. Ces dispositifs sont aujourd’hui réglementés et testés . Les sociétés qui vendent des exosquelettes ne conseillent pas l’achat de ce type de matériel à toutes les entreprises. Les employés qui passent moins de 60 % de leur temps à soulever des charges lourdes n’en ont pas l’utilité. D’autres technologies liées à l’industrie 4.0 permettent de réduire la pénibilité pour les salariés et fournissent des aides à la manutention. Il existe par exemple des tables élévatrices qui se règlent grâce à des télécommandes. Les pièces arrivent à portée de main, ce qui évite à l’opérateur de se pencher.
Un gain de temps qui évite à l’employé d’effectuer des tâches répétitives pouvant devenir douloureuses à 8 500 euros. Il réduit le poids des charges de 25 kilos et soulage les lombaires. Les modèles s’adaptent à chaque ouvrier. L’exosquelette peut aussi aider les salariés dans leur convalescence. C’est le cas de Mickaël Le Goff, qui l’a utilisé pendant sa rééducation : « Je m’étais déchiré un muscle pectoral et déplacé des côtes. L’exosquelette m’a permis de reprendre le travail sans gêne », raconte-t-il.
Révolution à l’usine : des robots au
Malvina RAUD/EPJT
L
Aymeric Sejourné s’occupe de la maintenance des robots à HMi-MBS.
p.24-25 v2.indd 2
es palettes s’enchaînent à longueur de journée. Les ouvriers se penchent, se relèvent et se penchent à nouveau. Un geste répété environ soixante-dix mille fois par an. Cette tâche pénible est pourtant indispensable au transport des palettes. Le cerclage permet en effet de les maintenir en place lors des déplacements. Quatre flexions sont nécessaires pour cercler chaque colis. Un mouvement répétitif qui entraine des pro-
blèmes de dos conséquents pour les travailleurs. Andreas Kimmerle, ingénieur allemand, s’est rendu compte de la difficulté de ces tâches. En reprenant l’entreprise de menuiserie de ses parents, il a voulu trouver un moyen de cercler les rondins de bois sans avoir à se pencher des dizaines de fois. C’est de là que lui est venue l’idée d’automatiser ce processus fastidieux. Un chariot rouge est garé à côté des palettes à cercler. Un bras métallique en sort, passe
s
sous la palette, remonte le câble à la verticale, et le rabat sur les cartons empilés. L’opérateur n’a plus qu’à finir le cerclage, toujours à l’aide de la machine qui soude le câble en plastique. Plus besoin de se baisser ni de faire plusieurs fois le tour de la palette, une seule pression sur un bouton suffit. Grâce à une ergonomie poussée au maximum, l’engin, baptisé ErgoPak, a reçu en 2013 le label de qualité de l’Association allemande pour la santé du dos.
15/03/2017 11:09
p.24-25
017 11:09
La Feuille
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
Dans la même optique, Proludic a investi dans un transpalette muni d’un laser qui règle automatiquement la hauteur en fonction du poids du chargement. Un autre employé se sert d’un outil muni d’une ventouse qui soulève des rondins sans qu’il ait besoin de se baisser. « Grâce à cela on peut soulever sans effort jusqu’à 40 kilos », se réjouit-il. La digitalisation de l’usine permet aussi de mesurer les quantités stockées grâce à des logiciels connectés à des capteurs. Des postes sont munis de ces dispositifs afin de ne pas trop charger les cartons. Un gain de temps qui évite à l’employé d’effectuer des tâches répétitives pouvant devenir douloureuses. L’entreprise pense aussi au bien-être des employés travaillant dans les bureaux. La direction de Proludic envoie régulièrement des mails pour rappeler comment bien se tenir à son poste. Des souris et des claviers verticaux sont utilisés afin de ne pas modifier la position naturelle des mains et des poignets. Dans les ateliers, les ouvriers sont équipés de chaussures de sécurité dotées de semelles adaptées. Chaque pied est numérisé pour ajuster la semelle. Ces chaussures ser vent à adopter une meilleure position puisque le poids du corps est mieux réparti. Le fabricant de jeux d’extérieur consacre des fonds importants à ces nouvelles technologies. Mais ce n’est pas seulement une question d’argent. Il faut aussi que les différents procédés fonctionnent : « On a attendu qu’ils soient au point avant de les
David DARRAULT
Une ergonomie généralisée
Les ouvriers portent les matériaux lourds presque sans effort grâce aux robots .
acheter », explique Clémence Percheron, technicienne qualité sécurité environnement chez Proludic. Grâce à la nouvelle ergonomie des postes de travail, les aires de jeux sont produites plus facilement. La sécurité des ouvriers est renforcée et il y a moins de blessures. L’objectif de l’entreprise est de réduire les risques Pour cela, elle organise des actions de prévention. En 2016, six salariés de
l’entreprise ont été victimes d’un accident pendant leur temps de travail. Trois ont bénéficié d’arrêts maladie. « Les taux de fréquence et de gravité de ces accidents sont en baisse par rapport aux années pré cé dentes », pré cise Clémence Percheron. Un ré el retour sur investissement pour Proludic.
Malvina RAUD et Valentin JAMIN
service des ouvriers et de leur confort « Les ingénieurs ont analysé les problèmes des ouvriers dans le moindre détail» explique Nicolas Bouhet, d i re c te u r te ch n i q u e e t commercial de l’entreprise HMi-MBS, qui vend l’ErgoPack en France.
Un Ergopak coûte entre 4 700 et 30 000 euros Pour l’instant, cet appareil reste un produit de luxe. Les entreprises de logistique sont les premières visées. Les grands groupes disposent de moyens plus conséquents
p.24-25 v2.indd 3
pour acheter ces nouvelles technologies. Parce que l’ErgoPack a un coût : la gamme va de 4 700 euros à plus de 30 000 euros. Du coup, les petites et moyennes entreprises (PME) hésitent à investir une telle somme. À ce jour, neuf cents articles ont été vendus en France, dont cencinquante-quatre l’année dernière. Une part croissante dans l’activité de HMi-MBS. « Quand on en achète un, c’est qu’on est satisfait par les essais antérieurs », affirme un
utilisateur de l’ErgoPack en regardant la machine à l’œuvre. Cependant, vendre ce produit reste compliqué. « Nous sommes très peu sur le marché, il n’y a pas de concurrence. Mais nous sommes peu connus et avons peu de visibilité », regrette Nicolas Bouhet. La société multiplie donc les salons pour améliorer sa notoriété a u p r è s d ’e n t r e p r i s e s soucieuses du bien-être de leurs salariés. HMi-MBS cherche aussi à se faire connaître du grand
public. L’Universal Robot, l’une de ses autres innovations est un robot collaboratif, dit cobot. Ce bras articulé ne remplace pas l’opérateur mais lui sert de troisième bras et soulage ainsi ses troubles musculosquelettiques. Ce nouvel outil est un produit phare de l’entreprise. Il représente en effet 41 % de son chiffre d’affaires. Présenté lors des expositions, il permet d’intéresser les visiteurs novices à l’usine du futur.
Malvina RAUD et Valentin JAMIN
15/03/2017 11:09
26 Environnement
Made in Val de loire – 24 Mars 2017
La Feuille
Margaux Dussaud/EPJT
À Sorigny en Indreet-Loire, la nouvelle zone d’activité Isoparc demande aux entreprises souhaitant s’y installer d’aménager des espaces verts et de planter des arbres.
en route vers une industrie verte
Outre des enjeux sur l’emploi, la formation ou la sécurité, l’industrie 4.0 soulève une question environnementale. Moins abordée que l’aspect économique, cette thématique est tout aussi importante.
L
’industrie du futur suscite un certain engouement. Plus efficace, plus autonome, plus économe et plus sécurisée, elle permet d’améliorer les performances des entreprises. Bien que moins abordé, le développement durable est un aspect phare de l’industrie 4.0. Contrairement aux précédentes révolutions industrielles qui ont causé d’importantes dégradations sur l’environnement, l’industrie du futur prend en compte les nouvelles problématiques de la protection de la nature. L’environnement devient donc un objectif majeur. Un peu partout fleurissent de nouvelles initiatives plus écologiques et aussi plus économes. Ainsi, en 2014, la ville de Grenoble lance un projet d’habitat 100 % autonome en eau et en énergie, une véritable Éco-cité, symbole d’innovation. Un projet d’autant plus important que le secteur du bâtiment représente 44 % de la consommation énergétique en France. Qui dit économie d’énergie dit économies financières.
p.26-27.indd 2
Autre exemple, dans les data centers, centres de traitement des données numériques, qui abritent des serveurs de calcul et de stockage, l’énergie représente 30 à 50 % des coûts de production. C’est pourquoi leurs propriétaires ont intérêt à se concentrer sur la réduction de cette facture pour être plus compétitifs. À l’échelle mondiale, les data centers sont responsables de 1,5 % de la consommation énergétique et de 2 % des émissions de CO2. Selon une étude du Syndicat des entreprises du numérique en France, un data center de 10 000 mètres carrés consommerait autant qu’une ville de 50 000 habitants. En constante progression, ces centres voient leurs besoins en énergie augmenter. Ils doivent donc rapidement diminuer leur consommation. En France, cette préoccupation a été prise par 95 % des entreprises. Plutôt pour une question financière que par respect de l’environnement. Pourquoi cette surconsommation ? Les serveurs informatiques produisent de la chaleur. Quand celle-ci est trop forte, cela
15/03/2017 11:11
p.26-27.
017 11:11
La Feuille
Environnement
24 Mars 2017 – Made in Val de loire
risque de les endommager. La climatisation est donc la plus grosse dépense en énergie. Pour y remédier, les data centers ont adopté une technique appelée free-cooling (refroidissement gratuit). Elle consiste à utiliser l’air frais extérieur pour réduire l’utilisation de l’air conditionné. Grâce à cela, la part de la climatisation a chuté de 55 à 18 % sur la facture globale de consommation. La question du coût des nouvelles technologies se pose aussi dans l’industrie lourde, secteur concerné par la robotisation et la numérisation. Comme pour les data centers, la facture totale des coûts de production motive ces entreprises à être plus attentives à la question de l’environnement. En France, la loi de transition énergétique prévoit des bonus pour les entreprises les moins consommatrices d’énergie. En effet, les coûts d’exploitation des réseaux publics d’électricité peuvent être réduits jusqu’à 50 % si les résultats sont visibles.
Chaleur récupérée
Toutes les sociétés n’ont pas forcément le même intérêt à miser sur les économies d’énergie. Tout dépend de leurs coûts de production. Pour certaines, ils prennent une part importante dans leur facture. Pour d’autres, l’enjeu est moindre. Sans le soutien des pouvoirs publics, la plupart des entreprises françaises n’auraient pas les moyens d’investir correctement pour le respect de l’environnement. Ainsi le Comité stratégique de filière (CSF) Éco-industrie, qui dépend du gouvernement, incite les entreprises à faire des efforts dans ce domaine. Différents groupes de travail – l’un consacré à la valorisation industrielle des déchets et l’autre à l’efficacité énergétique – mettent en place les mesures d’aide aux entreprises et définissent les normes environnementales. Le CSF contrôle aussi régulièrement les dépenses en énergie des sociétés hexagonales.
27
Miser sur l’industrie 4.0 dans les petites entreprises est devenu l’une de ses priorités. La récupération de la chaleur est aussi envisagée comme une solution rentable pour l’usine du futur. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) estimait dans un rapport de 2009 que seul 20 à 40 % de la chaleur produite par les machines était utile à leur fonctionnement. Elle notait aussi que 25 à 60 % de la chaleur supplémentaire pourrait être récupérée. Ainsi beaucoup pensent que ces nouvelles technologies sont une chance pour l’environnement. La numérisation des activités offrirait une occasion d’améliorer la gestion des ressources et de l’énergie. La Global e-Sustainability Initiative, dit GeSi, est en charge d’initiatives durables dans le développement de la technologie. Dans un rapport de 2008, cette organisation prévoyait une baisse de 16 % des émissions mondiales de CO2 d’ici 2020. La clé de cette estimation ? Les smart cities, smart buildings, smart grid (villes, immeubles, grillages, etc.)et autres innovations dites intelligentes. Celles-ci ont pour but d’améliorer les conditions de vie des habitants en tenant compte des enjeux majeurs du développement durable. Selon le rapport du GeSi, les smart buildings ou smart cities économiseraient 1,7 gigatonne des émissions mondiales de CO2 d’ici 2020. La dématérialisation offrirait quant à elle l’économie de 500 mégatonnes de CO2. Avec un contrôle du transport des marchandises et du processus de production plus intelligent, les innovations numériques réduisent les gaspillages de matières premières et la consommation énergétique. D’ici quelques années, l’usine du futur devrait donc devenir complètement « soluble » dans l’environnement. Margaux DUSSAUD
Accord environnemental inédit
Un nouveau plan contre la pollution a été mis en place par le gouvernement.
L
p.26-27.indd 3
bientôt servir à d’autres acteurs et seront réutilisés. L’objectif de l’EIT est donc de créer des liens entre acteurs énergétiques et des partenariats entre acteurs régionaux pour favoriser le traitement des enjeux environnementaux.
Hugo Vallas/EPJT
a région Centre-Val de Loire, l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (Ademe), la chambre régionale de commerce et d’industrie (CCI) et la chambre régionale des métiers et de l’artisanat ont signé, mardi 17 janvier dernier, un protocole d’accord cadre régional pour la transition énergétique et écologique. Cette signature inter vient suite à l’obligation, imposée par la loi NOTRe, d’établir un « plan régional de prévention et de gestion des déchets » pour toutes les régions de France. La partie intitulée Écologie industrielle et territoriale (EIT) met l’accent sur la collaboration nécessaire, et aujourd’hui quasiment absente, entre les différents acteurs énergétiques de la région que sont l’État, les collectivités, les associations et les entreprises. Le principe est simple : limiter la pollution et la production de déchets, la consommation de ressources et d’énergie en gérant de manière intelligente les rebuts. En effet, des déchets auparavant directement jetés ou stockés pourront
développer. Mais pour initier des projets et attirer les entreprises, la CCI et la région prévoient une aide financière et évoquent un assouplissement fiscal. De plus, les entreprises sont vivement encouragées à prendre contact avec d’autres afin de mettre en place des projets. Autre point Des aides à la sensibilisation important : la sensibilisation des Le protocole a pour ambition de recenser financeurs, souvent décideurs, à la tous les projets et initiatives existants afin question de la transition énergétique et de les soutenir et éventuellement de les écologique. En effet, financeurs et assureurs ne sont pas les acteurs les plus concernés par les questions environnementales. L’accord signé en janvier dernier est une première en France. Ces projets pourront se développer à différentes échelles : les entreprises, les zones d’activités ou indu str ielle s , le s commune s , le s intercommunalités, les parcs naturels régionaux et les bassins d’emploi. L’ambition des organismes signataires est de faire de la région Centre-Val de Loire le territoire le plus avancé en matière de traitement des déchets industriels et, plus largement, en matière d’écologie. La loi NOTRe oblige les régions à signer des accords pour l’environnement.
Hugo VALLAS
15/03/2017 11:11
0 . 4 E I R T S U IND
DANS E U N E V BIEN FUTUR U D E I R T L’INDUS
E ENTRÉ E GRATUIT OUVERT
URE
AU PUIBRLDICU
À PART I 13H VENDRED
DU 5E SALON USTRIEL D IN E IR A SAVOIR-F
2017 S R A M 5 24 & 2 e Congrès Vinci Centre d TOURS
Labellisé
WWW.MADEINVALDELOIRE.ORG