É C O L E N AT I O N A L E S U P É R I E U R D ’ A R C H I T E C T U R E PA R I S VA L - D E - S E I N E - M A S T E R E N A R C H I T E C T U R E
POUR UNE ARCHITECTURE MUTABLE La capacité de mutation comme moteur d’évolution du processus de développement d’un projet architectural
Emma R.BRONES
Directeur de mémoire : Alessandro MOSCA
POUR UNE ARCHITECTURE MUTABLE
La capacité de mutation comme moteur d’évolution du processus de développement d’un projet architectural
Emma R.BRONES - Mémoire de Master 2 - 2015 Directeur de mémoire : Alessandro MOSCA
AVANT-PROPOS
J’ai eu l’occasion, lors de ma quatrième
année d’études en architecture, de participer à un programme d’échange international aux Etats-Unis, pendant dix mois, plus exactement dans la ville de Lawrence, dans l’état du Kansas. J’ai donc découvert le coeur du pays, loin des grandes villes mondialement fréquentées, faites de hauts buildings et habitées par des projets de grands architectes. Cette expérience
Vue aérienne de l’Université du Kansas, à Lawrence, USA.
en plein territoire à conquérir, où l’urbanisme
Source : https://aec.ku.edu
se résume à une grille et où les bâtiments sont posés en plein milieu de terrains vagues, m’a
Cette expérience a bouleversé mon
permis de me rendre compte de l’incroyable
parcours d’étudiante car elle m’a permis de
ampleur de notre culture européenne vieille
comprendre comment je voulais pratiquer
de millénaires. Il y a une vraie richesse dans
l’architecture à l’avenir. J’ai découvert la
notre patrimoine bâti et l’histoire qu’il porte à
réhabilitation, la transformation, la protection
travers chaque strate de construction, urbaine
du patrimoine, le sens du terme « patrimoine »
et architecturale.
lui-même, et celui de monument historique.
Au milieu de tout ces Américains, j’ai
Surtout, cette année m’a permis de comprendre
pu distinguer que l’enseignement auquel
que les bâtiments neufs, que ce soit ceux
j’avais eu droit à Paris était fondé sur l’analyse
que je projetais, ceux conçus par de grands
urbaine, la prise en considération des flux, les
architectes ou par toute autre personne ayant
propriétés climatiques locales, l’histoire locale,
la prétention d’exercer dans le domaine de
le type de population… en bref les particularités
l’architecture, devaient être pensés pour durer,
du site. Ma conception architecturale naissait
survivre et constituer les prochaines strates de
de toutes ces informations, tandis que les
notre histoire.
étudiants du Kansas proposaient toutes sortes d’oeuvres plus ou moins originales, inspirées d’un concept artistique ou d’une simple idée germée durant le semestre.
1
SOMMAIRE 4
6
INTRODUCTION PARTIE 1
20
I - L’architecture transformée -
20
I - Usage et programmation
24
II - L’économie de la mutabilité
30
III - La mutabilité face aux normes
L’ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE 6
PARTIE 2
RECONSIDÉRER L’AVANTPROJET : COMMANDE ET PRESCRIPTIONS
transformable : Histoire et patrimoine
8
12
II - Idéologie de l’architecture
III - Inscription de nos sociétés dans la dimension temporelle
14
IV - Développement durable : mutualiser l’énergie grise
16
V - Éthique : l’architecture au service de l’intelligence collective
86
CONCLUSION
88
ANNEXES
134
BIBLIOGRAPHIE
34
PARTIE 3
74
I - Choix constructifs : entre savoir
74
I - Entretien, suivi et gestion des édifices
78
II - La place de l’information dans la
CONCEPTION DU PROJET : ANTICIPER LA FLEXIBILITÉ
34
PARTIE 4
ACCOMPAGNER LES ÉDIFICES : INSCRIPTION DANS UN CYLCE DE VIE DURABLE
technique et retour d’expériences
38
II - Analyse de systèmes : structure,
mutabilité
organisation spatiale et dimensionnement 82 62
III - Une décomposition hiérarchique des éléments constitutifs de l’édifice
69
IV - Des assemblages réversibles
III ) De nouveaux métiers à créer
INTRODUCTION À l’heure d’une poly-crise planétaire
réhabilitation correspondent à 50% du travail
en évidence, les architectes, et tous les acteurs
des architectes ; nous construisons toujours
du domaine de la construction, doivent
des bâtiments neufs. Mais cette culture du
trouver de nouvelles manières de continuer
résultat immédiat, où tout doit aller vite
d’exister. La crise économique nous fait
désormais, a créé un rythme que le patrimoine
construire « bon marché ». L’épuisement des
ne peut pas supporter2, et auxquel nos
ressources, matières premières et énergies
nouveaux édifices ne serviront pas s’ils ne sont
fossiles, questionne sérieusement nos choix
pas adaptés.
de matériaux et leurs modes de production.
En France, les déchets issus du secteur du BTP
changements,
s’élèvent à 260 millions de tonnes par an, dont
neufs ou issus de la réhabilitation, doivent
42 millions produits par le secteur du bâtiment.
acquérir une capacité d’évolution. Offrir aux
Cela équivaut aux trois-quarts des déchets
édifices la capacité de se transformer, c’est
nationaux annuels1. Face à ces chiffres, nous ne
automatiquement prolonger leur vie et ainsi
pouvons ignorer notre part de responsabilité
combattre l’obsolescence programmée.
Pour
résister les
et
s’adapter
projets,
qu’ils
aux soient
dans la pollution des territoires et le gaspillage des ressources. L’étalement urbain n’est plus
Peter COOK a écrit : « The architecture
possible dans les pays industrialisés ; il nous
of the past used a static language ; the
faut rechercher des modèles plus compacts et
architecture of the immediate past has had
plus denses pour construire, le tout dans une
to invent a language to absorbe dynamic
équation économique et normative toujours
and change ; it is reasonable to predict that
plus contrainte. Parallèlement, les villes doivent
the architecture of the future might actually
faire face à de nouveaux paramètres de la vie
embolie this dynamic » . Cette démarche paraît
contemporaine : mobilité, mixité d’usage,
être la prochaine étape à suivre pour inscrire
durabilité. Nos vies vont de plus en plus
le processus de conception architecturale
vite et les changements de la société aussi.
dans un cycle de développement durable
Globalement, les crises actuelles démontrent
réellement efficace : prendre des précautions
une incapacité à produire des villes durables.
dès la création du projet neuf pour faciliter les utilisations à venir, faire de nos bâtiments des
Depuis quelques décennies, l’essor du
ensembles pérennes, prêts à évoluer dans le
travail sur l’existant a donné lieu à une nouvelle
temps suivant les besoins des sociétés à venir.
pratique de l’architecture et une nouvelle
vision, ainsi qu’un retour à l’historicisme.
ce qui constituera le patrimoine de demain,
Le patrimoine est au goût du jour et au
puisque nous n’avons pas encore de recul sur
coeur des problématiques contemporaines.
l’architecture d’aujourd’hui, il est impératif de
Parallèlement, des pays relativement jeunes
donner des chances d’évolution aux bâtiments,
et parfois très étendus, tels que les Etats-Unis
quels qu’ils soient.
ou le Brésil, construisent principalement des
bâtiments neufs. En Europe, les projets de
sélective.
4
Comme il est impossible de savoir
Ce n’est pas une nouvelle pratique
La problématique soulevée est donc la
suivante : « comment la capacité de mutation devient-elle
un
moteur
d’évolution
ROBERT (Reichen&Robert) et Patrick RUBIN (CANAL Architecture).
du
processus de développement et de conception
d’un projet architectural ? » ou, autrement dit
préventive, mutable, doit s’étudier tant du
: « quelles sont les évolutions nécessaires à
point de vue théorique que du point de vue
toutes les étapes du développement d’un
conceptuel, technique ou même du point de
projet architectural, depuis sa commande
vue de la gestion de l’édifice post-construction.
jusqu’à son utilisation, pour permettre à
l’architecture mutable d’exister ? ».
premier
Contrairement
aux
espaces
Cette conception d’une architecture
Ainsi,
nous
temps
analyserons
les
points
dans
un
culturels
et
historiques qui nous tirent vers ce modèle
polyvalents qui sont capables d’accueillir
de conception durable.
différentes fonctions à n’importe quel moment,
« l’architecture mutable », dont il est question,
contraintes liées à aux modes de financement
a la capacité d’accueillir différentes fonctions,
français,
une vie après l’autre, chacune dédiée à un
programmation,
usage précis. Ce ne serait en aucun cas un
qui viennent en amont de la conception
bâtiment « fourre-tout », capable de tout, mais
architecturale.
un bâtiment moins contraint, plus généreux, et
surtout pensé pour durer.
exemples d’architecture au caractère évolutif
Nous les
examinerons
ensuite
réglementations c’est-à-dire
les
les
et
la
éléments
Par la suite, nous observerons les
qui ont déjà pu être conçus, voire construits,
En se basant sur la pratique actuelle de
jusqu’ici,
en
essayant
d’énumérer
leurs
la transformation sur l’existant, les recherches
particularités et leur mode de conception,
ont été menées tantôt d’un point de vue
à l’échelle de l’édifice mais aussi à l’échelle
théorique, tantôt d’un point de vue pratique.
plus petite des assemblages et des différents
Néanmoins, il a été difficile d’accéder à une
éléments constitutifs du bâtiment.
documentation riche et à des exemples
d’architectures dites mutables. Je me suis
de ces constructions évolutives ainsi que les
rendu compte de l’actualité du sujet, ce qui a
modalités de la gestion nécessaire à de tels
rendu mon étude d’autant plus passionnante,
projets et leurs spécificités pour qu’ils puissent
mais cela la rend également qualifiable
survivre.
Enfin, nous questionnerons le suivi
d’utopie à l’heure actuelle. Mes recherches se sont basées sur des conférences, des lectures, des expositions, des études de projets et également des interviews de trois architectes
1
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.38. 2
Christine DESMOULINS et Philippe ROBERT,
choisis pour leur qualification dans la pratique
« Transcriptions d’architectures - Architetcure et
de réhabilitation ou pour leur intérêt sur la
patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed.
question de la prévention architecturale : JeanPatrice CALORI (CAB Architectes), Philippe
ADPF, p.43. 3
Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,
Ed. Littlehampton Book Services Ltd, Anglais, p.41.
5
PARTIE 1
L’ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE
La conception d’une architecture mutable nous oblige dans un premier temps à revoir
l’idéologie de l’architecture issue de l’histoire du XXe siècle et à la confronter à une réalité globale, tant historique, symbolique, éthique, énergétique et temporelle.
Comme pour la pratique de la transformation sur l’existant, acceptée il y a quelques décennies,
ce sont tout d’abord les moeurs qui doivent être revues, pour accepter une nouvelle méthodologie, et bousculer la conception contemporaine des bâtiments.
I
L’ARCHITECTURE TRANSFORMÉE TRANSFORMABLE : HISTOIRE ET PATRIMOINE
HABITAT ÉVOLUTIF
La
question
de
l’évolutif,
du
transformable, du mutable (tous synonymes ici), n’a pas toujours été si exclue de l’architecture. L’habitat évolutif, notamment, a
disparu
avec
nos
modes
constructifs
PRATIQUE MULTISÉCULAIRE : DES VILLES
occidentaux toujours plus rigides. À l’époque
STRATIFIÉES
des peuples les plus « primitifs » déjà, l’habitat évolutif était considéré comme la règle.
Accepter la pratique de la réutilisation
Totalement nomade avant la sédentarisation,
architecturale, c’est réaliser que l’histoire des
il était toujours capable d’être adapté aux
villes est en fait l’histoire des mutations et des
nécessités, du site ou des usages.
stratifications de bâtiments, de quartiers, de
villes, qui témoignent de toutes les époques.
anthropologique pour l’espace de l’habité2.
L’évolutif est en fin de compte le socle
C’est aussi travailler en ayant toute conscience de ce qui existe et de ce qui a existé, à la lumière des pratiques anciennes et des
XXe SIÈCLE : TABULA RASA
attitudes diverses, en s’inscrivant dans une pratique multiséculaire. Ce qui est réutilisé
Paradoxalement,
voit sa vie être prolongée, par un ajout, une
occidentale du XXe siècle a été de détruire
transformation, ou peut-être par une simple
puis de reconstruire lorsqu’un changement
remise à neuf. L’édifice, qu’il soit monumental,
d’usage était nécessaire. La rupture, la table
domestique, industriel ou vernaculaire, passe
rase et l’irréversibilité étaient les conditions
d’un état symbolique à un
même du progrès3.
état discursif, il « tient la chronique d’une
époque » .
aux usages, au moyen de destructions lourdes
1
la
tendance
L’architecture et les villes s’adaptaient
et de reconstructions totales. Aujourd’hui
6 - PARTIE 1
nous cherchons à inverser la règle et à ce que
La présence de l’histoire nous donne
les usages s’adaptent à ce que nous avons
de l’épaisseur à condition de nous faire
construit.
réfléchir
sur
notre
état
présent,
disait
Dominique Lyon lors d’une conférence à SUPPORT MÉMORIEL
la Cité de l’Architecture et du Patrimoine7. Mais
cette
mémoire,
l’histoire
projetée
La pratique de la réutilisation vient
dans ces projets, est mise en péril par
de l’importance accordée au patrimoine bâti.
leur inutilité, et meurt finalement faute de
Celui-ci donne des repères, temporels comme
participer aux nouvelles strates de la ville.
spatiaux ; c’est un enregistrement physique d’un instant de l’histoire, il est en conversation avec le site, le contexte, les habitants, le territoire…4 Et cela s’applique à toute sorte d’architecture ou tout morceau de territoire, car la valeur mémorielle est supérieure à la valeur architecturale5.
L’architecture est un support physique
mémoriel.
FAÇADISME ET FALSIFICATION
Néanmoins, bon nombre de projets
de réhabilitation ont falsifié et cherché à tromper les traces historiques, donnant lieu à du façadisme, conservant des architectures sans les comprendre, en les amputant de la
1
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », 1993-2013, « Chapitre 1 : l’idée de l’habitat évolutif, origines et tendances ». 2
Idem, « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux
réalités… ». 3
Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment, combien
de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.7. 4
Jordi BARDIA, conférence du 4 février 2015,
signification du travail accompli lors de leur
« Transformation versus conservation », cité de
conception.
l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
Ces
opérations
conservatrices
ont souvent été justifiées par des gains économiques dûs aux droits acquis par le travail sur l’existant (cf Partie 2.II) ou sous
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 5 6
Idem. Odile DECQ, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
prétexte de protéger un patrimoine. Là encore
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
la valeur patrimoniale reste subjective : que
acte de création ».
sauvegarde-t-on ? quelle mémoire ? de quel point de vue?6
7
Dominique LYON, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 1 - 7
II
DES ENSEMBLES TOUJOURS INACHEVÉS
IDÉOLOGIE DE L’ARCHITECTURE
Beaucoup d’architectes n’ont toutefois
pas non plus accepté l’idée de concevoir des bâtiments appelés à être complétés ou modifiés, surtout par d’autres qu’eux-mêmes,
A / Oppositions - résistances culturelles
comme s’ils n’étaient jamais finis mais faisaient plutôt partie d’un ensemble plus grand. Or, comme Philippe Robert le dit : transformer
Parler d’architecture mutable c’est
c’est continuer le travail8. C’est selon cette
poser la question suivante : sommes-nous
idée que Michael Graves avait conçu sa
prêts à construire autrement ?
proposition pour agrandir le Whitney Museum of American Arts, de New York, en 1985 (fig.1) (projet abandonné en 1989), considérant
LE « NON-FINI »
l’oeuvre conçue par Marcel Breuer comme un objet unique faisant partie d’un ensemble
Il y a un blocage culturel pour
inachevé9.
construire mutable, car le caractère évolutif
Il s’agit donc de concevoir l’édifice
renvoie à l’idée de quelque chose de non
comme une oeuvre ouverte, le dotant d’un
fini. Cette association d’idée est très présente
large éventail de possibilités interprétatives10.
chez les utilisateurs tout comme chez les commanditaires.
Le
projet
de
logements
évolutifs
de Rouen, du quartier de la Grand Mare, construit entre 1969 et 1972 par Jean-Philippe Rameau, a souffert de cette image. Le système constructif mis en place alliant des éléments préfabriqués, en métal et en béton, était démontable, permettant de grandes variations et des facilités d’entretien. Cependant, cela donnait aux utilisateurs l’image de quelque chose de peu sécuritaire, susceptible de tomber en morceaux.
Figure 1 - Proposotition de Michael Graves pour le Whiteney Museum, en 1985.
8 - PARTIE 1
Source : artsblog.dallasnews.com
UN PROCESSUS D’ÉVOLUTION
DES SYSTÈMES CAPABLES POUR DES
BIOLOGIQUE
SOCIÉTÉS EN MUTATION
En développant une pensée nouvelle,
Ainsi,
au
delà
de
la
question
où nous considérons que les villes sont toujours
patrimoniale et mémorielle, il faut voir les
incomplètes et que nos opérations sont toutes
bâtiments comme des systèmes capables et
« des compléments ou des extensions de ce
faire avec, rappelait Frédéric Druot lors d’une
qui existe déjà »11, nous inscrivons nos projets
conférence16. Faire évoluer les bâtiments, à
urbains et architecturaux dans un processus de
n’importe quelle échelle, « prendre en compte
développement durable où il n’y a pas de lutte
la flexibilité qui caractérise la vie actuelle et
entre neuf et ancien. Aucune couche n’est
naturelle » (dit par Jean Nouvel, lors d’une
plus importante qu’une autre, elles ne sont
consultation du Grand Paris, en 2009)17.
ni premières ni dernières, c’est un processus biologique d’évolution, et ainsi l’ancien et le nouveau se mélangent pour former une nouvelle unité12.
La
transformation
8
est
finalement
l’évolution naturelle de tout édifice13, car le « penser juste », comme en parle Dominique Perrault, qui donne naissance à un projet, n’est en fait valable que dans un contexte donné, à un moment donné, et n’a de valeur que relié à son moment d’origine14.
Michel de Certeau a écrit : « les lieux
sont des histoires fragmentaires et repliées,
Philippe ROBERT, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 9
Philippe ROBERT, « Reconversions/Adaptations - New
uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p. 4. 10
Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.9. 11
Idem note 9, p. 10.
12
Jordi BARDIA, conférence du 4 février 2015,
« Transformation versus conservation », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
des passés volés à la lisibilité par autrui, des
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La
temps empilés qui veulent se déplier mais qui
transformation comme acte de création ».
sont là plutôt comme des récits en attente »15.
Une opération de transformation ne
devrait être vue que comme une étape dans le temps, pour révéler la prochaine situation d’un morceau de ville précis.
13
COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La
transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, Philippe Robert, p.13. 14
Idem note 13, « Conversation avec Dominique
Perrault », p.65. 15
Idem note 10.
16
Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 17
AMC, Novembre 2014, article du Petit journal de la
cité de l’architecture « Et si on arrêtait de démolir pour construire ! ».
PARTIE 1 - 9
On
comprendrait
parfaitement,
par exemple, qu’une grande évolutivité se développe pour les immeubles de logements pour s’adapter aux multiples formats de familles
qui
existent
aujourd’hui
(monoparentale, classique, recomposée…).
À une échelle tout à fait différente,
les édifices doivent prendre en compte le caractère toujours plus éphémère de nos usages et être bâtis en conséquence, prêts à muter.
ACCEPTER DE NOUVELLES ENTITÉS
La transformation des édifices, en plus
de poser la question constructive, nécessite l’acceptation de l’existant, donc d’une identité pré-établie, mais également de l’idée que les standards doivent être bousculés.
Par exemple, la reconversion de la
filature Le Blan (fig.2), à Lille, réalisée à la fin des années 1970 par Reichen & Robert, n’a pu fonctionner qu’à partir du moment où les maîtres d’ouvrages ont accepté de travailler « hors-normes », c’est-à-dire de faire des logements plus grands, avec plus de hauteur sous-plafond, de formes différentes, etc. et en acceptant de les marier à l’esthétique industrielle de l’usine18. Cela est très prisé de nos jours et les lofts conçus dans d’anciennes enveloppes industrielles ont été grandement à la mode.
C’est en prenant de l’écart face au
« normal » que de nouvelles entités verront le
jour,
formellement,
esthétiquement.
spatialement,
et Figure 2 - Filature Le Blan reconvertie par Reichen & Robert. Photographie : Couchaux, Denis.
10 - PARTIE 1
Source : insitu.revues.org
B / Symbolique et dialectique :
mobile - immobile
Ce dialogue peut finalement avoir lieu
à différentes échelles. Par exemple celle des usages : quand l’espace architectural est une donnée, le programme doit être variable23.
ENTRE ÉPHÉMÈRE ET SACRÉ
Symboliquement, une dualité forte
COUPLES DIALECTIQUES
existe en architecture.
Le caractère immobile, fixe, solide, des
Une métaphore de l’édifice, l’abri
bâtiments n’était auparavant attribué qu’aux
primitif, bouleverse cette dialectique et nous
édifices à caractère sacré, tels que les temples,
indique la complexité du dialogue : comme
les cathédrales, les églises… L’immobilité et la
le corps de la mère, enveloppe sécurisante
solidité renvoyaient à l’immortalité, à l’éternel,
et protectrice, porte l’enfant à venir, l’édifice
et conféraient donc à ces monuments la
accueille un programme. Or, cela n’est valable
capacité de survivre à travers les âges et d’être
que si la mère (l’édifice) est vivante et donc
transmis.
bouge24.
Au
contraire,
toute
édification
Selon cette comparaison, l’édifice est
vernaculaire était éphémère et même souvent
mobile autant que le programme l’est, et ils
évolutive dans sa simplicité d’exécution .
s’adaptent mutuellement. Cela fonctionne
19
également à l’échelle de l’édifice et de son
Depuis toujours une dialectique entre
le couple Mobile-Immobile régit les lois de
environnement, du quartier et de la ville, de la ville et du grand paysage…
l’élévation des villes et l’architecture est tirée vers deux polarités du temps : éternelle par son potentiel de significations, éphémère par ses usages20. Symboliquement, concevoir des bâtiments mutables nous rapprocherait du
18
mobile, donc de l’éphémère, c’est-à-dire de la
14 avril 2015, à Paris.
vie et des usages21.
19
Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », 1993-2013 , « Chapitre 1 : l’idée de l’habitat évolutif, origines et tendances ». 20
UN DIALOGUE À DIFFÉRENTES ÉCHELLES
création », catalogue de l’exposition, p.9. 21
Une autre manière de faire exister
ce couple dialectique serait la médiation en tiers de l’environnement. Si l’édifice est mutable, l’environnement doit être immobile, monumental ; et inversement . 22
Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de Idem note 19, « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe
aux réalités… ». 22
Idem note 21.
23
Bernard REICHEN, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 1 - 11
III
INSCRIPTION DE NOS SOCIÉTÉS DANS LA DIMENSION TEMPORELLE
avertis
Les architectes réemployeurs, bien de
l’épuisement
des
ressources
naturelles, disent : « pour sortir de la notion de déchet, on parle de ce qui est à venir, non de ce qui existe »30 et « les notions de réutilisation et de réemploi ne sont pas nouvelles (…) Ce
SOCIÉTÉS EN MOUVEMENT : INSCRIPTION
qui est nouveau, c’est la conscience de la
DANS UN TEMPS LONG
nécessité de le faire, c’est la projection dans l’avenir à partir du passé pour un besoin
On sait désormais que les bâtiments
présent, c’est la conception du temps long »31.
devront avoir plusieurs vies pour suivre le
rythme (ou survivre au rythme) de nos sociétés
un bâtiment en sachant ce qu’il a été par le
en perpétuel mouvement .
passé plutôt que de devoir imaginer ce qu’il
L’accélération de tous les éléments de
pourra être dans un futur plus ou moins
la société (machines, transports, transmission
lointain32. Mais face au rythme de sociétés
de l’information…) a installé une recherche du
d’aujourd’hui,
résultat toujours plus immédiat et sophistiqué .
inévitablement.
25
26
Il est certes plus facile de travailler sur
la
question
se
pose
Or, quand le temps de la construction est plus proche du court terme il y a danger27 car cela affecte obligatoirement la qualité de la
L’ARCHITECTURE COMME TRANSPORT
conception et celle de la construction.
MATÉRIEL ET MÉMORIEL
La contradiction est simple : tout est de
plus en plus rapide dans nos villes, plus mobile,
excepté nos constructions pour l’instant28.
joindre à la grande ferveur actuelle pour la
La nécessité de l’anticipation vient se
mémoire, et elles donnent de la profondeur
Notre conception contemporaine de
à la dimension spatiale dans laquelle doit
l’architecture tend à ignorer l’insertion du
s’inscrire l’architecture.
bâtiment dans le temps au profit d’une insertion
d’utilité immédiate, purement fonctionnelle et
« mémoire et anticipation constituent en effet
répondant à une équation de rentabilité.
la perspective réelle de l’espace et donnent
Kevin Lynch nous rappelle que la
une profondeur »33. La réutilisation met en
vocation de l’architecture est d’insérer des
scène dans un même lieu la mémoire et l’usage
activités humaines dans le temps comme dans
futur34.
l’espace, dans les trois dimensions, en les liant
également au passé, au présent et au futur .
et l’après et produire la trace de ce noeud »35
29
Aldo
Van
Eyck
expliquait
que
Transformer revient à « nouer l’avant
; c’est aussi observer ce qui est en train de se faire en prenant soin de ne pas menacer l’avenir36.
12 - PARTIE 1
L’architecture est à voir comme un
transport interne, dans le temps et l’espace d’un projet, qui se transforme sur lui-
24
même et dont les traces de ce transport
aux réalités »,« Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux
font
l’iconicité
de
l’oeuvre37.
C’est
une
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe
réalités… », 1993-2013. 25
Etude « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis
réécriture, matérielle et mémorielle, qui fait
de la ville durable : construire réversible », VINCI
du temps présent un temps en marche38, plutôt
Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture,
qu’un temps immédiat et irréversible39.
2015, vidéo de 4’40. 26
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.150.
UNE ÉVOLUTION CYCLIQUE
27
Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable
? », 2010, Habitat et société, n°60, p.63. 28
L’engouement pour les opérations sur
Idem note 27, p.66.
29
Idem note 26, p.108.
l’existant tient à ce geste sublime qui est de
30
Steven BECKENS / COLLECTIF « Un bâtiment,
réintroduire des bâtiments en perdition dans le présent. Il faut désormais également les
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.211. 31
Jean-Marc HUYGEN / COLLECTIF « Un bâtiment,
projeter dans le futur40.
combien de vies ? La transformation comme acte de
création », catalogue de l’exposition, p.155.
Rapoport annonçait déjà en 1969 un
changement nécessaire de notre rapport au temps : il faut voir notre évolution, non plus
32
Henri-Pierre JENDY / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.31.
comme une marche en avant tout à fait linéaire,
33
mais comme un mouvement cyclique .
New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p.6.
34
Idem note 33, p.9.
35
Gwenaël DELHUMEAU / COLLECTIF « Un bâtiment,
41
Cependant, un mouvement cyclique
implique un retour perpétuel à l’origine, ce qui est tout à fait impossible. Notre évolution est donc plutôt sous la forme d’une spirale42, en
Philippe ROBERT, « Reconversions / Adaptations -
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.105. 36
Idem que note 32, p.34.
constante transformation, avec des débuts et
37
Idem note 35, p.105.
des fins de cycles qui ne se croisent jamais ;
38
Idem note 26, p.68.
39
Idem note 32, p.34.
40
Marc BARANI, conférence du 16 mars 2015,
c’est un modèle réversible et non immobile.
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
Appréhender le projet en considérant
le temps comme une ressource pour l’espace43
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 41
Idem note 24.
permettrait d’augmenter la durée de vie
42
Francis RAMBERT, conférence du 4 février 2015,
des édifices en les dotant de la capacité de
« Transformation versus conservation », cité de
mutations plurielles44.
l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 43
Idem note 42.
44
Idem note 32, p.167.
PARTIE 1 - 13
IV
DÉVELOPPEMENT DURABLE : MUTUALISER L’ÉNERGIE GRISE
Les recherches en réponse à la crise
environnementale se sont d’abord portées sur l’Énergie de Fonctionnement ; désormais on s’attaque aux dépenses liées au cycle de l’existence47.
UNE RÉPONSE À LA CRISE ENVIRONNEMENTALE
L’ÉNERGIE DE CONSTRUCTION
Les
Depuis les années 1970, la pratique de
bâtiments
contemporains
l’architecture est passée par plusieurs phases
sont construits sur la base d’une durée
: au début, on conservait ou on réhabilitait
de fonctionnement estimée à 30 ans48.
pour protéger la valeur patrimoniale ; puis on
Cependant, de nos jours, les usages sont
a procédé dans un souci de continuité urbaine.
bousculés bien plus rapidement, donc bien
Désormais, une nouvelle donnée s’ajoute pour
avant que les édifices ne soient amortis
justifier et même favoriser la pratique de la
financièrement.
réutilisation, il s’agit de l’énergie grise . 45
Face aux crises environnementales
Quand on compare les constructions
et énergétiques, l’architecture a de grandes
de l’ère géotechnique (eau/vent/bois) et celles
responsabilités, et c’est dans la pratique de
de l’ère paléotechnique (charbon/acier), qui
la réutilisation qu’une réponse économique
nous correspond, celles datant de la première
existe.
période emmagasinaient l’énergie dépensée en temps de construction, investie en solidité.
Il y a deux types de dépenses
Cela permettait à ces constructions de résister
énergétiques. Celle appelée Energie de
à l’usage et retarder leur ruine, c’est-à-dire
Construction ou Energie Grise, qu’il faut
ralentir le processus d’entropie, en donnant
engager pour la construction et qui prend
du temps à l’espace et inversement, avec des
donc en compte le transport, l’extraction
constructions à la fois résistantes et souples49.
des matières, la construction, l’entretien, la réparation, etc.. Et celle appelée Energie de Fonctionnement ou Energie Blanche, qui
comptabilise l’énergie que le fonctionnement
Grise, cette énergie moins palpable que
entraine, c’est-à-dire l’énergie nécessaire à
celle de nos usages50, pour plusieurs vies.
l’utilisation, au chauffage, à la ventilation, à
Ainsi, prévoir la transformation c’est baser les
l’éclairage, etc. .
constructions sur leur durée de vie globale et
46
Transformer, c’est mutualiser l’Énergie
non plus sur le temps d’un usage, et construire solidement pour que le bâtiment perdure au maximum et soit rentabilisé.
14 - PARTIE 1
LE PHÉNOMÈNE D’ENTROPIE
L’entropie est le vrai adversaire de la
réutilisation.
Ce
énonce se
principe
que
de
l’énergie
dégrade,
se
thermodynamique de
tout
système
disperse
peu
à
peu,
inévitablement. Cela signifie que chaque élément tend à la ruine et disparaîtra inévitablement un jour, quand les atomes de la dernière molécule seront dispersés51.
Ce phénomène pose sérieusement
la question de l’entretien et surtout celle des
Figure 3 - La double crise des ressourses.
systèmes constructifs, qui pourraient être
Source : Catalogue de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/
pensés pour que les pièces les plus proches
Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.17.
de la ruine soient proprement remplacées par des pièces plus neuves.
S’inscrire
dans
un
cycle
de
développement durable c’est contrôler les dépenses énergétiques à tous les temps de la
45
Bernard REICHEN, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
vie de l’édifice et rompre l’abandon de ce qui
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La
a déjà servi.
transformation comme acte de création ».
Après tout, y a-t-il vraiment un BON
temps d’usage pour les bâtiments ?52.
Construire c’est accumuler, économiser,
mettre du temps et de l’énergie en réserve53. Et cette énergie est plus ou moins amortie
46
Sébastien MAROT / COLLECTIF, catalogue de
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.105. 47
Idem note46, p.106.
48
Idem note47.
49
en fonction : des coûts énergétiques de
Idem note46, pp.106-107.
50
Raphaël MÉNARD / COLLECTIF, catalogue de
construction, de transformation et d’usages ;
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
de la durée d’obsolescence du bâti et ses
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
différents composants ; et de l’emprise de
Delon, p.161. 51
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
l’usage individuel, autrement dit la densité des
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien
usages et des utilisateurs .
Choppin et Nicolas Delon, p.94.
54
52
Idem note51, p.12.
53
Idem note 50, p.162.
54
Idem note53.
PARTIE 1 - 15
V
ÉTHIQUE : L’ARCHITECTURE AU SERVICE DE L’INTELLIGENCE
LES CHOIX DE L’ARCHITECTE
L’architecte contrôle 40 000 fois la
valeur énergétique de se propres besoins55. En France, le secteur du BTP produit 260 millions de tonnes de déchets par an, dont 42 millions de tonnes pour le secteur du bâtiment. 93 % viennent des démolitions et réhabilitations, le reste vient de la construction neuve56. 90 % sont des déchets inertes qui ne se décomposent pas ni ne brûlent57.
Face à ces chiffes, il y a une vraie
responsabilité à assumer de la part des architectes. Celle de faire ou de ne pas faire58, celle de dire NON pour construire quand un programme ne convient pas59, celle de refuser de construire bon marché quand c’est synonyme de mauvaise qualité60, etc..
La transformation des villes et des
bâtiments représente une part importante des opérations architecturales dans le monde de maintenant. En France, 50% du travail
Figure 4 - Dessin «300kg de nature pour fabriquer 10kg de produit industriel.» Source : Catalogue de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
ANTICIPATION
des architectes porte sur la transformation de l’existant. Il n’est pas normal que des
architectes continuent à l’ignorer, que ce soit
compte que la nécessité de transformer ne
dans leur pratique ou dans l’enseignement
vient pas toujours naturellement, à la fin d’une
qu’ils prodiguent . La pratique de l’architecture
vie, et peut parfois apparaître très rapidement,
doit être un choix culturel, économique et
suite à un changement de municipalité, à une
technique , et il faut obligatoirement se
réorientation du programme, à un rachat de
demander : « doit-on démolir ou peut-on
l’opération…
61
62
trouver d’autres fonctions? » . 63
16 - PARTIE 1
En observant divers projets, on se rend
Le marché de Braga a été reconverti
en école de musique à peine 15 ans après sa livraison, car le projet initial n’a jamais vraiment
Raphaël MÉNARD / COLLECTIF, catalogue de
55
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
fonctionné. Il a été à la charge de l’architecte
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
d’origine lui-même, Eduardo Souto de Moura,
Delon, p.162.
de convertir son projet.
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
56
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien
À Marseille, lors de la construction
Choppin et Nicolas Delon, p.38.
du Building Canebière dans les années 1950
57
par Fernand Pouillon, on demanda à Fernand
58
Pouillon, de changer le programme durant le
Idem note 56, p.49. Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
chantier pour accueillir des logements et des
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
commerces en plus des bureaux initiaux64.
acte de création ».
À Saint-Paul (Île de La Réunion), la
médiathèque Cimendef, réalisée par l’agence d’architecture Périphériques et tout juste ouverte en ce début de l’année 2015, va déjà être transformée en Conservatoire régional pour la musique et la danse, suite à un choix de la nouvelle municipalité . 65
59
Idem note 55, p.166.
60
Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le 14
avril 2015, à Paris. 61
62
que tout architecte soit conscient que les projets peuvent se voir modifiés à n’importe quel moment, et donc qu’il est important que ces opérations puissent avoir lieu avec
Françoise ARNAUD, « Réutiliser le patrimoine
architectural », tome 1, 1978, Ed. de la Caisse Nationale des monuments historiques et des sites, p.5. 63
Face à de tels exemples, il est important
Philippe ROBERT, « Reconversions / Adaptations -
New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p.10.
Jean DETHIER / COLLECTIF ? Centre de Création
Industrielle / Centre Georges Pompidou, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou, p.53. 64
Site internet : ttp://www.culture.gouv.fr/paca/dossiers/
xxeme_marseille/monographies/0101_building/ building.htm 65
Site internet : http://www.ipreunion.com/
intelligence, grâce à des édifices capables
photo-du-jour/reportage/2015/03/31/contre-le-
d’accueillir de tels changements.
projet-de-conservatoire-a-rayonnement-regionalles-partisans-de-la-mediatheque-cimendef-s-invitentdevant-la-region,30088.html 66
PLUS D’ÉTHIQUE, MOINS D’ESTHÉTIQUE
67
Francis RAMBERT, « Ancien / Contemporain : entre
greffe et clonage », 1999, D’Architectures, n°96, p.26.
En plus des transformations « pures »,
les greffes sont inévitables pour régénérer les tissus urbains66. Myrto Vitart énonçait
Myrto VITART, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 68
Michèle ZAOUI, « De la réhabilitation à la
qu’ajouter un bâtiment neuf dans un milieu
reconversion des friches », juillet 1997, Techniques et
existant, c’est aussi transformer67. Néanmoins,
architecture, n°432, p.72.
il est nécessaire de pratiquer plus d’éthique
69
et moins d’esthétique68, avec humilité, car les villes et l’architecture changent tout le temps . 69
Carles LLOP, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 1 - 17
Philippe
Robert
a
longtemps
enseigné et pratiqué sous ces termes :
LA FORCE DE NÉCESSITÉ
« la qualité architecturale c’est, justement, l’honnêteté des matériaux, la capacité à
s’adapter, le respect des besoins des usagers,
outrepassant le culte des monuments et
le confort… » . Le propre de la reconversion
l’individualisme spectaculaire qui s’affrontent
étant la modestie, selon lui, les mêmes règles
aujourd’hui. Il faut penser à la pérennité
doivent s’appliquer au mutable : que tout soit
physique et esthétique de nos projets78, et
bon, élégant, propre et vieillisse bien71.
différencier les types de changements : il y a
69
Une vraie révolution est nécessaire,
ceux qui répondent à des besoins et ceux qui naissent d’envies.
Les premiers peuvent trouver des
compromis tandis que les seconds viennent perturber
des
systèmes
simples
avec
des extravagances79. Or il y a des limites nécessaires. Figure 5 - Dessin «Intéliligence collective.» Source : Catalogue de
l’exposition
« Matière
Grise
-
Matériaux/Réemploi/
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.118.
Renzo Piano parle de la « force de
nécessité », qui n’a rien à voir avec des tendances, des styles, des ondulations du goût. Une fois qu’on la comprend, y répondre
L’INTELLIGENCE COLLECTIVE
c’est commencer à construire autrement, du point de vue de l’énergie, de la sagesse, des
Transformer
demande
de
la
responsabilité pour évoluer vers un sort
matériaux… et cela peut se transformer en un langage, un vocabulaire80.
durable72 ; c’est un acte militant73. Parler de réemploi, que ce soit celui d’objets, de
manière
celui
maîtres d’ouvrage, les ministres, et tout ceux
travailler
qui font les normes qui standardisent nos
plus
d’architectures,
classique, c’est
ou faire
l’intelligence collective pour trouver des
Les premiers à convaincre restent les
constructions81.
solutions collectives74. Construire mutable c’est offrir la capacité de partage, c’est donner des solutions qui ne soient pas figées sur des
produits monolithes .
réemploi est un acte de nécessité. Il devient
Transformer et réemployer, c’est l’idée
éthique dans une société d’abondance où les
d’une justesse collective, une économie au
ressources diminuent, et il doit être porté par
service du « vivre mieux »76, et tous les corps
tous les participants à la création en bonne
de métiers doivent s’engager, avec un but à la
volonté et sans peur des contraintes82.
75
fois juste et solide77.
18 - PARTIE 1
Quand il n’y a pas de ressources, le
Frédéric Druot décrit la demande
Cette question d’éthique concerne les
architecturale actuelle comme celle de faire
architectes,
rentrer de gros pieds (des programmes
d’oeuvre, les élus, et tous les commanditaires,
ambitieux)
car ils alimentent le goût pour les architectures
dans
des
petites
chaussures
élégantes (des formes stylisées à la mode) . 83
mais
également
les
maîtres
sculpturales et extravagantes, comme les oeuvres de Frank Gehry, par exemple84.
On voudrait aujourd’hui conserver certains édifices pour leur beauté, cependant ils n’ont pas
la solidité suffisante pour survivre. Parallèlement, des bâtiments en parfait état et construits solidement sont jugés quelconques et « jetés à l’abattoir ».
En anticipant les mutations potentielles, on pourrait garder à la fois ces incroyables pièces de
l’histoire et ces bonnes structures bien construites, et leur donner de nouveaux usages. La question du « pouvoir » garder primerait sur le « vouloir », et c’est par devoir d’économie qu’on prendrait les décisions de conserver et de transformer85 : donner la priorité à la solidité et à la pérennité en construisant des bâtiments aptes à être réhabilités par d’autres86.
77
Idem note 74, p.348.
78
Adam YEDID, « Connaître pour créer », janvier 2005,
Techniques et architecture, n°475, pp. 86-91. 79
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 70
Interview de Philippe Robert, architecte retraité, le 14
avril 2015, à Paris. 71
Michèle Zaoui, « De la réhabilitation à la reconversion
1993-2013. 80
Renzo PIANO / COLLECTIF « Un bâtiment, combien
de vies ? La transformation comme acte de création »,
des friches », juillet 1997, Techniques et architecture,
catalogue de l’exposition, p.297.
n°432, p.72.
81
Idem note 71.
82
Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de
72
COLLECTIF, « Créer dans le créer - L’architecture
contemporaine dans les anciens bâtiments », 1979, Ed.
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
Electra Moniteur / Icomos France, p.7.
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
73
COLLECTIF, « Reconvertir le patrimoine », Cahiers
Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits. 74
Julien CHOPPIN, conférence du 17 novembre 2014,
Delon, p.117. 83
Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de
Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition
l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
« Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture ».
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La
75
Idem note 71.
76
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
transformation comme acte de création ». 84
Idem note 71.
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien
85
Idem note 71.
Choppin et Nicolas Delon, p.12.
86
Idem note 71, p.73.
PARTIE 1 - 19
PARTIE 2
RECONSIDÉRER L’AVANT-PROJET : COMMANDE ET PRESCRIPTIONS
Avant de revoir le processus de conception du projet, il est nécessaire de questionner tous
les facteurs, souvent hors d’atteinte pour les architectes, qui viennent dicter la commande au stade de l’avant-projet, tels que la programmation, les normes et les financements.
Ces prescriptions sont déterminantes pour la liberté de conception, mais elles sont également
basées sur des années d’optimisation typologique, les fluctuations du marché de l’immobilier, l’observation des modes de vie… bon nombre de paramètres théorisés, précisément calculés, et difficilement ré-interrogeables.
I
une fonction unique et immuable amène
USAGE ET PROGRAMMATION
forcément à la dégradation du patrimoine bâti5.
Etant donné que la durée de vie des
édifices est supérieure à celle des usages6, le A / Oppositions - résistances culturelles
seul avenir du patrimoine est d’être adaptable car les fonctions ne sont finalement jamais permanentes7.
BÂTIMENTS À USAGE UNIQUE
Poser la question de la transmission
DES VILLES SOUPLES
du patrimoine architectural c’est interroger l’usage1. L’étape de la transformation arrive
quand il y a un changement d’usage, et par
évoluer les villes et de satisfaire à de nouveaux
usage on entend la pratique physique d’un
besoins fonctionnels8. Prévoir la mutabilité
espace2.
permettrait aux villes une grande souplesse
d’évolution des usages et des formes urbaines
Si la configuration d’un bâtiment ne
La transformation est un moyen de faire
permet pas le changement d’usage, il est
qui les composent.
économiquement impossible de le conserver.
Il est là pour servir aux besoins des sociétés car
concevoir mutable permettrait d’insérer des
il existe pour la vie qui a lieu en son sein .
éléments de toutes tailles, par exemple,
sans les voir comme des points de blocage
3
Comme le dit Bernard Tschumi : « Il
Comme l’explique Philippe Robert,
n’y a pas d’architecture sans programme. Sans
puisqu’ils
programme, l’architecture est sculpture, ruine,
transformés, et ce sont les usages mobiles qui
objet banal ou poétique sans destination. » .
animeraient les villes, en fonction des besoins.
4
Autrement dit, un bâtiment conçu pour
20 - PARTIE 2
pourraient
être
redécoupés,
La reconquête de la vallée de la Ruhr a
En replaçant la réflexion à l’échelle de
été possible de cette façon grâce à la grande
la ville, ancrée dans un temps long, l’usage
capacité des usines désaffectées qui ont été
devient la première préoccupation par son
transformées tantôt en logements, tantôt
caractère éphémère.
en écoles, en équipements publics ou en
plateaux pour d’autres activités industrielles
l’abri d’un usage unique et immuable. La
de natures diverses (fig.6).
polyvalence des usages vient alors des
potentialités même du bâtiment12 et de
9
De façon similaire, la ville de Rochefort
a mis en place, depuis les années 1970,
L’édifice ne se conçoit plus comme
l’intelligence de sa structure spatiale.
une politique urbaine de réutilisation des bâtiments anciens, où la systématisation de la démarche de réutilisation permet de résoudre les problèmes de compatibilité fonctionnelle entre le bâtiment et les programmes. Le nombre important de bâtiments à réinvestir permet de faire des choix cohérents de programmes en fonction des capacités réelles du bâtiment, et inversement10.
COLLECTIF, « Reconvertir le patrimoine », Cahiers
1
Jean HUBERT, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits.
Avec des architectures mutables, ces
édifices seraient encore moins contraignants, avec pour chacun la capacité d’accueillir de multiples programmes . 11
2
Françoise ARNAUD, « Réutiliser le patrimoine
architectural », tome 1, 1978, Ed. de la caisse Nationale des monuments historiques et des sites, p.6. 3
Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,
Ed. Littlehampton Book Services Ltd, Anglais, p.11. COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La
4
transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.245. 5
Vincent ÉBLÉ / COLLECTIF, « Reconvertir le
patrimoine », Cahiers Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits. 6
Christine DESMOULINS et Philippe ROBERT,
Transcriptions d’architectures - Architecture et patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed. ADPF, p.30. 7
Adam YEDID, « Connaître pour créer », janvier 2005,
Techniques et architecture, n°475, p.86. 8 9
Idem note 6, p.14. Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le
14 avril 2015, à Paris.
Figure 6 - Au bord de la Ruhr, à Duisbourg, la Werhahnmühle, vestige de la révolution industrielle, abrite un musée. Photographie : C. Prall
Source : le.parisien.fr
10
Idem note2, p.91.
11
Idem note2, p.91.
12
Henri-Pierre JENDY / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.32.
PARTIE 2 - 21
sur un site pour une somme donnée »18. Les B / La reconquête de la programmation
programmes sont devenus des bêtes de courses programmatiques, tellement optimisés
La
qualité
d’un
projet
de
d’un point de vue technico-économique qu’ils
transformation tient à l’adéquation entre la
sont incapables de devenir autre chose.
forme et le nouveau programme.
Pour cette bonne dialectique forme-
et architectes doivent pouvoir participer dès
fonction, il est nécessaire d’analyser les
l’élaboration du programme, collaborant pour
besoins puis d’élaborer le programme adapté,
garantir coûts et qualité 19.
Pour remédier à cela, les constructeurs
en prenant en compte les capacités et les contraintes des espaces existants. C’est ainsi que tout projet de réhabilitation est abordé,
ARCHITECTURE
ou du moins le devrait, selon le spécialiste
MODIFIABLE
GÉNÉTIQUEMENT
Philippe Robert . 13
Les
architectes
et
chercheurs
américains Rafal Kicinger et Tomasz Arciszwski ARCHITECTES-PROGRAMMISTES
ont
développé un concept d’architecture
génétiquement modifiable (AGM), selon un
La programmation est un problème
« principe de mutation efficace »20 et maximale,
majeur à affronter. Les programmes sont
dans
généralement bouclés avant le début même
est constamment remis en question pour
de la conception du projet, correspondants
produire l’optimum.
à
des
formules-types
financières
et
lequel
le
rapport
L’architecture
ne
forme-fonction
s’inspire
plus
normatives, sans vie et sans créativité .
seulement des formes du monde du vivant,
Alain Sarfati fait remarquer que les
du « bios », il s’agit, au moyen de l’informatique
programmes sont livrés par des programmistes
et de nouveaux logiciels, de « simuler » et
et que les architectes ne peuvent plus y
d’élaborer des projets suivant un « processus
toucher. Il n’y a pas de possibilité d’ajustement
biologique d’évolution et de développement »
sur-mesure15. Or le travail de l’architecte
comparable aux gênes. Le nouveau modèle
consiste aussi à « avoir l’imagination de
d’architecture s’apparente à l’ADN et à « la
réinventer des utilisations »16. Il y a donc
capacité d’un organisme vivant, par le recours
urgence pour les architectes à reconquérir
à la mutation, à s’adapter de la meilleure
cette part essentielle de la préparation d’un
manière à des conditions spécifiques de vie ».
projet .
14
17
Les
programmes
devraient
Le
paramètre
esthétique
n’existe
être
plus. La forme n’est plus une question
moins directifs, plutôt comme des objectifs à
d’imagination ou d’inspiration. Elle devient
atteindre.
celle que le programme dicte pour la
meilleure rentabilité fonctionnelle.
À l’heure actuelle, il s’agit surtout de
« bourrer le plus de mètres carrés possibles
22 - PARTIE 2
Leur
proposition,
techniquement
complexe, considère le caractère éphémère des usages, l’évolution des matériaux, et la mutation des « contraintes contextuelles ». Il s’agit d’une loi programmatique « réactive ».
Grâce
au
perfectionnement, « rationaliser
logiciel il
l’usage
Inventor,
en
est
possible
de
des
matériaux
et
l’agencement des structures », et créer une architecture aux paramètres variables, insérés dans ce programme. 13
Cette architecture « mutante » pourrait
être une réponse à la conception de bâtiments résilients, mais les deux architectes font remarquer que produire de telles architectures nécessite un financement important pour assumer, d’une part le coût des programmes de simulation et de suivi, d’autre part les coûts pour faire évoluer les bâtiments de manière à les maintenir continuellement à leur plus haut degré de qualité d’usage et d’économie
Bien
14
qu’extrêmement
coûteuse,
sophistiquée et radicale, leur considération de l’architecture comme un élément codifié génétiquement avec la capacité d’adaptation à son environnement est très séduisante.
Témoignages d’Eva SAMUEL, architecte et de
Patrick Bouchain, architecte / étude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est- il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.13. 15
Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 16
d’utilisation21.
Philippe ROBERT, « Reconversions / Adaptations -
New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p.5.
Maryvonne DE SAINT-PULGENT, « Il faut
repatrimonialiser les architectes », 1994, D’Architectures, n°48, p.32. 17
Idem note 13.
18
Myrto VITART, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
De
façon
théoriquement
similaire,
Bernard Reichen et Philippe Robert parlent d’un « patrimoine caméléon » ou « patrimoine en mouvement », un processus qui intègre reconversion et changement d’usages22.
19
Etude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le
logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.48. 20
Paul ARDENNE, « AGM : Architecture génétiquement
modifiable, une perspective », 2008, Archistorm, n°30, p.19. 21
Idem note 19, pp.18-19.
22
Bernard REICHEN et Philippe ROBERT / COLLECTIF
« Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.131.
PARTIE 2 - 23
II
TESTER DIVERS USAGES
À partir de ces observations sur
le travail sur l’existant, il est possible de renverser la réflexion pour que la question de
L’ÉCONOMIE DE LA MUTABILITÉ :
INVESTISSEMENTS À LONG TERME ET DROITS ACQUIS
la mutabilité soit abordée dès la conception d’un projet neuf, tant programmatiquement
BILANS DURABLE = COÛTS + BÉNÉFICES + DURÉE DE VIE
que constructivement23.
Philippe Robert propose que, pour
Parfois, les bâtiments sont obsolescents
programmer un édifice à venir, on commence
avant même leur amortissement sur le plan
par imaginer sa deuxième vie, sa troisième,
économique28.
voir davantage, puis que l’on revienne à sa
fonction initiale. Par des essais de différents
les formules flexibles peuvent intéresser
programmes, on assure que le bâtiment
les promoteurs du fait que les marchés
pourra survivre à plusieurs fonctions24.
immobiliers, de bureaux et de logements
La capacité d’accueil (les « plans B »)
surtout, sont à même basculer très vite29. Les
serait démontrée lors de la demande du
immeubles de bureaux, par exemple, sont
permis de construire, et ainsi officiellement
confrontés à des changements d’usages de
enregistrée.
plus en plus rapide, dès 15 à 20 ans30, voir
Jean-Patrice
Calori
explique
que
moins.
En plaçant la programmation à la
naissance
du
processus
de
Pour construire des bilans durables,
conception,
la durée d’amortissement doit avoir sa place
l’architecture mutable devient « comme un
dans les bilans évaluant les coûts et les
laboratoire d’expérimentation typologique et
bénéfices, mais la durée de vie du produit
programmatique qui fabrique les conditions
doit également être prise en compte31.
de nouvelles vies pour les bâtiments »25. VALEUR AJOUTÉE INCONNUE
La transformation est un défi tant
technique
que
programmatique26.
Il
est
De la même manière, le critère de
nécessaire de changer les méthodes de
mutabilité
et
de
travail, les outils, et surtout les habitudes, pour
devrait
s’adapter à un mode dynamique où il y a,
construction est plus ou moins passive32,
certes, de l’incertitude et de l’inconnu27.
comptabilisant
compter
réversibilité pour
l’énergie
temporelle
évaluer grise
si et
une les
financements qu’elle engendre.
Il y a une valeur, difficilement chiffrable
certes, à ce qu’un bâtiment ou un quartier
24 - PARTIE 2
soit capable d’évoluer mais elle est rarement
la
considérée dans les calculs d’investissements.
supplémentaire de 300 mètres carrés37. Cent
Cette capacité pourrait pourtant permettre
ans après son élaboration, cette structure était
beaucoup d’économies33.
suffisamment bien construite pour constituer
une économie de moyens non négligeable.
Il est impossible d’évaluer la plus-
création
d’une
salle
d’exposition
value financière car il n’y a pas de bénéfice
Quand il y a bonne adéquation entre
rapide de la formule pour évaluer le « retour »
la forme et la fonction, la transformation
d’investissement. Ces bénéfices ne peuvent
offre généralement des réductions de coûts
être perçus et évalués que sur le long terme, sur le temps de l’existence des usages34,
23
Michèle ZAOUI, « De la réhabilitation à la
mais une valeur existe définitivement, dans
reconversion des friches », juillet 1997, Techniques et
les possibilités d’utilisations plurielles que la
architecture, n°432, p.73.
mutabilité offre sur le « temps-long »35.
24
Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le
14 avril 2015, à Paris. 25
Francis RAMBERT / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de
RETOUR
D’EXPÉRIENCES
DE
TRANSFORMATION : ÉCONOMIE DE MOYENS
En analysant des expériences de
création », catalogue de l’exposition, p.13. 26
Idem note 25, p.18.
27
Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable
? », 2010, Habitat et société, n°60, p.68. 28
François GOVEN / COLLECTIF, « Reconvertir le
transformation on constate qu’une structure
patrimoine », Cahiers Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux
en bon état est une vraie économie pour
Dits.
porter le projet suivant36.
29
architecture, le 15 juin 2015, Paris. 30
L’entrepôt de textiles de Vienne, conçu
entre 1864 et 1870 par les architectes viennois Couturier et Rondepierre, reconverti en 1965 en équipement sportif, par AUA, Chemetov et Paris architectes, est un très bon exemple pour illustrer l’économie possible quand l’existant est de grande qualité.
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB Exposition « Métamorphoses », Pavillon de l’Arsenal,
du 22 avril au 24 mai 2015, Paris. 31
Idem note 27, p.62.
32
Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.107. 33
Idem note 27 p.64.
34
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux
L’exploitation de cette structure a
divisé les coûts par quatre et donné lieu à un programme très généreux. Réutiliser cet entrepôt a permis de réaliser des
réalités… », 1993-2013. 35
Jean-Marc HUYGEN / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.155. 36
Françoise ARNAUD, « Réutiliser le patrimoine
économies substantielles en évitant les coûts
architectural », tome 1, 1978, Ed. de la caisse Nationale
et les nuisances qu’aurait
des monuments historiques et des sites, p.54.
occasionné sa
démolition, en réduisant considérablement les frais d’aménagement, et en permettant
37
COLLECTIF / Centre de Création Industrielle / Centre
Georges Pompidou, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou, p.46.
PARTIE 2 - 25
sur le coût d’aménagement. Il a été possible de faire 120 logements et services, contre 100 logements pour un projet neuf (sur le même site, avec les mêmes réseaux…), et les charges locatives ont baissé de 60%40. Transformer est, dans le cas présent, moins
coûteux
que
de
démolir
puis
reconstruire, et en plus de cela moins long à réaliser41. Figure 7 - La Tour Bois-le-Prêtre réhabilitée par l’équipe LACATON & VASSAL et Fréd&ric DRUOT.
Source : themodernhouse.net
conséquentes38 et l’énergie grise est moindre
RETOUR D’EXPÉRIENCES DE
car on utilise ce qui est déjà présent sur le site.
TRANSFORMATION : DROITS ACQUIS
La transformation est moins énergivore.
Avec la réhabilitation de la Tour Bois-
Il y a également des gains importants
en droits acquis.
le-Prêtre (fig.7) à Paris VIIe, réalisée entre
2005 et 2011 par l’agence Lacaton&Vassal
permet
et Frédéric Druot, on voit de quelle manière
règlements contemporains, notamment en ce
une
qui concerne les droits de vue ou de capacité
transformation
optimisée
peut
être
Travailler sur des bâtiments existants quelques
fois
extrêmement économique.
de surface constructible42.
Ils ont appliqué dans ce projet ce qu’ils
d’outre-passer
les
Cela est dû au fait qu’entre la
nomment la « théorie du PLUS », consistant à
construction des bâtiments et leur réhabilitation,
« ajouter du bien à ce qui n’est pas si mal »39,
les règles, comme le coefficient d’occupation
c’est-à-dire ajouter une plus-value à l’existant,
des sols (COS), ont changé, voir disparu.
ne jamais détruire et toujours améliorer.
Et en gardant l’édifice existant, on bénéficie
De
cette
manière,
le
projet
a
réalisé 74% d’économies d’énergie, 62%
des droits appliqués au gabarit antérieur à ces directives.
d’économies financières et 56% d’économies Figure 8 - La Cité de la Mode et du Design, vue de nuit, depuis le pont d’Austerlitz.
Source : paris-parc.fr
La Cité de la Mode et du Design (fig.8),
livrée en 2008 par les architectes du groupe Jakob&Macfarlane, bâtie sur le squelette des
anciens
Magasins
Généraux
datant
de 1907 (oeuvre de l’architecte Georges Morin-Goustiaux), est construite comme une avancée sur la Seine. Lors d’une conférence, l’architecte Myrto Vitart fait remarquer que cela n’aurait jamais pu être fait sans la structure existante43, qui s’étirait justement vers la Seine pour accueillir les marchandises transitant des péniches vers la Gare d’Austerlitz.
C’est grâce à la fonction d’origine de
l’édifice que la Cité de la Mode profite de cette configuration spatiale et surtout de sa position privilégiée sur les Quais de Seine.
Figure 9 et 10 - L’immeuble du 128-130 Boulevard Raspail (avant et après la réhabiliatation par l’agence Franklin Azzi), Paris 6e, avant et après réhabiliatation. 38
Source : www.franklinazzi.fr
Christine DESMOULINS et Philippe ROBERT,
« Transcriptions d’architectures - Architecture et
De la même manière, la réhabilitation
patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed. ADPF, p.31.
de l’immeuble de bureaux du 128-130
39
Boulevard Raspail (fig. 9 et 10)(Paris VIe) par
combien de vies ? La transformation comme acte de
Franklin Azzi, se sert du dessin angulaire et
Francis RAMBERT / COLLECTIF « Un bâtiment,
création », catalogue de l’exposition, p.21. 40
Frédéric Druot, conférence du 2 juin 2015,
non aligné des façades sur rue du projet initial
« Transformation versus démolition », cité de
(construit dans les années 1970 par Michel
l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
Herbert) pour conserver un grand linéaire de
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La
façade et ainsi bénéficier de larges entrées de lumière . 44
transformation comme acte de création ». 41
COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La
transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.227.
Bien évidemment, en plus d’offrir
42
Idem note 38, p.36.
43
Myrto VITART, conférence du 16 mars 2015,
parfois des libertés formelles et spatiales,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture
la conservation du gabarit existant assure
et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
souvent
une
plus
construction,
plus
grande de
capacité
mètres
de
carrés
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 44
Franklin AZZI, conférence du 2 juin 2015,
constructibles, c’est-à-dire une plus grande
« Transformation versus démolition », cité de
rentabilité du terrain.
l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
Pour
le
projet
de
restructuration
du 32 rue Blanche (Paris IXe) par Franck Hammoutène, livré en 2012, le parfait état de l’ossature en acier de cet immeuble datant de 1910 a permis la conservation de la structure
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 44
Franck HAMMOUTÈNE, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 2 - 27
et donc une emprise au sol de presque 100%
JUSTIFIER LA DÉPENSE
du terrain45.
Cela aurait été tout à fait inconcevable
pour un projet neuf.
La
conception
d’une
architecture
mutable devrait pourtant correspondre aux modes de financement moderne : une vision
Frédéric Druot expliquait, pareillement,
à long terme des investissements et une
que si la Tour Bois-le-Prêtre avait été détruite,
inscription dans une économie de réemploi50,
le projet neuf aurait compté tout au plus
où les gains peuvent être très importants.
la même surface construite, voir moins. En
prenant le parti de la réhabilitation, cette
et pérennes, plus ils seront rentables et
surface passe de 100% à 150%.
rentabilisés, et plus l’investissement nécessaire
Plus les bâtiments seront utiles, utilisés
à la construction sera amorti51.
Toutefois, la culture de l’immédiateté
LA DEMANDE DU MARCHÉ DE
et la peur de l’inconnu, synonyme de non-
L’IMMOBILIER : CONSTRUCTIONS NEUVES
contrôle,
empêche
la
mutabilité
de
se
développer.
Tous
ces
bénéfices
tirés
de
la
transformation sont néanmoins contrés par
Patrick
Rubin
expliquait
que
les
des arguments économiques ou culturels.
investisseurs ont par exemple des difficultés à accepter de changer les dimensionnements
Les promoteurs estiment que neuf
des
bâtiments
pour
correspondre
que de faire du neuf. Donc, pour justifier
parce que construire des logements avec
l’investissement, il est nécessaire d’avoir
2,70m
les services d’un architecte de talent qui
que 2,50m équivaut à 20 centimètres de
sache apporter une plus-value finale au
matériaux supplémentaires, 20 centimètres
bâtiment existant . Les maîtres d’ouvrage
de peinture supplémentaires, etc., donc un
sont néanmoins poussés à s’orienter vers la
prix d’investissement plus élevé52.
transformation car démolir coûte de plus en
plus cher47.
comme une dépense aveugle non justifiable.
46
plusieurs
puissent
fois sur dix il coûte plus cher de réhabiliter
de
à
qu’ils
hauteur
sous
fonctions,
plafond
plutôt
Trop d’acteurs voient la mutabilité
Les normes constituent également un
frein
important
car
elles
sont
très
compliquées et peu ajustées à l’exercice de
est
la transformation48.
dans
Le parti pris spatial de la mutabilité toutefois une
durable
53
un
argument
démarche
de
économique
développement
: par exemple, rendre un quartier
Le blocage majeur reste le suivant : la
où le prix du foncier est très élevé évolutif est
demande du marché de l’immobilier va vers
certainement très intéressant financièrement54.
les constructions neuves49.
À l’échelle du bâtiment, l’investissement
28 - PARTIE 2
temporel et humain nécessaire à toute
représenteront plus des surcoûts mais bien
transformation55,
des investissements de grande rentabilité.
notamment
durant
les
étapes de démontage ou de déconstruction où la dépose soignée des matériaux coûte cher56, doit être compensée par la revente ou la réutilisation des matériaux57 et surtout la réutilisation confortable de l’édifice.
46
Bruno PINARD, directeur Général de BNP Promotion
Immobilière d’entreprise, conférence du 2 juin 2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
« HABITAT COLONNE » : EXEMPLE D’UNE ALTERNATIVE
47
Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
Avec le procédé « Habitat Colonne » (cf.
acte de création ». 48
Idem note 46.
annexes), développé par VINCI Construction
49
Idem note 46.
suite à une étude réalisée en partenariat avec
50
l’agence CANAL, la construction est optimisée.
Le projet est évalué du point de vue
Steven BECKENS / COLLECTIF, « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.212. 51
Sébastien MAROT / COLLECTIF,
« Un bâtiment,
de sa construction, de son fonctionnement et
combien de vies ? La transformation comme acte de
de sa reconversion. La flexibilité est donnée
création », catalogue de l’exposition, p.106.
par un système constructif simple et souple, qui fonctionne tel un squelette dans lequel
52
Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL
Architecture, le 13 avril 2015, Paris. 53
Etude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le
s’insèrent des éléments préfabriqués pré-
logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête
assemblés sur le chantier.
et conviction pour une requalification du logement
L’industrialisation du procédé permet
théoriquement de gagner quatre mois sur la durée du chantier, ce qui représente une économie considérable.
partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.6. 54
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux réalités… », 1993-2013. 55
Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de
Le système est industrialisé mais non
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
figé, non uniforme. Il apporte pérennité,
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
fiabilité et évolutivité58.
Delon, p.117. 56
Alexandre DOYÈRE, directeur de l’entreprise Doyère
Démolition / COLLECTIF, catalogue de l’exposition
Cette étude démontre l’intérêt porté
par tous les corps de métiers vis à vis de la
« Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.314. 57
Lionel BILLIET et Michael GHYOOT, collectif ROTOR
formule évolutive et les bénéfices multiples
(Belgique), conférence du 17 novembre 2014, Pavillon
qu’elle peut apporter à nos villes et notre
de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière
économie.
Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture ».
En effet, en anticipant toutes les
étapes, dès la conception, les projets ne
58
ADIM / Vinci Construction France / Résidences
Sociales de France / Groupe 3F / CANAL Architecture / EGIS, « Habitat Colonne - Un procédé industrialisé pour le logement étudiant », février 2013, vidéo de 5’00.
PARTIE 2 - 29
III
LA MUTABILITÉ FACE AUX NORMES
Quand on sait construire des bureaux,
on s’y tient, et un autre architecte apprendra à
construire
des
logements
selon
les
normes. Pareillement pour les équipements scolaires, les établissements hospitaliers, les équipements sportifs ou culturels, etc.
DES CATÉGORIES NORMÉES DE BÂTIMENTS
Bernard
Huet
expliquait
que
MARIER LES STANDARDS
« dans la construction traditionnelle, le dimensionnement
des
l’aboutissement
éléments
En travaillant sur l’étude CONJUGO,
initiée par le groupe Vinci Construction, Patrick
artisans,
Rubin proposait de marier les standards,
architectes et usagers », ainsi « la solution
mutualiser les règles : « sécurité incendie,
idéale, fixée par l’usage, répond à un grand
réseaux,
nombre
accessibilité,
transaction
de
techniques,
entre
long
processus
de
d’un
est
fabricants,
paramètres, mais
aussi
non
seulement
sociologiques
et
symboliques »59. Or on ne peut pas créer des
fluides,
structure,
environnement…
acoustique, autant
de
paramètres à faire converger avec économie, qualité d’usage et éco-conception »63.
éléments compatibles à plusieurs fonctions en restant enfermé dans ces normes propres à
André
un seul et unique usage.
du
Champeaux,
développement
de
directeur
Réhagreen
chez
Bouygues Immobilier, proposait, lors d’une
Les normes, les contraintes juridiques
conférence, de déverrouiller certaines règles
et fiscales, dictent la commande comme « un
pour pouvoir coupler certaines typologies
habit de confection mal ajusté » . Elles ont
qui pourraient être facilement compatibles
créé des catégories de bâtiments, propres à
(immeubles de bureaux et de logements par
un usage spécifique, qui figent les capacités
exemple), sans être réduits au minimalisme64.
d’évolution61.
60
Il est cependant extrêmement long
de fabriquer ou de changer les normes. C’est
Ces
si
un processus qui prend plusieurs années
que
d’études et qui explique que nous travaillions
les architectes eux-mêmes sont divisés :
toujours sur les acquis de la règle précédente,
« aujourd’hui vous avez des gens qui font
alors qu’il devient urgent de se projeter et de
des bureaux, vous avez des gens qui font des
concevoir avec des règles pour l’avenir65.
précises,
catégories expliquait
sont Patrick
devenues Rubin,
logements, et ce ne sont pas les mêmes »62.
Les règles sont devenus si complexes
qu’il est difficile de jongler entre les différentes fonctions au sein d’un même édifice.
30 - PARTIE 2
UNE MARGE D’ACTION
La
standardisation,
pour
atteindre
des objectifs précis en normalisant, a fini par bloquer les possibilités. L’industrialisation est réglée par les normes qu’elle règle à son tour.
C’est
une
boucle
infernale
contraignante.
En 1748, Montesquieu disait déjà : « les
59
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux
Or 99% des règles normatives dans le secteur
réalités… », 1993-2013.
de la construction ne sont pas obligatoires.
60
Etude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le
logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête
Elles le deviennent seulement car elles
et conviction pour une requalification du logement
sont citées dans les Cahiers des Closes
partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat
Administratives Générales (CCAG)66.
Ainsi on demande aux architectes de
faire dans les normes, vite et pas cher67, car le moindre écart par rapport à la norme est pénalisé par les assureurs, considéré comme
durable et solidaire, p.6. 61
Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable ? »,
2010, Habitat et société, n°60, p.64. 62
Interview de Patrick Rubin, architecte, CANAL
architecture, le 13 avril 2015, Paris. 63
Etude « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis
de la ville durable : construire réversible », VINCI
une prise de risque. Les maîtres d’ouvrage
Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture,
finissent par imposer les règles qui étaient à la
2015, vidéo de 4’40.
base facultatives, pour ne pas payer plus cher.
64
André CHAMPEAUX, directeur du développement
de Réhagreen chez Bouygues Immobilier, conférence
C’est un cercle vicieux68.
du 2 juin 2015, « Transformation versus démolition »,
De la même manière, si la question de
cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre
l’assurance n’est pas abordée autrement le système n’évoluera pas . 69
de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 65
Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL
architecture, le 13 avril 2015, Paris.
La réglementation devrait fixer des
objectifs et non les moyens d’y parvenir70. Il faut donner du « droit d’entreprendre » face aux normes . 71
66
Rony CHEBIB / COLLECTIF, catalogue de l’exposition
« Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.271. 67
Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.150. 68
Idem note 66, p.271.
69
Idem note 66, p.272.
70
Idem note 66, p.271.
71
Frédéric DRUOT / COLLECTIF, étude réalisée par
l’agence CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010.
PARTIE 2 - 31
ABSORBER LES RÈGLES
Revisiter
les
architectures avec des formes incroyables75.
normes
c’est
aussi
D’autre part, Franklin AZZI expliquait,
réinterpréter leur prise en compte. Elles sont
de part son expérience sur des projets
vues comme des contraintes alors qu’elles
de réhabilitation, que les bâtiments se
peuvent parfois être source de générosité.
transforment bien quand ils ont la liberté et
Les
normes
d’accessibilité
aux
la qualité d’usage face aux normes, inscrites
personnes à mobilité réduite, par exemple,
dans leur conception initiale grâce à un choix
exigent finalement qu’on redonne « de la
de rationalité dans le projet76.
lisibilité aux équipements, de la fluidité aux
circulations, du confort d’usage et de la
informations
qualité des ambiances (éclairement, éclairage,
contraintes, lors du processus de conception,
acoustique) ».
permettrait de les reconsidérer et de les
absorber dans le projet plutôt que les subir.
Augmenter les surfaces, quelles qu’en
Intégrer
les
normes
existantes
comme
plutôt
que
des des
soient les raisons, devraient être considéré comme un gain indéniable72. PLUS DE CONTRAINTES = PLUS DE LIBERTÉ ?
Ainsi, quelles qu’en soient les règles,
qu’elles
concernent
la
sécurité
incendie
Marier les normes pour créer des
ou la mutabilité, elles devraient enrichir
édifices où les différents programmes se
la conception architecturale et non être
superposent (dans l’espace ou dans le temps)
contraignantes : « si les obligations sont
est un exercice complexe mais non impossible.
interprétées habilement par l’architecte, elles sont de nouveaux ingrédients de conception
Dans
l’étude
CONJUGO,
une
avec lesquels jongler pour composer des
typologie est développée pour des édifices
espaces innovants »73.
qui accueilleraient à la fois des logements et des bureaux, en conjuguant les contraintes
De
très
bons
bâtiments
peuvent
normatives.
naître des règles, comme le nouveau siège de
la
fondation
Jérôme
Seydoux-Pathé
(fig.11), conçu par Renzo Piano, dont la forme organique épouse les retraits dictés par le PLU pour ce coeur d’îlot du 13e arrondissement de Paris74.
Lors
Hammoutène
d’une fait
conférence, aussi
Franck
remarquer
que
malgré la grande complexité des règles très contextuelles au Japon il y a là-bas des
32 - PARTIE 2
Figure 11 : Fondation Seydoux-Pathé, Paris 13e ; coupe longitudinale.
Source : www.11h45.com
Cette nouvelle typologie, au stade
Il n’y a plus de distinction propre à
exclusivement théorique à l’heure actuelle,
l’usage de l’édifice ; la tour abrite à la fois des
résout à la fois les discordes d’épaisseur de
bureaux et des logements78.
bâtiments, de hauteur sous plafond, et de sécurité incendies77. On comprend grâce à ce
Finalement, ne faudrait-il pas, aussi
travail que coupler les normes peut donner
paradoxal que cela puisse paraitre, accepter
lieu à de la générosité et de la liberté, dès
plus de « contraintes », plus de données, dès
lors qu’elles sont projetées avec un système
le début, pour être plus libre ?
constructif rationnel et intelligent.
Patrick Rubin compare notre situation
Lors du projet de réhabilitation de
à celle de la mise en place du tri sélectif, en
la Tour F à Balard (Paris XVe) (fig.12), Franck
pointant le fait que tout peut être fait avec de
Hammoutène remarquait que les normes
la volonté. CANAL n’a pas été la seule agence
des Immeubles de Grande Hauteur (IGH)
d’architecture à participer à une étude comme
permettent à toutes les contraintes normatives
CONJUGO, et l’engouement actuel pour la
de sécurité incendies de se rejoindre.
transformation démontre bien une chose : les réponses sont là, en attente d’une démarche79.
Tous
ces paramètres, plus administratifs qu’architecturaux, influencent grandement la
conception et la marge de manoeuvre des architectes.
En admettant une possible flexibilité normative, une vision économique durable et un vrai
travail de programmation dominé par l’architecte, il est alors possible de questionner la conception du projet. Sans évolution de la part des commanditaires, maitres d’ouvrage et autres acteurs dans le développement de l’avant-projet, il est très difficile pour les architectes de bousculer les standards.
74
Franklin AZZI, architecte, conférence du 2 juin
2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La 72
Frédéric DRUOT, architecte / COLLECTIF, étude
réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.35. 73
Xavier BERTHET, chargé d’études pour un
transformation comme acte de création ». 75
Franck HAMMOUTÈNE, architecte, conférence du
2 juin 2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 76
Idem note 74.
77
Etude « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis
groupement de consultants en accessibilité pour
de la ville durable : construire réversible », VINCI
tous / COLLECTIF, étude réalisée par l’agence
Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture,
CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-
2015, vidéo de 4’40.
il qu’un produit ? - enquête et conviction pour
78
Idem note 75.
une requalification du logement partagé », 2010,
79
Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL
ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et
architecture, 13 avril 2015, Paris.
PARTIE 2 - 33
CONCEPTION DU PROJET : ANTICIPER LA FLEXIBILITÉ
PARTIE 3
Si un bâtiment plaît aux gens, s’ils l’aiment, alors il n’y a que la structure et son potentiel
transformateur qui puissent l’empêcher de durer1 (au delà de l’inévitable phénomène d’entropie, cité
plus haut). La qualité structurelle fait la pérennité du bâtiment. Qu’il soit beau ou de tel style reste secondaire. On peut transformer un bâtiment, le peindre, changer son look… C’est plus compliqué s’il ne tient pas debout2.
Nos vieux édifices sont bien faits, bien construits, solides. Ils tiennent et sont flexibles car ils
sont généreux et transformables3. De la même manière, pourquoi la qualité de nos architectures, de leurs assemblages et leurs matériaux ne nous pousserait-elle pas à les garder en vie et les faire perdurer, comme dans les villes anciennes ?4.
La conception d’une architecture mutable semble ainsi indissociable du facteur structurel, et
à toutes les échelles de sa considération.
I
CHOIX CONSTRUCTIFS : ENTRE SAVOIR TECHNIQUE ET RETOURS D’EXPÉRIENCE
Il y aurait aujourd’hui plutôt une
coopération entre entreprises et ingénieurs qu’entre
ingénieurs
et
architectes7.
Cependant, il y a une vraie complémentarité nécessaire entre ces deux derniers, qu’il nous faut exploiter et retrouver, au service
A / Choix structurels au coeur
de systèmes structurels et constructifs non
de la conception
seulement solides, mais aussi intelligents.
Dans ce sens, Jacques Herzog fait
référence au concept de permanence des COLLABORATION
monuments d’Aldo Rossi : « il s’agit non
seulement qu’une structure soit réalisée sur
ARCHITECTES - INGÉNIEURS
une base physiquement solide, comme le que
suggère la « FIRMITAS » de Vitruve, mais aussi
l’architecte est avant tout un maçon, un
sur un fondement intellectuel qui anticipe une
bâtisseur .
possible transformation future »8.
Patrick
Rubin
nous
rappelle
5
Or, depuis longtemps il existe une
relation d’amour-haine entre les architectes et les ingénieurs, alors qu’un grand nombre des plus beaux monuments sont les fruits de leur collaboration, lorsque l’esprit pragmatique de l’ingénieur est associé à l’esprit intuitif de l’architecte6. 34 - PARTIE 3
STRUCTURES CAPABLES
B / Leçons tirées de la réhabilitation
L’agence CAB a la chance d’avoir trouvé
un équilibre dans le partenariat avec le bureau
FAÇADES PORTEUSES
d’études BATISERF, et plus particulièrement l’ingénieur-structure Philippe CLEMENT, avec
qui elle collabore depuis plusieurs projets.
architectes ayant pratiqué la réhabilitation
Lors de leur travail en commun, les
ont finalement une expérience qui leur donne
architectes donnent un sens au projet, à partir
sûrement un regard plus aiguisé pour juger
duquel les ingénieurs trouvent des solutions
de ce qui est transformable ou contraignant
techniques adaptées. La structure est pensée
; un regard pouvant s’avérer précieux pour
au service d’un usage, savante et expressive.
concevoir des architectures mutables.
Pour Jean-Patrice Calori, la structure
Patrick
RUBIN
observe
que
les
Un exemple qu’il cite est celui d’un
est en effet à considérer comme un élément
des immeubles de l’ensemble du 58-66 rue
de synthèse du projet : bien étudiée et
Mouzaia (Paris XIXe) (fig.12), initialement de
conçue d’après un paramètre propre au site
bureaux, que l’agence CANAL a récemment
ou à l’usage, celle-ci résout la majorité de la conception architecturale. Ensuite il y a les questions de matérialité, de lumière, de profondeur,
d’épaisseur…
indépendantes
de la structure même, seule garante de la
1
mutabilité.
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
acte de création », catalogue de l’exposition, p.97.
Les architectes de CAB parlent de
2
« structure capable »9.
Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,
Ed. Littlehampton Book Services Ltd, anglais, p.20. 3
Jacques HERZOG, architecte / COLLECTIF, « Un
Patrick Rubin ne fait que confirmer cela
en disant que « ce qui préside à tout c’est le
Renzo Piano / COLLECTIF, « Un bâtiment, combien
de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.293. 4
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
mode constructif »10.
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien
Choppin et Nicolas Delon, p.33.
De même que Philippe ROBERT qui, en
repensant aux projets de réhabilitation qu’il a réalisés, assure que l’intelligence constructive et la générosité sont les clefs de la réussite .
5
Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL
architecture, 13 avril 2015, Paris. 6
Idem note 2.
8
Jacques HERZOG, architecte / COLLECTIF, « Un
11
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
En effet, concevoir en pensant à des
transformations futures, cela veut aussi dire identifier les erreurs à ne plus commettre. Et
acte de création », catalogue de l’exposition, p.97. 9
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB
architecture, 15 juin 2015, Paris. 10
Idem note 5.
on peut apprendre beaucoup en regardant les
11
Interview de Philippe ROBERT,a architecte retraité, 14
opérations de réhabilitation.
avril 2015, Paris. 12
Idem note 5.
PARTIE 3 - 35
transformé en logements. La façade porteuse et fixe a fortement contraint la répartition des espaces internes en fonction du placement des ouvertures : « souvent le problème quand vous réhabilitez, c’est comment on vient taper sur la peau »12.
Face à une telle expérience, on
aura tendance à favoriser les façades libres, non porteuses, pour que celles-ci puissent Figure 12 : Croquis de l’ensemble d’immeubles du 58-66 de la rue Mouzaia. Source : canal-architecture.com
(cf. annexes)
évoluer avec les nécessités et ne pas figer les ouvertures du bâtiment.
DIMENSIONNEMENTS
Certaines façons de faire sont ainsi
clairement à éviter pour favoriser la mutabilité.
Il faudrait, par exemple, cesser de
construire des parkings de 2,20 mètres de hauteur sous plafond car ceux-ci pourront difficilement être transformés en autre chose.
Quand elle est généreuse, la structure
permet de se libérer de la contrainte13.
L’architecte suisse Christian KEREZ
intègre cette générosité automatiquement dans ses projets en suivant cette formule : « everything is orversized »14.
Le surdimensionnement n’est toutefois
pas l’unique solution.
Patrick Rubin prend l’exemple du projet
de transformation des silos de Chaumont en Figure 13 et 14 : Les silos de Chaumont reconvertis en
bibliothèque (fig. 13 et 14), réalisé entre 1990 et
bibliothèque par CANAL Architecture, 1990-94. Vues de la
1994, où les contraintes structurelles, une fois
façade principale et d’un espace de lecture.
acceptées, font partie du « génie des lieux »15.
Source : canal-architecture.com
36 - PARTIE 3
Figure 15 : Ancienne imprimerie MAME reconvertie en écolesupérieure des Beaux-Arts de Tours, par Franklin AZZI. Vue de la façade principale.
VOILES
Source : www.franklinazzi.fr
En effet, ce bâtiment de production
avait été conçu pour anticiper d’éventuelles et
Alain Sarfati insiste sur les voiles les
murs
de
refends,
qu’occasionnellement . 16
Étant
à
transformations grâce à un système de
n’utiliser
remplissage de la structure poteaux-poutres
souvent
(cf. annexes).
porteurs et peu espacés, il devient impossible
Ce choix s’orientait également vers
de les supprimer en cas de besoin, donnant
une certaine économie de la structure18.
lieu à des espaces figés non transformables.
À l’opposé, les systèmes poteaux-
poutres et poteaux-dalles sont très flexibles, donc à favoriser17.
13
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB
architecture, 15 juin 2015, Paris. 14
ÉCONOMIE DE LA STRUCTURE
l’architecture et du patrimoine. 15
Franklin Azzi nous fait remarquer, en
Christian KEREZ, conférence du 11 mai 2015, cité de Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL
architecture, 13 avril 2015, Paris. 16
Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,
prenant pour exemple le projet de l’imprimerie
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture
MAME (construite en 1950 par Bernard
et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
Zehrfuss et Jean Prouvé) tout récemment
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
reconvertie pour être l’école supérieure des
17
Idem note 15.
Beaux-Arts de Tours (fig.16 et cf. annexes), que
18
Franklin AZZI, architecte, conférence du 2 juin
moins il y a de structure, mieux le bâtiment se transforme, car il est plus facile de remplir une structure que de la démolir.
2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 3 - 37
IMMEUBLES HAUSSMANNIENS
la
La mutabilité peut aussi exister à
contraintes attribuées à l’édifice, en terme de
travers des structures très contraintes et très
liberté structurelle, d’organisation spatiale et
dessinées.
de dimensionnement.
Ainsi, on peut déjà en déduire que mutabilité
dépend
Construire
énormément
réversible
remet
des
donc
Le modèle de l’immeuble haussmannien
en question les manières de construire et
sert sans cesse d’illustration à ce paradoxe
nécessite une conscience aiguisée des limites
car c’est finalement un système assez pré-
que nous créons21.
déterminé mais également très capable : les plafonds sont hauts, la trame des éléments
II
porteurs n’est pas trop serrée… « il y a un schéma mais qui peut s’adapter »19.
Les immeubles haussmanniens sont,
d’après Philippe Robert, les meilleurs exemples
ANALYSE DE SYSTÈMES : STRUCTURE, ORGANISATION SPATIALE ET DIMENSIONNEMENT
de flexibilité, grâce à leur typologie, leur mode de construction, mais aussi grâce à la qualité
Comme Jean-Patrice Calori l’expliquait
des matériaux mis en oeuvre qui leur donne
lors de notre entretien, des contraintes fixes
une grande pérennité :
comme des noyaux ou quelques voiles ne font
« (…) les immeubles haussmanniens,
pas forcément du projet quelque chose de
tels que ceux qu’on voit simplement dans tout
figé. Quand ces éléments sont intelligemment
Paris, (…) reconvertis des dizaines de fois. Ils
placés, on peut très bien s’en accommoder22.
ont été d’abord des immeubles bourgeois, quand ils ont été construits, ensuite ils ont
été des bureaux, ensuite, aujourd’hui, ils sont
spatiale apporte son lot de contraintes dont il
à la fois appartements, bureaux, professions
faut avoir conscience lors de la conception.
libérales, parfois des boutiques en étages, les
rez-de-chaussée sont utilisés… On ne connait
point de vue théorique premièrement, puis
pas un produit aussi flexible que l’immeuble
autour de projets réels, nous observerons les
haussmannien. » .
limites et les libertés d’action de chacun.
20
Chaque
structure
ou
organisation
En analysant chaque système, d’un
La flexibilité de ces systèmes peut
être définie à différentes échelles et sous différentes formes. Elle peut exister au moyen de typologies, d’organisations spatiales, de modèles constructifs complets, ou bien même grâce à des systèmes de second oeuvre.
38 - PARTIE 3
A / Systèmes théoriques
façades
principales
sont
déterminées
et
bloquées par ces murs définis. En plaçant les voiles dans le sens transversale à l’espace SYSTÈMES STRUCTURELS
global (sch.2), on appelle cela des murs de refends, il est plus facile de répartir l’espace
• Voiles porteurs :
Les
voiles
et les façades longitudinales sont libre d’être
porteurs
sont
des
dispositifs simples de murs pleins porteurs. Ils sont placés suivant une trame capable de supporter les efforts que subit l’édifice et se superposent généralement dans la dimension
interprétées.
Avec
comprend
cette déjà
comparaison que
pour
on
obtenir
une liberté en façade, la structure ne doit pas y être trop importante.
verticale. Parce qu’ils sont structurels, leur positionnement n’est pas modifiable et il est très difficile de les percer pour ouvrir l’espace.
La flexibilité dans un espace constitué
de voiles peut exister mais elle dépend de l’organisation de ces murs et des dimensions de la trame structurelle.
D’après les schémas 1 et voiles 2 on peut
voir qu’en fonction de l’orientation des murs, l’espace
est
plus
ou
moins
libre.
En
plaçant les murs dans le sens longitudinal (sch.1), l’espace RUE est peu malléable et les Schéma 1
• Plan libre :
Le plan libre, apparu en 1926 parmi
les cinq points de l’architecture moderne définis par Le Corbusier, est surement le choix constructif le plus libre.
Tout comme les voiles, il s’agit d’un
dispositif simple d’éléments porteurs placés suivant une trame capable de supporter les efforts que subit l’édifice et se superposent généralement dans la dimension verticale. Ces éléments ne sont plus des murs complets mais simplement des poteaux. Leur taille varie en fonction de cette trame et de l’importance des efforts à supporter.
façades libres
RUE 19
Schéma 2
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB
architecture, 15 juin 2015, Paris. 20
Interview de Philippe ROBERT,a architecte retraité, 14
avril 2015, Paris. voiles
21
Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». RUE
22
Idem note 19.
PARTIE 3 - 39
Schéma 3
regard fillant
poutres noyées Schéma dans la dalle 4
Un plan libre est constitué de poteaux
(éléments verticaux) et de poutres (éléments horizontaux). Deux types de plans libres existent
selon
l’assemblage
choisi
entre
poteaux et poutres : le « poteaux-poutres » et le « poteaux-dalles ».
Entre chaque poteau l’espace est libre.
Il y a deux façons de placer ces poteaux en
La seule différence est que, dans
plan : en retrait (schéma 3) ou aux abords
l’assemblage « poteaux-dalles », la poutre
(schéma 4).
porteuse est noyée dans la dalle et donc
La première solution donne lieu à des
invisible. Il n’y a pas de différence en terme
façades totalement libres tandis que dans le
de capacité portante mais ce détail peut
second cas les façades sont morcelées par
faciliter la flexibilité des espaces.
la présence des porteurs. Néanmoins, entre
chacun, la façade reste libre.
apparentes, elles découpent naturellement le
Au milieu de ces poteaux il est
plan puisqu’elles bloquent la lumière et l’oeil
donc possible de créer une multitude de
(schéma 5). Le second oeuvre est donc souvent
configurations.
aligné à la trame structurelle.
En effet, quand les poutres sont
Avec le système « poteaux-dalles »
Encore une fois, si la trame constructive
l’oeil inexpérimenté ne détecte pas la structure
est généreuse, de larges espaces peuvent
horizontale donc le second oeuvre ne s’y
être créés sans contraintes. Si la trame est
soumet pas forcément.
serrée, il sera toujours possible d’avoir de grands espaces mais ceux-ci seront peuplés
Schéma 5
de poteaux là où les points structurels sont indispensables. regard fillant regard fillant
regard bloqué regard bloqué
40 - PARTIE 3
poutres noyées poutres noyées dans la dalle dans la dalle
poutres poutres apparentes apparentes
• Grille 3D :
L’empilement des poteaux et des
poutres du plan libre donne lieu à un volume tramé en trois dimensions : une grille tridimensionnelle, qui peut ensuite être remplie entre les éléments ou laissée évidée sur plusieurs niveaux.
Figure 16 : Plug-in City, imaginée par Peter COOK (Mouvement Archigram).
Cette
grille
a
inspiré
beaucoup
Source : https://relationalthought.wordpress.com/
d’architectes : Yona Friedman l’a théorisée (fig.17 et 18) et elle a servi de base à beaucoup de
projets
du
mouvement
Archigram,
notamment Plug-in City (fig.16), imaginée en 1964 par Peter Cook.
Quand la structure tridimensionnelle
est supprimée au sein des volumes libres, on peut alors parler de « volume libre » (schéma 6).
Figure 17 : Dessin de Yona Friedman. Source : www.arts-spectacle.com
Schéma 6
VOLUME
plancher intermédiaire optionnel
LIBRE
Figure 18 : Dessin de Yona Friedman. La ville insérée dans une VOLUME
grille tridimensionnelle, portée sur pilotis. Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux
LIBRE
23
Site Internet : https://souslesjupesdelametropole.
wordpress.com/2013/11/24/les-metabolistes/
PARTIE 3 - 41
• Exostructure :
• Structure arborescente :
Comme son nom l’indique (en grec
La
structure
arborescente
a
été
ancien « éxo » signifie « hors de »), tel un
théorisée par le groupe d’architectes japonais
exosquelette,
connus sous le nom de Métabolistes, de 1958
une
exostructure
est
une
structure externe au corps porté.
à 1975.
Quelle que soit la forme de cette
Ils ont été très influencés par le
structure (poteaux, treillis…), celle-ci est
mouvement Archigram.
projetée en enveloppe et fait donc partie de la
façade.
« les modèles de la croissance organique et à
Leur travail porte principalement sur
La façade peut être en partie libre,
la création de structures flexibles et extensibles
entre les éléments de structure mais les
pour répondre à la croissance future de la
exostructures sont souvent imposantes et
métropole »23.
donc contraignantes pour l’enveloppe.
Cette rigidité en façade existe au profit
Le modèle de l’arbre est décomposé
en un tronc principal où se trouvent les
d’une grande liberté à l’intérieur.
circulations verticales, parfois des branches
La structure porte un volume, donc
structurelles pour étendre horizontalement
ce ne sont pas des plans qui se superposent.
l’impact du système, et des « capsules » ou
Le « squelette » abrite un volume totalement
« modules » qui viennent s’accrocher, soit aux
aménageable (sch.7).
branches, soit directement au tronc (sch. 12).
La hiérarchisation des éléments permet
éventuellement aux « capsules » d’être retirées
Schéma 7
ou ajoutées, faisant varier la densité au gré des plan VOLUME LIBRE
nécessités.
La Marine City (fig.20) (1958-1963)
imaginée
par
Kiyonori
KIKUTAKE
et
la
Nakagin Capsule Tower (fig.19)(1970) de Kisho
structure
coupe
KUROKAWA sont deux exemples de systèmes à structure arborescente, sans branches. Le
VOLUME LIBRE
projet Clusters in the air (fig.21) (1960-1962) d’Arata ISOZAKI comporte des branches, défiant réellement les lois de la pesanteur.
La double tour de KUROKAWA fut la
seule construite.
42 - PARTIE 3
• Structure en attente :
Les structures en attente peuvent
exister
sous
toutes
diverses
conçues
formes
pour
mais
sont
anticiper
leur
prolongement.
Il ne s’agit pas d’un système structurel,
mais
d’éléments
structurels
particuliers.
Leur dessin-même suggère et permet une continuation de l’édifice, horizontalement ou verticalement.
Tout comme les « capsules » des
structures arborescentes peuvent être retirées de leur support, ces éléments peuvent recevoir et porter.
Figure
19
:
La
Kisho JUROKAWA.
Nakagin
Capsule
Tower
(1970),
de
Source : www.archdaily.com.br/
Figure 20 : (à droite) Maquette du projet Marine City (1958-1963), imaginé par Kiyonori KIKUTAKE. Source : https://souslesjupesdelametropole.wordpress.com/ Figure 21 : Maquette du projet Cluster in the AIr (1960-1962) imaginé par Arata ISOZAKI. Source : https://souslesjupesdelametropole.wordpress.com/
PARTIE 3 - 43
•
Paroi
amovible
(coulissante
ou
ORGANISATIONS SPATIALES
pivotante) :
Dans
sa
théorie
des
porteurs,
Le système précédent entrait dans les
HABRAKEN fait apparaitre le principe de
détails de la structure, celui-ci fait clairement
zones et de marges24. Il s’agit, dans une
partie du second oeuvre.
configuration très « simple » (plan libre, grille
La paroi amovible est le plus vieux et le
3D...) d’identifier des noyaux ou des zones
plus basique système de flexibilité. Il s’applique
contraintes (par la présence de réseaux, de
à une échelle assez réduite mais permet déjà
pièces humides, des circulations verticales,
de réguler ou de libérer des situations, au sein
etc.) et des espaces libres d’être interprétés,
d’une structure, sans dépendre de celle-ci.
en réserve (des « marges »).
Cette théorie rejoint le principe de
Il s’agit d’un pan vertical capable de
différenciation des « espaces servants » et
mobilité, pouvant être dissimulé ou « rangé »,
« espaces servis » développé par Louis KAHN
créant ainsi une ouverture entre
ainsi que la métaphore des « cage and box »
les deux espaces que le pan séparait. Cette
de Peter COOK.
mobilité peut être de l’ordre du glissement (parois coulissantes) ou du pivot, et ces parois
Ces zones contraintes sont définies
peuvent prendre une multitude de formes et
de manière optimale, sont de surface réduite,
de tailles (sch.8).
et placées de façon stratégique (en façade si il y a un besoin de ventilation, au centre si
Ce système existe en intérieur, pour
l’utilisation est mutualisée, etc.).
connecter ou disconnecter deux pièces, mais
il peut également agir entre l’intérieur et
regroupés et emboités pour libérer un
l’extérieur. Dans la minka japonaise, les deux
maximumpoutres d’espace appropriable. apparentes
sont mis en oeuvre.
Les éléments « figés » sont souvent
regard bloqué
de
Il ne s’agit pas dans cette étape considérer
différentes
organisations
spatiales au sein d‘une structure particulière. Les modèles à suivre peuvent exister dans
Schéma 8 :
différents systèmes structurels. poutres apparentes poutres apparentes regard bloqué regard bloqué
Néanmoins,
en
considérant
les
systèmes structurels en même temps que l’organisation spatial, on peut mutualiser les contraintes qu’ils créent.
24
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013 poutres
apparentes
44 - PARTIE 3
regard bloqué
poutres apparentes
• Noyaux :
• Bande active :
Le principe de noyau est à la base
Les bandes actives s’apparentent aux
de toute construction pour regrouper les
noyaux. Elles s’organisent et fonctionnent en
contraintes verticales.
plan mais peuvent se répéter de niveau en
niveau, pouvant ainsi être considérées comme
Le noyau se développe sur toute la
hauteur de l’édifice et souvent au centre : il est
des noyaux.
« servant ».
En périphérie se développent les
peuvre pour les logements mais peut être un
espaces « servis », de cette façon ils sont
élément de configuration spatiale pour toute
privilégiés pour recevoir de la lumière et être
autre typologie de bâtiment.
ventilés naturellement.
La bande active est surtout mise en
Dans le logement, la bande active a été
créée pour regrouper linéairement les pièces
En plaçant le noyau au centre du
d’eau (salles de bain, salles d’eau, wc, cuisines)
bâtiment, tous les espaces « servis » ont
et les gaines techniques. À cela peuvent
également accès au noyau comportant les
s’ajouter des rangements. En mettant dans un
circulations verticales et les réseaux.
même endroit les éléments figés, les murs de support et d’encloisonnement par exemple,
Une infinité de configurations peut
les contraintes sont mutualisés.
exister en fonction de la forme de l’édifice et de celle donnée aux noyaux.
La bande active est un modèle compact
Ces derniers peuvent être placés
spatialement économique, qui peut en plus
ailleurs qu’au centre pour offrir plus de libertés
être positionnée de façon à conditionner
; il peut parfois y avoir plusieurs noyaux plus
l’espace libre restant, et définir plus ou moins
petits, ce qui donne lieu à plus des zones de
les autres pièces, sans murs supplémentaires
contraintes mais de taille moins importante
(sch.10).
(sch.9), etc.
poutres noyées Une fois la bande active placée, l’espace dans la dalle
restant peut regard fillant être totalement interprété, et Schéma9
cette bande, si elle n’est pas liée à la structure, peut elle-même être transformée et déplacée.
Différents positionnements de noyaux possibles. regard fillant regard fillant
poutres noyées dans la dalle
Schéma 10 noyées poutres dans la dalle poutres noyées regard fillant dans la dalle rangement
?
?
cuisine
?
wc salle de bain
?
salon
salle à manger
cuisine rangement
chambre
wc s.d.b. bureau chambre
PARTIE 3 - 45
• Espace de réserve
• Espaces indéterminés :
Les espaces de réserve sont les
Cette
typologie
spatiale
a
fait
« marges » évoquées par HABRAKEN. Assez
polémique lors du concours EUROPAN 8925 :
rares en architecture, ce sont des zones de
des étudiants avaient fait une proposition
pure générosité créées par prévention.
pour des logements où les espaces restaient
Dans un premier temps, ces zones sont
indéfinis à la fin de la construction, laissant
désaffectées, sans usage défini, qualifiables
l’entière liberté aux habitants d’aménager
de neutres, ce sont des mètres carrés réservés
l’espace.
à la nécessité. Dans un second temps,
ces surfaces (ou volumes) peuvent être
était ou non de l’architecture, discipline voulue
transformées et intégrées à un programme.
très déterminée et très réfléchie.
Ce système peut être très intéressant
Cette idée questionna si le « non-fini »
Les espaces indéterminés, ne sont pas
pour le logement notamment, car ces espaces
dépendants de l’usage qui en sera fait. Il s’agit
permettraient de faire évoluer le logement
d’une grande surface divisée équitablement
(que ce soit un appartement ou une maison)
en un certain nombre de pièces, de taille
selon les besoins de la famille, lors de l’arrivée
identique.
d’enfants par exemple (sch.17).
La non-définition des espaces laisse,
certes, place à une grande flexibilité d’usage Schéma 11
mais la structure-même de ce dispositif,
T3
espace de réserve
espace de réserve
souvent figée, ne permet pas d’ajustements et
espace de réserve
T4
de hiérarchisation des pièces.
Or, Patrick RUBIN, dans son étude « Le
logement étudiant n’est-il qu’un produit », pose la question du dimensionnement des pièces et met en avant le fait qu’elles doivent avoir une surface équivalente à leur temps d’utilisation : pourquoi, en effet, la salle de bain serait-elle aussi grande que le bureau ou que la chambre ?
T5
Ce système ne semble donc pas
s’adapter pour toutes les fonctions, pas pour le logement du moins.
46 - PARTIE 3
Le
principe
semble
intéressant
DIMENSIONNEMENTS
uniquement appliqué à une partie de l’espace global.
La flexibilité de tous ces systèmes
structurels dépend de leur dimensionnement.
On pourrait imaginer, par exemple,
un immeuble de bureaux où 75% de la
Le choix de la trame constructive est décisive pour évaluer la flexibilité des espaces.
surface globale soit destinée à des cellules de bureaux, où cette surface équivalente
aux 75% serait divisée suivant le nombre de
à toute sorte de possibilités puisque l’on
cellules, sans distinction de rang. Le bureau
peut toujours redécouper la trame avec des
du Président serait aussi grand que celui de
éléments de second oeuvre, tandis que si la
la secrétaire à l’entrée et tous les bureaux
trame est petite les choix d’utilisation sont
seraient interchangeables.
très réduits et perturbés par les éléments
structurels.
Les 25% restants de la surface globale
Une trame généreuse laisse place
seraient organisés et redécoupés autrement pour les usages restants (sanitaires, espaces
Des dimensions standardisées existent
techniques, ascenseurs,etc.).
désormais pour chaque type d’usage (cf. Partie 2. III). Mises au point de façon extrêmement précise, elles deviennent très contraignantes.
Le
principe
d’espace
indéterminé
La trame détermine les possibles
est donc intéressant en terme de flexibilité,
transformations futures : si elle est calibrée
au sein d’un même usage, mais, dans le cas
pour un programme unique elle peut ne pas
d’un changement radical de fonction cette
convenir pour d’autres fonctions.
organisation spatiale ne devrait pas s’imposer d’office. Cela implique que la répartition des pièces ne soit pas faite par des éléments structurels porteurs.
Les dimensionnements sont également
très importants dans la direction verticale.
Les hauteurs sous plafond peuvent être
des contraintes absolues lorsqu’elles sont trop justes ; leur générosité peut être déterminante.
PARTIE 3 - 47
parking nécessite 2,20 mètres sous plafond au plus bas, les bureaux 2,80 mètres, et les logements 2,50 mètres, la logique voudrait que l’on trame verticalement la structure à 2,80 mètres sous plafond, au minimum, pour que le bâtiment puisse à la fois être transformé en immeuble de bureaux, de logements, et en parking (sch.12).
Ensuite, en combinant deux niveaux
(cas de l’école d’architecture de Nantes, cf. Partie 3.II.B/) on obtient 5,60 mètres sous plafond, plus l’épaisseur de la structure, ce qui peut donner des espaces importants pour accueillir des fonctions plus gourmandes en hauteurs (sch.23).
z
z
z
z
z
z
Schéma 12
z
oyées lle
Tout simplement, si l’on sait qu’un
z
oyées lle
s
s
Schéma 13
Figure
22
parisienne».
48 - PARTIE 3
:
Dessin
«Coupe Source
:
d’une
maison
www.librarything.com
B / Étude de projets : combinaisons de systèmes
À travers l’étude de divers édifices il
est possible d’observer des combinaisons des systèmes vus précédemment et ainsi de juger de la flexibilité des différentes compositions.
• La typologie de l’immeuble
haussmannien :
Figure 22 : Photo du chantier de construction du Centre de Tri Postal de Nancy (1969-71)
Source : trapezerevue.tumblr.com
• Centre de Tri Postal (fig.22):
(apparue dans les années 1850, sous l’égide du
Baron Haussmann, du temps de Napoléon III)
(à Nancy, construit entre 1969et 1972, par Claude PROUVÉ)
Les
immeubles
haussmanniens
adoptent une structure faite de murs de
SYSTÈMES : plan libre + noyaux extérieurs
refends et de façades porteuses. Les noyaux
FONCTION PRIMAIRE : centre de tri postal
contenant les circulations et les pièces humides
FLEXIBILITÉ
sont rassemblées à l’arrière de l’édifice, côté
conception)
:
grande
(pensée
dès
la
cour, séparés par un couloir des pièces à vivre qui s’alignent en périphérie, exposées à la
Le bâtiment fonctionne sur un système
lumière.
de plan libre de structure poteaux-poutres à trame large, ce qui lui offre une grande liberté
C’est un système très contraints qui a
d’aménagement intérieur. En plus de cela, les
néanmoins démontré une grande flexibilité au
quelques noyaux nécessaires ont été placés en
fil des transformations urbaines et sociétales.
façade, à l’extérieur du volume, libérant ainsi
un maximum d’espace.
Cela est dû à la générosité des
proportions entre chaque mur porteur et
Ces choix ont été faits dès la conception,
aux grandes hauteurs sous plafond (toujours
avec la conscience que la fonction de tri postal
supérieurs à 2,60 mètres).
serait sans cesse repoussée aux limites de la ville, et serait donc délocalisée à un moment
SYSTÈMES : voiles porteurs + noyaux
donné. Le caractère éphémère de la fonction
FONCTION PRIMAIRE : logement bourgeois
a dicté la conception de l’édifice, lui offrant la
FLEXIBILITÉ : grande (a prouvé sa capacité de
possibilité d’accueillir toute sorte de fonctions.
transformation plusieurs fois)
Il est aujourd’hui transformé en Centre
des Congrès par l’Atelier BARANI.
PARTIE 3 - 49
• Immeuble HLM Montereau-Surville :
Ainsi, malgré la présence d’éléments
(à Montereau-Surville, construit entre 1996
figés dès la construction, le système de plan
et 1971, par les frères Arsène-Henry et leur
libre à noyau central mis en place offre une
associé Bernard Schoeller)
grande liberté d’interprétation de l’espace.
Chaque plot de logements est construit
de la manière suivante (fig.23) : un noyau fixe central comprend les circulations verticales
SYSTÈMES : plan libre + noyaux
et les réseaux collectifs ; à chaque étage
FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs
ce noyau est entouré d’un couloir-tampon
FLEXIBILITÉ
qui atténue les nuisances sonores pour les
conception)
:
grande
(pensée
dès
la
appartements organisés en couronne autour ; il y a quatre appartements par niveau, répartis aux angles du plateau de 24 mètres de côté ; et une loggia périphérique de 1,60 mètre de profondeur enrobe le tout, faisant la transition entre l’intérieur et l’extérieur.
Au
sein
de
chaque
appartement
ensuite, une gaine technique est placée, plus ou moins au centre, autour de laquelle viennent se greffer cuisine, salle de bain et w.c.. Toutes les configurations sont possibles, seule la gaine et la porte d’entrée sont fixes.
Le plateau est tramé suivant une grille cuisine
rangement
?
?
bidimensionnelle de 90 centimètres de coté, équivalents à une unité de passage, pour
?
salon
salle à manger
cuisine
rangement
accueillir des cloisons.
wc
?
chambre
wc s.d.b. bureau chambre
salle de bain
Figure 23 : Plan d’étage courant d’un des immeubles évolutifs des HLMs de Montereau-Surville. Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux
Les possibilités d’aménagement sont
réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013.
donc nombreuses.
Pour finir, les façades sont à composer
avec cinq éléments types : élément plein, élément vitré fixe, la porte-fenêtre, la fenêtre fixe et la fenêtre ouvrante.
Cela implique la conception d’éléments
démontables
;
les
façades
totalement transformables26.
50 - PARTIE 3
sont
donc
26
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013.
• La Farnsworth House (fig. 24 et 25) :
Cette petite maison de verre sur
(au sud de Chicago, aux États-Unis, construite
pilotis est constituée d’un plan libre très
en 1946 et 1951, par Ludwig MIES VAN DER
simple, fait de huit poteaux en acier profilés
ROHE)
en « H » liés à deux dalles formant le sol et le plafond, dans lequel est disposé une boite en bois contenant toutes les pièces d’eau et les
SYSTÈMES : plan libre + bande active
réseaux techniques.
FONCTION PRIMAIRE : logement individuel
FLEXIBILITÉ : grande
pourrait appeler ça une boîte active.
Peut-être plus qu’une bande active, on
C’est par le positionnement de cette
boîte dans le plan que se crée naturellement la séparation entre l’espace de nuit « chambre » et l’espace de vie « salon ». Les espaces sont terrasse
implicitement définis par l’organisation ? de ce ? ESPACE LIBRE
noyau.
wc
cuisine
rangement
?
Il n’y a aucun autre élément fixe, cela ?
reste tout à fait modulable.
salon
salle à manger
cuisine rangement
Figure 24 : Plan de la maison Farnsworth.
chambre
salle de bain
wc s.d.b. bureau chambre
Source : bawaremag.com
Figure 25 : La maison Farnsworth, près de Chicago, conçue par Mies van der ROHE.
Source : www.dubon.fr
PARTIE 3 - 51
• l’École d’architecture de Nantes :
(à Nantes, ouverte en 2009, conçue l’agence LACATON & VASSAL)
Le bâtiment est essentiellement une
superposition de plans libres, poteaux-poutres, dont la trame verticale a été doublée, donnant lieu à des volumes libres généreux (sch.14). Des planchers intermédiaires ont été créés dans un second temps, mais des espaces ont été laissés libres, avec une double hauteur. Sans
Figure 26 : Vue aérienne de l’école d’architecture de Nantes
programme attribué, ce sont des espaces de
conçue par l’agence LACATOn & VASSAL. Source
réserve. Ils sont faits pour répondre aux besoins
:
http://conlenostreidee.altervista.org/anne-lacatan-
riutilizzare-demolire/
spontanés du programme d’enseignement.
SYSTÈMES : plan libre + noyaux + espace de
Seulement deux petits noyaux sont
déterminés dans les plateaux. Une rampe de
réserve
circulation douce se développe le long des
FONCTION PRIMAIRE : école d’architecture
façades sud-ouest et ouest. Son emplacement
FLEXIBILITÉ : grande (la structure généreuse
excentré offre la possibilité de s’en défaire sans
est indépendante du choix de l’usage)
perturber l’espace interne du bâtiment, mais sa présence peut également être intéressante
0serait dans le cas où la prochaine vie de l’édifice
Schéma 14
20
par exemple liée aux moyens de transports (tel un parking ou un garage) et nécessiterait une rampe pour les véhicules.
Le système structurel et l’organisation
spatiale adoptés font de ce bâtiment un ensemble extrêmement flexible et très neutre, pouvant accueillir une multitude de
programmes
sans
difficultés.
Ce projet pose néanmoins
la question des limites entre espace « neutre » et espace « indéterminé » :
planchers fixes
} double trame vertical
le premier ayant une connotation
}
positive, tandis que le second définit quelque chose d’inachevé et laissé pour compte. possibilité d’insérer des planchers intermédiaires
52 - PARTIE 3
triple trame verticale
• Les Bains de Trenton :
(à Trenton, aux États-Unis, réalisés en 1955, par Louis KAHN)
Ce projet très simple est structuré
ingénieusement par de larges piliers porteurs renfermant les espaces techniques et les sanitaires.
Tout
d’extension
comme de
la
dans
le
bâtiment
bibliothèque
Exeter,
aux États-Unis, livré en 1972, Louis KAHN mutualise la structure avec d’autres contraintes fixes telles que les réseaux et les circulations verticales, et crée des bandes actives, suivant
Figure 27 : Photographie des bains des Trenton (1955). Photographies : © University of Pennsylvania, Historical Museum Collection.
Source : architectuul.com
son principe d’espaces servants-servis.
SYSTÈMES : « noyaux actifs porteurs » FONCTION PRIMAIRE : bains FLEXIBILITÉ : grande
Figure 28 : Plans et coupe des bains de Trenton (1955). Source : fr.wikiarquitectura.com
ESPACE LIBRE
piliers «actifs» à la fois structurelset contenant les réseaux et servicestechniques
PARTIE 3 - 53
• Immeuble de logements à Nice :
• Le Centre Georges Pompidou :
(à Nice, stade concours, par l’agence CAB
(à Paris, réalisé en 1977, par Richard ROGERS
Architecture)
et Renzo PIANO)
Ce projet fonctionne avec un système
Une
exostructure
porte
et
abrite
de grille tridimensionnelle, dans laquelle une
un volume de huit niveaux entièrement
grande variété de typologies d’appartements
modulable. Les circulations verticales et les
sont insérées.
réseaux techniques sont rejetés à l’extérieur,
Chaque logement compte au minimum
formant des sortes de bandes actives, occupant
une loggia, qui fait office d’espace de réserve,
l’intégralité de la façade est et partiellement
libre d’être réinvesti et clos si besoin pour
la façade ouest (escalator « la chenille », et
devenir une pièce supplémentaire.
sorties de secours aux extrémités).
Cette enveloppe fonctionnelle permet
une grande liberté d’usage interne mais elle est très présente en façade. SYSTÈMES : grille 3D + espaces de réserve
SYSTÈMES : exostructure + bandes actives
FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs
FONCTION PRIMAIRE : centre d’art
FLEXIBILITÉ : grande
FLEXIBILITÉ : moyenne (totale à l’intérieure aucune en façade) Figure 30 : plan du 4e étage du Centre Georges Pompidou.
Figure 29 : Immeuble de logements pour le ZAC Méridia, à Nice.
Source : www.greatbuildings.com
Source : www.cabarchitectes.com
rangement
?
?
cuisine
wc
? ? ESPACE LIBRE
salon
salle à manger
cuisine rangement
chambre
salle de bain
wc s.d.b. bureau chambre
Figure 31 : Maquette de la structure du Centre Georges Pompidou.
Source : phosilis.flexblog.fr
• La Tour D2 :
• Bâtiment de l’ENSAE ParisTech :
(à La Défense, livrée fin 2014, par Anthony
(à Saclay, en chantier, par l’agence CAB
BÉCHU et Tom SHEEHAN)
Architectes)
La structure de l’édifice est décomposée entre l’exostructure en acier et le noyau central en béton armé, reliés par des poutres métalliques alvéolaires.
Ce bâtiment adopte une exostructure,
faite de portiques métalliques qui enjambent 15 mètres sans aucun point porteur. Cela
laisse
de
grande
possibilités d’aménagement même si les
Entre le noyau et l’enveloppe, tout deux très contraints, l’espace est totalement dégagé et malléable.
dimensionnements ont été réfléchis et ont une unité d’expression propre à l’utilisation prévue pour ce bâtiment d’enseignement ; ce n’est pas simplement une trame quelconque.
SYSTÈMES : exostructure + noyau
FONCTION PRIMAIRE : bureaux
prenant le parti pris d’une structure très
FLEXIBILITÉ : moyenne (intérieure oui excepté
expressive et généreuse, la forte présence du
pour le noyau - aucune en façade)
« squelette » de l’édifice assure la flexibilité
Jean-Patrice Calori expliquait qu’en
interne du bâtiment tout en garantissant la préservation de son identité. Figure 32 : Maquette de la structure du Centre Georges Pompidou. wc
Source : phosilis.flexblog.fr
SYSTÈMES : exostructure FONCTION PRIMAIRE : enseignement FLEXIBILITÉ : moyenne (intérieure oui - aucune
salle de bain
en façade)
Figure 33 : Images du futur bâtiment de l’ENSAE ParisTech (CAB Architectes).
Source : www.cabarchitectes.com
• La Nakagin Capsule Tower :
• Complexe résidentiel à Munich :
( à Tokyo, au Japon, construite en 1970, par
(à Munich, en Allemagne, livré en 1972, réalisé
Kisho KUROKAWA)
par Otto STEIDLE, de l’agence Seidle+Partners
Architeckten)
SYSTÈMES : structure arborescente
SYSTÈMES : plan libre + structure en attente
FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs
FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs
en cellules
FLEXIBILITÉ : grande (facilement extensible)
FLEXIBILITÉ : nulle (seul l’intérieur des cellules peut changer)
Témoignage
bâti
des
idées
des
Métabolistes, cette tour à deux noyaux centraux suit le modèle de la structure arborescente.
Les
capsules
prédéfinies
viennent
se greffer aux « troncs » et peuvent en être décrochées si besoin.
Ce système n’offre pas beaucoup
de flexibilité spatiale car les capsules ne peuvent pas changer de taille. Elles pourraient néanmoins passer de logements à la fonction de bureaux assez simplement.
Figure 34 : Photographie de la cosntruction du complexe résidentiel par
Otto
de
logements
STEIDLE.
évolutifs
Source
:
à
Munich,
conçu
www.steide-partner.de
Mais ce système est avant tout d’une
grande flexibilité dans le temps puisque la
Toute la construction est basée sur
réversibilité de l’assemblage a été pensée
l’utilisation d’éléments préfabriqués et une
pour un entretien facile des pièces.
distinction claire entre les éléments porteurs et les non-porteurs, pour former un plan libre.
Même si l’entretien des capsules n’a
Cette structure poteaux-poutres est
jamais été fait, ce bâtiment avait été doté de la
telle que l’on peut venir accrocher un nouveau
capacité de survivre au phénomène d’entropie.
bâtiment à ceux déjà bâtis ; les porteurs sont en attente d’extensions.
(cf.annexes)
La complexité de la structure en attente
épouse un système très simple de plan libre.
Ce système offre une très grande
flexibilité horizontale et verticale. 56 - PARTIE 3
• La maison Schröder :
• La 2/5 House :
(à Utercht, aux Pays-Bas, réalisée en 1924, par
( à Hyogo, au Japon, datant de 1995, conçue
Gerrit RIETVELD)
par Shigeru BAN)
SYSTÈMES : voiles porteurs + paroi amovible
On trouve dans ce projet une utilisation
très optimisée de la paroi amovible. On y
FONCTION PRIMAIRE : logement individuel
trouve des parois coulissantes mais aussi des
FLEXIBILITÉ : grande (l’espace est très flexible
parois se rabattant sur pivot.
grâce aux grande dimensions)
Le volume de la maison est porté
par une enveloppe porteuse, laissant libre d’aménagement tout l’intérieur.
Ce dispositif permet à la maison
d’accueillir toutes les fonctions nécessaires, à différents moments de la journée. L’étage peut tantôt être une grande surface ouverte autour de l’escalier central, tantôt proposer trois chambres, un salon-salle à manger, une salle de bain, des w.c. et un espace tampon en haut
Figure 36 : plan et axonométrie éclatée de la Maison 2/5, de Shigeru BAN (1995). Source : http://www.shigerubanarchitects.com
de ce même escalier (fig.35).
Cette maison est bordée à l’est et à
SYSTÈMES : voiles porteurs + paroi amovible
l’ouest par deux murs en béton armé, séparés
FONCTION PRIMAIRE : logement individuel
de 15 mètres, de la hauteur de deux étages.
FLEXIBILITÉ : faible (seul l’intérieur du premier
L’étage est bâti tel deux poutres accrochées à
étage est flexible)
ces murs. Sous celles-ci on trouve des espaces très ouverts, simplement séparés de l’extérieur par des façades entièrement vitrées.
Il se trouve que ces façades, suivant la
tradition japonaise, peuvent être repliées et même retirées entièrement grâce à un système sur rail.
C’est une version très poussée de la
paroi amovible, qui permet à l’espace intérieur de se mêler à l’extérieur et démultiplier la surface habitable quand le système est ouvert.
À l’intérieur, presque aucun élément
ne vient perturber et figer ces espaces de 15 Figure 35 : plans de l’étage de la Maison Schröder, avec ou sans parois dépliées.
mètres par 5 mètres tout à fait flexibles.
Source : plansofarchitecture.tumblr.com
PARTIE 3 - 57
• La typologie de la Minka japonaise :
Avec la simplicité des formes poussées
SYSTÈMES : plan libre + paroi amovible +
à l’extrême, le choix d’un système constructif
bande active
poteaux-poutres avec remplissage par simples
FONCTION PRIMAIRE : logement individuel
écrans fixes ou mobiles, la lisibilité de la
FLEXIBILITÉ : extrême ! (il n’y a pas de modèle
structure, le système modulaire qui règle
plus flexible)
l’espacement des poteaux, etc., la Minka japonaise est l’archétype même de l’édifice évolutif.
Il est possible d’étendre son enveloppe,
donc le volume qu’elle abrite, car la maison est comme une peau élastique qui doit pouvoir s’adapter à l’évolution de la composition de la famille. Il est également possible de transformer le dit volume au rythme instantané des usages grâce à un mobilier réduit à l’essentiel, intégré à la structure du bâti (bande active) ou réellement mobile.
Le système de la paroi amovible est
ingénieusement mis en oeuvre dans la minka depuis des siècles, au sein d’un grand espace modulable et indéfini, qui se plie aux usages de la quotidienneté et permet une grande diversité de comportements31.
La minka peut à la fois être qualifiée
de « neutre » par sa structure décomposable, hiérarchisée et modifiable, mais elle reste très expressive puisqu’elle se base sur l’association de tatamis dont les dimensions sont propres
Figure 37 et 38 : Photographies intérieurs de la Villa Impériale
à l’homme (1,80 x 0,90 m soit la surface
Katsura.
correspondant à deux hommes assis côte à
Source fig.37 : www.japan-guide.com
côte ou un homme allongé) et à sa manière d’occuper l’espace de l’habité32.
58 - PARTIE 3
Source fig. 38 : https://aiseries.wordpress.com (©Ishimoto Yasuhiro)
• Le parking-silo mutable de La Plaine :
(à Roubaix, construit en 2010, par l’agence De Alzua+)
SYSTÈMES : plan libre + noyaux FONCTION PRIMAIRE : parking FLEXIBILITÉ
:
grande
(pensée
dès
la
conception) Figure 39 : La parking-silo de La Plaine, à Roubais (2010). Source : www.dealzua.com
L’édifice est bâti sur un principe de
plan libre, poteaux-poutres, en trois parties identifiables. Il y a deux noyaux centralisés dans l’épaisseur du bâtiment et des façades totalement libres.
Figure 40 : Coupe transversale sur le parking-silo de La Plaine. Source : www.dealzua.com
La mutabilité du projet est donnée par
la faille située au centre et le système structurel qui l’entoure, permettant éventuellement de ne conserver que les deux trames extérieures de l’édifice et de les séparer par une faille élargie qui ferait office de cour intérieure.
Le positionnement des rampes de
parking devient stratégique suivant cette logique : placées au centre, elles peuvent disparaitre lors de la transformation et ne pas gêner l’aménagement des parties restantes du
Figure 41 : Plan du rez-de-chaussée du parking-silo de La Plaine.
bâtiment pour une nouvelle fonction.
Source : www.dealzua.com
PARTIE 3 - 59
• Le parking-silo une ruche d’entreprise
mutable de la Tossée : (à Tourcoing, end chantier (livraison en 2015, par TANK Architectes)
Ce bâtiment à cour centrale s’érige
grâce à un système de plan libre, poteauxpoutres, d’une trame d’environ 15 mètres par 5 mètres, et une structure périphérique en nid d’abeille libérant les plateaux de tous points porteurs.
Figure 42 : Image du parking-silo de la Tossée, à Tourcoing (2015).
Source : www.tank.fr
Plusieurs noyaux sont répartis dans
l’espace, contenant les ascenseurs et les escaliers.
SYSTÈMES : plan libre + noyaux
FONCTION PRIMAIRE : parking et bureaux
La rampe de parking se trouve dans
l’espace de la cour ; de ce fait elle n’interfère
FLEXIBILITÉ : grande (pensée dès la conception)
pas avec l’intérieur du bâtiment lui-même et pourrait très bien être détruite quand la fonction de parking cesserait d’exister.
Le bâtiment prouve sa flexibilité par la
mixité des programmes déjà présents.
En effet, on trouve à la fois un parking et
des espaces de bureaux dans ce complexe qui a été dessiné dans une optique de mutation future à moyen terme.
Ainsi
les
trames
et
les
hauteurs
permettent aux espaces de changer d’usage.
Figure 43 : Plan du premier étage du parking-silo de la Tossée. Source : www.tank.fr
60 - PARTIE 3
La liste est non-exhaustive mais il
n’y a ainsi aucun modèle structurel idéal et différentes solutions existent, car on ne peut définitivement pas tout faire dans toutes les structures33.
Finalement,
puisque
« le
but
c’est d’avoir une structure qui résiste et qui, malgré sa force, puisse être captée d’autres fonctions »34, l’adéquation « formefonction » indispensable pour les projets de transformation ne deviendrait-elle pas une adéquation « structure-fonctions » quand on conçoit la transformation préventive ?
33
Figure 44 : Caricature de J. Walker, de 1909, «Buy a cozy cottage in our steel constructed choice lots, less then a mile above broadway. Only ten minutes by elevator. All the comforts of the country with none of its desadvantages.» Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
Franz GRAF, conférence du 4 février 2015,
« Transformation versus conservation », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 34
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB
architecture, 15 juin 2015, Paris.
PARTIE 3 - 61
Figure 45 :Dessin du Plan Obus imaginé par Le Corbusier pour la ville d’Alger, en 1932. Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
III
UNE DÉCOMPOSITION HIERARCHIQUE DES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L’ÉDIFICE
A / Entre collectif et individuel : théories
GRILLE 3D ET « PORTEURS »
Lors d’une conférence à la cité de
l’architecture, Odile Decq évoque la grille Sans avoir connaissance de l’avenir, il
tridimensionnelle, comme celle imaginée par
nous faut concevoir des architectures et des
Yona Friedman, où les cellules sont injectées
plans d’urbanisme capables d’évoluer et donc
ou se greffent sur une structure neutre38.
d’être désassemblés, démontés plutôt que
démolis35.
Cela renvoie à la théorie des « porteurs »
de Nikolaas J. Habraken (USA), exprimée en Un système complexe et intelligent est
1960, selon laquelle des supports collectifs
capable d’anticiper pour organiser sa structure
porteraient la singularité individuelle39, celle-ci
en conséquence, s’adaptant en douceur en
pouvant prendre la forme d’un appartement,
préservant son environnement .
d’un étage, d’un groupe d’étages, etc. La
36
théorie est applicable à toutes les échelles.
Nos architectures doivent pouvoir se
décomposer, évoluer en parties, être agrandies
ou réduites, et participer au métabolisme
du Plan Obus (fig.45) de Le Corbusier pour la
urbain qui a renouvelé de tous temps les villes
ville d’Alger, imaginé en 1932.
sur elles-mêmes .
37
Cette théorie est visible dans le projet
Le Corbusier proposait la construction
d’un immeuble s’étalant sur 10 km, conçu selon une structure tridimensionnelle poteauxpoutres où viendrait s’insérer des logis pour 180 000 personnes, comme des tiroirs ou des casiers à remplir selon le bon vouloir de l’habitant, le tout avec une autoroute en toiture40.
62 - PARTIE 3
« CAGE-AND-BOX »
OU
« ESPACES
SERVANTS-SERVIS »
Apparait
ainsi
la
nécessité
de
hiérarchiser les éléments constitutifs d’un bâtiment pour pouvoir les remplacer facilement
Les concepts de « cage-and-box »
lors d’une transformation, surtout parce que
de Peter Cook, et espaces servants-servis
tous ces éléments n’ont pas la même durée de
(« serving and served spaces ») de Louis
vie.
Kahn, mentionnés plus haut, fonctionnent de manière similaire : il y a une distinction entre les éléments « publics » et les éléments « privés »,
33
Franz GRAF, conférence du 4 février 2015,
ou, comme les nomme Peter Cook : « cage »
« Transformation versus conservation », cité de
= « network of access » ou « structure », et
l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de
« box » = « unity of control »41.
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
Cette hiérarchisation spatiale peut
aussi être structurelle.
34
35
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB
architecture, 15 juin 2015, Paris.
Ces systèmes restent esthétiquement
Steven BECKENS / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.211.
libres, mais Habraken précisait vers 1968 qu’ils
36
doivent tout de même être conçus suivant une
combien de vies ? La transformation comme acte de
proportion, une règle, une trame, des choix
Jean-Marc HUYGEN / COLLECTIF « Un bâtiment,
création », catalogue de l’exposition, p.153. 37
COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La
précis, et donner vie aux qualités spatiales du
transformation comme acte de création », catalogue de
tout : le porteur « ne devrait pas être neutre
l’exposition, p.34.
mais provocant, suggestif, créateur »42.
38
Odile DECQ, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La
B / Classification naturelle : durée de vie des éléments
transformation comme acte de création ». 39
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013. 41
On comprend à travers le réemploi des
Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,
Ed. Littlehampton Book Services Ltd, anglais, pp.27-29. 42
Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux
matériaux et la réhabilitation que les matériaux
réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux
ont tous une fin de vie, due au phénomène
réalités… », 1993-2013.
d’entropie (cf. Partie 1.IV.). Notre société vente
43
le recyclage comme une solution miraculeuse,
Julien CHOPPIN et Nicolas DELON, conférence du
17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
mais l’entropie est telle qu’il est impossible de
Architecture ».
recycler éternellement43.
44
Cela correspond plutôt à « une cascade
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.39.
qui fait peu à peu perdre aux matériaux leurs
45
qualités techniques et esthétiques » .
reconversion des friches », juillet 1997, Techniques et
44
Michèle ZAOUI, « De la réhabilitation à la
architecture, n°432, p.70.
PARTIE 3 - 63
C / Décomposition structurelle
Dans son processus d’analyse préalable
des bâtiment existants, Philippe Robert fait la distinction, au sein du bâtiment, entre les éléments pérennes de ceux qui le sont moins.
Ils peuvent
SYSTÈME DE REMPLISSAGE
être classés en trois
catégories en fonction de leur durée de vie :
Franklin Azzi expliquait, en exposant la
nouvelle école des Beaux-Arts de Tours, qu’il - « les fondations, structures poteaux-
est simple de transformer un bâtiment quand
poutres, façades porteuses et dalles, d’une
il a été conçu comme une structure à remplir48.
longévité « éternelle » (une centaine d’années,
De la même manière, Peter Cook parle
- les façades non-porteuses, escaliers, etc.
de « cadre structurel » (« framework ») et de
(environ 30 ans) dont la réhabilitation peut
remplissage (« infill »). Le second devient
s’avérer couteuse,
facultatif quand il ne participe pas à la solidité
- les cloisonnements et aménagements
constructive. Il existe alors par choix et non
intérieurs dont « l’espérance de vie » est limitée
par nécessité : « A framework of columns
à une quinzaine d’années »45.
and beams can be infilled or not infilled as required. The manipulation of frame and infill
Ainsi, le caractère évolutif ne peut
fonctionner sans une identification précise des
is the point at which basic structure and embellissement meet »49
composants qui entrent dans la confection du bâtiment et leur durée de vie46. SYSTÈMES NEUTRES :
Réinterroger
le
rapport
pérenne-
EXEMPLE DE DEUX CENTRES HOSPITALIERS
éphémère c’est questionner le caractère mobile ou immobile des composants et faire
la distinction entre les éléments principaux et
l’architecture, Jérome Brunet exposa deux
les éléments secondaires.
projets de centres hospitaliers mettant en
scène cette hiérarchisation.
Patrick Bouchain explique l’importance
Lors d’une conférence à la cité de
de cette redéfinition : « la propriété principale détermine
le
plan
physique,
elle
est
Le premier projet était celui de
structurelle alors que la propriété secondaire
l’extension de l’Hôpital Universitaire de Bern
est le complément de la structure, elle est
(INO Hospital)50.
démontable et renouvelable ».
Cela appelle à la requalification
tout à fait innovante qui a été abordée pour
du terme « mobilier », dans lequel certains
concevoir le projet, une stratégie que le
éléments
cloisons
professeur Stephen Kendall a décrit comme
finalement
« a systematic approach to designing change-
de
notamment, partie47.
64 - PARTIE 3
construction, pourraient
faire
les
L’intérêt réside surtout dans la stratégie
ready hospitals »51 (fig.46).
Suite
importants
à
l’observation
Le premier système devait avoir la
d’équipements pour la santé dans un premier
des changements possibles dans les tailles
temps,
investissements
des départements de l’hôpital ainsi que leur
nécessaires ensuite pour accueillir de nouvelles
agencement et leur positionnement dans
procédures médicales, accepter d’éventuelles
l’édifice.
nouvelles
normes,
des
la
capacité de durer 100 ans et d’absorber
ensuite
à
coûts
construction
et
nécessaires
des
correspondre
aux
Il s’agissait donc de proposer une
conditions d’assurance qui peuvent changer,
sorte d’enveloppe et une structure, les plus
etc., le Canton Bern Office of Properties and
capables possibles, sans avoir connaissance
Buildings (OPB) a souhaité concevoir cet
du programme précis à y insérer ; « the base
hôpital dans une perspective plus durable et
building » (fig.47).
faire un « open building ».
L’idée n’était pas d’inventer un nouveau
Cette base n’était pas « neutre » car
système high-tech mais bien de repenser la
elle conditionnait déjà ce qu’on pouvait y
conception et les capacités d’adaptation du
intégrer de par sa forme, la trame structurelle
bâtiment.
choisie, le placement des gaines et réseaux, les ascenseurs, etc..
Une compétition en trois étapes fut
46
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe
organisée en juillet 2006 pour la création
aux réalités », « Chapitre 2 : l’habitat évolutif au Japon,
d’une extension de 50 000 m2, chaque étape
espaces et pratiques », 1993-2013.
correspondant à la conception d’un « system level ».
47
Patrick BOUCHAIN, Etude réalisée par l’agence
CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’estil qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010,
Figure 46 : Schéma du « a systematic approach to designing change-ready hospitals », de Stephen KENDALL. Source : www.greatbuildings.com
ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.54. 48
Franklin AZZI, architecte, conférence du 2 juin
2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 49
Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,
Ed. Littlehampton Book Services Ltd, anglais, p.21. 50
Jérome BRUNET, architecte, conférence du 16
mars 2015, « Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 51
Stephen KENDALL, PhD, RA, professeur
d’architecture et directeur du Building Futures Institute à l’Université de Ball State, Muncie, Indiana, article publié le 30 avril 2007 dans Health Care Design Magazine, http://www.healthcaredesignmagazine.com/ article/open-building-systematic-approach-designingchange-ready-hospitals.
PARTIE 3 - 65
Le second système consistait en la
démonstration des capacités du premier système, en imaginant différents plans d’étages possibles à partir d’un programme détaillé établi en collaboration avec des professionnels du milieu hospitalier.
Les éléments constitutifs de ce second
système sont faits pour durer 20 ans. Figure 47 : Plan résultant de la prmeière étape du concours pour
Cette étape prouva la flexibilité du
premier système puisque les réponses des dix
le INO Hospital, «the base building».
équipes étaient toutes différentes. Il y avait
Source : http://www.healthcaredesignmagazine.com
ainsi déjà dix plans d’étages possibles (fig.48 et 49).
Le troisième et dernier système inclue
le mobilier, les appareils, les finitions et tous les éléments arrivant en fin de processus, faits pour durer une dizaine d’années.
À la fin de chaque étape, une équipe
était gagnante et c’est sur leur système que se basait l’épreuve suivante, soit une « hierarchical structure of decisions levels : higher-level decisions provide « capacity » for a range of lower-lever functionnal scenarios »52.
La conception en trois étapes bien
distinctes avait pour but d’empêcher que l’édifice ne soit conçu que pour un scénario programmatique précis.
Sans avoir conscience du programme
lors de la première phase, les architectes restaient concentrés sur les « capacités » de Figure 48 et 49 : Deux plans, de deux équipes différentes,
leur proposition au sens le plus large possible.
obtenus après la seconde étape du concours pour le INO Hospital. Source : http://www.healthcaredesignmagazine.com
66 - PARTIE 3
à
Cette la
méthode
construction
dès
fut le
bénéfique chantier
car
des
changements
s’opéraient
dans
les
départements, et les équipements médicaux à mettre en place n’étaient déjà plus les mêmes que ceux imaginés durant le concours. Il s’avéra par contre que la collaboration entre trois équipes différentes (une pour chaque « system ») fut très compliquée. R+2
Le second projet était celui du centre
hospitalier de Marne-la-Vallée, en cours de réalisation par l’agence BRUNET SAUNIER Architecture.
Le bâtiment a été conçu pour absorber
les évolutions éventuelles du programme entre la phase de concours et la phase de mise en oeuvre (période qui peut être de 10 ans tant
R+1
ces bâtiments sont imposants et complexes).
Il s’agit donc d’un bâtiment neutre, où
tout peut un jour disparaitre, laissant seulement les invariants tels que les escaliers, les gaines, la structure…
Jerome Brunet qualifie cela de bâtiment
« futurible »53, autrement dit : mutable.
RDC
Les
projets
hospitaliers
trouvent
beaucoup de satisfaction dans les solutions mutables car les chantiers de ces édifices sont
Figure 50, 51 et 52 : Plans du Centre hospitalier de Marne-laVallée, dessiné par l’agence BRUNET SAUNIER. Source : www.brunet-saunier.com
souvent très longs et régulièrement soumis à des modifications en cours d’élaboration du
52
projet ou même en cours de chantier.
et directeur du Building Futures Institute à l’Université
de Ball State, Muncie, Indiana, article publié le 30 avril
Dissocier
les
éléments
structurels
des éléments d’aménagement propres aux
Stephen KENDALL, PhD, RA, professeur d’architecture
2007 dans Healthcare Design Magazine, http://www. healthcaredesignmagazine.com/article/open-building-
usages de l’édifice permet de faire évoluer
systematic-approach-designing-change-ready-hospitals.
les dispositions et donc d’assurer l’utilisation
53
de ces monstres bâtis et leur amortissement financier, dès leur conception.
Jérome BRUNET, architecte, conférence du 16
mars 2015, « Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 3 - 67
DÉTACHEMENT DE L’ENVELOPPE
La façade est le lieu des « échanges »
avec la ville, elle donne son identité à l’édifice54.
Elle peut être très dessinée par le
système structurel mais il est indispensable que les autres éléments constitutifs de la façade soient dissociables, pour évoluer si Figure 53 : Photographie de la nouvelle enveloppe de l’école des Beaux-Arts de Nantes.
Source : www.franklinazzi.fr
besoin, quand un nouvel usage se présente mais également quand les réglementations, thermiques par exemple, évoluent.
Pour transformer les halles Alstom de l’Ile
de Nantes en école des Beaux-Arts (fig. 53 à 55), Franklin Azzi a fait le choix de dissocier l’enveloppe
thermique,
de
l’enveloppe
étanche, posée sur la structure de la halle pouvant être conservée telle quelle55.
Cette distinction fait la particularité du
projet, lui permettant d’évoluer d’un point de vue normatif si besoin tout en conservant sans problème l’identité première de l’édifice, et Figure 54 : Axonométrie tranchée de l’école de Beaux-Arts de Nantes.
Source : www.tess.fr
Figure 55 : Image de l’école de Beaux-Arts de Nantes, imaginée par l’agence Franklin AZZI.
Source : www.franklinazzi.fr
donc sa mémoire.
Concevoir nos édifices comme des
couches successives d’éléments est ainsi un moyen de préserver le plus longtemps possible l’entropie globale de l’édifice car il devient alors très simple de remplacer une partie défectueuse ou en fin de vie, à condition que les assemblages des divers éléments soient aussi réfléchis pour être déconstruits.
Cela permet également une adaptation
très simple des bâtiments aux nouvelles fonctions.
68 - PARTIE 3
IV
Aucun diagnostic n’est fait pour reconnaitre ce qui peut encore servir ou avoir une valeur
DES ASSEMBLAGES RÉVERSIBLES
quelconque60.
Lorsque la phase de déconstruction
est anticipée, elle peut rejoindre la phase de ANTICIPER LA DÉCONSTRUCTION
conception. Elle permettrait alors la mise en boucle des différentes étapes constructives.
Les édifices connaissent des cycles
« La déconstruction est à la fois la
de vie, et à la fin de chacun il faut détruire ou
fin et le début de la construction » a dit
conserver en transformant . La destruction est
Patrick Bouchain. Cela implique de penser
souvent justifiée et causée par l’obsolescence
en amont la démontrabilité d’un ouvrage en
et
prenant en compte son éventuelle mutation
56
l’amortissement
financier,
auxquels
s’ajoutent le désintérêt et le délaissement de
programmatique61.
l’objet architectural57.
Pour contrer la démolition et s’ancrer
dans un cycle de mutation des bâtiments, il
54
faut anticiper la déconstruction lors du choix
Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un
Patrick BOUCHAIN, Etude réalisée par l’agence CANAL
produit ? - enquête et conviction pour une requalification
des assemblages.
du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.56.
L’architecte chinois Wang Shu voit la
démolition comme une opération chirurgicale, à laquelle devraient assister tous les jeunes
55
Franklin AZZI, architecte, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
architectes et étudiants pour apprendre les
acte de création ».
assemblages par leur dissection, comme les
56
étudiants en médecines étudient le corps humain : « Emmener les étudiants dans des chantiers de démolition, pour y faire des observations et en tirer une réflexion, prendre conscience des leçons à tirer » . 58
Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment, combien
de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.7. 57
Francis RAMBERT / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.15. 58
COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La
transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.310.
Déconstruire ce n’est pas faire table
rase, c’est observer ce qui est là et comment l’espace est occupé . 59
L’absence
d’architectes
59
création », catalogue de l’exposition, p.310. 60
lors
des
démolitions constitue un problème majeur qui nous empêche de passer du choix de la démolition au choix de la déconstruction.
Patrick BOUCHAIN / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de Lionel BILLIET er Michael GHYOOT (ROTOR),
conférence du 17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture ». 61
Patrick BOUCHAIN / COLLECTIF « Un bâtiment,
combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, pP. 310-314.
PARTIE 3 - 69
LE CHOIX DES ASSEMBLAGES
DÉMONTABILITÉ
Pour donner lieu à la mutabilité, il
À Saclay, l’agence CAB a travaillé sur
est indispensable de travailler à différentes
une structure métallique dont les éléments
échelles.
sont vissés pour être démontables, et cela
Une fois les éléments constitutifs du
prend en compte les portiques tout comme
bâtiment hiérarchisés, leur mise en oeuvre
les cloisons. De plus, ils ont fait le choix de
doit être minutieusement étudiée. La réflexion
matériaux non peints, laissés à l’état brut, pour
touche tout autant à la manière dont les
éviter d’avoir à les repeindre ou les retravailler
façades s’accrochent à la structure que celle
en cas de modifications66.
dont, par exemple, l’isolant est lui-même
Ces
fixé aux autres matériaux constituant la dite
d’exécution et la capacité d’adaptation aux
façade. Il en est de même pour les cloisons, les
changements.
choix
marient
la
simplicité
planchers, la toiture, et la structure elle-même.
La question est celle du choix des
assemblages.
Les structures métalliques et en bois
sont ainsi peut-être à favoriser car leur mise en oeuvre est souvent plus réversible que celle
Les déconstructeurs constatent que les
des structures en béton.
assemblages les plus faciles à mettre en place
sont les plus dur à défaire62. Par exemple, des
connus pour avoir été montés et démontés à
éléments collés sont très difficiles à séparer
plusieurs reprises grâce à l’ingéniosité de leur
contrairement à des éléments vissés63 (fig. 56).
structure métallique.
Il y a d’ailleurs de nombreux projets
La recherche d’une facilité de mise en
oeuvre va à l’encontre de la mutabilité, car « facile » veut souvent dire « rapidement », à bas prix et par des ouvriers peu qualifiés.
Il faut encourager les constructeurs
à faire des assemblages dont les matériaux soient
séparables64
et
développer
une
connaissance des mises en oeuvre favorisant le réemploi, en évitant « les faux amis conceptuels, qui donnent à croire que la technologie est la solution »65.
Figure 56 : Dessin « cheville : assemblage réservible ; collé : assemblage définitif.»
Source : Catalogue de
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.262.
70 - PARTIE 3
La Halle de la Gare du Sud (fig.57 et
58), à Nice, par exemple, ancien pavillon de la Russie et de l’Autriche-Hongrie lors de l’Exposition Universelle de 1889, a été premièrement montée à Paris, démontée, puis remontée à Nice en 1891 pour servir de gare.
Sa structure assure une démontrabilité
complète, pièce par pièce, ce que Bernard Reichen qualifie de « structure métallique en kit »67.
Les halles des anciens Abattoirs de la
Villette (fig.59), construits entre 1865 et 1867 par Jules de Mérindol (élève de Victor Baltard) et Louis-Adolph Janvier, ont prouvé la réversibilité de leur structure métallique également.
La Grande Halle, anciennement « Halle
aux Boeufs », a été reconvertie en 1983-85
Figure 57 et 58 : La Halle de la Gare du Sud de Nice.
par l’agence Reichen&Robert en salle de
Source fig.57 : www.metronews. fr (© M. Bernouin/Metro)
spectacles. Elle a à nouveau été transformée
Source fig.58 : www.100anscheminsdeferdeprovence.fr
et remise à neuf en 2003-07 par la même équipe.
62
À coté de cette halle s’y trouvaient deux
autres : la « Halle aux Veaux », entièrement
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.21. 63
Lionel BILLIET er Michael GHYOOT (ROTOR),
détruite en 1980 car elle était très abimée, et
conférence du 17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal,
la « Halle aux Moutons », démontée en 1986,
dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/
rachetée par le département de la Seine-Saint-
Réemploi/Architecture ». 64
Alexandre DOYÈRE / COLLECTIF, catalogue de
Denis pour être réinstallée ailleurs, mais dont
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
les pièces sont finalement toujours entreposées
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
dans des locaux d’Affiner, à Dammarie-les-Lys,
Delon, p.322. 65
Raphaël MÉNARD / COLLECTIF, catalogue de
en Seine-et-Marne.
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
Cette dernière halle reste cependant
tout à fait réutilisable, une fois remontée. On
Delon, p.167. 66
Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB
peut même imaginer que les pièces puissent
architecture, 15 juin 2015, Paris.
être
67
indépendamment
réintroduites
dans
un nouveau projet, prenant en compte les mécanismes conçus en 1980.
Bernard REICHEN, conférence du 2 juin 2015,
67
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».
PARTIE 3 - 71
Figure 59 : Les anciens abattoirs de la Villette. Photographie de 1967. Figure 60 (en bas) : Le Phantom Restaurant à l’Opéra Garnier, imaginé par Odile DECQ (2011).
Source : odiledecq.com
Source :lavilette.com/histoire/
LE SECOND OEUVRE
Une
autre
manière
de
procéder
serait d’imaginer que tous les éléments « secondaires », propres aux usages et non à la résistance de la structure, puissent être retirés sans un gros travail de déconstruction et même possiblement insérés ailleurs, comme des
ensembles
d’éléments
préfabriqués
Figure 61 et 62 : Le 57 Métal, réhabilité par Jakob & Macfarlane,
assemblés, des modules qu’on déplacerait là
en 2001.
où ils seraient nécessaires.
Source : www.jakobmacfarlane.com
Lors de son intervention au sein de
l’Opéra Garnier, en 2011, pour le projet du Phantom Restaurant, Odile Decq a proposé un aménagement intérieur totalement réversible, pouvant être enlevé très simplement.
Ce choix est né du contexte donné. Il
était, en effet, absolument interdit de toucher au bâtiment et ne serait-ce que poser un clou, du fait de son caractère de monument historique hautement protégé68.
De
manière
Jakob&McFarlane
a
similaire, travaillé
l’agence sur
des
éléments à insérer dans l’ancienne usine du 57 Métal (fig. 61 et 62) (oeuvre de Claude Vasconi datant de 1980), pour le transformer en centre le Centre de Communication
de Renault. Il s’agissait, dans ce cas, de
Il existe par exemple des systèmes de
préserver la lisibilité des sheds d’origine et ne
pose de moquette sans colle qui permettent
pas briser la continuité de cette toiture avec
une dépose extrêmement facile, rapide et
des cloisons toute hauteur.
sans dégâts, prenant en compte le caractère
Les éléments peuvent donc s’insérer et
souvent non définitif de l’installation d ‘une
être retirés, ce qui s’annonce très pratique car
moquette. Les colles utilisées étant en plus
l’édifice va possiblement à nouveau changer
agressives pour l’environnement et pour les
d’usage69.
bronches, ces systèmes sont une alternative à la fois saine et économique.
L’ÉCHELLE DES MATÉRIAUX
Des solutions mutables sont donc à
intégrer également à l’échelle des matériaux,
La réversibilité peut s’appliquer à
toutes les échelles.
dès la conception, par l’architecte, qui en est le prescripteur70.
Il n’y a pas de recette, de structure parfaite, qui puisse être intégrée à toutes nos architectures et
garantir la mutabilité. Certains systèmes sont extrêmement flexibles mais leur utilisation systématique
n’est pas la solution, car la conception architecturale s’inscrit avant tout à partit d’un site, de sa forme, ses particularités physiques, sociales, géographiques et historiques.
Le contexte devrait être le premier paramètre pour définir une architecture, non un système
structurel. Celui-ci est choisi en bonne connaissance du site, du programme, du gabarit général du bâtiment à venir, et c’est ensuite qu’il est manié intelligemment pour assurer la mutabilité.
La conception préventive de la mutation architecturale peut alors être démontrée par des tests
de différents programmes, et présentée lors de la demande de permis de construire, afin de certifier la réversibilité. La matière deviendrait un assemblage savant et pluriel dans le temps.
Certaines tâches restent toute fois à appliquer pour le bon développement de l’édifice mutable :
son suivi, son entretien, et la transmission des informations concernant sa capacité à se transformer.
69
Dominique JAKOB, conférence du 16 mas 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme 68
Odile DECQ, conférence du 16 mars 2015,
acte de création ».
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture
70
et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas
acte de création ».
Delon, p.336.
SWAN Architectes / COLLECTIF, catalogue de
PARTIE 3 - 73
PARTIE 4
ACCOMPAGNER LES ÉDIFICES : INSCRIPTION DANS UN CYCLE DE VIE DURABLE
Une fois la mutabilité acceptée, le projet étudié d’un point de vue administratif en amont,
et la conception réfléchie pour donner sa capacité de transformation au bâtiment, il est impératif d’accompagner l’édifice pour garantir son bon fonctionnement, et ses évolutions.
I
ENTRETIEN, SUIVI ET GESTION DES ÉDIFICES
détourne de lui : « on ne les voit plus tels qu’ils ont pu être avec leurs qualités d’origine »2.
Le suivi est crucial pour ancrer nos
architectures dans un cycle durable. On peut ANTICIPER LA RUINE
développer des projets d’une intelligence remarquable, aux capacités de mutations
Un édifice existe de par sa capacité
d’intégration
mais
aussi
sa
capacité
pointues, mais si l’édifice est livré à lui-même, sa dégradation est inévitable.
d’entretenir le tissu qu’il a vivifié en arrivant. Or, quand il y a disjonction entre investissement et gestion, l’édifice meurt.
Tous les paramètres qui interviennent
aux différentes étapes de la vie du bâtiment sont à réfléchir en amont, de façon à ne jamais laisser d’opportunité à l’obsolescence1.
L’entretien doit être pensé lors de la
conception, il doit ensuite être effectué à la moindre nécessité sinon l’édifice tombe en ruine.
La fin des usages doit être anticipée
pour qu’on pense aux suivants car un édifice vide est vite oublié. Comme le dit le dicton : « mieux vaut prévenir que guérir ». En effet, un édifice mal en point et sans usage, si personne ne s’en préoccupe, est voué à la perte.
Pour un édifice délabré, l’obstacle
devient ensuite mental. Il est vu comme repoussant, et, consciemment ou non, on se
74 - PARTIE 4
Figure 63 : La Nakagin Capsule Tower (1970), de Kisho JUROKAWA.
Source : moreadesign.wordpress.com
PENSER LES MODALITÉS D’ENTRETIEN
UNE GESTION PERSONNALISÉE
La Nakagin Capsule Tower (fig. 63 et
Quand on observe d’autres exemples
cf.annexes), a été pensée pour que chaque
d’édifices un peu particuliers, comme les
capsule soit remplaçable par une nouvelle,
immeubles de logements évolutifs (HLM de
grâce à un système d’assemblages réversibles.
Montereau-Surville, HLM La Grand Mare, etc.),
on s’aperçoit qu’ils ont été plutôt malmenés
L’entretien a été pensé et la durée de
vie des capsules estimée par l’architecte à
par les commanditaires en terme de gestion.
25 ans. Le fait de pouvoir « dé-clipser » les
capsules du « tronc » central offrait même la
effrayait les gestionnaires.
possibilité de les remanier entièrement, de les
moderniser, tant que le système d’accroche
HLM, ont rapidement perdu leur caractère
était conservé.
évolutif qui était jugé trop difficile à gérer et
Ce qui faisait d’eux des projets riches Tous ces projets, gérés par des offices
trop coûteux.
En remplaçant toutes les capsules au
terme des 25 ans, Kisho KUROKAWA estimait
On sait cependant que certains groupes
la durée de vie de l’édifice à 200 ans.
immobiliers privés savent faire ce qu’on appelle de la gestion personnalisée5, c’est-à-
Tout
a
été
mis
en
oeuvre
par
l’architecte, mais la gestion de ces capsules n’a
dire que la gestion s‘adapte aux propriétés du bâtiment et non l’inverse.
jamais été faite, elles n’ont été ni entretenues, ni
remplacées.
Or,
Kisho
KUROKAWA
rappelle que « everything is designed to be maintained »3. 1
Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable
? », 2010, Habitat et société, n°60, p.64.
À travers cet exemple d’architecture,
certes très originale, on comprend que l’entretien pensé lors de la conception ne vaut rien s’il n’est pas par la suite encadré et géré.
Il y a d’ailleurs une certaine rancune
des maitres d’ouvrage vis à vis des projets « originaux » car, souvent, il n’y a pas de suivi prévu de la part des concepteurs qui créent puis laissent leur création sans suivi . 4
2
Jean DETHIER / COLLECTIF ? Centre de Création
Industrielle / Centre Georges Pompidou, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou, p.53. 3
Vidéo de Tokyo Art Beat, « Kisho Kurokawa Pt. 2:
Nakagin Capsule Tower », https://www.youtube.com/ watch?v=9roy5mbz5fk. 4
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 5 : Comment gérer des logements personnalisés », 1993-2013. 5
Idem note 4.
6
COLLECTIF / Etude réalisée par l’agence CANAL
Architecture, « Le logement « jeune » n’estil qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.15.
PARTIE 4 - 75
Du point de vue d’un gestionnaire,
Dans l’élaboration de sa théorie des
l’uniformité de l’offre, la constance, des
« porteurs », Nikolaas J. Habraken spécifie
espaces bien précis et immuables, pour une
clairement leur caractère collectif. C’est-à-
catégorie d’usagers définie, sont légitimés
dire qu’ils sont à la charge d’un gestionnaire
par une volonté de faciliter la gestion et
différent et supérieur aux gestionnaires de
maîtriser les coûts.
chaque entité individuelle « portée »8.
Mais « est-ce aux outils de financement et de gestion de définir » la manière de
Pour le bon fonctionnement et la
construire et d’utiliser le bâtiment6?
pérennité de ces architectures mutables, la gestion collective passe avant la propriété
Contrairement aux normes qui doivent
individuelle. Le caractère évolutif est mis au
se marier, la gestion doit se faire au cas par cas.
profit d’un développement urbain durable
Evidemment, cela demande plus de
et d’une réutilisation des édifices en réponse
travail et une grande compréhension de l’objet
à une nécessité générale. Un propriétaire
à gérer.
individuel ne doit pas pouvoir bloquer tout le processus.
UN SYSTÈME DE GESTION GÉNÉRALE
Cela remet en perspective tous nos
systèmes de gestion et d’accession à la propriété.
La Nakagin Capsule Tower nous illustre
une autre dimension du domaine de la gestion : gérer est une chose mais encore faut-il établir
LA FLEXIBILITÉ D’UN SYSTÈME LOCATIF
clairement le poste de gestionnaire.
Au fil des ans, les capsules ont été
achetées,
transmises
de
génération
en
Philippe Robert faisait, lors de notre
entrevue, l’éloge des systèmes locatifs qui existent en Suisse, dont il faudrait peut-être
génération, et finalement chaque capsule a
nous inspirer.
un propriétaire différent. Nous parlons ici de
capsules mais cela vaudrait pour tout type de
sont pas propriétaires, ils louent. Par contre, ils
logement, d’espace de bureau, ou autre petite
possèdent tous un logement à la montagne ou
entité spatiale au sein d’un grand ensemble, le
à la mer, qui fait office de maison secondaire
bâtiment.
quand ces gens habitent en ville.
La démultiplication des propriétaires
Dans les grandes villes, les gens ne
Ce
système
permet
aux
grandes
pour un même édifice rend l’entretien global
villes de ne pas être figées mais également
d’une extrême complexité. Et la Nagakin
aux gens de ne pas être restreints par
Capsule Tower en a souffert car, pour réhabiliter
l’emplacement de leur logement de ville9.
l’ensemble de l’édifice, l’accord des quelques
140 propriétaires était nécessaire7.
ne déménage pas facilement. C’est-à-dire
76 - PARTIE 4
En effet, quand on est propriétaire, on
que si on en vient à changer d’emploi, c’est le
temps de transport qui va évoluer entre chez
diversification,
soi et le lieu de travail.
d’originalité ou de complexité, sont bonnes
Pour revenir à la dualité mobile-
et réalisables, du moment que la gestion est
immobile, le logement est l’entité immobile
pensée en amont, suivie et entretenue au bon
quand on est propriétaire.
rythme.
En adoptant un système locatif, tel
En fin de compte, la mixité, la la
mutabilité,
toute
sorte
Dans son étude de « bâtiment pour
qu’en Suisse, les gens pourraient déménager
120 ans », l’agence Canal propose un nouveau
pour se rapprocher de leur lieu de travail ou
modèle constructif, mais aussi un vrai système
des écoles des enfants, sans subir le temps de
de gestion où le constructeur est au coeur du
transport, et donc devenir mobile.
projet dès la conception11.
Quand le lieu de travail devient une
donnée fixe, c’est le lieu de vie qui devient mobile et s’adapte. Ainsi on ne figerait ni les
gens, ni la gestion des villes.
adopté, les bâtiments peuvent s’inscrire dans
Une fois un bon système de gestion
un cycle de vie durable et renouvelable.
Ce système de location crée également
une ouverture sur la mixité programmatique verticale au sein des bâtiments.
En fonction des flux urbains, les
immeubles pourraient mélanger les usages et, pourquoi pas, avoir, par exemple, des bureaux dans les premiers étages et des logements dans les étages supérieurs. et
En France, les questions de la propriété de la rencontre des usages créent un
blocage10 mais une telle mixité existe déjà en Suisse.
Vidéo de Tokyo Art Beat, « Kisho Kurokawa Pt. 2:
7
Nakagin Capsule Tower », https://www.youtube.com/ watch?v=9roy5mbz5fk. 8
La gestion et la mutabilité sont,
finalement, très influencées par nos modes
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 3 : De l’idée aux applications », 1993-2013. 9
Interview de Philippe ROBERT,a architecte retraité, 14
de vie et notre culture traditionnelle où les
avril 2015, Paris.
fonctions
10
sont
distinctes,
propres à un temps donné.
privatisées,
et
11
Idem note 9. COLLECTIF / étude réalisée par l’agence CANAL
Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.6.
PARTIE 4 - 77
II
LA PLACE DE L’INFORMATION DANS LA MUTABILITÉ
GAGNER DU TEMPS D’ANALYSE Figure 64 : L’ancienne structure de la Terrace Gallery du Royal
Lors d’une conférence à la Cité de
l’architecture et du patrimoine, Alain Sarfati
Ontario Museum, en déconstruction. Source : www.salomagazine.com
mettait en avant un fait : réhabiliter prend énormément de temps12, notamment parce qu’il est nécessaire d’examiner précisément ce qui est là. Or si, dès la conception, en plus de préparer le bâtiment à muter, on rassemblait toutes les informations le concernant, le temps d’analyse des édifices existants avant leur transformation serait nettement réduit.
Figure 65 : L’ancienne Terrace Gallery du Royal Ontario Museum.
Pour
transformer
il
faut
Source : https://www.rom.on.ca
recueillir
énormément d’informations sur les méthodes de mise en oeuvre et les capacités des éléments telles que la résistance structurelle et la résistance au feu13.
Sans avoir ces données, les édifices
sont souvent sous-exploités, pour des raisons
Figure 66 : La structure du Centre Étudiant de l’Université de
de sécurité.
Toronto, en construction.
En
effet,
« comment
Source : www.salomagazine.com
déposer
correctement un matériau dont on ne sait plus la façon dont il a été mis en oeuvre »14 ? Comment réutiliser les poutres métalliques quand on ne connait pas leur capacité portante ? Etc.
Figure 67 : Le nouveau Centre Étudiant de l’Université de Toronto.
78 - PARTIE 4
Source : www.salomagazine.com
C’est ce qui est advenu pour le Centre
propriétés et leur mise en oeuvre16.
étudiant de l’Université de Toronto (fig. 66
Ces informations, une fois récupérées
et 67), réalisé par Stanted Architecture Ltd
quand il devient nécessaire de faire muter
en 2004, où la structure acier des espaces
l’édifice, seront précieuses et
d’exposition en terrasse du Royal Ontario
des gains de temps, d’efficacité et sûrement
Museum (fig. 64 et 65) a été réemployée.
beaucoup d’économies, car chaque pièce
pourra être réutilisée en fonction de ses
Le
bureau
d’étude
de
structure
Halsall&Associates travaillait sur les deux
permettront
propriétés techniques et de son entropie.
chantiers simultanément, ce qui a permis cet échange inédit de structure entre les deux
bâtiments. La coordination entre les architectes
intéressant de réaliser des rapports énumérant
et les ingénieurs a permis de dresser des
les capacités d’évolution déjà imaginées pour
relevés précis des composants disponibles
les bâtiments lors de leur conception, et de les
mais leur
présenter à l’étape du permis de construire,
capacité portante ne pouvait être
évaluée qu’avec des essais de charge complets
De la même manière, il pourrait être
comme le suggérait Philippe Robert.
et prohibitifs.
Faute d’informations, la structure a dû
être sous-estimée et considérée comme de faible qualité15.
DES PASSEPORTS D’INFORMATIONS
Les informations sont cruciales à toutes
les étapes d’un projet de transformation. Les
12
Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,
« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un
matériaux doivent être identifiés pour être
bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
réutilisés ou déposés, les assemblages doivent
acte de création ».
être compris pour être démontés, remontés et entretenus…
13
Bruno
PINARD,
conférence
du
2
juin
2015,
« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme
Pour ce qui est des matériaux, Steven
Beckens, C2C
expert
(Cradle
to
en
économie
Cradle,
une
acte de création ». 14
Julie BENOIT et Grégoire SAUREL / COLLECTIF,
circulaire
catalogue de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/
démarche
Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et
alliant l’approche scientifique et l’approche
Nicolas Delon, p.316. 15
COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise
économique), travaille sur ce qu’il nomme les
- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien
« Passeports des matériaux ».
Choppin et Nicolas Delon, p.333.
Lors de la conception de projets, les
matériaux sont listés, ainsi que toutes leurs
16
Steven BECKENS / COLLECTIF, catalogue de
l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.211.
PARTIE 4 - 79
Pour le projet de la « Maison du
Siècle » (ou Century Housing System), réalisé dans la ville nouvelle scientifique de Tsukuba, au Japon, en 1984, des fiches techniques indiquaient les transformations potentielles, les couplages d’appartements possibles (fig. 68), pour démontrer la durabilité fonctionnelle et sociale de l’édifice due à sa flexibilité interne17.
De façon similaire, pour le projet de
HLM de Montereau-Surville, des plaquettes explicatives
proposaient
onze
plans
d’appartements imaginés par les architectes (fig. 69).
Ces
documents
étaient
prévus
à
l’intention des futurs usagers comme base d’information pour la conception de leur appartement en séances de travail avec l’architecte18.
Figure 68 : Exemple de fiche technique montrant les transformations potentielles des logements du projet de la Maison du Siècle. (notation : «3» indique le nombre de chambres, «L» pour Living-room, «D» pour Dinning-room, «K» pour Kitchen) Source :Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013. Figure 69 : Dix exemples de plans proposés aux futurs habitants des immeubles HLM de Montereau-Surville, iinsérés sur une même surfzce définie par le système structurel (cf. Partie 3.II.B et annexes). Source :Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
80 - PARTIE 4
Sans figer les édifices en les limitant
TRANSMISSION DES INFORMATIONS
à un certain nombre de propositions, ces informations techniques pourraient guider les
transformations à venir et surement permettre
logements évolutifs (la Grand Mare à Rouen,
un gain de temps inestimable sur les analyses.
Les Marelles à Yerres19, etc.) les capacités
Mais avant tout, la disponibilité de
de transformation ont été transmises à la
ces informations garantirait la mutabilité
naissance du projet, à l’arrivée des premiers
des édifices : avec différentes propositions
locataires. Cependant ces informations ont
d’aménagement il n’est plus possible de nier
souvent été mises de coté par la suite, et
les
les locataires suivants n’en ont jamais eu
capacités
de
transformation
;
la
considération de l’existant devient obligatoire.
Dans
plusieurs
des
projets
de
connaissance.
Les logements sont tous devenus
seraient
figés au fil du temps, ramenés à des plans
référencés les capacités structurelles, les
traditionnels, pour, soit-disant, une gestion
emplacements
simplifiée.
Dans
ces des
documents systèmes
techniques
(gaines, ascenseurs…) et leurs propriétés, les méthodes de mise en oeuvre des assemblages
Cette
non-diffusion
à
répétition
et de leurs matériaux…
démontre l’importance d’une gestion au
Ce seraient des « Passeport de
service des capacités des édifices, et non
Bâtiments », s’enrichissant à chaque nouvelle
l’inverse, mais également la nécessité d’accès
transformation. On y distinguerait les parties
aux informations propres à chaque projet.
neuves des parties préexistantes, les matériaux réemployés, leur cycle de vie…
La mutabilité demande un travail de
conception
Ces
passeports
deviendraient
des
pièces maîtresses pour la gestion et l’entretien
préventive
considérable
mais
encore faut-il que ce travail ne soit pas perdu ou omis en bout de chaîne.
de nos architectures mutables.
17
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe
aux réalités », « Chapitre 2 : l’habitat évolutif au Japon, espaces et pratiques », 1993-2013. 18
Idem note 17, « Chapitre 3 : De l’idée aux applications ».
19
Idem note 18.
PARTIE 4 - 81
III
DE NOUVEAUX MÉTIERS À CRÉER
Apparait donc l’idée d’un métier
« d’architecte-valoriste ».
Les valoristes cependant, dont on
parle dans le réemploi, sont ceux qui jugent de la valeur des matériaux à réutiliser20. Les
La mutabilité, dans sa conception
« valoristes » travailleraient donc à la fois
globale, très en amont du projet et projetée
en début et en fin de chaîne, devenant des
dans l’avenir, fait apparaitre un certain nombre
maillons cruciaux dans l’étape de mutation du
de « tâches » dont les acteurs ne sont pas bien
projet.
définis. LES NOUVEAUX OUVRIERS LES NOUVEAUX PROGRAMMISTES
Les structures capables, intelligentes,
Les normes à marier et les usages à
hiérarchisées et réversibles remettent en
imaginer pour plusieurs vies demandent un
question toute la chaine de production et de
nouveau travail de programmiste très novateur.
mise en oeuvre des matériaux.
Cette étape doit être à la charge des
Les
assemblages
doivent
être
architectes et redevenir une vraie étape de
repensés et surtout, les nouvelles pratiques
création et de réinvention des modes de vie.
d’assemblage,
Leur intervention est cruciale pour
de réemploi font appel a de nouvelles
prouver la mutabilité par l’insertion de
compétences pour les ouvriers, une vraie
multiples programmes dans un même projet.
qualification et de la minutie. Cela implique
de
désassemblage
et
de connaître parfaitement un métier, une pratique, dans son actualité mais aussi dans LES ARCHITECTES-VALORISTES
son histoire, pour comprendre les composants à réutiliser ou seulement identifier ce qui est
Inscrire l’architecture dans un cycle
déjà en place, etc.
de développement durable implique une nouvelle vision de l’économie du projet pour
valoriser et peut-être chiffrer, dans la mesure
« la reconversion utilise une mains d’oeuvre
du possible, la capacité de mutation.
qualifiée. C’est-à-dire des vrais maçons, des
Ce
travail
incombe
aux
acteurs
Philippe Robert parle d’expérience :
plombiers, des électriciens, etc. »21.
financiers mais il est nécessaire que ces acteurs, tout comme les assureurs, aient les
compétences de compréhension du projet
et d’entreprises capables pour un travail propre
pour pouvoir l’estimer.
et averti22.
82 - PARTIE 4
Il y a une vraie question de compétences
L’ASSISTANCE ARCHITECTURALE
type de gardien pour cogérer le projet. Quelqu’un qui aurait participé à la phase de
Comme traité plus haut, la mutabilité,
conception ou à la construction serait logé
au-delà de son fonctionnement technique,
sur place et serait à même d’assurer le suivi
est indissociable d’un suivi et d’une gestion
des transformations et la transmission des
impeccables. Pensée sur le long terme, la
informations relatives au projet ; « un gardien-
mutabilité doit être accompagnée par des
architecte d’exécution implanté à demeure »25.
acteurs savants des capacités de l’édifice suivi
et détenteurs des informations le concernant,
architecturale ».
Apparait ainsi la notion « d’assistance
son « Passeport ».
En
plus
de
gestionnaires,
des
Parmi plusieurs projets de logements
personnes qualifiées, comme des architectes
évolutifs, l’immeuble HLM de Motereau-
ou des ouvriers, devraient être assignés à un
Surville est le plus remarquable à ce sujet.
bâtiment spécifique. Ces personnes serait
les référents du projet, en charge d’assurer la
Des éléments mobiles du système
constructif
avaient
été
stockés
par
la
transmission des informations et de promouvoir
gardienne et avaient été mis à disposition
l’utilisation multiple de l’édifice.
des locataires pour qu’ils transforment eux-
même leurs appartements. Au fil des années
traitant, les architectures pourraient être
les locataires ont changé et c’est cette même
suivies par un ou plusieurs spécialistes, sans
gardienne, présente depuis l’origine du projet,
jamais être laissées à l’abandon, en proie à
qui a transmis les informations permettant la
l’obsolescence.
Tout comme chacun a un médecin
transformation des appartements.
Sa présence a été indispensable au
bon fonctionnement de expérimentation23.
De la même manière, dans le projet
de logements évolutif réalisé à Uppsala, en
20
Julien CHOPPIN et Nicolas DELON, conférence du
Suède, en 1966, un ouvrier ayant participé au
17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre
chantier était domicilié dans l’immeuble.
de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/
Architecture ».
Ayant une parfaite connaissance des
systèmes de mise en oeuvre des éléments, il a aidé les autres habitants à effectuer des modifications dans leurs logements24.
21
Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, 14
avril 2015, Paris. Lionel BILLIET et Michael GHYOOT (ROTOR),
22
conférence du 17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture ».
Cela rejoint une proposition faite
par l’architecte Alain Amedeo à propos des immeuble adaptables : l’idée d’un nouveau
23
Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux
réalités », « Chapitre 5 : Comment gérer des logements personnalisés », 1993-2013. 24
Idem note 23, « Chapitre 3 : De l’idée aux applications ».
25
Idem note 23.
PARTIE 4 - 83
LE SCRIPT
En amont du travail d’assistant, un autre
acteur doit être en charge de la constitution du « Passeport du bâtiment ».
Au
sein
même
des
agences
d’architecture, travaillant en partenariat avec les bureaux d’études techniques et autres participants à l’élaboration du projet, un métier de « script », comme au cinéma, pourrait être créé. Cette personne aurait pour tâche de rassembler toutes les informations propres au bâtiment, depuis sa conception, jusqu’à sa livraison.
Ce travail serait ensuite à compléter
indéfiniment, référençant la vie de l’édifice, au service de ses multiples transformations, jusqu’à sa ruine naturelle.
Ainsi,
un accompagnement personnalisé est indispensable au développement d’une
architecture mutable.
De nouveaux rôles sont à pourvoir, démontrant que la place de l’architecte et de ses
collaborateurs est encore plus importante pour la pérennité de nos villes et des oeuvres que nous y bâtissons.
Le métier-même de l’architecte, sa perception et sa pratique, se doit d’évoluer, pour donner
vie à une architecture nouvelle, plus flexible et plus durable.
84 - PARTIE 4
85
CONCLUSION En
conclusion de ces recherches,
la réappropriation de la programmation par
il est possible d’estimer que la conception
les architectes, une conception projetée dans
d’architectures mutables est tout à fait possible
différentes temporalités potentielles pour un
et même en bonne voix de développement.
bâtiment, et également l’accompagnement
Plusieurs agences d’architectures telles
impératif de ces édifices post-construction
que CANAL et plusieurs grands groupes
pour les entretenir et transmettre leurs
immobiliers comme VINCI et BOUYGUES
spécificités.
s’intéressent au sujet et y voient sérieusement un potentiel pour les années à venir.
Toute cette étude, comme il a été
supposé dès le départ, reste finalement Il ne s’agit pas seulement se trouver
très théorique et peu de projets peuvent
une solution à la crise des ressources,
réellement illustrer cette idée d’architecture
en mutualisant l’énergie et les matériaux
mutable et pensée entièrement comme telle.
mis en oeuvre pour plusieurs vies au sein
d’un bâtiment, ni seulement de travailler
d’une vraie richesse pour moi. Les rencontres
au renouvellement urbain par le biais de
avec des architectes et les conférences à la
dispositifs de transformation plus savants et
Cité de l’Architecture et du Patrimoine sur
plus résilients, mais également de réinvestir
l’exposition « Un bâtiment, combien de vies
les projets d’architecture dans une économie
? » auxquelles j’ai pu assister, m’ont permises
circulaire et durable.
de ressentir l’attention et la curiosité autour de
L’architecture mutable répond à la fois
ce nouveau modèle appelé à se développer
à des enjeux écologiques, urbains, sociaux et
prochainement. Beaucoup d’architectes, et
économiques.
même
Ces dispositifs mutables ont un vrai
ont démontré un vif intérêt pour cette idée
potentiel à l’échelle urbaine. Tout comme
d’architecture « préventive », ce qui porte
pour la ville de Rochefort, la ville devient elle
à croire que la question de l’architecture
aussi souple. On peut, à l’échelle de la ville
évolutive, très présente dans les années 1970,
ou d’un quartier par exemple, faire des choix
va être reposée et donner lieu à de nouvelles
plus simples en fonction des bâtiments, des
expérimentations dans les années à venir.
L’actualité du sujet a néanmoins été
quelques
promoteurs
immobiliers,
programmes, et avoir de larges possibilités de compatibilité au fil du temps.
J’ai choisi de ne pas développer
Toute fois, nous avons pu constater que
de propos particuliers sur l’impact que
la réalisation de telles architectures dépend de
l’architecture mutable pourrait avoir sur le
l’évolution de nombreux de paramètres : des
marché de la maison individuelle. Philippe
changements radicaux dans les modalités de
ROBERT en parlait lors de notre entrevue.
financement et de réglementation des projets,
86
L’interêt peut néanmoins être grand et
proposer des réponses au fait que
l’accès
une connotation positive d’après lui. Une
la propriété est difficile pour les jeunes
architecture neutre pourrait tout à fait avoir du
couples, ou que les familles se composent, se
sens, mais son identité n’est pas pour autant
décomposent et évoluent plus fréquemment
figée.
qu’auparavant.
La question du logement évolutif
intéressante et ce n’est que par la conception
a été posée à plusieurs reprises mais c’est
d’une architecture mutable que la réponse
bien aujourd’hui que cette formule semble
pourra être donnée.
à
Cette réflexion est évidemment très
se justifier et convenir à nos typologies de la famille. La mutabilité au sein de la maison individuelle constitue un vrai sujet en soi.
C’est une thématique qui remet en
perspective toute la pratique de l’architecture et tous les acteurs de la construction, mais
Une
des
est
qui ouvre également de nouveaux horizons,
mes
encore peu visibles en école d’architecture,
recherches est celle du lien entre le mutable
sur le réemploi de matériaux notamment.
régulièrement
réflexions
apparue
qui
durant
et l’indéterminé : une architecture mutable est-elle laissée trop libre ? sans caractère ?
ou bien la mutabilité est-elle totalement
pour moi une première étape et je souhaiterais
indépendante
vivement
de
la
qualité-même
des
Ce travail de recherche représente poursuivre
espaces créés ?
mutabilité,
l’expérimentation
L’architecture mutable n’a finalement
pas de visage particulier, pas de « recette », mais
ses
mots
maîtres
pourraient
par
ma
quête
vers
la
le
biais
de
lors
de
la
conception de projets, par exemple.
être
« générosité », « neutralité », « multi-usages »…
Tous ces traits évoqués appellent à une
inévitable car ce n’est que par l’insertion
architecture simple, humble, solide, résistante,
de programmes variés que l’on prouve les
mais jamais à une architecture fantasque ou
capacités plurielles d’un bâtiment.
capricieuse.
Se
pose
ainsi
la
question
Le passage à la pratique semble
Ce travail très théorique ne demande
de
qu’à être testé, exercé, expérimenté et mis en
l’indétermination. Ce questionnement touche
oeuvre, car, finalement, ce n’est que sur le long
à la fois à l’esthétique de l’édifice mais
terme que l’on pourra observer la réussite ou
également à la qualité des espaces.
non d’une expérience d’architecture évolutive.
Lors de mon entrevue avec Jean-
Patrice CALORI, celui-ci différenciait clairement
Jusqu’à ce que sa fonctionnalité soit
démontrée, l’architecture mutable demeurera une utopie.
« indéfini » de « neutre », le second ayant
87
ANNEXES
90
PROJETS
90
LA GRAND MARE, à Rouen
99
ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, à Tours
91
92
94
JÄRNBROTT, en Suède 100
L2/5 HOUSE, au Japon
101
TOUR D2, à La Défense
102
NAKAGIN CAPSULE TOWER,
LES MARELLES, à Yerres
LOGEMENTS, à Munich
à Tokyo 95
58-66 RUE MOUZAIA, à Paris 104
96
TOUR BOIS-LE-PRÊTRE,
PARKING-SILO DE LA PLAINE, à Roubaix
à Paris 105 97
LÉCOLE D’ARCHITECTURE, à Nantes
98
32 RUE BLANCHE, à Paris
PARKING-SILO DE LA TOSSÉE, à Tourcoing
106
ÉTUDES
106
CONJUGO
(Retranscription de vidéos)
115
116
Jean-Patrice CALORI,
« Répondre aux nouveaux défis de la ville
architecte
durable : construire réversible »
123
110
INTERVIEWS
HABITAT COLONNE
Philippe ROBERT, architecte retraité
« Un procédé industrialisé pour le logement étudiant » 129
Patrick RUBIN, architecte
LA GRAND MARE, à Rouen
Ensemble de 500 logements sociaux
réalisés entre 1969 et 1972, par le groupe Jean-Philippe RAMEAU.
La
structure
préfabriquée
en
métallique
usine
puis
a
été
montée
proprement et très rapidement sur un «chantier-champignon»
(utilisation
du
procédé GEAI).
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
PROJETS D’ARCHITECTURE
Image de la structure GEAI en montage.
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
90
JÄRNBROTT, en Suède
Projet d’appartements réalisés en
1954, par l’agence TAGE & OLSSON, suite à un concours pour des logements collectifs adaptables lancé en 1952.
Les appartements peuvent être
recomposés grâce au déplacement des cloisons et des rangements intégrés.
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
Plusieurs plans possibles dans la même surface construite.
réalités », 1993-2013.
91
PROJETS D’ARCHITECTURE
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux
LES MARELLES, à Yerres
Immeubles HLM, réalisé entre 1971
et 1975, par les architectes B. KOHN et G. MAUROIS.
Le
projet
met
en
oeuvre
un
système technique de «flexibilité totale» constitué par une «structure support» , faite d’éléments industrialisés en béton, pouvant recevoir des sous-systèmes indépendants et mobiles.
Cette
structure
s’assemble
par
empilement, comme un «mecanoo», sans contreventement vertical.
Les poteaux et les gaines techniques
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
sont mutualisés.
PROJETS D’ARCHITECTURE
Exemple d’un plan d’étage de l’immeuble.
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
92
Photographie d’un élément d’assemblage au croisement de la grille.
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.
Axonométrie partielle de la grille structurelle.
réalités », 1993-2013.
93
PROJETS D’ARCHITECTURE
Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux
LES MARELLES, à Yerres
Ensemble
d’immeubles
de
logements collectifs conçus par Otto STEIDLE,
de
l’agence
Seidle+Partners
Architeckten, à Munich, en Allemagne, en 1972.
Ces immeubles ont la particularité
d’utiliser un système de structure en attente.
On peut voir sur les différentes
photographies
qu’il
n’y
a
pas
de
différenciation entre les éléments porteurs extérieurs et ceux intérieurs : la structure Source : www.gg-art.com
peut être prolongée si besoin.
Source : www.spatialagency.net
94
Source : aplust.net
Source : aplust.net
58-66 RUE MOUZAIA, Paris été
Cet
immeuble
transformé
par
de
bureaux
l’agence
a
CANAL
Architecture pour accueillir des logements.
On peut observer sur les plans ci-
contre les changements dans l’organisation spatiale interne du bâtiment.
La peau ne pouvant pas être
modifiée (car porteuse), ce sont les cloisonnements qui ont dû s’adapter à la façade. Avant transformation
Source des documents : canal-architecture.com
Croquis
des
transformation.
immeubles
avant
leur Après transformation
95
LA TOUR BOIS-LE-PRÊTRE, à Paris
La réhabiliattion de la tour bâtie
entre 1959 et 1961 par l’architecte Raymond LOPEZ, a eu lieu entre 2007 et 2011, sous la direction de l’équipe LACATON & VASSAL et de Frédéric DRUOT.
Les architectes ont choisi de ne pas
détruire la tour mais bien de l’améliorer par
Schéma de la transformation de la façade. Source : https://restance.wordpress.com
l’ajout d’une double épaisseur en façade, constituée de 2 mètres de jardin d’hier, et de 1 mètre de balcon.
L’intérieur
des
appatements
a
également été remanié suivant les besoins des
habitants
actuels.
Ceux-ci
n’ont
d’ailleurs pas eu à déménager durant les travaux grâce à un système d’appartements de réserve.
Ce
projet
démontre
la
réelle
économie possible via le choix de la transformation.
Schéma de la transformation des étages. Source : www.druot.net
La tour en 1962 , la tour rénovée dans les années 1990, l’image du projet actuel.
Source : www.darchitectures.com
96
L’ÉCOLE D’ARCHITECTURE, à Nantes
Ce bâtiment très neutre a été réalisé en
2009 par l’équipe LACATON & VASSAL. Plans des étages.
Coupes.
PROJETS D’ARCHITECTURE
Source des documents : www.explorations-architecturales.com
97
32 RUE BLANCHE, à Paris
La restructuration, réalisée entre
2010 et 2012 par Franck HAMMOUTÈNE, de ces anciens entrepôts des Galeries Lafayette construits en 1910, a bénéficié de l’emprise au sol du bâtiment existant.
On y trouve majoritairement des
bureaux, ainsi que quelques logements.
Insertion volumétrique du projet dans le paysage parisien. Source : https://www.lepoint.fr
Coupe.
Source : www.businessimmo.com
L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, à Tours
La nouvelle école des Beaux-Arts
de Tour va être prochainement implantée dans l’ancienne imprimerie MAME conçue par Bernard ZEHRFUSS, Jean DRIEU LA ROCHELLE et Jean PROUVÉ, entre 1950 et 1953.
L’agence Franklin AZZI a profité
du système très simple de la structure, fonctionnant
suivant
un
système
de
remplissage des éléments porteurs. Source : www.set.fr Source : www.franklinazzi.fr
Diverses
photographies
de
l’opération de transformation.
Source : www.franklinazzi.fr Source : www.set.fr
Source : www.set.fr
LA 2/5 HOUSE, au Japon
Cette maison est située à Hyogo,
au Japon.
Conçue en 1995, par l’architecte
japonais Shigeru BAN, elle met en oeuvre un système structurel très libre : deux «poutres suspendues habitées» et de grandes parois coulissantes en verre en rez-de-chaussée pour ouvrir totalement l’espace.
PROJETS D’ARCHITECTURE
Plan des rez-de-chaussée.
Axonométrie éclatée.
Source des documents : http://www.shigerubanarchitects.com
100
LA TOUR D2, à La Défense
Cette tour, érigée en 2014, à été
dessinée par Anthony BÉCHU et Tom SHEEHAN.
Elle met en oeuvre une double
structure : un exosquelette relié à un noyau central porteur.
Source des documents : http://www.pss-archi.eu
Axonométries de l’exostructure et du noyau porteur.
101
NAKAGIN CAPSULE TOWER, à à Tokyo, au Japon
Cette tour est un des rares manifestes
bâtis représentatif du mouvement japonais, les «Métabolistes».
Elle a été conçue en 1970 par Kisho
KUROKAWA.
Cette tour de logements a pour
particularité
d’adopter
une
structure
arborescente à capsules amovibles.
PROJETS D’ARCHITECTURE
Source : www.archinect.com
Source : www.architectureyp.blogsport.fr
102
Source : www.architectureyp.blogsport.fr
Source : www.architectureyp.blogsport.fr
PROJETS D’ARCHITECTURE
PARKING-SILO DE LA PLAINE, à Roubaix
Ce bâtiment a été construit en 2010,
par l’agence De Alzua+. C’est un projet conçu avec la prévention de sa mutation. « Au-delà de la fonction qui lui est attribuée aujourd’hui, la caractéristique de ce parking réside dans sa conception structurelle. Conçu pour être mutable en immeuble de bureaux, la structure béton est étudiée pour être redécoupée ponctuellement, recevoir des façades et un cloisonnement. (...) La mise à distance des corps de bâtiment de part et d’autre de la faille créée un espace de
PROJETS D’ARCHITECTURE
circulation confortable, et règle par la division du volume principal la question de la profondeur des plateaux, souvent problématique dans la reconversion de bâtiments d’activités de grandes dimensions. » (Source : www.dealzua.com)
Vue depuis un des niveaux de parkings.
Coupe transversale.
Plan du rez-de-chaussée.
N
Source des documents : www.dealzua.com
104
PARKING-SILO DE LA TOSSÉE, à Tourcoing
Ce
bâtiment,
conçu
par
l’agence
Plans de niveaux. TANK
Architectes, sera livré en 2015. C’est un projet conçu avec la prévention de sa mutation. « Le programme rassemble une ruche d’entreprises innovantes dans l’industrie textile et un parking silo de 450 places. Les 2 programmes sont rassemblés au sein d’une même entité où la mutabilité du parking à moyen terme en programme tertiaire est rendue possible par une structure périphérique en nid d’abeille libérant les plateaux de tous points porteurs. » (Source : http://www.tank.fr)
R+2
R+1
aménagement.
RDC
Façade sud-est.
Source des documents : www.tank.fr
105
PROJETS D’ARCHITECTURE
Deux vues du parking, avant et après
N
CONJUGO
RÉPONDRE AUX NOUVEAUX DÉFIS DE LA VILLE DURABLE : CONSTRUIRE RÉVERSIBLE
VINCI CONSTRUCTION FRANCE,
BLUE FABRIC,
CANAL ARCHITECTURE,
2015. VIDÉO DE 4’40.
« Aujourd’hui, les villes font face à de nouveaux
défis : mobilité, mixité d’usage, durabilité. Les standards de construction ont toujours été cloisonnés. Mur après mur, les systèmes bâtis (…) La société est en perpétuel mouvement, et aujourd’hui, on sait qu’un bâtiment aura plusieurs vies.
À l’échelle de la ville, l’enjeu est de taille. Pas
d’hypothèque sur l’avenir. Un bâtiment doit pouvoir, à tout moment, changer de fonction, à condition de l’avoir anticipé lors de sa conception. Construire réversible, c’est construire durable.
Pas si simple… car les habitudes dont on hérite
ont façonné des règlements, des normes, et des formats bien différents. Sécurité incendie, réseaux, fluides, structure, acoustique, accessibilité, environnement…
ÉTUDES
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
autant de paramètres à faire converger avec économie, qualité d’usage, et éco-conception.
VINCI construction France a réuni une équipe
d’experts pour répondre à ces enjeux.
Premier point : l’épaisseur.
Un bâtiment trop épais génère des pièces
sombres et mal ventilées, et un bâtiment trop étroit est moins économique.
Une épaisseur entre 12 et 15 m est une réponse
aux nouvelles exigences de qualité et d’usage : des bureaux collaboratifs éclairés et ventilés naturellement, et des appartements lumineux et traversants, pour plus de convivialité. 106
En hauteur aussi l’amélioration est possible.
Traditionnellement, de dalle à dalle, la hauteur
des étages de bureaux est grande car le faux-plafond et tout ce qu’il contient, occupent beaucoup de place.
En regroupant les fluides et en optimisant le
système constructif, on récupère de la hauteur et on économise de la matière première.
De quoi gagner un étage par rapport à un
immeuble de bureau traditionnel.
Et pour un immeuble de logements, tous les
étages deviennent nobles.
Passons aux accès et aux circulations.
Des normes de sécurité incendie très différentes,
donnent des résultats très différents. Encore des contradictions qui incitent à réfléchir autrement…
Un exemple de solution : extraire les circulations
verticales en façade : agréable, éclairé et ventilé les étages.
Ainsi, pour l’habitat, chaque logement a son
accès personnalisé : pontons ou loggias, comme une pièce en plus pour chaque appartement. Grâce à traversants.
On peut aussi aménager des micro-logements,
destinés aux jeunes ou aux séniors, voir même un hôtel.
Pour les bureaux, des petits formats sont
aménageables. Chaque unité a son accès.
Et pour les grands plateaux de bureaux, l’espace
libéré est adapté aux nouveaux usages et aux besoins de flexibilité.
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
cette configuration, de nombreux appartements sont
ÉTUDES
naturellement. Des placettes et des pontons desservent
Le système poteau-dalle, sans retombées de
poutres, favorise une multitude d’agencements et de reconversions.
La nature des dalles permet de réduire le
nombre de poteaux.
Les dalles peuvent être percées, sans reprise
structurelle, pour redistribuer les réseaux verticaux suivant les transformations.
Ce procédé VINCI construction France garantit
la réversibilité.
Le plan permet de répondre à toutes les
ÉTUDES
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
situations.
Le gabarit peut être adapté au foncier.
Et cette flexibilité vaut aussi pour les façades :
proportions, matériaux, occultation… La créativité architecturale est libre.
108
Le projet s’adapte à tous les contextes. Equation
résolue. La solution remporte le consensus.
Le bâtiment réversible répond aux nouveaux
usages, sans surcoût de construction.
Dans le futur, il sera transformé plus facilement,
qu’un bâtiment traditionnel.
Entre
construction,
fonctionnement,
et
reconversions, le coût global est très compétitif.
Les territoires, les quartiers, les usages, les
programmes, auront évolué. Et tous les éléments essentiels à la vitalité de la cité pourront trouver leur place dans un bâtiment réversible, sans devoir modifier l’ossature.
Concevoir réversible, c’est construire durable. »
-THE END-
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
Construire pour ne pas avoir à détruire.
ÉTUDES
HABITAT COLONNE
UN PROCÉDÉ INDUSTRIALISÉ POUR LE LOGEMENT ÉTUDIANT
ADIM,
VINCI CONSTRUCTION FRANCE,
RÉSIDENCES SOCIALES DE FRANCE,
GROUPE 3F,
CANAL ARCHITECTURE,
EGIS,
FÉVRIER 2013. VIDÉO DE 5’00.
« Face à la pénurie de logements étudiants, le
CNOUS a lancé un programme national de construction.
Comment atteindre ces objectifs (QUANTITÉ -
QUALITÉ - URGENCE) en traduisant la commande par une logique constructive ?
Quel est alors le système constructif le plus
adapté ? Le coffrage tunnel ? Le refend transversale ?
ÉTUDES
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
La façade porteuse ? De modules 3D ?
Le principe poteaux-dalles, rationalisé ces
dernières années par VINCI, garantit une optimisation des délais et des coûts, tout en offrant une grande flexibilité.
Ce procédé, appelé « Habitat Colonne », et
labellisé CQFD par le PUCA, tire parti des qualités propres du béton : pérennité, acoustique, inertie, résistance au feu.
110
Le principe est simple : une dalle coulée, des
poteaux disposés sur une trame de 3 par 6 mètres, et des poutres non apparentes, noyées dans le plancher béton.
Module après module, le bâtiment se déploie,
et peut même atteindre la hauteur des immeubles de nos métropoles.
Enfin, ces plateaux offrent une grande liberté
d’aménagement et d’adaptation dans l’avenir.
Fondations,
planchers,
poteaux,
cages
d’escaliers et ascenseurs : c’est le squelette du bâtiment.
ÉTUDES
Les salles d’eau, les kitchenettes et les
rangements,
sont
rassemblés
dans
des
PODs
préfabriqués et testés en usine. Ils se raccordent rapidement aux gaines techniques.
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
Puis les façades, une fois assemblées et
certifiées, sont acheminées depuis l’usine et montées à l’extérieur du bâtiment.
Constituées
de
matériaux
écologiques
et
pérennes, elles assurent une excellente isolation thermique et acoustique, et garantissent une très bonne étanchéité. Elles répondent aux exigences règlementaires, et permettent de prétendre au label Habitat et Environnement.
Grâce à l’industrialisation du procédé, les délais
sont optimisés. On économise 4 mois par rapport à un
ÉTUDES
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
chantier classique.
Regardons de plus près l’organisation des
logements étudiants.
Traditionnellement, dans un bâtiment de 15
mètres d’épaisseur, les chambres se répartissent en profondeur de part et d’autre d’un couloir central.
Mais cet agencement peut être enrichi, en
déplaçant la trame et en ramenant le bâtiment à une épaisseur traversante proche de celle d’un immeuble d’habitation. On gagne ainsi en souplesse, tout en autorisant des réversibilité futures.
112
On obtient deux types de studios de surface
égale, mais d’aménagement très différent. Observons dans le détail une situation concrète.
Dans le premier studio, orienté vers le jardin, la
lumière entre par la fenêtre de la pièce à vivre d’une superficie de 9 m2. Le second, côté rue, de même superficie, bénéficie d’une deuxième fenêtre dans la salle de bain et d’une surface à vivre plus grande.
Des équipements peuvent être ajoutés pour
renforcer le confort et la tranquillité. Mais on peut dépasser la demande du programme.
Revenons au premier studio. Le normes PMR
définissent des espaces disproportionnés par rapport au temps d’usage. Pour deux heures d’utilisation quotidiennes, l’entrée, la cuisine et le salle de bain, occupent la moitié du logement. Alors, comment optimiser ces espaces ?
La mutualisation avec le logement voisin,
pourrait permettre de gagner de précieux mètres carrés. On partage les salles d’eau et la cuisine, qui devient une véritable pièce à vivre, et les sphères privées sont plus spacieuses. Le principe peut s’appliquer à 3 logements : la
cuisine s’agrandit un peu plus, et chacun des locataires gagne des mètres carrés. Et ces trois studios peuvent être convertis, pour accueillir un chercheur et sa famille, dans un logement de 12 mètres bénéficiant d’un éclairage traversant. Ou encore, on peut mutualiser 6 logements étudiants, en créant un grande cuisine partagée et conviviale, tout en conservant une salle d’eau dans chacune des 6 chambres.
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
ÉTUDES
Tout en répondant au besoin immédiat de
logements étudiants, le procédé constructif poteauxdalles permet une grande polyvalence du bâtiment. Il laisse ainsi les portes ouvertes à de nouveaux modes de vie et d’usages : familles, personnes agrées accompagnées, jeunes travailleurs… Le plan permet de répondre à toutes les situations.
La trame peut être adaptée au foncier. Et cette
ÉTUDES
RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS
flexibilité vaut aussi pour les façades.
Selon les contextes, elles peuvent être en enduit,
en bardage bois, ou même en pierre. Et le système permet d’envisager encore bien des déclinaisons et variations, et d’éviter la monotonie.
Ainsi, en alliant le solide et le flexible dans un
procédé industrialisé, mais non uniformisé, le principe poteaux-dalles apporte une solution pérenne, fiable, et évolutive. »
-THE END-
114
INTERVIEWS RETRANSCRIPTIONS PARTIELLES
7
7
7
DE DISCUSSIONS
Jean-Patrice CALORI, architecte
Agence CAB Architectes
le 15 Juin 2015
à Paris, 10e arrondissement.
Philippe ROBERT, architecte retraité
Agence REICHEN & ROBERT
le 14 Mars 2015
à Paris, 14e arrondissement
Patrick RUBIN, architecte
Agence CANAL Architecture
le 13 Mars 2015
à Paris, 4e arrondissement
INTERVIEWS
Jean-Patrice CALORI, architecte à l’agence CAB - le 15 juin 2015 - Paris 10e -
LA CONCEPTION DU PROJET...
LA QUESTION STRUCTURELLE …
La question structurelle nous intéresse
particulièrement. Parce que, à travers ça, en
Quel est votre cheminement dans le
trouvant des solutions structurelles, et donc
processus de conception ?
spatiales, ce qui nous intéresse c’est que la
Au départ, c’est une réflexion dans
structure elle résolve plusieurs choses. Comme par exemple la façade déjà, la volumétrie, la
le site et c’est aussi de ne pas chercher à sur-
spatialité. Donc, la structure ça représente une
dessiner les choses, limiter le détail et travailler
sorte de synthèse.
plus par des assemblages d’éléments, les
dalles, les poteaux, les noyaux… C’est-à-dire
des projets dont la structure semblait être
que tout se construit de lui-même, c’est une
contrainte mais, c’est pas parce qu’une
synthèse, et après il n’y a pas de façades à
structure est avec des voiles ou avec des
dessiner.
noyaux que - elle est peut-être pas souple
(...) C’est une espèce de dispositif qui
mais elle est résistante. Et, par exemple, par
n’est pas signifiant mais qui peut marcher
des hauteurs, des dimensionnements, elle
à plusieurs échelles. Donc par exemple ce
peut permettre une réutilisation future, mais
système de la dalle et des noyaux ou des
elle est résistante. C’est-à-dire que l’idée c’est
poteaux, voilà, c’est un système qui peut
que : il va falloir s’accommoder de ça.
C’est-à-dire que, nous on a fait
fonctionner comme un dispositif à plusieurs échelles et qui se règle, qui se construit avec
une pensée, une pensée qui construit le projet.
identité très neutre.
INTERVIEWS
Mais par contre, les bâtiments ont une
Mais c’est pas : « on fait ça, puis après
on va penser à la structure, puis après on va
penser à la façade… ». Non, tout se monte
nos bâtiments ressemblaient à des parkings. Et
ensemble.
c’était très intéressant comme remarque parce
que, finalement, un parking c’est une structure
Et quand on part sur une grille, comme
Par exemple, on nous a dit souvent que
à Saclay ou dans ce concours (ZAC Meridia), la
capable.
grille elle te génère des choses. Après il y bien
sûr des couches de travail supplémentaires.
là : structure capable, parfois contraignante
Tu peux enlever des choses, tu peux faire des
et résistante, mais capable d’accepter, sans
choix, tu peux modifier…
tomber dans une perte de sens, dans le ridicule
ou le pittoresque. On peut la réinvestir avec
Après, pour être tout à fait honnête,
Et donc on pensait plutôt dans ces cas
c’est pas pour ça qu’on a envie tout de suite
d’autres programmes.
que notre projet soit modifié par l’utilisateur.
Mais, de le rendre très résistant ou avec une
une crèche en bureaux, en musée, en clinique…
structure très marquée, forcément ça empêche
D’accord il y a des refends, mais il n’y en a pas
des modifications qui feraient perdre le sens.
partout.
116
C’est déjà pas mal le fait de transformer
Les endroits où passent les fluides,
L’EXPRESSION DE LA STRUCTURE…
souvent, sont travaillés avec des systèmes de noyaux. Dans les noyaux, un peu de manière
Kahnnienne, en toute modestie, on essaye de
que la structure elle se sente aussi quand même.
comprendre que ça peut servir à passer des
éléments servants par rapport à l’espace servi,
franchissements, ou les porte-à-faux, mais
et ainsi de suite…
quand même, c’est toujours lié à des questions
de paysage.
Et au final, le but c’est d’avoir une
Ce qui nous intéresse nous aussi c’est On aime les grandes portées, ou les
structure qui résiste et qui, malgré sa force,
Et puis si elle est là la structure, à
puisse être captée d’autres fonctions.
ce moment elle est vraiment là et par sa répétitivité elle doit exprimer un dispositif qui
Après, il y a d’autres projets où, là on
est calibré sur un séjour, ou sur un chambre plus
est un peu en train de partir là dessus, sur
une pièce secondaire, une pièce humide…
des styles de structure poteaux-poutres avec
des hauteurs importantes, qui pourraient
dispositif du projet, dans ça globalité, règle la
permettre de passer du bureau au logement
façade.
et du logement au bureau.
des fenêtres, des trous dans des murs… C’est
Là on vient de rendre, par exemple,
Souvent le choix de la structure et du
L’idée c’est d’éviter d’avoir à dessiner
un concours de logements où nous avons été
toujours des assemblages de volume.
longuement en lice pour gagner. Et donc,
là vraiment on est partis sur une structure
la Trinité, on a ces noyaux qui sont à la fois
d’une grille en 3 dimensions, avec peut-être
porteurs, servants, et qui définissent des
quelques noyaux. Une grille qui, en plus,
espaces, et après on a des dalles qui sont
comme on est en zone sismique, fonctionnerait
comme des grands sols intérieurs et extérieurs.
en souplesse, en flexibilité mais de la structure
Des grand plateaux et des noyaux. Et ça ça
elle-même, et donc qui permettait vraiment
dessine un projet.
des
aménagements
et
des
Donc par exemple, à la crèche de
typologies
extrêmement variées.
Après, tous les dispositifs qui viennent
ne doivent pas contrarier ça. Par exemple
quand on met des éléments vitrés et bien
d’aborder la question, dans une structure aussi
ce sont de grands murs vitrés qui rentrent
capable, une structure très réglée, qui faisait
dans les galandages, dans les noyaux, et qui
3 x 3 mètres, mais malgré tout à l’intérieur
disparaissent. Donc après, l’été, tu ouvres
capable d’accueillir.
tout ça et tu as l’espace de la section qui s’ouvre complètement sur la terrasse qui est à
Voilà, c’est deux manières d’aborder
les choses.
l’étage et sur la cour du bas. La toiture c’est le parking. Il y a des noyaux qui sortent qui sont des noyaux de circulation et aussi des noyaux techniques. 117
INTERVIEWS
Donc voilà, ça c’est une autre manière
C’est un dispositif simple. Après il y
en triangle, et donc ce projet, en fait il était
a la matérialité, la question de la lumière,
très contraint par la forme de la parcelle et
de l’ombre de la lumière, la profondeur,
la réglementation. On pouvait se raccorder
l’épaisseur…
au niveau du sol, c’est-à-dire qu’on pouvait faire des cours, mais après on était tenus de respecter les limites.
LA
STRUCTURE
PEUT
LIBÉRER
DES
CONTRAINTES…
Donc ça générait un projet avec une
forme qui était issue de la forme de la parcelle, en plus assez contraint. Donc, là on s’est dit : la
Cette forte présence de la structure
structure elle doit nous aider à nous libérer de
dans le projet, elle est venue du fait de
la contrainte.
construire dans des terrains en pente, des
terrains biscornus, et que donc, après, on
technique, c’est un plancher alvéolaire qui
venait entrer en échos avec les ouvrages d’art
s’appelle le COLIAC, vraiment un système
qu’il y avait. Les ponts, les ponts d’autoroute,
technique.
toutes sortes de choses…
place, qui permet de franchir des grandes
Et à travers ces infrastructures ou
portées, d’économiser du béton, et donc
ces ouvrages d’art, ça stimulait l’envie de
de permettre une grande flexibilité tout en
franchissements, de portées, de réfléchir à des
ayant une présence de gros piliers écartés
éléments de franchissement, des dalles un peu
mais on franchissait 17 mètres. Donc dans ce
plus épaisses, plus chères mais avec moins de
cas là aussi, essayer d’échapper un peu à la
points porteurs. Comme pour les logements
contrainte de la forme de ces espaces, de ces
à Aise qu’on a fait il y une dizaine d’années,
géométries un peu imposées.
Donc, c’est parti sur un système
Plancher
alvéolaire
coulé
en
et bien c’était comme une poutre habitée, avec une portée de 9 m et quelques pour les logements, ça voulait dire que les dalles
L’IMMEUBLE HAUSSMANNIEN…
INTERVIEWS
elles faisaient 35 (cm), mais par contre, aucun point porteur. Donc flexibilité totale dans le
logement. Si on dit flexibilité, aller on y va,
tu as le couloir, tu as des pièces de chaque
on se paye la dalle. Et donc ça c’est pas une
coté, tu as un mur porteur d’un coté… C’est
trame de logements, 9 m.
un système qui permet d’accueillir plein de
choses.
Et quand tu l’appliques justement à
une autre trame ça libère des espaces.
Si tu prends la typologie haussmanienne,
Par exemple, nous, à Nice, on met a mis
une agence d’archi là-dedans, ça fonctionne
La structure aussi par exemple dans
très bien.
l’école maternelle de Ville-Franche, elle nous
a aidé à nous libérer de la contrainte. C’est un
prédéterminé. Mais effectivement il y a une
projet qui est fortement marqué par la forme
hauteur sous-plafond générale de 2m80-3m, il
de la parcelle en forme de fer à repasser,
y a de portées pas trop trop serrées, il y a un
118
Pourtant c’est un système qui est assez
schéma mais au fond qui peut s’adapter et tu
peux mettre pas mal de choses là-dedans.
ça définit l’identité du bâtiment.
Donc la flexibilité aussi, elle existe
C’est une succession de couches, mais Après il est tramé à l’intérieur, il y a le
second oeuvre et tout.
même par des choses déterminées. CONCOURS DE LA ZAC MERIDIA, À NICE BÂTIMENT DE L’ENSAE PARISTECH,
À SACLAY
À Saclay on s’est demandé, quand on
Est-ce que la question de la flexibilité était posée ?
Elle n’était pas posée. Nous on l’a posé.
territoire du Sud, maritime, à un projet sur un
D’abord ça nous était resté que cette
plateau tout plat avec un grand ciel et très peu
structure ait une unité de réflexion elle-même,
de contraintes, « qu’est-ce qui nous intéressait
que ce ne soit pas juste une réponse qui
de poursuivre ? ».
redécoupe le logement à l’intérieur et qui le
Et bien c’était le rapport de la structure
fige. Parce qu’on anticipait la nécessité, vu
et du paysage. Ce qu’on avait fait avant, sauf
que c’était de la promotion privée, de pouvoir
que c’était d’une manière plus générique et
garder une liberté intérieure, sans dénaturer
moins spécifique. Mais c’est ce qu’on avait
l’esprit du bâtiment.
déjà fait. On a toujours travaillé sur le rapport
d’une structure avec un sol, un paysage. Et là
les hauteurs, parce que ça nous intéressait
maintenant le sol est tout plat, donc ce n’est
par rapport à la structure. Et cette flexibilité
plus le paysage.
horizontale, on se dit que si ça peut permettre
d’accueillir d’autres types d’usages, c’est bien.
a changé de territoire, quand on est passé du
À partir de là, forcément tu vas
Après on avait un peu augmenté
dimensionner, poser la question de l’usage et donc, à partir du moment où on s’était
Pour les logements, les typologies que
dit que la structure c’était l’architecture, par
ça avait généré, cette souplesse, elles ont été
la structure on pouvait faire une écriture. On
très appréciées.
s’évitait la question des façades.
Et à Saclay c’est ça, c’est une grille
C’était assez simple à faire avec cette
trame. Il y avait des loggia très profondes,
dans tous les sens et qui définit des dispositifs
comme des pièces supplémentaires. On
de façade.
arrivait même à avoir plusieurs loggia par
Cette grille elle tient des vantelles
logement. Et puis, le séjour était de 2 trames
vitrées qui vont faire un tampon thermique,
et demi, ou 3 trames avec la cuisine… C’était
qui vont aussi servir de support à des éléments
3,50 m la trame je crois. Un sytème de 3 m de
de protection solaire. Après, derrière il y a la
haut, avec les poutres apparentes.
peau de façade. 119
INTERVIEWS
extrêmement tramée qui va et qui se retourne
C’était
vraiment
très
intéressant.
Donc il s’agissait d’avoir le plus de
Ça coûte un peu plus cher mais ça les (les
choses en béton. Parce que, d’abord ça donne
constructeurs et les commanditaires) intéresse
une matérialité intérieure, une vraie épaisseur,
parce qu’ils sont conscients que le marché du
c’est intéressant au niveau thermique, ça a
logement ou des bureaux, peut basculer en
une vraie inertie, le béton, il absorbe et puis
5-6 ans.
il évite l’effet thermos, et puis aussi ça limite
le second oeuvre. Après tout ce qui vient
Mais on a perdu pour des raisons
politiques.
entre ces murs c’est du vitrage, quelques remplissages, des choses comme ça…
SECOND OEUVRE MINIMISÉ…
Et aussi, comme on cherche toujours à
éviter la falsification des matériaux, ça permet
Minimiser le second oeuvre. Avec Marc
de dire : voilà, l’identité elle est là. À Saclay
(BOTINEAUX) et Bita (AZIMI), on était d’accord
c’est du métal. Une structure métallique.
là-dessus, limiter les matériaux au maximum.
Ça c’est vraiment depuis le début. Avoir
cet effet de bâtiment squelette, c’est un truc
Là-bas, à Saclay, il y a du métal, du verre
qui m’a toujours vraiment parlé. Des bâtiments
pour les fenêtres, parce qu’on a réussi à avoir
squelettes qui expriment leur sécheresse et en
quasiment qu’une boite vitrée, ce qui est assez
même temps leur utilité.
bien vu les contraintes qu’on a aujourd’hui. Après à l’intérieur on a beaucoup, parce qu’on
Après la règle, tu la dérègles. Parfois
a beaucoup de petits bureaux, donc beaucoup
on a surement plus de béton qu’on en aurait
de cloisons mais on a travaillé sur le type de
besoin.
cloisons, avec des matériaux particuliers, qui n’est pas peint, qui reste brut, qui est vissé. INGÉNIOSITÉ STRUCTURELLE…
À Saclay tout le second oeuvre est vissé.
Tu n’as pas à venir à la masse, tu dévisses et tu
Comment abordez-vous les
enlèves. Alors c’est vrai qu’après il faudra peut-
recherches techniques ?
INTERVIEWS
être refaire les sols, il faudra peut-être refaire les arrivées d’air neuf et des trucs, mais bon…
Disons que d’abord ça nous intéresse.
Et la charpente est boulonnée. Tu démontes et
Ensuite, Philippe Clément, du bureau
tu réutilises.
d’étude
structure
qu’on
a
maintenant,
qui s’appelle BATISERF, est un ingénieur
À Nice aussi, cette structure béton,
ingénieux de structure. C’est la structure qui
elle était même accentuée parce qu’il y a une
l’intéresse, c’est pas un ingénieur béton c’est
perte de capacité des entreprises à savoir bien
un ingénieur structure, il travaille le métal,
traiter le second oeuvre.
il travaille le béton, avec la même passion.
120
Sinon, toutes les choses qu’on a essayé
TESTER D’AUTRES PROGRAMMES…
de tester, on les a tirées de nous-mêmes et on leur a demandé éventuellement de nous aider
Avez-vous déjà essayé d’insérer d’autres
à les pousser.
programmes dans le projet durant la conception
Mais tu vois, le planché alvéolaire
pour démontrer sa flexibilité ?
COLIAC qu’on a mis à l’école maternelle, c’est parce qu’un de nos collaborateurs - aussi on a
On n’a pas vraiment le temps pendant
eu un collaborateur pendant 3 ans, qui était un
les concours.
architecte italien qui était extrêmement bon,
et qui lui aussi nous a aidé à mettre au point
pour l’école maternelle de Ville-Franche, le
des dispositifs.
projet est passé des mains de la mairie à celles
Donc aussi c’est s’entourer d’autres
d’une communauté de commune. Et le gars a
gens, architectes, qui ont de l’ingéniosité, de
dit : « oui, ce bâtiment, il faut que je puisse
l’envie, de la passion…
le mutualiser. Et donc, j’aurais besoin d’une
Par contre ce qui nous était arrivé,
médiathèque, pour l’école mais aussi pour On a plutôt l’image d’une collaboration très
la ville. J’aurais besoin de la toiture (comme
contraignante entre architectes et ingénieurs.
les toitures sont souvent accessibles dans nos
Pourquoi selon vous ?
projets) qu’elle puisse servir à la fois pour les enfants mais aussi pour du sport pour des
Ils sont dépositaires de la question
adolescents… ».
financière mais aussi ce sont des gens qui ont
l’habitude de mettre en route des solutions
phase pro., en fait on a repris le projet, on l’a
génériques. Des solutions spécifiques ça
remodifié et on l’a amené ailleurs. Donc on a
demande du calcul, ça demande de bosser.
pu réintégrer d’autres programmes dans cette
structure initiale.
Et puis aussi, quand ils ne te connaissent
pas, ils se disent « bon eux ils veulent ça, mais
Donc on est allé assez loin, dans une
C’était assez intéressant.
moment il faut savoir exprimer une volonté, et
On va dire que la temporalité, c’est
le sens, donc être convaincu et convaincant.
souvent les conditions de la longueur d’étude
Par exemple, BATISERF, lui, on va lui
qui fait que ça peut changer de condition.
dire « voilà on voudrait faire ça », lui il va nous
À partir du moment où on se repaye une
proposer : « voilà, on peut faire ça, on peut
étude, c’est peut-être toujours intéressant
faire comme ça… mais qu’est-ce que vous
d’amener…-
voulez dire exactement ? quel est le sens ? ».
peut amener que de l’intelligence au projet.
en réalité ils ne savent pas pourquoi ». À un
peut nous trouver des solutions techniques
adaptées.
donc, ça va conditionner certaines entrées,
etc., ça va rajouter de l’intensité au programme.
Et quand on n’a pas des gens aussi
bien, on fait par nous-mêmes.
Un bâtiment, il peut être mutualisé,
Donc c’est pas con. 121
INTERVIEWS
Nous on donne le sens. Après, il
Parce que tout ce qui est intelligent ne
Ça va conditionner l’architecture elle-
même d’un coté intelligent.
Il avait fait aussi un bloc de bâtiments
de bureaux avec une structure poteauxchampignon. De ce qu’on en voit ça pourrait être un parking, ça pourrait être des bureaux,
LA FLEXIBILITÉ C’EST LA RÉHABILITATION…
ça pourrait être une usine.
Mais il faut savoir quand même que, la
flexibilité c’est la réhabilitation. Ça ne peut pas
Et ça, cette image-là elle était très
forte parce que, voilà, ça pouvait être plein de choses.
être le changement.
Parce qu’en réalité, quand tu fais des
bureaux ou des grandes salles ou de petites
C’est ça aussi : un bâtiment qui reste
neutre, annonce une structure claire mais qui peut se transformer en pas mal de trucs.
salles, etc, tu as toute l’aéraulique qui est calibrée pour les volumes des bureaux. Tu as le
Mais quand je dis la neutralité, c’est la
sol qui va faire que quand tu vas devoir enlever
non définition. Nous, nos projets, quand on les
ta cloison tu vas devoir refaire tout le sol, tu vas
voit, on ne peut pas savoir ce que c’est.
avoir le chauffage qui ne correspond plus…
C’est-à-dire que, nous on pense donner
du sens aux choses mais on n’en donne pas
En réalité, il y a toujours des choses
une signification figée. Et c’est très positif.
à changer. Donc on est vraiment après dans un sytème de réhabilitation, de changement
Ça, justement, dans le sens de la
d’affectation, etc…
mutabilité, donc on va dire d’être durable, ça c’est une manière de répondre.
NEUTRALITÉ D’ÉCRITURE…
C’est répondre par des dispositifs.
Et ces dispositifs par exemple de protection solaire, ils peuvent à un moment, eux,
Pour revenir à l’idée du parking, il y
avait un dessin de Mies van der Rohe, dans
disparaitre et il ne restera que la structure.
Ça c’est intéressant.
les années 1920, il avait fait plusieurs projets, notamment, il n’avait pas eu de boulot, il a
INTERVIEWS
réfléchi à des trucs et il a avait fait des bâtiments en verre. Il y a fait des très beaux dessins au fusain où on voit les bâtiments sculptés en -THE END-
verre.
Ce sont des bâtiments : est-ce du
logement ? est-ce du bureau ? on ne sait pas trop.
122
Philippe ROBERT, architecte retraité (Reichen & Robert)
- le 14 mars 2015 - Paris 14e -
acceptant que le logement ne soit pas selon les normes dont je vous parlais tout à l’heure.
L’OBSTACLE CULTUREL…
Donc
ça
c’était
un
changement
Avez-vous eu des obstacles récurrents lors de
culturel, puisqu’il a fallu plusieurs années pour
projets de réhabilitation ?
faire accepter que des logements soient plus
Le principal obstacle qu’on a trouvé,
grands, bien que pour le même prix (même ça, ils disaient « mais comment vous y arrivez
c’est la culture d’un programme très précis et
? », ils étaient étonnés…), que les logements
le manque de flexibilité de la part des maitres
aient de plus grandes hauteurs sous plafond,
d’ouvrages.
et soient d’une profondeur plus grande, puisqu’il y a toujours moyen d‘utiliser le parties
Pour eux, notamment si on parle
sombres dans les logements, comme dans les
d’habitat social, à la grande époque du début
appartements haussmanniens par exemple,
des
les
à Paris… Et que d’autre part, l’esthétique
années 70-80, notamment dans de filatures,
industrielle soit acceptable pour les personnes
et bien pour les maîtres d’ouvrages HLM, un
qui habitent dans les appartements.
usines
transformées,
c’est-à-dire
logement c’était une certaine surface, une certaine hauteur, une certaine profondeur…
correspondant
de
les premiers à le faire, après on a été suivis par
construction liée à ce qu’on appelait le
énormément de gens. Mais au début c’est ça
« chemin de grue ».
qu’il a fallu vraiment bien gérer.
à
une
technologie
Et le résultat, vous le connaissez, c’est
Bernard Reichen et moi, on a été parmi
Moi j’arrivais des États-Unis, où, à la
toutes ces barres, toutes les banlieues des
suite de l’invention des containers, on avait
villes françaises, et qui sont de véritables
donc abandonné des immeubles entrepôts
catastrophes à tous points de vue, notamment
et on les avait transformés. Donc je savais
puisqu’on a optimisé le coffrage tunnel qui fait
que c’était possible. Et j’avais de très bons
qu’on a des logements séparés par des murs
arguments, des photos, des éléments de coût,
en béton qui sont vraiment inamovibles.
etc… Et c’est ça qui a pu déclencher cette vague ensuite.
Donc, la grande chance que nous avons
Ça a commencé très très doucement,
ça a mis 10 ou 15 ans, à peu près.
l’avons fait, pour l’usine Le Blan dont vous en avez peut-être entendu parler, une personne
En
soit
ce
n’est
pratiquement
chargée des HLMs de Lille, avec le maire de
qu’aujourd’hui qu’il a été admis qu’on peut
Lille, le premier qui a compris que toutes les
habiter dans une usine, si je peux dire.
filatures qui étaient à sa disposition, puisqu’il y a eu un effondrement de l’activité textile, pouvaient être transformées en logements, en
123
INTERVIEWS
eu, c’est de trouver, la première fois que nous
LA MAISON INDIVIDUELLE…
Et il me semble vraiment très très facile
de faire d’une maison individuelle qui doit
Aujourd’hui, il y a malheureusement
faire environ, mettons 150 m2 en moyenne,
un marché très très important de maisons
de pouvoir faire deux unités de 2 x 75 m2 par
individuelles.
exemple, pour un couple de personnes âgées,
Ces maisons individuelles elles sont
ou avec un enfant, ou bien un jeune couple
achetées par des gens, en général, assez
avec un enfant… C’est quand même une
modestes. Ils l’achètent dans une période,
chose hyper facile.
entre 25 et 35 ans ou 25 et 40 ans. Et donc ils ont des enfants jeunes. Ils vont vivre dedans,
mettons, une dizaine d’années. Ensuite, vers
faire les démonstrations qu’il y a un surcout,
16 et 20 ans, leurs 2-3 enfants quittent la
effectivement, de X, mais sur le long terme il
maison. Cette petite maison de banlieue se
est évident que ce surcout est une économie
retrouve trop grande.
considérable dans le marché de l’immobilier.
Parce que ça joue aussi sur les terrains, sur les
Et c’est vraiment une catastrophe parce
Alors, sur le plan financier, on peut
que c’est un volume trop grand à chauffer, il n’y
réseaux…
a aucune transformation possible parce que
les chambres sont fixes en maçonnerie, etc…
avez 100 m d’assainissement, électricité, eau
On ne peut pas non plus les faire utiliser par
et téléphone, si c’est partagé par 10 personnes
d’autres personnes, soit des jeunes couples
c’est moins intéressant que si c’est partagé par
soit des personnes âgées, parce qu’il y a une
20 personnes.
entrée commune…
Voyez, une maison individuelle, type
c’est ça, ce sont ces linéaires considérables
lotissement bien français qu’on voit partout,
de réseaux et de voiries, qui ne sont pas
c’est quelque chose qui est conçu pour un
rentabilisés par une densité suffisante.
couple de 2,5 enfants, avec une voiture, un petit
jardin, etc… Et c’est totalement figé, sur tous
logement soit conçu pour, par exemple, 200
les plans parce que tout est en maçonnerie.
petites unités, et qu’on les construise au début
pour 100 plus grandes unités.
Je fais évidemment une exception
Par exemple en réseaux, quand vous
Ce qui coûte cher dans les lotissements
On peut très bien exiger qu’un
pour les maisons en bois, mais ça représente
INTERVIEWS
2-3 %…
Et donc je pense que tout ce marché
CONCEVOIR À L’ENVERS…
de la maison individuelle, qui échappe malheureusement aux architectes, devrait
être totalement revu pour que l’on exige, et
à prendre à la construction pour pouvoir faire
donc pour moi c’est au niveau du permis de
des choses après.
construire, qu’on fasse la démonstration, que
ces maisons pourront un jour être transformées
sur les matériaux, sur les ouvertures, sur les
sans difficultés.
profondeurs, sur les moyens de circulation…
124
Il y a un certain nombre de précautions
Ça joue sur : les dimensionnements,
On va peut-être commencer à l’envers.
Si on me demande de construire un
LA MUTABILITÉ DE GRANDS ÉDIFICES… Peut-on concevoir de grands bâtiments tels
immeuble de bureaux, je ne suivrai pas, ou je
des halles d’exposition de façon mutable ?
tenterai de convaincre mon promoteur, de ne pas suivre les règles du bureau pures et dures,
C’est vrai que le cas des halles est
en terme de profondeur, hauteur, trame, etc.
plus difficile. D’autant plus que les halles
Et j’étudierai plutôt, un immeuble,
contemporaines pour faire des expositions,
par exemple d’appartements, qui dans un
comme au parc des expositions à Paris, ce
premier temps est utilisé en bureaux, et dans
sont des éléments gigantesques, construits de
un deuxième temps, moyennant quelques
façon très très légère sans isolation…
éléments rapides et pas chers à faire, pour les transformer en bureaux.
Je pense que là aussi il faut raisonner
dans le futur.
Vous voyez, on peut étudier la chose
Si on a besoin de grands espaces pour
dans l’autre sens.C’est le chemin inverse : on
des halls d’exposition il faut les faire dès le
étudie le programme futur, pour ne faire que
début avec des possibilités de fractionnement
la première partie.
par niveaux, éviter de faire des grandes surfaces sans poteaux, et plutôt accepter qu’il
Ce raisonnement doit pouvoir se faire
pour d’autres équipements.
y ait des poteaux, pour pouvoir le fractionner et surtout faire des étages, et en matériaux pérennes.
Si je reprends l’exemple du lotissement,
un petit lotissement de 500 logements dans la grande banlieue parisienne, ça veut dire
LA PÉRENNITÉ ET INVESTISSEMENT…
que, comme il y a une population d’enfants très importante, il y a une maternelle. C’est
(exemple des immeubles haussmanniens)
maternelle ?
Sur le plan des matériaux, le fait de
mettre plus d’argent dans la qualité des
enfants grandissent : qu’est-ce qu’on fait de la On a parlé des maisons, mais on peut
matériaux, c’est une économie. Ce n’est pas
une dépense.
Donc il faut l’étudier pour faire autre
chose. Soit une école primaire, soit une
bibliothèque… de quoi les gens auront besoin
qu’en additionnant les coûts, et ne se rendent
après… Ou une maison de personnes âgées,
pas compte des horreurs qu’ils font.
Alors, tous les promoteurs ne raisonnent
ou je ne sais quoi…
Quand, je prends toujours l’exemple
des
immeubles
haussmaniens,
19e
siècle,
construit
on
les
donc
fin
immeubles 125
INTERVIEWS
se dire aussi « que faire de la maternelle ? ».
haussmaniens
en
dépensant
beaucoup
Une chose très importante également :
d’argent, en mettant des murs porteurs épais,
la reconversion utilise une main d’oeuvre
des parois internes épaisses, des grandes
qualifiée. C’est-à-dire des vrais maçons, des
hauteurs sous plafond, de la décoration,
plombiers, des électriciens, etc.
et vraiment de très très beaux matériaux, puisqu’à l’époque il y avait de l’argent et on ne
savait pas faire autrement, parce qu’il n’y avait
qu’on pourra démontrer dans cette idée de
pas de plastique, d’acier, pas de bardage, etc…
conception préconçue de la flexibilité future,
il faut arriver à convaincre que c’est aussi un
Donc parce qu’ils sont très bien
construits,
aujourd’hui,
les
immeubles
haussmanniens, tels que ceux qu’on voit, simplement,
dans
tout
Paris,
ont
Donc il faut savoir que tout ce
surcout aujourd’hui pour une économie plus tard.
été
reconvertis des dizaines de fois.
Ils ont été d’abord de immeubles
bourgeois, quand ils ont été construits, ensuite
DÉMONSTRATION DE LA FLEXIBILITÉ LORS DU PERMIS DE CONSTRUIRE…
ils ont été des bureaux, ensuite, aujourd’hui, ils sont à la fois appartements, bureaux,
Finalement, nous, la plupart de notre
professions libérales, parfois des boutiques en
travail d‘architecte chez Reichen & Robert,
étages, les rez-de-chaussée sont utilisés…
ça a été des reconversions, ça a été des équipements publics, ça a été des musées, des
On ne connait pas un produit aussi
hôpitaux, etc…
flexible que l’immeuble haussmannien. Et
ça c’est grâce, un peu à la typologie, mais
dans ma carrière, l’occasion de faire cette
beaucoup à la qualité de la construction.
démonstration. J’y ai souvent pensé.
INTERVIEWS
C’est vrai que je n’ai jamais eu,
Maintenant, avec le développement
En gros, ça veut dire qu’il faudrait que
fulgurant de la reconversion, l’exposition à la
nous, les architectes, on milite pour refuser de
Cité (de l’architecture), etc… je me suis reposé
construire bon marché, si je peux dire. Parce
la question.
qu’on est enfermés dans des prix plafonds,
des normes, toutes sortes de contraintes, qui
quand j’ai dit (lors de la conférence du 16
poussent à faire des choses qu’on ne peut pas
mars 2015) qu’il fallait que ce soit au niveau du
transformer, qu’on ne peut pas réutiliser.
permis de construire.
Ça a été un peu mal pris, d’ailleurs,
Les architectes ce sont dit « ça va nous
La réutilisation c’est vraiment une
faire une nouvelle contrainte » et pourtant,
attitude écologique, efficace pour faire des
je suis convaincu que si on ne l’exige pas de
économies et surtout pour utiliser moins
façon formelle, ça ne se fera jamais.
de matériaux, ce qui veut dire moins de déplacements, moins de traffic.
Il y a tellement de choses mineures,
mais qui sont quand même très difficiles à 126
réaliser dans un permis de construire, qu’on
Toutes sortes d’arguments stupides,
peut très bien rajouter ça.
mais quand on voit la Suisse, et notamment à Genève, il y a énormément, peut-être 50 % des
Par exemple, je crois qu’il faut, d’après
immeubles récents, qui sont mixtes bureaux-
les dernières normes, que tout logement
logements.
et tout bureau, soit adaptable au fauteuil
handicapé maximum. Donc c’est une énorme
appartement, avec des terrasses à cause des
contrainte. Ce que je veux dire c’est que cette
retraits, au dessus d’un immeuble de bureau.
contrainte là est beaucoup beaucoup plus
Et ça se passe vraiment très très bien. Il y a
importante que celle dont on parle, d’ajouter
des codes dans l’ascenseur pour les bureaux.
un petit pourcentage pour avoir une hauteur
Donc les 4 étages de bureaux ont des codes,
plus grande ou un mur plus épais.
et puis au dessus c’est des appartements, et
Et ma propre fille habite dans un grand
puis voilà.
Mais ce qu’il faudra, je pense, c’est
pas tellement convaincre les architectes, les
architectes seront faciles à convaincre, mais
un tout petit peu, c’est que les Suisses, en
c’est plutôt les maîtres d’ouvrage et puis l’Etat.
majorité, ne possèdent pas leur appartement
C’est-à-dire les ministères et les différents
en ville ; parce qu’il y a un système de location
organismes, qui formulent les règles de
très très poussé. Et donc les promoteurs, qui
construction, qui sont très très très en retard
sont souvent des banques ou des assurances,
sur tout ça.
possèdent des immeubles, mixtes donc,
bureaux-logements, et les donnent en location.
C’est un vrai sujet. Moi je trouve ça
passionnant.
Ce qui se passe en Suisse, qui aide
Les familles suisses acceptent ça tout
à fait, par contre ils possèdent leur chalet, ou leur villa sur la Côte d’Azur, ou en Grèce, ou je MIXITÉ PROGRAMMATIQUE ET MOBILITÉ
ne sais où.
DES USAGES…
Les chalets sont privés, mais les
appartements sont en location, ce qui leur
Une autre de mes frustrations, c’est le
donne une très grande flexibilité vis-à-vis de
fait, qu’en France, dans le marché, on ne peut
l’accès aux écoles et aux universités pour les
pas faire des bureaux et des logements au
enfants, rapprochement du lieu de travail…
fait pas.
En France, je pense que c’est une
Parce que les gens des bureaux
grosse erreur de posséder, par copropriété,
disent « il faut absolument qu’on possède
son logement par ce que quand on change
l’immeuble, c’est notre image de marque,
de boulot, on est souvent coincés. Le résultat
etc… ». Les gens des logements disent « on
c’est que les gens passent leur vie en métro,
ne va pas croiser dans l’ascenseur des gens qui
parce qu’ils ont acheté une copropriété à tel
vont travailler… ».
endroit, et qu’ils travaillent dans une autre. 127
INTERVIEWS
dessus. J’ai essayé toute ma carrière ; ça ne se
Donc, tout ça c’est un peu dans la lignée
Je pense qu’il y a une façon de
de tout ce qu’on disait, de cette capacité de
s’exprimer par la vérité des matériaux et une
partager, d’être ouvert à l’imagination, et à
certaine modestie, qui devrait être le propre
trouver des solutions qui ne soient pas figées
de l’architecte.
sur des produits monolithes.
LA
QUESTION
DE
LA
QUALITÉ
ARCHITECTURALE :
Ça c’est mon attitude à moi.
C’est aussi la force des architectes
scandinaves et des architectes suisses. Il n’y a pas ce côté « moi, moi ».
MUTABLE = INDÉTERMINÉ ?
Oui et non.
Quand on visite des villes en Suisse on
s’aperçoit que c’est une très belle architecture mais il n’y a pas de choses qui sortent du lot.
Je dirais que la qualité architecturale
c’est pas celle qui fait plaisir aux photographes
Tout est bon, élégant, propre, ça vieillit
bien…
ou aux lecteurs d’une revue.
La
qualité
architecturale
c’est,
justement, l’honnêteté des matériaux, cette capacité à s’adapter, le respect des besoins des usagers, le confort à l’intérieur… C’est -THE END-
plein de choses.
Le problème c’est qu’il y a un tel
engouement aujourd’hui pour l’architecture et surtout pour les formes architecturales issues de certains architectes, Gehry pour ne pas nommer, qu’on est un peu coincés.
Pour moi, l’architecture scandinave
INTERVIEWS
est vraiment le modèle, suivie de près par l’architecture suisse, et les choses que
je
respecte dans l’architecture de ces pays, notamment en Suisse pour l’habitat social, ce sont des choses très très neutres, très répétitives… Mais dont on sent qu’elles sont conçues avec beaucoup d’honnêteté, très surdimmensionées, très confortables… Et avec une très grande flexibilité. 128
Patrick RUBIN, architecte de l’agence CANAL Architecture
- le 13 mars 2015 - Paris 4e -
LEÇONS DE LA RÉHABILITATION…
quoi ? Ça veut dire qu’il n’y a pas de poteaux, qu’il y a des poutres qui font 70 cm…
Nous, CANAL, on est nés, au départ,
Vous prenez la chocolaterie Poulain…
C’est cadeau.
de projets de réhabilitation.
Quand on travaille sur la réhabilitation,
poteaux. Ce sont des poteaux champignons,
on arrive dans un lieu, si c’est poteaux-poutres
qui innervent un ferraillage dans le plancher,
par exemple, c’est génial. Quand il y a des
pour porter lourd, les machineries qu’il y avait
refends c’est plus compliqué.
pour fabriquer le chocolat, très haut de plafond...
Donc on a une connaissance intérieure
des bâtiments, peut-être plus aiguisée que
Il y a une trame de, je crois, 7,50 m entre
Vous êtes donc très bien servis par le
bâtiment.
des architectes qui construisent tout de suite en neuf. Donc on sait à l’avance ce qu’il faut
Déjà
deux
faire et pas faire, parce qu’on est nourris de la
d’ingénieurs
réhabilitation.
Parce que le garage et le bâtiment de la
et
exemples non
pas
de
travaux
d’architectes.
chocolaterie, ce sont des ingénieurs qui ont
Par exemple, souvent le problème
fait ça. De bons ingénieurs.
quand vous réhabilitez, c’est comment on va taper sur la peau.
silos de Chaumont. C’est une trame 4 x 4 m.
Il y a des bâtiment plus durs à réhabiliter
Troisième exemple : vous prenez les
que d‘autres. Mais enfin, très simplement dit : il
vaut mieux faire poteaux-poutres, ou poteaux-
on a découvert le bâtiment avant le concours,
dalles. Pas de refends.
on s’est dit « il faut casser tous les poteaux ».
Quand on fait de la réhabilitation, on
Je me souviens quand avec mon frère
Quelle bêtise ! On a quand même
est très contents de trouver des bâtiments qui
gagné.
sont intelligemment construits en structure, et
en général, c’est pas le refend.
les poteaux, pour une bibliothèque, c’est
formidable parce que ça fait qu’on peut aligner
Regardez les grands lofts, les grandes
usines, c’étaient des plans libres.
les bibliothèques.
Donc on peut apprendre en regardant
Quand vous rentrez dans le lieu,
vous n’êtes absolument pas gêné par ces poteaux qui scandent l’espace, qui ordonnent l’organisation des salles de lecture, et vous
Vous dîtes « qu’est-ce qui fait qu’un
avez l’impression d’un espace fluide.
garage puisse accueillir 300 journalistes ? ».
Un garage, destiné à des bagnoles, avec des
bête, que nous avions eu, c’est de dire « il y a
poutres qui descendent presque à deux mètres
beaucoup trop de poteaux ». Pourquoi ? Parce
pour qu’il n’y ait pas de poteau au centre…
qu’on se dit qu’il n’y a pas mieux qu’un plan
libre.
Regardez bien Libération. Ça veut dire
Alors que, le premier réflexe, un peu
129
INTERVIEWS
des bonnes opérations de réhabilitation.
D’abord on a gardé les silos. Et
Donc chaque fois les choses se
sur le neuf assez tardivement, donc on était
revisitent.
assez innocents ; et on s’est interrogés sur les
systèmes constructifs.
Pour résumer, dans la question de la
transformation des lieux, j’ai toujours pensé qu’il y a un génie des lieux.
a été un peintre, un décorateur, un maçon…
À vous de le trouver.
L’architecte c’était le maçon. L’architecte
Aujourd’hui un architecte c’est un savant qui doit tout connaître… ça devient compliqué. L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE
Mais, avant tout, pour les cathédrales,
c’était un travail de maçon ! Donc c’est le
Après, et vous êtes bien placée pour le
système constructif qui fait tout. C’est pas la
savoir, moi aussi parce que je suis enseignant,
façade, c’est pas ce que vous voyez dans les
la France, dans ses écoles d’architectures, n’a
revues assez souvent…
pas privilégié le système constructif. Donc, il y a des générations qui ont fait de l’architecture,
comme ça, en se laissant un peu faire par les
mode constructif. C’est l’intelligence.
entreprises. Les entreprises, elles avaient des
modèles de construction économiques.
à-dire que, à un moment, si on maitrise bien
ces outils, on les pousse à l’extrême.
Maintenant les architectes commencent
Donc ce qui préside à tout c’est le Et alors, après, ça n’est pas tout. C’est-
à se poser des questions : poteaux-poutres ? refends ? dalles ? Les Hollandais, par exemple, ne jurent que par les refends, alors que ce sont
UN SYSTEME CONSTRUCTIF PLURIEL…
des très bons les Hollandais…
INTERVIEWS
Mais qui fait la politique constructive ?
Quand on a fait notre recherche sur le
C’est l’entreprise, pas l’architecte. À part Jean
logement étudiant (« Le logement étudiant
Prouvé qui travaille avec des architectes en
n’est-il qu’un produit ? ») on était arrivés à
espèce d’intelligence.
l’idée qu’il n’y avait pas de logements affectés
aux étudiants.
Mais quand vous passez un appel
d’offre, regardez bien dans les agences, tous
Personne n’a dit qu’il y avait un type de
les gens qui défilent, ils ont un ingénieur
logement qui pouvait recevoir des étudiants.
structure pour les aider.
D’autant plus qu’on les reçoit en solitaire alors
C’est-à-dire qu’il y a une espèce
on se demande pourquoi ce serait pas comme
de culture qui est beaucoup plus du côté
en coloc, ou en auberge espagnole… Vous
ingénieur-entreprise que du côté architecte.
voyez, toutes ces questions… Pourquoi c’est pas comme ça ? Mais on a des réponses.
Et, peut-être que par plaisir de la
À partir d’un moment on a pensé qu’il
technique, par plaisir de cette science du
fallait construire réversible, et pour construire
matériaux, c’est vrai qu’à CANAL on s’est
réversible, il fallait un système constructif
interrogés. D’autant plus qu’on a travaillé
intelligent.
130
Par exemple, si on fait des refends, ce
ne sera jamais réversible.
Puis vous avez déjà trop de règles. Et
des règles qui ne se conjuguent pas pour le bureau et le logement. Et elles ne peuvent pas
C’est un système de construction qui
être combinées.
permettait tout simplement de fabriquer de l’habitat qui pouvait être destiné aux malades,
Pour faire une règle, c’est extrêmement
aux jeunes, aux vieux…C’est égal.
long.
Il
quinquennats. Vous avez une politique qui
Donc on est plutôt partisans d’un
faut
un
quinquennat
ou
deux
système construit qui permet de bâtir.
a le lobby du bâtiment, qui est extrêmement
compliquée.
Ce sont des demeures, et puis aussi ça
devient des bureaux…
C’est évident tout ça. Et tout le monde
Ce qu’il faut faire, c’est prendre les
règles et faire avec.
en ce moment réfléchit à ça.
1. LES ISSUES DE SECOURS…
Par exemple, dans du logement, vous
MARIER LES CONTRAINTES…
On a fait un petit film autour de ça (cf.
devez parcourir 15 m en sortant de votre porte
CONJUGO en annexe).
palière pour trouver l’autre porte qui vous
emmène dans l’escalier pour vous sauver.
On l’a jamais prouvé, mais sur le papier,
en théorie, ça fonctionne, et on arrive à faire se
rejoindre tous les contraires.
établissements recevant du public, dans touts
Dans
les
bureaux,
dans
les
ces lieux là, c’est énorme, il y a beaucoup de
C’est-à-dire que, tout ce qui fait
monde, donc il y a deux escaliers. Si l’un a un
qu’aujourd’hui vous avez des gens qui font
problème, on va vers l’autre. Des fois il y a un
du bureaux, vous avez des gens qui font du
problème au milieu, et chacun peut aller d’un
logement, et c’est pas les mêmes. Et quand
côté.
on mixe tout ceci on se dit « ah mais ça marche
pas, ils ne peuvent pas s’épouser ».
pas.
En même temps vous voyez bien que
Déjà ces deux règles ne fonctionnent
quand on réhabilite des lieux, y en a qui s’y
C’est pas le feu qui vous tue, c’est la fumée.
prêtent bien, d’autres qui s’y prêtent moins
Donc ça veut dire que quand il (l’escalier) est
bien... On fait des trames et des résilles, puis à
traditionnellement placé au centre du bâti, ce
partir de là ce sont des volumes dans lesquels
n’est pas génial.
vous pouvez rentrer, déformer…
Au
départ
il
faut
un
système
extrêmement bien réglé et qui puisse répondre
Il n’y avait qu’une chose à faire c’est
deplacer l’escalier dehors, et non plus dedans.
autant à de l’activité qu’à de l’habitat.
131
INTERVIEWS
En plus un escalier doit être désenfumé.
Parce que si vous le placez dehors, il
Pourquoi ? Parce qu’un plancher bois
est toujours désenfumé donc vous n’avez plus
ne fait pas 20 cm. Il va faire 30 ou 40 cm,
le problème du feu.
suivant les profilés. Il n’a pas la constitution
structurelle, qu’a le béton à même épaisseur.
Et, par un système assez malin : la
distance que vous devez parcourir, elle est de 15 m dans le logement, et là les deux escaliers
Donc, disons 3,50 m dans les bureaux,
doivent être à 40m l’un de l’autre, donc
2,50 m dans les logements.
comme ça vous êtes à 20 m d’une sortie. On
en met deux et vous êtes toujours à 15 m de la
pour le PLU. 3,50 parce que, il a été dit à un
dernière porte, de bureau ou de logement.
moment, dans les années 60 - 70, que quand
Pourquoi ? 2,50 je vous ai expliqué
on faisait du bureau, il fallait avoir de l’air climatisé, des réseaux… et donc on a inventé 2. LES HAUTEURS
SOUS-PLAFOND…
le faux-plafond. On a même inventé le fauxplancher.
Donc, on se dit 3,50 m. Je vais perdre
Il est dit traditionnellement, que dans
50 cm en haut… je vais perdre du faux-
les bureaux ont est très haut, et dans les
plancher… Tout ça a été fait pour faire vendre
logements on est à 2,50 m .
du faux-plafond et du faux-plancher.
2,50, ça a été réfléchi, pour faire 2,50,
Et au final vous vivez dans un bureau,
5, 10, 15… et on va tomber sur une hauteur
une fois que vous avez le faux-plafond et le
qui va correspondre à un PLU d’une ville si on
faux-plancher, vous vivez dans 2,80 à peu près.
met en plus un peu de toiture…
Tout a été réglé là dessus.
Donc la production qui est possible,
Si jamais vous mettez 3 m, vous perdez
c’est que, vous avez 3,50 et 2,50, c’est de faire
un étage. Vous avez le droit de faire du
ça : si je descend un peu et si je monte un peu :
logement à 3 m. Mais si vous perdez un étage
2,70 m.
vous perdez de l’économie, de l’argent, de la surface à vendre…
Un promoteur qui s’occupe de coûts
3. L’ÉPAISSEUR DES BÂTIMENTS…
Si je résout le problème de la hauteur, si
INTERVIEWS
privés, il ne fait pas ça…
Ce que j’ai appris, c’est que si on
je résous le problème des escaliers de secours,
construit en bois, on a le droit de crever le
j’ai donc deux points résolus ; le troisième
plafond du PLU.
point c’est l’épaisseur du bâtiment.
Pourquoi ? Parce que en bois, vous êtes
favorable au système écologique, puisque
vous captez du carbone et comme vous faites
décidé que ça faisait 18 m de large, parce que
une bonne action en construisant en bois, on
dans les bureaux : bureaux - bureaux - deux
vous autorise à monter un peu plus haut.
allées, au milieu des allées vous avez les salles
132
Par exemple, dans les bureaux, on avait
de réunion, les sanitaires, les escaliers. Ce
qui n’a pas besoin de lumière naturelle est au
appelé des architectes, tout le monde a réfléchi
centre de l’épaisseur du bâtiment.
et on était assez d’accord. Mais j’étais vraiment
Après, sur le logement on a dit 15
surpris de voir que, des gens assez bornés
m. Parce que 15 m ça permet de faire un
quand même, dans les entreprises, mais ils ne
couloir au centre, éventuellement de faire des
le sont pas tous, étaient capables d’accepter
éléments porteurs, et puis sur les côtés de faire
qu’un bâtiment fasse 13,50 m… d’accepter
des logements.
qu’un bâtiment fasse 2,70m de hauteur…
Qu’est-ce qui a changé ?
Les logements, on veut les faire
traversants
aujourd’hui.
On
VINCI a payé pour l’étude et ils ont
À chaque fois que vous perdez 20 cm,
c’est 20cm de plus de peinture, de matière… fait
pas
du
On fait des projets, les projets sont
traversant sur 15 m. On fait du traversant sur
toujours sur la règle d’avant.
12 - 13 m. On fait pas des traversants sur 18 m.
« mais ça pourrait pas évoluer ? ». Les maîtres
On ne fait plus de salles de réunion au
On dit à nos maîtres d’ouvrages
milieu. Comme on n’arrête pas de se réunir on
d’ouvrage disent « c’est compliqué ».
fait des salles de réunion qui sont à la lumière.
On n’a pas envie de passer 8h en ne sachant pas
théoriquement sur des solutions.
Et
nous,
à
côté,
on
avance
s’il fait beau, s’il pleut, au centre du bâtiment.
Donc maintenant, le 15 m et le 18 m
deviennent 13,50 m. Tous les standards sont
On n’est pas les seuls.
On mène, c’est vrai, ici, une recherche
permanente théorique.
en train de se rassembler.
Ça marche. Après c’est une question
de volonté. OBSTACLE CULTUREL…
Regardez le tri sélectif… Il a fallu faire
un peu d’effort, et aujourd’hui vous prenez ma
Donc on a rencontré VINCI, et on a
fille, 15 ans, elle ne sait même pas qu’avant on
fait un concours avec VINCI pour faire des
mettait tout dans une même boite.
résidences étudiantes. On a réussi à faire des
résidences étudiantes mais on n’a toujours pas
ce qu’on appelle le progrès.
Je crois que c’est des évolutions. C’est
INTERVIEWS
réussi à les faire en colocation, en mutualisant les services…
Après ils (VINCI) sont revenus nous voir,
en nous disant « mais vous qui réfléchissez à tout ça, est-ce que ça ne vous intéresserait pas, vous parlez du logement réversible, d’aller un
-THE END-
peu plus loin dans votre réflexion? ». Et on a fait l’étude CONJUGO. 133
BIBLIOGRAPHIE LIVRES
• COLLECTIF, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou/Centre de Création Industrielle. • COLLECTIF, « Créer dans le créer - L’architecture contemporaine dans les anciens bâtiments », 1979, Ed. Electra Moniteur / Icomos France. •COLLECTIF, « Reconvertir le patrimoine », Cahiers Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits. • ARNAUD Françoise, « Réutiliser le patrimoine architectural », tome 1, 1978, Ed. de la Caisse Nationale des monuments historiques et des sites.
• «Et si on arrêtait de démolir pour construire !», article du Petit journal de la cité de l’architecture, AMC, Novembre 2014. • GILLI Frédéric, « Peut-on produire une ville durable ? », 2010, Habitat et société, n°60, pp. 62-69. • LEFAIVRE Liane et TRONIS Alexandre, « Architecture en réseau et minimalisme cartésien », avril 2000, Architecture d’aujourd’hui, n°327, pp. 54-58. • RAMBERT Francis, « Ancien/Contemporain : entre greffe et clonage », 1999, D’Architectures, n°96, p. 26.
• COOK Peter, « Architecture : action and plan », 1967, Ed. Littlehampton Book Services Ltd, Anglais.
• YEDID Adam, « Connaître pour créer », DATE, Techniques et architecture, n°475, pp. 86-91.
• CHOAY Françoise, « Le patrimoine en questions - Anthologie pour un combat », 2009, Ed. SEUIL.
• ZAOUI Michèle, « De la réhabilitation à la reconversion des friches », Juillet 1997, Techniques et architecture, n°432, pp. 70-73.
• CHOAY Françoise, « L’allégorie du patrimoine », 1992, Ed. SEUIL. • DESMOULINS Christine et ROBERT Philippe, « Transcriptions d’architectures - Architetcure et patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed. ADPF. • LANG Jack, « Ouvrons les yeux ! La nouvelle bataille du patrimoine », 2014, Ed. HC. • ROBERT Philippe, « Reconversions / Adaptations - New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur.
ARTICLES • ARDENNE Paul, « AGM : l’Architecture génétiquement modifiable, une perspective », 2008, Archistorm, n°30, pp. 18-19. • DE SAINT-PULGENT Maryvonne, « Il faut repatrimonialiser les architectes », 1994, D’Architectures, n°48, p. 32. • DESMOULINS Christine, « Vers une décrispation ? », 1999, D’Architectures, n°96, pp. 27-28. 134
INTERNET • Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013, site : http:// mpzga.free.fr/habevol/evolutif2013.html , consulté en avril 2015. • Article sur la transformation de la médiathèque Cimendef, à Saint-Paul, à la Réunion, sur le site internet Culture.gouv.fr : http://www.ipreunion. com/photo-du-jour/reportage/2015/03/31/ contre-le-projet-de-conservatoire-a-rayonnementregional-les-partisans-de-la-mediathequecimendef-s-invitent-devant-la-region,30088.html • Article du Professeur KENDALL Stephen (PhD, RA, professeur d’architecture et directeur du Building Futures Institute à l’Université de Ball State, Muncie, Indiana), publié le 30 avril 2007, site internet de Health and Care Magazine : http://www.healthcaredesignmagazine.com/ article/open-building-systematic-approachdesigning-change-ready-hospitals.
• Article sur le bâtiment le Building - La Cannebière, à Marseille, sur le site internet Culture.gouv.fr : http://www.culture.gouv.fr/paca/ dossiers/xxeme_marseille/monographies/0101_ building/building.htm • Vidéo « Kisho Kurokawa Pt. 2: Nakagin Capsule Tower », site internet de Tokyo Art Beat : https:// www.youtube.com/watch?v=9roy5mbz5fk.
ÉTUDES • « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis de la ville durable : construire réversible », VINCI Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture, 2015, vidéo de 4’40. • « Habitat Colonne - Un procédé industrialisé pour le logement étudiant », ADIM, VINCI Construction France, Résidences Sociales de France,, Groupe 3F, CANAL Architecture et EGIS, février 2013, vidéo de 5’00. • « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une recalcification du logement partagé », CANAL Architetcure, ALIT & OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, 2010.
EXPOSITIONS • « Un Bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création » à la Cité de l’Architecture, à Paris, du17 décembre 2014 au 28 septembre 2015, commissaire d’exposition : Francis RAMBERT. • « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture», au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, du 26 septembre 2014 au 15 janvier 2015, commissaires de l’exposition : CHOPPIN Julien et DELON Nicolas. • « Métamorphoses » (au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, du 22 avril au 24 mai 2015).
CATALOGUES D’EXPOSITIONS • COLLECTIF, « Un Bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création», catalogue de l’exposition, dirigé par Francis Rambert • COLLECTIF, « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture», catalogue de l’exposition, dirigé par ENCORE HEUREUX (CHOPPIN Julien et DELON Nicolas).
CONFÉRENCES • Débats de l’exposition « Un Bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création », à la Cité de l’Architecture : - 4 Février 2015 : Approche théorique, « Transformation versus conservation » - 16 Mars 2015 : Approche technique, « Transformer c’est expérimenter » - 2 Juin 2015 : Approche économique, «Transformation versus démolition» • « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture», au Pavillon de l’Arsenal, 17 novembre 2014, intervenants : agence ROTOR (BILLIET Lionel et GHYOOT Michael), SUPERUSE STUDIO ( JONGERT JAN) et ENCORE HEUREUX (CHOPPIN Julien et DELON Nicolas). • KEREZ Christian, conférence du 11 mai 2015, cité de l’architecture et du patrimoine.
INTERVIEWS • CALORI Jean-Patrice, architecte, agence CAB Architecture, le 15 Juin 2015. • ROBERT Philippe, architecte retraité, agence REICHEN & ROBERT, le 14 Avril 2015. • RUBIN Patrick, architecte, Agence CANAL Architecture, le 13 Avril 2015.
135
TABLE DES MATIÈRES 1 AVANT-PROPOS 2 SOMMAIRE 4 INTRODUCTION 6 PARTIE 1
L’ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE
6
I - L’architecture transformée - transformable : Histoire et patrimoine
8
II - Idéologie de l’architecture
8
A / Oppositions - résistances culturelles
11
B / Symbolique et dialectique : mobile - immobile
12
III - Inscription de nos sociétés dans la dimension temporelle
14
IV - Développement durable : mutualiser l’énergie grise
16
V - Éthique : l’architecture au service de l’intelligence collective
20 PARTIE 2
RECONSIDÉRER L’AVANT-PROJET : COMMANDE ET PRESCRIPTIONS
20
I - Usage et programmation
20
A / Oppositions - résistances culturelles
22
24
II - L’économie de la mutabilité
30
B / La reconquête de la programmation
III - La mutabilité face aux normes
34 PARTIE 3
CONCEPTION DU PROJET : ANTICIPER LA FLÉXIBILITÉ
34
I - Choix constructifs : entre savoir technique et retour d’expériences
34
A / Choix structurels au coeur de la conception
35
38
39
A / Systèmes théoriques
49
62
62
A / Entre collectif et individuel : théories
63
B / Classification naturelle : durée de vie des éléments
64
C / Décomposition structurelle
69
B / Leçons tirées de la réhabilitation
II - Analyse de systèmes : structure, organisation spatiale et dimensionnement B / Étude de projets : combinaisons de systèmes
III - Une décomposition hiérarchique des éléments constitutifs de l’édifice
IV - Des assemblages réversibles
74 PARTIE 4
ACCOMPAGNER LES ÉDIFICES : INSCRIPTION DANS UN CYLCE DE VIE DURABLE
74
I - Entretien, suivi et gestion des édifices
78
II - La place de l’information dans la mutabilité
82
III ) De nouveaux métiers à créer
86 CONCLUSION 88 ANNEXES
PROJETS
90
LA GRAND MARE, à Rouen
91
JÄRNBROTT, en Suède
92
LES MARELLES, à Yerres
94
LOGEMENTS, à Munich
95
58-66 RUE MOUZAIA, à Paris
96
TOUR BOIS-LE-PRÊTRE, à Paris
97
ÉCOLE D’ARCHITECTURE, à Nantes
98
32 RUE BLANCHE, à Paris
99
ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, à Tours
100
L2/5 HOUSE, au Japon
101
TOUR D2, à La Défense
102
NAKAGIN CAPSULE TOWER, à Tokyo
104
PARKING-SILO DE LA PLAINE,à Roubaix
105
PARKING-SILO DE LA TOSSÉE,à Tourcoing
ÉTUDES (Retranscription de vidéos)
106
« CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis de la ville durable : construire réversible »
110
« HABITAT COLONNE - Un procédé industrialisé pour le logement étudiant »
INTERVIEwS 116
JEAN-PATRICE CALORI, architecte
123
PHILIPPE ROBERT, architecte retraité
129
PATRICK RUBIN, architecte
134 BIBLIOGRAPHIE 136 TABLE DES MATIÈRES 138 REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier les personnes qui
m’ont aidé à pousser ce travail jusqu’au bout : Alessandro MOSCA pour son encadrement et pour m’avoir laissé poursuivre mon sujet, si vaste soit-il ; Jean-Patrice CALORI, Philippe ROBERT et Patrick RUBIN pour avoir accepté de s’entretenir avec moi et de partager leurs expériences ; Francis RAMBERT, indirectement, pour
avoir
organisé
des
conférences
passionnantes à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine et pour avoir, à chaque fois, posé des questions précisémment en relation avec mon sujet ; Florence CUVILLIER pour le temps qu’elle a passé à apporter des corrections à mon écriture ; et également Camille LAUNAY, Adrien ROUYER et Fanny BRONES pour leur soutien et leur écoute.
Source des documents : www.explorations-architecturales.com
86
Source des documents : http://www.rpbw.com
Légende amérindienne du colibri, racontée par l’agriculteur philosophe Pierre RABHI :
« Un jour dit la légende, il y eut un
immense incendie de foret.
Tous les animaux terrifiés, attirés,
observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter au feu.
Après un moment, le tatou, agacé par
cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu. »
Et le colibri lui répondit : « Je sais, mais
je fais ma part. ». »
Source : COLLECTIF, « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture», catalogue de l’exposition, dirigé par ENCORE HEUREUX (CHOPPIN Julien et DELON Nicolas), p.345
RÉSUMÉ
Il s’agit, dans ce mémoire de Master 2,
de comprendre comment la capacité de mutation influence la pratique de l’architecture quand elle est intégrée dès la naissance du projet.
Apparaît alors la notion de «mutabilité».
Depuis
la
commande
jusqu’aux
utilisations multiples du bâtiment, toutes les phases d’étude et de conception du projet, ainsi que tous les métiers relatifs au domaine de la construction sont ré-explorés.
MOTS CLÉS MUTABILITÉ - ARCHITECTURE MUTABLE TRANSFORMATION - BÂTIMENTS CAPABLES - INTELLIGENCE STRUCTURELLE RÉUTILISATION - USAGES MULTIPLE RÉHABILITATION PRÉVENTIVE