Architecture Mutable

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É C O L E N AT I O N A L E S U P É R I E U R D ’ A R C H I T E C T U R E PA R I S VA L - D E - S E I N E - M A S T E R E N A R C H I T E C T U R E

POUR UNE ARCHITECTURE MUTABLE La capacité de mutation comme moteur d’évolution du processus de développement d’un projet architectural

Emma R.BRONES

Directeur de mémoire : Alessandro MOSCA


POUR UNE ARCHITECTURE MUTABLE

La capacité de mutation comme moteur d’évolution du processus de développement d’un projet architectural

Emma R.BRONES - Mémoire de Master 2 - 2015 Directeur de mémoire : Alessandro MOSCA


AVANT-PROPOS

J’ai eu l’occasion, lors de ma quatrième

année d’études en architecture, de participer à un programme d’échange international aux Etats-Unis, pendant dix mois, plus exactement dans la ville de Lawrence, dans l’état du Kansas. J’ai donc découvert le coeur du pays, loin des grandes villes mondialement fréquentées, faites de hauts buildings et habitées par des projets de grands architectes. Cette expérience

Vue aérienne de l’Université du Kansas, à Lawrence, USA.

en plein territoire à conquérir, où l’urbanisme

Source : https://aec.ku.edu

se résume à une grille et où les bâtiments sont posés en plein milieu de terrains vagues, m’a

Cette expérience a bouleversé mon

permis de me rendre compte de l’incroyable

parcours d’étudiante car elle m’a permis de

ampleur de notre culture européenne vieille

comprendre comment je voulais pratiquer

de millénaires. Il y a une vraie richesse dans

l’architecture à l’avenir. J’ai découvert la

notre patrimoine bâti et l’histoire qu’il porte à

réhabilitation, la transformation, la protection

travers chaque strate de construction, urbaine

du patrimoine, le sens du terme « patrimoine »

et architecturale.

lui-même, et celui de monument historique.

Au milieu de tout ces Américains, j’ai

Surtout, cette année m’a permis de comprendre

pu distinguer que l’enseignement auquel

que les bâtiments neufs, que ce soit ceux

j’avais eu droit à Paris était fondé sur l’analyse

que je projetais, ceux conçus par de grands

urbaine, la prise en considération des flux, les

architectes ou par toute autre personne ayant

propriétés climatiques locales, l’histoire locale,

la prétention d’exercer dans le domaine de

le type de population… en bref les particularités

l’architecture, devaient être pensés pour durer,

du site. Ma conception architecturale naissait

survivre et constituer les prochaines strates de

de toutes ces informations, tandis que les

notre histoire.

étudiants du Kansas proposaient toutes sortes d’oeuvres plus ou moins originales, inspirées d’un concept artistique ou d’une simple idée germée durant le semestre.

1


SOMMAIRE 4

6

INTRODUCTION PARTIE 1

20

I - L’architecture transformée -

20

I - Usage et programmation

24

II - L’économie de la mutabilité

30

III - La mutabilité face aux normes

L’ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE 6

PARTIE 2

RECONSIDÉRER L’AVANTPROJET : COMMANDE ET PRESCRIPTIONS

transformable : Histoire et patrimoine

8

12

II - Idéologie de l’architecture

III - Inscription de nos sociétés dans la dimension temporelle

14

IV - Développement durable : mutualiser l’énergie grise

16

V - Éthique : l’architecture au service de l’intelligence collective

86

CONCLUSION

88

ANNEXES

134

BIBLIOGRAPHIE


34

PARTIE 3

74

I - Choix constructifs : entre savoir

74

I - Entretien, suivi et gestion des édifices

78

II - La place de l’information dans la

CONCEPTION DU PROJET : ANTICIPER LA FLEXIBILITÉ

34

PARTIE 4

ACCOMPAGNER LES ÉDIFICES : INSCRIPTION DANS UN CYLCE DE VIE DURABLE

technique et retour d’expériences

38

II - Analyse de systèmes : structure,

mutabilité

organisation spatiale et dimensionnement 82 62

III - Une décomposition hiérarchique des éléments constitutifs de l’édifice

69

IV - Des assemblages réversibles

III ) De nouveaux métiers à créer


INTRODUCTION À l’heure d’une poly-crise planétaire

réhabilitation correspondent à 50% du travail

en évidence, les architectes, et tous les acteurs

des architectes ; nous construisons toujours

du domaine de la construction, doivent

des bâtiments neufs. Mais cette culture du

trouver de nouvelles manières de continuer

résultat immédiat, où tout doit aller vite

d’exister. La crise économique nous fait

désormais, a créé un rythme que le patrimoine

construire « bon marché ». L’épuisement des

ne peut pas supporter2, et auxquel nos

ressources, matières premières et énergies

nouveaux édifices ne serviront pas s’ils ne sont

fossiles, questionne sérieusement nos choix

pas adaptés.

de matériaux et leurs modes de production.

En France, les déchets issus du secteur du BTP

changements,

s’élèvent à 260 millions de tonnes par an, dont

neufs ou issus de la réhabilitation, doivent

42 millions produits par le secteur du bâtiment.

acquérir une capacité d’évolution. Offrir aux

Cela équivaut aux trois-quarts des déchets

édifices la capacité de se transformer, c’est

nationaux annuels1. Face à ces chiffres, nous ne

automatiquement prolonger leur vie et ainsi

pouvons ignorer notre part de responsabilité

combattre l’obsolescence programmée.

Pour

résister les

et

s’adapter

projets,

qu’ils

aux soient

dans la pollution des territoires et le gaspillage des ressources. L’étalement urbain n’est plus

Peter COOK a écrit : « The architecture

possible dans les pays industrialisés ; il nous

of the past used a static language ; the

faut rechercher des modèles plus compacts et

architecture of the immediate past has had

plus denses pour construire, le tout dans une

to invent a language to absorbe dynamic

équation économique et normative toujours

and change ; it is reasonable to predict that

plus contrainte. Parallèlement, les villes doivent

the architecture of the future might actually

faire face à de nouveaux paramètres de la vie

embolie this dynamic » . Cette démarche paraît

contemporaine : mobilité, mixité d’usage,

être la prochaine étape à suivre pour inscrire

durabilité. Nos vies vont de plus en plus

le processus de conception architecturale

vite et les changements de la société aussi.

dans un cycle de développement durable

Globalement, les crises actuelles démontrent

réellement efficace : prendre des précautions

une incapacité à produire des villes durables.

dès la création du projet neuf pour faciliter les utilisations à venir, faire de nos bâtiments des

Depuis quelques décennies, l’essor du

ensembles pérennes, prêts à évoluer dans le

travail sur l’existant a donné lieu à une nouvelle

temps suivant les besoins des sociétés à venir.

pratique de l’architecture et une nouvelle

vision, ainsi qu’un retour à l’historicisme.

ce qui constituera le patrimoine de demain,

Le patrimoine est au goût du jour et au

puisque nous n’avons pas encore de recul sur

coeur des problématiques contemporaines.

l’architecture d’aujourd’hui, il est impératif de

Parallèlement, des pays relativement jeunes

donner des chances d’évolution aux bâtiments,

et parfois très étendus, tels que les Etats-Unis

quels qu’ils soient.

ou le Brésil, construisent principalement des

bâtiments neufs. En Europe, les projets de

sélective.

4

Comme il est impossible de savoir

Ce n’est pas une nouvelle pratique


La problématique soulevée est donc la

suivante : « comment la capacité de mutation devient-elle

un

moteur

d’évolution

ROBERT (Reichen&Robert) et Patrick RUBIN (CANAL Architecture).

du

processus de développement et de conception

d’un projet architectural ? » ou, autrement dit

préventive, mutable, doit s’étudier tant du

: « quelles sont les évolutions nécessaires à

point de vue théorique que du point de vue

toutes les étapes du développement d’un

conceptuel, technique ou même du point de

projet architectural, depuis sa commande

vue de la gestion de l’édifice post-construction.

jusqu’à son utilisation, pour permettre à

l’architecture mutable d’exister ? ».

premier

Contrairement

aux

espaces

Cette conception d’une architecture

Ainsi,

nous

temps

analyserons

les

points

dans

un

culturels

et

historiques qui nous tirent vers ce modèle

polyvalents qui sont capables d’accueillir

de conception durable.

différentes fonctions à n’importe quel moment,

« l’architecture mutable », dont il est question,

contraintes liées à aux modes de financement

a la capacité d’accueillir différentes fonctions,

français,

une vie après l’autre, chacune dédiée à un

programmation,

usage précis. Ce ne serait en aucun cas un

qui viennent en amont de la conception

bâtiment « fourre-tout », capable de tout, mais

architecturale.

un bâtiment moins contraint, plus généreux, et

surtout pensé pour durer.

exemples d’architecture au caractère évolutif

Nous les

examinerons

ensuite

réglementations c’est-à-dire

les

les

et

la

éléments

Par la suite, nous observerons les

qui ont déjà pu être conçus, voire construits,

En se basant sur la pratique actuelle de

jusqu’ici,

en

essayant

d’énumérer

leurs

la transformation sur l’existant, les recherches

particularités et leur mode de conception,

ont été menées tantôt d’un point de vue

à l’échelle de l’édifice mais aussi à l’échelle

théorique, tantôt d’un point de vue pratique.

plus petite des assemblages et des différents

Néanmoins, il a été difficile d’accéder à une

éléments constitutifs du bâtiment.

documentation riche et à des exemples

d’architectures dites mutables. Je me suis

de ces constructions évolutives ainsi que les

rendu compte de l’actualité du sujet, ce qui a

modalités de la gestion nécessaire à de tels

rendu mon étude d’autant plus passionnante,

projets et leurs spécificités pour qu’ils puissent

mais cela la rend également qualifiable

survivre.

Enfin, nous questionnerons le suivi

d’utopie à l’heure actuelle. Mes recherches se sont basées sur des conférences, des lectures, des expositions, des études de projets et également des interviews de trois architectes

1

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.38. 2

Christine DESMOULINS et Philippe ROBERT,

choisis pour leur qualification dans la pratique

« Transcriptions d’architectures - Architetcure et

de réhabilitation ou pour leur intérêt sur la

patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed.

question de la prévention architecturale : JeanPatrice CALORI (CAB Architectes), Philippe

ADPF, p.43. 3

Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,

Ed. Littlehampton Book Services Ltd, Anglais, p.41.

5


PARTIE 1

L’ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE

La conception d’une architecture mutable nous oblige dans un premier temps à revoir

l’idéologie de l’architecture issue de l’histoire du XXe siècle et à la confronter à une réalité globale, tant historique, symbolique, éthique, énergétique et temporelle.

Comme pour la pratique de la transformation sur l’existant, acceptée il y a quelques décennies,

ce sont tout d’abord les moeurs qui doivent être revues, pour accepter une nouvelle méthodologie, et bousculer la conception contemporaine des bâtiments.

I

L’ARCHITECTURE TRANSFORMÉE TRANSFORMABLE : HISTOIRE ET PATRIMOINE

HABITAT ÉVOLUTIF

La

question

de

l’évolutif,

du

transformable, du mutable (tous synonymes ici), n’a pas toujours été si exclue de l’architecture. L’habitat évolutif, notamment, a

disparu

avec

nos

modes

constructifs

PRATIQUE MULTISÉCULAIRE : DES VILLES

occidentaux toujours plus rigides. À l’époque

STRATIFIÉES

des peuples les plus « primitifs » déjà, l’habitat évolutif était considéré comme la règle.

Accepter la pratique de la réutilisation

Totalement nomade avant la sédentarisation,

architecturale, c’est réaliser que l’histoire des

il était toujours capable d’être adapté aux

villes est en fait l’histoire des mutations et des

nécessités, du site ou des usages.

stratifications de bâtiments, de quartiers, de

villes, qui témoignent de toutes les époques.

anthropologique pour l’espace de l’habité2.

L’évolutif est en fin de compte le socle

C’est aussi travailler en ayant toute conscience de ce qui existe et de ce qui a existé, à la lumière des pratiques anciennes et des

XXe SIÈCLE : TABULA RASA

attitudes diverses, en s’inscrivant dans une pratique multiséculaire. Ce qui est réutilisé

Paradoxalement,

voit sa vie être prolongée, par un ajout, une

occidentale du XXe siècle a été de détruire

transformation, ou peut-être par une simple

puis de reconstruire lorsqu’un changement

remise à neuf. L’édifice, qu’il soit monumental,

d’usage était nécessaire. La rupture, la table

domestique, industriel ou vernaculaire, passe

rase et l’irréversibilité étaient les conditions

d’un état symbolique à un

même du progrès3.

état discursif, il « tient la chronique d’une

époque » .

aux usages, au moyen de destructions lourdes

1

la

tendance

L’architecture et les villes s’adaptaient

et de reconstructions totales. Aujourd’hui

6 - PARTIE 1


nous cherchons à inverser la règle et à ce que

La présence de l’histoire nous donne

les usages s’adaptent à ce que nous avons

de l’épaisseur à condition de nous faire

construit.

réfléchir

sur

notre

état

présent,

disait

Dominique Lyon lors d’une conférence à SUPPORT MÉMORIEL

la Cité de l’Architecture et du Patrimoine7. Mais

cette

mémoire,

l’histoire

projetée

La pratique de la réutilisation vient

dans ces projets, est mise en péril par

de l’importance accordée au patrimoine bâti.

leur inutilité, et meurt finalement faute de

Celui-ci donne des repères, temporels comme

participer aux nouvelles strates de la ville.

spatiaux ; c’est un enregistrement physique d’un instant de l’histoire, il est en conversation avec le site, le contexte, les habitants, le territoire…4 Et cela s’applique à toute sorte d’architecture ou tout morceau de territoire, car la valeur mémorielle est supérieure à la valeur architecturale5.

L’architecture est un support physique

mémoriel.

FAÇADISME ET FALSIFICATION

Néanmoins, bon nombre de projets

de réhabilitation ont falsifié et cherché à tromper les traces historiques, donnant lieu à du façadisme, conservant des architectures sans les comprendre, en les amputant de la

1

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », 1993-2013, « Chapitre 1 : l’idée de l’habitat évolutif, origines et tendances ». 2

Idem, « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux

réalités… ». 3

Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment, combien

de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.7. 4

Jordi BARDIA, conférence du 4 février 2015,

signification du travail accompli lors de leur

« Transformation versus conservation », cité de

conception.

l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

Ces

opérations

conservatrices

ont souvent été justifiées par des gains économiques dûs aux droits acquis par le travail sur l’existant (cf Partie 2.II) ou sous

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 5 6

Idem. Odile DECQ, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

prétexte de protéger un patrimoine. Là encore

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

la valeur patrimoniale reste subjective : que

acte de création ».

sauvegarde-t-on ? quelle mémoire ? de quel point de vue?6

7

Dominique LYON, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 1 - 7


II

DES ENSEMBLES TOUJOURS INACHEVÉS

IDÉOLOGIE DE L’ARCHITECTURE

Beaucoup d’architectes n’ont toutefois

pas non plus accepté l’idée de concevoir des bâtiments appelés à être complétés ou modifiés, surtout par d’autres qu’eux-mêmes,

A / Oppositions - résistances culturelles

comme s’ils n’étaient jamais finis mais faisaient plutôt partie d’un ensemble plus grand. Or, comme Philippe Robert le dit : transformer

Parler d’architecture mutable c’est

c’est continuer le travail8. C’est selon cette

poser la question suivante : sommes-nous

idée que Michael Graves avait conçu sa

prêts à construire autrement ?

proposition pour agrandir le Whitney Museum of American Arts, de New York, en 1985 (fig.1) (projet abandonné en 1989), considérant

LE « NON-FINI »

l’oeuvre conçue par Marcel Breuer comme un objet unique faisant partie d’un ensemble

Il y a un blocage culturel pour

inachevé9.

construire mutable, car le caractère évolutif

Il s’agit donc de concevoir l’édifice

renvoie à l’idée de quelque chose de non

comme une oeuvre ouverte, le dotant d’un

fini. Cette association d’idée est très présente

large éventail de possibilités interprétatives10.

chez les utilisateurs tout comme chez les commanditaires.

Le

projet

de

logements

évolutifs

de Rouen, du quartier de la Grand Mare, construit entre 1969 et 1972 par Jean-Philippe Rameau, a souffert de cette image. Le système constructif mis en place alliant des éléments préfabriqués, en métal et en béton, était démontable, permettant de grandes variations et des facilités d’entretien. Cependant, cela donnait aux utilisateurs l’image de quelque chose de peu sécuritaire, susceptible de tomber en morceaux.

Figure 1 - Proposotition de Michael Graves pour le Whiteney Museum, en 1985.

8 - PARTIE 1

Source : artsblog.dallasnews.com


UN PROCESSUS D’ÉVOLUTION

DES SYSTÈMES CAPABLES POUR DES

BIOLOGIQUE

SOCIÉTÉS EN MUTATION

En développant une pensée nouvelle,

Ainsi,

au

delà

de

la

question

où nous considérons que les villes sont toujours

patrimoniale et mémorielle, il faut voir les

incomplètes et que nos opérations sont toutes

bâtiments comme des systèmes capables et

« des compléments ou des extensions de ce

faire avec, rappelait Frédéric Druot lors d’une

qui existe déjà »11, nous inscrivons nos projets

conférence16. Faire évoluer les bâtiments, à

urbains et architecturaux dans un processus de

n’importe quelle échelle, « prendre en compte

développement durable où il n’y a pas de lutte

la flexibilité qui caractérise la vie actuelle et

entre neuf et ancien. Aucune couche n’est

naturelle » (dit par Jean Nouvel, lors d’une

plus importante qu’une autre, elles ne sont

consultation du Grand Paris, en 2009)17.

ni premières ni dernières, c’est un processus biologique d’évolution, et ainsi l’ancien et le nouveau se mélangent pour former une nouvelle unité12.

La

transformation

8

est

finalement

l’évolution naturelle de tout édifice13, car le « penser juste », comme en parle Dominique Perrault, qui donne naissance à un projet, n’est en fait valable que dans un contexte donné, à un moment donné, et n’a de valeur que relié à son moment d’origine14.

Michel de Certeau a écrit : « les lieux

sont des histoires fragmentaires et repliées,

Philippe ROBERT, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 9

Philippe ROBERT, « Reconversions/Adaptations - New

uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p. 4. 10

Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.9. 11

Idem note 9, p. 10.

12

Jordi BARDIA, conférence du 4 février 2015,

« Transformation versus conservation », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

des passés volés à la lisibilité par autrui, des

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La

temps empilés qui veulent se déplier mais qui

transformation comme acte de création ».

sont là plutôt comme des récits en attente »15.

Une opération de transformation ne

devrait être vue que comme une étape dans le temps, pour révéler la prochaine situation d’un morceau de ville précis.

13

COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La

transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, Philippe Robert, p.13. 14

Idem note 13, « Conversation avec Dominique

Perrault », p.65. 15

Idem note 10.

16

Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 17

AMC, Novembre 2014, article du Petit journal de la

cité de l’architecture « Et si on arrêtait de démolir pour construire ! ».

PARTIE 1 - 9


On

comprendrait

parfaitement,

par exemple, qu’une grande évolutivité se développe pour les immeubles de logements pour s’adapter aux multiples formats de familles

qui

existent

aujourd’hui

(monoparentale, classique, recomposée…).

À une échelle tout à fait différente,

les édifices doivent prendre en compte le caractère toujours plus éphémère de nos usages et être bâtis en conséquence, prêts à muter.

ACCEPTER DE NOUVELLES ENTITÉS

La transformation des édifices, en plus

de poser la question constructive, nécessite l’acceptation de l’existant, donc d’une identité pré-établie, mais également de l’idée que les standards doivent être bousculés.

Par exemple, la reconversion de la

filature Le Blan (fig.2), à Lille, réalisée à la fin des années 1970 par Reichen & Robert, n’a pu fonctionner qu’à partir du moment où les maîtres d’ouvrages ont accepté de travailler « hors-normes », c’est-à-dire de faire des logements plus grands, avec plus de hauteur sous-plafond, de formes différentes, etc. et en acceptant de les marier à l’esthétique industrielle de l’usine18. Cela est très prisé de nos jours et les lofts conçus dans d’anciennes enveloppes industrielles ont été grandement à la mode.

C’est en prenant de l’écart face au

« normal » que de nouvelles entités verront le

jour,

formellement,

esthétiquement.

spatialement,

et Figure 2 - Filature Le Blan reconvertie par Reichen & Robert. Photographie : Couchaux, Denis.

10 - PARTIE 1

Source : insitu.revues.org


B / Symbolique et dialectique :

mobile - immobile

Ce dialogue peut finalement avoir lieu

à différentes échelles. Par exemple celle des usages : quand l’espace architectural est une donnée, le programme doit être variable23.

ENTRE ÉPHÉMÈRE ET SACRÉ

Symboliquement, une dualité forte

COUPLES DIALECTIQUES

existe en architecture.

Le caractère immobile, fixe, solide, des

Une métaphore de l’édifice, l’abri

bâtiments n’était auparavant attribué qu’aux

primitif, bouleverse cette dialectique et nous

édifices à caractère sacré, tels que les temples,

indique la complexité du dialogue : comme

les cathédrales, les églises… L’immobilité et la

le corps de la mère, enveloppe sécurisante

solidité renvoyaient à l’immortalité, à l’éternel,

et protectrice, porte l’enfant à venir, l’édifice

et conféraient donc à ces monuments la

accueille un programme. Or, cela n’est valable

capacité de survivre à travers les âges et d’être

que si la mère (l’édifice) est vivante et donc

transmis.

bouge24.

Au

contraire,

toute

édification

Selon cette comparaison, l’édifice est

vernaculaire était éphémère et même souvent

mobile autant que le programme l’est, et ils

évolutive dans sa simplicité d’exécution .

s’adaptent mutuellement. Cela fonctionne

19

également à l’échelle de l’édifice et de son

Depuis toujours une dialectique entre

le couple Mobile-Immobile régit les lois de

environnement, du quartier et de la ville, de la ville et du grand paysage…

l’élévation des villes et l’architecture est tirée vers deux polarités du temps : éternelle par son potentiel de significations, éphémère par ses usages20. Symboliquement, concevoir des bâtiments mutables nous rapprocherait du

18

mobile, donc de l’éphémère, c’est-à-dire de la

14 avril 2015, à Paris.

vie et des usages21.

19

Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », 1993-2013 , « Chapitre 1 : l’idée de l’habitat évolutif, origines et tendances ». 20

UN DIALOGUE À DIFFÉRENTES ÉCHELLES

création », catalogue de l’exposition, p.9. 21

Une autre manière de faire exister

ce couple dialectique serait la médiation en tiers de l’environnement. Si l’édifice est mutable, l’environnement doit être immobile, monumental ; et inversement . 22

Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de Idem note 19, « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe

aux réalités… ». 22

Idem note 21.

23

Bernard REICHEN, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 1 - 11


III

INSCRIPTION DE NOS SOCIÉTÉS DANS LA DIMENSION TEMPORELLE

avertis

Les architectes réemployeurs, bien de

l’épuisement

des

ressources

naturelles, disent : « pour sortir de la notion de déchet, on parle de ce qui est à venir, non de ce qui existe »30 et « les notions de réutilisation et de réemploi ne sont pas nouvelles (…) Ce

SOCIÉTÉS EN MOUVEMENT : INSCRIPTION

qui est nouveau, c’est la conscience de la

DANS UN TEMPS LONG

nécessité de le faire, c’est la projection dans l’avenir à partir du passé pour un besoin

On sait désormais que les bâtiments

présent, c’est la conception du temps long »31.

devront avoir plusieurs vies pour suivre le

rythme (ou survivre au rythme) de nos sociétés

un bâtiment en sachant ce qu’il a été par le

en perpétuel mouvement .

passé plutôt que de devoir imaginer ce qu’il

L’accélération de tous les éléments de

pourra être dans un futur plus ou moins

la société (machines, transports, transmission

lointain32. Mais face au rythme de sociétés

de l’information…) a installé une recherche du

d’aujourd’hui,

résultat toujours plus immédiat et sophistiqué .

inévitablement.

25

26

Il est certes plus facile de travailler sur

la

question

se

pose

Or, quand le temps de la construction est plus proche du court terme il y a danger27 car cela affecte obligatoirement la qualité de la

L’ARCHITECTURE COMME TRANSPORT

conception et celle de la construction.

MATÉRIEL ET MÉMORIEL

La contradiction est simple : tout est de

plus en plus rapide dans nos villes, plus mobile,

excepté nos constructions pour l’instant28.

joindre à la grande ferveur actuelle pour la

La nécessité de l’anticipation vient se

mémoire, et elles donnent de la profondeur

Notre conception contemporaine de

à la dimension spatiale dans laquelle doit

l’architecture tend à ignorer l’insertion du

s’inscrire l’architecture.

bâtiment dans le temps au profit d’une insertion

d’utilité immédiate, purement fonctionnelle et

« mémoire et anticipation constituent en effet

répondant à une équation de rentabilité.

la perspective réelle de l’espace et donnent

Kevin Lynch nous rappelle que la

une profondeur »33. La réutilisation met en

vocation de l’architecture est d’insérer des

scène dans un même lieu la mémoire et l’usage

activités humaines dans le temps comme dans

futur34.

l’espace, dans les trois dimensions, en les liant

également au passé, au présent et au futur .

et l’après et produire la trace de ce noeud »35

29

Aldo

Van

Eyck

expliquait

que

Transformer revient à « nouer l’avant

; c’est aussi observer ce qui est en train de se faire en prenant soin de ne pas menacer l’avenir36.

12 - PARTIE 1


L’architecture est à voir comme un

transport interne, dans le temps et l’espace d’un projet, qui se transforme sur lui-

24

même et dont les traces de ce transport

aux réalités »,« Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux

font

l’iconicité

de

l’oeuvre37.

C’est

une

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe

réalités… », 1993-2013. 25

Etude « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis

réécriture, matérielle et mémorielle, qui fait

de la ville durable : construire réversible », VINCI

du temps présent un temps en marche38, plutôt

Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture,

qu’un temps immédiat et irréversible39.

2015, vidéo de 4’40. 26

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.150.

UNE ÉVOLUTION CYCLIQUE

27

Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable

? », 2010, Habitat et société, n°60, p.63. 28

L’engouement pour les opérations sur

Idem note 27, p.66.

29

Idem note 26, p.108.

l’existant tient à ce geste sublime qui est de

30

Steven BECKENS / COLLECTIF « Un bâtiment,

réintroduire des bâtiments en perdition dans le présent. Il faut désormais également les

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.211. 31

Jean-Marc HUYGEN / COLLECTIF « Un bâtiment,

projeter dans le futur40.

combien de vies ? La transformation comme acte de

création », catalogue de l’exposition, p.155.

Rapoport annonçait déjà en 1969 un

changement nécessaire de notre rapport au temps : il faut voir notre évolution, non plus

32

Henri-Pierre JENDY / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.31.

comme une marche en avant tout à fait linéaire,

33

mais comme un mouvement cyclique .

New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p.6.

34

Idem note 33, p.9.

35

Gwenaël DELHUMEAU / COLLECTIF « Un bâtiment,

41

Cependant, un mouvement cyclique

implique un retour perpétuel à l’origine, ce qui est tout à fait impossible. Notre évolution est donc plutôt sous la forme d’une spirale42, en

Philippe ROBERT, « Reconversions / Adaptations -

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.105. 36

Idem que note 32, p.34.

constante transformation, avec des débuts et

37

Idem note 35, p.105.

des fins de cycles qui ne se croisent jamais ;

38

Idem note 26, p.68.

39

Idem note 32, p.34.

40

Marc BARANI, conférence du 16 mars 2015,

c’est un modèle réversible et non immobile.

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

Appréhender le projet en considérant

le temps comme une ressource pour l’espace43

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 41

Idem note 24.

permettrait d’augmenter la durée de vie

42

Francis RAMBERT, conférence du 4 février 2015,

des édifices en les dotant de la capacité de

« Transformation versus conservation », cité de

mutations plurielles44.

l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 43

Idem note 42.

44

Idem note 32, p.167.

PARTIE 1 - 13


IV

DÉVELOPPEMENT DURABLE : MUTUALISER L’ÉNERGIE GRISE

Les recherches en réponse à la crise

environnementale se sont d’abord portées sur l’Énergie de Fonctionnement ; désormais on s’attaque aux dépenses liées au cycle de l’existence47.

UNE RÉPONSE À LA CRISE ENVIRONNEMENTALE

L’ÉNERGIE DE CONSTRUCTION

Les

Depuis les années 1970, la pratique de

bâtiments

contemporains

l’architecture est passée par plusieurs phases

sont construits sur la base d’une durée

: au début, on conservait ou on réhabilitait

de fonctionnement estimée à 30 ans48.

pour protéger la valeur patrimoniale ; puis on

Cependant, de nos jours, les usages sont

a procédé dans un souci de continuité urbaine.

bousculés bien plus rapidement, donc bien

Désormais, une nouvelle donnée s’ajoute pour

avant que les édifices ne soient amortis

justifier et même favoriser la pratique de la

financièrement.

réutilisation, il s’agit de l’énergie grise . 45

Face aux crises environnementales

Quand on compare les constructions

et énergétiques, l’architecture a de grandes

de l’ère géotechnique (eau/vent/bois) et celles

responsabilités, et c’est dans la pratique de

de l’ère paléotechnique (charbon/acier), qui

la réutilisation qu’une réponse économique

nous correspond, celles datant de la première

existe.

période emmagasinaient l’énergie dépensée en temps de construction, investie en solidité.

Il y a deux types de dépenses

Cela permettait à ces constructions de résister

énergétiques. Celle appelée Energie de

à l’usage et retarder leur ruine, c’est-à-dire

Construction ou Energie Grise, qu’il faut

ralentir le processus d’entropie, en donnant

engager pour la construction et qui prend

du temps à l’espace et inversement, avec des

donc en compte le transport, l’extraction

constructions à la fois résistantes et souples49.

des matières, la construction, l’entretien, la réparation, etc.. Et celle appelée Energie de Fonctionnement ou Energie Blanche, qui

comptabilise l’énergie que le fonctionnement

Grise, cette énergie moins palpable que

entraine, c’est-à-dire l’énergie nécessaire à

celle de nos usages50, pour plusieurs vies.

l’utilisation, au chauffage, à la ventilation, à

Ainsi, prévoir la transformation c’est baser les

l’éclairage, etc. .

constructions sur leur durée de vie globale et

46

Transformer, c’est mutualiser l’Énergie

non plus sur le temps d’un usage, et construire solidement pour que le bâtiment perdure au maximum et soit rentabilisé.

14 - PARTIE 1


LE PHÉNOMÈNE D’ENTROPIE

L’entropie est le vrai adversaire de la

réutilisation.

Ce

énonce se

principe

que

de

l’énergie

dégrade,

se

thermodynamique de

tout

système

disperse

peu

à

peu,

inévitablement. Cela signifie que chaque élément tend à la ruine et disparaîtra inévitablement un jour, quand les atomes de la dernière molécule seront dispersés51.

Ce phénomène pose sérieusement

la question de l’entretien et surtout celle des

Figure 3 - La double crise des ressourses.

systèmes constructifs, qui pourraient être

Source : Catalogue de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/

pensés pour que les pièces les plus proches

Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.17.

de la ruine soient proprement remplacées par des pièces plus neuves.

S’inscrire

dans

un

cycle

de

développement durable c’est contrôler les dépenses énergétiques à tous les temps de la

45

Bernard REICHEN, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

vie de l’édifice et rompre l’abandon de ce qui

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La

a déjà servi.

transformation comme acte de création ».

Après tout, y a-t-il vraiment un BON

temps d’usage pour les bâtiments ?52.

Construire c’est accumuler, économiser,

mettre du temps et de l’énergie en réserve53. Et cette énergie est plus ou moins amortie

46

Sébastien MAROT / COLLECTIF, catalogue de

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.105. 47

Idem note46, p.106.

48

Idem note47.

49

en fonction : des coûts énergétiques de

Idem note46, pp.106-107.

50

Raphaël MÉNARD / COLLECTIF, catalogue de

construction, de transformation et d’usages ;

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

de la durée d’obsolescence du bâti et ses

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

différents composants ; et de l’emprise de

Delon, p.161. 51

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

l’usage individuel, autrement dit la densité des

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien

usages et des utilisateurs .

Choppin et Nicolas Delon, p.94.

54

52

Idem note51, p.12.

53

Idem note 50, p.162.

54

Idem note53.

PARTIE 1 - 15


V

ÉTHIQUE : L’ARCHITECTURE AU SERVICE DE L’INTELLIGENCE

LES CHOIX DE L’ARCHITECTE

L’architecte contrôle 40 000 fois la

valeur énergétique de se propres besoins55. En France, le secteur du BTP produit 260 millions de tonnes de déchets par an, dont 42 millions de tonnes pour le secteur du bâtiment. 93 % viennent des démolitions et réhabilitations, le reste vient de la construction neuve56. 90 % sont des déchets inertes qui ne se décomposent pas ni ne brûlent57.

Face à ces chiffes, il y a une vraie

responsabilité à assumer de la part des architectes. Celle de faire ou de ne pas faire58, celle de dire NON pour construire quand un programme ne convient pas59, celle de refuser de construire bon marché quand c’est synonyme de mauvaise qualité60, etc..

La transformation des villes et des

bâtiments représente une part importante des opérations architecturales dans le monde de maintenant. En France, 50% du travail

Figure 4 - Dessin «300kg de nature pour fabriquer 10kg de produit industriel.» Source : Catalogue de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

ANTICIPATION

des architectes porte sur la transformation de l’existant. Il n’est pas normal que des

architectes continuent à l’ignorer, que ce soit

compte que la nécessité de transformer ne

dans leur pratique ou dans l’enseignement

vient pas toujours naturellement, à la fin d’une

qu’ils prodiguent . La pratique de l’architecture

vie, et peut parfois apparaître très rapidement,

doit être un choix culturel, économique et

suite à un changement de municipalité, à une

technique , et il faut obligatoirement se

réorientation du programme, à un rachat de

demander : « doit-on démolir ou peut-on

l’opération…

61

62

trouver d’autres fonctions? » . 63

16 - PARTIE 1

En observant divers projets, on se rend


Le marché de Braga a été reconverti

en école de musique à peine 15 ans après sa livraison, car le projet initial n’a jamais vraiment

Raphaël MÉNARD / COLLECTIF, catalogue de

55

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

fonctionné. Il a été à la charge de l’architecte

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

d’origine lui-même, Eduardo Souto de Moura,

Delon, p.162.

de convertir son projet.

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

56

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien

À Marseille, lors de la construction

Choppin et Nicolas Delon, p.38.

du Building Canebière dans les années 1950

57

par Fernand Pouillon, on demanda à Fernand

58

Pouillon, de changer le programme durant le

Idem note 56, p.49. Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

chantier pour accueillir des logements et des

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

commerces en plus des bureaux initiaux64.

acte de création ».

À Saint-Paul (Île de La Réunion), la

médiathèque Cimendef, réalisée par l’agence d’architecture Périphériques et tout juste ouverte en ce début de l’année 2015, va déjà être transformée en Conservatoire régional pour la musique et la danse, suite à un choix de la nouvelle municipalité . 65

59

Idem note 55, p.166.

60

Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le 14

avril 2015, à Paris. 61

62

que tout architecte soit conscient que les projets peuvent se voir modifiés à n’importe quel moment, et donc qu’il est important que ces opérations puissent avoir lieu avec

Françoise ARNAUD, « Réutiliser le patrimoine

architectural », tome 1, 1978, Ed. de la Caisse Nationale des monuments historiques et des sites, p.5. 63

Face à de tels exemples, il est important

Philippe ROBERT, « Reconversions / Adaptations -

New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p.10.

Jean DETHIER / COLLECTIF ? Centre de Création

Industrielle / Centre Georges Pompidou, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou, p.53. 64

Site internet : ttp://www.culture.gouv.fr/paca/dossiers/

xxeme_marseille/monographies/0101_building/ building.htm 65

Site internet : http://www.ipreunion.com/

intelligence, grâce à des édifices capables

photo-du-jour/reportage/2015/03/31/contre-le-

d’accueillir de tels changements.

projet-de-conservatoire-a-rayonnement-regionalles-partisans-de-la-mediatheque-cimendef-s-invitentdevant-la-region,30088.html 66

PLUS D’ÉTHIQUE, MOINS D’ESTHÉTIQUE

67

Francis RAMBERT, « Ancien / Contemporain : entre

greffe et clonage », 1999, D’Architectures, n°96, p.26.

En plus des transformations « pures »,

les greffes sont inévitables pour régénérer les tissus urbains66. Myrto Vitart énonçait

Myrto VITART, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 68

Michèle ZAOUI, « De la réhabilitation à la

qu’ajouter un bâtiment neuf dans un milieu

reconversion des friches », juillet 1997, Techniques et

existant, c’est aussi transformer67. Néanmoins,

architecture, n°432, p.72.

il est nécessaire de pratiquer plus d’éthique

69

et moins d’esthétique68, avec humilité, car les villes et l’architecture changent tout le temps . 69

Carles LLOP, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 1 - 17


Philippe

Robert

a

longtemps

enseigné et pratiqué sous ces termes :

LA FORCE DE NÉCESSITÉ

« la qualité architecturale c’est, justement, l’honnêteté des matériaux, la capacité à

s’adapter, le respect des besoins des usagers,

outrepassant le culte des monuments et

le confort… » . Le propre de la reconversion

l’individualisme spectaculaire qui s’affrontent

étant la modestie, selon lui, les mêmes règles

aujourd’hui. Il faut penser à la pérennité

doivent s’appliquer au mutable : que tout soit

physique et esthétique de nos projets78, et

bon, élégant, propre et vieillisse bien71.

différencier les types de changements : il y a

69

Une vraie révolution est nécessaire,

ceux qui répondent à des besoins et ceux qui naissent d’envies.

Les premiers peuvent trouver des

compromis tandis que les seconds viennent perturber

des

systèmes

simples

avec

des extravagances79. Or il y a des limites nécessaires. Figure 5 - Dessin «Intéliligence collective.» Source : Catalogue de

l’exposition

« Matière

Grise

-

Matériaux/Réemploi/

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.118.

Renzo Piano parle de la « force de

nécessité », qui n’a rien à voir avec des tendances, des styles, des ondulations du goût. Une fois qu’on la comprend, y répondre

L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

c’est commencer à construire autrement, du point de vue de l’énergie, de la sagesse, des

Transformer

demande

de

la

responsabilité pour évoluer vers un sort

matériaux… et cela peut se transformer en un langage, un vocabulaire80.

durable72 ; c’est un acte militant73. Parler de réemploi, que ce soit celui d’objets, de

manière

celui

maîtres d’ouvrage, les ministres, et tout ceux

travailler

qui font les normes qui standardisent nos

plus

d’architectures,

classique, c’est

ou faire

l’intelligence collective pour trouver des

Les premiers à convaincre restent les

constructions81.

solutions collectives74. Construire mutable c’est offrir la capacité de partage, c’est donner des solutions qui ne soient pas figées sur des

produits monolithes .

réemploi est un acte de nécessité. Il devient

Transformer et réemployer, c’est l’idée

éthique dans une société d’abondance où les

d’une justesse collective, une économie au

ressources diminuent, et il doit être porté par

service du « vivre mieux »76, et tous les corps

tous les participants à la création en bonne

de métiers doivent s’engager, avec un but à la

volonté et sans peur des contraintes82.

75

fois juste et solide77.

18 - PARTIE 1

Quand il n’y a pas de ressources, le


Frédéric Druot décrit la demande

Cette question d’éthique concerne les

architecturale actuelle comme celle de faire

architectes,

rentrer de gros pieds (des programmes

d’oeuvre, les élus, et tous les commanditaires,

ambitieux)

car ils alimentent le goût pour les architectures

dans

des

petites

chaussures

élégantes (des formes stylisées à la mode) . 83

mais

également

les

maîtres

sculpturales et extravagantes, comme les oeuvres de Frank Gehry, par exemple84.

On voudrait aujourd’hui conserver certains édifices pour leur beauté, cependant ils n’ont pas

la solidité suffisante pour survivre. Parallèlement, des bâtiments en parfait état et construits solidement sont jugés quelconques et « jetés à l’abattoir ».

En anticipant les mutations potentielles, on pourrait garder à la fois ces incroyables pièces de

l’histoire et ces bonnes structures bien construites, et leur donner de nouveaux usages. La question du « pouvoir » garder primerait sur le « vouloir », et c’est par devoir d’économie qu’on prendrait les décisions de conserver et de transformer85 : donner la priorité à la solidité et à la pérennité en construisant des bâtiments aptes à être réhabilités par d’autres86.

77

Idem note 74, p.348.

78

Adam YEDID, « Connaître pour créer », janvier 2005,

Techniques et architecture, n°475, pp. 86-91. 79

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 70

Interview de Philippe Robert, architecte retraité, le 14

avril 2015, à Paris. 71

Michèle Zaoui, « De la réhabilitation à la reconversion

1993-2013. 80

Renzo PIANO / COLLECTIF « Un bâtiment, combien

de vies ? La transformation comme acte de création »,

des friches », juillet 1997, Techniques et architecture,

catalogue de l’exposition, p.297.

n°432, p.72.

81

Idem note 71.

82

Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de

72

COLLECTIF, « Créer dans le créer - L’architecture

contemporaine dans les anciens bâtiments », 1979, Ed.

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

Electra Moniteur / Icomos France, p.7.

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

73

COLLECTIF, « Reconvertir le patrimoine », Cahiers

Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits. 74

Julien CHOPPIN, conférence du 17 novembre 2014,

Delon, p.117. 83

Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de

Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition

l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

« Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture ».

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La

75

Idem note 71.

76

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

transformation comme acte de création ». 84

Idem note 71.

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien

85

Idem note 71.

Choppin et Nicolas Delon, p.12.

86

Idem note 71, p.73.

PARTIE 1 - 19


PARTIE 2

RECONSIDÉRER L’AVANT-PROJET : COMMANDE ET PRESCRIPTIONS

Avant de revoir le processus de conception du projet, il est nécessaire de questionner tous

les facteurs, souvent hors d’atteinte pour les architectes, qui viennent dicter la commande au stade de l’avant-projet, tels que la programmation, les normes et les financements.

Ces prescriptions sont déterminantes pour la liberté de conception, mais elles sont également

basées sur des années d’optimisation typologique, les fluctuations du marché de l’immobilier, l’observation des modes de vie… bon nombre de paramètres théorisés, précisément calculés, et difficilement ré-interrogeables.

I

une fonction unique et immuable amène

USAGE ET PROGRAMMATION

forcément à la dégradation du patrimoine bâti5.

Etant donné que la durée de vie des

édifices est supérieure à celle des usages6, le A / Oppositions - résistances culturelles

seul avenir du patrimoine est d’être adaptable car les fonctions ne sont finalement jamais permanentes7.

BÂTIMENTS À USAGE UNIQUE

Poser la question de la transmission

DES VILLES SOUPLES

du patrimoine architectural c’est interroger l’usage1. L’étape de la transformation arrive

quand il y a un changement d’usage, et par

évoluer les villes et de satisfaire à de nouveaux

usage on entend la pratique physique d’un

besoins fonctionnels8. Prévoir la mutabilité

espace2.

permettrait aux villes une grande souplesse

d’évolution des usages et des formes urbaines

Si la configuration d’un bâtiment ne

La transformation est un moyen de faire

permet pas le changement d’usage, il est

qui les composent.

économiquement impossible de le conserver.

Il est là pour servir aux besoins des sociétés car

concevoir mutable permettrait d’insérer des

il existe pour la vie qui a lieu en son sein .

éléments de toutes tailles, par exemple,

sans les voir comme des points de blocage

3

Comme le dit Bernard Tschumi : « Il

Comme l’explique Philippe Robert,

n’y a pas d’architecture sans programme. Sans

puisqu’ils

programme, l’architecture est sculpture, ruine,

transformés, et ce sont les usages mobiles qui

objet banal ou poétique sans destination. » .

animeraient les villes, en fonction des besoins.

4

Autrement dit, un bâtiment conçu pour

20 - PARTIE 2

pourraient

être

redécoupés,


La reconquête de la vallée de la Ruhr a

En replaçant la réflexion à l’échelle de

été possible de cette façon grâce à la grande

la ville, ancrée dans un temps long, l’usage

capacité des usines désaffectées qui ont été

devient la première préoccupation par son

transformées tantôt en logements, tantôt

caractère éphémère.

en écoles, en équipements publics ou en

plateaux pour d’autres activités industrielles

l’abri d’un usage unique et immuable. La

de natures diverses (fig.6).

polyvalence des usages vient alors des

potentialités même du bâtiment12 et de

9

De façon similaire, la ville de Rochefort

a mis en place, depuis les années 1970,

L’édifice ne se conçoit plus comme

l’intelligence de sa structure spatiale.

une politique urbaine de réutilisation des bâtiments anciens, où la systématisation de la démarche de réutilisation permet de résoudre les problèmes de compatibilité fonctionnelle entre le bâtiment et les programmes. Le nombre important de bâtiments à réinvestir permet de faire des choix cohérents de programmes en fonction des capacités réelles du bâtiment, et inversement10.

COLLECTIF, « Reconvertir le patrimoine », Cahiers

1

Jean HUBERT, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits.

Avec des architectures mutables, ces

édifices seraient encore moins contraignants, avec pour chacun la capacité d’accueillir de multiples programmes . 11

2

Françoise ARNAUD, « Réutiliser le patrimoine

architectural », tome 1, 1978, Ed. de la caisse Nationale des monuments historiques et des sites, p.6. 3

Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,

Ed. Littlehampton Book Services Ltd, Anglais, p.11. COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La

4

transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.245. 5

Vincent ÉBLÉ / COLLECTIF, « Reconvertir le

patrimoine », Cahiers Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits. 6

Christine DESMOULINS et Philippe ROBERT,

Transcriptions d’architectures - Architecture et patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed. ADPF, p.30. 7

Adam YEDID, « Connaître pour créer », janvier 2005,

Techniques et architecture, n°475, p.86. 8 9

Idem note 6, p.14. Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le

14 avril 2015, à Paris.

Figure 6 - Au bord de la Ruhr, à Duisbourg, la Werhahnmühle, vestige de la révolution industrielle, abrite un musée. Photographie : C. Prall

Source : le.parisien.fr

10

Idem note2, p.91.

11

Idem note2, p.91.

12

Henri-Pierre JENDY / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.32.

PARTIE 2 - 21


sur un site pour une somme donnée »18. Les B / La reconquête de la programmation

programmes sont devenus des bêtes de courses programmatiques, tellement optimisés

La

qualité

d’un

projet

de

d’un point de vue technico-économique qu’ils

transformation tient à l’adéquation entre la

sont incapables de devenir autre chose.

forme et le nouveau programme.

Pour cette bonne dialectique forme-

et architectes doivent pouvoir participer dès

fonction, il est nécessaire d’analyser les

l’élaboration du programme, collaborant pour

besoins puis d’élaborer le programme adapté,

garantir coûts et qualité 19.

Pour remédier à cela, les constructeurs

en prenant en compte les capacités et les contraintes des espaces existants. C’est ainsi que tout projet de réhabilitation est abordé,

ARCHITECTURE

ou du moins le devrait, selon le spécialiste

MODIFIABLE

GÉNÉTIQUEMENT

Philippe Robert . 13

Les

architectes

et

chercheurs

américains Rafal Kicinger et Tomasz Arciszwski ARCHITECTES-PROGRAMMISTES

ont

développé un concept d’architecture

génétiquement modifiable (AGM), selon un

La programmation est un problème

« principe de mutation efficace »20 et maximale,

majeur à affronter. Les programmes sont

dans

généralement bouclés avant le début même

est constamment remis en question pour

de la conception du projet, correspondants

produire l’optimum.

à

des

formules-types

financières

et

lequel

le

rapport

L’architecture

ne

forme-fonction

s’inspire

plus

normatives, sans vie et sans créativité .

seulement des formes du monde du vivant,

Alain Sarfati fait remarquer que les

du « bios », il s’agit, au moyen de l’informatique

programmes sont livrés par des programmistes

et de nouveaux logiciels, de « simuler » et

et que les architectes ne peuvent plus y

d’élaborer des projets suivant un « processus

toucher. Il n’y a pas de possibilité d’ajustement

biologique d’évolution et de développement »

sur-mesure15. Or le travail de l’architecte

comparable aux gênes. Le nouveau modèle

consiste aussi à « avoir l’imagination de

d’architecture s’apparente à l’ADN et à « la

réinventer des utilisations »16. Il y a donc

capacité d’un organisme vivant, par le recours

urgence pour les architectes à reconquérir

à la mutation, à s’adapter de la meilleure

cette part essentielle de la préparation d’un

manière à des conditions spécifiques de vie ».

projet .

14

17

Les

programmes

devraient

Le

paramètre

esthétique

n’existe

être

plus. La forme n’est plus une question

moins directifs, plutôt comme des objectifs à

d’imagination ou d’inspiration. Elle devient

atteindre.

celle que le programme dicte pour la

meilleure rentabilité fonctionnelle.

À l’heure actuelle, il s’agit surtout de

« bourrer le plus de mètres carrés possibles

22 - PARTIE 2


Leur

proposition,

techniquement

complexe, considère le caractère éphémère des usages, l’évolution des matériaux, et la mutation des « contraintes contextuelles ». Il s’agit d’une loi programmatique « réactive ».

Grâce

au

perfectionnement, « rationaliser

logiciel il

l’usage

Inventor,

en

est

possible

de

des

matériaux

et

l’agencement des structures », et créer une architecture aux paramètres variables, insérés dans ce programme. 13

Cette architecture « mutante » pourrait

être une réponse à la conception de bâtiments résilients, mais les deux architectes font remarquer que produire de telles architectures nécessite un financement important pour assumer, d’une part le coût des programmes de simulation et de suivi, d’autre part les coûts pour faire évoluer les bâtiments de manière à les maintenir continuellement à leur plus haut degré de qualité d’usage et d’économie

Bien

14

qu’extrêmement

coûteuse,

sophistiquée et radicale, leur considération de l’architecture comme un élément codifié génétiquement avec la capacité d’adaptation à son environnement est très séduisante.

Témoignages d’Eva SAMUEL, architecte et de

Patrick Bouchain, architecte / étude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est- il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.13. 15

Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 16

d’utilisation21.

Philippe ROBERT, « Reconversions / Adaptations -

New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur, p.5.

Maryvonne DE SAINT-PULGENT, « Il faut

repatrimonialiser les architectes », 1994, D’Architectures, n°48, p.32. 17

Idem note 13.

18

Myrto VITART, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

De

façon

théoriquement

similaire,

Bernard Reichen et Philippe Robert parlent d’un « patrimoine caméléon » ou « patrimoine en mouvement », un processus qui intègre reconversion et changement d’usages22.

19

Etude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le

logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.48. 20

Paul ARDENNE, « AGM : Architecture génétiquement

modifiable, une perspective », 2008, Archistorm, n°30, p.19. 21

Idem note 19, pp.18-19.

22

Bernard REICHEN et Philippe ROBERT / COLLECTIF

« Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.131.

PARTIE 2 - 23


II

TESTER DIVERS USAGES

À partir de ces observations sur

le travail sur l’existant, il est possible de renverser la réflexion pour que la question de

L’ÉCONOMIE DE LA MUTABILITÉ :

INVESTISSEMENTS À LONG TERME ET DROITS ACQUIS

la mutabilité soit abordée dès la conception d’un projet neuf, tant programmatiquement

BILANS DURABLE = COÛTS + BÉNÉFICES + DURÉE DE VIE

que constructivement23.

Philippe Robert propose que, pour

Parfois, les bâtiments sont obsolescents

programmer un édifice à venir, on commence

avant même leur amortissement sur le plan

par imaginer sa deuxième vie, sa troisième,

économique28.

voir davantage, puis que l’on revienne à sa

fonction initiale. Par des essais de différents

les formules flexibles peuvent intéresser

programmes, on assure que le bâtiment

les promoteurs du fait que les marchés

pourra survivre à plusieurs fonctions24.

immobiliers, de bureaux et de logements

La capacité d’accueil (les « plans B »)

surtout, sont à même basculer très vite29. Les

serait démontrée lors de la demande du

immeubles de bureaux, par exemple, sont

permis de construire, et ainsi officiellement

confrontés à des changements d’usages de

enregistrée.

plus en plus rapide, dès 15 à 20 ans30, voir

Jean-Patrice

Calori

explique

que

moins.

En plaçant la programmation à la

naissance

du

processus

de

Pour construire des bilans durables,

conception,

la durée d’amortissement doit avoir sa place

l’architecture mutable devient « comme un

dans les bilans évaluant les coûts et les

laboratoire d’expérimentation typologique et

bénéfices, mais la durée de vie du produit

programmatique qui fabrique les conditions

doit également être prise en compte31.

de nouvelles vies pour les bâtiments »25. VALEUR AJOUTÉE INCONNUE

La transformation est un défi tant

technique

que

programmatique26.

Il

est

De la même manière, le critère de

nécessaire de changer les méthodes de

mutabilité

et

de

travail, les outils, et surtout les habitudes, pour

devrait

s’adapter à un mode dynamique où il y a,

construction est plus ou moins passive32,

certes, de l’incertitude et de l’inconnu27.

comptabilisant

compter

réversibilité pour

l’énergie

temporelle

évaluer grise

si et

une les

financements qu’elle engendre.

Il y a une valeur, difficilement chiffrable

certes, à ce qu’un bâtiment ou un quartier

24 - PARTIE 2


soit capable d’évoluer mais elle est rarement

la

considérée dans les calculs d’investissements.

supplémentaire de 300 mètres carrés37. Cent

Cette capacité pourrait pourtant permettre

ans après son élaboration, cette structure était

beaucoup d’économies33.

suffisamment bien construite pour constituer

une économie de moyens non négligeable.

Il est impossible d’évaluer la plus-

création

d’une

salle

d’exposition

value financière car il n’y a pas de bénéfice

Quand il y a bonne adéquation entre

rapide de la formule pour évaluer le « retour »

la forme et la fonction, la transformation

d’investissement. Ces bénéfices ne peuvent

offre généralement des réductions de coûts

être perçus et évalués que sur le long terme, sur le temps de l’existence des usages34,

23

Michèle ZAOUI, « De la réhabilitation à la

mais une valeur existe définitivement, dans

reconversion des friches », juillet 1997, Techniques et

les possibilités d’utilisations plurielles que la

architecture, n°432, p.73.

mutabilité offre sur le « temps-long »35.

24

Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, le

14 avril 2015, à Paris. 25

Francis RAMBERT / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de

RETOUR

D’EXPÉRIENCES

DE

TRANSFORMATION : ÉCONOMIE DE MOYENS

En analysant des expériences de

création », catalogue de l’exposition, p.13. 26

Idem note 25, p.18.

27

Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable

? », 2010, Habitat et société, n°60, p.68. 28

François GOVEN / COLLECTIF, « Reconvertir le

transformation on constate qu’une structure

patrimoine », Cahiers Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux

en bon état est une vraie économie pour

Dits.

porter le projet suivant36.

29

architecture, le 15 juin 2015, Paris. 30

L’entrepôt de textiles de Vienne, conçu

entre 1864 et 1870 par les architectes viennois Couturier et Rondepierre, reconverti en 1965 en équipement sportif, par AUA, Chemetov et Paris architectes, est un très bon exemple pour illustrer l’économie possible quand l’existant est de grande qualité.

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB Exposition « Métamorphoses », Pavillon de l’Arsenal,

du 22 avril au 24 mai 2015, Paris. 31

Idem note 27, p.62.

32

Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.107. 33

Idem note 27 p.64.

34

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux

L’exploitation de cette structure a

divisé les coûts par quatre et donné lieu à un programme très généreux. Réutiliser cet entrepôt a permis de réaliser des

réalités… », 1993-2013. 35

Jean-Marc HUYGEN / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.155. 36

Françoise ARNAUD, « Réutiliser le patrimoine

économies substantielles en évitant les coûts

architectural », tome 1, 1978, Ed. de la caisse Nationale

et les nuisances qu’aurait

des monuments historiques et des sites, p.54.

occasionné sa

démolition, en réduisant considérablement les frais d’aménagement, et en permettant

37

COLLECTIF / Centre de Création Industrielle / Centre

Georges Pompidou, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou, p.46.

PARTIE 2 - 25


sur le coût d’aménagement. Il a été possible de faire 120 logements et services, contre 100 logements pour un projet neuf (sur le même site, avec les mêmes réseaux…), et les charges locatives ont baissé de 60%40. Transformer est, dans le cas présent, moins

coûteux

que

de

démolir

puis

reconstruire, et en plus de cela moins long à réaliser41. Figure 7 - La Tour Bois-le-Prêtre réhabilitée par l’équipe LACATON & VASSAL et Fréd&ric DRUOT.

Source : themodernhouse.net

conséquentes38 et l’énergie grise est moindre

RETOUR D’EXPÉRIENCES DE

car on utilise ce qui est déjà présent sur le site.

TRANSFORMATION : DROITS ACQUIS

La transformation est moins énergivore.

Avec la réhabilitation de la Tour Bois-

Il y a également des gains importants

en droits acquis.

le-Prêtre (fig.7) à Paris VIIe, réalisée entre

2005 et 2011 par l’agence Lacaton&Vassal

permet

et Frédéric Druot, on voit de quelle manière

règlements contemporains, notamment en ce

une

qui concerne les droits de vue ou de capacité

transformation

optimisée

peut

être

Travailler sur des bâtiments existants quelques

fois

extrêmement économique.

de surface constructible42.

Ils ont appliqué dans ce projet ce qu’ils

d’outre-passer

les

Cela est dû au fait qu’entre la

nomment la « théorie du PLUS », consistant à

construction des bâtiments et leur réhabilitation,

« ajouter du bien à ce qui n’est pas si mal »39,

les règles, comme le coefficient d’occupation

c’est-à-dire ajouter une plus-value à l’existant,

des sols (COS), ont changé, voir disparu.

ne jamais détruire et toujours améliorer.

Et en gardant l’édifice existant, on bénéficie

De

cette

manière,

le

projet

a

réalisé 74% d’économies d’énergie, 62%

des droits appliqués au gabarit antérieur à ces directives.

d’économies financières et 56% d’économies Figure 8 - La Cité de la Mode et du Design, vue de nuit, depuis le pont d’Austerlitz.

Source : paris-parc.fr


La Cité de la Mode et du Design (fig.8),

livrée en 2008 par les architectes du groupe Jakob&Macfarlane, bâtie sur le squelette des

anciens

Magasins

Généraux

datant

de 1907 (oeuvre de l’architecte Georges Morin-Goustiaux), est construite comme une avancée sur la Seine. Lors d’une conférence, l’architecte Myrto Vitart fait remarquer que cela n’aurait jamais pu être fait sans la structure existante43, qui s’étirait justement vers la Seine pour accueillir les marchandises transitant des péniches vers la Gare d’Austerlitz.

C’est grâce à la fonction d’origine de

l’édifice que la Cité de la Mode profite de cette configuration spatiale et surtout de sa position privilégiée sur les Quais de Seine.

Figure 9 et 10 - L’immeuble du 128-130 Boulevard Raspail (avant et après la réhabiliatation par l’agence Franklin Azzi), Paris 6e, avant et après réhabiliatation. 38

Source : www.franklinazzi.fr

Christine DESMOULINS et Philippe ROBERT,

« Transcriptions d’architectures - Architecture et

De la même manière, la réhabilitation

patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed. ADPF, p.31.

de l’immeuble de bureaux du 128-130

39

Boulevard Raspail (fig. 9 et 10)(Paris VIe) par

combien de vies ? La transformation comme acte de

Franklin Azzi, se sert du dessin angulaire et

Francis RAMBERT / COLLECTIF « Un bâtiment,

création », catalogue de l’exposition, p.21. 40

Frédéric Druot, conférence du 2 juin 2015,

non aligné des façades sur rue du projet initial

« Transformation versus démolition », cité de

(construit dans les années 1970 par Michel

l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

Herbert) pour conserver un grand linéaire de

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La

façade et ainsi bénéficier de larges entrées de lumière . 44

transformation comme acte de création ». 41

COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La

transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.227.

Bien évidemment, en plus d’offrir

42

Idem note 38, p.36.

43

Myrto VITART, conférence du 16 mars 2015,

parfois des libertés formelles et spatiales,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture

la conservation du gabarit existant assure

et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

souvent

une

plus

construction,

plus

grande de

capacité

mètres

de

carrés

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 44

Franklin AZZI, conférence du 2 juin 2015,

constructibles, c’est-à-dire une plus grande

« Transformation versus démolition », cité de

rentabilité du terrain.

l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

Pour

le

projet

de

restructuration

du 32 rue Blanche (Paris IXe) par Franck Hammoutène, livré en 2012, le parfait état de l’ossature en acier de cet immeuble datant de 1910 a permis la conservation de la structure

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 44

Franck HAMMOUTÈNE, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 2 - 27


et donc une emprise au sol de presque 100%

JUSTIFIER LA DÉPENSE

du terrain45.

Cela aurait été tout à fait inconcevable

pour un projet neuf.

La

conception

d’une

architecture

mutable devrait pourtant correspondre aux modes de financement moderne : une vision

Frédéric Druot expliquait, pareillement,

à long terme des investissements et une

que si la Tour Bois-le-Prêtre avait été détruite,

inscription dans une économie de réemploi50,

le projet neuf aurait compté tout au plus

où les gains peuvent être très importants.

la même surface construite, voir moins. En

prenant le parti de la réhabilitation, cette

et pérennes, plus ils seront rentables et

surface passe de 100% à 150%.

rentabilisés, et plus l’investissement nécessaire

Plus les bâtiments seront utiles, utilisés

à la construction sera amorti51.

Toutefois, la culture de l’immédiateté

LA DEMANDE DU MARCHÉ DE

et la peur de l’inconnu, synonyme de non-

L’IMMOBILIER : CONSTRUCTIONS NEUVES

contrôle,

empêche

la

mutabilité

de

se

développer.

Tous

ces

bénéfices

tirés

de

la

transformation sont néanmoins contrés par

Patrick

Rubin

expliquait

que

les

des arguments économiques ou culturels.

investisseurs ont par exemple des difficultés à accepter de changer les dimensionnements

Les promoteurs estiment que neuf

des

bâtiments

pour

correspondre

que de faire du neuf. Donc, pour justifier

parce que construire des logements avec

l’investissement, il est nécessaire d’avoir

2,70m

les services d’un architecte de talent qui

que 2,50m équivaut à 20 centimètres de

sache apporter une plus-value finale au

matériaux supplémentaires, 20 centimètres

bâtiment existant . Les maîtres d’ouvrage

de peinture supplémentaires, etc., donc un

sont néanmoins poussés à s’orienter vers la

prix d’investissement plus élevé52.

transformation car démolir coûte de plus en

plus cher47.

comme une dépense aveugle non justifiable.

46

plusieurs

puissent

fois sur dix il coûte plus cher de réhabiliter

de

à

qu’ils

hauteur

sous

fonctions,

plafond

plutôt

Trop d’acteurs voient la mutabilité

Les normes constituent également un

frein

important

car

elles

sont

très

compliquées et peu ajustées à l’exercice de

est

la transformation48.

dans

Le parti pris spatial de la mutabilité toutefois une

durable

53

un

argument

démarche

de

économique

développement

: par exemple, rendre un quartier

Le blocage majeur reste le suivant : la

où le prix du foncier est très élevé évolutif est

demande du marché de l’immobilier va vers

certainement très intéressant financièrement54.

les constructions neuves49.

À l’échelle du bâtiment, l’investissement

28 - PARTIE 2


temporel et humain nécessaire à toute

représenteront plus des surcoûts mais bien

transformation55,

des investissements de grande rentabilité.

notamment

durant

les

étapes de démontage ou de déconstruction où la dépose soignée des matériaux coûte cher56, doit être compensée par la revente ou la réutilisation des matériaux57 et surtout la réutilisation confortable de l’édifice.

46

Bruno PINARD, directeur Général de BNP Promotion

Immobilière d’entreprise, conférence du 2 juin 2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

« HABITAT COLONNE » : EXEMPLE D’UNE ALTERNATIVE

47

Frédéric DRUOT, conférence du 2 juin 2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

Avec le procédé « Habitat Colonne » (cf.

acte de création ». 48

Idem note 46.

annexes), développé par VINCI Construction

49

Idem note 46.

suite à une étude réalisée en partenariat avec

50

l’agence CANAL, la construction est optimisée.

Le projet est évalué du point de vue

Steven BECKENS / COLLECTIF, « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.212. 51

Sébastien MAROT / COLLECTIF,

« Un bâtiment,

de sa construction, de son fonctionnement et

combien de vies ? La transformation comme acte de

de sa reconversion. La flexibilité est donnée

création », catalogue de l’exposition, p.106.

par un système constructif simple et souple, qui fonctionne tel un squelette dans lequel

52

Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL

Architecture, le 13 avril 2015, Paris. 53

Etude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le

s’insèrent des éléments préfabriqués pré-

logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête

assemblés sur le chantier.

et conviction pour une requalification du logement

L’industrialisation du procédé permet

théoriquement de gagner quatre mois sur la durée du chantier, ce qui représente une économie considérable.

partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.6. 54

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux réalités… », 1993-2013. 55

Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de

Le système est industrialisé mais non

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

figé, non uniforme. Il apporte pérennité,

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

fiabilité et évolutivité58.

Delon, p.117. 56

Alexandre DOYÈRE, directeur de l’entreprise Doyère

Démolition / COLLECTIF, catalogue de l’exposition

Cette étude démontre l’intérêt porté

par tous les corps de métiers vis à vis de la

« Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.314. 57

Lionel BILLIET et Michael GHYOOT, collectif ROTOR

formule évolutive et les bénéfices multiples

(Belgique), conférence du 17 novembre 2014, Pavillon

qu’elle peut apporter à nos villes et notre

de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière

économie.

Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture ».

En effet, en anticipant toutes les

étapes, dès la conception, les projets ne

58

ADIM / Vinci Construction France / Résidences

Sociales de France / Groupe 3F / CANAL Architecture / EGIS, « Habitat Colonne - Un procédé industrialisé pour le logement étudiant », février 2013, vidéo de 5’00.

PARTIE 2 - 29


III

LA MUTABILITÉ FACE AUX NORMES

Quand on sait construire des bureaux,

on s’y tient, et un autre architecte apprendra à

construire

des

logements

selon

les

normes. Pareillement pour les équipements scolaires, les établissements hospitaliers, les équipements sportifs ou culturels, etc.

DES CATÉGORIES NORMÉES DE BÂTIMENTS

Bernard

Huet

expliquait

que

MARIER LES STANDARDS

« dans la construction traditionnelle, le dimensionnement

des

l’aboutissement

éléments

En travaillant sur l’étude CONJUGO,

initiée par le groupe Vinci Construction, Patrick

artisans,

Rubin proposait de marier les standards,

architectes et usagers », ainsi « la solution

mutualiser les règles : « sécurité incendie,

idéale, fixée par l’usage, répond à un grand

réseaux,

nombre

accessibilité,

transaction

de

techniques,

entre

long

processus

de

d’un

est

fabricants,

paramètres, mais

aussi

non

seulement

sociologiques

et

symboliques »59. Or on ne peut pas créer des

fluides,

structure,

environnement…

acoustique, autant

de

paramètres à faire converger avec économie, qualité d’usage et éco-conception »63.

éléments compatibles à plusieurs fonctions en restant enfermé dans ces normes propres à

André

un seul et unique usage.

du

Champeaux,

développement

de

directeur

Réhagreen

chez

Bouygues Immobilier, proposait, lors d’une

Les normes, les contraintes juridiques

conférence, de déverrouiller certaines règles

et fiscales, dictent la commande comme « un

pour pouvoir coupler certaines typologies

habit de confection mal ajusté » . Elles ont

qui pourraient être facilement compatibles

créé des catégories de bâtiments, propres à

(immeubles de bureaux et de logements par

un usage spécifique, qui figent les capacités

exemple), sans être réduits au minimalisme64.

d’évolution61.

60

Il est cependant extrêmement long

de fabriquer ou de changer les normes. C’est

Ces

si

un processus qui prend plusieurs années

que

d’études et qui explique que nous travaillions

les architectes eux-mêmes sont divisés :

toujours sur les acquis de la règle précédente,

« aujourd’hui vous avez des gens qui font

alors qu’il devient urgent de se projeter et de

des bureaux, vous avez des gens qui font des

concevoir avec des règles pour l’avenir65.

précises,

catégories expliquait

sont Patrick

devenues Rubin,

logements, et ce ne sont pas les mêmes »62.

Les règles sont devenus si complexes

qu’il est difficile de jongler entre les différentes fonctions au sein d’un même édifice.

30 - PARTIE 2


UNE MARGE D’ACTION

La

standardisation,

pour

atteindre

des objectifs précis en normalisant, a fini par bloquer les possibilités. L’industrialisation est réglée par les normes qu’elle règle à son tour.

C’est

une

boucle

infernale

contraignante.

En 1748, Montesquieu disait déjà : « les

59

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux

Or 99% des règles normatives dans le secteur

réalités… », 1993-2013.

de la construction ne sont pas obligatoires.

60

Etude réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le

logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête

Elles le deviennent seulement car elles

et conviction pour une requalification du logement

sont citées dans les Cahiers des Closes

partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat

Administratives Générales (CCAG)66.

Ainsi on demande aux architectes de

faire dans les normes, vite et pas cher67, car le moindre écart par rapport à la norme est pénalisé par les assureurs, considéré comme

durable et solidaire, p.6. 61

Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable ? »,

2010, Habitat et société, n°60, p.64. 62

Interview de Patrick Rubin, architecte, CANAL

architecture, le 13 avril 2015, Paris. 63

Etude « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis

de la ville durable : construire réversible », VINCI

une prise de risque. Les maîtres d’ouvrage

Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture,

finissent par imposer les règles qui étaient à la

2015, vidéo de 4’40.

base facultatives, pour ne pas payer plus cher.

64

André CHAMPEAUX, directeur du développement

de Réhagreen chez Bouygues Immobilier, conférence

C’est un cercle vicieux68.

du 2 juin 2015, « Transformation versus démolition »,

De la même manière, si la question de

cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre

l’assurance n’est pas abordée autrement le système n’évoluera pas . 69

de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 65

Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL

architecture, le 13 avril 2015, Paris.

La réglementation devrait fixer des

objectifs et non les moyens d’y parvenir70. Il faut donner du « droit d’entreprendre » face aux normes . 71

66

Rony CHEBIB / COLLECTIF, catalogue de l’exposition

« Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.271. 67

Gilbert SIMONDON / COLLECTIF, catalogue de

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.150. 68

Idem note 66, p.271.

69

Idem note 66, p.272.

70

Idem note 66, p.271.

71

Frédéric DRUOT / COLLECTIF, étude réalisée par

l’agence CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010.

PARTIE 2 - 31


ABSORBER LES RÈGLES

Revisiter

les

architectures avec des formes incroyables75.

normes

c’est

aussi

D’autre part, Franklin AZZI expliquait,

réinterpréter leur prise en compte. Elles sont

de part son expérience sur des projets

vues comme des contraintes alors qu’elles

de réhabilitation, que les bâtiments se

peuvent parfois être source de générosité.

transforment bien quand ils ont la liberté et

Les

normes

d’accessibilité

aux

la qualité d’usage face aux normes, inscrites

personnes à mobilité réduite, par exemple,

dans leur conception initiale grâce à un choix

exigent finalement qu’on redonne « de la

de rationalité dans le projet76.

lisibilité aux équipements, de la fluidité aux

circulations, du confort d’usage et de la

informations

qualité des ambiances (éclairement, éclairage,

contraintes, lors du processus de conception,

acoustique) ».

permettrait de les reconsidérer et de les

absorber dans le projet plutôt que les subir.

Augmenter les surfaces, quelles qu’en

Intégrer

les

normes

existantes

comme

plutôt

que

des des

soient les raisons, devraient être considéré comme un gain indéniable72. PLUS DE CONTRAINTES = PLUS DE LIBERTÉ ?

Ainsi, quelles qu’en soient les règles,

qu’elles

concernent

la

sécurité

incendie

Marier les normes pour créer des

ou la mutabilité, elles devraient enrichir

édifices où les différents programmes se

la conception architecturale et non être

superposent (dans l’espace ou dans le temps)

contraignantes : « si les obligations sont

est un exercice complexe mais non impossible.

interprétées habilement par l’architecte, elles sont de nouveaux ingrédients de conception

Dans

l’étude

CONJUGO,

une

avec lesquels jongler pour composer des

typologie est développée pour des édifices

espaces innovants »73.

qui accueilleraient à la fois des logements et des bureaux, en conjuguant les contraintes

De

très

bons

bâtiments

peuvent

normatives.

naître des règles, comme le nouveau siège de

la

fondation

Jérôme

Seydoux-Pathé

(fig.11), conçu par Renzo Piano, dont la forme organique épouse les retraits dictés par le PLU pour ce coeur d’îlot du 13e arrondissement de Paris74.

Lors

Hammoutène

d’une fait

conférence, aussi

Franck

remarquer

que

malgré la grande complexité des règles très contextuelles au Japon il y a là-bas des

32 - PARTIE 2

Figure 11 : Fondation Seydoux-Pathé, Paris 13e ; coupe longitudinale.

Source : www.11h45.com


Cette nouvelle typologie, au stade

Il n’y a plus de distinction propre à

exclusivement théorique à l’heure actuelle,

l’usage de l’édifice ; la tour abrite à la fois des

résout à la fois les discordes d’épaisseur de

bureaux et des logements78.

bâtiments, de hauteur sous plafond, et de sécurité incendies77. On comprend grâce à ce

Finalement, ne faudrait-il pas, aussi

travail que coupler les normes peut donner

paradoxal que cela puisse paraitre, accepter

lieu à de la générosité et de la liberté, dès

plus de « contraintes », plus de données, dès

lors qu’elles sont projetées avec un système

le début, pour être plus libre ?

constructif rationnel et intelligent.

Patrick Rubin compare notre situation

Lors du projet de réhabilitation de

à celle de la mise en place du tri sélectif, en

la Tour F à Balard (Paris XVe) (fig.12), Franck

pointant le fait que tout peut être fait avec de

Hammoutène remarquait que les normes

la volonté. CANAL n’a pas été la seule agence

des Immeubles de Grande Hauteur (IGH)

d’architecture à participer à une étude comme

permettent à toutes les contraintes normatives

CONJUGO, et l’engouement actuel pour la

de sécurité incendies de se rejoindre.

transformation démontre bien une chose : les réponses sont là, en attente d’une démarche79.

Tous

ces paramètres, plus administratifs qu’architecturaux, influencent grandement la

conception et la marge de manoeuvre des architectes.

En admettant une possible flexibilité normative, une vision économique durable et un vrai

travail de programmation dominé par l’architecte, il est alors possible de questionner la conception du projet. Sans évolution de la part des commanditaires, maitres d’ouvrage et autres acteurs dans le développement de l’avant-projet, il est très difficile pour les architectes de bousculer les standards.

74

Franklin AZZI, architecte, conférence du 2 juin

2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La 72

Frédéric DRUOT, architecte / COLLECTIF, étude

réalisée par l’agence CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.35. 73

Xavier BERTHET, chargé d’études pour un

transformation comme acte de création ». 75

Franck HAMMOUTÈNE, architecte, conférence du

2 juin 2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 76

Idem note 74.

77

Etude « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis

groupement de consultants en accessibilité pour

de la ville durable : construire réversible », VINCI

tous / COLLECTIF, étude réalisée par l’agence

Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture,

CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’est-

2015, vidéo de 4’40.

il qu’un produit ? - enquête et conviction pour

78

Idem note 75.

une requalification du logement partagé », 2010,

79

Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL

ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et

architecture, 13 avril 2015, Paris.

PARTIE 2 - 33


CONCEPTION DU PROJET : ANTICIPER LA FLEXIBILITÉ

PARTIE 3

Si un bâtiment plaît aux gens, s’ils l’aiment, alors il n’y a que la structure et son potentiel

transformateur qui puissent l’empêcher de durer1 (au delà de l’inévitable phénomène d’entropie, cité

plus haut). La qualité structurelle fait la pérennité du bâtiment. Qu’il soit beau ou de tel style reste secondaire. On peut transformer un bâtiment, le peindre, changer son look… C’est plus compliqué s’il ne tient pas debout2.

Nos vieux édifices sont bien faits, bien construits, solides. Ils tiennent et sont flexibles car ils

sont généreux et transformables3. De la même manière, pourquoi la qualité de nos architectures, de leurs assemblages et leurs matériaux ne nous pousserait-elle pas à les garder en vie et les faire perdurer, comme dans les villes anciennes ?4.

La conception d’une architecture mutable semble ainsi indissociable du facteur structurel, et

à toutes les échelles de sa considération.

I

CHOIX CONSTRUCTIFS : ENTRE SAVOIR TECHNIQUE ET RETOURS D’EXPÉRIENCE

Il y aurait aujourd’hui plutôt une

coopération entre entreprises et ingénieurs qu’entre

ingénieurs

et

architectes7.

Cependant, il y a une vraie complémentarité nécessaire entre ces deux derniers, qu’il nous faut exploiter et retrouver, au service

A / Choix structurels au coeur

de systèmes structurels et constructifs non

de la conception

seulement solides, mais aussi intelligents.

Dans ce sens, Jacques Herzog fait

référence au concept de permanence des COLLABORATION

monuments d’Aldo Rossi : « il s’agit non

seulement qu’une structure soit réalisée sur

ARCHITECTES - INGÉNIEURS

une base physiquement solide, comme le que

suggère la « FIRMITAS » de Vitruve, mais aussi

l’architecte est avant tout un maçon, un

sur un fondement intellectuel qui anticipe une

bâtisseur .

possible transformation future »8.

Patrick

Rubin

nous

rappelle

5

Or, depuis longtemps il existe une

relation d’amour-haine entre les architectes et les ingénieurs, alors qu’un grand nombre des plus beaux monuments sont les fruits de leur collaboration, lorsque l’esprit pragmatique de l’ingénieur est associé à l’esprit intuitif de l’architecte6. 34 - PARTIE 3


STRUCTURES CAPABLES

B / Leçons tirées de la réhabilitation

L’agence CAB a la chance d’avoir trouvé

un équilibre dans le partenariat avec le bureau

FAÇADES PORTEUSES

d’études BATISERF, et plus particulièrement l’ingénieur-structure Philippe CLEMENT, avec

qui elle collabore depuis plusieurs projets.

architectes ayant pratiqué la réhabilitation

Lors de leur travail en commun, les

ont finalement une expérience qui leur donne

architectes donnent un sens au projet, à partir

sûrement un regard plus aiguisé pour juger

duquel les ingénieurs trouvent des solutions

de ce qui est transformable ou contraignant

techniques adaptées. La structure est pensée

; un regard pouvant s’avérer précieux pour

au service d’un usage, savante et expressive.

concevoir des architectures mutables.

Pour Jean-Patrice Calori, la structure

Patrick

RUBIN

observe

que

les

Un exemple qu’il cite est celui d’un

est en effet à considérer comme un élément

des immeubles de l’ensemble du 58-66 rue

de synthèse du projet : bien étudiée et

Mouzaia (Paris XIXe) (fig.12), initialement de

conçue d’après un paramètre propre au site

bureaux, que l’agence CANAL a récemment

ou à l’usage, celle-ci résout la majorité de la conception architecturale. Ensuite il y a les questions de matérialité, de lumière, de profondeur,

d’épaisseur…

indépendantes

de la structure même, seule garante de la

1

mutabilité.

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

acte de création », catalogue de l’exposition, p.97.

Les architectes de CAB parlent de

2

« structure capable »9.

Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,

Ed. Littlehampton Book Services Ltd, anglais, p.20. 3

Jacques HERZOG, architecte / COLLECTIF, « Un

Patrick Rubin ne fait que confirmer cela

en disant que « ce qui préside à tout c’est le

Renzo Piano / COLLECTIF, « Un bâtiment, combien

de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.293. 4

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

mode constructif »10.

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien

Choppin et Nicolas Delon, p.33.

De même que Philippe ROBERT qui, en

repensant aux projets de réhabilitation qu’il a réalisés, assure que l’intelligence constructive et la générosité sont les clefs de la réussite .

5

Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL

architecture, 13 avril 2015, Paris. 6

Idem note 2.

8

Jacques HERZOG, architecte / COLLECTIF, « Un

11

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

En effet, concevoir en pensant à des

transformations futures, cela veut aussi dire identifier les erreurs à ne plus commettre. Et

acte de création », catalogue de l’exposition, p.97. 9

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB

architecture, 15 juin 2015, Paris. 10

Idem note 5.

on peut apprendre beaucoup en regardant les

11

Interview de Philippe ROBERT,a architecte retraité, 14

opérations de réhabilitation.

avril 2015, Paris. 12

Idem note 5.

PARTIE 3 - 35


transformé en logements. La façade porteuse et fixe a fortement contraint la répartition des espaces internes en fonction du placement des ouvertures : « souvent le problème quand vous réhabilitez, c’est comment on vient taper sur la peau »12.

Face à une telle expérience, on

aura tendance à favoriser les façades libres, non porteuses, pour que celles-ci puissent Figure 12 : Croquis de l’ensemble d’immeubles du 58-66 de la rue Mouzaia. Source : canal-architecture.com

(cf. annexes)

évoluer avec les nécessités et ne pas figer les ouvertures du bâtiment.

DIMENSIONNEMENTS

Certaines façons de faire sont ainsi

clairement à éviter pour favoriser la mutabilité.

Il faudrait, par exemple, cesser de

construire des parkings de 2,20 mètres de hauteur sous plafond car ceux-ci pourront difficilement être transformés en autre chose.

Quand elle est généreuse, la structure

permet de se libérer de la contrainte13.

L’architecte suisse Christian KEREZ

intègre cette générosité automatiquement dans ses projets en suivant cette formule : « everything is orversized »14.

Le surdimensionnement n’est toutefois

pas l’unique solution.

Patrick Rubin prend l’exemple du projet

de transformation des silos de Chaumont en Figure 13 et 14 : Les silos de Chaumont reconvertis en

bibliothèque (fig. 13 et 14), réalisé entre 1990 et

bibliothèque par CANAL Architecture, 1990-94. Vues de la

1994, où les contraintes structurelles, une fois

façade principale et d’un espace de lecture.

acceptées, font partie du « génie des lieux »15.

Source : canal-architecture.com

36 - PARTIE 3


Figure 15 : Ancienne imprimerie MAME reconvertie en écolesupérieure des Beaux-Arts de Tours, par Franklin AZZI. Vue de la façade principale.

VOILES

Source : www.franklinazzi.fr

En effet, ce bâtiment de production

avait été conçu pour anticiper d’éventuelles et

Alain Sarfati insiste sur les voiles les

murs

de

refends,

qu’occasionnellement . 16

Étant

à

transformations grâce à un système de

n’utiliser

remplissage de la structure poteaux-poutres

souvent

(cf. annexes).

porteurs et peu espacés, il devient impossible

Ce choix s’orientait également vers

de les supprimer en cas de besoin, donnant

une certaine économie de la structure18.

lieu à des espaces figés non transformables.

À l’opposé, les systèmes poteaux-

poutres et poteaux-dalles sont très flexibles, donc à favoriser17.

13

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB

architecture, 15 juin 2015, Paris. 14

ÉCONOMIE DE LA STRUCTURE

l’architecture et du patrimoine. 15

Franklin Azzi nous fait remarquer, en

Christian KEREZ, conférence du 11 mai 2015, cité de Interview de Patrick RUBIN, architecte, CANAL

architecture, 13 avril 2015, Paris. 16

Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,

prenant pour exemple le projet de l’imprimerie

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture

MAME (construite en 1950 par Bernard

et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

Zehrfuss et Jean Prouvé) tout récemment

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

reconvertie pour être l’école supérieure des

17

Idem note 15.

Beaux-Arts de Tours (fig.16 et cf. annexes), que

18

Franklin AZZI, architecte, conférence du 2 juin

moins il y a de structure, mieux le bâtiment se transforme, car il est plus facile de remplir une structure que de la démolir.

2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 3 - 37


IMMEUBLES HAUSSMANNIENS

la

La mutabilité peut aussi exister à

contraintes attribuées à l’édifice, en terme de

travers des structures très contraintes et très

liberté structurelle, d’organisation spatiale et

dessinées.

de dimensionnement.

Ainsi, on peut déjà en déduire que mutabilité

dépend

Construire

énormément

réversible

remet

des

donc

Le modèle de l’immeuble haussmannien

en question les manières de construire et

sert sans cesse d’illustration à ce paradoxe

nécessite une conscience aiguisée des limites

car c’est finalement un système assez pré-

que nous créons21.

déterminé mais également très capable : les plafonds sont hauts, la trame des éléments

II

porteurs n’est pas trop serrée… « il y a un schéma mais qui peut s’adapter »19.

Les immeubles haussmanniens sont,

d’après Philippe Robert, les meilleurs exemples

ANALYSE DE SYSTÈMES : STRUCTURE, ORGANISATION SPATIALE ET DIMENSIONNEMENT

de flexibilité, grâce à leur typologie, leur mode de construction, mais aussi grâce à la qualité

Comme Jean-Patrice Calori l’expliquait

des matériaux mis en oeuvre qui leur donne

lors de notre entretien, des contraintes fixes

une grande pérennité :

comme des noyaux ou quelques voiles ne font

« (…) les immeubles haussmanniens,

pas forcément du projet quelque chose de

tels que ceux qu’on voit simplement dans tout

figé. Quand ces éléments sont intelligemment

Paris, (…) reconvertis des dizaines de fois. Ils

placés, on peut très bien s’en accommoder22.

ont été d’abord des immeubles bourgeois, quand ils ont été construits, ensuite ils ont

été des bureaux, ensuite, aujourd’hui, ils sont

spatiale apporte son lot de contraintes dont il

à la fois appartements, bureaux, professions

faut avoir conscience lors de la conception.

libérales, parfois des boutiques en étages, les

rez-de-chaussée sont utilisés… On ne connait

point de vue théorique premièrement, puis

pas un produit aussi flexible que l’immeuble

autour de projets réels, nous observerons les

haussmannien. » .

limites et les libertés d’action de chacun.

20

Chaque

structure

ou

organisation

En analysant chaque système, d’un

La flexibilité de ces systèmes peut

être définie à différentes échelles et sous différentes formes. Elle peut exister au moyen de typologies, d’organisations spatiales, de modèles constructifs complets, ou bien même grâce à des systèmes de second oeuvre.

38 - PARTIE 3


A / Systèmes théoriques

façades

principales

sont

déterminées

et

bloquées par ces murs définis. En plaçant les voiles dans le sens transversale à l’espace SYSTÈMES STRUCTURELS

global (sch.2), on appelle cela des murs de refends, il est plus facile de répartir l’espace

• Voiles porteurs :

Les

voiles

et les façades longitudinales sont libre d’être

porteurs

sont

des

dispositifs simples de murs pleins porteurs. Ils sont placés suivant une trame capable de supporter les efforts que subit l’édifice et se superposent généralement dans la dimension

interprétées.

Avec

comprend

cette déjà

comparaison que

pour

on

obtenir

une liberté en façade, la structure ne doit pas y être trop importante.

verticale. Parce qu’ils sont structurels, leur positionnement n’est pas modifiable et il est très difficile de les percer pour ouvrir l’espace.

La flexibilité dans un espace constitué

de voiles peut exister mais elle dépend de l’organisation de ces murs et des dimensions de la trame structurelle.

D’après les schémas 1 et voiles 2 on peut

voir qu’en fonction de l’orientation des murs, l’espace

est

plus

ou

moins

libre.

En

plaçant les murs dans le sens longitudinal (sch.1), l’espace RUE est peu malléable et les Schéma 1

• Plan libre :

Le plan libre, apparu en 1926 parmi

les cinq points de l’architecture moderne définis par Le Corbusier, est surement le choix constructif le plus libre.

Tout comme les voiles, il s’agit d’un

dispositif simple d’éléments porteurs placés suivant une trame capable de supporter les efforts que subit l’édifice et se superposent généralement dans la dimension verticale. Ces éléments ne sont plus des murs complets mais simplement des poteaux. Leur taille varie en fonction de cette trame et de l’importance des efforts à supporter.

façades libres

RUE 19

Schéma 2

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB

architecture, 15 juin 2015, Paris. 20

Interview de Philippe ROBERT,a architecte retraité, 14

avril 2015, Paris. voiles

21

Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». RUE

22

Idem note 19.

PARTIE 3 - 39


Schéma 3

regard fillant

poutres noyées Schéma dans la dalle 4

Un plan libre est constitué de poteaux

(éléments verticaux) et de poutres (éléments horizontaux). Deux types de plans libres existent

selon

l’assemblage

choisi

entre

poteaux et poutres : le « poteaux-poutres » et le « poteaux-dalles ».

Entre chaque poteau l’espace est libre.

Il y a deux façons de placer ces poteaux en

La seule différence est que, dans

plan : en retrait (schéma 3) ou aux abords

l’assemblage « poteaux-dalles », la poutre

(schéma 4).

porteuse est noyée dans la dalle et donc

La première solution donne lieu à des

invisible. Il n’y a pas de différence en terme

façades totalement libres tandis que dans le

de capacité portante mais ce détail peut

second cas les façades sont morcelées par

faciliter la flexibilité des espaces.

la présence des porteurs. Néanmoins, entre

chacun, la façade reste libre.

apparentes, elles découpent naturellement le

Au milieu de ces poteaux il est

plan puisqu’elles bloquent la lumière et l’oeil

donc possible de créer une multitude de

(schéma 5). Le second oeuvre est donc souvent

configurations.

aligné à la trame structurelle.

En effet, quand les poutres sont

Avec le système « poteaux-dalles »

Encore une fois, si la trame constructive

l’oeil inexpérimenté ne détecte pas la structure

est généreuse, de larges espaces peuvent

horizontale donc le second oeuvre ne s’y

être créés sans contraintes. Si la trame est

soumet pas forcément.

serrée, il sera toujours possible d’avoir de grands espaces mais ceux-ci seront peuplés

Schéma 5

de poteaux là où les points structurels sont indispensables. regard fillant regard fillant

regard bloqué regard bloqué

40 - PARTIE 3

poutres noyées poutres noyées dans la dalle dans la dalle

poutres poutres apparentes apparentes


• Grille 3D :

L’empilement des poteaux et des

poutres du plan libre donne lieu à un volume tramé en trois dimensions : une grille tridimensionnelle, qui peut ensuite être remplie entre les éléments ou laissée évidée sur plusieurs niveaux.

Figure 16 : Plug-in City, imaginée par Peter COOK (Mouvement Archigram).

Cette

grille

a

inspiré

beaucoup

Source : https://relationalthought.wordpress.com/

d’architectes : Yona Friedman l’a théorisée (fig.17 et 18) et elle a servi de base à beaucoup de

projets

du

mouvement

Archigram,

notamment Plug-in City (fig.16), imaginée en 1964 par Peter Cook.

Quand la structure tridimensionnelle

est supprimée au sein des volumes libres, on peut alors parler de « volume libre » (schéma 6).

Figure 17 : Dessin de Yona Friedman. Source : www.arts-spectacle.com

Schéma 6

VOLUME

plancher intermédiaire optionnel

LIBRE

Figure 18 : Dessin de Yona Friedman. La ville insérée dans une VOLUME

grille tridimensionnelle, portée sur pilotis. Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux

LIBRE

23

Site Internet : https://souslesjupesdelametropole.

wordpress.com/2013/11/24/les-metabolistes/

PARTIE 3 - 41


• Exostructure :

• Structure arborescente :

Comme son nom l’indique (en grec

La

structure

arborescente

a

été

ancien « éxo » signifie « hors de »), tel un

théorisée par le groupe d’architectes japonais

exosquelette,

connus sous le nom de Métabolistes, de 1958

une

exostructure

est

une

structure externe au corps porté.

à 1975.

Quelle que soit la forme de cette

Ils ont été très influencés par le

structure (poteaux, treillis…), celle-ci est

mouvement Archigram.

projetée en enveloppe et fait donc partie de la

façade.

« les modèles de la croissance organique et à

Leur travail porte principalement sur

La façade peut être en partie libre,

la création de structures flexibles et extensibles

entre les éléments de structure mais les

pour répondre à la croissance future de la

exostructures sont souvent imposantes et

métropole »23.

donc contraignantes pour l’enveloppe.

Cette rigidité en façade existe au profit

Le modèle de l’arbre est décomposé

en un tronc principal où se trouvent les

d’une grande liberté à l’intérieur.

circulations verticales, parfois des branches

La structure porte un volume, donc

structurelles pour étendre horizontalement

ce ne sont pas des plans qui se superposent.

l’impact du système, et des « capsules » ou

Le « squelette » abrite un volume totalement

« modules » qui viennent s’accrocher, soit aux

aménageable (sch.7).

branches, soit directement au tronc (sch. 12).

La hiérarchisation des éléments permet

éventuellement aux « capsules » d’être retirées

Schéma 7

ou ajoutées, faisant varier la densité au gré des plan VOLUME LIBRE

nécessités.

La Marine City (fig.20) (1958-1963)

imaginée

par

Kiyonori

KIKUTAKE

et

la

Nakagin Capsule Tower (fig.19)(1970) de Kisho

structure

coupe

KUROKAWA sont deux exemples de systèmes à structure arborescente, sans branches. Le

VOLUME LIBRE

projet Clusters in the air (fig.21) (1960-1962) d’Arata ISOZAKI comporte des branches, défiant réellement les lois de la pesanteur.

La double tour de KUROKAWA fut la

seule construite.

42 - PARTIE 3


• Structure en attente :

Les structures en attente peuvent

exister

sous

toutes

diverses

conçues

formes

pour

mais

sont

anticiper

leur

prolongement.

Il ne s’agit pas d’un système structurel,

mais

d’éléments

structurels

particuliers.

Leur dessin-même suggère et permet une continuation de l’édifice, horizontalement ou verticalement.

Tout comme les « capsules » des

structures arborescentes peuvent être retirées de leur support, ces éléments peuvent recevoir et porter.

Figure

19

:

La

Kisho JUROKAWA.

Nakagin

Capsule

Tower

(1970),

de

Source : www.archdaily.com.br/

Figure 20 : (à droite) Maquette du projet Marine City (1958-1963), imaginé par Kiyonori KIKUTAKE. Source : https://souslesjupesdelametropole.wordpress.com/ Figure 21 : Maquette du projet Cluster in the AIr (1960-1962) imaginé par Arata ISOZAKI. Source : https://souslesjupesdelametropole.wordpress.com/

PARTIE 3 - 43


Paroi

amovible

(coulissante

ou

ORGANISATIONS SPATIALES

pivotante) :

Dans

sa

théorie

des

porteurs,

Le système précédent entrait dans les

HABRAKEN fait apparaitre le principe de

détails de la structure, celui-ci fait clairement

zones et de marges24. Il s’agit, dans une

partie du second oeuvre.

configuration très « simple » (plan libre, grille

La paroi amovible est le plus vieux et le

3D...) d’identifier des noyaux ou des zones

plus basique système de flexibilité. Il s’applique

contraintes (par la présence de réseaux, de

à une échelle assez réduite mais permet déjà

pièces humides, des circulations verticales,

de réguler ou de libérer des situations, au sein

etc.) et des espaces libres d’être interprétés,

d’une structure, sans dépendre de celle-ci.

en réserve (des « marges »).

Cette théorie rejoint le principe de

Il s’agit d’un pan vertical capable de

différenciation des « espaces servants » et

mobilité, pouvant être dissimulé ou « rangé »,

« espaces servis » développé par Louis KAHN

créant ainsi une ouverture entre

ainsi que la métaphore des « cage and box »

les deux espaces que le pan séparait. Cette

de Peter COOK.

mobilité peut être de l’ordre du glissement (parois coulissantes) ou du pivot, et ces parois

Ces zones contraintes sont définies

peuvent prendre une multitude de formes et

de manière optimale, sont de surface réduite,

de tailles (sch.8).

et placées de façon stratégique (en façade si il y a un besoin de ventilation, au centre si

Ce système existe en intérieur, pour

l’utilisation est mutualisée, etc.).

connecter ou disconnecter deux pièces, mais

il peut également agir entre l’intérieur et

regroupés et emboités pour libérer un

l’extérieur. Dans la minka japonaise, les deux

maximumpoutres d’espace appropriable. apparentes

sont mis en oeuvre.

Les éléments « figés » sont souvent

regard bloqué

de

Il ne s’agit pas dans cette étape considérer

différentes

organisations

spatiales au sein d‘une structure particulière. Les modèles à suivre peuvent exister dans

Schéma 8 :

différents systèmes structurels. poutres apparentes poutres apparentes regard bloqué regard bloqué

Néanmoins,

en

considérant

les

systèmes structurels en même temps que l’organisation spatial, on peut mutualiser les contraintes qu’ils créent.

24

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013 poutres

apparentes

44 - PARTIE 3

regard bloqué

poutres apparentes


• Noyaux :

• Bande active :

Le principe de noyau est à la base

Les bandes actives s’apparentent aux

de toute construction pour regrouper les

noyaux. Elles s’organisent et fonctionnent en

contraintes verticales.

plan mais peuvent se répéter de niveau en

niveau, pouvant ainsi être considérées comme

Le noyau se développe sur toute la

hauteur de l’édifice et souvent au centre : il est

des noyaux.

« servant ».

En périphérie se développent les

peuvre pour les logements mais peut être un

espaces « servis », de cette façon ils sont

élément de configuration spatiale pour toute

privilégiés pour recevoir de la lumière et être

autre typologie de bâtiment.

ventilés naturellement.

La bande active est surtout mise en

Dans le logement, la bande active a été

créée pour regrouper linéairement les pièces

En plaçant le noyau au centre du

d’eau (salles de bain, salles d’eau, wc, cuisines)

bâtiment, tous les espaces « servis » ont

et les gaines techniques. À cela peuvent

également accès au noyau comportant les

s’ajouter des rangements. En mettant dans un

circulations verticales et les réseaux.

même endroit les éléments figés, les murs de support et d’encloisonnement par exemple,

Une infinité de configurations peut

les contraintes sont mutualisés.

exister en fonction de la forme de l’édifice et de celle donnée aux noyaux.

La bande active est un modèle compact

Ces derniers peuvent être placés

spatialement économique, qui peut en plus

ailleurs qu’au centre pour offrir plus de libertés

être positionnée de façon à conditionner

; il peut parfois y avoir plusieurs noyaux plus

l’espace libre restant, et définir plus ou moins

petits, ce qui donne lieu à plus des zones de

les autres pièces, sans murs supplémentaires

contraintes mais de taille moins importante

(sch.10).

(sch.9), etc.

poutres noyées Une fois la bande active placée, l’espace dans la dalle

restant peut regard fillant être totalement interprété, et Schéma9

cette bande, si elle n’est pas liée à la structure, peut elle-même être transformée et déplacée.

Différents positionnements de noyaux possibles. regard fillant regard fillant

poutres noyées dans la dalle

Schéma 10 noyées poutres dans la dalle poutres noyées regard fillant dans la dalle rangement

?

?

cuisine

?

wc salle de bain

?

salon

salle à manger

cuisine rangement

chambre

wc s.d.b. bureau chambre

PARTIE 3 - 45


• Espace de réserve

• Espaces indéterminés :

Les espaces de réserve sont les

Cette

typologie

spatiale

a

fait

« marges » évoquées par HABRAKEN. Assez

polémique lors du concours EUROPAN 8925 :

rares en architecture, ce sont des zones de

des étudiants avaient fait une proposition

pure générosité créées par prévention.

pour des logements où les espaces restaient

Dans un premier temps, ces zones sont

indéfinis à la fin de la construction, laissant

désaffectées, sans usage défini, qualifiables

l’entière liberté aux habitants d’aménager

de neutres, ce sont des mètres carrés réservés

l’espace.

à la nécessité. Dans un second temps,

ces surfaces (ou volumes) peuvent être

était ou non de l’architecture, discipline voulue

transformées et intégrées à un programme.

très déterminée et très réfléchie.

Ce système peut être très intéressant

Cette idée questionna si le « non-fini »

Les espaces indéterminés, ne sont pas

pour le logement notamment, car ces espaces

dépendants de l’usage qui en sera fait. Il s’agit

permettraient de faire évoluer le logement

d’une grande surface divisée équitablement

(que ce soit un appartement ou une maison)

en un certain nombre de pièces, de taille

selon les besoins de la famille, lors de l’arrivée

identique.

d’enfants par exemple (sch.17).

La non-définition des espaces laisse,

certes, place à une grande flexibilité d’usage Schéma 11

mais la structure-même de ce dispositif,

T3

espace de réserve

espace de réserve

souvent figée, ne permet pas d’ajustements et

espace de réserve

T4

de hiérarchisation des pièces.

Or, Patrick RUBIN, dans son étude « Le

logement étudiant n’est-il qu’un produit », pose la question du dimensionnement des pièces et met en avant le fait qu’elles doivent avoir une surface équivalente à leur temps d’utilisation : pourquoi, en effet, la salle de bain serait-elle aussi grande que le bureau ou que la chambre ?

T5

Ce système ne semble donc pas

s’adapter pour toutes les fonctions, pas pour le logement du moins.

46 - PARTIE 3


Le

principe

semble

intéressant

DIMENSIONNEMENTS

uniquement appliqué à une partie de l’espace global.

La flexibilité de tous ces systèmes

structurels dépend de leur dimensionnement.

On pourrait imaginer, par exemple,

un immeuble de bureaux où 75% de la

Le choix de la trame constructive est décisive pour évaluer la flexibilité des espaces.

surface globale soit destinée à des cellules de bureaux, où cette surface équivalente

aux 75% serait divisée suivant le nombre de

à toute sorte de possibilités puisque l’on

cellules, sans distinction de rang. Le bureau

peut toujours redécouper la trame avec des

du Président serait aussi grand que celui de

éléments de second oeuvre, tandis que si la

la secrétaire à l’entrée et tous les bureaux

trame est petite les choix d’utilisation sont

seraient interchangeables.

très réduits et perturbés par les éléments

structurels.

Les 25% restants de la surface globale

Une trame généreuse laisse place

seraient organisés et redécoupés autrement pour les usages restants (sanitaires, espaces

Des dimensions standardisées existent

techniques, ascenseurs,etc.).

désormais pour chaque type d’usage (cf. Partie 2. III). Mises au point de façon extrêmement précise, elles deviennent très contraignantes.

Le

principe

d’espace

indéterminé

La trame détermine les possibles

est donc intéressant en terme de flexibilité,

transformations futures : si elle est calibrée

au sein d’un même usage, mais, dans le cas

pour un programme unique elle peut ne pas

d’un changement radical de fonction cette

convenir pour d’autres fonctions.

organisation spatiale ne devrait pas s’imposer d’office. Cela implique que la répartition des pièces ne soit pas faite par des éléments structurels porteurs.

Les dimensionnements sont également

très importants dans la direction verticale.

Les hauteurs sous plafond peuvent être

des contraintes absolues lorsqu’elles sont trop justes ; leur générosité peut être déterminante.

PARTIE 3 - 47


parking nécessite 2,20 mètres sous plafond au plus bas, les bureaux 2,80 mètres, et les logements 2,50 mètres, la logique voudrait que l’on trame verticalement la structure à 2,80 mètres sous plafond, au minimum, pour que le bâtiment puisse à la fois être transformé en immeuble de bureaux, de logements, et en parking (sch.12).

Ensuite, en combinant deux niveaux

(cas de l’école d’architecture de Nantes, cf. Partie 3.II.B/) on obtient 5,60 mètres sous plafond, plus l’épaisseur de la structure, ce qui peut donner des espaces importants pour accueillir des fonctions plus gourmandes en hauteurs (sch.23).

z

z

z

z

z

z

Schéma 12

z

oyées lle

Tout simplement, si l’on sait qu’un

z

oyées lle

s

s

Schéma 13

Figure

22

parisienne».

48 - PARTIE 3

:

Dessin

«Coupe Source

:

d’une

maison

www.librarything.com


B / Étude de projets : combinaisons de systèmes

À travers l’étude de divers édifices il

est possible d’observer des combinaisons des systèmes vus précédemment et ainsi de juger de la flexibilité des différentes compositions.

• La typologie de l’immeuble

haussmannien :

Figure 22 : Photo du chantier de construction du Centre de Tri Postal de Nancy (1969-71)

Source : trapezerevue.tumblr.com

• Centre de Tri Postal (fig.22):

(apparue dans les années 1850, sous l’égide du

Baron Haussmann, du temps de Napoléon III)

(à Nancy, construit entre 1969et 1972, par Claude PROUVÉ)

Les

immeubles

haussmanniens

adoptent une structure faite de murs de

SYSTÈMES : plan libre + noyaux extérieurs

refends et de façades porteuses. Les noyaux

FONCTION PRIMAIRE : centre de tri postal

contenant les circulations et les pièces humides

FLEXIBILITÉ

sont rassemblées à l’arrière de l’édifice, côté

conception)

:

grande

(pensée

dès

la

cour, séparés par un couloir des pièces à vivre qui s’alignent en périphérie, exposées à la

Le bâtiment fonctionne sur un système

lumière.

de plan libre de structure poteaux-poutres à trame large, ce qui lui offre une grande liberté

C’est un système très contraints qui a

d’aménagement intérieur. En plus de cela, les

néanmoins démontré une grande flexibilité au

quelques noyaux nécessaires ont été placés en

fil des transformations urbaines et sociétales.

façade, à l’extérieur du volume, libérant ainsi

un maximum d’espace.

Cela est dû à la générosité des

proportions entre chaque mur porteur et

Ces choix ont été faits dès la conception,

aux grandes hauteurs sous plafond (toujours

avec la conscience que la fonction de tri postal

supérieurs à 2,60 mètres).

serait sans cesse repoussée aux limites de la ville, et serait donc délocalisée à un moment

SYSTÈMES : voiles porteurs + noyaux

donné. Le caractère éphémère de la fonction

FONCTION PRIMAIRE : logement bourgeois

a dicté la conception de l’édifice, lui offrant la

FLEXIBILITÉ : grande (a prouvé sa capacité de

possibilité d’accueillir toute sorte de fonctions.

transformation plusieurs fois)

Il est aujourd’hui transformé en Centre

des Congrès par l’Atelier BARANI.

PARTIE 3 - 49


• Immeuble HLM Montereau-Surville :

Ainsi, malgré la présence d’éléments

(à Montereau-Surville, construit entre 1996

figés dès la construction, le système de plan

et 1971, par les frères Arsène-Henry et leur

libre à noyau central mis en place offre une

associé Bernard Schoeller)

grande liberté d’interprétation de l’espace.

Chaque plot de logements est construit

de la manière suivante (fig.23) : un noyau fixe central comprend les circulations verticales

SYSTÈMES : plan libre + noyaux

et les réseaux collectifs ; à chaque étage

FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs

ce noyau est entouré d’un couloir-tampon

FLEXIBILITÉ

qui atténue les nuisances sonores pour les

conception)

:

grande

(pensée

dès

la

appartements organisés en couronne autour ; il y a quatre appartements par niveau, répartis aux angles du plateau de 24 mètres de côté ; et une loggia périphérique de 1,60 mètre de profondeur enrobe le tout, faisant la transition entre l’intérieur et l’extérieur.

Au

sein

de

chaque

appartement

ensuite, une gaine technique est placée, plus ou moins au centre, autour de laquelle viennent se greffer cuisine, salle de bain et w.c.. Toutes les configurations sont possibles, seule la gaine et la porte d’entrée sont fixes.

Le plateau est tramé suivant une grille cuisine

rangement

?

?

bidimensionnelle de 90 centimètres de coté, équivalents à une unité de passage, pour

?

salon

salle à manger

cuisine

rangement

accueillir des cloisons.

wc

?

chambre

wc s.d.b. bureau chambre

salle de bain

Figure 23 : Plan d’étage courant d’un des immeubles évolutifs des HLMs de Montereau-Surville. Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux

Les possibilités d’aménagement sont

réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013.

donc nombreuses.

Pour finir, les façades sont à composer

avec cinq éléments types : élément plein, élément vitré fixe, la porte-fenêtre, la fenêtre fixe et la fenêtre ouvrante.

Cela implique la conception d’éléments

démontables

;

les

façades

totalement transformables26.

50 - PARTIE 3

sont

donc

26

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013.


• La Farnsworth House (fig. 24 et 25) :

Cette petite maison de verre sur

(au sud de Chicago, aux États-Unis, construite

pilotis est constituée d’un plan libre très

en 1946 et 1951, par Ludwig MIES VAN DER

simple, fait de huit poteaux en acier profilés

ROHE)

en « H » liés à deux dalles formant le sol et le plafond, dans lequel est disposé une boite en bois contenant toutes les pièces d’eau et les

SYSTÈMES : plan libre + bande active

réseaux techniques.

FONCTION PRIMAIRE : logement individuel

FLEXIBILITÉ : grande

pourrait appeler ça une boîte active.

Peut-être plus qu’une bande active, on

C’est par le positionnement de cette

boîte dans le plan que se crée naturellement la séparation entre l’espace de nuit « chambre » et l’espace de vie « salon ». Les espaces sont terrasse

implicitement définis par l’organisation ? de ce ? ESPACE LIBRE

noyau.

wc

cuisine

rangement

?

Il n’y a aucun autre élément fixe, cela ?

reste tout à fait modulable.

salon

salle à manger

cuisine rangement

Figure 24 : Plan de la maison Farnsworth.

chambre

salle de bain

wc s.d.b. bureau chambre

Source : bawaremag.com

Figure 25 : La maison Farnsworth, près de Chicago, conçue par Mies van der ROHE.

Source : www.dubon.fr

PARTIE 3 - 51


• l’École d’architecture de Nantes :

(à Nantes, ouverte en 2009, conçue l’agence LACATON & VASSAL)

Le bâtiment est essentiellement une

superposition de plans libres, poteaux-poutres, dont la trame verticale a été doublée, donnant lieu à des volumes libres généreux (sch.14). Des planchers intermédiaires ont été créés dans un second temps, mais des espaces ont été laissés libres, avec une double hauteur. Sans

Figure 26 : Vue aérienne de l’école d’architecture de Nantes

programme attribué, ce sont des espaces de

conçue par l’agence LACATOn & VASSAL. Source

réserve. Ils sont faits pour répondre aux besoins

:

http://conlenostreidee.altervista.org/anne-lacatan-

riutilizzare-demolire/

spontanés du programme d’enseignement.

SYSTÈMES : plan libre + noyaux + espace de

Seulement deux petits noyaux sont

déterminés dans les plateaux. Une rampe de

réserve

circulation douce se développe le long des

FONCTION PRIMAIRE : école d’architecture

façades sud-ouest et ouest. Son emplacement

FLEXIBILITÉ : grande (la structure généreuse

excentré offre la possibilité de s’en défaire sans

est indépendante du choix de l’usage)

perturber l’espace interne du bâtiment, mais sa présence peut également être intéressante

0serait dans le cas où la prochaine vie de l’édifice

Schéma 14

20

par exemple liée aux moyens de transports (tel un parking ou un garage) et nécessiterait une rampe pour les véhicules.

Le système structurel et l’organisation

spatiale adoptés font de ce bâtiment un ensemble extrêmement flexible et très neutre, pouvant accueillir une multitude de

programmes

sans

difficultés.

Ce projet pose néanmoins

la question des limites entre espace « neutre » et espace « indéterminé » :

planchers fixes

} double trame vertical

le premier ayant une connotation

}

positive, tandis que le second définit quelque chose d’inachevé et laissé pour compte. possibilité d’insérer des planchers intermédiaires

52 - PARTIE 3

triple trame verticale


• Les Bains de Trenton :

(à Trenton, aux États-Unis, réalisés en 1955, par Louis KAHN)

Ce projet très simple est structuré

ingénieusement par de larges piliers porteurs renfermant les espaces techniques et les sanitaires.

Tout

d’extension

comme de

la

dans

le

bâtiment

bibliothèque

Exeter,

aux États-Unis, livré en 1972, Louis KAHN mutualise la structure avec d’autres contraintes fixes telles que les réseaux et les circulations verticales, et crée des bandes actives, suivant

Figure 27 : Photographie des bains des Trenton (1955). Photographies : © University of Pennsylvania, Historical Museum Collection.

Source : architectuul.com

son principe d’espaces servants-servis.

SYSTÈMES : « noyaux actifs porteurs » FONCTION PRIMAIRE : bains FLEXIBILITÉ : grande

Figure 28 : Plans et coupe des bains de Trenton (1955). Source : fr.wikiarquitectura.com

ESPACE LIBRE

piliers «actifs» à la fois structurelset contenant les réseaux et servicestechniques

PARTIE 3 - 53


• Immeuble de logements à Nice :

• Le Centre Georges Pompidou :

(à Nice, stade concours, par l’agence CAB

(à Paris, réalisé en 1977, par Richard ROGERS

Architecture)

et Renzo PIANO)

Ce projet fonctionne avec un système

Une

exostructure

porte

et

abrite

de grille tridimensionnelle, dans laquelle une

un volume de huit niveaux entièrement

grande variété de typologies d’appartements

modulable. Les circulations verticales et les

sont insérées.

réseaux techniques sont rejetés à l’extérieur,

Chaque logement compte au minimum

formant des sortes de bandes actives, occupant

une loggia, qui fait office d’espace de réserve,

l’intégralité de la façade est et partiellement

libre d’être réinvesti et clos si besoin pour

la façade ouest (escalator « la chenille », et

devenir une pièce supplémentaire.

sorties de secours aux extrémités).

Cette enveloppe fonctionnelle permet

une grande liberté d’usage interne mais elle est très présente en façade. SYSTÈMES : grille 3D + espaces de réserve

SYSTÈMES : exostructure + bandes actives

FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs

FONCTION PRIMAIRE : centre d’art

FLEXIBILITÉ : grande

FLEXIBILITÉ : moyenne (totale à l’intérieure aucune en façade) Figure 30 : plan du 4e étage du Centre Georges Pompidou.

Figure 29 : Immeuble de logements pour le ZAC Méridia, à Nice.

Source : www.greatbuildings.com

Source : www.cabarchitectes.com

rangement

?

?

cuisine

wc

? ? ESPACE LIBRE

salon

salle à manger

cuisine rangement

chambre

salle de bain

wc s.d.b. bureau chambre

Figure 31 : Maquette de la structure du Centre Georges Pompidou.

Source : phosilis.flexblog.fr


• La Tour D2 :

• Bâtiment de l’ENSAE ParisTech :

(à La Défense, livrée fin 2014, par Anthony

(à Saclay, en chantier, par l’agence CAB

BÉCHU et Tom SHEEHAN)

Architectes)

La structure de l’édifice est décomposée entre l’exostructure en acier et le noyau central en béton armé, reliés par des poutres métalliques alvéolaires.

Ce bâtiment adopte une exostructure,

faite de portiques métalliques qui enjambent 15 mètres sans aucun point porteur. Cela

laisse

de

grande

possibilités d’aménagement même si les

Entre le noyau et l’enveloppe, tout deux très contraints, l’espace est totalement dégagé et malléable.

dimensionnements ont été réfléchis et ont une unité d’expression propre à l’utilisation prévue pour ce bâtiment d’enseignement ; ce n’est pas simplement une trame quelconque.

SYSTÈMES : exostructure + noyau

FONCTION PRIMAIRE : bureaux

prenant le parti pris d’une structure très

FLEXIBILITÉ : moyenne (intérieure oui excepté

expressive et généreuse, la forte présence du

pour le noyau - aucune en façade)

« squelette » de l’édifice assure la flexibilité

Jean-Patrice Calori expliquait qu’en

interne du bâtiment tout en garantissant la préservation de son identité. Figure 32 : Maquette de la structure du Centre Georges Pompidou. wc

Source : phosilis.flexblog.fr

SYSTÈMES : exostructure FONCTION PRIMAIRE : enseignement FLEXIBILITÉ : moyenne (intérieure oui - aucune

salle de bain

en façade)

Figure 33 : Images du futur bâtiment de l’ENSAE ParisTech (CAB Architectes).

Source : www.cabarchitectes.com


• La Nakagin Capsule Tower :

• Complexe résidentiel à Munich :

( à Tokyo, au Japon, construite en 1970, par

(à Munich, en Allemagne, livré en 1972, réalisé

Kisho KUROKAWA)

par Otto STEIDLE, de l’agence Seidle+Partners

Architeckten)

SYSTÈMES : structure arborescente

SYSTÈMES : plan libre + structure en attente

FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs

FONCTION PRIMAIRE : logements collectifs

en cellules

FLEXIBILITÉ : grande (facilement extensible)

FLEXIBILITÉ : nulle (seul l’intérieur des cellules peut changer)

Témoignage

bâti

des

idées

des

Métabolistes, cette tour à deux noyaux centraux suit le modèle de la structure arborescente.

Les

capsules

prédéfinies

viennent

se greffer aux « troncs » et peuvent en être décrochées si besoin.

Ce système n’offre pas beaucoup

de flexibilité spatiale car les capsules ne peuvent pas changer de taille. Elles pourraient néanmoins passer de logements à la fonction de bureaux assez simplement.

Figure 34 : Photographie de la cosntruction du complexe résidentiel par

Otto

de

logements

STEIDLE.

évolutifs

Source

:

à

Munich,

conçu

www.steide-partner.de

Mais ce système est avant tout d’une

grande flexibilité dans le temps puisque la

Toute la construction est basée sur

réversibilité de l’assemblage a été pensée

l’utilisation d’éléments préfabriqués et une

pour un entretien facile des pièces.

distinction claire entre les éléments porteurs et les non-porteurs, pour former un plan libre.

Même si l’entretien des capsules n’a

Cette structure poteaux-poutres est

jamais été fait, ce bâtiment avait été doté de la

telle que l’on peut venir accrocher un nouveau

capacité de survivre au phénomène d’entropie.

bâtiment à ceux déjà bâtis ; les porteurs sont en attente d’extensions.

(cf.annexes)

La complexité de la structure en attente

épouse un système très simple de plan libre.

Ce système offre une très grande

flexibilité horizontale et verticale. 56 - PARTIE 3


• La maison Schröder :

• La 2/5 House :

(à Utercht, aux Pays-Bas, réalisée en 1924, par

( à Hyogo, au Japon, datant de 1995, conçue

Gerrit RIETVELD)

par Shigeru BAN)

SYSTÈMES : voiles porteurs + paroi amovible

On trouve dans ce projet une utilisation

très optimisée de la paroi amovible. On y

FONCTION PRIMAIRE : logement individuel

trouve des parois coulissantes mais aussi des

FLEXIBILITÉ : grande (l’espace est très flexible

parois se rabattant sur pivot.

grâce aux grande dimensions)

Le volume de la maison est porté

par une enveloppe porteuse, laissant libre d’aménagement tout l’intérieur.

Ce dispositif permet à la maison

d’accueillir toutes les fonctions nécessaires, à différents moments de la journée. L’étage peut tantôt être une grande surface ouverte autour de l’escalier central, tantôt proposer trois chambres, un salon-salle à manger, une salle de bain, des w.c. et un espace tampon en haut

Figure 36 : plan et axonométrie éclatée de la Maison 2/5, de Shigeru BAN (1995). Source : http://www.shigerubanarchitects.com

de ce même escalier (fig.35).

Cette maison est bordée à l’est et à

SYSTÈMES : voiles porteurs + paroi amovible

l’ouest par deux murs en béton armé, séparés

FONCTION PRIMAIRE : logement individuel

de 15 mètres, de la hauteur de deux étages.

FLEXIBILITÉ : faible (seul l’intérieur du premier

L’étage est bâti tel deux poutres accrochées à

étage est flexible)

ces murs. Sous celles-ci on trouve des espaces très ouverts, simplement séparés de l’extérieur par des façades entièrement vitrées.

Il se trouve que ces façades, suivant la

tradition japonaise, peuvent être repliées et même retirées entièrement grâce à un système sur rail.

C’est une version très poussée de la

paroi amovible, qui permet à l’espace intérieur de se mêler à l’extérieur et démultiplier la surface habitable quand le système est ouvert.

À l’intérieur, presque aucun élément

ne vient perturber et figer ces espaces de 15 Figure 35 : plans de l’étage de la Maison Schröder, avec ou sans parois dépliées.

mètres par 5 mètres tout à fait flexibles.

Source : plansofarchitecture.tumblr.com

PARTIE 3 - 57


• La typologie de la Minka japonaise :

Avec la simplicité des formes poussées

SYSTÈMES : plan libre + paroi amovible +

à l’extrême, le choix d’un système constructif

bande active

poteaux-poutres avec remplissage par simples

FONCTION PRIMAIRE : logement individuel

écrans fixes ou mobiles, la lisibilité de la

FLEXIBILITÉ : extrême ! (il n’y a pas de modèle

structure, le système modulaire qui règle

plus flexible)

l’espacement des poteaux, etc., la Minka japonaise est l’archétype même de l’édifice évolutif.

Il est possible d’étendre son enveloppe,

donc le volume qu’elle abrite, car la maison est comme une peau élastique qui doit pouvoir s’adapter à l’évolution de la composition de la famille. Il est également possible de transformer le dit volume au rythme instantané des usages grâce à un mobilier réduit à l’essentiel, intégré à la structure du bâti (bande active) ou réellement mobile.

Le système de la paroi amovible est

ingénieusement mis en oeuvre dans la minka depuis des siècles, au sein d’un grand espace modulable et indéfini, qui se plie aux usages de la quotidienneté et permet une grande diversité de comportements31.

La minka peut à la fois être qualifiée

de « neutre » par sa structure décomposable, hiérarchisée et modifiable, mais elle reste très expressive puisqu’elle se base sur l’association de tatamis dont les dimensions sont propres

Figure 37 et 38 : Photographies intérieurs de la Villa Impériale

à l’homme (1,80 x 0,90 m soit la surface

Katsura.

correspondant à deux hommes assis côte à

Source fig.37 : www.japan-guide.com

côte ou un homme allongé) et à sa manière d’occuper l’espace de l’habité32.

58 - PARTIE 3

Source fig. 38 : https://aiseries.wordpress.com (©Ishimoto Yasuhiro)


• Le parking-silo mutable de La Plaine :

(à Roubaix, construit en 2010, par l’agence De Alzua+)

SYSTÈMES : plan libre + noyaux FONCTION PRIMAIRE : parking FLEXIBILITÉ

:

grande

(pensée

dès

la

conception) Figure 39 : La parking-silo de La Plaine, à Roubais (2010). Source : www.dealzua.com

L’édifice est bâti sur un principe de

plan libre, poteaux-poutres, en trois parties identifiables. Il y a deux noyaux centralisés dans l’épaisseur du bâtiment et des façades totalement libres.

Figure 40 : Coupe transversale sur le parking-silo de La Plaine. Source : www.dealzua.com

La mutabilité du projet est donnée par

la faille située au centre et le système structurel qui l’entoure, permettant éventuellement de ne conserver que les deux trames extérieures de l’édifice et de les séparer par une faille élargie qui ferait office de cour intérieure.

Le positionnement des rampes de

parking devient stratégique suivant cette logique : placées au centre, elles peuvent disparaitre lors de la transformation et ne pas gêner l’aménagement des parties restantes du

Figure 41 : Plan du rez-de-chaussée du parking-silo de La Plaine.

bâtiment pour une nouvelle fonction.

Source : www.dealzua.com

PARTIE 3 - 59


• Le parking-silo une ruche d’entreprise

mutable de la Tossée : (à Tourcoing, end chantier (livraison en 2015, par TANK Architectes)

Ce bâtiment à cour centrale s’érige

grâce à un système de plan libre, poteauxpoutres, d’une trame d’environ 15 mètres par 5 mètres, et une structure périphérique en nid d’abeille libérant les plateaux de tous points porteurs.

Figure 42 : Image du parking-silo de la Tossée, à Tourcoing (2015).

Source : www.tank.fr

Plusieurs noyaux sont répartis dans

l’espace, contenant les ascenseurs et les escaliers.

SYSTÈMES : plan libre + noyaux

FONCTION PRIMAIRE : parking et bureaux

La rampe de parking se trouve dans

l’espace de la cour ; de ce fait elle n’interfère

FLEXIBILITÉ : grande (pensée dès la conception)

pas avec l’intérieur du bâtiment lui-même et pourrait très bien être détruite quand la fonction de parking cesserait d’exister.

Le bâtiment prouve sa flexibilité par la

mixité des programmes déjà présents.

En effet, on trouve à la fois un parking et

des espaces de bureaux dans ce complexe qui a été dessiné dans une optique de mutation future à moyen terme.

Ainsi

les

trames

et

les

hauteurs

permettent aux espaces de changer d’usage.

Figure 43 : Plan du premier étage du parking-silo de la Tossée. Source : www.tank.fr

60 - PARTIE 3


La liste est non-exhaustive mais il

n’y a ainsi aucun modèle structurel idéal et différentes solutions existent, car on ne peut définitivement pas tout faire dans toutes les structures33.

Finalement,

puisque

« le

but

c’est d’avoir une structure qui résiste et qui, malgré sa force, puisse être captée d’autres fonctions »34, l’adéquation « formefonction » indispensable pour les projets de transformation ne deviendrait-elle pas une adéquation « structure-fonctions » quand on conçoit la transformation préventive ?

33

Figure 44 : Caricature de J. Walker, de 1909, «Buy a cozy cottage in our steel constructed choice lots, less then a mile above broadway. Only ten minutes by elevator. All the comforts of the country with none of its desadvantages.» Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

Franz GRAF, conférence du 4 février 2015,

« Transformation versus conservation », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 34

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB

architecture, 15 juin 2015, Paris.

PARTIE 3 - 61


Figure 45 :Dessin du Plan Obus imaginé par Le Corbusier pour la ville d’Alger, en 1932. Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

III

UNE DÉCOMPOSITION HIERARCHIQUE DES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L’ÉDIFICE

A / Entre collectif et individuel : théories

GRILLE 3D ET « PORTEURS »

Lors d’une conférence à la cité de

l’architecture, Odile Decq évoque la grille Sans avoir connaissance de l’avenir, il

tridimensionnelle, comme celle imaginée par

nous faut concevoir des architectures et des

Yona Friedman, où les cellules sont injectées

plans d’urbanisme capables d’évoluer et donc

ou se greffent sur une structure neutre38.

d’être désassemblés, démontés plutôt que

démolis35.

Cela renvoie à la théorie des « porteurs »

de Nikolaas J. Habraken (USA), exprimée en Un système complexe et intelligent est

1960, selon laquelle des supports collectifs

capable d’anticiper pour organiser sa structure

porteraient la singularité individuelle39, celle-ci

en conséquence, s’adaptant en douceur en

pouvant prendre la forme d’un appartement,

préservant son environnement .

d’un étage, d’un groupe d’étages, etc. La

36

théorie est applicable à toutes les échelles.

Nos architectures doivent pouvoir se

décomposer, évoluer en parties, être agrandies

ou réduites, et participer au métabolisme

du Plan Obus (fig.45) de Le Corbusier pour la

urbain qui a renouvelé de tous temps les villes

ville d’Alger, imaginé en 1932.

sur elles-mêmes .

37

Cette théorie est visible dans le projet

Le Corbusier proposait la construction

d’un immeuble s’étalant sur 10 km, conçu selon une structure tridimensionnelle poteauxpoutres où viendrait s’insérer des logis pour 180 000 personnes, comme des tiroirs ou des casiers à remplir selon le bon vouloir de l’habitant, le tout avec une autoroute en toiture40.

62 - PARTIE 3


« CAGE-AND-BOX »

OU

« ESPACES

SERVANTS-SERVIS »

Apparait

ainsi

la

nécessité

de

hiérarchiser les éléments constitutifs d’un bâtiment pour pouvoir les remplacer facilement

Les concepts de « cage-and-box »

lors d’une transformation, surtout parce que

de Peter Cook, et espaces servants-servis

tous ces éléments n’ont pas la même durée de

(« serving and served spaces ») de Louis

vie.

Kahn, mentionnés plus haut, fonctionnent de manière similaire : il y a une distinction entre les éléments « publics » et les éléments « privés »,

33

Franz GRAF, conférence du 4 février 2015,

ou, comme les nomme Peter Cook : « cage »

« Transformation versus conservation », cité de

= « network of access » ou « structure », et

l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de

« box » = « unity of control »41.

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

Cette hiérarchisation spatiale peut

aussi être structurelle.

34

35

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB

architecture, 15 juin 2015, Paris.

Ces systèmes restent esthétiquement

Steven BECKENS / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.211.

libres, mais Habraken précisait vers 1968 qu’ils

36

doivent tout de même être conçus suivant une

combien de vies ? La transformation comme acte de

proportion, une règle, une trame, des choix

Jean-Marc HUYGEN / COLLECTIF « Un bâtiment,

création », catalogue de l’exposition, p.153. 37

COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La

précis, et donner vie aux qualités spatiales du

transformation comme acte de création », catalogue de

tout : le porteur « ne devrait pas être neutre

l’exposition, p.34.

mais provocant, suggestif, créateur »42.

38

Odile DECQ, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La

B / Classification naturelle : durée de vie des éléments

transformation comme acte de création ». 39

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 3 : de l’idée aux applications », 1993-2013. 41

On comprend à travers le réemploi des

Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,

Ed. Littlehampton Book Services Ltd, anglais, pp.27-29. 42

Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux

matériaux et la réhabilitation que les matériaux

réalités », « Chapitre 6 : Conclusions : du mythe aux

ont tous une fin de vie, due au phénomène

réalités… », 1993-2013.

d’entropie (cf. Partie 1.IV.). Notre société vente

43

le recyclage comme une solution miraculeuse,

Julien CHOPPIN et Nicolas DELON, conférence du

17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

mais l’entropie est telle qu’il est impossible de

Architecture ».

recycler éternellement43.

44

Cela correspond plutôt à « une cascade

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.39.

qui fait peu à peu perdre aux matériaux leurs

45

qualités techniques et esthétiques » .

reconversion des friches », juillet 1997, Techniques et

44

Michèle ZAOUI, « De la réhabilitation à la

architecture, n°432, p.70.

PARTIE 3 - 63


C / Décomposition structurelle

Dans son processus d’analyse préalable

des bâtiment existants, Philippe Robert fait la distinction, au sein du bâtiment, entre les éléments pérennes de ceux qui le sont moins.

Ils peuvent

SYSTÈME DE REMPLISSAGE

être classés en trois

catégories en fonction de leur durée de vie :

Franklin Azzi expliquait, en exposant la

nouvelle école des Beaux-Arts de Tours, qu’il - « les fondations, structures poteaux-

est simple de transformer un bâtiment quand

poutres, façades porteuses et dalles, d’une

il a été conçu comme une structure à remplir48.

longévité « éternelle » (une centaine d’années,

De la même manière, Peter Cook parle

- les façades non-porteuses, escaliers, etc.

de « cadre structurel » (« framework ») et de

(environ 30 ans) dont la réhabilitation peut

remplissage (« infill »). Le second devient

s’avérer couteuse,

facultatif quand il ne participe pas à la solidité

- les cloisonnements et aménagements

constructive. Il existe alors par choix et non

intérieurs dont « l’espérance de vie » est limitée

par nécessité : « A framework of columns

à une quinzaine d’années »45.

and beams can be infilled or not infilled as required. The manipulation of frame and infill

Ainsi, le caractère évolutif ne peut

fonctionner sans une identification précise des

is the point at which basic structure and embellissement meet »49

composants qui entrent dans la confection du bâtiment et leur durée de vie46. SYSTÈMES NEUTRES :

Réinterroger

le

rapport

pérenne-

EXEMPLE DE DEUX CENTRES HOSPITALIERS

éphémère c’est questionner le caractère mobile ou immobile des composants et faire

la distinction entre les éléments principaux et

l’architecture, Jérome Brunet exposa deux

les éléments secondaires.

projets de centres hospitaliers mettant en

scène cette hiérarchisation.

Patrick Bouchain explique l’importance

Lors d’une conférence à la cité de

de cette redéfinition : « la propriété principale détermine

le

plan

physique,

elle

est

Le premier projet était celui de

structurelle alors que la propriété secondaire

l’extension de l’Hôpital Universitaire de Bern

est le complément de la structure, elle est

(INO Hospital)50.

démontable et renouvelable ».

Cela appelle à la requalification

tout à fait innovante qui a été abordée pour

du terme « mobilier », dans lequel certains

concevoir le projet, une stratégie que le

éléments

cloisons

professeur Stephen Kendall a décrit comme

finalement

« a systematic approach to designing change-

de

notamment, partie47.

64 - PARTIE 3

construction, pourraient

faire

les

L’intérêt réside surtout dans la stratégie

ready hospitals »51 (fig.46).


Suite

importants

à

l’observation

Le premier système devait avoir la

d’équipements pour la santé dans un premier

des changements possibles dans les tailles

temps,

investissements

des départements de l’hôpital ainsi que leur

nécessaires ensuite pour accueillir de nouvelles

agencement et leur positionnement dans

procédures médicales, accepter d’éventuelles

l’édifice.

nouvelles

normes,

des

la

capacité de durer 100 ans et d’absorber

ensuite

à

coûts

construction

et

nécessaires

des

correspondre

aux

Il s’agissait donc de proposer une

conditions d’assurance qui peuvent changer,

sorte d’enveloppe et une structure, les plus

etc., le Canton Bern Office of Properties and

capables possibles, sans avoir connaissance

Buildings (OPB) a souhaité concevoir cet

du programme précis à y insérer ; « the base

hôpital dans une perspective plus durable et

building » (fig.47).

faire un « open building ».

L’idée n’était pas d’inventer un nouveau

Cette base n’était pas « neutre » car

système high-tech mais bien de repenser la

elle conditionnait déjà ce qu’on pouvait y

conception et les capacités d’adaptation du

intégrer de par sa forme, la trame structurelle

bâtiment.

choisie, le placement des gaines et réseaux, les ascenseurs, etc..

Une compétition en trois étapes fut

46

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe

organisée en juillet 2006 pour la création

aux réalités », « Chapitre 2 : l’habitat évolutif au Japon,

d’une extension de 50 000 m2, chaque étape

espaces et pratiques », 1993-2013.

correspondant à la conception d’un « system level ».

47

Patrick BOUCHAIN, Etude réalisée par l’agence

CANAL Architecture, « Le logement « jeune » n’estil qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010,

Figure 46 : Schéma du « a systematic approach to designing change-ready hospitals », de Stephen KENDALL. Source : www.greatbuildings.com

ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.54. 48

Franklin AZZI, architecte, conférence du 2 juin

2015, « Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 49

Peter COOK, « Architecture : action and plan », 1967,

Ed. Littlehampton Book Services Ltd, anglais, p.21. 50

Jérome BRUNET, architecte, conférence du 16

mars 2015, « Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ». 51

Stephen KENDALL, PhD, RA, professeur

d’architecture et directeur du Building Futures Institute à l’Université de Ball State, Muncie, Indiana, article publié le 30 avril 2007 dans Health Care Design Magazine, http://www.healthcaredesignmagazine.com/ article/open-building-systematic-approach-designingchange-ready-hospitals.

PARTIE 3 - 65


Le second système consistait en la

démonstration des capacités du premier système, en imaginant différents plans d’étages possibles à partir d’un programme détaillé établi en collaboration avec des professionnels du milieu hospitalier.

Les éléments constitutifs de ce second

système sont faits pour durer 20 ans. Figure 47 : Plan résultant de la prmeière étape du concours pour

Cette étape prouva la flexibilité du

premier système puisque les réponses des dix

le INO Hospital, «the base building».

équipes étaient toutes différentes. Il y avait

Source : http://www.healthcaredesignmagazine.com

ainsi déjà dix plans d’étages possibles (fig.48 et 49).

Le troisième et dernier système inclue

le mobilier, les appareils, les finitions et tous les éléments arrivant en fin de processus, faits pour durer une dizaine d’années.

À la fin de chaque étape, une équipe

était gagnante et c’est sur leur système que se basait l’épreuve suivante, soit une « hierarchical structure of decisions levels : higher-level decisions provide « capacity » for a range of lower-lever functionnal scenarios »52.

La conception en trois étapes bien

distinctes avait pour but d’empêcher que l’édifice ne soit conçu que pour un scénario programmatique précis.

Sans avoir conscience du programme

lors de la première phase, les architectes restaient concentrés sur les « capacités » de Figure 48 et 49 : Deux plans, de deux équipes différentes,

leur proposition au sens le plus large possible.

obtenus après la seconde étape du concours pour le INO Hospital. Source : http://www.healthcaredesignmagazine.com

66 - PARTIE 3

à

Cette la

méthode

construction

dès

fut le

bénéfique chantier

car


des

changements

s’opéraient

dans

les

départements, et les équipements médicaux à mettre en place n’étaient déjà plus les mêmes que ceux imaginés durant le concours. Il s’avéra par contre que la collaboration entre trois équipes différentes (une pour chaque « system ») fut très compliquée. R+2

Le second projet était celui du centre

hospitalier de Marne-la-Vallée, en cours de réalisation par l’agence BRUNET SAUNIER Architecture.

Le bâtiment a été conçu pour absorber

les évolutions éventuelles du programme entre la phase de concours et la phase de mise en oeuvre (période qui peut être de 10 ans tant

R+1

ces bâtiments sont imposants et complexes).

Il s’agit donc d’un bâtiment neutre, où

tout peut un jour disparaitre, laissant seulement les invariants tels que les escaliers, les gaines, la structure…

Jerome Brunet qualifie cela de bâtiment

« futurible »53, autrement dit : mutable.

RDC

Les

projets

hospitaliers

trouvent

beaucoup de satisfaction dans les solutions mutables car les chantiers de ces édifices sont

Figure 50, 51 et 52 : Plans du Centre hospitalier de Marne-laVallée, dessiné par l’agence BRUNET SAUNIER. Source : www.brunet-saunier.com

souvent très longs et régulièrement soumis à des modifications en cours d’élaboration du

52

projet ou même en cours de chantier.

et directeur du Building Futures Institute à l’Université

de Ball State, Muncie, Indiana, article publié le 30 avril

Dissocier

les

éléments

structurels

des éléments d’aménagement propres aux

Stephen KENDALL, PhD, RA, professeur d’architecture

2007 dans Healthcare Design Magazine, http://www. healthcaredesignmagazine.com/article/open-building-

usages de l’édifice permet de faire évoluer

systematic-approach-designing-change-ready-hospitals.

les dispositions et donc d’assurer l’utilisation

53

de ces monstres bâtis et leur amortissement financier, dès leur conception.

Jérome BRUNET, architecte, conférence du 16

mars 2015, « Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 3 - 67


DÉTACHEMENT DE L’ENVELOPPE

La façade est le lieu des « échanges »

avec la ville, elle donne son identité à l’édifice54.

Elle peut être très dessinée par le

système structurel mais il est indispensable que les autres éléments constitutifs de la façade soient dissociables, pour évoluer si Figure 53 : Photographie de la nouvelle enveloppe de l’école des Beaux-Arts de Nantes.

Source : www.franklinazzi.fr

besoin, quand un nouvel usage se présente mais également quand les réglementations, thermiques par exemple, évoluent.

Pour transformer les halles Alstom de l’Ile

de Nantes en école des Beaux-Arts (fig. 53 à 55), Franklin Azzi a fait le choix de dissocier l’enveloppe

thermique,

de

l’enveloppe

étanche, posée sur la structure de la halle pouvant être conservée telle quelle55.

Cette distinction fait la particularité du

projet, lui permettant d’évoluer d’un point de vue normatif si besoin tout en conservant sans problème l’identité première de l’édifice, et Figure 54 : Axonométrie tranchée de l’école de Beaux-Arts de Nantes.

Source : www.tess.fr

Figure 55 : Image de l’école de Beaux-Arts de Nantes, imaginée par l’agence Franklin AZZI.

Source : www.franklinazzi.fr

donc sa mémoire.

Concevoir nos édifices comme des

couches successives d’éléments est ainsi un moyen de préserver le plus longtemps possible l’entropie globale de l’édifice car il devient alors très simple de remplacer une partie défectueuse ou en fin de vie, à condition que les assemblages des divers éléments soient aussi réfléchis pour être déconstruits.

Cela permet également une adaptation

très simple des bâtiments aux nouvelles fonctions.

68 - PARTIE 3


IV

Aucun diagnostic n’est fait pour reconnaitre ce qui peut encore servir ou avoir une valeur

DES ASSEMBLAGES RÉVERSIBLES

quelconque60.

Lorsque la phase de déconstruction

est anticipée, elle peut rejoindre la phase de ANTICIPER LA DÉCONSTRUCTION

conception. Elle permettrait alors la mise en boucle des différentes étapes constructives.

Les édifices connaissent des cycles

« La déconstruction est à la fois la

de vie, et à la fin de chacun il faut détruire ou

fin et le début de la construction » a dit

conserver en transformant . La destruction est

Patrick Bouchain. Cela implique de penser

souvent justifiée et causée par l’obsolescence

en amont la démontrabilité d’un ouvrage en

et

prenant en compte son éventuelle mutation

56

l’amortissement

financier,

auxquels

s’ajoutent le désintérêt et le délaissement de

programmatique61.

l’objet architectural57.

Pour contrer la démolition et s’ancrer

dans un cycle de mutation des bâtiments, il

54

faut anticiper la déconstruction lors du choix

Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un

Patrick BOUCHAIN, Etude réalisée par l’agence CANAL

produit ? - enquête et conviction pour une requalification

des assemblages.

du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.56.

L’architecte chinois Wang Shu voit la

démolition comme une opération chirurgicale, à laquelle devraient assister tous les jeunes

55

Franklin AZZI, architecte, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

architectes et étudiants pour apprendre les

acte de création ».

assemblages par leur dissection, comme les

56

étudiants en médecines étudient le corps humain : « Emmener les étudiants dans des chantiers de démolition, pour y faire des observations et en tirer une réflexion, prendre conscience des leçons à tirer » . 58

Guy ANSELLEM / COLLECTIF « Un bâtiment, combien

de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.7. 57

Francis RAMBERT / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.15. 58

COLLECTIF « Un bâtiment, combien de vies ? La

transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, p.310.

Déconstruire ce n’est pas faire table

rase, c’est observer ce qui est là et comment l’espace est occupé . 59

L’absence

d’architectes

59

création », catalogue de l’exposition, p.310. 60

lors

des

démolitions constitue un problème majeur qui nous empêche de passer du choix de la démolition au choix de la déconstruction.

Patrick BOUCHAIN / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de Lionel BILLIET er Michael GHYOOT (ROTOR),

conférence du 17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture ». 61

Patrick BOUCHAIN / COLLECTIF « Un bâtiment,

combien de vies ? La transformation comme acte de création », catalogue de l’exposition, pP. 310-314.

PARTIE 3 - 69


LE CHOIX DES ASSEMBLAGES

DÉMONTABILITÉ

Pour donner lieu à la mutabilité, il

À Saclay, l’agence CAB a travaillé sur

est indispensable de travailler à différentes

une structure métallique dont les éléments

échelles.

sont vissés pour être démontables, et cela

Une fois les éléments constitutifs du

prend en compte les portiques tout comme

bâtiment hiérarchisés, leur mise en oeuvre

les cloisons. De plus, ils ont fait le choix de

doit être minutieusement étudiée. La réflexion

matériaux non peints, laissés à l’état brut, pour

touche tout autant à la manière dont les

éviter d’avoir à les repeindre ou les retravailler

façades s’accrochent à la structure que celle

en cas de modifications66.

dont, par exemple, l’isolant est lui-même

Ces

fixé aux autres matériaux constituant la dite

d’exécution et la capacité d’adaptation aux

façade. Il en est de même pour les cloisons, les

changements.

choix

marient

la

simplicité

planchers, la toiture, et la structure elle-même.

La question est celle du choix des

assemblages.

Les structures métalliques et en bois

sont ainsi peut-être à favoriser car leur mise en oeuvre est souvent plus réversible que celle

Les déconstructeurs constatent que les

des structures en béton.

assemblages les plus faciles à mettre en place

sont les plus dur à défaire62. Par exemple, des

connus pour avoir été montés et démontés à

éléments collés sont très difficiles à séparer

plusieurs reprises grâce à l’ingéniosité de leur

contrairement à des éléments vissés63 (fig. 56).

structure métallique.

Il y a d’ailleurs de nombreux projets

La recherche d’une facilité de mise en

oeuvre va à l’encontre de la mutabilité, car « facile » veut souvent dire « rapidement », à bas prix et par des ouvriers peu qualifiés.

Il faut encourager les constructeurs

à faire des assemblages dont les matériaux soient

séparables64

et

développer

une

connaissance des mises en oeuvre favorisant le réemploi, en évitant « les faux amis conceptuels, qui donnent à croire que la technologie est la solution »65.

Figure 56 : Dessin « cheville : assemblage réservible ; collé : assemblage définitif.»

Source : Catalogue de

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.262.

70 - PARTIE 3


La Halle de la Gare du Sud (fig.57 et

58), à Nice, par exemple, ancien pavillon de la Russie et de l’Autriche-Hongrie lors de l’Exposition Universelle de 1889, a été premièrement montée à Paris, démontée, puis remontée à Nice en 1891 pour servir de gare.

Sa structure assure une démontrabilité

complète, pièce par pièce, ce que Bernard Reichen qualifie de « structure métallique en kit »67.

Les halles des anciens Abattoirs de la

Villette (fig.59), construits entre 1865 et 1867 par Jules de Mérindol (élève de Victor Baltard) et Louis-Adolph Janvier, ont prouvé la réversibilité de leur structure métallique également.

La Grande Halle, anciennement « Halle

aux Boeufs », a été reconvertie en 1983-85

Figure 57 et 58 : La Halle de la Gare du Sud de Nice.

par l’agence Reichen&Robert en salle de

Source fig.57 : www.metronews. fr (© M. Bernouin/Metro)

spectacles. Elle a à nouveau été transformée

Source fig.58 : www.100anscheminsdeferdeprovence.fr

et remise à neuf en 2003-07 par la même équipe.

62

À coté de cette halle s’y trouvaient deux

autres : la « Halle aux Veaux », entièrement

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.21. 63

Lionel BILLIET er Michael GHYOOT (ROTOR),

détruite en 1980 car elle était très abimée, et

conférence du 17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal,

la « Halle aux Moutons », démontée en 1986,

dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/

rachetée par le département de la Seine-Saint-

Réemploi/Architecture ». 64

Alexandre DOYÈRE / COLLECTIF, catalogue de

Denis pour être réinstallée ailleurs, mais dont

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

les pièces sont finalement toujours entreposées

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

dans des locaux d’Affiner, à Dammarie-les-Lys,

Delon, p.322. 65

Raphaël MÉNARD / COLLECTIF, catalogue de

en Seine-et-Marne.

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

Cette dernière halle reste cependant

tout à fait réutilisable, une fois remontée. On

Delon, p.167. 66

Interview de Jean-Patrice CALORI, architecte, CAB

peut même imaginer que les pièces puissent

architecture, 15 juin 2015, Paris.

être

67

indépendamment

réintroduites

dans

un nouveau projet, prenant en compte les mécanismes conçus en 1980.

Bernard REICHEN, conférence du 2 juin 2015,

67

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création ».

PARTIE 3 - 71


Figure 59 : Les anciens abattoirs de la Villette. Photographie de 1967. Figure 60 (en bas) : Le Phantom Restaurant à l’Opéra Garnier, imaginé par Odile DECQ (2011).

Source : odiledecq.com

Source :lavilette.com/histoire/

LE SECOND OEUVRE

Une

autre

manière

de

procéder

serait d’imaginer que tous les éléments « secondaires », propres aux usages et non à la résistance de la structure, puissent être retirés sans un gros travail de déconstruction et même possiblement insérés ailleurs, comme des

ensembles

d’éléments

préfabriqués

Figure 61 et 62 : Le 57 Métal, réhabilité par Jakob & Macfarlane,

assemblés, des modules qu’on déplacerait là

en 2001.

où ils seraient nécessaires.

Source : www.jakobmacfarlane.com

Lors de son intervention au sein de

l’Opéra Garnier, en 2011, pour le projet du Phantom Restaurant, Odile Decq a proposé un aménagement intérieur totalement réversible, pouvant être enlevé très simplement.

Ce choix est né du contexte donné. Il

était, en effet, absolument interdit de toucher au bâtiment et ne serait-ce que poser un clou, du fait de son caractère de monument historique hautement protégé68.

De

manière

Jakob&McFarlane

a

similaire, travaillé

l’agence sur

des

éléments à insérer dans l’ancienne usine du 57 Métal (fig. 61 et 62) (oeuvre de Claude Vasconi datant de 1980), pour le transformer en centre le Centre de Communication


de Renault. Il s’agissait, dans ce cas, de

Il existe par exemple des systèmes de

préserver la lisibilité des sheds d’origine et ne

pose de moquette sans colle qui permettent

pas briser la continuité de cette toiture avec

une dépose extrêmement facile, rapide et

des cloisons toute hauteur.

sans dégâts, prenant en compte le caractère

Les éléments peuvent donc s’insérer et

souvent non définitif de l’installation d ‘une

être retirés, ce qui s’annonce très pratique car

moquette. Les colles utilisées étant en plus

l’édifice va possiblement à nouveau changer

agressives pour l’environnement et pour les

d’usage69.

bronches, ces systèmes sont une alternative à la fois saine et économique.

L’ÉCHELLE DES MATÉRIAUX

Des solutions mutables sont donc à

intégrer également à l’échelle des matériaux,

La réversibilité peut s’appliquer à

toutes les échelles.

dès la conception, par l’architecte, qui en est le prescripteur70.

Il n’y a pas de recette, de structure parfaite, qui puisse être intégrée à toutes nos architectures et

garantir la mutabilité. Certains systèmes sont extrêmement flexibles mais leur utilisation systématique

n’est pas la solution, car la conception architecturale s’inscrit avant tout à partit d’un site, de sa forme, ses particularités physiques, sociales, géographiques et historiques.

Le contexte devrait être le premier paramètre pour définir une architecture, non un système

structurel. Celui-ci est choisi en bonne connaissance du site, du programme, du gabarit général du bâtiment à venir, et c’est ensuite qu’il est manié intelligemment pour assurer la mutabilité.

La conception préventive de la mutation architecturale peut alors être démontrée par des tests

de différents programmes, et présentée lors de la demande de permis de construire, afin de certifier la réversibilité. La matière deviendrait un assemblage savant et pluriel dans le temps.

Certaines tâches restent toute fois à appliquer pour le bon développement de l’édifice mutable :

son suivi, son entretien, et la transmission des informations concernant sa capacité à se transformer.

69

Dominique JAKOB, conférence du 16 mas 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme 68

Odile DECQ, conférence du 16 mars 2015,

acte de création ».

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture

70

et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas

acte de création ».

Delon, p.336.

SWAN Architectes / COLLECTIF, catalogue de

PARTIE 3 - 73


PARTIE 4

ACCOMPAGNER LES ÉDIFICES : INSCRIPTION DANS UN CYCLE DE VIE DURABLE

Une fois la mutabilité acceptée, le projet étudié d’un point de vue administratif en amont,

et la conception réfléchie pour donner sa capacité de transformation au bâtiment, il est impératif d’accompagner l’édifice pour garantir son bon fonctionnement, et ses évolutions.

I

ENTRETIEN, SUIVI ET GESTION DES ÉDIFICES

détourne de lui : « on ne les voit plus tels qu’ils ont pu être avec leurs qualités d’origine »2.

Le suivi est crucial pour ancrer nos

architectures dans un cycle durable. On peut ANTICIPER LA RUINE

développer des projets d’une intelligence remarquable, aux capacités de mutations

Un édifice existe de par sa capacité

d’intégration

mais

aussi

sa

capacité

pointues, mais si l’édifice est livré à lui-même, sa dégradation est inévitable.

d’entretenir le tissu qu’il a vivifié en arrivant. Or, quand il y a disjonction entre investissement et gestion, l’édifice meurt.

Tous les paramètres qui interviennent

aux différentes étapes de la vie du bâtiment sont à réfléchir en amont, de façon à ne jamais laisser d’opportunité à l’obsolescence1.

L’entretien doit être pensé lors de la

conception, il doit ensuite être effectué à la moindre nécessité sinon l’édifice tombe en ruine.

La fin des usages doit être anticipée

pour qu’on pense aux suivants car un édifice vide est vite oublié. Comme le dit le dicton : « mieux vaut prévenir que guérir ». En effet, un édifice mal en point et sans usage, si personne ne s’en préoccupe, est voué à la perte.

Pour un édifice délabré, l’obstacle

devient ensuite mental. Il est vu comme repoussant, et, consciemment ou non, on se

74 - PARTIE 4

Figure 63 : La Nakagin Capsule Tower (1970), de Kisho JUROKAWA.

Source : moreadesign.wordpress.com


PENSER LES MODALITÉS D’ENTRETIEN

UNE GESTION PERSONNALISÉE

La Nakagin Capsule Tower (fig. 63 et

Quand on observe d’autres exemples

cf.annexes), a été pensée pour que chaque

d’édifices un peu particuliers, comme les

capsule soit remplaçable par une nouvelle,

immeubles de logements évolutifs (HLM de

grâce à un système d’assemblages réversibles.

Montereau-Surville, HLM La Grand Mare, etc.),

on s’aperçoit qu’ils ont été plutôt malmenés

L’entretien a été pensé et la durée de

vie des capsules estimée par l’architecte à

par les commanditaires en terme de gestion.

25 ans. Le fait de pouvoir « dé-clipser » les

capsules du « tronc » central offrait même la

effrayait les gestionnaires.

possibilité de les remanier entièrement, de les

moderniser, tant que le système d’accroche

HLM, ont rapidement perdu leur caractère

était conservé.

évolutif qui était jugé trop difficile à gérer et

Ce qui faisait d’eux des projets riches Tous ces projets, gérés par des offices

trop coûteux.

En remplaçant toutes les capsules au

terme des 25 ans, Kisho KUROKAWA estimait

On sait cependant que certains groupes

la durée de vie de l’édifice à 200 ans.

immobiliers privés savent faire ce qu’on appelle de la gestion personnalisée5, c’est-à-

Tout

a

été

mis

en

oeuvre

par

l’architecte, mais la gestion de ces capsules n’a

dire que la gestion s‘adapte aux propriétés du bâtiment et non l’inverse.

jamais été faite, elles n’ont été ni entretenues, ni

remplacées.

Or,

Kisho

KUROKAWA

rappelle que « everything is designed to be maintained »3. 1

Frédéric GILLI, « Peut-on produire une ville durable

? », 2010, Habitat et société, n°60, p.64.

À travers cet exemple d’architecture,

certes très originale, on comprend que l’entretien pensé lors de la conception ne vaut rien s’il n’est pas par la suite encadré et géré.

Il y a d’ailleurs une certaine rancune

des maitres d’ouvrage vis à vis des projets « originaux » car, souvent, il n’y a pas de suivi prévu de la part des concepteurs qui créent puis laissent leur création sans suivi . 4

2

Jean DETHIER / COLLECTIF ? Centre de Création

Industrielle / Centre Georges Pompidou, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou, p.53. 3

Vidéo de Tokyo Art Beat, « Kisho Kurokawa Pt. 2:

Nakagin Capsule Tower », https://www.youtube.com/ watch?v=9roy5mbz5fk. 4

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 5 : Comment gérer des logements personnalisés », 1993-2013. 5

Idem note 4.

6

COLLECTIF / Etude réalisée par l’agence CANAL

Architecture, « Le logement « jeune » n’estil qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.15.

PARTIE 4 - 75


Du point de vue d’un gestionnaire,

Dans l’élaboration de sa théorie des

l’uniformité de l’offre, la constance, des

« porteurs », Nikolaas J. Habraken spécifie

espaces bien précis et immuables, pour une

clairement leur caractère collectif. C’est-à-

catégorie d’usagers définie, sont légitimés

dire qu’ils sont à la charge d’un gestionnaire

par une volonté de faciliter la gestion et

différent et supérieur aux gestionnaires de

maîtriser les coûts.

chaque entité individuelle « portée »8.

Mais « est-ce aux outils de financement et de gestion de définir » la manière de

Pour le bon fonctionnement et la

construire et d’utiliser le bâtiment6?

pérennité de ces architectures mutables, la gestion collective passe avant la propriété

Contrairement aux normes qui doivent

individuelle. Le caractère évolutif est mis au

se marier, la gestion doit se faire au cas par cas.

profit d’un développement urbain durable

Evidemment, cela demande plus de

et d’une réutilisation des édifices en réponse

travail et une grande compréhension de l’objet

à une nécessité générale. Un propriétaire

à gérer.

individuel ne doit pas pouvoir bloquer tout le processus.

UN SYSTÈME DE GESTION GÉNÉRALE

Cela remet en perspective tous nos

systèmes de gestion et d’accession à la propriété.

La Nakagin Capsule Tower nous illustre

une autre dimension du domaine de la gestion : gérer est une chose mais encore faut-il établir

LA FLEXIBILITÉ D’UN SYSTÈME LOCATIF

clairement le poste de gestionnaire.

Au fil des ans, les capsules ont été

achetées,

transmises

de

génération

en

Philippe Robert faisait, lors de notre

entrevue, l’éloge des systèmes locatifs qui existent en Suisse, dont il faudrait peut-être

génération, et finalement chaque capsule a

nous inspirer.

un propriétaire différent. Nous parlons ici de

capsules mais cela vaudrait pour tout type de

sont pas propriétaires, ils louent. Par contre, ils

logement, d’espace de bureau, ou autre petite

possèdent tous un logement à la montagne ou

entité spatiale au sein d’un grand ensemble, le

à la mer, qui fait office de maison secondaire

bâtiment.

quand ces gens habitent en ville.

La démultiplication des propriétaires

Dans les grandes villes, les gens ne

Ce

système

permet

aux

grandes

pour un même édifice rend l’entretien global

villes de ne pas être figées mais également

d’une extrême complexité. Et la Nagakin

aux gens de ne pas être restreints par

Capsule Tower en a souffert car, pour réhabiliter

l’emplacement de leur logement de ville9.

l’ensemble de l’édifice, l’accord des quelques

140 propriétaires était nécessaire7.

ne déménage pas facilement. C’est-à-dire

76 - PARTIE 4

En effet, quand on est propriétaire, on


que si on en vient à changer d’emploi, c’est le

temps de transport qui va évoluer entre chez

diversification,

soi et le lieu de travail.

d’originalité ou de complexité, sont bonnes

Pour revenir à la dualité mobile-

et réalisables, du moment que la gestion est

immobile, le logement est l’entité immobile

pensée en amont, suivie et entretenue au bon

quand on est propriétaire.

rythme.

En adoptant un système locatif, tel

En fin de compte, la mixité, la la

mutabilité,

toute

sorte

Dans son étude de « bâtiment pour

qu’en Suisse, les gens pourraient déménager

120 ans », l’agence Canal propose un nouveau

pour se rapprocher de leur lieu de travail ou

modèle constructif, mais aussi un vrai système

des écoles des enfants, sans subir le temps de

de gestion où le constructeur est au coeur du

transport, et donc devenir mobile.

projet dès la conception11.

Quand le lieu de travail devient une

donnée fixe, c’est le lieu de vie qui devient mobile et s’adapte. Ainsi on ne figerait ni les

gens, ni la gestion des villes.

adopté, les bâtiments peuvent s’inscrire dans

Une fois un bon système de gestion

un cycle de vie durable et renouvelable.

Ce système de location crée également

une ouverture sur la mixité programmatique verticale au sein des bâtiments.

En fonction des flux urbains, les

immeubles pourraient mélanger les usages et, pourquoi pas, avoir, par exemple, des bureaux dans les premiers étages et des logements dans les étages supérieurs. et

En France, les questions de la propriété de la rencontre des usages créent un

blocage10 mais une telle mixité existe déjà en Suisse.

Vidéo de Tokyo Art Beat, « Kisho Kurokawa Pt. 2:

7

Nakagin Capsule Tower », https://www.youtube.com/ watch?v=9roy5mbz5fk. 8

La gestion et la mutabilité sont,

finalement, très influencées par nos modes

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 3 : De l’idée aux applications », 1993-2013. 9

Interview de Philippe ROBERT,a architecte retraité, 14

de vie et notre culture traditionnelle où les

avril 2015, Paris.

fonctions

10

sont

distinctes,

propres à un temps donné.

privatisées,

et

11

Idem note 9. COLLECTIF / étude réalisée par l’agence CANAL

Architecture, « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une requalification du logement partagé », 2010, ALIT&OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, p.6.

PARTIE 4 - 77


II

LA PLACE DE L’INFORMATION DANS LA MUTABILITÉ

GAGNER DU TEMPS D’ANALYSE Figure 64 : L’ancienne structure de la Terrace Gallery du Royal

Lors d’une conférence à la Cité de

l’architecture et du patrimoine, Alain Sarfati

Ontario Museum, en déconstruction. Source : www.salomagazine.com

mettait en avant un fait : réhabiliter prend énormément de temps12, notamment parce qu’il est nécessaire d’examiner précisément ce qui est là. Or si, dès la conception, en plus de préparer le bâtiment à muter, on rassemblait toutes les informations le concernant, le temps d’analyse des édifices existants avant leur transformation serait nettement réduit.

Figure 65 : L’ancienne Terrace Gallery du Royal Ontario Museum.

Pour

transformer

il

faut

Source : https://www.rom.on.ca

recueillir

énormément d’informations sur les méthodes de mise en oeuvre et les capacités des éléments telles que la résistance structurelle et la résistance au feu13.

Sans avoir ces données, les édifices

sont souvent sous-exploités, pour des raisons

Figure 66 : La structure du Centre Étudiant de l’Université de

de sécurité.

Toronto, en construction.

En

effet,

« comment

Source : www.salomagazine.com

déposer

correctement un matériau dont on ne sait plus la façon dont il a été mis en oeuvre »14 ? Comment réutiliser les poutres métalliques quand on ne connait pas leur capacité portante ? Etc.

Figure 67 : Le nouveau Centre Étudiant de l’Université de Toronto.

78 - PARTIE 4

Source : www.salomagazine.com


C’est ce qui est advenu pour le Centre

propriétés et leur mise en oeuvre16.

étudiant de l’Université de Toronto (fig. 66

Ces informations, une fois récupérées

et 67), réalisé par Stanted Architecture Ltd

quand il devient nécessaire de faire muter

en 2004, où la structure acier des espaces

l’édifice, seront précieuses et

d’exposition en terrasse du Royal Ontario

des gains de temps, d’efficacité et sûrement

Museum (fig. 64 et 65) a été réemployée.

beaucoup d’économies, car chaque pièce

pourra être réutilisée en fonction de ses

Le

bureau

d’étude

de

structure

Halsall&Associates travaillait sur les deux

permettront

propriétés techniques et de son entropie.

chantiers simultanément, ce qui a permis cet échange inédit de structure entre les deux

bâtiments. La coordination entre les architectes

intéressant de réaliser des rapports énumérant

et les ingénieurs a permis de dresser des

les capacités d’évolution déjà imaginées pour

relevés précis des composants disponibles

les bâtiments lors de leur conception, et de les

mais leur

présenter à l’étape du permis de construire,

capacité portante ne pouvait être

évaluée qu’avec des essais de charge complets

De la même manière, il pourrait être

comme le suggérait Philippe Robert.

et prohibitifs.

Faute d’informations, la structure a dû

être sous-estimée et considérée comme de faible qualité15.

DES PASSEPORTS D’INFORMATIONS

Les informations sont cruciales à toutes

les étapes d’un projet de transformation. Les

12

Alain SARFATI, conférence du 16 mars 2015,

« Transformer c’est expérimenter », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un

matériaux doivent être identifiés pour être

bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

réutilisés ou déposés, les assemblages doivent

acte de création ».

être compris pour être démontés, remontés et entretenus…

13

Bruno

PINARD,

conférence

du

2

juin

2015,

« Transformation versus démolition », cité de l’architecture et du patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme

Pour ce qui est des matériaux, Steven

Beckens, C2C

expert

(Cradle

to

en

économie

Cradle,

une

acte de création ». 14

Julie BENOIT et Grégoire SAUREL / COLLECTIF,

circulaire

catalogue de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/

démarche

Réemploi/Architecture », dirigé par Julien Choppin et

alliant l’approche scientifique et l’approche

Nicolas Delon, p.316. 15

COLLECTIF, catalogue de l’exposition « Matière Grise

économique), travaille sur ce qu’il nomme les

- Matériaux/Réemploi/Architecture », dirigé par Julien

« Passeports des matériaux ».

Choppin et Nicolas Delon, p.333.

Lors de la conception de projets, les

matériaux sont listés, ainsi que toutes leurs

16

Steven BECKENS / COLLECTIF, catalogue de

l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture », dirigé par Julien Choppin et Nicolas Delon, p.211.

PARTIE 4 - 79


Pour le projet de la « Maison du

Siècle » (ou Century Housing System), réalisé dans la ville nouvelle scientifique de Tsukuba, au Japon, en 1984, des fiches techniques indiquaient les transformations potentielles, les couplages d’appartements possibles (fig. 68), pour démontrer la durabilité fonctionnelle et sociale de l’édifice due à sa flexibilité interne17.

De façon similaire, pour le projet de

HLM de Montereau-Surville, des plaquettes explicatives

proposaient

onze

plans

d’appartements imaginés par les architectes (fig. 69).

Ces

documents

étaient

prévus

à

l’intention des futurs usagers comme base d’information pour la conception de leur appartement en séances de travail avec l’architecte18.

Figure 68 : Exemple de fiche technique montrant les transformations potentielles des logements du projet de la Maison du Siècle. (notation : «3» indique le nombre de chambres, «L» pour Living-room, «D» pour Dinning-room, «K» pour Kitchen) Source :Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013. Figure 69 : Dix exemples de plans proposés aux futurs habitants des immeubles HLM de Montereau-Surville, iinsérés sur une même surfzce définie par le système structurel (cf. Partie 3.II.B et annexes). Source :Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

80 - PARTIE 4


Sans figer les édifices en les limitant

TRANSMISSION DES INFORMATIONS

à un certain nombre de propositions, ces informations techniques pourraient guider les

transformations à venir et surement permettre

logements évolutifs (la Grand Mare à Rouen,

un gain de temps inestimable sur les analyses.

Les Marelles à Yerres19, etc.) les capacités

Mais avant tout, la disponibilité de

de transformation ont été transmises à la

ces informations garantirait la mutabilité

naissance du projet, à l’arrivée des premiers

des édifices : avec différentes propositions

locataires. Cependant ces informations ont

d’aménagement il n’est plus possible de nier

souvent été mises de coté par la suite, et

les

les locataires suivants n’en ont jamais eu

capacités

de

transformation

;

la

considération de l’existant devient obligatoire.

Dans

plusieurs

des

projets

de

connaissance.

Les logements sont tous devenus

seraient

figés au fil du temps, ramenés à des plans

référencés les capacités structurelles, les

traditionnels, pour, soit-disant, une gestion

emplacements

simplifiée.

Dans

ces des

documents systèmes

techniques

(gaines, ascenseurs…) et leurs propriétés, les méthodes de mise en oeuvre des assemblages

Cette

non-diffusion

à

répétition

et de leurs matériaux…

démontre l’importance d’une gestion au

Ce seraient des « Passeport de

service des capacités des édifices, et non

Bâtiments », s’enrichissant à chaque nouvelle

l’inverse, mais également la nécessité d’accès

transformation. On y distinguerait les parties

aux informations propres à chaque projet.

neuves des parties préexistantes, les matériaux réemployés, leur cycle de vie…

La mutabilité demande un travail de

conception

Ces

passeports

deviendraient

des

pièces maîtresses pour la gestion et l’entretien

préventive

considérable

mais

encore faut-il que ce travail ne soit pas perdu ou omis en bout de chaîne.

de nos architectures mutables.

17

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe

aux réalités », « Chapitre 2 : l’habitat évolutif au Japon, espaces et pratiques », 1993-2013. 18

Idem note 17, « Chapitre 3 : De l’idée aux applications ».

19

Idem note 18.

PARTIE 4 - 81


III

DE NOUVEAUX MÉTIERS À CRÉER

Apparait donc l’idée d’un métier

« d’architecte-valoriste ».

Les valoristes cependant, dont on

parle dans le réemploi, sont ceux qui jugent de la valeur des matériaux à réutiliser20. Les

La mutabilité, dans sa conception

« valoristes » travailleraient donc à la fois

globale, très en amont du projet et projetée

en début et en fin de chaîne, devenant des

dans l’avenir, fait apparaitre un certain nombre

maillons cruciaux dans l’étape de mutation du

de « tâches » dont les acteurs ne sont pas bien

projet.

définis. LES NOUVEAUX OUVRIERS LES NOUVEAUX PROGRAMMISTES

Les structures capables, intelligentes,

Les normes à marier et les usages à

hiérarchisées et réversibles remettent en

imaginer pour plusieurs vies demandent un

question toute la chaine de production et de

nouveau travail de programmiste très novateur.

mise en oeuvre des matériaux.

Cette étape doit être à la charge des

Les

assemblages

doivent

être

architectes et redevenir une vraie étape de

repensés et surtout, les nouvelles pratiques

création et de réinvention des modes de vie.

d’assemblage,

Leur intervention est cruciale pour

de réemploi font appel a de nouvelles

prouver la mutabilité par l’insertion de

compétences pour les ouvriers, une vraie

multiples programmes dans un même projet.

qualification et de la minutie. Cela implique

de

désassemblage

et

de connaître parfaitement un métier, une pratique, dans son actualité mais aussi dans LES ARCHITECTES-VALORISTES

son histoire, pour comprendre les composants à réutiliser ou seulement identifier ce qui est

Inscrire l’architecture dans un cycle

déjà en place, etc.

de développement durable implique une nouvelle vision de l’économie du projet pour

valoriser et peut-être chiffrer, dans la mesure

« la reconversion utilise une mains d’oeuvre

du possible, la capacité de mutation.

qualifiée. C’est-à-dire des vrais maçons, des

Ce

travail

incombe

aux

acteurs

Philippe Robert parle d’expérience :

plombiers, des électriciens, etc. »21.

financiers mais il est nécessaire que ces acteurs, tout comme les assureurs, aient les

compétences de compréhension du projet

et d’entreprises capables pour un travail propre

pour pouvoir l’estimer.

et averti22.

82 - PARTIE 4

Il y a une vraie question de compétences


L’ASSISTANCE ARCHITECTURALE

type de gardien pour cogérer le projet. Quelqu’un qui aurait participé à la phase de

Comme traité plus haut, la mutabilité,

conception ou à la construction serait logé

au-delà de son fonctionnement technique,

sur place et serait à même d’assurer le suivi

est indissociable d’un suivi et d’une gestion

des transformations et la transmission des

impeccables. Pensée sur le long terme, la

informations relatives au projet ; « un gardien-

mutabilité doit être accompagnée par des

architecte d’exécution implanté à demeure »25.

acteurs savants des capacités de l’édifice suivi

et détenteurs des informations le concernant,

architecturale ».

Apparait ainsi la notion « d’assistance

son « Passeport ».

En

plus

de

gestionnaires,

des

Parmi plusieurs projets de logements

personnes qualifiées, comme des architectes

évolutifs, l’immeuble HLM de Motereau-

ou des ouvriers, devraient être assignés à un

Surville est le plus remarquable à ce sujet.

bâtiment spécifique. Ces personnes serait

les référents du projet, en charge d’assurer la

Des éléments mobiles du système

constructif

avaient

été

stockés

par

la

transmission des informations et de promouvoir

gardienne et avaient été mis à disposition

l’utilisation multiple de l’édifice.

des locataires pour qu’ils transforment eux-

même leurs appartements. Au fil des années

traitant, les architectures pourraient être

les locataires ont changé et c’est cette même

suivies par un ou plusieurs spécialistes, sans

gardienne, présente depuis l’origine du projet,

jamais être laissées à l’abandon, en proie à

qui a transmis les informations permettant la

l’obsolescence.

Tout comme chacun a un médecin

transformation des appartements.

Sa présence a été indispensable au

bon fonctionnement de expérimentation23.

De la même manière, dans le projet

de logements évolutif réalisé à Uppsala, en

20

Julien CHOPPIN et Nicolas DELON, conférence du

Suède, en 1966, un ouvrier ayant participé au

17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre

chantier était domicilié dans l’immeuble.

de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/

Architecture ».

Ayant une parfaite connaissance des

systèmes de mise en oeuvre des éléments, il a aidé les autres habitants à effectuer des modifications dans leurs logements24.

21

Interview de Philippe ROBERT, architecte retraité, 14

avril 2015, Paris. Lionel BILLIET et Michael GHYOOT (ROTOR),

22

conférence du 17 novembre 2014, Pavillon de l’Arsenal, dans le cadre de l’exposition « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture ».

Cela rejoint une proposition faite

par l’architecte Alain Amedeo à propos des immeuble adaptables : l’idée d’un nouveau

23

Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux

réalités », « Chapitre 5 : Comment gérer des logements personnalisés », 1993-2013. 24

Idem note 23, « Chapitre 3 : De l’idée aux applications ».

25

Idem note 23.

PARTIE 4 - 83


LE SCRIPT

En amont du travail d’assistant, un autre

acteur doit être en charge de la constitution du « Passeport du bâtiment ».

Au

sein

même

des

agences

d’architecture, travaillant en partenariat avec les bureaux d’études techniques et autres participants à l’élaboration du projet, un métier de « script », comme au cinéma, pourrait être créé. Cette personne aurait pour tâche de rassembler toutes les informations propres au bâtiment, depuis sa conception, jusqu’à sa livraison.

Ce travail serait ensuite à compléter

indéfiniment, référençant la vie de l’édifice, au service de ses multiples transformations, jusqu’à sa ruine naturelle.

Ainsi,

un accompagnement personnalisé est indispensable au développement d’une

architecture mutable.

De nouveaux rôles sont à pourvoir, démontrant que la place de l’architecte et de ses

collaborateurs est encore plus importante pour la pérennité de nos villes et des oeuvres que nous y bâtissons.

Le métier-même de l’architecte, sa perception et sa pratique, se doit d’évoluer, pour donner

vie à une architecture nouvelle, plus flexible et plus durable.

84 - PARTIE 4


85


CONCLUSION En

conclusion de ces recherches,

la réappropriation de la programmation par

il est possible d’estimer que la conception

les architectes, une conception projetée dans

d’architectures mutables est tout à fait possible

différentes temporalités potentielles pour un

et même en bonne voix de développement.

bâtiment, et également l’accompagnement

Plusieurs agences d’architectures telles

impératif de ces édifices post-construction

que CANAL et plusieurs grands groupes

pour les entretenir et transmettre leurs

immobiliers comme VINCI et BOUYGUES

spécificités.

s’intéressent au sujet et y voient sérieusement un potentiel pour les années à venir.

Toute cette étude, comme il a été

supposé dès le départ, reste finalement Il ne s’agit pas seulement se trouver

très théorique et peu de projets peuvent

une solution à la crise des ressources,

réellement illustrer cette idée d’architecture

en mutualisant l’énergie et les matériaux

mutable et pensée entièrement comme telle.

mis en oeuvre pour plusieurs vies au sein

d’un bâtiment, ni seulement de travailler

d’une vraie richesse pour moi. Les rencontres

au renouvellement urbain par le biais de

avec des architectes et les conférences à la

dispositifs de transformation plus savants et

Cité de l’Architecture et du Patrimoine sur

plus résilients, mais également de réinvestir

l’exposition « Un bâtiment, combien de vies

les projets d’architecture dans une économie

? » auxquelles j’ai pu assister, m’ont permises

circulaire et durable.

de ressentir l’attention et la curiosité autour de

L’architecture mutable répond à la fois

ce nouveau modèle appelé à se développer

à des enjeux écologiques, urbains, sociaux et

prochainement. Beaucoup d’architectes, et

économiques.

même

Ces dispositifs mutables ont un vrai

ont démontré un vif intérêt pour cette idée

potentiel à l’échelle urbaine. Tout comme

d’architecture « préventive », ce qui porte

pour la ville de Rochefort, la ville devient elle

à croire que la question de l’architecture

aussi souple. On peut, à l’échelle de la ville

évolutive, très présente dans les années 1970,

ou d’un quartier par exemple, faire des choix

va être reposée et donner lieu à de nouvelles

plus simples en fonction des bâtiments, des

expérimentations dans les années à venir.

L’actualité du sujet a néanmoins été

quelques

promoteurs

immobiliers,

programmes, et avoir de larges possibilités de compatibilité au fil du temps.

J’ai choisi de ne pas développer

Toute fois, nous avons pu constater que

de propos particuliers sur l’impact que

la réalisation de telles architectures dépend de

l’architecture mutable pourrait avoir sur le

l’évolution de nombreux de paramètres : des

marché de la maison individuelle. Philippe

changements radicaux dans les modalités de

ROBERT en parlait lors de notre entrevue.

financement et de réglementation des projets,

86

L’interêt peut néanmoins être grand et


proposer des réponses au fait que

l’accès

une connotation positive d’après lui. Une

la propriété est difficile pour les jeunes

architecture neutre pourrait tout à fait avoir du

couples, ou que les familles se composent, se

sens, mais son identité n’est pas pour autant

décomposent et évoluent plus fréquemment

figée.

qu’auparavant.

La question du logement évolutif

intéressante et ce n’est que par la conception

a été posée à plusieurs reprises mais c’est

d’une architecture mutable que la réponse

bien aujourd’hui que cette formule semble

pourra être donnée.

à

Cette réflexion est évidemment très

se justifier et convenir à nos typologies de la famille. La mutabilité au sein de la maison individuelle constitue un vrai sujet en soi.

C’est une thématique qui remet en

perspective toute la pratique de l’architecture et tous les acteurs de la construction, mais

Une

des

est

qui ouvre également de nouveaux horizons,

mes

encore peu visibles en école d’architecture,

recherches est celle du lien entre le mutable

sur le réemploi de matériaux notamment.

régulièrement

réflexions

apparue

qui

durant

et l’indéterminé : une architecture mutable est-elle laissée trop libre ? sans caractère ?

ou bien la mutabilité est-elle totalement

pour moi une première étape et je souhaiterais

indépendante

vivement

de

la

qualité-même

des

Ce travail de recherche représente poursuivre

espaces créés ?

mutabilité,

l’expérimentation

L’architecture mutable n’a finalement

pas de visage particulier, pas de « recette », mais

ses

mots

maîtres

pourraient

par

ma

quête

vers

la

le

biais

de

lors

de

la

conception de projets, par exemple.

être

« générosité », « neutralité », « multi-usages »…

Tous ces traits évoqués appellent à une

inévitable car ce n’est que par l’insertion

architecture simple, humble, solide, résistante,

de programmes variés que l’on prouve les

mais jamais à une architecture fantasque ou

capacités plurielles d’un bâtiment.

capricieuse.

Se

pose

ainsi

la

question

Le passage à la pratique semble

Ce travail très théorique ne demande

de

qu’à être testé, exercé, expérimenté et mis en

l’indétermination. Ce questionnement touche

oeuvre, car, finalement, ce n’est que sur le long

à la fois à l’esthétique de l’édifice mais

terme que l’on pourra observer la réussite ou

également à la qualité des espaces.

non d’une expérience d’architecture évolutive.

Lors de mon entrevue avec Jean-

Patrice CALORI, celui-ci différenciait clairement

Jusqu’à ce que sa fonctionnalité soit

démontrée, l’architecture mutable demeurera une utopie.

« indéfini » de « neutre », le second ayant

87


ANNEXES

90

PROJETS

90

LA GRAND MARE, à Rouen

99

ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, à Tours

91

92

94

JÄRNBROTT, en Suède 100

L2/5 HOUSE, au Japon

101

TOUR D2, à La Défense

102

NAKAGIN CAPSULE TOWER,

LES MARELLES, à Yerres

LOGEMENTS, à Munich

à Tokyo 95

58-66 RUE MOUZAIA, à Paris 104

96

TOUR BOIS-LE-PRÊTRE,

PARKING-SILO DE LA PLAINE, à Roubaix

à Paris 105 97

LÉCOLE D’ARCHITECTURE, à Nantes

98

32 RUE BLANCHE, à Paris

PARKING-SILO DE LA TOSSÉE, à Tourcoing


106

ÉTUDES

106

CONJUGO

(Retranscription de vidéos)

115

116

Jean-Patrice CALORI,

« Répondre aux nouveaux défis de la ville

architecte

durable : construire réversible »

123

110

INTERVIEWS

HABITAT COLONNE

Philippe ROBERT, architecte retraité

« Un procédé industrialisé pour le logement étudiant » 129

Patrick RUBIN, architecte


LA GRAND MARE, à Rouen

Ensemble de 500 logements sociaux

réalisés entre 1969 et 1972, par le groupe Jean-Philippe RAMEAU.

La

structure

préfabriquée

en

métallique

usine

puis

a

été

montée

proprement et très rapidement sur un «chantier-champignon»

(utilisation

du

procédé GEAI).

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

PROJETS D’ARCHITECTURE

Image de la structure GEAI en montage.

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

90


JÄRNBROTT, en Suède

Projet d’appartements réalisés en

1954, par l’agence TAGE & OLSSON, suite à un concours pour des logements collectifs adaptables lancé en 1952.

Les appartements peuvent être

recomposés grâce au déplacement des cloisons et des rangements intégrés.

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

Plusieurs plans possibles dans la même surface construite.

réalités », 1993-2013.

91

PROJETS D’ARCHITECTURE

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux


LES MARELLES, à Yerres

Immeubles HLM, réalisé entre 1971

et 1975, par les architectes B. KOHN et G. MAUROIS.

Le

projet

met

en

oeuvre

un

système technique de «flexibilité totale» constitué par une «structure support» , faite d’éléments industrialisés en béton, pouvant recevoir des sous-systèmes indépendants et mobiles.

Cette

structure

s’assemble

par

empilement, comme un «mecanoo», sans contreventement vertical.

Les poteaux et les gaines techniques

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

sont mutualisés.

PROJETS D’ARCHITECTURE

Exemple d’un plan d’étage de l’immeuble.

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

92


Photographie d’un élément d’assemblage au croisement de la grille.

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013.

Axonométrie partielle de la grille structurelle.

réalités », 1993-2013.

93

PROJETS D’ARCHITECTURE

Source : Manuel Perianez, « L’habitat évolutif : du mythe aux


LES MARELLES, à Yerres

Ensemble

d’immeubles

de

logements collectifs conçus par Otto STEIDLE,

de

l’agence

Seidle+Partners

Architeckten, à Munich, en Allemagne, en 1972.

Ces immeubles ont la particularité

d’utiliser un système de structure en attente.

On peut voir sur les différentes

photographies

qu’il

n’y

a

pas

de

différenciation entre les éléments porteurs extérieurs et ceux intérieurs : la structure Source : www.gg-art.com

peut être prolongée si besoin.

Source : www.spatialagency.net

94

Source : aplust.net

Source : aplust.net


58-66 RUE MOUZAIA, Paris été

Cet

immeuble

transformé

par

de

bureaux

l’agence

a

CANAL

Architecture pour accueillir des logements.

On peut observer sur les plans ci-

contre les changements dans l’organisation spatiale interne du bâtiment.

La peau ne pouvant pas être

modifiée (car porteuse), ce sont les cloisonnements qui ont dû s’adapter à la façade. Avant transformation

Source des documents : canal-architecture.com

Croquis

des

transformation.

immeubles

avant

leur Après transformation

95


LA TOUR BOIS-LE-PRÊTRE, à Paris

La réhabiliattion de la tour bâtie

entre 1959 et 1961 par l’architecte Raymond LOPEZ, a eu lieu entre 2007 et 2011, sous la direction de l’équipe LACATON & VASSAL et de Frédéric DRUOT.

Les architectes ont choisi de ne pas

détruire la tour mais bien de l’améliorer par

Schéma de la transformation de la façade. Source : https://restance.wordpress.com

l’ajout d’une double épaisseur en façade, constituée de 2 mètres de jardin d’hier, et de 1 mètre de balcon.

L’intérieur

des

appatements

a

également été remanié suivant les besoins des

habitants

actuels.

Ceux-ci

n’ont

d’ailleurs pas eu à déménager durant les travaux grâce à un système d’appartements de réserve.

Ce

projet

démontre

la

réelle

économie possible via le choix de la transformation.

Schéma de la transformation des étages. Source : www.druot.net

La tour en 1962 , la tour rénovée dans les années 1990, l’image du projet actuel.

Source : www.darchitectures.com

96


L’ÉCOLE D’ARCHITECTURE, à Nantes

Ce bâtiment très neutre a été réalisé en

2009 par l’équipe LACATON & VASSAL. Plans des étages.

Coupes.

PROJETS D’ARCHITECTURE

Source des documents : www.explorations-architecturales.com

97


32 RUE BLANCHE, à Paris

La restructuration, réalisée entre

2010 et 2012 par Franck HAMMOUTÈNE, de ces anciens entrepôts des Galeries Lafayette construits en 1910, a bénéficié de l’emprise au sol du bâtiment existant.

On y trouve majoritairement des

bureaux, ainsi que quelques logements.

Insertion volumétrique du projet dans le paysage parisien. Source : https://www.lepoint.fr

Coupe.

Source : www.businessimmo.com


L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, à Tours

La nouvelle école des Beaux-Arts

de Tour va être prochainement implantée dans l’ancienne imprimerie MAME conçue par Bernard ZEHRFUSS, Jean DRIEU LA ROCHELLE et Jean PROUVÉ, entre 1950 et 1953.

L’agence Franklin AZZI a profité

du système très simple de la structure, fonctionnant

suivant

un

système

de

remplissage des éléments porteurs. Source : www.set.fr Source : www.franklinazzi.fr

Diverses

photographies

de

l’opération de transformation.

Source : www.franklinazzi.fr Source : www.set.fr

Source : www.set.fr


LA 2/5 HOUSE, au Japon

Cette maison est située à Hyogo,

au Japon.

Conçue en 1995, par l’architecte

japonais Shigeru BAN, elle met en oeuvre un système structurel très libre : deux «poutres suspendues habitées» et de grandes parois coulissantes en verre en rez-de-chaussée pour ouvrir totalement l’espace.

PROJETS D’ARCHITECTURE

Plan des rez-de-chaussée.

Axonométrie éclatée.

Source des documents : http://www.shigerubanarchitects.com

100


LA TOUR D2, à La Défense

Cette tour, érigée en 2014, à été

dessinée par Anthony BÉCHU et Tom SHEEHAN.

Elle met en oeuvre une double

structure : un exosquelette relié à un noyau central porteur.

Source des documents : http://www.pss-archi.eu

Axonométries de l’exostructure et du noyau porteur.

101


NAKAGIN CAPSULE TOWER, à à Tokyo, au Japon

Cette tour est un des rares manifestes

bâtis représentatif du mouvement japonais, les «Métabolistes».

Elle a été conçue en 1970 par Kisho

KUROKAWA.

Cette tour de logements a pour

particularité

d’adopter

une

structure

arborescente à capsules amovibles.

PROJETS D’ARCHITECTURE

Source : www.archinect.com

Source : www.architectureyp.blogsport.fr

102


Source : www.architectureyp.blogsport.fr

Source : www.architectureyp.blogsport.fr

PROJETS D’ARCHITECTURE


PARKING-SILO DE LA PLAINE, à Roubaix

Ce bâtiment a été construit en 2010,

par l’agence De Alzua+. C’est un projet conçu avec la prévention de sa mutation. « Au-delà de la fonction qui lui est attribuée aujourd’hui, la caractéristique de ce parking réside dans sa conception structurelle. Conçu pour être mutable en immeuble de bureaux, la structure béton est étudiée pour être redécoupée ponctuellement, recevoir des façades et un cloisonnement. (...) La mise à distance des corps de bâtiment de part et d’autre de la faille créée un espace de

PROJETS D’ARCHITECTURE

circulation confortable, et règle par la division du volume principal la question de la profondeur des plateaux, souvent problématique dans la reconversion de bâtiments d’activités de grandes dimensions. » (Source : www.dealzua.com)

Vue depuis un des niveaux de parkings.

Coupe transversale.

Plan du rez-de-chaussée.

N

Source des documents : www.dealzua.com

104


PARKING-SILO DE LA TOSSÉE, à Tourcoing

Ce

bâtiment,

conçu

par

l’agence

Plans de niveaux. TANK

Architectes, sera livré en 2015. C’est un projet conçu avec la prévention de sa mutation. « Le programme rassemble une ruche d’entreprises innovantes dans l’industrie textile et un parking silo de 450 places. Les 2 programmes sont rassemblés au sein d’une même entité où la mutabilité du parking à moyen terme en programme tertiaire est rendue possible par une structure périphérique en nid d’abeille libérant les plateaux de tous points porteurs. » (Source : http://www.tank.fr)

R+2

R+1

aménagement.

RDC

Façade sud-est.

Source des documents : www.tank.fr

105

PROJETS D’ARCHITECTURE

Deux vues du parking, avant et après

N


CONJUGO

RÉPONDRE AUX NOUVEAUX DÉFIS DE LA VILLE DURABLE : CONSTRUIRE RÉVERSIBLE

VINCI CONSTRUCTION FRANCE,

BLUE FABRIC,

CANAL ARCHITECTURE,

2015. VIDÉO DE 4’40.

« Aujourd’hui, les villes font face à de nouveaux

défis : mobilité, mixité d’usage, durabilité. Les standards de construction ont toujours été cloisonnés. Mur après mur, les systèmes bâtis (…) La société est en perpétuel mouvement, et aujourd’hui, on sait qu’un bâtiment aura plusieurs vies.

À l’échelle de la ville, l’enjeu est de taille. Pas

d’hypothèque sur l’avenir. Un bâtiment doit pouvoir, à tout moment, changer de fonction, à condition de l’avoir anticipé lors de sa conception. Construire réversible, c’est construire durable.

Pas si simple… car les habitudes dont on hérite

ont façonné des règlements, des normes, et des formats bien différents. Sécurité incendie, réseaux, fluides, structure, acoustique, accessibilité, environnement…

ÉTUDES

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

autant de paramètres à faire converger avec économie, qualité d’usage, et éco-conception.

VINCI construction France a réuni une équipe

d’experts pour répondre à ces enjeux.

Premier point : l’épaisseur.

Un bâtiment trop épais génère des pièces

sombres et mal ventilées, et un bâtiment trop étroit est moins économique.

Une épaisseur entre 12 et 15 m est une réponse

aux nouvelles exigences de qualité et d’usage : des bureaux collaboratifs éclairés et ventilés naturellement, et des appartements lumineux et traversants, pour plus de convivialité. 106


En hauteur aussi l’amélioration est possible.

Traditionnellement, de dalle à dalle, la hauteur

des étages de bureaux est grande car le faux-plafond et tout ce qu’il contient, occupent beaucoup de place.

En regroupant les fluides et en optimisant le

système constructif, on récupère de la hauteur et on économise de la matière première.

De quoi gagner un étage par rapport à un

immeuble de bureau traditionnel.

Et pour un immeuble de logements, tous les

étages deviennent nobles.

Passons aux accès et aux circulations.

Des normes de sécurité incendie très différentes,

donnent des résultats très différents. Encore des contradictions qui incitent à réfléchir autrement…

Un exemple de solution : extraire les circulations

verticales en façade : agréable, éclairé et ventilé les étages.

Ainsi, pour l’habitat, chaque logement a son

accès personnalisé : pontons ou loggias, comme une pièce en plus pour chaque appartement. Grâce à traversants.

On peut aussi aménager des micro-logements,

destinés aux jeunes ou aux séniors, voir même un hôtel.

Pour les bureaux, des petits formats sont

aménageables. Chaque unité a son accès.

Et pour les grands plateaux de bureaux, l’espace

libéré est adapté aux nouveaux usages et aux besoins de flexibilité.

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

cette configuration, de nombreux appartements sont

ÉTUDES

naturellement. Des placettes et des pontons desservent


Le système poteau-dalle, sans retombées de

poutres, favorise une multitude d’agencements et de reconversions.

La nature des dalles permet de réduire le

nombre de poteaux.

Les dalles peuvent être percées, sans reprise

structurelle, pour redistribuer les réseaux verticaux suivant les transformations.

Ce procédé VINCI construction France garantit

la réversibilité.

Le plan permet de répondre à toutes les

ÉTUDES

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

situations.

Le gabarit peut être adapté au foncier.

Et cette flexibilité vaut aussi pour les façades :

proportions, matériaux, occultation… La créativité architecturale est libre.

108


Le projet s’adapte à tous les contextes. Equation

résolue. La solution remporte le consensus.

Le bâtiment réversible répond aux nouveaux

usages, sans surcoût de construction.

Dans le futur, il sera transformé plus facilement,

qu’un bâtiment traditionnel.

Entre

construction,

fonctionnement,

et

reconversions, le coût global est très compétitif.

Les territoires, les quartiers, les usages, les

programmes, auront évolué. Et tous les éléments essentiels à la vitalité de la cité pourront trouver leur place dans un bâtiment réversible, sans devoir modifier l’ossature.

Concevoir réversible, c’est construire durable. »

-THE END-

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

Construire pour ne pas avoir à détruire.

ÉTUDES


HABITAT COLONNE

UN PROCÉDÉ INDUSTRIALISÉ POUR LE LOGEMENT ÉTUDIANT

ADIM,

VINCI CONSTRUCTION FRANCE,

RÉSIDENCES SOCIALES DE FRANCE,

GROUPE 3F,

CANAL ARCHITECTURE,

EGIS,

FÉVRIER 2013. VIDÉO DE 5’00.

« Face à la pénurie de logements étudiants, le

CNOUS a lancé un programme national de construction.

Comment atteindre ces objectifs (QUANTITÉ -

QUALITÉ - URGENCE) en traduisant la commande par une logique constructive ?

Quel est alors le système constructif le plus

adapté ? Le coffrage tunnel ? Le refend transversale ?

ÉTUDES

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

La façade porteuse ? De modules 3D ?

Le principe poteaux-dalles, rationalisé ces

dernières années par VINCI, garantit une optimisation des délais et des coûts, tout en offrant une grande flexibilité.

Ce procédé, appelé « Habitat Colonne », et

labellisé CQFD par le PUCA, tire parti des qualités propres du béton : pérennité, acoustique, inertie, résistance au feu.

110


Le principe est simple : une dalle coulée, des

poteaux disposés sur une trame de 3 par 6 mètres, et des poutres non apparentes, noyées dans le plancher béton.

Module après module, le bâtiment se déploie,

et peut même atteindre la hauteur des immeubles de nos métropoles.

Enfin, ces plateaux offrent une grande liberté

d’aménagement et d’adaptation dans l’avenir.

Fondations,

planchers,

poteaux,

cages

d’escaliers et ascenseurs : c’est le squelette du bâtiment.

ÉTUDES

Les salles d’eau, les kitchenettes et les

rangements,

sont

rassemblés

dans

des

PODs

préfabriqués et testés en usine. Ils se raccordent rapidement aux gaines techniques.

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS


Puis les façades, une fois assemblées et

certifiées, sont acheminées depuis l’usine et montées à l’extérieur du bâtiment.

Constituées

de

matériaux

écologiques

et

pérennes, elles assurent une excellente isolation thermique et acoustique, et garantissent une très bonne étanchéité. Elles répondent aux exigences règlementaires, et permettent de prétendre au label Habitat et Environnement.

Grâce à l’industrialisation du procédé, les délais

sont optimisés. On économise 4 mois par rapport à un

ÉTUDES

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

chantier classique.

Regardons de plus près l’organisation des

logements étudiants.

Traditionnellement, dans un bâtiment de 15

mètres d’épaisseur, les chambres se répartissent en profondeur de part et d’autre d’un couloir central.

Mais cet agencement peut être enrichi, en

déplaçant la trame et en ramenant le bâtiment à une épaisseur traversante proche de celle d’un immeuble d’habitation. On gagne ainsi en souplesse, tout en autorisant des réversibilité futures.

112


On obtient deux types de studios de surface

égale, mais d’aménagement très différent. Observons dans le détail une situation concrète.

Dans le premier studio, orienté vers le jardin, la

lumière entre par la fenêtre de la pièce à vivre d’une superficie de 9 m2. Le second, côté rue, de même superficie, bénéficie d’une deuxième fenêtre dans la salle de bain et d’une surface à vivre plus grande.

Des équipements peuvent être ajoutés pour

renforcer le confort et la tranquillité. Mais on peut dépasser la demande du programme.

Revenons au premier studio. Le normes PMR

définissent des espaces disproportionnés par rapport au temps d’usage. Pour deux heures d’utilisation quotidiennes, l’entrée, la cuisine et le salle de bain, occupent la moitié du logement. Alors, comment optimiser ces espaces ?

La mutualisation avec le logement voisin,

pourrait permettre de gagner de précieux mètres carrés. On partage les salles d’eau et la cuisine, qui devient une véritable pièce à vivre, et les sphères privées sont plus spacieuses. Le principe peut s’appliquer à 3 logements : la

cuisine s’agrandit un peu plus, et chacun des locataires gagne des mètres carrés. Et ces trois studios peuvent être convertis, pour accueillir un chercheur et sa famille, dans un logement de 12 mètres bénéficiant d’un éclairage traversant. Ou encore, on peut mutualiser 6 logements étudiants, en créant un grande cuisine partagée et conviviale, tout en conservant une salle d’eau dans chacune des 6 chambres.

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

ÉTUDES


Tout en répondant au besoin immédiat de

logements étudiants, le procédé constructif poteauxdalles permet une grande polyvalence du bâtiment. Il laisse ainsi les portes ouvertes à de nouveaux modes de vie et d’usages : familles, personnes agrées accompagnées, jeunes travailleurs… Le plan permet de répondre à toutes les situations.

La trame peut être adaptée au foncier. Et cette

ÉTUDES

RETRANSCRIPTION DE VIDÉOS

flexibilité vaut aussi pour les façades.

Selon les contextes, elles peuvent être en enduit,

en bardage bois, ou même en pierre. Et le système permet d’envisager encore bien des déclinaisons et variations, et d’éviter la monotonie.

Ainsi, en alliant le solide et le flexible dans un

procédé industrialisé, mais non uniformisé, le principe poteaux-dalles apporte une solution pérenne, fiable, et évolutive. »

-THE END-

114


INTERVIEWS RETRANSCRIPTIONS PARTIELLES

7

7

7

DE DISCUSSIONS

Jean-Patrice CALORI, architecte

Agence CAB Architectes

le 15 Juin 2015

à Paris, 10e arrondissement.

Philippe ROBERT, architecte retraité

Agence REICHEN & ROBERT

le 14 Mars 2015

à Paris, 14e arrondissement

Patrick RUBIN, architecte

Agence CANAL Architecture

le 13 Mars 2015

à Paris, 4e arrondissement

INTERVIEWS


Jean-Patrice CALORI, architecte à l’agence CAB - le 15 juin 2015 - Paris 10e -

LA CONCEPTION DU PROJET...

LA QUESTION STRUCTURELLE …

La question structurelle nous intéresse

particulièrement. Parce que, à travers ça, en

Quel est votre cheminement dans le

trouvant des solutions structurelles, et donc

processus de conception ?

spatiales, ce qui nous intéresse c’est que la

Au départ, c’est une réflexion dans

structure elle résolve plusieurs choses. Comme par exemple la façade déjà, la volumétrie, la

le site et c’est aussi de ne pas chercher à sur-

spatialité. Donc, la structure ça représente une

dessiner les choses, limiter le détail et travailler

sorte de synthèse.

plus par des assemblages d’éléments, les

dalles, les poteaux, les noyaux… C’est-à-dire

des projets dont la structure semblait être

que tout se construit de lui-même, c’est une

contrainte mais, c’est pas parce qu’une

synthèse, et après il n’y a pas de façades à

structure est avec des voiles ou avec des

dessiner.

noyaux que - elle est peut-être pas souple

(...) C’est une espèce de dispositif qui

mais elle est résistante. Et, par exemple, par

n’est pas signifiant mais qui peut marcher

des hauteurs, des dimensionnements, elle

à plusieurs échelles. Donc par exemple ce

peut permettre une réutilisation future, mais

système de la dalle et des noyaux ou des

elle est résistante. C’est-à-dire que l’idée c’est

poteaux, voilà, c’est un système qui peut

que : il va falloir s’accommoder de ça.

C’est-à-dire que, nous on a fait

fonctionner comme un dispositif à plusieurs échelles et qui se règle, qui se construit avec

une pensée, une pensée qui construit le projet.

identité très neutre.

INTERVIEWS

Mais par contre, les bâtiments ont une

Mais c’est pas : « on fait ça, puis après

on va penser à la structure, puis après on va

penser à la façade… ». Non, tout se monte

nos bâtiments ressemblaient à des parkings. Et

ensemble.

c’était très intéressant comme remarque parce

que, finalement, un parking c’est une structure

Et quand on part sur une grille, comme

Par exemple, on nous a dit souvent que

à Saclay ou dans ce concours (ZAC Meridia), la

capable.

grille elle te génère des choses. Après il y bien

sûr des couches de travail supplémentaires.

là : structure capable, parfois contraignante

Tu peux enlever des choses, tu peux faire des

et résistante, mais capable d’accepter, sans

choix, tu peux modifier…

tomber dans une perte de sens, dans le ridicule

ou le pittoresque. On peut la réinvestir avec

Après, pour être tout à fait honnête,

Et donc on pensait plutôt dans ces cas

c’est pas pour ça qu’on a envie tout de suite

d’autres programmes.

que notre projet soit modifié par l’utilisateur.

Mais, de le rendre très résistant ou avec une

une crèche en bureaux, en musée, en clinique…

structure très marquée, forcément ça empêche

D’accord il y a des refends, mais il n’y en a pas

des modifications qui feraient perdre le sens.

partout.

116

C’est déjà pas mal le fait de transformer


Les endroits où passent les fluides,

L’EXPRESSION DE LA STRUCTURE…

souvent, sont travaillés avec des systèmes de noyaux. Dans les noyaux, un peu de manière

Kahnnienne, en toute modestie, on essaye de

que la structure elle se sente aussi quand même.

comprendre que ça peut servir à passer des

éléments servants par rapport à l’espace servi,

franchissements, ou les porte-à-faux, mais

et ainsi de suite…

quand même, c’est toujours lié à des questions

de paysage.

Et au final, le but c’est d’avoir une

Ce qui nous intéresse nous aussi c’est On aime les grandes portées, ou les

structure qui résiste et qui, malgré sa force,

Et puis si elle est là la structure, à

puisse être captée d’autres fonctions.

ce moment elle est vraiment là et par sa répétitivité elle doit exprimer un dispositif qui

Après, il y a d’autres projets où, là on

est calibré sur un séjour, ou sur un chambre plus

est un peu en train de partir là dessus, sur

une pièce secondaire, une pièce humide…

des styles de structure poteaux-poutres avec

des hauteurs importantes, qui pourraient

dispositif du projet, dans ça globalité, règle la

permettre de passer du bureau au logement

façade.

et du logement au bureau.

des fenêtres, des trous dans des murs… C’est

Là on vient de rendre, par exemple,

Souvent le choix de la structure et du

L’idée c’est d’éviter d’avoir à dessiner

un concours de logements où nous avons été

toujours des assemblages de volume.

longuement en lice pour gagner. Et donc,

là vraiment on est partis sur une structure

la Trinité, on a ces noyaux qui sont à la fois

d’une grille en 3 dimensions, avec peut-être

porteurs, servants, et qui définissent des

quelques noyaux. Une grille qui, en plus,

espaces, et après on a des dalles qui sont

comme on est en zone sismique, fonctionnerait

comme des grands sols intérieurs et extérieurs.

en souplesse, en flexibilité mais de la structure

Des grand plateaux et des noyaux. Et ça ça

elle-même, et donc qui permettait vraiment

dessine un projet.

des

aménagements

et

des

Donc par exemple, à la crèche de

typologies

extrêmement variées.

Après, tous les dispositifs qui viennent

ne doivent pas contrarier ça. Par exemple

quand on met des éléments vitrés et bien

d’aborder la question, dans une structure aussi

ce sont de grands murs vitrés qui rentrent

capable, une structure très réglée, qui faisait

dans les galandages, dans les noyaux, et qui

3 x 3 mètres, mais malgré tout à l’intérieur

disparaissent. Donc après, l’été, tu ouvres

capable d’accueillir.

tout ça et tu as l’espace de la section qui s’ouvre complètement sur la terrasse qui est à

Voilà, c’est deux manières d’aborder

les choses.

l’étage et sur la cour du bas. La toiture c’est le parking. Il y a des noyaux qui sortent qui sont des noyaux de circulation et aussi des noyaux techniques. 117

INTERVIEWS

Donc voilà, ça c’est une autre manière


C’est un dispositif simple. Après il y

en triangle, et donc ce projet, en fait il était

a la matérialité, la question de la lumière,

très contraint par la forme de la parcelle et

de l’ombre de la lumière, la profondeur,

la réglementation. On pouvait se raccorder

l’épaisseur…

au niveau du sol, c’est-à-dire qu’on pouvait faire des cours, mais après on était tenus de respecter les limites.

LA

STRUCTURE

PEUT

LIBÉRER

DES

CONTRAINTES…

Donc ça générait un projet avec une

forme qui était issue de la forme de la parcelle, en plus assez contraint. Donc, là on s’est dit : la

Cette forte présence de la structure

structure elle doit nous aider à nous libérer de

dans le projet, elle est venue du fait de

la contrainte.

construire dans des terrains en pente, des

terrains biscornus, et que donc, après, on

technique, c’est un plancher alvéolaire qui

venait entrer en échos avec les ouvrages d’art

s’appelle le COLIAC, vraiment un système

qu’il y avait. Les ponts, les ponts d’autoroute,

technique.

toutes sortes de choses…

place, qui permet de franchir des grandes

Et à travers ces infrastructures ou

portées, d’économiser du béton, et donc

ces ouvrages d’art, ça stimulait l’envie de

de permettre une grande flexibilité tout en

franchissements, de portées, de réfléchir à des

ayant une présence de gros piliers écartés

éléments de franchissement, des dalles un peu

mais on franchissait 17 mètres. Donc dans ce

plus épaisses, plus chères mais avec moins de

cas là aussi, essayer d’échapper un peu à la

points porteurs. Comme pour les logements

contrainte de la forme de ces espaces, de ces

à Aise qu’on a fait il y une dizaine d’années,

géométries un peu imposées.

Donc, c’est parti sur un système

Plancher

alvéolaire

coulé

en

et bien c’était comme une poutre habitée, avec une portée de 9 m et quelques pour les logements, ça voulait dire que les dalles

L’IMMEUBLE HAUSSMANNIEN…

INTERVIEWS

elles faisaient 35 (cm), mais par contre, aucun point porteur. Donc flexibilité totale dans le

logement. Si on dit flexibilité, aller on y va,

tu as le couloir, tu as des pièces de chaque

on se paye la dalle. Et donc ça c’est pas une

coté, tu as un mur porteur d’un coté… C’est

trame de logements, 9 m.

un système qui permet d’accueillir plein de

choses.

Et quand tu l’appliques justement à

une autre trame ça libère des espaces.

Si tu prends la typologie haussmanienne,

Par exemple, nous, à Nice, on met a mis

une agence d’archi là-dedans, ça fonctionne

La structure aussi par exemple dans

très bien.

l’école maternelle de Ville-Franche, elle nous

a aidé à nous libérer de la contrainte. C’est un

prédéterminé. Mais effectivement il y a une

projet qui est fortement marqué par la forme

hauteur sous-plafond générale de 2m80-3m, il

de la parcelle en forme de fer à repasser,

y a de portées pas trop trop serrées, il y a un

118

Pourtant c’est un système qui est assez


schéma mais au fond qui peut s’adapter et tu

peux mettre pas mal de choses là-dedans.

ça définit l’identité du bâtiment.

Donc la flexibilité aussi, elle existe

C’est une succession de couches, mais Après il est tramé à l’intérieur, il y a le

second oeuvre et tout.

même par des choses déterminées. CONCOURS DE LA ZAC MERIDIA, À NICE BÂTIMENT DE L’ENSAE PARISTECH,

À SACLAY

À Saclay on s’est demandé, quand on

Est-ce que la question de la flexibilité était posée ?

Elle n’était pas posée. Nous on l’a posé.

territoire du Sud, maritime, à un projet sur un

D’abord ça nous était resté que cette

plateau tout plat avec un grand ciel et très peu

structure ait une unité de réflexion elle-même,

de contraintes, « qu’est-ce qui nous intéressait

que ce ne soit pas juste une réponse qui

de poursuivre ? ».

redécoupe le logement à l’intérieur et qui le

Et bien c’était le rapport de la structure

fige. Parce qu’on anticipait la nécessité, vu

et du paysage. Ce qu’on avait fait avant, sauf

que c’était de la promotion privée, de pouvoir

que c’était d’une manière plus générique et

garder une liberté intérieure, sans dénaturer

moins spécifique. Mais c’est ce qu’on avait

l’esprit du bâtiment.

déjà fait. On a toujours travaillé sur le rapport

d’une structure avec un sol, un paysage. Et là

les hauteurs, parce que ça nous intéressait

maintenant le sol est tout plat, donc ce n’est

par rapport à la structure. Et cette flexibilité

plus le paysage.

horizontale, on se dit que si ça peut permettre

d’accueillir d’autres types d’usages, c’est bien.

a changé de territoire, quand on est passé du

À partir de là, forcément tu vas

Après on avait un peu augmenté

dimensionner, poser la question de l’usage et donc, à partir du moment où on s’était

Pour les logements, les typologies que

dit que la structure c’était l’architecture, par

ça avait généré, cette souplesse, elles ont été

la structure on pouvait faire une écriture. On

très appréciées.

s’évitait la question des façades.

Et à Saclay c’est ça, c’est une grille

C’était assez simple à faire avec cette

trame. Il y avait des loggia très profondes,

dans tous les sens et qui définit des dispositifs

comme des pièces supplémentaires. On

de façade.

arrivait même à avoir plusieurs loggia par

Cette grille elle tient des vantelles

logement. Et puis, le séjour était de 2 trames

vitrées qui vont faire un tampon thermique,

et demi, ou 3 trames avec la cuisine… C’était

qui vont aussi servir de support à des éléments

3,50 m la trame je crois. Un sytème de 3 m de

de protection solaire. Après, derrière il y a la

haut, avec les poutres apparentes.

peau de façade. 119

INTERVIEWS

extrêmement tramée qui va et qui se retourne


C’était

vraiment

très

intéressant.

Donc il s’agissait d’avoir le plus de

Ça coûte un peu plus cher mais ça les (les

choses en béton. Parce que, d’abord ça donne

constructeurs et les commanditaires) intéresse

une matérialité intérieure, une vraie épaisseur,

parce qu’ils sont conscients que le marché du

c’est intéressant au niveau thermique, ça a

logement ou des bureaux, peut basculer en

une vraie inertie, le béton, il absorbe et puis

5-6 ans.

il évite l’effet thermos, et puis aussi ça limite

le second oeuvre. Après tout ce qui vient

Mais on a perdu pour des raisons

politiques.

entre ces murs c’est du vitrage, quelques remplissages, des choses comme ça…

SECOND OEUVRE MINIMISÉ…

Et aussi, comme on cherche toujours à

éviter la falsification des matériaux, ça permet

Minimiser le second oeuvre. Avec Marc

de dire : voilà, l’identité elle est là. À Saclay

(BOTINEAUX) et Bita (AZIMI), on était d’accord

c’est du métal. Une structure métallique.

là-dessus, limiter les matériaux au maximum.

Ça c’est vraiment depuis le début. Avoir

cet effet de bâtiment squelette, c’est un truc

Là-bas, à Saclay, il y a du métal, du verre

qui m’a toujours vraiment parlé. Des bâtiments

pour les fenêtres, parce qu’on a réussi à avoir

squelettes qui expriment leur sécheresse et en

quasiment qu’une boite vitrée, ce qui est assez

même temps leur utilité.

bien vu les contraintes qu’on a aujourd’hui. Après à l’intérieur on a beaucoup, parce qu’on

Après la règle, tu la dérègles. Parfois

a beaucoup de petits bureaux, donc beaucoup

on a surement plus de béton qu’on en aurait

de cloisons mais on a travaillé sur le type de

besoin.

cloisons, avec des matériaux particuliers, qui n’est pas peint, qui reste brut, qui est vissé. INGÉNIOSITÉ STRUCTURELLE…

À Saclay tout le second oeuvre est vissé.

Tu n’as pas à venir à la masse, tu dévisses et tu

Comment abordez-vous les

enlèves. Alors c’est vrai qu’après il faudra peut-

recherches techniques ?

INTERVIEWS

être refaire les sols, il faudra peut-être refaire les arrivées d’air neuf et des trucs, mais bon…

Disons que d’abord ça nous intéresse.

Et la charpente est boulonnée. Tu démontes et

Ensuite, Philippe Clément, du bureau

tu réutilises.

d’étude

structure

qu’on

a

maintenant,

qui s’appelle BATISERF, est un ingénieur

À Nice aussi, cette structure béton,

ingénieux de structure. C’est la structure qui

elle était même accentuée parce qu’il y a une

l’intéresse, c’est pas un ingénieur béton c’est

perte de capacité des entreprises à savoir bien

un ingénieur structure, il travaille le métal,

traiter le second oeuvre.

il travaille le béton, avec la même passion.

120


Sinon, toutes les choses qu’on a essayé

TESTER D’AUTRES PROGRAMMES…

de tester, on les a tirées de nous-mêmes et on leur a demandé éventuellement de nous aider

Avez-vous déjà essayé d’insérer d’autres

à les pousser.

programmes dans le projet durant la conception

Mais tu vois, le planché alvéolaire

pour démontrer sa flexibilité ?

COLIAC qu’on a mis à l’école maternelle, c’est parce qu’un de nos collaborateurs - aussi on a

On n’a pas vraiment le temps pendant

eu un collaborateur pendant 3 ans, qui était un

les concours.

architecte italien qui était extrêmement bon,

et qui lui aussi nous a aidé à mettre au point

pour l’école maternelle de Ville-Franche, le

des dispositifs.

projet est passé des mains de la mairie à celles

Donc aussi c’est s’entourer d’autres

d’une communauté de commune. Et le gars a

gens, architectes, qui ont de l’ingéniosité, de

dit : « oui, ce bâtiment, il faut que je puisse

l’envie, de la passion…

le mutualiser. Et donc, j’aurais besoin d’une

Par contre ce qui nous était arrivé,

médiathèque, pour l’école mais aussi pour On a plutôt l’image d’une collaboration très

la ville. J’aurais besoin de la toiture (comme

contraignante entre architectes et ingénieurs.

les toitures sont souvent accessibles dans nos

Pourquoi selon vous ?

projets) qu’elle puisse servir à la fois pour les enfants mais aussi pour du sport pour des

Ils sont dépositaires de la question

adolescents… ».

financière mais aussi ce sont des gens qui ont

l’habitude de mettre en route des solutions

phase pro., en fait on a repris le projet, on l’a

génériques. Des solutions spécifiques ça

remodifié et on l’a amené ailleurs. Donc on a

demande du calcul, ça demande de bosser.

pu réintégrer d’autres programmes dans cette

structure initiale.

Et puis aussi, quand ils ne te connaissent

pas, ils se disent « bon eux ils veulent ça, mais

Donc on est allé assez loin, dans une

C’était assez intéressant.

moment il faut savoir exprimer une volonté, et

On va dire que la temporalité, c’est

le sens, donc être convaincu et convaincant.

souvent les conditions de la longueur d’étude

Par exemple, BATISERF, lui, on va lui

qui fait que ça peut changer de condition.

dire « voilà on voudrait faire ça », lui il va nous

À partir du moment où on se repaye une

proposer : « voilà, on peut faire ça, on peut

étude, c’est peut-être toujours intéressant

faire comme ça… mais qu’est-ce que vous

d’amener…-

voulez dire exactement ? quel est le sens ? ».

peut amener que de l’intelligence au projet.

en réalité ils ne savent pas pourquoi ». À un

peut nous trouver des solutions techniques

adaptées.

donc, ça va conditionner certaines entrées,

etc., ça va rajouter de l’intensité au programme.

Et quand on n’a pas des gens aussi

bien, on fait par nous-mêmes.

Un bâtiment, il peut être mutualisé,

Donc c’est pas con. 121

INTERVIEWS

Nous on donne le sens. Après, il

Parce que tout ce qui est intelligent ne


Ça va conditionner l’architecture elle-

même d’un coté intelligent.

Il avait fait aussi un bloc de bâtiments

de bureaux avec une structure poteauxchampignon. De ce qu’on en voit ça pourrait être un parking, ça pourrait être des bureaux,

LA FLEXIBILITÉ C’EST LA RÉHABILITATION…

ça pourrait être une usine.

Mais il faut savoir quand même que, la

flexibilité c’est la réhabilitation. Ça ne peut pas

Et ça, cette image-là elle était très

forte parce que, voilà, ça pouvait être plein de choses.

être le changement.

Parce qu’en réalité, quand tu fais des

bureaux ou des grandes salles ou de petites

C’est ça aussi : un bâtiment qui reste

neutre, annonce une structure claire mais qui peut se transformer en pas mal de trucs.

salles, etc, tu as toute l’aéraulique qui est calibrée pour les volumes des bureaux. Tu as le

Mais quand je dis la neutralité, c’est la

sol qui va faire que quand tu vas devoir enlever

non définition. Nous, nos projets, quand on les

ta cloison tu vas devoir refaire tout le sol, tu vas

voit, on ne peut pas savoir ce que c’est.

avoir le chauffage qui ne correspond plus…

C’est-à-dire que, nous on pense donner

du sens aux choses mais on n’en donne pas

En réalité, il y a toujours des choses

une signification figée. Et c’est très positif.

à changer. Donc on est vraiment après dans un sytème de réhabilitation, de changement

Ça, justement, dans le sens de la

d’affectation, etc…

mutabilité, donc on va dire d’être durable, ça c’est une manière de répondre.

NEUTRALITÉ D’ÉCRITURE…

C’est répondre par des dispositifs.

Et ces dispositifs par exemple de protection solaire, ils peuvent à un moment, eux,

Pour revenir à l’idée du parking, il y

avait un dessin de Mies van der Rohe, dans

disparaitre et il ne restera que la structure.

Ça c’est intéressant.

les années 1920, il avait fait plusieurs projets, notamment, il n’avait pas eu de boulot, il a

INTERVIEWS

réfléchi à des trucs et il a avait fait des bâtiments en verre. Il y a fait des très beaux dessins au fusain où on voit les bâtiments sculptés en -THE END-

verre.

Ce sont des bâtiments : est-ce du

logement ? est-ce du bureau ? on ne sait pas trop.

122


Philippe ROBERT, architecte retraité (Reichen & Robert)

- le 14 mars 2015 - Paris 14e -

acceptant que le logement ne soit pas selon les normes dont je vous parlais tout à l’heure.

L’OBSTACLE CULTUREL…

Donc

ça

c’était

un

changement

Avez-vous eu des obstacles récurrents lors de

culturel, puisqu’il a fallu plusieurs années pour

projets de réhabilitation ?

faire accepter que des logements soient plus

Le principal obstacle qu’on a trouvé,

grands, bien que pour le même prix (même ça, ils disaient « mais comment vous y arrivez

c’est la culture d’un programme très précis et

? », ils étaient étonnés…), que les logements

le manque de flexibilité de la part des maitres

aient de plus grandes hauteurs sous plafond,

d’ouvrages.

et soient d’une profondeur plus grande, puisqu’il y a toujours moyen d‘utiliser le parties

Pour eux, notamment si on parle

sombres dans les logements, comme dans les

d’habitat social, à la grande époque du début

appartements haussmanniens par exemple,

des

les

à Paris… Et que d’autre part, l’esthétique

années 70-80, notamment dans de filatures,

industrielle soit acceptable pour les personnes

et bien pour les maîtres d’ouvrages HLM, un

qui habitent dans les appartements.

usines

transformées,

c’est-à-dire

logement c’était une certaine surface, une certaine hauteur, une certaine profondeur…

correspondant

de

les premiers à le faire, après on a été suivis par

construction liée à ce qu’on appelait le

énormément de gens. Mais au début c’est ça

« chemin de grue ».

qu’il a fallu vraiment bien gérer.

à

une

technologie

Et le résultat, vous le connaissez, c’est

Bernard Reichen et moi, on a été parmi

Moi j’arrivais des États-Unis, où, à la

toutes ces barres, toutes les banlieues des

suite de l’invention des containers, on avait

villes françaises, et qui sont de véritables

donc abandonné des immeubles entrepôts

catastrophes à tous points de vue, notamment

et on les avait transformés. Donc je savais

puisqu’on a optimisé le coffrage tunnel qui fait

que c’était possible. Et j’avais de très bons

qu’on a des logements séparés par des murs

arguments, des photos, des éléments de coût,

en béton qui sont vraiment inamovibles.

etc… Et c’est ça qui a pu déclencher cette vague ensuite.

Donc, la grande chance que nous avons

Ça a commencé très très doucement,

ça a mis 10 ou 15 ans, à peu près.

l’avons fait, pour l’usine Le Blan dont vous en avez peut-être entendu parler, une personne

En

soit

ce

n’est

pratiquement

chargée des HLMs de Lille, avec le maire de

qu’aujourd’hui qu’il a été admis qu’on peut

Lille, le premier qui a compris que toutes les

habiter dans une usine, si je peux dire.

filatures qui étaient à sa disposition, puisqu’il y a eu un effondrement de l’activité textile, pouvaient être transformées en logements, en

123

INTERVIEWS

eu, c’est de trouver, la première fois que nous


LA MAISON INDIVIDUELLE…

Et il me semble vraiment très très facile

de faire d’une maison individuelle qui doit

Aujourd’hui, il y a malheureusement

faire environ, mettons 150 m2 en moyenne,

un marché très très important de maisons

de pouvoir faire deux unités de 2 x 75 m2 par

individuelles.

exemple, pour un couple de personnes âgées,

Ces maisons individuelles elles sont

ou avec un enfant, ou bien un jeune couple

achetées par des gens, en général, assez

avec un enfant… C’est quand même une

modestes. Ils l’achètent dans une période,

chose hyper facile.

entre 25 et 35 ans ou 25 et 40 ans. Et donc ils ont des enfants jeunes. Ils vont vivre dedans,

mettons, une dizaine d’années. Ensuite, vers

faire les démonstrations qu’il y a un surcout,

16 et 20 ans, leurs 2-3 enfants quittent la

effectivement, de X, mais sur le long terme il

maison. Cette petite maison de banlieue se

est évident que ce surcout est une économie

retrouve trop grande.

considérable dans le marché de l’immobilier.

Parce que ça joue aussi sur les terrains, sur les

Et c’est vraiment une catastrophe parce

Alors, sur le plan financier, on peut

que c’est un volume trop grand à chauffer, il n’y

réseaux…

a aucune transformation possible parce que

les chambres sont fixes en maçonnerie, etc…

avez 100 m d’assainissement, électricité, eau

On ne peut pas non plus les faire utiliser par

et téléphone, si c’est partagé par 10 personnes

d’autres personnes, soit des jeunes couples

c’est moins intéressant que si c’est partagé par

soit des personnes âgées, parce qu’il y a une

20 personnes.

entrée commune…

Voyez, une maison individuelle, type

c’est ça, ce sont ces linéaires considérables

lotissement bien français qu’on voit partout,

de réseaux et de voiries, qui ne sont pas

c’est quelque chose qui est conçu pour un

rentabilisés par une densité suffisante.

couple de 2,5 enfants, avec une voiture, un petit

jardin, etc… Et c’est totalement figé, sur tous

logement soit conçu pour, par exemple, 200

les plans parce que tout est en maçonnerie.

petites unités, et qu’on les construise au début

pour 100 plus grandes unités.

Je fais évidemment une exception

Par exemple en réseaux, quand vous

Ce qui coûte cher dans les lotissements

On peut très bien exiger qu’un

pour les maisons en bois, mais ça représente

INTERVIEWS

2-3 %…

Et donc je pense que tout ce marché

CONCEVOIR À L’ENVERS…

de la maison individuelle, qui échappe malheureusement aux architectes, devrait

être totalement revu pour que l’on exige, et

à prendre à la construction pour pouvoir faire

donc pour moi c’est au niveau du permis de

des choses après.

construire, qu’on fasse la démonstration, que

ces maisons pourront un jour être transformées

sur les matériaux, sur les ouvertures, sur les

sans difficultés.

profondeurs, sur les moyens de circulation…

124

Il y a un certain nombre de précautions

Ça joue sur : les dimensionnements,


On va peut-être commencer à l’envers.

Si on me demande de construire un

LA MUTABILITÉ DE GRANDS ÉDIFICES… Peut-on concevoir de grands bâtiments tels

immeuble de bureaux, je ne suivrai pas, ou je

des halles d’exposition de façon mutable ?

tenterai de convaincre mon promoteur, de ne pas suivre les règles du bureau pures et dures,

C’est vrai que le cas des halles est

en terme de profondeur, hauteur, trame, etc.

plus difficile. D’autant plus que les halles

Et j’étudierai plutôt, un immeuble,

contemporaines pour faire des expositions,

par exemple d’appartements, qui dans un

comme au parc des expositions à Paris, ce

premier temps est utilisé en bureaux, et dans

sont des éléments gigantesques, construits de

un deuxième temps, moyennant quelques

façon très très légère sans isolation…

éléments rapides et pas chers à faire, pour les transformer en bureaux.

Je pense que là aussi il faut raisonner

dans le futur.

Vous voyez, on peut étudier la chose

Si on a besoin de grands espaces pour

dans l’autre sens.C’est le chemin inverse : on

des halls d’exposition il faut les faire dès le

étudie le programme futur, pour ne faire que

début avec des possibilités de fractionnement

la première partie.

par niveaux, éviter de faire des grandes surfaces sans poteaux, et plutôt accepter qu’il

Ce raisonnement doit pouvoir se faire

pour d’autres équipements.

y ait des poteaux, pour pouvoir le fractionner et surtout faire des étages, et en matériaux pérennes.

Si je reprends l’exemple du lotissement,

un petit lotissement de 500 logements dans la grande banlieue parisienne, ça veut dire

LA PÉRENNITÉ ET INVESTISSEMENT…

que, comme il y a une population d’enfants très importante, il y a une maternelle. C’est

(exemple des immeubles haussmanniens)

maternelle ?

Sur le plan des matériaux, le fait de

mettre plus d’argent dans la qualité des

enfants grandissent : qu’est-ce qu’on fait de la On a parlé des maisons, mais on peut

matériaux, c’est une économie. Ce n’est pas

une dépense.

Donc il faut l’étudier pour faire autre

chose. Soit une école primaire, soit une

bibliothèque… de quoi les gens auront besoin

qu’en additionnant les coûts, et ne se rendent

après… Ou une maison de personnes âgées,

pas compte des horreurs qu’ils font.

Alors, tous les promoteurs ne raisonnent

ou je ne sais quoi…

Quand, je prends toujours l’exemple

des

immeubles

haussmaniens,

19e

siècle,

construit

on

les

donc

fin

immeubles 125

INTERVIEWS

se dire aussi « que faire de la maternelle ? ».


haussmaniens

en

dépensant

beaucoup

Une chose très importante également :

d’argent, en mettant des murs porteurs épais,

la reconversion utilise une main d’oeuvre

des parois internes épaisses, des grandes

qualifiée. C’est-à-dire des vrais maçons, des

hauteurs sous plafond, de la décoration,

plombiers, des électriciens, etc.

et vraiment de très très beaux matériaux, puisqu’à l’époque il y avait de l’argent et on ne

savait pas faire autrement, parce qu’il n’y avait

qu’on pourra démontrer dans cette idée de

pas de plastique, d’acier, pas de bardage, etc…

conception préconçue de la flexibilité future,

il faut arriver à convaincre que c’est aussi un

Donc parce qu’ils sont très bien

construits,

aujourd’hui,

les

immeubles

haussmanniens, tels que ceux qu’on voit, simplement,

dans

tout

Paris,

ont

Donc il faut savoir que tout ce

surcout aujourd’hui pour une économie plus tard.

été

reconvertis des dizaines de fois.

Ils ont été d’abord de immeubles

bourgeois, quand ils ont été construits, ensuite

DÉMONSTRATION DE LA FLEXIBILITÉ LORS DU PERMIS DE CONSTRUIRE…

ils ont été des bureaux, ensuite, aujourd’hui, ils sont à la fois appartements, bureaux,

Finalement, nous, la plupart de notre

professions libérales, parfois des boutiques en

travail d‘architecte chez Reichen & Robert,

étages, les rez-de-chaussée sont utilisés…

ça a été des reconversions, ça a été des équipements publics, ça a été des musées, des

On ne connait pas un produit aussi

hôpitaux, etc…

flexible que l’immeuble haussmannien. Et

ça c’est grâce, un peu à la typologie, mais

dans ma carrière, l’occasion de faire cette

beaucoup à la qualité de la construction.

démonstration. J’y ai souvent pensé.

INTERVIEWS

C’est vrai que je n’ai jamais eu,

Maintenant, avec le développement

En gros, ça veut dire qu’il faudrait que

fulgurant de la reconversion, l’exposition à la

nous, les architectes, on milite pour refuser de

Cité (de l’architecture), etc… je me suis reposé

construire bon marché, si je peux dire. Parce

la question.

qu’on est enfermés dans des prix plafonds,

des normes, toutes sortes de contraintes, qui

quand j’ai dit (lors de la conférence du 16

poussent à faire des choses qu’on ne peut pas

mars 2015) qu’il fallait que ce soit au niveau du

transformer, qu’on ne peut pas réutiliser.

permis de construire.

Ça a été un peu mal pris, d’ailleurs,

Les architectes ce sont dit « ça va nous

La réutilisation c’est vraiment une

faire une nouvelle contrainte » et pourtant,

attitude écologique, efficace pour faire des

je suis convaincu que si on ne l’exige pas de

économies et surtout pour utiliser moins

façon formelle, ça ne se fera jamais.

de matériaux, ce qui veut dire moins de déplacements, moins de traffic.

Il y a tellement de choses mineures,

mais qui sont quand même très difficiles à 126


réaliser dans un permis de construire, qu’on

Toutes sortes d’arguments stupides,

peut très bien rajouter ça.

mais quand on voit la Suisse, et notamment à Genève, il y a énormément, peut-être 50 % des

Par exemple, je crois qu’il faut, d’après

immeubles récents, qui sont mixtes bureaux-

les dernières normes, que tout logement

logements.

et tout bureau, soit adaptable au fauteuil

handicapé maximum. Donc c’est une énorme

appartement, avec des terrasses à cause des

contrainte. Ce que je veux dire c’est que cette

retraits, au dessus d’un immeuble de bureau.

contrainte là est beaucoup beaucoup plus

Et ça se passe vraiment très très bien. Il y a

importante que celle dont on parle, d’ajouter

des codes dans l’ascenseur pour les bureaux.

un petit pourcentage pour avoir une hauteur

Donc les 4 étages de bureaux ont des codes,

plus grande ou un mur plus épais.

et puis au dessus c’est des appartements, et

Et ma propre fille habite dans un grand

puis voilà.

Mais ce qu’il faudra, je pense, c’est

pas tellement convaincre les architectes, les

architectes seront faciles à convaincre, mais

un tout petit peu, c’est que les Suisses, en

c’est plutôt les maîtres d’ouvrage et puis l’Etat.

majorité, ne possèdent pas leur appartement

C’est-à-dire les ministères et les différents

en ville ; parce qu’il y a un système de location

organismes, qui formulent les règles de

très très poussé. Et donc les promoteurs, qui

construction, qui sont très très très en retard

sont souvent des banques ou des assurances,

sur tout ça.

possèdent des immeubles, mixtes donc,

bureaux-logements, et les donnent en location.

C’est un vrai sujet. Moi je trouve ça

passionnant.

Ce qui se passe en Suisse, qui aide

Les familles suisses acceptent ça tout

à fait, par contre ils possèdent leur chalet, ou leur villa sur la Côte d’Azur, ou en Grèce, ou je MIXITÉ PROGRAMMATIQUE ET MOBILITÉ

ne sais où.

DES USAGES…

Les chalets sont privés, mais les

appartements sont en location, ce qui leur

Une autre de mes frustrations, c’est le

donne une très grande flexibilité vis-à-vis de

fait, qu’en France, dans le marché, on ne peut

l’accès aux écoles et aux universités pour les

pas faire des bureaux et des logements au

enfants, rapprochement du lieu de travail…

fait pas.

En France, je pense que c’est une

Parce que les gens des bureaux

grosse erreur de posséder, par copropriété,

disent « il faut absolument qu’on possède

son logement par ce que quand on change

l’immeuble, c’est notre image de marque,

de boulot, on est souvent coincés. Le résultat

etc… ». Les gens des logements disent « on

c’est que les gens passent leur vie en métro,

ne va pas croiser dans l’ascenseur des gens qui

parce qu’ils ont acheté une copropriété à tel

vont travailler… ».

endroit, et qu’ils travaillent dans une autre. 127

INTERVIEWS

dessus. J’ai essayé toute ma carrière ; ça ne se


Donc, tout ça c’est un peu dans la lignée

Je pense qu’il y a une façon de

de tout ce qu’on disait, de cette capacité de

s’exprimer par la vérité des matériaux et une

partager, d’être ouvert à l’imagination, et à

certaine modestie, qui devrait être le propre

trouver des solutions qui ne soient pas figées

de l’architecte.

sur des produits monolithes.

LA

QUESTION

DE

LA

QUALITÉ

ARCHITECTURALE :

Ça c’est mon attitude à moi.

C’est aussi la force des architectes

scandinaves et des architectes suisses. Il n’y a pas ce côté « moi, moi ».

MUTABLE = INDÉTERMINÉ ?

Oui et non.

Quand on visite des villes en Suisse on

s’aperçoit que c’est une très belle architecture mais il n’y a pas de choses qui sortent du lot.

Je dirais que la qualité architecturale

c’est pas celle qui fait plaisir aux photographes

Tout est bon, élégant, propre, ça vieillit

bien…

ou aux lecteurs d’une revue.

La

qualité

architecturale

c’est,

justement, l’honnêteté des matériaux, cette capacité à s’adapter, le respect des besoins des usagers, le confort à l’intérieur… C’est -THE END-

plein de choses.

Le problème c’est qu’il y a un tel

engouement aujourd’hui pour l’architecture et surtout pour les formes architecturales issues de certains architectes, Gehry pour ne pas nommer, qu’on est un peu coincés.

Pour moi, l’architecture scandinave

INTERVIEWS

est vraiment le modèle, suivie de près par l’architecture suisse, et les choses que

je

respecte dans l’architecture de ces pays, notamment en Suisse pour l’habitat social, ce sont des choses très très neutres, très répétitives… Mais dont on sent qu’elles sont conçues avec beaucoup d’honnêteté, très surdimmensionées, très confortables… Et avec une très grande flexibilité. 128


Patrick RUBIN, architecte de l’agence CANAL Architecture

- le 13 mars 2015 - Paris 4e -

LEÇONS DE LA RÉHABILITATION…

quoi ? Ça veut dire qu’il n’y a pas de poteaux, qu’il y a des poutres qui font 70 cm…

Nous, CANAL, on est nés, au départ,

Vous prenez la chocolaterie Poulain…

C’est cadeau.

de projets de réhabilitation.

Quand on travaille sur la réhabilitation,

poteaux. Ce sont des poteaux champignons,

on arrive dans un lieu, si c’est poteaux-poutres

qui innervent un ferraillage dans le plancher,

par exemple, c’est génial. Quand il y a des

pour porter lourd, les machineries qu’il y avait

refends c’est plus compliqué.

pour fabriquer le chocolat, très haut de plafond...

Donc on a une connaissance intérieure

des bâtiments, peut-être plus aiguisée que

Il y a une trame de, je crois, 7,50 m entre

Vous êtes donc très bien servis par le

bâtiment.

des architectes qui construisent tout de suite en neuf. Donc on sait à l’avance ce qu’il faut

Déjà

deux

faire et pas faire, parce qu’on est nourris de la

d’ingénieurs

réhabilitation.

Parce que le garage et le bâtiment de la

et

exemples non

pas

de

travaux

d’architectes.

chocolaterie, ce sont des ingénieurs qui ont

Par exemple, souvent le problème

fait ça. De bons ingénieurs.

quand vous réhabilitez, c’est comment on va taper sur la peau.

silos de Chaumont. C’est une trame 4 x 4 m.

Il y a des bâtiment plus durs à réhabiliter

Troisième exemple : vous prenez les

que d‘autres. Mais enfin, très simplement dit : il

vaut mieux faire poteaux-poutres, ou poteaux-

on a découvert le bâtiment avant le concours,

dalles. Pas de refends.

on s’est dit « il faut casser tous les poteaux ».

Quand on fait de la réhabilitation, on

Je me souviens quand avec mon frère

Quelle bêtise ! On a quand même

est très contents de trouver des bâtiments qui

gagné.

sont intelligemment construits en structure, et

en général, c’est pas le refend.

les poteaux, pour une bibliothèque, c’est

formidable parce que ça fait qu’on peut aligner

Regardez les grands lofts, les grandes

usines, c’étaient des plans libres.

les bibliothèques.

Donc on peut apprendre en regardant

Quand vous rentrez dans le lieu,

vous n’êtes absolument pas gêné par ces poteaux qui scandent l’espace, qui ordonnent l’organisation des salles de lecture, et vous

Vous dîtes « qu’est-ce qui fait qu’un

avez l’impression d’un espace fluide.

garage puisse accueillir 300 journalistes ? ».

Un garage, destiné à des bagnoles, avec des

bête, que nous avions eu, c’est de dire « il y a

poutres qui descendent presque à deux mètres

beaucoup trop de poteaux ». Pourquoi ? Parce

pour qu’il n’y ait pas de poteau au centre…

qu’on se dit qu’il n’y a pas mieux qu’un plan

libre.

Regardez bien Libération. Ça veut dire

Alors que, le premier réflexe, un peu

129

INTERVIEWS

des bonnes opérations de réhabilitation.

D’abord on a gardé les silos. Et


Donc chaque fois les choses se

sur le neuf assez tardivement, donc on était

revisitent.

assez innocents ; et on s’est interrogés sur les

systèmes constructifs.

Pour résumer, dans la question de la

transformation des lieux, j’ai toujours pensé qu’il y a un génie des lieux.

a été un peintre, un décorateur, un maçon…

À vous de le trouver.

L’architecte c’était le maçon. L’architecte

Aujourd’hui un architecte c’est un savant qui doit tout connaître… ça devient compliqué. L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE

Mais, avant tout, pour les cathédrales,

c’était un travail de maçon ! Donc c’est le

Après, et vous êtes bien placée pour le

système constructif qui fait tout. C’est pas la

savoir, moi aussi parce que je suis enseignant,

façade, c’est pas ce que vous voyez dans les

la France, dans ses écoles d’architectures, n’a

revues assez souvent…

pas privilégié le système constructif. Donc, il y a des générations qui ont fait de l’architecture,

comme ça, en se laissant un peu faire par les

mode constructif. C’est l’intelligence.

entreprises. Les entreprises, elles avaient des

modèles de construction économiques.

à-dire que, à un moment, si on maitrise bien

ces outils, on les pousse à l’extrême.

Maintenant les architectes commencent

Donc ce qui préside à tout c’est le Et alors, après, ça n’est pas tout. C’est-

à se poser des questions : poteaux-poutres ? refends ? dalles ? Les Hollandais, par exemple, ne jurent que par les refends, alors que ce sont

UN SYSTEME CONSTRUCTIF PLURIEL…

des très bons les Hollandais…

INTERVIEWS

Mais qui fait la politique constructive ?

Quand on a fait notre recherche sur le

C’est l’entreprise, pas l’architecte. À part Jean

logement étudiant (« Le logement étudiant

Prouvé qui travaille avec des architectes en

n’est-il qu’un produit ? ») on était arrivés à

espèce d’intelligence.

l’idée qu’il n’y avait pas de logements affectés

aux étudiants.

Mais quand vous passez un appel

d’offre, regardez bien dans les agences, tous

Personne n’a dit qu’il y avait un type de

les gens qui défilent, ils ont un ingénieur

logement qui pouvait recevoir des étudiants.

structure pour les aider.

D’autant plus qu’on les reçoit en solitaire alors

C’est-à-dire qu’il y a une espèce

on se demande pourquoi ce serait pas comme

de culture qui est beaucoup plus du côté

en coloc, ou en auberge espagnole… Vous

ingénieur-entreprise que du côté architecte.

voyez, toutes ces questions… Pourquoi c’est pas comme ça ? Mais on a des réponses.

Et, peut-être que par plaisir de la

À partir d’un moment on a pensé qu’il

technique, par plaisir de cette science du

fallait construire réversible, et pour construire

matériaux, c’est vrai qu’à CANAL on s’est

réversible, il fallait un système constructif

interrogés. D’autant plus qu’on a travaillé

intelligent.

130


Par exemple, si on fait des refends, ce

ne sera jamais réversible.

Puis vous avez déjà trop de règles. Et

des règles qui ne se conjuguent pas pour le bureau et le logement. Et elles ne peuvent pas

C’est un système de construction qui

être combinées.

permettait tout simplement de fabriquer de l’habitat qui pouvait être destiné aux malades,

Pour faire une règle, c’est extrêmement

aux jeunes, aux vieux…C’est égal.

long.

Il

quinquennats. Vous avez une politique qui

Donc on est plutôt partisans d’un

faut

un

quinquennat

ou

deux

système construit qui permet de bâtir.

a le lobby du bâtiment, qui est extrêmement

compliquée.

Ce sont des demeures, et puis aussi ça

devient des bureaux…

C’est évident tout ça. Et tout le monde

Ce qu’il faut faire, c’est prendre les

règles et faire avec.

en ce moment réfléchit à ça.

1. LES ISSUES DE SECOURS…

Par exemple, dans du logement, vous

MARIER LES CONTRAINTES…

On a fait un petit film autour de ça (cf.

devez parcourir 15 m en sortant de votre porte

CONJUGO en annexe).

palière pour trouver l’autre porte qui vous

emmène dans l’escalier pour vous sauver.

On l’a jamais prouvé, mais sur le papier,

en théorie, ça fonctionne, et on arrive à faire se

rejoindre tous les contraires.

établissements recevant du public, dans touts

Dans

les

bureaux,

dans

les

ces lieux là, c’est énorme, il y a beaucoup de

C’est-à-dire que, tout ce qui fait

monde, donc il y a deux escaliers. Si l’un a un

qu’aujourd’hui vous avez des gens qui font

problème, on va vers l’autre. Des fois il y a un

du bureaux, vous avez des gens qui font du

problème au milieu, et chacun peut aller d’un

logement, et c’est pas les mêmes. Et quand

côté.

on mixe tout ceci on se dit « ah mais ça marche

pas, ils ne peuvent pas s’épouser ».

pas.

En même temps vous voyez bien que

Déjà ces deux règles ne fonctionnent

quand on réhabilite des lieux, y en a qui s’y

C’est pas le feu qui vous tue, c’est la fumée.

prêtent bien, d’autres qui s’y prêtent moins

Donc ça veut dire que quand il (l’escalier) est

bien... On fait des trames et des résilles, puis à

traditionnellement placé au centre du bâti, ce

partir de là ce sont des volumes dans lesquels

n’est pas génial.

vous pouvez rentrer, déformer…

Au

départ

il

faut

un

système

extrêmement bien réglé et qui puisse répondre

Il n’y avait qu’une chose à faire c’est

deplacer l’escalier dehors, et non plus dedans.

autant à de l’activité qu’à de l’habitat.

131

INTERVIEWS

En plus un escalier doit être désenfumé.


Parce que si vous le placez dehors, il

Pourquoi ? Parce qu’un plancher bois

est toujours désenfumé donc vous n’avez plus

ne fait pas 20 cm. Il va faire 30 ou 40 cm,

le problème du feu.

suivant les profilés. Il n’a pas la constitution

structurelle, qu’a le béton à même épaisseur.

Et, par un système assez malin : la

distance que vous devez parcourir, elle est de 15 m dans le logement, et là les deux escaliers

Donc, disons 3,50 m dans les bureaux,

doivent être à 40m l’un de l’autre, donc

2,50 m dans les logements.

comme ça vous êtes à 20 m d’une sortie. On

en met deux et vous êtes toujours à 15 m de la

pour le PLU. 3,50 parce que, il a été dit à un

dernière porte, de bureau ou de logement.

moment, dans les années 60 - 70, que quand

Pourquoi ? 2,50 je vous ai expliqué

on faisait du bureau, il fallait avoir de l’air climatisé, des réseaux… et donc on a inventé 2. LES HAUTEURS

SOUS-PLAFOND…

le faux-plafond. On a même inventé le fauxplancher.

Donc, on se dit 3,50 m. Je vais perdre

Il est dit traditionnellement, que dans

50 cm en haut… je vais perdre du faux-

les bureaux ont est très haut, et dans les

plancher… Tout ça a été fait pour faire vendre

logements on est à 2,50 m .

du faux-plafond et du faux-plancher.

2,50, ça a été réfléchi, pour faire 2,50,

Et au final vous vivez dans un bureau,

5, 10, 15… et on va tomber sur une hauteur

une fois que vous avez le faux-plafond et le

qui va correspondre à un PLU d’une ville si on

faux-plancher, vous vivez dans 2,80 à peu près.

met en plus un peu de toiture…

Tout a été réglé là dessus.

Donc la production qui est possible,

Si jamais vous mettez 3 m, vous perdez

c’est que, vous avez 3,50 et 2,50, c’est de faire

un étage. Vous avez le droit de faire du

ça : si je descend un peu et si je monte un peu :

logement à 3 m. Mais si vous perdez un étage

2,70 m.

vous perdez de l’économie, de l’argent, de la surface à vendre…

Un promoteur qui s’occupe de coûts

3. L’ÉPAISSEUR DES BÂTIMENTS…

Si je résout le problème de la hauteur, si

INTERVIEWS

privés, il ne fait pas ça…

Ce que j’ai appris, c’est que si on

je résous le problème des escaliers de secours,

construit en bois, on a le droit de crever le

j’ai donc deux points résolus ; le troisième

plafond du PLU.

point c’est l’épaisseur du bâtiment.

Pourquoi ? Parce que en bois, vous êtes

favorable au système écologique, puisque

vous captez du carbone et comme vous faites

décidé que ça faisait 18 m de large, parce que

une bonne action en construisant en bois, on

dans les bureaux : bureaux - bureaux - deux

vous autorise à monter un peu plus haut.

allées, au milieu des allées vous avez les salles

132

Par exemple, dans les bureaux, on avait


de réunion, les sanitaires, les escaliers. Ce

qui n’a pas besoin de lumière naturelle est au

appelé des architectes, tout le monde a réfléchi

centre de l’épaisseur du bâtiment.

et on était assez d’accord. Mais j’étais vraiment

Après, sur le logement on a dit 15

surpris de voir que, des gens assez bornés

m. Parce que 15 m ça permet de faire un

quand même, dans les entreprises, mais ils ne

couloir au centre, éventuellement de faire des

le sont pas tous, étaient capables d’accepter

éléments porteurs, et puis sur les côtés de faire

qu’un bâtiment fasse 13,50 m… d’accepter

des logements.

qu’un bâtiment fasse 2,70m de hauteur…

Qu’est-ce qui a changé ?

Les logements, on veut les faire

traversants

aujourd’hui.

On

VINCI a payé pour l’étude et ils ont

À chaque fois que vous perdez 20 cm,

c’est 20cm de plus de peinture, de matière… fait

pas

du

On fait des projets, les projets sont

traversant sur 15 m. On fait du traversant sur

toujours sur la règle d’avant.

12 - 13 m. On fait pas des traversants sur 18 m.

« mais ça pourrait pas évoluer ? ». Les maîtres

On ne fait plus de salles de réunion au

On dit à nos maîtres d’ouvrages

milieu. Comme on n’arrête pas de se réunir on

d’ouvrage disent « c’est compliqué ».

fait des salles de réunion qui sont à la lumière.

On n’a pas envie de passer 8h en ne sachant pas

théoriquement sur des solutions.

Et

nous,

à

côté,

on

avance

s’il fait beau, s’il pleut, au centre du bâtiment.

Donc maintenant, le 15 m et le 18 m

deviennent 13,50 m. Tous les standards sont

On n’est pas les seuls.

On mène, c’est vrai, ici, une recherche

permanente théorique.

en train de se rassembler.

Ça marche. Après c’est une question

de volonté. OBSTACLE CULTUREL…

Regardez le tri sélectif… Il a fallu faire

un peu d’effort, et aujourd’hui vous prenez ma

Donc on a rencontré VINCI, et on a

fille, 15 ans, elle ne sait même pas qu’avant on

fait un concours avec VINCI pour faire des

mettait tout dans une même boite.

résidences étudiantes. On a réussi à faire des

résidences étudiantes mais on n’a toujours pas

ce qu’on appelle le progrès.

Je crois que c’est des évolutions. C’est

INTERVIEWS

réussi à les faire en colocation, en mutualisant les services…

Après ils (VINCI) sont revenus nous voir,

en nous disant « mais vous qui réfléchissez à tout ça, est-ce que ça ne vous intéresserait pas, vous parlez du logement réversible, d’aller un

-THE END-

peu plus loin dans votre réflexion? ». Et on a fait l’étude CONJUGO. 133


BIBLIOGRAPHIE LIVRES

• COLLECTIF, « Bâtiments anciens, usages nouveaux - Images du possible », 1979, Ed. du Centre Pompidou/Centre de Création Industrielle. • COLLECTIF, « Créer dans le créer - L’architecture contemporaine dans les anciens bâtiments », 1979, Ed. Electra Moniteur / Icomos France. •COLLECTIF, « Reconvertir le patrimoine », Cahiers Jean Hubert, n°4, 2011, Ed. Lieux Dits. • ARNAUD Françoise, « Réutiliser le patrimoine architectural », tome 1, 1978, Ed. de la Caisse Nationale des monuments historiques et des sites.

• «Et si on arrêtait de démolir pour construire !», article du Petit journal de la cité de l’architecture, AMC, Novembre 2014. • GILLI Frédéric, « Peut-on produire une ville durable ? », 2010, Habitat et société, n°60, pp. 62-69. • LEFAIVRE Liane et TRONIS Alexandre, « Architecture en réseau et minimalisme cartésien », avril 2000, Architecture d’aujourd’hui, n°327, pp. 54-58. • RAMBERT Francis, « Ancien/Contemporain : entre greffe et clonage », 1999, D’Architectures, n°96, p. 26.

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• YEDID Adam, « Connaître pour créer », DATE, Techniques et architecture, n°475, pp. 86-91.

• CHOAY Françoise, « Le patrimoine en questions - Anthologie pour un combat », 2009, Ed. SEUIL.

• ZAOUI Michèle, « De la réhabilitation à la reconversion des friches », Juillet 1997, Techniques et architecture, n°432, pp. 70-73.

• CHOAY Françoise, « L’allégorie du patrimoine », 1992, Ed. SEUIL. • DESMOULINS Christine et ROBERT Philippe, « Transcriptions d’architectures - Architetcure et patrimoine : quels enjeux pour demain ? », 2005, Ed. ADPF. • LANG Jack, « Ouvrons les yeux ! La nouvelle bataille du patrimoine », 2014, Ed. HC. • ROBERT Philippe, « Reconversions / Adaptations - New uses for old buildings », 1989, Ed. Moniteur.

ARTICLES • ARDENNE Paul, « AGM : l’Architecture génétiquement modifiable, une perspective », 2008, Archistorm, n°30, pp. 18-19. • DE SAINT-PULGENT Maryvonne, « Il faut repatrimonialiser les architectes », 1994, D’Architectures, n°48, p. 32. • DESMOULINS Christine, « Vers une décrispation ? », 1999, D’Architectures, n°96, pp. 27-28. 134

INTERNET • Manuel PERIANEZ, « L’habitat évolutif : du mythe aux réalités », 1993-2013, site : http:// mpzga.free.fr/habevol/evolutif2013.html , consulté en avril 2015. • Article sur la transformation de la médiathèque Cimendef, à Saint-Paul, à la Réunion, sur le site internet Culture.gouv.fr : http://www.ipreunion. com/photo-du-jour/reportage/2015/03/31/ contre-le-projet-de-conservatoire-a-rayonnementregional-les-partisans-de-la-mediathequecimendef-s-invitent-devant-la-region,30088.html • Article du Professeur KENDALL Stephen (PhD, RA, professeur d’architecture et directeur du Building Futures Institute à l’Université de Ball State, Muncie, Indiana), publié le 30 avril 2007, site internet de Health and Care Magazine : http://www.healthcaredesignmagazine.com/ article/open-building-systematic-approachdesigning-change-ready-hospitals.


• Article sur le bâtiment le Building - La Cannebière, à Marseille, sur le site internet Culture.gouv.fr : http://www.culture.gouv.fr/paca/ dossiers/xxeme_marseille/monographies/0101_ building/building.htm • Vidéo « Kisho Kurokawa Pt. 2: Nakagin Capsule Tower », site internet de Tokyo Art Beat : https:// www.youtube.com/watch?v=9roy5mbz5fk.

ÉTUDES • « CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis de la ville durable : construire réversible », VINCI Construction France, Blue Fabric, CANAL Architecture, 2015, vidéo de 4’40. • « Habitat Colonne - Un procédé industrialisé pour le logement étudiant », ADIM, VINCI Construction France, Résidences Sociales de France,, Groupe 3F, CANAL Architecture et EGIS, février 2013, vidéo de 5’00. • « Le logement « jeune » n’est-il qu’un produit ? - enquête et conviction pour une recalcification du logement partagé », CANAL Architetcure, ALIT & OSICA, Concours d’idées, habitat durable et solidaire, 2010.

EXPOSITIONS • « Un Bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création » à la Cité de l’Architecture, à Paris, du17 décembre 2014 au 28 septembre 2015, commissaire d’exposition : Francis RAMBERT. • « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture», au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, du 26 septembre 2014 au 15 janvier 2015, commissaires de l’exposition : CHOPPIN Julien et DELON Nicolas. • « Métamorphoses » (au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, du 22 avril au 24 mai 2015).

CATALOGUES D’EXPOSITIONS • COLLECTIF, « Un Bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création», catalogue de l’exposition, dirigé par Francis Rambert • COLLECTIF, « Matière Grise - Matériaux/ Réemploi/Architecture», catalogue de l’exposition, dirigé par ENCORE HEUREUX (CHOPPIN Julien et DELON Nicolas).

CONFÉRENCES • Débats de l’exposition « Un Bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création », à la Cité de l’Architecture : - 4 Février 2015 : Approche théorique, « Transformation versus conservation » - 16 Mars 2015 : Approche technique, « Transformer c’est expérimenter » - 2 Juin 2015 : Approche économique, «Transformation versus démolition» • « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture», au Pavillon de l’Arsenal, 17 novembre 2014, intervenants : agence ROTOR (BILLIET Lionel et GHYOOT Michael), SUPERUSE STUDIO ( JONGERT JAN) et ENCORE HEUREUX (CHOPPIN Julien et DELON Nicolas). • KEREZ Christian, conférence du 11 mai 2015, cité de l’architecture et du patrimoine.

INTERVIEWS • CALORI Jean-Patrice, architecte, agence CAB Architecture, le 15 Juin 2015. • ROBERT Philippe, architecte retraité, agence REICHEN & ROBERT, le 14 Avril 2015. • RUBIN Patrick, architecte, Agence CANAL Architecture, le 13 Avril 2015.

135


TABLE DES MATIÈRES 1 AVANT-PROPOS 2 SOMMAIRE 4 INTRODUCTION 6 PARTIE 1

L’ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE

6

I - L’architecture transformée - transformable : Histoire et patrimoine

8

II - Idéologie de l’architecture

8

A / Oppositions - résistances culturelles

11

B / Symbolique et dialectique : mobile - immobile

12

III - Inscription de nos sociétés dans la dimension temporelle

14

IV - Développement durable : mutualiser l’énergie grise

16

V - Éthique : l’architecture au service de l’intelligence collective

20 PARTIE 2

RECONSIDÉRER L’AVANT-PROJET : COMMANDE ET PRESCRIPTIONS

20

I - Usage et programmation

20

A / Oppositions - résistances culturelles

22

24

II - L’économie de la mutabilité

30

B / La reconquête de la programmation

III - La mutabilité face aux normes

34 PARTIE 3

CONCEPTION DU PROJET : ANTICIPER LA FLÉXIBILITÉ

34

I - Choix constructifs : entre savoir technique et retour d’expériences

34

A / Choix structurels au coeur de la conception

35

38

39

A / Systèmes théoriques

49

62

62

A / Entre collectif et individuel : théories

63

B / Classification naturelle : durée de vie des éléments

64

C / Décomposition structurelle

69

B / Leçons tirées de la réhabilitation

II - Analyse de systèmes : structure, organisation spatiale et dimensionnement B / Étude de projets : combinaisons de systèmes

III - Une décomposition hiérarchique des éléments constitutifs de l’édifice

IV - Des assemblages réversibles


74 PARTIE 4

ACCOMPAGNER LES ÉDIFICES : INSCRIPTION DANS UN CYLCE DE VIE DURABLE

74

I - Entretien, suivi et gestion des édifices

78

II - La place de l’information dans la mutabilité

82

III ) De nouveaux métiers à créer

86 CONCLUSION 88 ANNEXES

PROJETS

90

LA GRAND MARE, à Rouen

91

JÄRNBROTT, en Suède

92

LES MARELLES, à Yerres

94

LOGEMENTS, à Munich

95

58-66 RUE MOUZAIA, à Paris

96

TOUR BOIS-LE-PRÊTRE, à Paris

97

ÉCOLE D’ARCHITECTURE, à Nantes

98

32 RUE BLANCHE, à Paris

99

ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, à Tours

100

L2/5 HOUSE, au Japon

101

TOUR D2, à La Défense

102

NAKAGIN CAPSULE TOWER, à Tokyo

104

PARKING-SILO DE LA PLAINE,à Roubaix

105

PARKING-SILO DE LA TOSSÉE,à Tourcoing

ÉTUDES (Retranscription de vidéos)

106

« CONJUGO - Répondre aux nouveaux défis de la ville durable : construire réversible »

110

« HABITAT COLONNE - Un procédé industrialisé pour le logement étudiant »

INTERVIEwS 116

JEAN-PATRICE CALORI, architecte

123

PHILIPPE ROBERT, architecte retraité

129

PATRICK RUBIN, architecte

134 BIBLIOGRAPHIE 136 TABLE DES MATIÈRES 138 REMERCIEMENTS


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier les personnes qui

m’ont aidé à pousser ce travail jusqu’au bout : Alessandro MOSCA pour son encadrement et pour m’avoir laissé poursuivre mon sujet, si vaste soit-il ; Jean-Patrice CALORI, Philippe ROBERT et Patrick RUBIN pour avoir accepté de s’entretenir avec moi et de partager leurs expériences ; Francis RAMBERT, indirectement, pour

avoir

organisé

des

conférences

passionnantes à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine et pour avoir, à chaque fois, posé des questions précisémment en relation avec mon sujet ; Florence CUVILLIER pour le temps qu’elle a passé à apporter des corrections à mon écriture ; et également Camille LAUNAY, Adrien ROUYER et Fanny BRONES pour leur soutien et leur écoute.

Source des documents : www.explorations-architecturales.com

86


Source des documents : http://www.rpbw.com

Légende amérindienne du colibri, racontée par l’agriculteur philosophe Pierre RABHI :

« Un jour dit la légende, il y eut un

immense incendie de foret.

Tous les animaux terrifiés, attirés,

observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter au feu.

Après un moment, le tatou, agacé par

cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu. »

Et le colibri lui répondit : « Je sais, mais

je fais ma part. ». »

Source : COLLECTIF, « Matière Grise - Matériaux/Réemploi/ Architecture», catalogue de l’exposition, dirigé par ENCORE HEUREUX (CHOPPIN Julien et DELON Nicolas), p.345


RÉSUMÉ

Il s’agit, dans ce mémoire de Master 2,

de comprendre comment la capacité de mutation influence la pratique de l’architecture quand elle est intégrée dès la naissance du projet.

Apparaît alors la notion de «mutabilité».

Depuis

la

commande

jusqu’aux

utilisations multiples du bâtiment, toutes les phases d’étude et de conception du projet, ainsi que tous les métiers relatifs au domaine de la construction sont ré-explorés.

MOTS CLÉS MUTABILITÉ - ARCHITECTURE MUTABLE TRANSFORMATION - BÂTIMENTS CAPABLES - INTELLIGENCE STRUCTURELLE RÉUTILISATION - USAGES MULTIPLE RÉHABILITATION PRÉVENTIVE


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