Petite ethnographie familiale

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Avant, tout était bleu, mou, doux, flottant, volant, mousseux, mielleux, léger, nuageux. Avant, c’était cet autre monde, cette autre réalité floue et confortable. Un jour, une vitre immense et incassable est tombée du sol pour nous séparer de cet ailleurs à jamais. Je tente de me raccrocher à cet autre côté, disparu aujourd’hui. Chaque jour, je me rappelle, j’écris, j’écoute, je dessine, j’enregistre. J’essaie de me comprendre, de vous comprendre. Je trie, je range, je mets de l’ordre dans ce passé. Allez-y ! Regardez, lisez, comprenez, entrez dans cette intimité ! Pour une fois, vous avez le droit de le faire.
















Il y a 20 ans, je fêtais Noël dans cet endroit, enfin je crois. Peut-être pas. Cela n’a pas vraiment d’importance après tout. Ici ou là. S’il y avait une cuisine qui donnait sur le salon ou le couloir ? Si le couloir était rose ou gris ? S’il y avait un sapin synthétique ou un vrai ? Si la grande marche menant à la salle à manger était vraiment si grande ? Si toute la famille était là ou pas ? Quelle importance ? De toutes façons je dormais.




Un espace approximatif. Une localisation incertaine. Des pavés croisés, ou alignés. Des briques, ou des pierres. Des arbres, ou des arbustes. Une grande dalle, ou une allée.




Ni la maison, ni le jardin n’ont de coordonnées géographiques. Ils ne sont pas assez précis dans mon esprit pour avoir réellement existé. Ils sont trop présents dans ma mémoire pour ne venir que de mon imagination.



Je ne sais plus très bien combien il y avait de pièces. Dans mon souvenir, c’était très grand. D’abord il y avait la cuisine, puis le salon, très encombré mais spacieux, avec des vieux fauteuils verts en cuir brillant, et une table basse en rotin. Tout était en rez-de-chaussée. Je me souviens d’une marche pour accéder aux chambres. Un jour je l’ai ratée, et je me suis retrouvé la tête contre la plinthe. Quand je me suis relevée il y avait un creux dans le mur. Puis après la marche, un couloir aux murs rayés ocre et jaune en bas, beige en haut. A droite, une salle de bain sans fenêtre, avec une petite douche cachée par un rideau. Ou peut-être une petite baignoire sabot. Un tabouret blanc en plastique à côté du lavabo avec des serviettes posées dessus. Il y avait un poste de radio par terre qui ne


captait que France Inter et une ou deux stations musicales. La première chambre à droite c’était la mienne quand je venais passer quelques jours. Elle était rose, je crois, et il y avait beaucoup de vieux meubles imposants : une armoire, un bureau, une coiffeuse en bois foncé. Je n’ose pas regarder les vieilles photos que j’ai récupéré. J’aime ma chambre rose, le carrelage bordeaux et blanc de la cuisine et le papier peint du couloir. Je ne veux pas savoir s’ils ont réellement existé ainsi.





Le samedi soir chez Tonton, c’est saucisson !





"La grand-mère est cet être légèrement préhistorique, familier et étrange, qui inspire le récit. Jusqu'à celui de sa mort. Fin de la vie d'une grand-mère. Première étape de notre propre disparition. Premier coup de dents du néant" Véronique Cohen, Grands-mères, un amour tendre et féroce










































Le 14 août 1996, on était à Nîmes. Après manger vers 15h, on est allé se promener dans la garrigue. J’étais heureuse d’avoir un vrai appareil argentique personnel, et à 15h42 j’ai pris la décision de prendre en photo ma petite sœur pour mettre dans l’album de vacances. Nous sommes rentrés le 30 août au soir, et avons déposé la pellicule chez le photographe de la rue du Docteur Clément le lendemain aux alentours de 11h, en passant à la pharmacie. Nous avons récupéré le cliché le 2 septembre car le 1er tombait un dimanche.



Le dimanche chez Papi et Mami, c’est gigot-flageolets. Le soir c’est poulet petits pois carottes et le lundi midi c’est les restes du gigot. Toujours. Sans faute. Avec le persil dans une petite boîte à côté. Quand j’aurai des enfants, le plat du dimanche de chez Papi-Mami ça sera le rosbif au gratin dauphinois. Et quand je serai grand -mère, je m’en excuse d’avance mes petits, vous mangerez des coquillettes-jambon. Avec du fromage si vous êtes sages.




« Eh ben ma p’tite fille à mon époque, le permis je l’avais l’acheté à l’examinateur contre un gigot ! »


En m’éloignant du chemin, j’ai aperçu des jambes, étendues sur l’autre rive. Elles trempaient dans l’eau. Les orteils effleuraient la surface. Il faisait bon mais la rivière devait être froide à cette période de l’année. Petite, j’aimais l’eau. Froide, chaude, tiède, salée, chloré, savonneuse. Au premier dimanche ensoleillé, en avril, on allait manger près d’un lac et je me baignais. J’aimais ressentir le frisson et les ronds qui entouraient et anesthésiaient mes jambes. Je me sentais héroïque d’être la seule parmi tous à oser endurer ce froid glacial. Je me moquais d’eux. Les vieux, les pas drôles, ils avaient peur. Aujourd’hui j’ai compris que cette fierté de nageuse nordique ne vaut peut-être pas le coup. Le risque de ne plus sentir ses jambes et de perdre l’usage de ses


orteils est un peu effrayant. Alors, même avec du soleil, c’est une drôle d’idée de tremper ses pieds dans la rivière à cette époque. Cela dit, je n’ai pas vérifié que ces jambes étaient rattachées à leur propriétaire.


Il y avait un interphone dans chaque pièce de la maison et, comme la sonnerie était la même que la sonnette de la maison, il était très amusant d’appeler dans le salon ou la cuisine, et de voir le Papi sortir et crier « C’est qui ? Hein, c’est qui ? Vous allez voir, si vous continuez, j’vais vous choper moi ! Vous allez pas rigoler longtemps hein ! » On pouvait aussi se faire passer pour des vendeurs de télés ou de fenêtres. Une fois qu’il avait décroché, il ne savait alors plus très bien qui appelait : quelqu’un dehors, quelqu’un dans la maison ou quelqu’un au téléphone. « Oui bonjour monsieur, on appelle parce que votre télé est trop ancienne, oui… Non… Non elle ne va plus fonctionner à partir du 15 juillet… Oui nous avons vérifié ça sur nos ordinateurs. » Enfin, il n’y avait pas meilleure uti-


lisation de ces interphones que celle-ci : « Oui c’est la chambre 2. Alors il faudra nous monter deux chocolats chauds, un jus d’orange et 3 crêpes au sucre. Et dépêchez -vous, nous n’avons pas que ça à faire. » Mais cette dernière n’a jamais fonctionné et il fallut descendre préparer le petit déjeuner pour tout le monde.



Ce soir-là, Papi a vraiment tenu à m’expliquer le contenu d’un rapport rédigé il y a plus de 40 ans sur la diffusivité thermique à haute température (de 1000 à 2300°, au dessus c’était un peu trop chaud à l’époque), la méthode impulsionnelle et son application au fer armco et au graphite. Pour la rédaction de mon mémoire, ça pourra me servir m’at-il dit. Je l’ai écouté. Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris mais en tout cas, le député morbihannais, le maréchal et le ministre étaient tous très fiers de lui !












László et Gábor ont décidé de s’offrir une petite balade en bateau. Après ils iront manger une goulash et prendre un bain aux thermes. Ou peut être qu’ils rentreront chez eux se faire des pommes de terre sautées avec du jambon, et qu’après ils iront voir Jackass en 3D !




Cheveux raplapla ? Coiffure fatiguée ? Manque de volume ? La boîte à cheveux* ! Tout le monde devrait en avoir une chez soi.

*Colle à cheveux vendue séparément


« Mais bon, avec un chutney de figues, une petite salade et quelques toasts, ça passe très bien ! »



Fabienne veut être la nouvelle star. Après tout, il n’y a pas d’âge pour commencer à vivre sa passion. L’important c’est d’y croire. Et Fabienne y croit ! Si son prochain casting ne marche pas comme elle le voudrait, elle compte bien engager un coach en développement personnel et devenir ainsi la nouvelle star. En attendant, Fabienne vernit les ongles des dames de son quartier.










Artie, la 3D et moi Depuis toujours, je porte des lunettes. Je ne vois pas en 3 dimensions. Et ça personne ne le comprenait jamais ! On ne me croyait pas. Ou alors lorsqu’on me croyait, on trouvait ça incroyable, impossible. Je suis une mutante. Et à force de l’entendre, j’ai fini par vraiment le penser. J’ai passé tous les cours de badminton du collège dans le dernier terrain, tous les cours de ping-pong à la dernière table, tous les match de volley dans l’équipe des « nuls », je ne connais pas l’adrénaline qui parcourt les joueurs de base ball courant autour du terrain car ma bate n’a jamais renvoyé la moindre balle.


- C’est pas d’ma faute monsieur, je vois pas la balle, je m’rends pas compte, je peux pas repérer où elle est. - Mon stylo a écrit 8/20, je n’y peux rien mademoiselle, j’me rends pas compte. Ces expériences étaient assez frustrantes car j’étais sportive, tant qu’il n’y avait pas d’accessoire à rattraper. Et lorsque je me retrouvais dans la ligne la plus rapide en natation, on s’étonnait de m’y voir. Lorsque je tentais de me justifier après de mauvaises performances sportives, cela ne passait pas. Par contre, lorsque les mêmes détracteurs me voyaient dessiner dans la cours et croquer rapidement ce qui m’entourait, je les ai souvent entendu dire que


c’était grâce à mes yeux. Oui, je vois tout à plat donc forcément, il est plus facile de reproduire l’image en deux dimensions telle qu’elle m’apparaît. Jusqu’à aujourd’hui j’étais seule au monde et je m’y étais faite. Mes amis savent qu’ils ne doivent pas me proposer d’aller voir Avatar ou Piranha 3D au cinéma. Voir un film en rouge et vert n’a rien d’excitant. Ils savent qu’ils n’ont pas besoin de me proposer d’essayer des jumelles, et encore moins les lunettes des nouveaux écrans 3D à la FNAC. Ils savent qu’à la plage, si je nage un peu pour m’éloigner du bord, je ne saurai pas s’ils sont devant ou derrière la dame au maillot rouge. Je vois parfois des superpositions amusantes. Jusqu’à aujourd’hui, j’étais seule au monde, et Art Spigelman est



arrivé dans ma vie, avec son album « Breakdowns ». Comme moi, Art ne voit pas en 3D. Comme moi, Art n’aime pas le base-ball. « Dans les années 50, le base-ball n’était pas optionnel et être inapte vous classait plus bas que les filles dans la hiérarchie sociale… L’amblyopie, un oeil paresseux rend mon monde 2D. Alors confondre les 2D des comics et la réalité m’est naturel. » Pour la première fois, je sais que quelqu’un sur terre me comprend !






Quand j’étais en maternelle, j’adorais dessiner. D’ailleurs je voulais être dessinatrice quand je serai grande. Je ne saurais pas préciser d’avantage mes objectifs professionnels de l’époque mais ça j’en étais sûre ! Puis en primaire, je suis tombé -dans un journal pour enfant- sur un article à propos du métier de graphiste-maquettiste. Et à partir de ce jour, je voulais faire ça. Placer des textes, des titres et des


images dans une page, ça me faisait kiffer… Franchement, à 8 ans, j’aurais dû vouloir être maîtresse, chanteuse, princesse (je veux bien l’être maintenant mais c’est trop tard), peintre à la limite, mais non : « maquettiste ». Heureusement, cela m’est passé. Je suis redevenue raisonnable. Quand on est enfant, on ne se rend pas compte. Pendant plusieurs années, lorsque j’ai atteint l’âge de vraiment savoir, j’ai voulu devenir journaliste. C’est resté longtemps. Et puis bon finalement, peut-être que ma première idée n’était pas si mauvaise.








Il était une fois une jeune fille, qui vivait dans un tout petit donjon tout en haut d’un très grand château, dans un quartier avec beaucoup d’autres très grands châteaux, dans une grande seigneurie de Bretagne. Un matin, elle dût quitter son petit donjon, pour aller prendre une leçon dans la très grande école des Arts, du royaume de Bretagne. Elle se leva et pris son petit-déjeuner qu’elle avait préparé elle-même (la pauvrette vivait seule et devait penser à tout, n’ayant aucun serviteur sous ses ordres). Et c’est ainsi qu’elle quitta, chantant et sautillant, sa petite habitation, heureuse de pouvoir profiter des surprises et petits bonheurs imprévus que lui offrirai certainement cette


magnifique journée d’hiver. La leçon d’arts se passa admirablement bien. Elle se rendit alors aux écuries, paisible et confiante, pour une une leçon de conduite de carrosse. A cette époquelà, il était déjà très courant que les jeunes filles, tout comme les jeunes hommes, apprennent à conduire ce genre d’attelage. La leçon se passa admirablement médiocrement. Mais la jeune fille savait que le bonheur était constitué de petits plaisirs, et que rien ne pouvait gâcher une journée venant à peine de commencer. La jeune fille repris alors le chemin de son donjon, cherchant ses clés dans sa besace. Ne les trouvant pas, elle les chercha dans le carrosse, sous le carrosse, aux écuries, à l’entrée de l’académie, dans




la grand-salle de l’académie, dans les ateliers des peintres de l’académie, dans les escaliers de l’académie, sur le chemin menant à l’académie, sur la route menant jusqu’à sa bourgade, dans les ruelles menant jusqu’à sa maison. Elle songea alors à prendre un anxiolytique pour ne pas s’évanouir avant d’arriver chez elle mais elle n’en avait pas. Elle se dit alors qu’un petit joint serait bien agréable mais elle n’en avait pas non plus. Elle se remémora avec envie l’injection de morphine qu’elle avait reçu quelques années plus tôt, mais là encore, ce n’était pas possible. Il ne lui restait que quelques dizaines de mètres avant d’arriver à sa porte. Son coeur était lourd. Il battait très fort, comme jamais il n’avait battu auparavant,


ou peut-être seulement lorsqu’elle voyait son bien-aimé, un week-end sur deux et pendant les vacances scolaires. Elle s’empara alors de tout le courage nécessaire et gravit les 60 marches du donjon, toute tremblotante. Et là enfin, elle aperçu sa porte. C’est alors qu’elle vit les clés, qui pendaient à la serrure. Elle ouvrit, entra, referma derrière elle, vécu heureuse, et n’eut pas encore d’enfant.








2011 BIENVENUE DANS LE FUTUR !


!














Promenade du soir à Sarcelle « Dis-moi poulette T’es une belle minette T’as un 06 La miss ? » Quel drôle de mâle ! Désolée mais j’te r’cale Avec moi t’auras que dalle Allez dégage, appuie sur ta pédale « Mais wesh pour moi t’es une fleur, ma soeur Et comme j’suis un voleur T’as vu, j’vais prendre ton coeur ! Tu m’laisses trop rêveur ! » Continue de rêver mais plus loin s’te plait. Ta musique pourrie, ton cerveau rikiki Ça peut pas marcher, et toi-même tu sais ! Oublie j’ten supplie : c’est cuit.



Ce n’est pas parce qu’elle a un travail manuel, qu’Olga ne se doit pas d’être toujours élégante.





Quand j’avais 15 ans, je me suis lancée dans une grande entreprise. Ma petite sœur adorait Harry Potter, Charmed et tous ces héros magiques et à son âge, elle avait envie d’y croire. Et moi j’avais encore plus envie qu’elle y croit ! Un jour, j’ai réussi - je ne sais plus comment à persuader plus ou moins ma sœur que je connaissais une voyante. Une de mes amies lui a fourni un guide de « lecture de l’avenir dans les feuilles de thé » qu’elle a directement essayé. C’est à partir de cela que le monde magique de « Minerva Mc Diagonall » est né. Minerva Mc Diagonall (parodie du nom d’un professeur dans Harry Potter) serait le nom de la voyante en question. Elle serait née aux alentour de 1862. Elle


dirigerait une école de divination et de magie blanche, invisible sur notre plan astral et donc sur Google Earth. L’école, située à « Poultran Guérec » dans le Finistère sélectionnerait ses élèves par boule de voyance, détectant les personnes susceptibles de réussir dans le domaine, et sa pédagogie serait inspirée du druidisme. J’ai créé une adresse ecole_de_divination@ hotmail.com de laquelle j’envoyais des courriels : analyse de lecture dans les feuilles de thé, formules magiques, newsletter de l’école. Bien sûr, cela prenait du temps et de l’attention. Il ne fallait pas se tromper en envoyant un mail avec ma vraie adresse, ne pas faire de fautes ou commettre d’incohérence pouvant me trahir. Plusieurs


de mes amies ont donc eu le mot de passe. Au début nous étions 2, puis 3, 4… etc. Parmi eux, j’avais nommé un professeur des sciences divinatoires et météorologiques, un professeur de thédomancie, un professeur d’histoire de la divination etc. Il fallait respecter le style des premiers courriels et toujours faire très attention à l’orthographe. Je préparais des courriels qui étaient envoyés par un ou une ami(e) à un moment où je n’aurais pas pu être connectée sur le net. Une lettre postale a même été écrite par une amie et postée depuis un trou perdu en France où elle passait ses vacances. Cela me fascinait toujours car je savais que ma famille voyait ça comme un mystère amusant à éclaircir, et que ma sœur avait bien sûr renoncé depuis sa tendre enfance


à la réelle existence de la magie. Le jeu pour ne pas être démasqué était vraiment très prenant. Il y eut même des fausses brochures sur l’école. Je faillit me trahir une fois ; ma sœur était dans ma chambre et l’adresse e-mail de Minerva était enregistré par défaut sur la page d’accueil d’hotmail. Heureusement, elle ne remarqua rien. Le coup de maître fut porté un jour où j’envoyai à mon père par e-mail un formulaire d’inscription accompagné d’une lettre expliquant les capacités exceptionnelles de ma sœur pour les arts divinatoires et l’avenir prometteur qui l’attendait. Le mail demandait également de joindre les 3 derniers bulletins scolaires et quelques autres papiers administratifs. Mon père


avait répondu formellement, voulant entrer dans mon jeu, demandant des informations plus précises. Une correspondance a ainsi démarré, l’un cherchant toujours à avoir de l’avance sur l’autre. Il n’a cependant jamais envoyé les papiers que Minerva demandait. Je me serais pourtant fait un plaisir de lui envoyer par voie postale une attestation d’inscription. Ni ma sœur et encore moins mon père n’ont été dupes de cette énorme blague et j’étais bien sûr au cœur des soupçons.Cependant,ma couvertures, mes amies-alibi, les mails envoyés en décalé ont marché. Mon père a toujours pensé que « j’étais dans le coup » mais que cela ne pouvait être moi car il y avait des incohérences de temps et de lieu dans les envois de courriers et de courriels, et surtout


»les e-mails [étaient] trop bien écrits et rédigés sans fautes d’orthographe pour que ça soit [moi]. » Mais comme tout événement qui provoque d’abord beaucoup de curiosité, Minerva finit par se faire de plus en plus rare, tout comme les réponses à ses courriels. Un message était envoyé de temps en temps pour des occasions (rentrée scolaire, anniversaire…), quelques relances d’inscriptions, la création de nouveaux cursus post-brevet ou même post-bac. Les retards de réponses étant justifiés par des problèmes de connexion internet entre le réseau du monde réel et celui du monde parallèle de l’école - les informaticiens «réseaux et plans astraux» étant difficiles à recruter. L’adresse


laissée à l’abandon reçut toutefois un message de mon père cet été « toujours vivante Minerva ? » auquel celle-ci répondit 2 mois plus tard que tout allait bien mis à part un énième problème de boîte mail disparue dans un autre monde. Aujourd’hui Minerva ne réponds plus, Minerva a fermé l’école, Minerva ne connait plus le mot de passe de sa boîte mail. Chère Nastarane (l’amie « voyante » du début), chers amies m’ayant couvert et ayant envoyé des courriels à des heures contraignantes, ou envoyé des lettres en provenance de villes improbables, chère famille ayant joué le jeu pendant des années, et surtout chère sœur, merci d’avoir fait vivre Minerva ! C’est drôle d’être jeune quand même.








Les gens ne diront rien, mais ils t’observeront, toujours.







J’aime lire « par-dessus les épaules des gens ». En pratique c’est plus sur le côté. Discrètement, en m’assurant que les barres de mes lunettes sont placées de sorte que la personne ne voie pas mes yeux bouger, et en espérant ne pas être trahie par la personne d’en face par un regard ou un hochement de tête. Des fois, c’est carrément la tête tournée vers le livre ou le journal. Mais dans ce cas, c’est parce que la personne m’a repérée et qu’elle essaye de m’empêcher de lire. J’observe les subterfuges utilisés et c’est assez amusant. Ca m’occupe le temps que le train arrive. Je ne risque rien. Madame n’osera pas me faire une remarque oralement.






Ça va être joli - Dis-donc, cette année, y aura pas les enfants. On n’est pas obligé de sortir toutes les décorations. - Mais si ! Déjà qu’on va être tout seuls, qu’on va manger de la merde. Et puis tes cadeaux je les connais ! Un pull-over, un parfum du Monoprix. Non, ça va bien. Et puis ça va être joli et au moins les voisins seront contents de voir ça en se levant. Un peu de respect de la tradition ça fera pas de mal pour une fois. - D’accord. Par contre le père-noël ne clignote plus, il va falloir en racheter un.




Dessins : 20 dont 3 Gai Luron, 2 Gaston Lagaffe, 4 bouquets de fleurs Plages : 16 dont 3 couchers de soleil, 7 mélanges d’images Monuments : 15 dont 4 mélanges d’images Montagnes : 10 dont 4 mélanges d’images Animaux : 12 dont 4 chiens, 2 chats, 3 poneys Inclassables : 9 Skieurs : 6 Paysages : 6 Panoramas de ville : 4 Cartes découpées 3 Bébés 3 Recettes : 2 39 salut ! de bonjour 26 coucous

13 chères Sandras 6 wesh ! 5 kikous 3 bonjours 3 hellos 36 gros bisous 15 bisous 11 je t’embrasse 7 à bientôt 7 joyeux anniversaires 5 saluts d’au revoir 4 à la rentrée ! 27 expéditeurs 7 expéditeurs réguliers 6 expéditeurs semi réguliers 14 expéditeurs occasionnels

94 x 3 = 282 Francs = 42,99 € de timbre rien que pour moi 94 X 10 = 940 lignes rien que pour moi


Je ne l’ai jamais connue mais je sais que tante Berthe collectionnait les chapeaux. Chaque célébration familiale, chaque fête au village, était l’occasion d’en acheter un nouveau. Et Berthe avait une si grande famille que presque chaque semaine, elle avait un prétexte pour se faire un autre cadeau. Elle n’avait pas deux chapeaux identiques. Il y avait toujours un détail qui le rendait unique, une perle, un maillage de filet particulier, un tressage spécial, une provenance rare. Edmond ne comprenait pas trop cette passion qu’avait sa femme. Elle avait des cheveux, de beaux cheveux très longs, et pourtant elle cherchait toujours à les cacher. Lui n’en avait pas. D’ailleurs, Berthe l’avait toujours connu sans cheveux. Sa femme l’agaçait tellement qu’Edmond avait fini par détester les chapeaux. Mais il continuait à lui donner de l’argent. Elle passait ainsi ses journées à remplir


les placards de la maison de ses prĂŠcieux couvre-chefs et pendant ce temps, Edmond ĂŠtait tranquille.


«Dix ans Nicole 1943»



«Au revoir Henriette † 1942»



«Alfred & Paule, à la vie, à la mort ? 1950»



«Bon débarras Hubert † 1946»







Dan Flavin, Untitled, 2011






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