Installation
Projet réalisé dans le cadre du module «Chroniques multimédium» ERBA 2010
RADURA Mathieu ONUKI
« Cultivez les chemins de la droiture ; nourrissez la noblesse d’ esprit ; et travaillez avec résolution, de façon à pouvoir réhausser la gloire inhérente de l’Etat impérial et vous maintenir à la pointe du progrès dans le monde. »
(Gyokuon-Hôsô) Dernière phrase du Discours de capitulation de l’Empereur HIROHITO le 15 août 1945
Cette installation est composée de différents travaux qui ont été conçus selon une réflexion personnelle basée sur mon identité ainsi qu’une certaine vision de notre société contemporaine. Né à Tokyo, j’ ai été bercé au milieu des gratte-ciels et j’ ai été «éduqué» par la télévision. Je suis arrivé en France à l’âge de quinze ans, la prise de distance m’a permis d’ avoir un panorama sur la culture japonaise qui s’ était imprégnée en moi. C’ est à ce moment que j’ai établi une recherche pour comprendre la mutation qu ’a subit le Japon après la défaite de la Seconde Guerre Mondiale. J’ai commencé par découvrir la destruction massive matérielle, psychologique et culturelle que ce pays à connu, notamment avec l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki. Après la capitulation, le pays tout entier a été contrôlé par les États-Unis. S’ est installé à ce moment le modèle Américain qui a engendré le Japon contemporain. Cette forme de mutation est aussi percevable chez certains autres pays industrialisés, où des valeurs traditionnelles sont remplacées par de nouvelles formes de pensées essentiellement basées sur l’ économie. L’ Homme est toujours au centre de mes préoccupations, et je souhaite à travers ces trois salles, partager une réflexion et des interrogations sur notre condition humaine contemporaine.
4,50 m
Plan de l’espace d’installation vu du dessus (dimensions)
1
Entrée
3,50 m 8m
3
2m
6m
2
4m
Install
Plan de l’espace d’installation vu du dessus (outils, matériels)
11
Photographies
Entrée
3
Miroirs
lation "Catharsis"
3
22
Zone de projection
TV1 Vidéo oeil
TV2 Vidéo Logos sur corps
Vidéo projecteur
1
En entrant dans la première salle le spectateur découvrira une série de photos grand format en noir et blanc baignant dans une atmosphère pesante avec une faible luminosité. Ces photos représentent des ombres humaines projetées sur le sol. Ces images seront accrochées à l’ envers de manière à ce que le sol remplace le ciel et que les silhouettes aient la tête vers le haut. La présence du sol à la place du ciel donne un sensation d’enfermement dans un lieu caverneux .
Ces photos proviennent de villes diverses que j’ai visitées ou habitées ( Tokyo, Cannes, Rennes, Londres ). À travers elles, je souhaite montrer un aspect universel de l’Homme et parler de tout humain quel que soit son âge, son origine, son sexe, sa culture.
À la 43ème seconde soixante-quinze mille vies sont instanément réduites à néant par Little Boy
Ma première inspiration pour cette série est née d’une photo prise après la bombe atomique lancée sur Hiroshima le 6 Août 1945. Ce jour là, les êtres humains les plus proches de l’épicentre furent alors instantanément désintégrés par la chaleur dégagée et par la puissance nucléaire. Sur cette photo de Matsumoto Eiichi, nous pouvons constater que les seules traces restantes des êtres humains sont leurs ombres projetées aux murs. Ainsi, marqué par l’idée de la désintégration du corps et de la peur de la disparition totale de l’espèce humaine, j’ai tenté de montrer les traces d’un instant éphémère de la vie d’ individus inconnus. Ces photos sont aussi conçues pour donner à voir des traces laissées par une nouvelle apocalypse nucléaire. La bombe atomique est de plus en plus adoptée par différents pays et je partage comme tous ceux qui connaissent sa puissance, la crainte d’une nouvelle récidive.
Matsumoto EIICHI, photographie noir et blanc, Hiroshima, 20 septembre 1945
Yves Klein à aussi été marqué par les images ramenées d’ Hiroshima après la bombe atomique. Il réalisa une toile nommée Hiroshima où il présentait des corps en mouvement où le temps semblait suspendu pour l’éternité. Claudio Parmiggiani fait partie des artistes qui m’ont beaucoup inspiré. Ses installations semblent nous montrer un monde post-apocalyptique où l’Homme à été totalement éradiqué, ne laissant que des traces derrière lui.
Hiroshima, Yves KLEIN, 1962
Sans titre, Claudio PARMIGGIANI 2004, FumĂŠe et suie sur bois
2
En entrant dans la seconde salle, le spectateur sera aggressé par une forte lumière. Sur les murs autour de lui, il verra des flashs de logos projetés, les logos seront préalablement programmés pour qu’ils changent continuellement à une cadence de trente logos par secondes et dans un ordre aléatoire. Les couleurs vives et lumineuses apparaîtront comme des lumières agressives et hypnotiques. En face de cette projection ( juste à droite de la porte d’entrée ) deux téléviseurs y seront installés. L’un diffusant une vidéo d’un oeil en gros plan réfléchissant les images d’une télévision, l’autre diffusera une vidéo d’un corps agressé par la même lumière que celle de la salle. Le spectateur fera lui même l’expérience de voir les logos s’imprimer sur son corps. Il pourra à ce moment voir deux phénomènes : d’un coté il sera ébloui par la puissance de la luminosité du vidéo projecteur, et de l’autre coté il verra sa silhouette projetée sur le mur au milieu des logos.
Cette première vidéo dure deux minutes, elle commence par une question que je pose au spectateur : “ Do you see what I see ? “ ( Voyez-vous ce que je vois ? ). Je souhaite questionner et mettre en cause l’identité personnelle de chaque individu. Chacun devrait avoir, à-priori, ses propres sensations, ses propres visions et ses réflexions personnelles, mais la télévision va à l’encontre de cette pensée. En effet, on nous impose des images, des pensées, des opinions en sollicitant notre plaisir à la vue du spectacle. À travers cette vidéo, j’ai voulu mettre en place une triple réflexion qui est :
- Ma réflexion psychologique face à ce spectacle. - La réflexion physique de la télévision sur ma rétine. - La réflexion de notre société à travers l’objet télévision.
Nous vivons dans un monde de l’image, diffusée massivement et présente partout dans notre environnement, notre imagination est de moins en moins sollicitée.
La deuxième vidéo sera montrée en boucle. Des logos seront comme imprimés sur ce corps formant une sorte de tatouage. À travers ces motifs corporels, j’ai voulu représenter une sorte de nouvelle ethnie ou civilisation basée sur une culture de l’hyper-consommation, où le corps de l’être humain ne fait que servir la diffusion de ces formes et couleurs. J’ ai voulu montrer l’effacement de l’homme tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Nous voyons ce dos agressé et souffrant, se tordant et se grattant comme pour essayer de se débarrasser de cette couche superficielle qui l’irrite. L’ outil lumière est important dans ce travail, tous ces flashs lumineux de logos sont aussi un deuxième bombardement que le Japon à subi. Un bombardement idéologique qui détruira peu à peu les valeurs traditionnelles et qui s’ introduira dans la tête, la chair et sur la peau de ces nouvelles victimes.
Cette salle s’inspire de l’observation de l’environnement de notre société capitaliste où les logos se multiplient et se propagent comme des virus. Un autre phénomène en expansion est aussi source de ce travail : le tatouage publicitaire .
Images : source Google
Nombreux sont ceux qui ont traité le sujet concernant notre société capitaliste avec notre consommation massive animé par la communication. Parmi ces gens, nous trouvons évidemment Naomi KLEIN avec son essai No Logo, Paul ARIÈS avec Putain de ta marque! et Frédéric BEIGBEDER et son roman 99 Francs. Le Pop art est le mouvement qui traite de cette société où la consommation devient l’activité principale de la vie. De nombreux artistes contemporains ont hérité de ces expressions pour continuer à parler d’une société en perpétuelle mutation. Le Logo est l’ emblème représentatif des entreprises, il envahit tout notre espace de vie et s’ infiltre partout. Gilles BARBIER à réalisé une sculpture d’une vieille femme allongée dans un canapé dans une position semblable à celle de l’Olympia. Sa peau est à la fois marquée par le temps (rides, peau relâchée, seins lourds et tombants) et par des tatouages de logos d’ entreprises. L’ étrange expression de son visage fait penser à une sorte de méditation, cette concentration est en décalage par rapport à ce corps démonstratif et accentue l’idée de l’au delà de ce corps.
Vieille femme aux tatouages, Gilles BARBIER, 2002
Sans titre, Wim DELVOYE, 2005
Logorama, H5, 2009
3
La troisième salle sera plutôt sombre et étroite. Les deux extrémités de ce couloir seront tapissées d’un miroir afin de donner l’ illusion d’un couloir interminable. Des portraits seront installés de part et d’autre des murs du couloir. Il y aura d’un coté des portraits de nouveaux nés ou d’ enfants et de l’autre des portraits de personnes âgées. Les visages sont représentés comme des masques dépourvus d’ yeux et de cou. Ces portraits seront animés d’expressions diverses, profondes et interrogatives mais sans joie ni tristesse apparentes. Le spectateur devra avancer entre ces deux portraits en subissant les regards absents des individus. À travers ces portraits, j’ai voulu représenter la dualité et la condition humaine face à la vie donc aussi face à la mort. L’ enfant semble voir son avenir et sa mort et la personne âgée semble retracer sa vie dans sa mémoire et ressentir une nostalgie profonde. À travers ce jeu de regards absents, se trouvent en même temps la profondeur et la fugacité de la vie. Le spectateur forme le troisième portrait qui regarde en même temps la vie et la mort, le futur et le passé. Face à cela, je souhaite qu’ il prenne conscience de l’importance de chaque instant présent de la vie. En complément à ce jeux de regard, un système de capteurs de mouvements déclenchera une bande sonore lorsque le spectateur se retrouvera entre les deux portraits. Les sons diffuseront soit des rires soit des pleurs, et chaque couple de portrait aura sa propre bande sonore. Ce jeu sonore est conçu pour toucher l’ émotivité chez l’être humain, car les rires et les pleurs sont les fruits des émotions de base et essentielles à l’homme. Elles sont aussi communication et peuvent être partagées. Le son produira un effet contagieux sur le spectateur, il passera ainsi d’une certaine joie à de la tristesse. Le phénomène que j’ai voulu mettre en place fonctionne surtout lorsqu’il y a plusieurs spectateurs dans ce même espace car, à ce moment, les rires et les pleurs se déclencheront en même temps. Ainsi, il s’y installera une sorte de malaise dans l’instabilité de l’ entre-deux émotions.
Douglas Gordon a réalisé une série de portraits. Cette série s’appelait Self-portrait of you + me. De nombreuses photos de célébrités étaient présentées et ces images étaient dégradées ( brûlées, découpées ) et les yeux étaient toujours vides. Elles étaient placées sur un miroir, ce qui nous permettait de nous voir dans les parties dégradées de l’image. J’ai apprécié ce jeu de regards et de réflexions qui s’établissait entre le spectateur et le portrait d’une célébrité. En nous plaçant dans leur reflet, un double jeu s’est installé, d’un coté moi dans ces personnages et de l’autre eux dans mon personnage. Le projet ci-dessous est inspiré par une série de témoignages réalisés par Julika Mayer et prend sa source dans un questionnement sur le temps et le vieillissement. Julika Mayer avait invité Paulo Duarte ( plasticien/marionnettiste ), Morgan Daguenet ( musicien électronique ) et Nicolas Lelièvre ( vidéaste ) à retraverser ces matériaux et à en livrer leur propre interprétation sous forme d’installation sonore et visuelle. Le spectateur était face à un portrait en volume où des portraits de femme âgées y étaient projetés en surface. Une cinquantaine de petits hauts parleurs étaient dispersés dans l’espace et diffusaient les témoignages des vielles femmes.
Sculpture réalisée par Paulo DUARTE
“ Self portrait of you + me “ Douglas Gordon
Les moyens d’expression utilisés par Christian Boltanski dans ses installations me semblent être proches de ce que je recherche à produire comme sensations. Il active une mémoire collective à travers tous nos sens. Ces atmosphères pesantes racontent des récits personnels rattachés à l’Histoire. L’ énergie et l’ histoire que contiennent chacun de ces objets font resurgir les images enfouies dans nos mémoires. Je souhaite que le spectateur soit acteur et que mes installations permettent juste de faire ressurgir leurs émotions.
Monument, Christian BOLTANSKI, 1989