Livre blanc cop22

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ACCÈS A L’ENERGIE : QUELLES INNOVATIONS POUR UNE AFRIQUE DURABLE ET INCLUSIVE ?

Livre Blanc en contribution à la COP 22


Ce livre blanc dédié à l’accès à l’énergie en Afrique a été réalisé grâce au soutien de


Livre Blanc Edité à l’occasion de la COP 22

! Dirigé par Dr. Majid Kaissar EL GHAIB

! Avec la collaboration de : Mme Bouchra TAIBI Pr. Mourad HARICI Dr. Nabil EL HILALI Dr. Yousfi AOUAD


RÉSUMÉ L’accès à l'énergie et la maitrise énergétique constituent un défi majeur pour un développement durable des pays africains. Malgré un potentiel énorme en énergies fossiles et renouvelables, l’Afrique présente des déficits énergétiques importants. Le manque d'accès à des sources d'électricité fiables entrave fortement tant le processus d'industrialisation que celui du développement humain des pays africains. L'utilisation généralisée et non durable des ressources en bois constitue également une menace grave pour le continent. Le présent livre blanc fait le point sur les faiblesses et les dysfonctionnements qui caractérisent le processus actuel de développement des pays africains, et s’attache plus particulièrement à la composante « accès à l’énergie et maitrise énergétique » et ses conséquences au niveau économique, social et environnemental. Il propose, également, une approche holistique en matière de politique énergétique pouvant permettre le nécessaire changement de paradigme que doivent opérer les gouvernements africains afin de prendre le leadership et mettre en place les fondations d’un développement durable garant d’une croissance soutenue, d’une réduction des disparités sociales et d’une résilience au changement climatique. Cette approche, qui met l’innovation au cœur du processus de changement attendu, privilégie la recherche et la mise en place de solutions nouvelles loin des modèles classiques adoptés par les pays développés. Elle suppose une démarche d’innovation à plusieurs niveaux : institutionnel, juridique et réglementaire, technologique, mode de financement des projets, managérial, social, et académique. Enfin, et sur la base d’une synthèse de la démarche suggérée et d’un benchmark des réussites africaines, sont proposés un cadre stratégique intégré et global pour l’accès à l’énergie et la maitrise énergétique spécifique aux pays africains, ainsi que 22 recommandations aux différentes parties prenantes du développement durable de l’Afrique. Mots clés : Afrique, Développement durable, Energies renouvelables, Maitrise énergétique, Innovation.

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SOMMAIRE Résumé................................................................................................. 1 Préambule............................................................................................ 3 I. L’état des lieux africain : Des menaces … mais d’énormes opportunités ...............................................................................9 1. L’Afrique nouvelle frontière de la croissance mondiale ......... 9 2. Risques et faiblesses de l’Afrique .................................14 3. Potentiel énergétique africain ..................................... 22 4. Déficits énergétiques africains ..................................... 26 5. Benchmark africain : Quelques success stories .................. 36

II. L’innovation au cœur de la transformation énergétique africaine................................................................................... 48 1. Innovation institutionnelle : Pour un cadre national de gouvernance durable ................................................50 2. Innovation juridique et réglementaire ...........................57 3. Innovation technologique ........................................... 61 4. Innovation de financement ......................................... 64 5. Innovation managériale et responsabilité sociale des entreprises ............................................................79 6. L’innovation sociale comme contribution au développement durable et inclusif ....................................................85 7. Innovation académique et scientifique ...........................88

III. Cadre global et Recommandations pour l’accès à l’énergie en Afrique ...................................................................................94 1. Cadre stratégique intégré et global pour l’accès à l’énergie .94 2. Feuille de route et Recommandations aux parties prenantes ... 107 Bibliographie ............................................................115

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PRÉAMBULE Le mode de développement adopté par les pays avancés et émergents, basé essentiellement sur les énergies fossiles, a permis d’obtenir durant le siècle dernier une croissance économique sans précédent. Ce succès économique, qui commence toutefois à atteindre ses limites, cache en réalité une crise écologique importante avec tout ce que cela a pu engendrer comme conséquences en termes de changement climatique pour notre planète. Plus encore, ce succès économique a engendré des fractures importantes que ce soit entre pays du Nord et pays du Sud, ou même à l’intérieur des pays entre classe sociale riche et classe sociale pauvre. Dans ce contexte, l’Afrique est restée de manière générale économiquement sous-développée, écologiquement vierge, et socialement « fracturée ». De plus, et malgré son empreinte carbone faible, c’est le continent le plus exposé et le plus vulnérable aux risques liés au changement climatique. D’un autre côté, et du fait de ses richesses naturelles et de l’étendue de ses terres arables, l’Afrique est perçue aujourd’hui comme la nouvelle frontière de l’économie mondiale, et à ce titre, se trouve exposée au risque de prédation et de convoitise de la part des pays développés et émergents ainsi que de la part des multinationales. L’Afrique est certes un continent d’avenir qui dispose de richesses importantes. Le continent offre une multitude de ressources naturelles allant des hydrocarbures à l’agriculture en passant par les ressources minières et forestières. A cela s’ajoute son potentiel énergétique non encore pleinement exploité lié à ses grands fleuves, mais également à ses immenses zones désertiques. Enfin, la population africaine est constituée d’un potentiel humain jeune qui dépasse le milliard d’habitants et qui doublera d’ici à 2050. Durant la dernière décennie, et à cause de la hausse des cours mondiaux des matières premières, l’Afrique a connu une croissance économique soutenue et une forte augmentation de son PIB moyen par habitant. C’est ainsi que le continent a commencé à voir se former une classe moyenne importante capable de constituer un marché de consommation solvable et attractif attisant encore plus l’appétit des multinationales.

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Dans cet environnement économique en pleine croissance, l’Afrique est en train de devenir un grand chantier de construction d’infrastructures de base destinées à rattraper le retard accumulé dans ce sens et satisfaire ses besoins de développement. C’est le cas plus particulièrement du secteur de l'énergie dont la maîtrise reste un des défis majeurs pour le développement durable des pays africains. En effet, et malgré un potentiel énorme en énergies fossiles et énergies renouvelables, l’Afrique présente des déficits énergétiques importants. Le manque d'accès à des sources d'électricité fiables entrave fortement tant le processus d'industrialisation que celui du développement humain des pays africains. De plus, l'utilisation généralisée et non durable des ressources en bois comme source d’énergie constitue également une menace grave pour le continent; cela contribue non seulement à la déforestation et la désertification, mais peut également avoir un impact social tant sur la production et la sécurité alimentaire, que sur l’hygiène de vie et la santé des femmes dans le milieu rural. La thèse développée dans le présent Livre Blanc est que l’Afrique a tout intérêt à opter pour des technologies de production énergétique à faible empreinte carbone ; non seulement cela permettrait d’accompagner le nécessaire développement industriel et la généralisation de l’accès à l’énergie, mais cela permettrait également d’éviter les conséquences néfastes en termes de changement climatique engendrées par les pays développés et émergents au cours de leur processus de développement industriel. Comment et sous quelles conditions les pays africains peuvent-ils mettre en place un cadre stratégique durable pour l’accès à l’énergie et la maitrise énergétique. Plus particulièrement, quels rôles doivent jouer chacune des principales parties prenantes (Etat, Entreprise, Société civile) afin de pallier les déficits du marché et les dysfonctionnements sociaux, environnementaux, économiques, voire même politiques qui menacent le développement durable et inclusif de l’Afrique ? Quelle est la responsabilité et quel devrait être le rôle de la communauté internationale dans une telle transformation énergétique africaine ? 
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Quel type d’accompagnement de la part de la communauté académique et scientifique serait nécessaire afin de permettre la mutation de l’économie des pays africains d’une dépendance énergétique vers une plus grande maitrise énergétique base d’une économie durable et inclusive ? Ce sont là autant de questions auxquelles tente de répondre le Livre Blanc. C’est dans ce cadre que le Livre Blanc fait d’abord le point sur les faiblesses et les dysfonctionnements qui caractérisent le processus actuel de développement des pays africains, et plus particulièrement au niveau de sa composante « accès à l’énergie et maitrise énergétique » et des conséquences engendrées au niveau économique, social et environnemental. Il propose, dans un deuxième temps, une approche holistique en matière de politique énergétique devant permettre le nécessaire changement de paradigme que doivent opérer les gouvernements africains afin de prendre le leadership au niveau de l’économie verte et mettre en place les fondations d’un développement durable garant d’une croissance soutenue, d’une réduction des disparités sociales et d’une résilience au changement climatique. Cette approche, qui met l’innovation au cœur du processus de changement attendu, privilégie la recherche et la mise en place de solutions nouvelles loin des modèles classiques adoptés par les pays développés dont on connait les résultats tant au niveau économique et social qu’environnemental. Elle suppose une démarche d’innovation dans tous les domaines concernés de manière directe et indirecte ; au niveau du cadre institutionnel afin de mettre en place le cadre juridique et réglementaire le mieux adapté, dans les choix technologiques pour réduire les coûts d’investissement, dans les solutions de financement des projets de développement, dans les modes de management, dans le choix de solutions innovantes aux besoins sociaux les plus pressants, et dans le domaine académique pour une formation plus adaptée des managers et leaders africains de demain.

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Enfin, et sur la base d’une synthèse de la démarche d’innovation suggérée et d’un benchmark des réussites africaines, le Livre Blanc propose un cadre stratégique intégré et global pour l’accès à l’énergie et la maitrise énergétique spécifique aux pays africains. Ce cadre se base tout d’abord sur la mise en place d’une gouvernance nationale durable qui pose les jalons d’une société démocratique socle pour une économie de création de valeurs durables. Il s’appuie ensuite sur l’adoption au niveau national d’une vision énergétique ambitieuse basée sur l’utilisation optimale des sources d’énergies renouvelables disponibles ainsi que sur l’efficacité énergétique. Au niveau local, et afin de permettre un accès universel à l’énergie, le cadre propose d’accompagner les efforts de l’Etat par la mobilisation du secteur privé dans le cadre de sa responsabilité sociale et de la création de valeur partagée. Il préconise ainsi la mise en place de partenariats Entreprise-Communauté favorisant la co-construction avec les populations rurales et les populations les plus démunies de solutions innovantes d’accès à des énergies fiables et à bas coût. Au niveau régional, ce cadre préconise l’élaboration de partenariats élargis avec les pays limitrophes afin de mettre en place des projets énergétiques de grande envergure et de bénéficier des économies d’échelle. Enfin, au niveau international, et étant donné le coût d’investissement et l’impact attendu sur la planète des choix énergétiques adoptés, un tel positionnement stratégique ne pourra être réalisé sans le recours à des financements externes importants. La communauté financière internationale est ainsi interpellée afin de revoir et adapter la structure des mécanismes de financement existants, et delà faciliter aux pays africains la réalisation de leur ambition de prospérité partagée. Ce cadre stratégique serait incomplet s’il ne tenait pas compte de la dimension formation des leaders et managers de demain. La communauté académique est ainsi interpellée afin de se repositionner et pouvoir accompagner le nécessaire changement de paradigme qui sous-tend cette transformation énergétique.

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Enfin, et pour rendre ce cadre stratégique plus opérationnel et pratique, le Livre Blanc propose aux différentes parties prenantes 22 recommandations pouvant servir de feuille de route pour un modèle de développement durable et inclusif en Afrique ; un modèle de développement orienté croissance, réduction de la pauvreté et sobre en carbone.

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PARTIE I L’état des lieux africain : Des menaces … mais d’énormes opportunités

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I. L’ÉTAT DES LIEUX AFRICAIN : DES MAIS D’ÉNORMES OPPORTUNITÉS

MENACES

1. L’AFRIQUE NOUVELLE FRONTIÈRE DE LA CROISSANCE MONDIALE

La présence de ressources naturelles abondantes et d’un marché de consommation potentiel fait de l’Afrique un continent d’avenir et une nouvelle frontière de l’économie mondiale. Les pays développés, les pays émergents et les multinationales se positionnent aujourd’hui de manière agressive au niveau des différents pays africains afin d’accéder aux sources d’énergie, d’assurer leur sécurité alimentaire, voire même d’accéder aux grands marchés d’infrastructures ou à un marché de consommation prometteur. • Un secteur primaire fort L'Afrique est détentrice d'au moins la moitié de toutes les réserves mondiales de ressources minières. Au niveau des hydrocarbures, selon le rapport de PricewaterhouseCoopers [25], les réserves pétrolières avérées et inexploitées sur le continent sont estimées à environ 8% du total mondial, et ces réserves continuent d'augmenter au fur et à mesure des nouvelles découvertes. En 2013 seulement, six des 10 plus importantes découvertes mondiales par taille ont été faites en Afrique ! L'Afrique a également des réserves avérées de gaz naturel avec près de 70 ans de production de gaz naturel disponibles. Outre ces ressources minières et pétrolières, l'Afrique a traditionnellement axé son économie sur les exportations de matières premières agricoles dont les principales sont le coton, l'arachide, le cacao, le café, le bois et l'huile de palme. Selon la Banque africaine de développement [2a], les ressources naturelles et produits semitransformés ont constitué quelque 80 % des exportations de l’Afrique en 2011. De même, l’essentiel de l’investissement direct étranger (IDE) en Afrique a été consacré à des activités liées aux ressources naturelles [5].

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De plus, avec ses 3 milliards d’hectares dont seulement 200 millions exploités, l’Afrique dispose d’une réserve conséquente de terres arables n’existant nulle part ailleurs. L’Afrique a ainsi le potentiel de devenir le grenier du monde. A ce titre, elle commence déjà à attiser les convoitises des investisseurs étrangers qui y voient pour les uns (les investisseurs privés) une opportunité d’affaires stratégique et pour les autres (pays) un moyen pour contribuer à la sauvegarde de leur sécurité alimentaire nationale [11]. Au niveau des ressources énergétiques, l’Afrique possède toutes les qualités et le potentiel pour être une plateforme de production d’énergies renouvelables, qu’elles soient d’origine hydraulique, solaire ou éolienne. Le continent africain est en effet arrosé par de nombreux cours d'eau parmi lesquels le Nil, un des plus longs fleuves du monde, ainsi que le fleuve Congo considéré comme le deuxième plus puissant fleuve du monde et dont la capacité énergétique peut alimenter tout le continent. Le désert du Sahara, malgré la rigueur de son climat, peut également être vu comme une opportunité de développement d’avenir capable de produire une énergie techniquement accessible dans les régions désertiques proches de l’équateur. Au-delà du potentiel énergétique et des possibilités de production d’énergie à grande échelle pour les besoins industriels et domestiques, il serait intéressant à ce stade de soulever la question sociale de l’approvisionnement des communautés rurales en énergie et leur accès à l’eau potable. La question serait de voir comment profiter des flux d’investissements potentiels importants dans ce domaine pour généraliser l’accès à l’électricité et à l’eau potable et en faire profiter les communautés locales. • Les secteurs secondaire et tertiaire : Beaucoup d’informel mais un grand potentiel En Afrique, les secteurs secondaire et tertiaire sont en général peu développés et souvent mal structurés. Certaines activités telles que les télécommunications restent toutefois l’exception à la règle.

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En effet, le marché africain de la communication vocale à travers le mobile commence même à être saturé et les opérateurs du secteur lorgnent d’ores et déjà de nouveaux relais de croissance en explorant et testant de nouveaux services à la clientèle tels que les services financiers, l’e-commerce et l’internet à haut débit. Dans une Afrique en voie de développement, ces activités ne sont pas organisées en de véritables services de qualité et représentent des opportunités d’affaires importantes pour les multinationales et investisseurs étrangers dans un continent où beaucoup reste à faire, et où commence à surgir une classe moyenne représentant un marché solvable. Toutefois, et surtout au niveau des petits commerces et des services, l’informel reste plus adapté à la réalité africaine en termes de coût et de goût. Il compte pour 90% des nouveaux emplois sur le continent, et fait vivre environ 70% de la population [6]. L’informel tient ainsi une place majeure dans l’économie africaine. Décrié par certains gouvernements et encouragé par certaines institutions financières mondiales, l’informel est à la fois vu comme une opportunité et comme une menace pour l’économie africaine. En tout état de cause, une réalité s’impose au niveau de l’économie africaine : l’informel est là dans la durée. La question qui se pose alors est de voir comment créer une synergie et un lien durable entre un secteur formel nécessitant de grands investissements et un secteur informel employant une large partie de la population active et répondant d’une manière ou d’une autre aux besoins des populations. Le grand défi n’est pas autant de se substituer au secteur informel, mais beaucoup plus d’être dans une logique inclusive en renforçant les capacités des auto-entrepreneurs et en utilisant leur énergie afin qu’ils puissent venir en appui à la chaine de valeur ou d’approvisionnement des grandes entreprises. C’est là où se situe tout l’enjeu de l’innovation sociale, de l’entreprenariat social, inclusif et durable, ainsi que du commerce équitable que peuvent appuyer les entreprises multinationales en Afrique.

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• Croissance économique et PIB Malgré les turbulences traversées par l’économie mondiale, la croissance africaine a fait preuve d’une bonne résilience. Avec la reprise progressive de l’économie mondiale, l’Afrique, et plus particulièrement l’Afrique subsaharienne, a repris le rythme de progression de son PIB d’avant la crise financière de 2008-2009 avec une moyenne supérieure à 5%. En 2012, selon «les perspectives économiques mondiales» de la Banque mondiale [7], l’Afrique subsaharienne a connu un taux de croissance du PIB de 5,3%. Mieux encore, 6 pays africains figurent parmi le «Top Ten» des meilleurs taux de croissance du PIB au niveau mondial. Toutefois, cette situation s’explique beaucoup plus par la bonne tenue des cours des matières premières que par une réelle transformation industrielle des ressources africaines. L’enjeu pour l’Afrique aujourd’hui est de pouvoir passer d’une économie de rente vers une économie créatrice de valeur et génératrice de développement durable. • Emergence d’une classe moyenne et opportunités de consommation Cette décennie de croissance économique soutenue s’est traduite par une augmentation du produit intérieur brut par habitant et par un accroissement des revenus des ménages avec le développement progressif d’une classe moyenne. L’Afrique connait une poussée démographique importante. Alors qu’elle ne comptait, à la veille des indépendances, qu’environ 180 millions d’habitants, la population est passée à 1,2 milliards en 2016. Un doublement de cette population est attendu à l’horizon 2050 pour atteindre le seuil de 2 milliards d’habitants. Au sein de cette population, les classes moyennes seraient estimées aujourd’hui à plus de 300 millions, faisant ainsi du marché africain un marché de consommateurs prometteur et à fort potentiel cible de toutes les convoitises des entreprises multinationales exerçant au niveau du secteur de l’agro-alimentaire, de la grande distribution et des télécommunications.
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• Un besoin en infrastructures de base important L’Afrique accuse un énorme retard dans le domaine des infrastructures nécessaires à son développement. Les projets identifiés sont assez nombreux et touchent des domaines divers tels que les autoroutes, les barrages, les ports, les chemins de fer, et les connexions électriques. Les besoins en investissement sur les dix prochaines années sont estimés par la Banque Africaine de Développement (BAD) à environ 95 milliards de dollars. C’est dans ce cadre que la BAD a décidé d'établir le Fonds "Africa 50" afin de doter le continent africain d'un mécanisme de financement innovant permettant d'accroître la mobilisation des ressources à grande échelle et d'attirer des financements de sources variées provenant notamment des Etats, des institutions financières internationales et régionales, des fonds de pensions, des fonds souverains et du secteur privé pour accélérer la réalisation et résorber le déficit en projets d'infrastructures en Afrique. • Des investissements directs étrangers (IDE) en pleine expansion Les IDE vers l’Afrique ont connu une augmentation sensible ces dernières années [10]. La hausse des prix des produits de base et une situation macro-économique favorable en Afrique subsaharienne sont également parmi les raisons qui ont conduit à ce redressement. Outre les flux habituels des IDE vers les industries minières, l’apparition d’une classe moyenne favorise la croissance des IDE dans des secteurs de services tels que la distribution, les télécommunications, voire même les services financiers. C’est ainsi que, dans un contexte marqué par les nouveaux défis mondiaux liés à l’accès aux sources d’énergie, à la protection de l'environnement et de la sécurité alimentaire, les IDE en Afrique ont vu un bond en avant important depuis quelques années. Avec des ressources naturelles abondantes, des besoins en équipements importants et un marché de consommation en plein expansion, l’attractivité de l’Afrique n’est plus à démontrer.

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La question qui se pose à ce niveau est de savoir comment et sous quelles conditions les pays africains pourront profiter de manière durable de leurs richesses. Le développement durable et inclusif de l’Afrique dépendra de manière importante de la capacité des pays africains à pallier les risques sociaux, politiques et sécuritaires qui les menacent.

2. RISQUES ET FAIBLESSES DE L’AFRIQUE L’environnement économique de l’Afrique est en pleine croissance. Cependant, les pays africains n’ont pas su transformer cette croissance en création d’emplois suffisants ni en développement social satisfaisant ; le chômage et la pauvreté restent des points noirs inquiétants que l’Afrique doit absolument dépasser si elle veut se positionner en tant que vecteur futur de prospérité mondiale. De manière générale, le continent, malgré son fort potentiel, fait face à de nombreuses contraintes et risques qui freinent ou peuvent freiner cette croissance : Guerres et instabilités politiques, pauvreté et inégalités sociales, épidémies et faiblesse des systèmes éducatifs, manque de démocratie et corruption des élites politiques, surexploitation des ressources et faiblesse de la transformation locale, et enfin chômage et faiblesse de la culture entrepreneuriale. • Guerres et Risques d’instabilité politique Les risques sécuritaires en Afrique sont assez diversifiés. Ils englobent les insurrections, les conflits armés pour le contrôle des ressources, les conflits armés autour des questions d’identité et des frontières léguées par la colonisation, ainsi que les risques de plus en plus menaçants engendrés, entre autres, par la piraterie, le trafic de drogue, le trafic d’armes, l’extrémisme religieux et la criminalité organisée qui trouve dans les bidonvilles des grandes métropoles africaines un cadre naturel de développement. Ces risques sécuritaires engendrent une instabilité politique qui, après plus de cinquante ans d’indépendance, constitue le principal frein au décollage économique du continent africain.

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Les exemples sont nombreux et peuvent toucher tout aussi bien des pays que des régions entières. Une telle situation d’instabilité ne permet, en général, ni aux états d’investir dans les projets de développement ni aux investisseurs étrangers de venir participer à la mise en place d’une industrie de transformation locale, clé pour un décollage économique à fort impact. • Pauvreté et inégalités sociales Malgré les taux de croissance importants qu’ont connus les pays de la région subsaharienne, la pauvreté et le taux de chômage n’ont jamais été aussi alarmants. Selon le rapport sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) [23], «de solides progrès ont été faits en Afrique subsaharienne, mais la croissance démographique, les conflits et la diminution de l’aide rendent improbable la réalisation de nombreuses cibles des OMD d’ici 2015». Cette paupérisation croissante malgré la croissance constatée au niveau des pays subsahariens trouve son explication au niveau de l’impact des inégalités sociales sur la répartition des ressources. Les experts du PNUD affirment que non seulement les inégalités privent les pauvres des effets positifs de la croissance mais qu’elles nuisent aux efforts de réduction de la pauvreté et compromettent la croissance. Il est clair aujourd’hui que des indicateurs macro-économiques, tels que le taux de progression du PIB, utilisés pour décrire la situation des pays africains ne reflètent pas la réalité sociale du continent ni les conditions de pauvreté dans lesquels sont restés une majorité de citoyens africains. • Jeunesse et chômage Malgré une décennie caractérisée par de forts taux de croissance, les pays subsahariens connaissent d’importants taux de chômage, et plus particulièrement au sein de la jeunesse. Les causes principales sont liées essentiellement à la poussée démographique, la faible intensité en emplois du processus de croissance adopté, et le manque de création de valeur ajoutée au niveau de la transformation locale des ressources naturelles de la région.
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Environ 70% de la population africaine - la plus jeune au monde - a moins de 30 ans et le taux de chômage des jeunes est le double de celui des adultes. L’Organisation internationale du Travail (OIT), indique qu’en 2013, le monde comptait 75 millions de jeunes au chômage, dont 38 millions sont d’origine africaine. Aujourd’hui, le taux global du chômage en Afrique de l'Ouest dépasse 30%. Le rapport de la Banque mondiale «Youth and Employment in Africa : The Potential, The Problem, The Promise» [3] propose des pistes pour permettre aux jeunes l’accès à un emploi stable. Il affirme que «la création d’emplois viables pour les jeunes est une pré-condition de l’éradication de la pauvreté, du développement durable et de la paix en Afrique ; et dans des pays qui émergent de conflits, l’accès à l’emploi des jeunes est un élément intégral du processus de construction de la paix». Un autre défi qui vient s’ajouter à ce fléau est celui du chômage et du sous-emploi des diplômés. En effet, le rythme de croissance des économies africaines n’a malheureusement suivi ni le rythme démographique ni la capacité de l’enseignement supérieur à former les jeunes. Entre 1999 et 2009, « le nombre des diplômés en Afrique du nord et Afrique subsaharienne a plus que triplé, passant de 1,6 millions à 4,9 millions. Ils seront 9,6 millions en 2020, 13 millions en 2030» [3]. Un changement de paradigme au niveau de la stratégie de développement doit être entrepris rapidement, tant au niveau de la croissance économique en favorisant le passage d’une économie de rente à une économie de création de richesses, qu’au niveau de l’éducation en adaptant les formations universitaires aux besoins réels du marché de l’emploi, et en préparant les jeunes aux défis de l’entreprenariat et de la création d’entreprise.

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• Gouvernance, élite politique et société civile Après plus de cinquante années d’indépendance, les Etats africains, et malgré leur engagement dans des processus de démocratisation et d’élection dans les années 90, restent en majorité des régimes non démocratiques où les préceptes de l’Etat de droit ne sont pas respectés et où le pouvoir reste entre les mains d’une élite politique souvent à base ethnique. Dans son étude consacrée aux inégalités en Afrique, MILANOVIC avance que la “fragmentation” ethnique est source d’inégalités dans la mesure où elle engendre des tensions politiques entre groupes ethniques sur la distribution des ressources [17] [18] [19]. La Banque mondiale estime même que les inégalités en matière de pouvoir politique “débouchent sur la création d’institutions qui perpétuent les inégalités sur les plans du pouvoir politique, de la condition sociale et de la détention des richesses”. Dans un tel cadre, les inégalités économiques et sociales peuvent également alimenter l’instabilité politique. La société civile, en tant qu’espace d’épanouissement et d’expression des citoyens, ne peut se développer que dans un contexte plus ou moins démocratique. Ainsi, avec la démocratisation progressive du paysage politique et également l’impact de la mondialisation, on a assisté à l’émergence en Afrique d’acteurs qui se sont constitués progressivement comme des contrepouvoirs hors du cadre institutionnel : Les organisations de la société civile (OSC). Aujourd’hui, les OSC sont devenues des acteurs incontournables dans leur rôle de veille et de suivi des questions liées aux droits de l’homme, aux conditions de travail ainsi que celles liées au développement de l’Afrique. Dans beaucoup de cas, les bailleurs de fonds préfèrent même travailler directement avec des ONG spécialisées tout en évitant, pour des raisons d’efficacité et de transparence, les Etats.

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• Corruption et pouvoir Les experts dans le domaine du développement s’entendent tous à dire que la corruption constitue un des plus grands maux qui ronge l’Afrique et qui ralentit sa croissance. En empêchant l’établissement d’un environnement économique sain et transparent, la corruption réduit drastiquement les efforts de développement entrepris par les pays africains. Dans son rapport sur la corruption en Afrique, la Banque mondiale estime à entre 150 et 200 milliards le coût annuel d’un tel fléau, soit autour de 25 % du PIB du continent [4]. Aujourd’hui, la corruption est présente à tous les niveaux de la société africaine, et peut même être considérée comme faisant partie des us et coutumes de la population. Elle concerne de nombreux secteurs et se présente sous diverses formes parfois difficiles à détecter, ce qui rend la lutte anti-corruption encore plus ardue. Au-delà du manque à gagner de l’Etat en termes de recettes fiscales, parafiscales et douanières, et des détournements de fonds des financements internationaux, la corruption engendre une perte de crédibilité de l’Etat, des pertes financières liées au blocage de procédures de paiement d’entreprises, des pertes sociales, difficilement chiffrables, liées à la mauvaise prestation des services médicaux et éducatifs, et des pertes liées à la non-qualité des marchés de gré à gré. Selon la Banque mondiale, la corruption est ancrée dans l’économie politique africaine. Elle est même liée à l’exercice du pouvoir : Les élites au pouvoir dans des régimes à légitimité limitée considèrent ainsi la corruption uniquement en termes de fonctionnalité politique, et plus précisément comme un instrument de clientélisme pour maintenir et renforcer leur système de pouvoir politique. Dans la lutte contre la corruption, l’Etat joue un rôle déterminant. Les autres parties prenantes telles que les entreprises et les OSC peuvent également et sont même tenues de jouer leur rôle pour réduire l’impact négatif de la corruption.

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Les multinationales, dans le cadre des principes de l’OCDE, sont aujourd’hui sous haute surveillance et peuvent même être condamnées chez elles pour des actes de corruption commis à l’étranger. Toutefois, si rien n’est fait localement par les Etats africains pour endiguer ce fléau, d’autres entreprises des pays émergents, tels que la Chine et l’Inde, peuvent prendre la place des multinationales en termes de corruption en Afrique. • Surexploitation des richesses naturelles et catastrophes écologiques L’économie africaine dépend essentiellement des ressources naturelles. En l’absence de réglementation renforcée et à cause d’un certain laxisme des autorités africaines, les ressources naturelles ont fait l’objet d’une exploitation effrénée, voire même d’une surexploitation pour certaines d’entre elles. La surexploitation a tout aussi bien concerné les ressources halieutiques, forestières et faune sauvage que les terres agricoles et les ressources en eau. Les explications d’une telle situation sont à trouver tant dans les contraintes liées à une demande locale forte due aux besoins de croissance économique et à la pression démographique, qu’aux contraintes liées à la demande externe des pays développés et émergents qui se bousculent de plus en plus agressivement aux portes des pays africains afin de sécuriser leurs approvisionnements en énergie, matières premières et produits alimentaires. Dans son étude sur les risques de surexploitation auxquels est confronté le continent, la Banque africaine de développement souligne que l’Afrique est confrontée, au-delà des risques liés au réchauffement climatique, à la surexploitation de ses ressources naturelles renouvelables ainsi qu’à la dégradation des terres arables et des réserves d’eau [2a]. Concernant ses ressources naturelles, la déforestation a connu un rythme très inquiétant du essentiellement à la reconversion des terres pour les besoins agricoles, la coupe du bois ainsi que l’exploitation commerciale illégale ou mal contrôlée de la forêt. Plus de quatre millions d’hectares de forêts ont été perdus annuellement de 1990 à 2005, soit à une cadence trois fois plus rapide que la moyenne mondiale. 
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En Afrique de l’Ouest, le rythme de déforestation est le plus rapide avec 80% de la forêt humide déjà exploitée. Pour les écosystèmes marins, à cause des difficultés liées à l’implémentation d’une réglementation stricte pour la préservation des espèces de poisson ainsi qu’aux contraintes logistiques liées à la surveillance des côtes africaines, la majorité des stocks halieutiques se trouvent en état de surexploitation, que ce soit par le segment de pêche artisanal qui pêche le long du littoral ou par le segment industriel de pêche hauturière. De plus, certaines flottes battant pavillon étranger pêchent illégalement dans les eaux territoriales des pays africains sans que leur pays ait un quelconque accord de pêche avec ces pays africains. Au rythme actuel de prélèvement, les stocks halieutiques sont en danger d’effondrement d’ici à 2060. En ce qui concerne les terres arables, l'Afrique subsaharienne possède les sols les plus dégradés du monde, essentiellement à cause de l'érosion et de l'épuisement des minéraux, nutriments vitaux du sol. Les experts prévoient, avec l'augmentation de la poussée démographique, une accélération de ces dégradations induisant des baisses de rendement de 17 à 30% en 2020, voire 50% dans les 30 à 50 ans. Pour ce qui est des ressources en eau, environ 82% des terres africaines sont classées comme arides ou semi-arides. L’Afrique est considérée continent sec et ne possède que 9% des ressources mondiales en eaux renouvelables. En Afrique subsaharienne, étant donné la pression démographique et les modes de consommation d’eau (domestique, irrigation et industriel), le pompage d'eau et la consommation totale d'eau continueront à augmenter au moins jusqu'en 2025, mettant certains pays africains en condition de stress hydrique. Les prévisions à l’horizon 2055 montrent que le stress hydrique touchera 35% à 45% de la population africaine, soit environ 350 à 600 millions de personnes.

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Enfin et non des moindres, le réchauffement climatique pourrait s’avérer dévastateur pour le développement socio-économique de l’Afrique en augmentant encore plus les effets des catastrophes naturelles déjà existantes dans certains pays africains telles que la sécheresse, les inondations et les variations des précipitations. A cela pourrait s’ajouter l’élévation du niveau de la mer qui aurait des conséquences sociales, environnementales et économiques sur les zones littorales. Non seulement l’Afrique possède une faible empreinte carbone sur la planète, mais il est le continent le plus touché par l’effet du changement climatique. • Faible transformation locale des ressources et culture entrepreneuriale peu développée L’Afrique est un continent peu industrialisé. Les chiffres en disent long : l’Afrique représente 1% de la production manufacturée mondiale, alors que l’Asie contribue à hauteur de 25%. Avec son milliard d’habitants, l’Afrique compte environ 10 millions d’ouvriers, alors que la Chine, avec ses 1,3 milliard d’habitants, en possède quelque 85 millions. Selon la Banque Africaine de Développement, l’Afrique compte environ 65 millions de PME qui participent à un quart du PIB africain. L’enjeu, aujourd’hui, pour l’Afrique est de passer d’une économie de rente basée sur la production et l’exportation de ressources naturelles à l’état brut vers une économie de création de valeur basée sur la transformation et la valorisation des richesses locales. De manière générale, la création d’entreprise en Afrique relève du parcours du combattant. L’environnement africain des affaires n’est pas facile et se trouve fortement impacté par la corruption et le népotisme. Il se caractérise également par une lourdeur des procédures administratives, une difficulté d’accès aux services financiers nécessaires à la création et au développement de l’entreprise. Plus particulièrement, au niveau des jeunes africains, la création d’entreprise bute sur deux obstacles principaux : La faiblesse de la culture entrepreneuriale au sein de la société ainsi que l’inadéquation de la formation managériale des leaders de demain.

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3. POTENTIEL ÉNERGÉTIQUE AFRICAIN L’Afrique possède de nombreuses ressources énergétiques qu’elles soient fossiles et renouvelables. Parmi les ressources fossiles, figurent le pétrole brut, le gaz naturel et le charbon. Le continent détient 8% des réserves mondiales prouvées de pétrole et ces réserves continuent de croître au fur et à mesure des nouvelles découvertes. Toutefois, ces ressources sont réparties de façon inégale et ne concernent pas tous les pays africains. La majeure partie de la production africaine de pétrole est située en Libye, au Nigeria, en Algérie, en Angola et au Soudan, qui à eux seuls possèdent plus de 90 % des réserves du continent. L’Afrique du Sud fournit 98 % de la production totale de charbon en Afrique.

Hydropower generation and technical potential-1 Hydro generation in 2013 or most recent / average (GWh/yr)

Technically feasible hydropower potential (GWh/yr)

Ratio between hydro generation and technically feasible hydropower potential

North Africa

16.728

59.693

28 %

West Africa

19.445

101.492

19 %

Central Africa

14.614

570.730

3 %

East Africa

26.215

334.600

8 %

Southern Africa

44.896

415.857

11 %

121.898

1.482.372

8 %

Region

Total

(© IRENA. 2015)

Le continent africain est doté également d'un grand potentiel d'énergie renouvelable. Les sources d’énergie renouvelables varient en fonction des zones géographiques. Les ressources solaires sont abondantes partout, tandis que la biomasse et le potentiel hydroélectrique sont plus abondantes dans les régions centrales et méridionales plus humides et boisées.

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Les ressources éoliennes sont surtout importantes dans le nord, l'est, et le sud de l’Afrique, tandis que l'énergie géothermique est surtout concentrée le long de la vallée du Grand Rift. Les ressources renouvelables considérées ici comprennent l'hydroélectricité, l'énergie solaire, l'énergie éolienne, l'énergie géothermique et la biomasse. Wind generation installations during 2014 End 2013

New 2014

Total (End 2014)

Morocco

487

300

787

South Africa

10

560

570

Egypt

550

60

610

Tunisie

200

55

255

Ethiopie

171

0

171

Cabo Verde

24

0

24

Other

21

10

31

Total

1.463

985

2.448

Country

source Hydropower and Dams (2014) (© IRENA. 2015)

L'Afrique a des ressources hydroélectriques abondantes grâce à ces grands fleuves tels que le fleuve Congo, le Zambèze, le Niger et le Nil. On estime que près de 92% du potentiel techniquement réalisable n'a pas encore été mis au point [14]. Afrique Centrale a environ 40% des ressources hydroélectriques du continent, suivie par l’Afrique de l’Est et l’Afrique Australe, ayant chacun environ 28% et 23% respectivement.

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À la fin de 2014, il y avait 28 GW de capacité installée hydroélectrique en Afrique [14]. Cela fait de l'hydroélectricité, l'énergie renouvelable la plus importante déployée en Afrique. L'hydroélectricité est cependant dépendante d'un approvisionnement fiable en eau, et les périodes de sécheresse ont un effet néfaste sur la production des centrales hydroélectriques. Le caractère saisonnier et la variabilité annuelle des ressources hydrauliques doit être pris en compte lors de la planification et du dimensionnement de ce type de centrale. L'Afrique a une ressource solaire exceptionnelle qui peut être exploitée pour la production d'électricité et pour les applications thermiques. Les régions désertiques d'Afrique du Nord et dans certaines régions du Sud et de l'Est de l’Afrique bénéficient de longues journées ensoleillées avec une haute intensité d'irradiation. Les conditions sahéliennes et tropicales disposent également d'une irradiation solaire forte. L'énergie solaire peut être utilisée à différentes échelles, la rendant appropriée à la fois à des utilisations domestiques et industrielles. L’Afrique est également dotée d’un potentiel important en énergie éolienne. Le potentiel théorique de la ressource éolienne en Afrique dépasse de loin la demande, et environ 15% du potentiel est caractérisé comme une ressource de haute qualité. Cette énorme capacité n’est pas répartie uniformément: Est, Afrique du Nord et du Sud ont particulièrement excellentes ressources éoliennes.Parmi les pays ayant la plus haute qualité du vent figurent tous les pays d’Afrique du Nord; le Niger en Afrique de l'Ouest; le Tchad en Afrique centrale; Djibouti, l'Ethiopie, le Kenya, le Soudan, la Somalie, l'Ouganda, et la Tanzanie en Afrique orientale; et en Afrique australe le Lesotho, le Malawi, l’Afrique du Sud, et la Zambie. L'énergie géothermique est une ressource d'une importance capitale en Afrique de l’Est et australe. On estime que le continent dispose d'un potentiel de 15 GW, qui se trouve le long de la vallée du Rift, qui s’étend du Mozambique à Djibouti [14].

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En 2014 il y avait 606 MW de capacité géothermique installée en Afrique, dont 579 MW était au Kenya. La capacité du Kenya a plus que doublé en 2014, une indication de la rapidité de mise en œuvre de cette technologie dans ce pays. Le Kenya a une expérience de production et d'autres projets d'une capacité combinée de près de 3 GW ont déjà été identifiés. Certains sont également en cours de développement en Éthiopie et en Tanzanie et visent à accroître la capacité de production de ces pays de 640 MW en 2018. Selon le rapport de la Banque Africaine de développement [2b], la biomasse peut être convertie en utilisant différentes technologies pour fournir des formes plus pratiques de bioénergie. Elle offre des opportunités attrayantes pour fournir des services énergétiques modernes à faible coût et disponibles localement (électricité et production de chaleur grâce à la co-génération, production de biogaz à partir des déchets organiques, production de biocarburants liquides, etc.), et créer des emplois à travers le développement d’industries locales. En outre, la production et l’utilisation durable de la biomasse ont un potentiel non négligeable en matière de réduction des émissions de CO2 grâce à une technique de combustion combinant celle-ci avec un autre combustible fossile. Cependant, il est nécessaire de relever les défis sociaux et environnementaux liés à la production de bioénergie. Bien qu’il existe des inquiétudes concernant le développement des biocarburants liquides, l’Afrique possède un grand potentiel pour leur production. Les biocarburants liquides peuvent être une solution de rechange pour répondre aux besoins croissants du secteur des transports. Plusieurs pays dont l’Afrique du Sud, le Kenya, le Mozambique et la Zambie, envisagent d’augmenter leur production de biocarburants dans les années à venir. On signalera enfin que l’utilisation des énergies renouvelables dans la production de l’électricité en Afrique s’élève aujourd’hui à près de 18%, dont 15% provient des centrales hydroélectriques. La grande majorité (82%) de l’électricité produite est fournie par des centrales thermiques : 42 % pour le charbon, 28 % pour le gaz, et 12% pour le pétrole.

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4. DÉFICITS ÉNERGÉTIQUES AFRICAINS En dépit du potentiel énergétique important et d’une croissance économique soutenue depuis le début de ce siècle, l’Afrique connait encore des déficits énormes tant au niveau de l’accès à l’électricité industrielle qu’au niveau de l’accès à l’électricité domestique. Cette situation, qui plombe le développement socio-économique des pays africains, trouve son explication, entre autres, dans la mauvaise gouvernance des services publics, l’inadaptation du cadre juridique et réglementaire du secteur de l’énergie, la faiblesse de l’intégration régionale et la faiblesse des financements publics et privés. • Déficits énergétiques industriel et domestiques Comme cela est cité par Africa Progress Panel [1], la région subsaharienne possède une puissance électrique installée de 90 GW dont la moitié est située dans un seul pays, l’Afrique du Sud. A titre indicatif, un pays comme la France, à lui seul, en possède près de 130 GW. A la faiblesse de capacité des installations énergétiques s’ajoutent d’autres facteurs tels que les choix technologiques, la gestion des approvisionnements, la demande croissante, pour engendrer un service cher et peu fiable ; Les coupures et les pénuries d’électricité en Afrique ont un coût d’opportunité annuel qui se situe entre 2 et 4 % du PIB. La consommation moyenne d’électricité per capita en Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, est très faible et s’élève à 162 KWh, loin de la consommation moyenne mondiale qui est de 7 000 KWh. Ce déficit énergétique se traduit au niveau social par des statistiques encore plus alarmantes relatives au nombre de personnes en Afrique qui n’ont pas accès à l’électricité : 621 millions en 2015, soit 2 personnes sur 3. Il est également perceptible à travers les chiffres concernant l’accès aux installations de cuisson nonpolluantes : 4 personnes sur 5 utilisent du bois de chauffe et du charbon de bois pour leur cuisson quotidienne. Cette situation entraine annuellement la mort de près de 600 000 subsahariens dont la moitié sont des enfants de moins de cinq ans [1].
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Au rythme actuel des investissements, il serait difficile pour l’Afrique d’être au rendez-vous de l’accès universel à l’électricité planifié par les Nations Unies pour 2030. En effet et afin de combler ce retard, l’Afrique doit mobiliser près de 63 milliards de dollars annuellement jusqu’à l’horizon 2030. Sachant que seuls 8 milliards de dollars en moyenne ont été dépensées annuellement dans ce sens, un investissement de 55 milliards de dollars resterait à mobiliser par an pour atteindre les objectifs de croissance économique et de développement humain de l’Afrique. • Des services publics faibles Les opérateurs publics du secteur de l’électricité en Afrique sont généralement connus par leur mauvaise performance tant au niveau managérial et commercial que technique. La mauvaise gestion et la corruption ont entraîné la détérioration des services et des installations : Faible fiabilité des prestations, coût élevé, faible qualité des services et couverture géographique peu étendue sont autant de maux qui caractérisent les services publics africains. A cela s’est ajoutée la modestie du pouvoir d’achat de la plupart des ménages africains, dont une grosse partie se situe en milieu rural, ce qui ne permet pas une extension des services basée exclusivement sur les revenus des ventes. «Satisfaire les besoins énergétiques des populations à faibles revenus nécessite de trouver un équilibre entre l’approche traditionnelle fondée sur l’offre et une approche tirée par la demande» [1]. Une attention particulière doit être accordée aux besoins des utilisateurs du bas de la pyramide et à leur capacité à payer pour les services fournis. Malgré la volonté de certaines compagnies publiques d’améliorer leur image et de donner au citoyen et aux opérateurs économiques un service de qualité, les compagnies publiques sont restées et restent prisonnières d’un cadre juridique et réglementaire inapproprié et dépassé.

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• Un cadre juridique et réglementaire inapproprié En fait, le secteur de l’électricité en Afrique a, depuis les années soixante, fonctionné selon un modèle d’affaires hérité de la colonisation et qui se trouve aujourd’hui complètement dépassé. Il est même au cœur de l’échec de marché que connait le secteur de l’électricité en Afrique. C’est un modèle d’affaires où le rôle de l’Etat est primordial : le secteur de l’électricité en Afrique est sous la tutelle et le contrôle de l’Etat. Ces conditions, si elles étaient justifiées à une certaine époque, mettent aujourd’hui le secteur et les compagnies publiques dans un cercle vicieux de contre-performance : D’un côté, l’Etat se doit d’élargir les services d’accès universel à des coûts abordables aux plus démunis, et de l’autre l’Etat demande aux entreprises publiques d’être performantes. De manière générale, les principaux points qui entravent la bonne performance de ce type de modèle d’affaires sont : - Au niveau de la gouvernance : L’Etat est à la fois stratège, régulateur et actionnaire. Les entreprises publiques sont ainsi sous la pression du politique. Les mauvaises performances sont souvent expliquées par le volet social pris en charge par l’opérateur public. En termes de reddition des comptes, ce manque d’autonomie ne permet pas de responsabiliser les entreprises publiques par rapport à leur contre-performance managériale. - Au niveau du financement : Les entreprises publiques dépendent des fonds étatiques pour financer leurs investissements. Pour des raisons d’arbitrage entre divers secteurs sociaux, l’Etat a souvent été obligé de budgétiser des montants faibles et en tous les cas en-deçà des budgets nécessaires à la maintenance et à la modernisation des installations électriques. Ceci a bien évidemment un impact direct sur les coûts de service aux citoyens et opérateurs privés.

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- Au niveau du marché : Avec un statut de monopole, et en l’absence de concurrence, les entreprises publiques n’ont aucune raison ni d’améliorer les services ni de réduire les coûts des prestations. En plus de ces explications, et dans un contexte d’absence de reddition de compte, s’ajoute le phénomène de corruption qui mine la performance des compagnies publiques. De nombreux pays africains, sous l’impulsion des banques de développement multilatérales, ont engagé des réformes pour améliorer la performance du secteur et assurer un meilleur approvisionnement en électricité. Toutefois, et sans une forte volonté politique de toucher au cœur même du problème, l’impact de ces réformes est resté et restera faible et marginal. L’échec de marché que connait le secteur de l’électricité en Afrique nécessite un réel changement de paradigme pour la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire approprié et efficace qui définisse clairement le système de gouvernance, le rôle des parties prenantes y compris celui de l’Etat et du secteur privé, ainsi que le système de régulation. C’est à cette condition seulement que l’Afrique pourra assurer un développement économique soutenu et inclusif avec un accès universel à l’énergie à ses populations et des services de qualité aux opérateurs économiques. • Faiblesse de capacité et de performance des réseaux de transport et de distribution d’énergie La performance du secteur de l’énergie en termes d’élargissement de marché, de fiabilité des services et coût des services est également limitée par la faiblesse de capacité et de performance des réseaux de transport et de distribution d’énergie existants. Cette contrainte limite également les possibilités d’interconnexion régionale.

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• Faiblesse de l’intégration régionale L’Afrique possède des ressources énergétiques importantes. Toutefois, prises pays par pays, ces ressources sont inégalement réparties et les marchés nationaux de l’énergie restent de petite taille(…). L’intégration régionale est un facteur clé de réussite pour l’Afrique afin réussir son pari d’accès universel à l’énergie. Toutefois, la disparité des cadres juridiques et réglementaires entrave sérieusement cette intégration régionale et la capacité des pays africains à exploiter en commun les ressources disponibles, à générer des économies d’échelle, et à mettre en place des marchés d’énergie efficaces. • L’efficacité énergétique comme source d’énergie supplémentaire Au-delà des investissements au niveau des installations de production et de transport, l’efficacité énergétique constitue un outil important pour atteindre les objectifs de maîtrise énergétique en Afrique. En effet, près de 30 à 40% d’économie d’énergie peut être réalisée toute en utilisant la même technologie et les mêmes installations disponibles aujourd’hui [2b]. L’efficacité énergétique peut non seulement réduire les besoins en investissement, mais également créer une valeur durable en améliorant la compétitivité, en réduisant l’impact environnemental négatif et en réduisant les factures énergétiques des consommateurs existants. • Faiblesse des financements nationaux Comme cela a été expliqué auparavant, les gouvernements africains sont souvent la seule source d’investissement en infrastructures et installations énergétiques. Le niveau d’investissement actuel en Afrique reste faible et ne suffit pas au développement d’un secteur fort base pour un marché énergétique efficace. Les gouvernements africains n’assurent que près de 12% des besoins en investissement ; le reste soit près de 55 milliards de dollars par an doit être pris en charge par d’autres sources.

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Le secteur privé et la coopération internationale peuvent jouer un rôle important pour combler ce déficit. Toutefois, le contexte économique défavorable, les conditions d’intervention, la définition des responsabilités des parties et autres difficultés ont contribué à la faiblesse des investissements. Au-delà de sa participation à combler le déficit, le secteur privé pourrait également contribuer à la mise en place d’un marché plus concurrentiel, à la réduction des coûts d’exploitation des installations avec un apport en expertise technologique et de gestion. Aujourd’hui, la participation du secteur privé dans le secteur de l’énergie en Afrique est entravée par des obstacles multiples tels que les risques financiers (coût élevé des projets d’équipement, absence de garantie de l’Etat, aléas liés au recouvrement, …), les risques politiques (instabilité politique, conflits, …), et les risques de gouvernance du secteur (faiblesse des institutions, régulation inadéquate, …). Dans ce contexte, et en l’absence de transparence, les quelques expériences d’intervention du privé dans le secteur énergétique ont eu des bilans mitigés et ont été réalisées le plus souvent au détriment des intérêts nationaux des pays africains. Il est clair, aujourd’hui, que l’atteinte des objectifs d’accès universel et de renforcement des capacités énergétiques industrielles passent obligatoirement par la mise en place d’un environnement d’affaires propice, la réforme du champ réglementaire et la proposition de mesures incitatives à même d’attirer et faire participer le secteur privé dans un contexte gagnant-gagnant. • Les fonds de coopération internationale sont disponibles mais insuffisants par rapport aux enjeux Au niveau de la coopération internationale, différentes conventions internationales, dont celle d’Addis Abeba (2015) sur le financement du développement durable en Afrique, ont débouché sur le lancement de plusieurs programmes de financement destinés aux chantiers environnementaux qui comprennent aussi bien des actions pour le climat que d’autres pour l’accès à l’énergie et la maitrise énergétique.

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Aujourd’hui, plusieurs programmes de financement ont vu le jour et ont tous pour objectif commun de soutenir les dirigeants africains à négocier les partenariats et débloquer les financements nécessaires au droit à l’énergie durable. L’Afrique a son lot de programmes de financement internationaux qui lui sont dédiés et d’autres dont elle bénéficie aux côtés d’autres continents. Cependant, ces financements restent encore faibles en comparaison avec les besoins identifiés. L’ONU a lancé en juillet 2012 le programme SE4ALL (Sustainable Energy for All) qui depuis, a pour objectif de tripler les fonds actuels de 400 millions $/an à horizon de 2030. Ce programme inclut 108 pays en voie de développement et aspire à garantir le droit universel à l’énergie durable. 25 pays africains ont adhéré depuis 2015 à ce programme dont la coordination est assurée par le département de l’énergie de la Banque Africaine de Développement (BAD). Plusieurs projets ont vu le jour en Afrique par le biais des financements débloqués à travers ce programme ; notamment l’électrification d’un million de personnes au Kenya et en Tanzanie qui s’est faite grâce au financement de petits projets de production d’énergie verte, par la Grande Bretagne. Un autre programme, lancé en 2013 par le gouvernement américain à travers son agence de coopération internationale (USAID), est lui exclusivement destiné à l’Afrique, et s’intitule Power Africa. Ce programme a pour objectif de générer 60 millions de nouvelles connections électriques et 30.000 MW d’énergies renouvelables dans 26 pays africains. Power Africa inclut des actions à plusieurs niveaux telles que l’assistance et la levée de fonds pour des projets de grande envergure mais également les actions de formation de jeunes leaders africains en vue de les inciter à la contribution au développement durable de leurs pays. Un partenariat entre la Banque Mondiale, la Banque Africaine de développement, European Bank, International Development Bank et Asian Development Bank a permis en outre, de créer le Climate Investment Funds (CIF) qui a donné naissance entre autres à Scalling Up Renewable Energy Program (SREP). SREP a été initié en 2008 et !32


dispose à fin 2015 de 265 millions de dollars de fonds pour prendre en charge le déploiement de solutions d’énergie propre pour accroitre l'accès à l'énergie notamment en Afrique. SREP emploie une approche pragmatique qui vise un développement en partenariat avec la politique énergétique du pays en question et les initiatives existantes en matière de projets énergétiques. SREP veille également à promouvoir les dits projets et initiatives auprès d'investisseurs d’horizons divers. Plusieurs autres programmes de financement sont accessibles aux pays africains, notamment : Africa Renewable Energy Fund qui dispose de 100 millions de dollars pour des projets énergétiques de 5 à 50 MW, Energies pour l’Afrique qui ambitionne de lever 9.5 milliards de dollars pour financer l’objectif des 600 millions de connections à horizon 2025 en Afrique… D’autres types de financements relevant du secteur privé se penchent également sur la mobilisation de fonds pour l’efficacité énergétique en entreprises, via des lignes de financement vert. Ces lignes de crédit sont alimentées par des fonds provenant d’agences de coopération internationales et mises à la disposition des banques pour le financement des entreprises qui veulent investir dans les énergies renouvelables ou dans l’amélioration de l’efficacité énergétique de leur appareil de production. C’est le cas de la banque KfW, banque de développement allemande, qui octroie des lignes de crédit spécifiques aux porteurs de projets du secteur de production d’énergies propres et d’efficacité énergétique dans plusieurs pays d’Afrique. Un budget dépassant les 2 milliards d’euros a été mis à disposition en Afrique en 2015. Ce genre de programme a permis aux banques commerciales dans plusieurs pays -notamment au Maroc par exemple- de lancer des lignes de crédit et/ou leasing en vue de promouvoir des projets d’efficacité énergétique ou d’installation de technologies d’énergie renouvelable à petite échelle.

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C’est le cas du programme MorSEFF (Morocco Sustainable Energy Financing Facility) qui est doté d’un fonds de 80 millions d’euros, pourvu par la BERD, la Banque allemande de développement (KfW), la Banque européenne d'investissement (BEI) et l'Agence française de développement (AFD). A ce jour, près de 75% des fonds engagés sont gérés par BMCE Bank of Africa, le reste a été mis à la disposition du Groupe Banque Populaire du Maroc.Fortes du succès de cette initiative financée par des agences de coopération internationales, les banques marocaines se sentent maintenant prêtes à mettre en place une ligne de financement d’un milliard de dirhams (près de 92 millions d’euros) dédiée aux projets à fort impact environnemental tels que les projets d’efficacité énergétique, de gestion de l’eau et de valorisation des déchets. La levée des fonds se fera à travers l’émission d’obligations environnementales : Les «green bonds». D’ores et déjà, la BMCE Bank of Africa s’est engagée à lever 50% de cette ligne de financement vert. Il existe d’autres modèles de financement tels que le modèle Akon Lighting Africa qui vise les PPP. Il s’agit d’un programme qui a pu mettre en place un écosystème africain et a pu générer 1 milliard de dollars de lignes de crédit accordées dans 15 pays et a pu en faire bénéficier 480 localités avec cent milles lampadaires et 1200 miniréseaux solaires installés. Ce programme a pu inciter les populations des localités bénéficiaires à investir environ 75 000 dollars en moyenne par village et a permis de créer 5 500 emplois indirects. Enfin, dans le cadre de l’encouragement de l’entreprenariat, le modèle CIC, Climate Innovation Center, est l’exemple d’initiatives (issues d’Info Dev de la banque mondiale) qui visent le financement de projets énergétiques à travers des programmes portés par des incubateurs et des clusters spécialisés dans les énergies renouvelables. Ce type de programme favorise la création d’incubateurs et clusters métiers en vue de financer la création de micro-projets qui ont une dimension de développement de l’entreprenariat vert.
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De manière générale, de nombreux fonds de la coopération internationale ont été mobilisés pour le financement des projets d’accès universel à l’énergie et d’efficacité énergétique. La question est de savoir si ces fonds sont suffisants pour couvrir les besoins estimés à 55 milliards de dollars par an pour l’électrification verte de l’Afrique ? Il est clair aujourd’hui que, malgré leur importance, les fonds mis à la disposition des pays africains restent largement en-deçà des besoins. Quel changement de paradigme est-il nécessaire d’opérer et quelles conditions sont-elles à mettre en place pour permettre à l’Afrique d’arriver aux objectifs d’accès universel à l’énergie et de développement durable à l’horizon 2030 ?

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5. BENCHMARK AFRICAIN : QUELQUES SUCCESS STORIES Il existe en Afrique quelques exemples de pays qui ont pris le leadership en termes de maitrise énergétique en adoptant une vision et une stratégie nationales volontaristes basées sur l’utilisation optimale des énergies renouvelables potentiellement exploitables et en favorisant l’environnement d’investissement. On citera pour les besoins du présent Livre Blanc et sans prétention d’exhaustivité le cas du Maroc et du Kenya. CAS DU MAROC : Dans le but de renforcer son indépendance énergétique et d’accompagner son ambitieuse stratégie industrielle, le Maroc a mis en place en 2010 une vision pour le secteur de l’énergie destinée à intensifier la part des énergies renouvelables dans son bouquet énergétique. En effet, le royaume importe près de 96% de son énergie sous forme fossile, pour une facture de plus de 8 milliards de dollars par an. De plus, les besoins industriels et domestiques, qui ont augmenté de 7% par an au cours de la dernière décennie, mettent une pression importante sur l’opérateur historique, l’Office National de l’électricité et de l’Eau Potable (ONEE). En 2010, cette nouvelle politique énergétique prévoyait la mise en place, à l’horizon 2020, d’une capacité de 2000 MW d'origine solaire, 2000 MW d’origine éolienne et 2000 MW d’origine hydraulique, portant ainsi à 42% l’objectif de production électrique à partir de sources renouvelables. L’ensemble du programme a été estimé à plus de 13 milliards de dollars. Le programme devrait générer plus de 11 millions de KWh d’électricité par an et réduire les émissions annuelles de CO2 du pays de pas moins de 9 millions de tonnes. L’ambition du Maroc a encore été revue à la hausse suite à l’annonce par le Roi Mohammed VI de la volonté de porter l’objectif fixé pour la part des énergies renouvelables à 52% d'ici 2030, lors de la Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques qui s'est tenue à Paris fin 2015.

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100 %

Le Bouquet énergétique du Maroc à l’horizon 2030 15.946 MW 20.070 MW 24.800 MW 8 129 MW

75 %

50 % Hydro-électrique Solaire Eolienne Fuel Gaz naturel Charbon

25 %

0 %

2015

2020

2025

2030

• Le programme solaire Noor Le Maroc a donné le coup d’envoi à son plan solaire Noor avec la mise en place de son premier programme à grande échelle qui est Noor Ouarzazate, un programme de production solaire multi technologique composé de 4 centrales solaires et d’une plateforme de recherche et développement qui s’étend sur 150 hectares. Le site de Noor Ouarzazate est le plus grand site solaire au monde ; il s’étale sur 3000 hectares et devrait à terme produire 580 MW. MASEN, l’agence marocaine responsable de ce programme, a lancé en 2013 les travaux de la centrale Noor 1 d’une capacité de production de 160 MW en adoptant la technologie CSP Cylindro-Parabolique.

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Pour cette première réalisation, elle a pu mobiliser un financement concessionnel de 895 millions de dollars auprès de plusieurs bailleurs de fonds notamment : l’Agence Française de Développement, la Banque Africaine de Développement, la Banque Européenne d’Investissement, la Banque Mondiale, Clean Technologie Fund, KfW et l’Union Européenne. Cette centrale a été mise en service fin 2015 avec un tarif d’achat garanti (feed-in tariff) de 189 $/MWh. Pour la centrale Noor 2 d’une capacité de 200 MW toujours avec la technologie CSP Cylindro-parabolique, Masen a pu mobiliser 1100 millions de dollars auprès des mêmes bailleurs de fonds pour donner le coup d’envoi des travaux en 2015. La centrale Noor 3, quant à elle, utilisera la technologie CSP-Tour et aura une capacité de 150 MW, ses travaux de construction ont également démarré en 2015 après la mobilisation de 813 millions de dollars. Ces 2 centrales solaires devraient être mises en service en 2017 avec des feed-in tariff respectifs de 140 $/MWh et 150 $/MWh. La quatrième centrale, Noor 4, sera dotée de la technologie photovoltaïque pour une capacité de 75 MW. Les travaux de cette centrale devraient débuter en 2017. Au-delà du Plan Noor, le Maroc a pu obtenir des financements pour d’autres projets ; le Climate Investment Fund (CIF) a accepté de mobiliser 150 millions de dollars en vue de favoriser la pénétration des énergies renouvelables au Maroc, en mettant l'accent sur l'énergie éolienne et hydraulique. En parallèle, le Maroc a mis en place un cadre institutionnalisé sous forme de Clusters et incubateurs pour favoriser le financement des projets et startups basés sur les technologies vertes. Parmi ces initiatives, le Cluster Solaire qui est une association des acteurs du secteur solaire au Maroc créée au lendemain du coup d’envoi du Plan Solaire Noor, et qui a pour mission principale d’encourager un entreprenariat innovant en matière de technologies vertes.

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L’ambition avouée des responsables de MASEN est de diffuser la culture de l’innovation et de l’entreprenariat à tous les niveaux de la chaine de valeur des technologies vertes. Le Cluster Solaire a pu ainsi se doter des financements nécessaires -à travers le CIC Morocco, la GIZ et la Banque Mondiale- et a pu lancer plusieurs programmes dont le Green Business Incubator et le Green Business Booster. Ces programmes offrent, au-delà de l’accompagnement scientifique, technique et managérial, des financements pouvant aller jusqu’à 50% des besoins en financement des porteurs de projets. • Rôle de MASEN et processus d’appel d’offres MASEN, en tant qu’outil opérationnel de l’Etat pour la mise en œuvre des programmes intégrés d’énergie renouvelable, a la responsabilité de lancer le processus d’appels d’offres pour la désignation de la compagnie adjudicataire, le développeur. Ce dernier met en place la Société dédiée au projet (SP) qui signe un contrat BOOT (Build, Own, Operate and Transfer) de 25 ans avec MASEN. Cette dernière s’engage ainsi à acheter pendant 25 ans l’électricité produite au prix convenu suite à l’appel d’offres garantie de tarifs d’achat. MASEN vend ensuite l'électricité à l’ONEE à travers un deuxième contrat au prix du marché et récupère la différence de coût du budget de l'Etat marocain. Un accord d'interconnexion doit être établi entre la SP et l’ONEE pour le transport de l'électricité produite au réseau. Tout au long du processus d'appel d'offres, MASEN engage plusieurs actions de gestion des risques afin de réduire la prime de risque, d'atténuer les risques liés aux contraintes non financières et de réduire le coût des projets au Maroc : - Etude d’impact socio-économique et environnemental et études de préfaisabilité ; - Négociation des conditions et coûts de raccordement au réseau avec l’ONEE ;

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- Gestion et investissement dans le développement des infrastructures du site choisi pour le projet : routes, eau, télécommunications, et réseau entre autres. Il est important de noter que MASEN intervient également afin de réduire le risque du projet et d’améliorer sa bancabilité ; MASEN fait en sorte que le projet gagnant ait accès au financement à faible coût par le biais des institutions financières internationales. MASEN investit également directement dans le projet, par le biais d'un partenariat public-privé (PPP) au travers duquel MASEN prend 25% du capital alors que les autres 75% vont aux partenaires privés, à savoir le consortium développeur. Finalement, l’intégration locale, qui est un volet important dans le développement industriel national, fait partie des objectifs de MASEN. Alors que l’appel d’offres de Noor 1 avait fixé un seuil minimal d’intégration locale de 30%, le consortium de construction a réussi à atteindre un taux de participation des entreprises marocaines dans le projet de 32%. Le seuil minimal d’intégration locale a été augmenté à 35% pour Noor 2 et 3. • Accès universel : Programme d’électrification rural global (PERG) Le Maroc a lancé dès 1994 (année de la première libéralisation du secteur) le PERG afin de permettre de généraliser l’accès à l’énergie aux populations rurales, pour lesquelles le taux d’électrification n’atteignait que 18%. Le PERG a été conçu comme un programme sur le long terme qui a cherché à privilégier la cohérence et l’optimisation des coûts. C’est aussi un programme itératif, associant toutes les techniques de production électrique afin d’en faire bénéficier le maximum de foyers. Il est important de signaler que le PERG a adopté d’une approche totalement participative, associant les communes, les citoyens et les moyens de l’Etat, afin que la perception d’appropriation soit totale. !40


En 2011, le PERG a permis : - De faire passer le taux d’électrification de 18 à 98 % en 17 ans. - D’électrifier 35 600 villages par raccordement au réseau interconnecté, et 5 600 villages par l’électrification rurale décentralisée à l’aide d’équipements photovoltaïques, soit pour environ 12 millions de marocains. - De créer environ 100 000 emplois. • Cadre juridique et réglementaire Le succès du lancement de la première phase de la stratégie énergétique a été largement dû à une réforme institutionnelle courageuse dont les principales composantes sont d’ordre juridique et réglementaire. Il est très pertinent de relever que le dispositif législatif et réglementaire institué par le Maroc est constitué par des outils complémentaires qui convergent tous vers un objectif clair, la mise en place aux plans national et régional, d’une stratégie énergétique capable de garantir l’indépendance du pays, de permettre l’exportation de l’énergie produite et d’assurer une coopération efficace dans ce domaine. L’année 1994 a été celle de la libéralisation du secteur au Maroc par appel à la concurrence pour la production par toute entreprise privée, d’une énergie électrique d’une puissance supérieure à 10 MW. De ce fait, l’Office National de l’Électricité (aujourd’hui, Office National de l’Électricité et de l’Eau) perd le monopole de la production électrique qui lui a été conféré par la loi du 05 août 1963. En 2008, le seuil d’auto-production de 10 MW est porté à 50 MW, sous réserve de revendre le surplus à l’O.N.E.E.L’année 2010 a été celle d’une intense production législative qui a permis au Maroc de se doter d’un cadre institutionnel moderne pour le développement du secteur énergétique, dont les principaux textes sont donnés en encadré. Le premier outil législatif adopté (Loi 13.09) constitue une sorte de base juridique sur laquelle les différents concepts seront installés.

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En marge de cet arsenal législatif et règlementaire spécifiquement dédié à la nouvelle stratégie énergétique, d’autres dispositions légales pourraient être considérées comme un appui pour les investisseurs car elles améliorent considérablement l’environnement légal dans lequel ils auraient à intervenir. C’est le cas, notamment, des textes de loi complémentaires donnés en encadré, et qui concernent la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, la loi relative au partenariat public privé, et la loi relative à la lutte contre la corruption.

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Cadre législatif et réglementaire pour le secteur de l’énergie • Loi n° 13-09 du 11 février 2010 relative aux énergies renouvelables Cette loi renforce le principe de l’accès généralisé à l’énergie à des prix compétitifs et le développement durable par la promotion des énergies renouvelables. Elle encourage, par ailleurs, l’initiative privée dans le domaine de la production de l’énergie. Il pourrait à présent être dérogé au monopole de l’Office National de l’Électricité et de l’Eau (loi du 05 août 1963 toujours en vigueur) en présence d’un projet innovant après autorisation des autorités compétentes. Cette libéralisation dans le domaine de l’énergie est la condition essentielle d’une dynamisation du secteur afin de le rendre compétitif et permettre des opérations d’exportation d’électricité. Cette loi a été complétée par la loi n° 58-15 du 27 octobre 2015 afin de prendre en considération les évolutions d’ordre technologique survenues depuis les cinq dernières années. Elle relève les seuils de production pour les puissances installées de source hydraulique de 12 à 30 MW et ouvre le marché électrique de sources renouvelables de la basse tension. • Loi n° 57-09 du 18 mars 2010 portant la création de la société «Moroccan agency for solar energy» - MASEN MASEN est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le capital est détenu majoritairement par l’État lui permettant d’opérer avec la rapidité et la souplesse nécessaires tout en permettant un contrôle efficace. Elle a pour objet, selon les dispositions de l’article 2 de la loi et ses statuts «de réaliser, dans le cadre d'une convention conclue avec l'Etat un programme de développement de projets intégrés de production d'électricité à partir d'énergie solaire, d'une capacité totale minimale de 2000 MW». En 2016, les prérogatives de MASEN ont été étendues à toutes les énergies renouvelables. MASEN peut être considéré comme l’outil opérationnel de l’État dans le domaine des énergies renouvelables. Loi n° 16-09 du 18 mars 2010 instituant l’agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE) Mis sous la tutelle de l’État mais doté d’une autonomie financière, cet organisme doit assurer le rôle essentiel d’accompagnement dans les projets liés à l’efficacité énergétique et le développement d’énergies renouvelables. • Loi n° 47-09 du 06 novembre 2015 sur l’efficacité énergétique L’intitulé exact de cette loi est très révélateur. Il s’agit de la «loi sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment». Cette priorité est déclinée dès le préambule de la loi dont voici un extrait. «La dynamique de développement du Maroc mise en évidence par les grands chantiers achevés ou en cours de réalisation dans tous les secteurs économiques et sociaux, notamment en matière d’infrastructures portuaires et aéroportuaires, d’autoroutes, d’industrie, d’agriculture, de tourisme, de création de nouvelles villes, entraîne une croissance soutenue de la demande énergétique qui ne pourra être satisfaite que par le renforcement de l’offre et la maîtrise de la consommation d’énergie. L’efficacité énergétique est considérée aujourd’hui comme une quatrième énergie après les énergies fossiles, les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire». La loi n° 47-09 insiste sur la nécessité d’une gestion optimale des ressources énergétiques grâce à la maîtrise des choix technologiques. • Loi n° 48-15 relative à la régulation du secteur de l’électricité Mise en place de l’Autorité Nationale de la Régulation de l’Électricité (ANRE). Personne morale de droit public dotée de l’autonomie financière, elle jouit d’une certaine indépendance ce qui lui confère crédibilité et légitimité auprès des investisseurs privés. Ses prérogatives couvrent le respect de la réglementation, ainsi que la fixation des tarifs et des conditions d’accès au réseau électrique et aux interconnexions. • La société d’investissements énergétiques Créée en 2010, cette société est le «bras financier» de l’État dans tout projet lié à l’efficacité énergétique. Dotée d’un capital de 1 milliards de dirhams (environ 92 millions d’euros), elle devrait permettre d’élaborer des leviers financiers adaptés et diversifiés.

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Cadre législatif et réglementaire complémentaire • Loi n° 104-12 du 30 juin 2014, relative à la liberté des prix et de la concurrence Ses dispositions confirment la volonté des décideurs marocains de placer la détermination des prix des biens et services dans le libre jeu de la concurrence. Sont ainsi prohibées toutes les actions et stratégies qui ont pour objet ou pourraient avoir pour effet de restreindre ou fausser le libre jeu de la concurrence sur un marché déterminé. Sont notamment visées les actions concertées, ententes, conventions, qu’elles soient expresses ou tacites et quelles que soient leur formes ou leurs causes. Afin de garantir l’efficacité de cette législation, il a été institué un Conseil de la concurrence doté d’un pouvoir disciplinaire. Bien entendu, toutes les dispositions de cette loi sont applicables aux ventes d’énergie électrique. • Loi n° 86-12 du 24 décembre 2014, relative aux conditions de partenariat public-privé Comme précisé ci-dessus, depuis 1994, des entreprises privées peuvent avoir accès à la production et la commercialisation d’énergie électrique dans les conditions prévus dans des contrats de concession. Ces expériences de partenariat ont été multipliées au Maroc car il semble qu’elles aient porté leurs fruits. Il existe plusieurs exemples de réussite dans le transport routier et ferroviaire et, aussi, dans celui de l’exploitation des ports et aéroports. Voici ce que précise le préambule de la loi et qui constitue, sans doute, un gage d’efficacité pour le secteur privé et un engagement de transparence envers le secteur public : • Fourniture de services et d’infrastructures économiques, administratives et sociales de qualité et à moindre coût ; • Fourniture par le partenaire privé des services, objet des projets de partenariat, en respectant les principes d’égalité des usagers et de continuité du service ; • Partage des risques y afférents avec le secteur privé ; • Développement au sein des administrations publiques de nouveaux modes de gouvernance des services publics sur la base de la performance ; • Institution de l’obligation de contrôler et d’auditer les contrats de partenariat aussi bien sur les conditions et modalités de préparation et d’attribution que sur l’exécution. • Loi n° 113-12 du 09 juin 2015, relative à l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption Il n’est pas nécessaire d’insister sur les maux que génère la corruption pour nos sociétés. Elle gangrène nos économies et constitue un frein au développement. Tous les efforts qui pourraient être consentis par les acteurs économiques pourraient être annihilés par la corruption. L’outil essentiel qui a été institué par la loi n° 113-12 est l’Instance nationale qui, en accord avec les dispositions de la constitution (article 167), «reçoit et examine toutes les dénonciations, réclamations et informations en relation avec les cas de corruption, vérifie la véracité des actes et des faits qu’elles mentionnent selon la procédure prévue par la loi et les transmet, le cas échéant, aux autorités compétentes. Elle procède aux opérations d’enquête et d’investigation concernant les cas de corruption portés à sa connaissance…».

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CAS DU KENYA : La transformation du secteur de l’énergie constitue un volet essentiel du plan de croissance économique du Kenya pour sa population en pleine expansion et de plus en plus urbanisée. Dans sa «Vision 2030», le pays a identifié l’énergie et l’électricité comme éléments clés de sa transformation économique, avec la géothermie et l’éolienne comme sources principales d’énergie. Selon les prévisions, la puissance installée du pays triplera à l’horizon 2020, passant de 2 177 MW à 6 766 MW, l’énergie géothermique y contribuant à hauteur de 2 000 MW. L’objectif à l’horizon 2030 prévoit un accroissement de la puissance installée à 23 000 MW grâce notamment aux ressources énergétiques géothermiques offertes par la vallée du grand Rift et à son climat favorable à la production d’énergie éolienne. Sur la base de cette vision, le Kenya a pu avoir accès à plusieurs sources de financement de la coopération internationale, notamment à travers le programme américain Power Africa. Le Kenya a ainsi pu mobiliser une enveloppe d’investissements privés de 1 milliard de dollars pour accélérer le développement des projets géothermiques et éoliens. Aux côtés de ses actions de levées de fonds, Power Africa assiste les différents projets de production d’énergies renouvelables au Kenya par des actions de soutien pour l’obtention d’exonération de TVA et pour l’obtention de la garantie de tarifs d’achat (Feed-in tarif). C’est ainsi que plusieurs projets ont pu voir le jour au Kenya grâce à ce programme et devraient être opérationnels entre fin 2016 et fin 2018, il s’agit notamment de : - 3 projets de production d’énergie éolienne pour une capacité cumulée de 461 MW et un budget global mobilisé de 1 550 millions de dollars ; - 1 projet de production d’énergie géothermique pour une capacité de 140 MW et un budget de 600 millions de dollars.

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Au niveau des financements verts à petite échelle, le Kenya a également créé sur son territoire le CIC Kenya (Climate Innovation Center of Kenya) qui a pu lever 4.5 millions de dollars auprès de la Banque Mondiale destiné à un plan de financement opérationnel pour la période 2012-2016, extensible à 2020. Ce plan de financement, géré par le CIC Kenya, a pour mission d’incuber des start-ups dans le secteur des technologies vertes à travers des services d’accompagnement pour l’accès à l’information et la formation. Le CIC Kenya participe également au financement des projets et start-ups verts à hauteur de 50 000 dollars par projet.

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PARTIE II L’innovation au cœur du changement de paradigme Gouvernance

Juridique et Réglementaire

Education

Innovation Social

Technologie

Financement

Management

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II. L’INNOVATION AU CŒUR DE LA TRANSFORMATION ÉNERGÉTIQUE AFRICAINE En un moment historique et géopolitique précis où l’Afrique est aux portes d’un développement économique prometteur et salvateur, il est essentiel ici de mettre en exergue un paradigme clef, qui est, et a toujours été, la source de tout développement prospère et durable. Ce paradigme n’est autre que celui de l’innovation. En ce sens, recherche académique, rapports professionnels et gouvernementaux s’accordent d’une façon unanime sur le fait que l’innovation est une clef centrale ouvrant grandes les portes de la croissance économique. Afin d’étayer cette pensée, nous faisons ici le choix de mettre en exergue l’idée de l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950) dans la mesure où près d’un siècle valide sa théorie. Si on part du principe que la richesse d’une nation quelconque est le creuset à partir duquel se construisent un développement économique, une stabilité politique et une prospérité durable pour une nation et pour ses citoyens, cette richesse ne peut être solide et s’inscrire dans la durée que si elle est basée sur le paradigme de l’innovation. C’est dans ce sens que Schumpeter a démontré que le lancement du nouveau produit ou de la variété de produits génère une plus grande richesse pour une nation que ne peut le faire un simple mimétisme du produit existant. Il en va de même des modes de production, de vente et de distribution. C’est quand l’idée innovante transforme ces modes que la richesse d’une nation s’accentue d’une façon plus importante. Dans le même esprit, la découverte de nouvelles sources d’approvisionnement de matériaux ou de produits semi-finis, agit fortement vis à vis de la création d’une nouvelle richesse, sans omettre le fait que l’innovation crée de nouveaux marchés vierges, qui finissent par agréger tout un écosystème. L’innovation non seulement relance le processus de croissance, mais initie également des transformations structurelles radicales. C’est dans ce cadre que l’innovation en Afrique doit être pensée dans les structures, les processus et les modes de management au bénéfice du citoyen et des organisations privées et publiques.
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Cette vision globale de l’innovation offre une chance inouïe à l’Afrique car elle permet, sur la base d’analyses comparatives du développement des autres continents, d’emprunter des raccourcis ou des «leapfrogs» à destination des nouveaux territoires de l’innovation source d’une richesse durable et inclusive et c’est ici que réside le pari à partir duquel le miracle africain est en mesure de se réaliser. Le leapfrog proposé pour l’Afrique est de faire le pari de fonder son développement industriel et humain sur les énergies renouvelables et les technologies vertes sobres en carbone en lieu et place des énergies fossiles et des technologies polluantes utilisées pour le développement des pays avancés et émergents. Cette industrialisation verte de l’Afrique serait un vecteur de prospérité partagée : Pour le continent, c’est la garantie d’une croissance durable et inclusive, alors que pour la planète, c’est la garantie d’avoir, en évitant les erreurs du passé, un environnement moins pollué, un accès durable à des ressources naturelles et énergétiques, une sécurité alimentaire, et même un accès à un marché de consommation prometteur. Cette transition énergétique est basée sur le nécessaire changement de paradigme que doivent opérer les gouvernements africains afin de prendre le leadership au niveau de l’économie verte et mettre en place les fondations d’un développement durable garant d’une croissance soutenue, d’une réduction des disparités sociales et d’une résilience au changement climatique. Ce changement de paradigme place l’innovation au cœur du processus de changement attendu, privilégie la recherche et la mise en place de solutions nouvelles loin des modèles classiques adoptés par les pays développés dont on connait les résultats tant au niveau économique et social qu’environnemental. Il suppose une démarche d’innovation dans tous les domaines concernés : au niveau du cadre institutionnel afin de mettre en place le cadre juridique et réglementaire le mieux adapté, dans les choix technologiques, dans les solutions de financement des projets de développement, dans les modes de management, dans le choix des solutions aux besoins sociaux les plus pressants, et dans le domaine académique pour une formation plus adaptée des managers et leaders africains de demain.
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1. I NNOVATION INSTITUTIONNELLE : P OUR UN CADRE NATIONAL DE GOUVERNANCE DURABLE

Le cadre de gouvernance national adopté par les pays africains depuis leur indépendance est dans la plupart des cas dépassé. Ce cadre est généralement resté centré autour d’un rôle d’Etat omniscient, omnipotent et capable de prendre en charge tous les besoins nationaux. Pratiquement et de manière générale, l’Etat africain se présente comme unique agent de développement avec tout ce que cela peut présenter comme limites en termes de capacité d’intervention et d’adaptation au contexte mondial en changement rapide et constant. L’innovation institutionnelle proposée se base sur un changement de paradigme qui considère qu’il y a un intérêt à dépasser la simple recherche d’instruments politiques idoines que pourraient utiliser les gouvernements, pour aller vers une recherche plus élargie sur la façon dont les différents acteurs de la société peuvent s'organiser pour résoudre les problèmes d’intérêt mutuel [28]. En changeant ainsi de paradigme, il est possible d'adresser plus directement quelques-unes des réalités de la gouvernance au XXIème siècle, telles que les limites de l’Etat face la mondialisation et au manque de ressources financières, ainsi que l’émergence et la reconnaissance d’acteurs non étatiques qui ont une capacité d’intervention voire même une capacité à mener à bien des fonctions de gouvernance (Associations professionnelles, ONG et communautés, …). Reconnaître certaines limites de l'État et l'importance des acteurs non étatiques ne veut évidemment pas dire que les institutions de l'Etat ne resteront pas acteurs centraux de la politique publique ou que les instruments conventionnels de gouvernance ne garderont pas leur importance capitale.

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La présente partie se donne comme objectif de proposer un cadre national de gouvernance durable pour les pays africains leur permettant de tirer profit, tant au niveau économique, social qu’environnemental, des flux d’investissement potentiels tout en évitant les risques de prédation et en mettant en place, à travers les notions de durabilité et de responsabilité sociale, les bases d’une société démocratique socle pour une économie de création de valeurs durables. • De la responsabilité sociale de l’Etat La responsabilité sociale de l’Etat est une notion que promeut la Banque mondiale et qui la considère comme étant un facteur crucial dans l’amélioration des objectifs de développement en termes de croissance économique, de justice sociale et de prestation des services publics. La responsabilité sociale est ainsi définie comme «une approche de la gouvernance qui implique les citoyens et organisations de la société civile (OSC) dans la prise des décisions publiques et dans la responsabilisation des gouvernements pour leurs actes, notamment au regard de la gestion des ressources publiques. Il s’agit d’un moyen de faire fonctionner plus efficacement les pouvoirs publics, en permettant aux citoyens de mieux articuler leurs besoins, d’exiger une plus grande inclusion dans les activités du gouvernement, telles que l’élaboration des politiques, la gestion des finances publiques et la prestation de services tout en suivant et commentant les performances du gouvernement. Ainsi définie, la responsabilité sociale est, en substance, une composante importante de la démocratisation et elle s‘avère particulièrement pertinente pour les pays en transition» [5]. Trois principes clés organisent le cadre de la responsabilité sociale : La transparence, la responsabilité, la participation. Le principe de transparence est la base sur laquelle reposent à la fois les deux autres principes de responsabilité et de participation. La transparence suppose l’accès du grand public aux informations et à la clarté des règles et décisions des pouvoirs publics.

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Le principe de participation suppose, quant à lui, que les citoyens puissent avoir une influence sur les décisions, politiques, budgets et activités gouvernementales qui les concernent. Enfin, le principe de responsabilité renvoie vers l’obligation de reddition des comptes des détenteurs du pouvoir. Il est clair qu’une telle responsabilité sociale de l’Etat ne peut être efficacement déployée autour de ces principes que s’il y a une réelle volonté politique à haut niveau, qu’il existe un cadre politique et réglementaire approprié, et des acteurs étatiques et non étatiques actifs et conscients de leurs droits et obligations. Dans un tel contexte, la responsabilité sociale peut jouer un rôle important au niveau politique, économique et social en permettant : - l’élaboration et la mise en œuvre de politiques répondant à l’intérêt public général ; - une meilleure allocation des ressources à des domaines et services dont les citoyens ont besoin ; - le suivi des ressources, pour réduire les fraudes et la corruption ; - la surveillance des livrables en termes de qualité de produits et de services. De manière plus générale, et à travers l’environnement de transparence qu’elle induit, la responsabilité sociale de l’Etat devient un sérieux argument d’attractivité des investissements étrangers vers les pays africains. La pratique de responsabilité sociale de l’Etat permet également, à travers le principe de transparence et de reddition des comptes de l’élite politique, de faciliter l’inclusion des citoyens africains dans le processus de démocratisation et de développement durable. • Une trilogie gagnante (Etat - Société civile - Entreprise) La responsabilité sociale, tant de l’Etat que celle de l’entreprise, est une notion importante dans la mise en place d’un cadre général de gouvernance durable pour les pays africains.
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Ce cadre général se base sur les relations et interactions entre chacune des trois parties prenantes (Etat, Société civile, Entreprise).

Chacune des parties contribue de façon significative au développement durable du pays dans une logique de processus vertueux définissant les droits et obligations de chacune des parties prenantes tout en permettant un contrôle mutuel entre parties. Ce cadre implique un Etat stratège et démocratique, une société civile consciente et engagée et des entreprises citoyennes et responsables. • Un état stratège et démocratique L’Etat joue le rôle de stratège en mettant en place un cadre législatif, institutionnel et juridique servant de guide à l’action gouvernementale et publique. L’Etat joue également un rôle primordial dans la mesure où il est le moteur du processus et garant d’une bonne gouvernance. Dans le cadre d’un nouveau contrat social, l’Etat doit permettre la mise en place d’un système politique ouvert, participatif, inclusif et responsable, condition sine qua non pour faire adhérer les citoyens et avoir leur soutien en faveur des réformes engagées et des objectifs de développement adoptés.

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L’Etat doit ainsi favoriser la participation active des citoyens en implémentant une «législation appropriée destinée à promouvoir la liberté d’expression, des élections libres et indépendantes et la liberté d’association» [5] donnant ainsi des garanties importantes aux citoyens et aux différentes parties prenantes de la société civile et permettant un engagement fort de leur part. L’Etat doit mettre en place une législation et réglementation pertinente au niveau de la fiscalité, du budget de l’Etat, et des marchés publics qui favorise la transparence et la reddition des comptes par les responsables de la chose publique. Les détenteurs du pouvoir doivent être dans l’obligation de rendre compte de leurs actions et d’en assumer la responsabilité. Une diffusion proactive de l’information est, à ce propos, indispensable et devrait toucher les programmes, ainsi que leur budget et calendriers prévisionnels de réalisation. Enfin, l’Etat doit instaurer un cadre législatif permettant la lutte contre la corruption et favorisant la libre concurrence entre les acteurs économiques. L’Etat doit également introduire, dans un cadre de partenariat public-privé (PPP), une réglementation permettant de gérer de manière efficace et transparente les accords d’offsets et de compensation industrielle, ainsi que les relations avec les entreprises dans le cadre de la RSE. • Une société civile consciente et engagée La société civile, quant à elle, doit pouvoir jouer le rôle qui est le sien, à savoir un rôle de contrepoids vis-à-vis de l’Etat et des responsables publics. Elle doit être engagée et consciente de ses droits. Une participation des citoyens, sous l’égide des OSC, peut entraîner un changement positif de l’offre et des prestations publiques. Les OSC peuvent agir comme médiateurs entre l’Etat et les citoyens.

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Elles peuvent devenir de précieux alliés pour les autorités afin de permettre une évolution positive, notamment dans l’expression des besoins et du niveau de satisfaction des citoyens par rapport aux prestations publiques ou des projets de développement. En ce qui concerne la relation entre la société civile et les entreprises, il est à constater que si la RSE a progressé aujourd’hui, c’est bien grâce aux exigences de plus en plus fortes des marchés, surtout à la pression exercée par les OSC, et plus particulièrement les ONG internationales. Certaines ONG internationales jouent aujourd’hui le rôle de «gardien du temple» en signalant tout abus social ou environnemental. En effet, c’est «l’interaction, la coopération et l’engagement de ces trois parties prenantes - Multinationales, Etats et ONG - qui permettent la mise en place de mesures environnementales efficaces. Ainsi donc, des actions sur le plan environnemental peuvent être réalisées si les contraintes institutionnelles exercées par les pays d’accueil ne sont pas en inadéquation avec la stratégie des multinationales et si les ONG sont autorisées à surveiller l’activité industrielle et à tenir leur rôle d’observateur et de passeur d’information» [5]. Dans ce sens, et que ce soit pour les relations entre Etat et Société civile ou entre Entreprises et Société civile, des processus participatifs des citoyens et des mécanismes de concertation ascendante sont de nature à favoriser l’engagement des citoyens, l’autonomisation et l’amélioration des services et des projets communautaires. De telles approches ascendantes devrait permettre une meilleure expression des besoins des citoyens, un renforcement des capacités des institutions locales, et une reprise de confiance des populations en leur Etat … et de tirer profit d’une relation gagnant-gagnant avec l’Entreprise.

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• Des entreprises citoyennes et responsables La RSE n’est pas une obligation réglementaire. En Afrique, à l’exception de quelques pays qui ont renforcé leurs réglementations sociales et environnementales ou des pays ayant des bourses de valeurs régionales obligeant les entreprises cotées à une communication extra-financière ou bien dans le cas des investissements socialement responsables (ISR), les entreprises multinationales et même locales restent livrées à elles-mêmes et à leur propre arbitre. En l’absence d’obligation, certaines remplissent leur mission sociétale a minima en étant beaucoup plus proches d’une démarche de charité et de philanthropie que d’une réelle démarche structurée de responsabilité sociale de l’entreprise. C’est le cas, sans que cela soit une vérité absolue, des entreprises des pays émergents (BRICS), des grands groupes africains ou des entreprises locales qui, en général, ne se sentent concernées ni par les risques de réputation ni par les risques de poursuite en justice pour non-respect de clauses environnementales ou sociales. C’est à ce niveau que le rôle de l’Etat devient crucial afin d’intervenir pour réglementer les conditions d’accès de ces entreprises au marché local (réduction de l’impact écologique, alignement sur les programmes de développement communautaires nationaux, communication extra-financière …) et imposer un état de droit en appliquant la loi … même s’il est souvent difficile pour les pays en développement, tels que les pays africains, de refuser des accords bilatéraux financièrement intéressants et pouvant servir de leviers de croissance économique ! Dans le cas des multinationales, la régulation à travers les ONG internationales ainsi que l’intérêt stratégique que ce type d’entreprises à s’aligner sur les principes du développement durable rendent en quelque sorte la mission de contrôle de l’Etat plus gérable à condition toutefois, de pouvoir exiger de ces multinationales que toute leur chaine de valeur, filiales et fournisseurs africains compris, soit conforme aux exigences de la RSE, avec obligation de publier des rapports extra-financiers sur leurs actions sociales et environnementales.
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A ce stade, il serait opportun de rappeler le Manifeste de Douala [12] qui propose des recommandations afin que la RSE soit une dynamique et un tremplin pour le développement durable en Afrique. En ce qui concerne les multinationales fournisseurs de l’Etat (Défense, équipements, infrastructures, …), les accords d’offsets et de compensation industrielle (tels qu’ils ont été expliqués dans la première partie) devraient être en alignement avec les politiques de l’Etat en matière économique, industrielle et de transfert de technologie (Achats de produits ou services auprès des fournisseurs locaux, investissements directs pour la fabrication de composants en lien direct avec le contrat, développement de la recherche et formation, …) afin de participer à la mise en place d’une industrie de transformation créatrice de valeur ajoutée en Afrique.

2. INNOVATION JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE Le cadre de gouvernance national et sectoriel des pays africains est généralement resté centré autour d’un rôle d’Etat omniscient, omnipotent et capable de prendre en charge tous les besoins nationaux. Dans un secteur tel que celui de l’énergie, l’Etat a souvent joué à la fois le rôle de stratège, de régulateur, de financier et de producteur. Le monopole des compagnies publiques et la politique de prix adoptée ont eu pour conséquence une mauvaise qualité de services, une faible couverture nationale, des équipements en mauvaise état ainsi qu’un faible niveau d’investissement. Le renforcement et l’accélération des réformes réglementaires et de gouvernance permettra aux pays africains de se débarrasser de modèles hérités de la période coloniale. Ces modèles sont inadaptés aux défis de ce siècle, notamment ceux qui concernent le développement économique et énergétique. Les effets des changements climatiques nécessitent de repenser entièrement les politiques et les stratégies afin d’assurer une meilleure efficacité énergétique et un développement durable.

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L’innovation juridique et réglementaire doit être en mesure de faire passer l’Afrique d’une situation stationnaire, voire même défaillante, vers une situation de croissance et d’accès universel à l’énergie. En renforçant la gouvernance nationale et en changeant les règles sectorielles, l’innovation juridique et réglementaire devrait faciliter l’investissement privé, et imposer une plus grande discipline en matière de qualité de services et de maintenance des équipements. Elle devrait également contribuer au maintien d’un équilibre entre les intérêts des fournisseurs de services et les besoins des consommateurs en termes de marge bénéficiaire et de coûts abordables. • Réformer totalement le cadre juridique et réglementaire De manière générale, et afin de permettre au secteur énergétique d’atteindre ses objectifs, la réforme du cadre juridique et réglementaire doit permettre à l’Etat de se recentrer sur ses rôles de stratège et de régulateur de marché. Elle doit, en outre, permettre la libéralisation du secteur et la mise en place d’un cadre légal incitatif et transparent pour l’investissement et la bonne gouvernance comprenant un cadre de partenariat public-privé (PPP), un cadre de lutte contre la corruption, un environnement de libre concurrence, et un système fiscal équitable. Enfin, et dans un but d’intégration régionale et de renforcement de l’efficacité des marchés régionaux d’énergie, elle doit viser l’harmonisation des cadres légaux et réglementaires régionaux. • Libéraliser le marché de l’énergie électrique Cet objectif ne pourrait être atteint de manière efficace et durable que s’il fait l’objet d’une loi spécifique complétée, le cas échéant, par des mesures règlementaires qui en faciliteraient la mise en application. Il s’agit de permettre des interventions de personnes privées dans l’exploitation des ressources existantes et le développement de sources nouvelles. Le cadre législatif qui serait institué doit impérativement prévoir sans aucune ambiguïté les conditions d’intervention des entreprises privées et les prérogatives qui seront maintenues au profit de l’opérateur public.
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Afin de garantir une transparence suffisante dans toutes les opérations liées à la stratégie énergétique, le ou les établissements publics devraient jouer un rôle de régulation du marché sans gêner les activités des entreprises privées dans ce domaine. À ce titre, la création d’une agence officielle de régulation serait vivement conseillée. Le rôle de cet établissement serait limité aux interventions qui permettraient d’éviter tout effet pervers sur la détermination des prix de l’énergie électrique. • Mettre en place le cadre juridique du «partenariat public-privé» Les investissements dans le domaine de l’énergie sont coûteux et leurs montants dépasseraient sans doute les moyens financiers de la plupart des pays concernés. Par conséquent, le partenariat public-privé est indispensable. Il est absolument nécessaire, là aussi, d’intervenir par voie législative afin de garantir le sérieux et la force juridique de la réforme. La loi doit être précise sur les objectifs du partenariat public-privé dans le domaine concerné et, surtout, les avantages que pourront en retirer les partenaires en termes de sécurité énergétique et de profit. • Garantir le libre jeu de la concurrence et de la détermination des prix selon le marché Il est nécessaire, dans le cadre d’un partenariat public-privé ou lors de l’intervention d’une entreprise privée seule, d’assurer la transparence totale des marchés. Toutes les situations de concurrence déloyale et d’opacité dans la détermination des prix de l’énergie électrique doivent être bannies afin d’atteindre cet objectif. Les textes législatifs à instituer doivent impérativement inclure des outils adaptés à la lutte contre les stratégies d’accaparement des marchés de l’énergie ou création de positions dominantes incompatibles avec les principes de libre concurrence.

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Il est aussi absolument indispensable de créer un organisme de régulation doté d’une indépendance suffisante. Un Conseil de la concurrence serait, à ce titre, très approprié sous réserve de ne pas placer ses membres dans une situation qui les empêcherait de prendre leurs décisions librement. • Assainir le milieu des affaires L’assainissement passe impérativement par une lutte efficace contre toutes les formes d’abus. Sont concernés, principalement, les actes de corruption qui porteraient un grave préjudice aux entrepreneurs honnêtes ainsi que toutes les manœuvres dont l’objectif est de favoriser de manière inéquitable une entreprise au détriment d’une autre. La mise en place d’une instance indépendante et dotée de tous les moyens efficaces coercitifs est très souhaitable. Cet organisme lutterait de manière permanente contre les abus. Les autorités judiciaires doivent s’engager fermement à collaborer avec l’instance «anti-corruption» et, ainsi, garantir son efficacité. • Améliorer la bonne gouvernance Une bonne gouvernance contribuerait à accroître les conditions favorables au développement économique et constituerait une «vitrine» pour tous les opérateurs qui seront amenés à jouer un rôle dans l’élaboration de ces réformes et l’utilisation des différents outils mis en place. Il est très vivement recommandé de faire le choix de procédures simples et efficaces afin de faciliter ces opérations et créer des effets incitatifs. Ces mesures doivent atteindre toutes les actions des États. Elles concernent notamment les procédures de nomination d’agents intègres et compétents chargés d’accompagner les projets dont il s’agit. Il est très important de rappeler à ce dernier titre que les déficits budgétaires de la plupart des pays africains sont dus principalement aux carences des États dans le recouvrement des impôts et taxes, voire même dans certains cas à l’absence totale de recettes fiscales.
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Cela justifie des réformes profondes de la fiscalité. Elle doit être équitable, simple d’application et prévoir des dispositions suffisamment dissuasives afin de réduire les situations de fraude fiscale préjudiciables à l’ensemble de la société. L’outil fiscal pourrait aussi faire partie des éléments innovateurs s’il est utilisé à titre incitatif de manière pondérée afin d’encourager les projets liés à l’accès à l’énergie dans les meilleurs conditions de coût et de respect des équilibres écologiques. D’autres domaines sont aussi très présents dans les réflexions en cours, comme ceux qui concernent les moyens à mettre en place afin de résoudre tous les litiges de manière juste et équitable, qu’il s’agisse des tribunaux ou des procédures d’arbitrage et de médiation. • Homogénéiser au niveau régional les cadres légaux et réglementaires Comme cela a été discuté auparavant, l’intégration régionale est un facteur clé afin de réussir son pari d’accès universel à l’énergie en l’Afrique. Au-delà de la modernisation du cadre légal et réglementaire au niveau national, il s’agit pour les pays africains d’une sous-région d’unir leurs efforts pour homogénéiser leurs cadres légaux et réglementaires afin de pouvoir exploiter en commun les ressources disponibles, générer des économies d’échelle, et mettre en place des marchés d’énergie efficaces.

3. INNOVATION TECHNOLOGIQUE L’innovation technologique est au cœur du processus de transition énergétique. Sans innovation technologique, il n’y a point de possibilité de changement de paradigme ni de «leapfrog» énergétique. L’utilisation des énergies renouvelables pour des besoins industriels ou domestiques a longtemps buté contre le coût de revient d’une telle source d’énergie. Ce dernier dépend de la technologie utilisée, et donc de la filière énergétique choisie, mais également des coûts de fabrication et d’installation.

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Selon le dernier rapport [14] de l’agence IRENA (International Renewable Energy Agengy), les énergies renouvelables deviennent de plus en plus compétitives comparées aux énergies fossiles. L’agence a présenté ses résultats sur les coûts par filière d’énergie renouvelable sur une période de 5 ans entre 2010 et 2015 (Cf. Graphe). Afin de standardiser les coûts et pouvoir les comparer entre eux, le coût actualisé de l’énergie, LCOE, a été utilisé (levelized cost of electricity). Il intègre à la fois l’investissement initial et des coûts de fonctionnement répartis sur la période d’exploitation.

(© IRENA. 2015) Les coûts des différentes filières ne tiennent pas compte des externalités négatives associées aux émissions de CO2.

Il apparait clairement que certaines filières traditionnelles (hydraulique, biomasse et géothermique) sont arrivées à maturité avec des coûts stables sur la période et largement compétitifs par rapport aux énergies fossiles.

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L’énergie éolienne présente également des coûts très compétitifs mais qui restent toujours sur une tendance baissière. Evidemment, pour cette filière, le coût dépend de la topographie et de l’accessibilité du site. Dans le cas du site marocain de Tarfaya, le coût d’environ 30 $/MWh constitue un record mondial encourageant. En ce qui concerne le solaire photovoltaïque (PV), les coûts ont été divisés par deux, passant d’une moyenne de 285 $/MWh en 2010 à 126 $/MWh en 2015. Cette réduction des coûts est essentiellement due à la baisse de près de 75% des prix des panneaux photovoltaïques. Selon l’agence IRENA [14], la tendance baissière serait encore au rendez-vous avec le doublement prévisible de la demande mondiale en énergie solaire photovoltaïque et la réduction des prix des modules photovoltaïque de l’ordre de 20%. Aux Etats Unis d’Amérique, les coûts se situent déjà à des niveaux entre 50 $/MWh et 60 $/MWh. Pour ce qui est de l’énergie solaire thermodynamique (CSP), les coûts sont encore peu compétitifs. Ceci étant, la base de données est encore limitée avec beaucoup moins de capacité installée mondialement pour cette filière. Pour le cas du Maroc, comme cela a été présenté au niveau de la première partie, les coûts sont passés de 189 $/MWh pour Noor 1 à 140 $/MWh pour Noor 2, soit près de 25% de réduction en deux ans. A ce niveau de coût, le solaire CSP devient intéressant. Cette filière présente également d’autres avantages très importants et qui ne sont pas pris en compte par l’étude, à savoir la capacité de stockage de l’énergie ainsi que son taux d’intégration locale. De manière générale, les énergies renouvelables ont atteint une taille critique qui les rend de plus en plus compétitives par rapport aux énergies fossiles. De plus, avec la prise de conscience mondiale des enjeux du changement climatique, le développement technologique, la demande croissante des marchés, la confiance des marchés financiers et la capitalisation au niveau technique et managérial, les coûts des énergies renouvelables continueront à diminuer.
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L’enjeu pour les pays africains est maintenant d’innover dans la composition du bouquet énergétique pour qu’il tienne compte à la fois du potentiel national et régional, des besoins énergétiques nationaux, et de la technologie.

4. INNOVATION DE FINANCEMENT Cette partie traite de l’innovation en termes de financement, et plus particulièrement, dans son rôle de déblocage des investissements dans les énergies renouvelables et d’accompagnement de l’ambition africaine d’accès universel à l’énergie et d’industrialisation verte. Elle s’attache tout particulièrement à l’évaluation des besoins d’investissement en Afrique, à l’établissement d’une cartographie des sources de financement disponibles, à la description des contraintes liées aux demandes de financement des pays africains, et enfin à la description des grandes lignes des actions de facilitation possibles pour libérer le potentiel d’investissement dans les énergies renouvelables en Afrique. Avec des instruments et des moyens innovants adéquats, l'investissement dans les énergies renouvelables en Afrique peut changer d’échelle et être démultiplié rapidement. Cet investissement peut ainsi passer rapidement d'un positionnement de niche à un positionnement de marché dominant. La réussite de la transition énergétique africaine dépendra de la capacité des pays africains à développer des marchés d'énergie renouvelable pouvant attirer des niveaux élevés d'investissements. • Les besoins en financement En Afrique, les prévisions de l’IRENA [15] indiquent que la demande en électricité va tripler d'ici 2030 en raison de la hausse du niveau de vie, l'industrialisation continue et la croissance des taux d'électrification. Afin de respecter les conditions de l’accord de Paris (COP21), la part des énergies renouvelables doit au moins doubler d'ici 2030 par rapport au niveau actuel de 18%.

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De tels objectifs nécessiteront pour l’Afrique la mobilisation d’investissements importants de l'ordre de 70 milliards de dollars par an d’ici à 2030 dans les infrastructures de production d'énergie, de transmission et de distribution. En tenant compte des capacités d’investissement actuelles des pays africains, les besoins en financement supplémentaires se situeraient autour de 60 milliards de dollars par an. Ces besoins sont également estimés par Africa Progress Panel [1] à environ 55 milliards de dollars par an. • Le financement des projets énergétiques : Une responsabilité partagée Comment l’Afrique peut-elle répondre à un tel défi en faisant le choix de s’orienter vers un accès à l’énergie renouvelable avec ses propres moyens ? Les pays développés ne peuvent pas attendre de l’Afrique de payer seule la facture qui émane des enjeux additionnels liés aux changements climatiques dont les pays les plus avancés sont responsables. En effet, les conventions internationales en matière de changements climatiques ont mis clairement les pays développés face à leur responsabilité directe dans la dégradation de l’environnement. Ces conventions demandent donc à ces pays de prendre des mesures spécifiques pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de les ramener à leurs niveaux de 1990. Les pays développés doivent en outre fournir « des ressources financières nouvelles et additionnelles pour couvrir la totalité des coûts convenus encourus par les pays en développement ». En 2009, à la COP 15 organisée à Copenhague, l’objectif de mobiliser 100 millions de dollars par an en financement public et privé à partir de 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement a été acté.

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Le programme d’actions qui a été adopté à d’Addis-Abeba en 2015 lors de la conférence sur le financement du développement, a confirmé la nécessité de mobilisation des ressources financières pour développement, en affirmant que « les États Membres s’engagent à renforcer la mobilisation des ressources publiques intérieures, par le biais notamment d’une amélioration de l’administration fiscale, tandis que les pays développés réaffirment leurs engagements à atteindre l’objectif de consacrer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement et de 0,15% à 0,2% pour les pays les moins avancés ». L’Afrique est donc dans son plein droit - attribué par les traités et les conventions internationales ratifiées et en cours de ratification - de faire financer partiellement son accès à l’énergie renouvelables par des fonds internationaux. Il est important à ce stade de signaler que les flux financiers illicites en Afrique ont été estimés [1] en 2012 à 69 milliards de dollars annuellement. Cette somme est presque équivalente à celle relative aux besoins en investissement en énergie renouvelables ! • Les sources de financement Les sources de financement des besoins en investissements doivent provenir essentiellement du secteur privé. En effet, selon IRENA [15], historiquement plus de 85% des investissements sont couverts par les sociétés de services publics, les entreprises, les développeurs de projets, et les fonds d'investissement. Le secteur privé est une force motrice clé pour le déploiement des énergies renouvelables. Dans ce contexte, les investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension, les compagnies d'assurance, des fondations et des fonds souverains pourraient jouer à l'avenir un rôle particulièrement important dans l'intensification des investissements dans les énergies renouvelables comme la plus grande source potentielle de capitaux privés. En effet selon l’OCDE [22], les investisseurs institutionnels gèrent plus de 90 000 milliards de dollars d’actif dans les pays développés.
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Près de 2 800 milliards de dollars par an est potentiellement disponible à partir des fonds de pension et les compagnies d’assurance pour les nouveaux investissements en énergie propre. Il est donc une source potentielle importante de capitaux. En outre, les investisseurs institutionnels ont tendance à avoir un appétit plus fort pour l’investissement durable et responsable en raison de leurs obligations fiduciaires. Compte tenu de leur intérêt croissant pour les énergies renouvelables, il est ainsi possible d’attirer les investisseurs institutionnels et d’autres à grande échelle, maintenant et dans l’avenir. En effet, ce qui est essentiel si les volumes d’investissement doivent être élargis. Le graphe ci-dessous présente le continuum des approches d’investissement et place en perspective les investissements socialement responsables (SRI) et investissement à fort impact social et environnemental (Impact Investment). Traditional

Responsible Investing (RI)

Socially Responsible Investing (SRI)

IMPACT INVESTMENT

Thematic

Venture Philanthropy

Impact-first

COMPETITIVE RETURNS ESG RISK MANAGEMENT HIGH IMPACT SOLUTIONS Investments made with the motive of attaining a financial return with limited or no focus on Environmental, Social or Governance (ESG) factors.

Investing in a manner that screens out certain sectors (e.g. tobacco, weapons) as a component of financial risk management.

An approach that involves comprehensive negative and positive screening of ESG risks as a part of the investment analysis process.

An approach that focuses on one or more issue areas where social or environmental needs have created a commercial growth opportunity for marketrate returns.

Investments made in issues areas where achieving measurable social or environmental impact may require some financial trade-off.

Social enterprise funding in a variety of forms, with a range of return possibilities. Investor involvement / support is common

(Source Enactus Russia)

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Contrairement à l’investissement classique qui se base seulement sur un retour sur investissement financier, l’investissement socialement responsable et l’Impact Investing sont définis comme étant des investissements qui créent un impact positif au niveau social et/ou environnemental tout en assurant le retour financier sur investissement. Ces deux derniers types d’investissement sont de plus en plus favorisés par les investisseurs institutionnels et par les épargnants de plus en plus conscients de la nécessité d’agir en faveur de la transition vers une économie mondiale sobre en carbone. Les gouvernements et les entreprises soucieuses de financer leurs investissements en « clean tech » utilisent de plus en plus les « green bonds » comme instrument de la dette. Ces « green bonds » ont les mêmes caractéristiques que les obligations régulières à l’exception du fait que l’argent est exclusivement utilisé pour financer les projets à impact environnemental positif. 50 %

50

40 %

38

30 % 25 20 % 13

10 % 0 %

2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

0

% Renewable Energy Total Issuance USD Billion (© IRENA. 2016)

Comme le montre le graphe ci-dessus établi par l’agence IRENA sur la base des données du Climate Bonds Initiative, le marché des « green bonds » est relativement récent (2013) mais croit rapidement. Il est estimé en 2015 à près de 42 milliards de dollars et concerne plusieurs sous-secteurs en liaison avec le changement climatique tels que l’énergie, le transport, l’habitat ou l’industrie.

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Le sous-secteur de l’énergie représente à lui seul près de 45% du total des obligations vertes. • Les contraintes de financement La force du secteur des énergies renouvelables réside dans les nombreux avantages qu’il offre. Néanmoins, malgré la baisse des coûts qui rendent les solutions énergétiques vertes commercialement viables dans de plus en plus de pays, l'investissement global dans ce secteur reste en deçà de son potentiel. L’agence IRENA [15] a identifié une série d’obstacles qui entrave toujours le développement du financement de projets d'énergie renouvelable. Parmi ces contraintes figurent : - L’importance des dépenses initiales dans la structure des coûts de la plupart des projets d'énergie renouvelable. - La capacité limitée des porteurs de projets et faible professionnalisme dans la préparation des dossiers de financement. - L'expérience et la capacité limitées des décideurs et des systèmes financiers nationaux. - Le manque d'expérience et les déficits de capacité au niveau des secteurs financiers locaux qui se traduit par des coûts d'investissement plus élevés pour les projets. Dans la pratique, et malgré la baisse spectaculaire du coût d’investissement des projets d'énergie renouvelable liée à la diminution des coûts de la technologie, les investisseurs perçoivent souvent ces projets comme des projets à risques élevés. De tels risques comprennent le risque politique, réglementaire, de contrepartie, de change, de liquidité, ainsi que le risque technique et technologique. Cette perception de risque élevé renchérit le coût du capital, et limite l'accès à des capitaux abordables [15]. Les instruments et structures d'atténuation des risques fournis par les institutions financières publiques peuvent permettre de réduire le profil risque du projet et permettre de mobiliser des capitaux pour l'investissement dans les énergies renouvelables.
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Cependant, ces instruments ne sont pas suffisamment connus ni utilisés, contribuant ainsi au coût élevé du capital pour les projets d’énergies renouvelables. • Le rôle facilitateur des institutions financières publiques La politique et la finance publiques joue un rôle important dans la création d'un environnement propice à l'investissement dans les énergies renouvelables en utilisant des fonds publics d'une manière qui puisse libérer des capitaux supplémentaires. Les décideurs politiques et les institutions financières publiques doivent travailler sur la meilleure façon de tirer profit des sources de financement publiques limitées pour augmenter l’investissement global en faveur des énergies renouvelables.Comme le signale l’agence IRENA [15], les fonds publics ne devraient pas dépasser leur niveau actuel de 15% du total de l'investissement dans les énergies renouvelables. En d’autres termes, cela signifie que les institutions financières publiques doivent accorder une attention croissante à l’atténuation des risques et des obstacles affectant le financement privé afin d’accroître les investissements dans les énergies renouvelables. Les institutions financières publiques fournissent en général les capitaux publics afin de soutenir les projets du secteur public et privé ainsi que les politiques et les programmes qui servent le bien public avec des avantages économiques, environnementaux ou social [15]. Un certain nombre de ces institutions ont été créées et des ressources y ont été affectées dans le but de soutenir les investissements dans les énergies renouvelables. Les principaux types d'institutions financières publiques qui concernent le domaine du financement des énergies renouvelables sont : - Les institutions financières internationales (IFI) qui comprennent les banques multilatérales de développement internationales et régionales qui fournissent des fonds, instruments financiers et instruments d'atténuation des risques. Ils utilisent leur propre capital (élevé sur le capital initial fourni par les bailleurs de fonds gouvernementaux) ou agissent au nom de plusieurs bailleurs de fonds gouvernementaux.
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Les exemples incluent le Groupe de la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d'investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque islamique de développement (BID). - Les institutions financières de développement (IFD) comprennent la plupart des institutions financières internationales mentionnées ci-dessus et en plus englobent les agences bilatérales de développement, tels que l'AFD (Agence Française de Développement), KfW (Banque allemande de développement) et la JICA (Agence japonaise de coopération internationale). Ceux-ci fournissent le financement bilatéral (généralement d'un pays développé à plusieurs pays en développement). Ils comprennent également les banques nationales de développement et les organismes gouvernementaux de financement qui fournissent des finances au sein de leurs propres différents pays. - Les institutions financières locales qui peuvent être soit des institutions financières publiques ou privées avec une présence principale sur le marché intérieur. Ils pourraient être grands ou très petits en termes de capitaux gérés. - Les organismes de crédit à l'exportation sont les organismes publics et les entités qui fournissent des prêts garantis par le gouvernement, des garanties et des assurances aux sociétés de leur pays d'origine en vue de faire des affaires à l'étranger dans les pays en développement et les marchés émergents. La plupart des pays industrialisés ont des agences de crédit à l'exportation pour promouvoir les exportations et les importations de biens et services. - Les institutions financières pour le climat comprennent les fonds internationaux sur le climat et les institutions intermédiaires créées par plusieurs gouvernements donateurs pour canaliser les fonds publics des pays développés à des projets relatifs au climat dans les pays en développement [15]. !71


Parmi les institutions financières pour le climat et qui soutiennent le déploiement des énergies renouvelables, on trouve le Global Environment Facility (GEF), le Climate Investment Fund (CIF) et le Green Climate Fund (GCF). Souvent, fonctionnant comme des agences de mise en œuvre pour les institutions financières pour le climat, les DFI permettent de canaliser une part importante du financement public pour le climat aux pays en développement. Traditionnellement, les financements publics ont mis l'accent sur les prêts concessionnels et les dons pour financer directement les projets. Cependant, l’accent est de plus en plus mis sur l'utilisation des fonds publics comme outils de mobilisation de capitaux privés plutôt que pour le financement direct [15]. Etendre le financement aux garanties et à d'autres structures innovantes peut fournir un moyen plus efficace pour surmonter les défis de l'investissement du secteur privé en Afrique. Ceci est particulièrement important pour les projets d’énergie qui génèrent des revenus suffisants pour couvrir éventuellement leurs coûts d'investissement initiaux. Cependant, certains projets sociaux d'accès universel à l'énergie pourraient continuer à être financés au moyen de subventions ou de prêts concessionnels. • Un financement adapté aux besoins des pays africains Il existe plusieurs outils financiers innovants et actions ciblées qui peuvent être préconisés aux décideurs politiques, aux institutions financières publiques, aux promoteurs et aux investisseurs pour permettre la montée en puissance des investissements dans l'énergie renouvelable [15]. Pour les besoins du présent Livre Blanc, seuls certains instruments financiers et recommandations sont proposés aux pays africains pour leur permettre de monter rapidement en puissance en termes d’accès à l’investissement pour les projets d’énergie renouvelable.

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Il est également question ici d’une segmentation simplifiée des projets en trois types pour lesquels des propositions différenciées seront recommandées: - Les grands projets structurants. - Les projets industriels d’efficacité énergétique et/ou d’autoproduction. - Les projets sociaux de petites tailles. Toutefois, certaines recommandations d’ordre général peuvent s’appliquer aux trois catégories. On citera à ce propos, les recommandations relatives au niveau de professionnalisme et de préparation des dossiers, ou celles relatives au renforcement du partenariat régional sud-sud pour une meilleure capitalisation sur les expériences africaines réussies. Sans revenir sur les conclusions émises au niveau de la partie 2 traitant de l’innovation juridique et réglementaire, la mise en place d’un environnement favorable pour l’investissement est indispensable. Le manque de clarté, de cohérence ou de lisibilité sur les mesures politiques soutenant le secteur de l'énergie renouvelable peut handicaper lourdement le déploiement des énergies renouvelables. L’engagement politique est un facteur clé pour la concrétisation des opportunités d'investissement énergétiques. Il permet d’améliorer la perception du risque politique par l’investisseur et réduire ainsi le coût du capital. Les politiques de financement dédiées peuvent également diminuer les risques d'investissement. L’établissement de mécanismes de financement spécifiques au secteur des énergies renouvelables peut s’articuler autour de mesures telles que la priorisation du secteur, la mise en place de lignes de crédit vert dédiées avec taux d’intérêt différenciés, et la mise en place d’un cadre spécifique pour l’émission d’obligations vertes (Green bonds). Pour de nombreux investisseurs, l'incapacité de trouver des projets « prêts » pour l'investissement est un obstacle important.
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Le développement de projets d'énergie renouvelable nécessite en effet une compréhension globale des processus de due diligence et des règlements en vigueur. Il nécessite également une capacité de préparation des propositions de projets et documents financiers couvrant l'ensemble des étapes de développement du projet. L'assistance technique et le financement de la phase préliminaire de développement du projet pour la préparation des documents (études de faisabilité technique et financière, étude d’impact environnemental) peuvent améliorer sensiblement le portefeuille de projets prêts à l'investissement et augmenter le flux d'affaires des énergies renouvelables. Cette assistance technique et subvention pourraient être facilement prises en charge par les institutions financières internationales. Enfin, la coopération entre pays africains peut également jouer un rôle important dans l’amélioration de l’attractivité du continent et l’accélération de sa transition énergétique. La mise en place de connections intelligentes entre les différentes institutions énergétiques africaines dans le cadre d’un partenariat régional sud-sud pourrait se traduire par : - Un transfert de savoir-faire technique et financier. - Une mutualisation des ressources pour la mise en place de mécanismes de financement sud-sud. - Une incitation des investisseurs privés africains et des banques commerciales à lancer des produits de financement innovants en adéquation avec les besoins africains. - La création de pools énergétiques régionaux pour un marché africain solvable et attractif. Financement des grands projets structurants : Dans cette catégorie sont regroupés les projets d’énergie renouvelable lancés par l’Etat ou par les sociétés de services publics pour l’augmentation de la puissance installée au niveau national ou local.
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En général, les puissances installées pour cette catégorie dépassent 50 MW par projet. Ces grands projets doivent être lancés dans le cadre d’une vision énergétique claire ainsi qu’un cadre juridique et réglementaire adéquat. Les recommandations pour ce type de projets résident essentiellement dans les mesures qui peuvent être mises en place pour augmenter l’attractivité du secteur, améliorer la transparence du processus d’appel à concurrence, réduire les coûts initiaux liés à la préparation des dossiers, garantir le projet vis-à-vis des investisseurs potentiels, permettre l’accès à des fonds concessionnels, et garantir l’achat de l’énergie. Dans ce cadre, il serait intéressant de créer une société publique de droit privé qui puisse dans le cadre de ses missions répondre aux mesures citées ci-dessous, à savoir : - Etre le bras opérationnel de l’Etat pour la mise en œuvre des programmes d’énergie renouvelable. - Réaliser les études préliminaires et les études d’impact environnemental afin de réduire les coûts à supporter par l’investisseur. - Lancer les appels d’offres pour la désignation de la société adjudicataire. - Garantir les tarifs d’achat sur une longue période (mission d’offtaker). - Acheter le terrain et investir dans les infrastructures hors site afin de réduire les coûts à supporter par l’investisseur. - Améliorer la bancabilité du projet en le garantissant et en permettant aux investisseurs l’accès à des financements concessionnels mis à disposition par les institutions financières internationales. Ces recommandations ne sont évidemment pas exhaustives mais donnent un cadre général d’intervention de l’Etat pour augmenter l’attractivité des projets d’énergie renouvelables en Afrique.

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Financement des projets industriels Le secteur de l’industrie peut participer de manière significative à l’atténuation du changement climatique à travers les mesures d’efficacité énergétique qu’il peut être amené à prendre. De plus, dans certains pays africains, la production d’énergie à moyenne échelle - en deçà de 50 MW - est un segment qui a été libéralisé pour permettre aux industriels une auto-production d’énergie. Cette mesure a également permis l’introduction de nouveaux acteurs dans la production nationale d’énergie. Pour les projets d’efficacité énergétique et les projets d’autoproduction industrielle, le financement le plus adapté serait les lignes de financement vert dont le mode de fonctionnement est schématisé dans le graphe ci-dessous. La ligne de crédit est mise à la disposition d’un établissement de rétrocession dédié aux énergies renouvelables par les institutions financières publiques. L’établissement de rétrocession met alors la ligne de crédit à la disposition de la banque commerciale éligible, qui elle-même octroie le crédit au développeur du projet.

! (© IRENA. 2016)

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Dans les pays africains où le système financier est relativement bien développé, les banques commerciales pourraient même procéder directement à une levée des fonds à travers une émission d’obligations environnementales (Green bonds). Une syndication des banques lorsque les projets sont de taille importante peut également servir à réduire et répartir le risque sur plusieurs institutions. La libéralisation du secteur énergétique en Afrique peut également attirer directement des investisseurs privés et des petits épargnants, notamment à travers les fonds d’investissement qui optent pour le financement socialement responsable et/ou l’investissement à fort impact (lmpact investing). Les investissements dans l’électrification verte des populations en Afrique répondent en effet aux principes de base de ces deux types d’investissement ; l’énergie verte contribue à résoudre durablement les problèmes liés au réchauffement climatique, et contribue aussi à améliorer la vie des populations africaines. De ce fait, les investissements à fort impact peuvent être considérés comme un levier innovant et efficace pour répondre aux besoins de financement des projets, de taille moyenne, d’accès à l’énergie en Afrique… à condition d’avoir un écosystème favorable qui permette aux intermédiaires financiers de jouer pleinement leur rôle. En effet, le rôle des intermédiaires financiers, qu’ils soient conseillers financiers ou consultants en investissement à fort impact, est crucial dans l’établissement de la confiance entre l’offre et la demande, et le placement des fonds dans des projets qui répondent aux critères exigés par les investisseurs. L’Afrique a besoin, dans son écosystème, d’avoir des intermédiaires financiers qui puissent trouver et accompagner les entreprises qui ont des idées de développement de business en matière d’accès à l’énergie ou de maitrise énergétique, et les mettre en contact avec les fonds d’investissement idoines.

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Financement des petits projets à fort impact social Les petits projets et les startups à fort impact social ont, de manière générale, des difficultés à trouver des financements même quand les montants en question sont faibles. En effet, ces projets sont de dimension trop petite, possèdent un risque élevé, et engendrent des coûts de due diligence trop élevés pour intéresser directement les institutions financières internationales, les fonds d’investissement à fort impact ou les banques commerciales. De plus, les porteurs de projets n’ont également pas la capacité professionnelle pour monter des dossiers de demande de financement de qualité. Les pays africains devraient mettre en place des organes d’incubation ou d’accélération destinés à l’accompagnement des porteurs de petits projets en vue de renforcer leurs capacités et d’encourager l’entreprenariat et l’innovation sociale dans le secteur énergétique. Les projets incubés peuvent par la même occasion bénéficier d’un accès facilité à des sources de financement appropriés en fonction de leur phase de développement. Les sources de financement possibles peuvent aller de la simple subvention au « crowdfunding », en passant par un financement par des « business angels ». Ces petits projets, lorsqu’ils réussissent, peuvent alors bénéficier d’un accompagnement financier à travers des fonds d’investissement à fort impact pour un changement d’échelle du modèle d’affaires et une massification de l’impact. L’exemple du Climate Innovation Center (CIC), lancé entre autres au Maroc et au Kenya, peut être un modèle innovant pour accompagner les porteurs d’idées, les aider à trouver les financements nécessaires et promouvoir l’entreprenariat à fort impact en Afrique. Les jeunes promoteurs devraient jouer un rôle primordial dans la recherche de solutions innovantes pour désenclaver les localités isolées et permettre d’atteindre les objectifs d’accès universel à l’énergie.

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5. INNOVATION MANAGÉRIALE ET RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES

L’Afrique avec ses énormes richesses et son grand potentiel peut devenir la nouvelle frontière de l’économie mondiale. Cet objectif ne pourrait toutefois se réaliser que si l’Afrique se prend en charge pour éviter la surexploitation de ses ressources naturelles ainsi que le risque de prédation des multinationales et entreprises des pays émergents, pour trouver des solutions aux multiples problématiques sociales qui la minent, pour muter son économie d’une économie de rente vers une économie de transformation créatrice de plus de valeur ajoutée, et enfin pour former sa jeunesse et la préparer à relever les défis à venir. Aujourd’hui, plus que jamais, l’Afrique, son élite politique, sa société civile, les entreprises, les institutions financières ainsi que les agences de développement qui la financent sont toutes conscientes des enjeux qui attendent les pays africains pour devenir cet espace de croissance inclusive et durable… et de prospérité partagée. La présente partie se donne comme objectif de tracer le cadre général et les lignes directrices d’un management des entreprises en Afrique beaucoup plus innovant, mettant le développement durable au cœur de sa démarche stratégique, et créant de la valeur partagée. Elle passe en revue les notions de durabilité et de responsabilité sociale des entreprises, et décrit les meilleures pratiques managériales qui doivent être adoptées par les entreprises installées en Afrique dans l’intérêt commun des pays, des communautés locales, des citoyens et de l’entreprise. Ces pratiques managériales doivent aussi permettre aux pays africains de tirer meilleur profit des flux d’investissement potentiels vers l’Afrique tout en palliant certains risques liés à la prédation et à la surexploitation des ressources naturelles de l’Afrique.

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• De la nécessité de préserver les ressources pour les générations futures Les avancées industrielles, technologiques et médicales rapides du dernier siècle ont contribué à l’amélioration de la qualité de vie et au bien-être général de l’humanité. Toutefois, plusieurs déficits et dysfonctionnement sociaux et environnementaux demeurent. La pauvreté, les inégalités sociales, la faim, l’accès à l’eau, le chômage, les maladies, la surexploitation des ressources naturelles, le réchauffement climatique, et la pollution, pour ne nommer que ceuxlà, sont aujourd’hui les défis les plus importants à relever à l’échelle planétaire. La nature et l’urgence de ces défis sociaux et environnementaux a rendu impérative une meilleure coordination internationale et a incité les responsables politiques à réfléchir à un nouveau modèle de développement où les aspects d’équité sociale et de durabilité environnementale ainsi que la croissance économique seront des objectifs d’importance égale. C’est ainsi que la notion de développement durable a été introduite par la Commission Brundtland [9]. Selon cette commission, le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Le développement durable vise donc, au-delà de la croissance économique, deux objectifs essentiels : 1) le développement humain à travers la réduction des inégalités sociales et la réduction de la fracture sociale entre pays développés et pays en voie de développement, 2) la protection environnementale en évitant la surexploitation des ressources naturelles, et en favorisant le respect de l’environnement, la préservation de la biodiversité et la protection des écosystèmes, la diminution de la production des déchets et enfin la rationalisation de la production et de la consommation d’énergie.

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• La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) en Afrique Déclinaison à l’échelle de l’entreprise des principes du développement durable, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) constitue un cadre d’action pour les entreprises afin d’intégrer les contraintes sociales, environnementales et économiques dans leur stratégie, et de tenir compte des interactions et des attentes de leurs parties prenantes. Depuis le sommet de la Terre de Rio (1992), et plus précisément depuis le lancement en 1999 par l’ONU du Pacte Mondial, la création de valeur sociale et environnementale est placée au cœur des préoccupations citoyennes et de responsabilité sociale des entreprises. Les dirigeants sont ainsi tenus de changer de paradigme et de cesser de fonctionner avec le seul but financier à l’esprit. Ils sont encouragés à repenser de nouveaux modèles qui, tout en créant de la valeur économique, cherchent à répondre aux défis socioéconomiques et environnementaux, en maximisant le bien-être et en régénérant la planète pour permettre aux générations futures d’y vivre. Aujourd’hui, et sous la pression des ONG et du marché, de plus en plus d’entreprises privées se rendent compte qu’elles ne peuvent plus ignorer l’environnement socio-économique dans lequel elles évoluent, et cela pour différentes raisons qui peuvent aller du désir d’améliorer leur image de marque et leur réputation sur le marché à une véritable volonté de participer au développement durable de la planète. Un premier niveau d’engagement sociétal est souvent recherché par les entreprises à travers la mise en place d’une démarche de responsabilité sociale (RSE). Cela consiste en général à maximiser les impacts positifs et à minimiser les impacts négatifs sur l’ensemble de ses parties prenantes au niveau des trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale.

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Afin de standardiser le concept et éviter certaines confusions potentielles, la norme ISO 26 000 est venue définir la notion de responsabilité sociale en précisant que c’est «la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui 1) contribue au développement durable, à la santé et au bien-être de la société, 2) prend en compte les attentes des parties prenantes, 3) respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement, et 4) qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations au sein de la sphère d’influence». L’ISO 26 000 a également défini les questions centrales de la responsabilité sociétale des entreprises et qui s’articulent autour de 7 axes : Gouvernance de l’organisation ; Droits de l’Homme ; Relations et conditions de travail ; Environnement ; Loyauté des pratiques d’affaires ; Questions relatives aux consommateurs ; Communautés et développement local. La démarche RSE est encore à ses débuts en Afrique. Mais plusieurs facteurs indiquent que le processus est en cours d’accélération. Le premier facteur s’articule autour des exigences de plus en plus fortes des institutions internationales en termes de RSE : Principes directeurs de l’OCDE, Pacte mondial de l’ONU, ISO 26 000, Principes de l’investissement responsable, Déclaration tripartite de l’Organisation internationale du travail, Global Reporting Initiative. Le deuxième facteur a trait aux exigences des marchés : dans le domaine agroalimentaire, les labels de référence sont Bio, Equitable, Nature & Progrès, Demeter, FairTrade Max Havelaar... Dans la filière forestière, la norme qui s’impose le plus est le FSC (Forest Stewardship Council). Ce sont autant d’exigences des marchés des pays développés qui progressivement sont reprises par la classe moyenne africaine en pleine émergence et qui devient de plus en plus exigeante par rapport au respect des normes sociales et environnementales.

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A cela s’ajoute un troisième facteur, et non des moindres, qui s’appuie sur le rôle de plus en plus fort des ONG internationales et, de manière générale, de la société civile. Fortes de leurs puissants leviers d’action en matière d’environnement et en s’appuyant sur les médias sociaux, les ONG internationales n’hésitent pas à interpeller les multinationales sur leurs devoirs sociétaux et ont souvent recours aux procédures pénales pour condamner les entreprises délinquantes. La question que l’on est en droit de se poser à ce stade est de savoir comment l’Afrique, à travers la RSE, peut tirer le maximum de profit sociétal des flux d’investissements potentiels visant le continent. En d’autres termes, comment l’Afrique peut éviter le risque de prédation et profiter des investissements potentiels pour asseoir les bases d’une économie de création de valeurs et d’un développement durable. En Afrique, la prise de conscience de la société civile est relayée à travers une prise de conscience des fédérations patronales de certains pays tels que le Maroc ou le Cameroun pour ne nommer que ceux-là. Une première rencontre des parties prenantes à la RSE a eu lieu en 2011 au Cameroun et a débouché sur la rédaction du Manifeste de Douala [12] sur la RSE en Afrique. Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation où la conquête de nouveaux marchés exacerbe la concurrence, et avec la pression exercée par les ONG internationales et la société civile, il serait difficile pour les multinationales d’échapper aux exigences de la RSE. Mieux encore, toutes les chaines de valeur des multinationales, filiales et fournisseurs africains compris, doivent être conformes aux exigences de la RSE, avec obligation de publier des rapports extrafinanciers sur leurs actions sociales et environnementales. A ce propos, l’OCDE [21] a publié quelques recommandations pour aider les fournisseurs locaux à respecter les normes de la RSE. Ces recommandations rejoignent celles préconisées au niveau du Manifeste de Douala.

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• Innovation managériale et valeur partagée Si pour le courant de pensée libérale, la RSE reste une obligation imposée par des parties prenantes extérieures à l’entreprise (société civile, médias, politiques, …), pour Michael Porter [24], le capitalisme est en crise, et les entreprises sont perçues comme des acteurs égoïstes prospérant au détriment de leur environnement naturel et humain. Au lieu d'attendre d'être taxée pour ses «externalités négatives», Porter pense que l'entreprise devrait «internaliser» ces effets en se fixant, au même rang que ses autres objectifs stratégiques, des finalités en matière de bien-être des populations voisines de ses établissements, d'éducation, de protection de la nature, de développement individuel de ses salariés. Les entreprises peuvent créer de la valeur économique tout en créant de la valeur sociétale ; c’est la notion de valeur partagée. Malgré quelques réticences au niveau de certaines entreprises, les exigences du développement durable et de la RSE ne sont plus vues comme une contrainte par les multinationales mais beaucoup plus comme une opportunité ; la durabilité est vue aujourd’hui comme un moteur essentiel pour l’innovation en entreprise [20]. Le processus d’innovation est ainsi vu en 5 étapes (Cf. Graphe) où chaque étape montre le niveau d’utilisation du développement durable comme opportunité d’innovation au sein de l’entreprise. Etape 5 Etape 4 Etape 3 Etape 2 Etape I Voir la conformité comme une opportunité

Rendre la chaîne de valeur durable

Concevoir des produits et des services durables

Développer des nouveaux Business Models

Créer les plateformes des pratiques de nouvelles générations

La durabilité comme moteur pour l’innovation en entreprise

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A l’avenir, seules les entreprises qui intègreront les principes de durabilité dans leur modèle d’affaires pourront être compétitives. Cela est de bon augure pour l’Afrique, encore faut-il avoir un Etat et une société civile à la hauteur des ambitions du continent !

6. L’ INNOVATION SOCIALE COMME CONTRIBUTION AU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET INCLUSIF

L’innovation sociale peut également être vue comme une démarche alternative et efficace pour la résolution des problématiques sociales et environnementales du continent africain. L’innovation sociale a pour but, à travers une démarche entrepreneuriale, d’élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux mal ou peu satisfaits. Elle vise à apporter des solutions concrètes et efficaces à des enjeux complexes auxquels ni l’Etat, ni le marché ne peuvent répondre seuls. C’est le cas plus particulièrement des besoins sociaux tels que ceux liés à la santé, à l’éducation, à l’accès à l’eau, à l’énergie et à l’emploi. Il s’agit d’un levier majeur pour conduire des changements durables à même de générer un impact social fort, en améliorant la qualité de vie des individus et des communautés les plus fragiles. L’innovation sociale associe différentes parties prenantes, en favorisant de nouvelles alliances «gagnant-gagnant» entre Etat, Entreprises, Fondations, Associations à but non lucratif, et Entreprises sociales pour répondre aux besoins sociaux. De manière générale, trois facteurs caractérisent les projets d’innovation sociale réussis : Durabilité, impact, et échelle. L’innovation sociale, qui se situe au niveau de l’application concrète, opérationnelle et efficace, de nouvelles approches en vue d’un impact social maximisé visant à toucher le plus grand nombre, est en train, depuis une dizaine d’années, de monter en puissance. De manière naturelle, les organisations sociales, dont la vocation est de résoudre les problématiques sociales, ont évidemment été aux avant-postes de l’innovation sociale.

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Aujourd’hui, un nouveau courant de l’innovation sociale, initialement porté par Muhammad Yunus, (Lauréat du prix Nobel en 2006 et fondateur de la Grameen Bank pour le microcrédit), s’affirme de plus en plus comme pont entre le social et l’entreprise : Le Social Business. Conçu à travers un partenariat entre l’entreprise privée et l’entrepreneur social, le Social Business se veut une solution innovante et entrepreneuriale aux problématiques sociales ; toutefois, les profits générés sont réinvestis pour maximiser l’impact social une fois la mise de fonds initiale recouvrée par les investisseurs sociaux. Un exemple de social business pour pallier les problématiques de malnutrition a été initié par la Grameen Bank en partenariat avec le groupe Danone dans le cadre de sa contribution au développement durable de la planète. Une telle entreprise sociale n’aurait aucune chance de réussite si ce n’était l’appui technique et financier du groupe Danone. D’autres exemples peuvent également être cités dans des domaines aussi divers que la santé, l’éducation, l’accès à l’eau, la production d’énergie, et où les modèles d’affaires mis en place sont ingénieux et peuvent inspirer même les grands groupes privés [16]. A travers l’innovation, le secteur social est toujours en quête de moyens pour faire plus avec le peu de moyens financiers dont il dispose. Par rapport au mécénat et à la RSE, le Social Business se distingue par la mise en place d’un business model rentable avec possibilité de changement d’échelle permettant d’avoir un impact social plus important. Il se distingue également par sa recherche de solutions inédites, par sa mise en place de business model innovants et son implémentation sur le terrain en partenariat avec les acteurs locaux. L’innovation sociale se base souvent sur une approche participative ascendante avec les usagers. La démarche du Human Centered Design (HCD), qui est une démarche visant à utiliser le «Design thinking» au service de la communauté, est utilisée afin d’adopter des solutions pertinentes aux problématiques sociales [8] .

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En mettant l’humain au centre de sa réflexion, le HCD a pour vocation de penser différemment aux problèmes afin d’adopter des solutions désirables par la communauté, techniquement faisables et économiquement viables, et pouvant provoquer un changement et un développement systémique. Adossé au paradigme du HCD, le designer en tant qu’expert de la pratique du design à l’intersection de l’art, de l’artisanat et la technologie devient le creuset à partir duquel se génère l’innovation. Le métier du designer est un métier clef à promouvoir afin de favoriser l’émergence de projets innovants.

Aujourd’hui, l’Afrique n’a pas besoin de charité. Elle n’a pas, non plus, besoin d’appui d’organisations philanthropes qui viennent avec une idée préconçue des solutions nécessaires au développement des communautés africaines dans le besoin. L’Afrique a plus besoin d’un renforcement de capacités de ses hommes et femmes afin de pouvoir eux-mêmes relever les défis sociaux de manière durable. En ce sens, le designer est amené ici à jouer un rôle clef.

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7. INNOVATION ACADÉMIQUE ET SCIENTIFIQUE Education et formation figurent parmi les défis majeurs auxquels l’Afrique devrait faire face dans les prochaines années. Avec plus de 30 millions d’enfants qui ne suivent pas de scolarisation et plus de 40 millions de jeunes chômeurs et une croissance démographique continuelle, le continent africain compromet sérieusement ses chances d’accéder au niveau de développement tant attendu. Il faut néanmoins reconnaitre que, compte tenu des ressources et des capacités disponibles1 et malgré les efforts importants consentis dans le domaine éducatif, la plupart des pays africains2 n’ont pas toujours atteint la performance souhaitée. Par exemple, près de 9 écoles sur 10 sur le continent n’ont pas d’accès correct à l’électricité ce qui gêne grandement le fonctionnement des écoles et leurs éventuels espoirs d’amélioration. Le problème majeur réside cependant dans le second cycle et les études universitaires. A peine 32% des jeunes Africains ont accès aux études secondaires (contre 50% d’accès au primaire) et aux études supérieures universitaires. Or, ce sont les études secondaires et supérieures qui importent le plus pour assurer le développement durable d’un pays. Par rapport à la problématique traitée dans le présent ouvrage, nos propos porteront sur le système éducatif universitaire en Afrique où il apparait en clair le manque de liens et de passerelles avec les formations professionnelles.

On compte ainsi un enseignant pour 40 élèves en moyenne sur le continent africain (contre 1 pour 25 dans le monde). 1

C’est le cas par exemple du Niger qui a ainsi vu la proportion d’enfants scolarisés passer de 58 à 79 % sur les quinze dernières années. 2

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Trop peu adaptées aux besoins du marché de travail, les formations universitaires ne permettent souvent pas aux diplômés de trouver un réel travail et sont livrés au chômage qui crée les fractions sociales menant directement au désespoir, à l’immigration illégale et à bien d’autres déboires. De surcroit, l’absence d’une véritable politique de recherche appliquée au contexte des pays et régions africaines n’aide pas à l’ancrage du système éducatif dans son environnement. Comme il a été souligné auparavant, un changement de paradigme au niveau de ce système d’éducation s’impose pour permettre d’un côté, la nécessaire adéquation entre formation et emplois (adaptation des programmes, implication du secteur privé, l’incitation à l’entreprenariat,…) et d’un autre côté, le développement d’une recherche académique et scientifique adaptée à l’Afrique. Ce changement de paradigme implique également pour une Afrique en transition, la recherche d’un modèle de développement durable en rupture avec les modèles occidentaux qui ont montré leurs limites. L’éducation en Afrique est appelée à jouer un rôle clé pour relever le défi d’une croissance durable en dotant le continent d’une élite de dirigeants, de cadres et de techniciens orientés développement durable. Trois axes de développement ont été identifiés pour ce changement de paradigme pour résoudre les problèmes liés au besoin de massification nécessaire pour rattraper le retard pris dans ce sens par le continent africain, et les problèmes liés à l’adéquation formation-emploi. Ces trois axes concernent la transformation digitale du secteur de l’éducation, la nécessité d’un partenariat public-privé pour élargir l’offre et l’adaptation de la formation aux nécessités de l’économie verte.

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• La nécessaire modernisation du système éducatif en Afrique Face aux manques de moyens et d’infrastructures, le numérique peut constituer une solution intéressante pour le système éducatif du continent africain. Ainsi, le recourt au numérique dans le cadre éducatif pourrait amener à développer les échanges académiques internationaux et continentaux à travers l’échange de contenus et un accès plus aisé aux formations. Ce qui permettrait à l’Afrique de devenir également productrice de savoirs et de contenus en ligne plutôt que de se limiter à les consommer. Si les NTIC s’avèrent indispensables au développement présent et futur du système éducatif de l’Afrique, les défis de leur appropriation et de leur maitrise restent encore nombreux à surmonter. Elles nécessitent d’importants investissements dans les infrastructures nationales et régionales afin de développer les réseaux. Et, pour relever ce défi, une plus grande implication des pouvoirs publics, aux côtés du secteur privé, pourrait permettre un meilleur développement de ces technologies ainsi que de meilleures formations pour les populations3. La transformation numérique et digitale de l’Afrique est en mesure, si elle est bien menée, de redistribuer les cartes du pouvoir entre le nord et le sud. Un accès à la formation et aux technologies de l’information pour tous permet de mieux maitriser la connectivité et par là, une plus grande implication des populations dans le processus de développement durable du continent. Force est de constater que le développement des infrastructures et des technologies de communication entraînera une hausse des besoins énergétiques dans les années à venir, et que la réussite d’une telle ambition est intimement liée au défi de l’accès universel à l’énergie.

3 Le plan du gouvernement tunisien visant à étendre l’accès et systématiser l’utilisation du numérique dans l’économie, l’éducation et la vie citoyenne et un exemple qui peut inspirer bon nombre de pays africains.

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• Des partenariats public-privé pour relever le niveau de l’offre Si les pouvoirs publics en Afrique éprouvent des difficultés à répondre aux besoins actuels d’éducation et de formation, le secteur privé peut se révéler être une alternative ou un partenaire intéressant principalement en matière de: - adaptation des contenus des formations pour les mettre en adéquation avec les besoins actuels et anticipés de l’économie de manière générale. Ce qui permet de développer les compétences génériques et transférables dont ont besoin les économies africaines4; - valorisation de l’entrepreneuriat où le partenariat avec le secteur privé, permettra de mettre en place des formations plus adaptées aux besoins du marché de l’emploi et d’offrir des perspectives de carrière concrètes aux étudiants ; - participation directe du privé au financement de l’éducation afin de pallier les manques de financements publics. Des systèmes de financements adaptés peuvent être mis en place tels que : o les mécanismes de chèque éducation où les Etats versent une certaine somme par élève inscrit, o les systèmes des social-impact bonds, sorte de système d’obligations où les investisseurs ne sont rémunérés que si les objectifs fixés sont atteints, o le financement par les capitaux locaux afin d’améliorer l’accès et les conditions d’éducation5.

Par exemple, le continent dont consentir un effort considérable pour répondre au manque d’ingénieurs dont la demande croît très rapidement et auquel le secteur privé peut y participer de manière très active. A titre indicatif, les Objectifs de Développement du Millénaire (O.M.D.) de l’ONU estiment ces besoins entre 4 et 5 millions en 2015. 4

La législation sud-africaine peut ainsi servir de modèle : celle-ci prévoit que 1 % des bénéfices des acteurs privés soit prélevés pour financer des programmes de RSE, dont 40 % sont dédiés à l’éducation 5

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• Une politique de formation axée sur les énergies renouvelables Il est donc nécessaire pour le continent africain de poursuivre une politique d’économie verte privilégiant l’utilisation accrue des énergies renouvelables, d’un côté, pour accompagner l’accroissement de la consommation d’énergie d’une population qui connait une forte croissance démographique et, d’un autre côté, pour éviter les risques écologiques de certaines sources classiques d’énergie qui ont causé des dégâts considérables à la planète par le biais du réchauffement climatique. Le développement de cette économie verte passera nécessairement par la formation de nouvelles élites de décideurs (ingénieurs, managers, économistes, cadres d’administration) mais également de techniciens pour assurer le fonctionnement et la maintenance des équipements. Cette politique de formation doit poursuivre au moins un double objectif : - Le renforcement progressif des centres de recherche et développement en personnel qualifié. - L’instauration d’une meilleure adéquation entre les besoins énergétiques et le choix des équipements appropriés à travers une politique de recherche appliquée au contexte africain. - La formation des décideurs et d’équipes de maintenance capables non seulement de résoudre les problèmes techniques et assurer le fonctionnement des équipements utilisés mais également d’intervenir auprès des populations pour la sensibilisation des utilisateurs. A ce titre les acteurs publics et privés du système éducatif doivent renforcer leur collaboration afin d’assurer le développement de formations plus adaptées aux besoins réels de cette nouvelle économie et des acteurs africains en : - anticipant les futurs besoins de main-d’œuvre pour permettre aux entreprises de développer leur activité ; - encourageant et accompagnant l’entrepreneuriat qui se développe aujourd’hui à grande vitesse sur le continent grâce au numérique.
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PARTIE III Cadre global et Recommandations pour l’accès à l’énergie en Afrique

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III. CADRE GLOBAL ET RECOMMANDATIONS L’ACCÈS À L’ÉNERGIE EN AFRIQUE

POUR

Dans cette dernière partie du Livre Blanc, il est proposé un cadre stratégique intégré et global pour l’accès à l’énergie et la maitrise énergétique spécifique aux pays africains. Il permet de tirer profit, tant au niveau économique, social qu’environnemental, des opportunités liées au choix énergétique sobre en carbone et des flux d’investissement qui peuvent en découler tout en évitant les risques de prédation et en mettant en place, à travers les notions de durabilité et de responsabilité sociale, les bases d’une société démocratique socle pour une économie de création de valeurs durables. Egalement, et afin de rendre ce cadre plus opérationnel et pratique, cette dernière partie propose aux différentes parties prenantes 22 recommandations pouvant servir de feuille de route pour un modèle de développement durable et inclusif en Afrique ; un modèle de développement orienté croissance, réduction de la pauvreté et à faible impact en carbone.

1. CADRE STRATÉGIQUE INTÉGRÉ ET GLOBAL POUR L’ACCÈS À L’ÉNERGIE Le secteur de l’énergie est un secteur particulièrement important et sensible ; il est à la fois clé pour une croissance économique soutenue du pays, solution systémique pour nombre de défis sociaux africains, et réponse pour l’atténuation des effets du changement climatique au niveau mondial. Il est également caractérisé par un besoin en investissement important et requiert une coopération régionale pour bénéficier des synergies potentielles. C’est dans ce sens où l’élaboration des stratégies énergétiques pour les pays africains ne peut être conçue que dans un cadre intégré et global favorisant à la fois l’investissement dans les infrastructures de base, le développement humain, la coopération entre les pays de la région, et l’accès à des financements internationaux et privés importants.

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Le cadre stratégique intégré et global pour l’accès à l’énergie et la maitrise énergétique proposé pour les pays africains se base tout d’abord sur la mise en place d’une gouvernance nationale durable qui pose les jalons d’une société démocratique socle pour une économie de création de valeurs durables. Il s’appuie ensuite sur l’adoption au niveau national d’une vision énergétique ambitieuse basée sur l’utilisation optimale des sources d’énergies renouvelables disponibles ainsi que sur l’efficacité énergétique. Au niveau local, et afin de permettre un accès universel à l’énergie, le cadre propose d’accompagner les efforts de l’Etat par la mobilisation du secteur privé dans le cadre de sa responsabilité sociale et de la création de valeur partagée. Il préconise ainsi la mise en place de partenariats Entreprise-Communauté favorisant la coconstruction avec les populations rurales et les plus démunies de solutions innovantes d’accès à des énergies fiables et à bas coût. Au niveau régional, ce cadre préconise l’élaboration de partenariats élargis avec les pays limitrophes afin de mettre en place des projets énergétiques de grande envergure et de bénéficier des économies d’échelle. Enfin, au niveau international, et étant donné le coût d’investissement et l’impact attendu sur la planète des choix énergétiques adoptés, un tel positionnement stratégique ne pourra être réalisé sans le recours à des financements externes importants. La communauté financière internationale est ainsi interpellée afin de revoir et adapter la structure des mécanismes de financement existants, et delà faciliter aux pays africains la réalisation de leur ambition de prospérité partagée. Ce cadre stratégique serait incomplet s’il ne tenait pas compte de la dimension formation des leaders et managers de demain. La communauté académique est ainsi interpellée afin de se repositionner et pouvoir accompagner le nécessaire changement de paradigme qui sous-tend cette transformation énergétique.

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• Pour une gouvernance nationale durable Dans l’établissement de leur stratégie énergétique, les leaders politiques sont souvent confrontés à des choix difficiles qui les engagent depuis la prise de décision initiale jusqu’à la livraison finale d’électricité. D’un point de vue systémique, l’accès à l’énergie est au centre des préoccupations de développement du pays. Il est donc normal, dans un contexte démocratique, que les leaders politiques engagent leur responsabilité vis-à-vis de toute décision faite au niveau énergétique et être dans l’obligation de rendre des comptes aux citoyens. C’est dans ce sens qu’il est fait référence au cadre institutionnel présenté au niveau de la partie 2, qui fait intervenir les trois parties prenantes principales dans le développement durable des pays africains (Etat, Entreprise et Société civile). Dans le contexte du secteur énergétique, il s’avère important d’ajouter deux autres parties prenantes secondaires, mais non moins importantes, à savoir la Communauté internationale et la Communauté académique. Communauté Internationale

Communauté Académique

Sans une coopération internationale, les pays africains risqueraient de manquer de moyens financiers pour relever le défi du changement de paradigme et de transformation énergétique.

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Sans un accompagnement académique adéquat, l’Afrique court le risque de manquer de moyens humains pour prendre en charge son indépendance économique et technologique, et ainsi s’affranchir d’une tutelle étrangère qui peut être en contradiction avec les intérêts nationaux des pays africains. La gouvernance durable proposée repose essentiellement sur la notion de responsabilité sociale, tant de l’Etat que celle de l’entreprise. Elle se base sur les relations et interactions entre chacune des trois parties prenantes (Etat, Société civile, Entreprise), et éventuellement avec les Communautés internationale et académique. Chacune des parties joue un rôle important dans sa contribution au développement durable du pays dans une logique de processus vertueux définissant les droits et obligations de chacune des parties prenantes tout en permettant un contrôle mutuel entre parties. Sans avoir à revenir sur les détails du cadre conceptuel développé en partie 2, et de manière succincte, on retiendra que : 1. La gouvernance durable implique un Etat stratège et démocratique : a. L’Etat doit jouer le rôle de stratège en mettant en place un état de droit où justice et droits de l’Homme sont au cœur du système de gouvernance. b. L’Etat doit mettre en place un cadre législatif et juridique servant de guide à l’action gouvernementale et publique qui favorise la transparence et la reddition des comptes par les responsables de la chose publique. Le rôle de l’Etat est primordial dans la mesure où il est le moteur du processus de transformation envisagé et garant de la bonne gouvernance. c. L’Etat a également un rôle important dans l’implication de la société civile dans les prises de décisions publiques. Dans le cadre d’un nouveau contrat social, l’Etat doit permettre la mise en place d’un système politique ouvert, participatif, inclusif et responsable pour faire adhérer les citoyens et avoir leur soutien en faveur des réformes engagées et des objectifs de développement énergétiques adoptés.
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d. L’Etat de droit doit être imposé aux entreprises exerçant au niveau national. L’Etat doit également, sans être dans un rôle interventionniste, « réglementer » les conditions d’accès de ces entreprises au marché local (réduction de l’impact écologique, alignement sur les programmes de développement communautaires nationaux, communication extra-financière …). 2. La gouvernance durable suppose également une société civile consciente et engagée : a. La société civile doit pouvoir jouer le rôle de contrepoids visà-vis de l’Etat et des responsables publics. Elle doit être engagée et consciente de ses droits. Une participation des citoyens, sous l’égide des organisations de la société civile (OSC), peut entraîner un changement positif de l’offre et des prestations publiques. Les OSC peuvent agir comme médiateurs entre l’Etat et les citoyens. Elles peuvent devenir de précieux alliés pour les autorités pour permettre une évolution positive, notamment dans l’expression des besoins et du niveau de satisfaction des citoyens par rapport aux prestations publiques ou des projets de développement. 3. La gouvernance durable se base sur des entreprises citoyennes et responsables : a. Les entreprises exerçant en Afrique, qu’elles soient multinationales ou locales, doivent opérer dans le cadre de la loi, avoir un comportement éthique et transparent, et contribuer au développement durable à travers une démarche de responsabilité sociale et de création de valeur partagée. Cette démarche RSE doit non seulement être en conformité avec le cadre légal du pays mais également avec les objectifs nationaux de développement humain et d’accès universel à l’énergie. La gouvernance durable implique également une Communauté internationale consciente de sa responsabilité et de l’importance de son rôle dans la mise en place de mesures d’atténuation des risques liés au changement climatique.
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Enfin, la gouvernance durable sous-entend une Communauté académique forte et consciente de l’importance de son rôle dans la formation des leaders de demain et dans l’accompagnement de la transformation de l’économie africaine en économie verte. • Une vision nationale ambitieuse pour l’accès à l’énergie Une formulation claire de la stratégie énergétique nationale est un préalable important et un facteur clé de succès de tout processus de transformation énergétique comme l’ont montrées les quelques expériences pionnières menées en Afrique. En général, trois principes de base sous-tendent l’établissement d’une stratégie gagnante : Leadership visionnaire, ambition et accompagnement. Les dirigeants africains doivent être des leaders visionnaires. Ils doivent, sur la base du potentiel national existant en énergies renouvelables, montrer le cap en saisissant l’opportunité de transformation énergétique qui leur est offerte. Un tel positionnement est de nature à montrer à la fois un leadership mondial en rompant avec l’économie traditionnelle basée sur les ressources fossiles, et un leadership national en permettant l’ouverture de chantiers structurants d’industrialisation et d’accès universel à l’énergie. Si la vision est une des caractéristiques du leadership, il n’en demeure pas moins qu’être suivi par les citoyens et acteurs économiques en est une exigence. Dans le cadre d’une démarche démocratique, les leaders africains doivent être en mesure de mobiliser les citoyens et les opérateurs économiques autour d’objectifs nationaux importants et réalisables. L’ambition des leaders africains doit également être importante et à la mesure des défis nationaux et internationaux à relever. Aujourd’hui, le gap énergétique africain est tellement grand et les impacts écologiques mondiaux tellement catastrophiques que seuls des programmes nationaux ambitieux seraient de nature à avoir l’impact durable attendu. L’accès universel à l’énergie et la satisfaction des besoins industriels futurs doivent être au centre de cette ambition. En tous les cas, en l’absence d’ambition, c’est toute l’opportunité de transformation énergétique nationale qui se verrait vouée à l’échec.

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De même, sans coopération internationale, les opportunités existantes ne pourraient être pleinement exploitées(…). En termes d’accompagnement, l’Etat est attendu au niveau de son rôle de régulateur. Il doit mettre en place un cadre juridique permettant la libéralisation du secteur de l’énergie. Plus particulièrement, l’Etat est tenu de formuler clairement la stratégie nationale définissant le bouquet énergétique adopté, les objectifs quantitatifs assignés et les échéances qui en découlent. Il est également attendu au niveau des réformes législatives et réglementaires devant accompagner le processus de transformation énergétique avec la mise en place d’un cadre de régulation du marché de l’énergie et la création d’une agence de régulation indépendante. L’Etat est aussi attendu au niveau de l’établissement d’un environnement incitatif et transparent pour l’investissement et la bonne gouvernance comprenant un cadre de partenariat public-privé (PPP), un cadre de lutte contre la corruption, un cadre favorisant la libre concurrence, et un système fiscale équitable et efficace. Dans ses relations avec les multinationales fournisseurs de l’Etat (Défense, équipements, infrastructures, …), il serait opportun d’introduire une réglementation permettant de gérer de manière efficace et transparente les accords d’offsets et de compensation industrielle. En effet, l’alignement de ces accords avec les politiques de l’Etat en matière économique, industriel et de transfert de technologie (Achats de produits ou services auprès des fournisseurs locaux, intégration locale, développement de la recherche et formation, …) permettrait de favoriser la mise en place d’une industrie de transformation créatrice de valeur ajoutée en Afrique.

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• L’innovation sociale comme solution pour un accès universel à l’énergie en Afrique L’accès universel à l’énergie est une composante importante de toute vision énergétique africaine ambitieuse. Les Gouvernements africains ont la responsabilité de tenir compte du volet social dans leur proposition de programme. Les populations rurales, ainsi que les plus démunis et les « laissés pour compte » en milieu urbain doivent faire l’objet d’une attention particulière ; l’accès à l’énergie pour cette catégorie de population permet, dans le cadre d’une approche systémique, de résoudre nombre de besoins sociaux liés à l’éducation, la santé, l’agriculture, la création d’emplois, … L’accès universel à l’énergie a été choisi par l’ONU comme un des 17 objectifs prioritaires de développement durable. Ce choix permet certes de montrer l’importance de cette action et de la rendre plus visible aux bailleurs de fonds, mais cela ne préjuge en rien quant au choix technologique ni au modèle d’affaires à utiliser afin de produire, distribuer et commercialiser l’électricité pour la population du bas de la pyramide. C'est dans ce contexte que l’innovation sociale peut intervenir, dans le cadre d’une démarche participative faisant intervenir bailleurs de fonds, entrepreneurs sociaux et populations cibles, pour concevoir, adapter, et implémenter des solutions innovantes d’accès à des énergies fiables et à bas coût. Les bailleurs de fonds en question peuvent être soit les Gouvernements africains, soit des pays tiers donateurs, ou soit des entreprises multinationales et nationales dans le cadre la RSE et/ou de la création de valeur partagée. Une telle démarche de recherche de solutions pour les besoins sociaux ne peut réussir de manière effective que si les Gouvernements africains définissent de manière claire le programme national d’accès universel à l’énergie en définissant les populations cibles, les priorités, les prérequis en matière d’accompagnement, ainsi que les budgets estimatifs. Ainsi définis, les programmes d’accès universel à l’énergie pourraient être utilisés par les différents bailleurs de fonds pour mieux orienter leurs actions et participer de manière complémentaire à l’effort national.

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Ils pourront également être utilisés par les entrepreneurs sociaux pour mieux se positionner lors des demandes de financement de leurs projets énergétiques communautaires. Dans ce cadre de recherche de solutions innovantes, les processus participatifs des citoyens et des mécanismes de concertation ascendante (tels que ceux définis en partie 2) sont de nature à favoriser l’engagement des citoyens, l’autonomisation et l’amélioration des services et des projets communautaires. De telles approches ascendantes devrait permettre une meilleure expression des besoins des citoyens, un renforcement des capacités des institutions locales, et une reprise de confiance des populations en leur Etat … et de tirer profit d’une relation gagnant-gagnant avec l’Entreprise. Enfin, une telle démarche suppose une société civile consciente et engagée, et des entreprises citoyennes et responsables capables de coconstruire des partenariats gagnant-gagnant pour mettre à disposition des populations rurales, ou des populations dans le besoin, des solutions adaptées à leurs besoins réels et en harmonie avec l’environnement. • Des partenariats régionaux pour une plus grande économie d’échelle L’intégration régionale est un facteur clé de réussite du pari d’industrialisation verte et d’accès universel à l’énergie en Afrique. Au-delà de la modernisation du cadre légal et réglementaire national, il s’agit pour les pays africains d’une même sous-région d’unir leurs efforts pour homogénéiser leurs cadres légaux et réglementaires et de mettre en place des pools énergétiques communs afin de pouvoir exploiter ensemble les ressources disponibles et générer des économies d’échelle en mettant en place des marchés d’énergie efficaces.

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• Pour un financement adapté aux besoins et ambition africains La transformation énergétique en Afrique constitue une opportunité unique pour le développement durable de notre planète. C’est pour les africains une opportunité d’industrialisation verte et un accès universel à l’énergie, alors que pour les pays avancés c’est une opportunité de croissance de leurs marchés tout en évitant les conséquences néfastes en termes de changement climatique engendrées par ces pays au cours de leur processus de développement industriel. Les besoins en financement de la transformation énergétique africaine sont énormes et ne peuvent être supportés par les pays africains seuls. Sans une coopération internationale forte et engagée, et faute de moyens financiers et techniques, les pays africains ne pourront qu’exploiter partiellement les opportunités existantes. La communauté internationale est consciente de sa responsabilité et de l’importance de son rôle dans la mise en place de mesures d’atténuation des risques liés au changement climatique. C’est dans ce contexte de responsabilité partagée que se trouve le cadre des solutions au déblocage des investissements nécessaires à la transformation énergétique africaine. La communauté financière internationale est ainsi interpellée afin de revoir et adapter la structure des mécanismes de financement existants, et delà faciliter la disponibilité des fonds pour l’Afrique. Les IFI sont attendues en autres au niveau de l’utilisation des fonds publics comme outils de mobilisation de capitaux privés plutôt que pour le financement direct des grands projets structurants. Ils sont également attendus au niveau de l'assistance technique et le financement de la phase préliminaire de développement des projets. Les IFD sont, quant à elles, attendues au niveau des lignes de crédit vert à mettre à la disposition des banques commerciales locales pour le financement des projets de taille moyenne et d’efficacité énergétique.

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Elles peuvent également participer au financement des projets sociaux et incubateurs pour les startups énergétiques. Enfin, au niveau des institutions financières dédiées au climat, une restructuration de l’architecture du financement climatique semblerait aujourd’hui opportune afin d’être plus à l’écoute du potentiel de développement des énergies renouvelables de l’Afrique. Une institution financière comme la BAD pourrait jouer un rôle déterminant dans ce sens. De leur côté, les Gouvernements africains sont attendus au niveau de leur engagement politique en faveur des énergies renouvelables, et des mesures financières et de facilitation pour augmenter l’attractivité du secteur. Ils sont enfin attendus au niveau de la réforme de la fiscalité et de la lutte contre l’évasion fiscale qui constitue une ressource appréciable pour l’autofinancement des investissements énergétiques. Les banques commerciales locales doivent également jouer leur rôle d’intermédiation entre les bailleurs de fonds et les porteurs de projets afin de financer les projets de taille moyenne ou d’efficacité énergétique. Les fonds peuvent être soit mis à disposition par des institutions financières internationales, soit obtenus suite à une émission d’obligations environnementales. Les fonds d’investissement à fort impact (Impact Investing) peuvent jouer un grand rôle en orientant vers les projets africains les fonds collectés auprès des investisseurs privés et des petits épargnants qui optent pour le financement socialement responsable et/ou l’investissement à fort impact. L’investissement à fort impact peut être considéré comme une solution innovante et efficace pour répondre aux besoins de financement des projets, de taille moyenne, d’accès à l’énergie en Afrique, à condition toutefois d’avoir un écosystème africain favorable qui permette aux intermédiaires financiers de jouer pleinement leur rôle. Les entreprises, et plus particulièrement les multinationales, peuvent jouer un rôle important dans le financement des projets sociaux d’accès universel à l’énergie dans le cadre de leurs programmes de RSE et/ou leur stratégie de création de valeur partagée.

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Enfin, la coopération entre pays africains peut également jouer un rôle important dans l’amélioration de l’attractivité du continent et l’accélération de sa transformation énergétique. La mise en valeur commune des ressources énergétiques, la mise en place de pools énergétiques régionaux, et l’échange d’expérience entre pays africains sont autant de points positifs qui permettraient la construction d’un marché énergétique solvable et attractif pour les investisseurs. C’est dans un tel cadre que les différentes parties prenantes peuvent jouer un rôle déterminant dans la mobilisation et la canalisation des fonds vers les projets d’énergie verte en Afrique. • L’éducation et la recherche scientifique au cœur du changement de paradigme L’éducation et la formation des jeunes, leaders de demain, revêt une importance cruciale dans la construction d’une Afrique meilleure. Parce qu’elles forment l’élite des dirigeants et managers d’aujourd’hui et de demain, les institutions universitaires africaines doivent être un acteur clé du processus appropriatif de la RSE dans la sphère socioéconomique en contribuant, par leur activité de recherche, à l’avancement des connaissances en matière de management responsable, en proposant des enseignements et des programmes de formation dédiés (management durable des ressources) et en appliquant les valeurs et pratiques RSE au sein même de leur mode de gouvernance. De nombreuses actions et programmes ont été développés depuis une quinzaine d'années au sein d’institutions universitaires et académiques africaines autour du développement durable et de la RSE. Ces initiatives, souvent dispersées et pas toujours liées entre elles n’ont pas abouti aux résultats escomptés.

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A ce stade, il est important de rappeler l’initiative PRiME6 que les Nations Unies ont lancée en 2006 et qui a pour objectif de renforcer l’enseignement et la recherche académique autour du développement durable et de la responsabilité sociale au niveau des institutions universitaires qui forment les leaders et managers de demain. Le développement durable, l’éthique des affaires et l’entreprenariat sont dans ce cadre des matières à renforcer dans les curricula de l’enseignement. Il s’agit pour ces institutions de combler le fossé entre le monde universitaire et le monde de l’entreprise, développer l’insertion professionnelle des jeunes dans le secteur des énergies renouvelables et promouvoir l’entreprenariat agile, innovant et responsable. Dans le contexte d’une Afrique en transition, l’initiative PRiME de l’ONU se présente donc comme un cadre idoine pour inspirer les institutions universitaires africaines et promouvoir en leur sein une éducation et une recherche, ainsi qu’un leadership de pensée responsables. L’adhésion à l’initiative PRiME devrait permettre aux institutions universitaires africaines de contribuer à l'émergence d'une nouvelle génération de managers africains socialement responsables. Les six principes du PRIME sont aux institutions académiques ce que les dix principes du Pacte mondial sont pour les entreprises dans le cadre du développement durable et de leur responsabilité sociale. Ces six principes ont tous trait à la création d’une valeur durable (économique, sociale et environnementale) dans les domaines suivants de l‘institution académique: mission, valeurs, méthodes pédagogiques, recherche académique, partenariat, et dialogues avec les parties prenantes de la société. Ce cadre reste toutefois suffisamment ouvert et souple pour que chaque institution académique puisse garder son authenticité et son caractère. 
 PRiME - Principles for Responsible Education Management - lancée en 2006 par les Nations Unies pour renforcer l’enseignement et la recherche académique autour du développement durable et de la responsabilité sociale. Le PRiME rassemble experts, entreprises, organisations et gouvernements qui souhaitent agir pour une éducation responsable, combler le fossé entre le monde universitaire et le monde de l’entreprise, développer l’insertion professionnelle des jeunes et promouvoir un entreprenariat responsable et durable. 6

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2. FEUILLE DE ROUTE ET RECOMMANDATIONS AUX PARTIES PRENANTES

Afin de rendre le cadre stratégique présenté ci-dessus plus pratique et opérationnel, le Livre Blanc propose 22 recommandations aux différentes parties prenantes pouvant servir de feuille de route pour un modèle de développement durable et inclusif résolument orienté croissance et industrialisation verte, réduction de la pauvreté et sobre en carbone. Dans une logique de prospérité partagée, la feuille de route s’adresse autant aux Leaders et aux Gouvernements africains qu’à la Communauté internationale. Sans un leadership fort et visionnaire, l’Afrique raterait son pari d’industrialisation verte et d’accès universel à l’énergie. Dans le même sillage, les pays avancés perdraient l’opportunité d’une croissance durable de leurs marchés. Egalement, sans une coopération internationale engagée, les opportunités existantes en Afrique ne pourraient être pleinement exploitées. Les recommandations s’adressent aussi aux Opérateurs économiques, à la Société civile et à la Communauté académique. • A l’attention des Gouvernements africains 1. Gouvernance nationale durable : Mettre en place les bases d’un Etat démocratique ; un état de droit où justice et droits de l’Homme sont au cœur du système de gouvernance. Un Etat inclusif et ouvert à tous (Objectif de développement durable # 16). Un Etat où les principes de transparence et responsabilité s’appliquent et où la reddition des comptes par les responsables de la chose publique fait partie de la bonne gouvernance. La Gouvernance Durable s’appuie également sur les interactions des trois parties prenantes (Etat, Société civile, Entreprise) pour résoudre les problèmes d’intérêt commun dans une logique de processus vertueux définissant les droits et obligations de chacune des parties prenantes tout en permettant un contrôle mutuel entre parties.

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2. Leadership visionnaire : Un leadership visionnaire doit présider à l’établissement d’une stratégie énergétique nationale ambitieuse et réalisable. La stratégie doit saisir l’opportunité offerte par le potentiel des énergies renouvelables disponibles pour permettre la transformation énergétique attendue. La stratégie doit être en mesure de couvrir tant les besoins industriels que les besoins sociaux d’accès universel à l’énergie. La stratégie doit également être clairement explicite à travers une définition du bouquet énergétique adopté, des objectifs quantitatifs assignés et des échéances qui en découlent. 3. Gouvernance sectorielle : Mettre en place un cadre juridique permettant la libéralisation du secteur de l’énergie. Plus particulièrement, au niveau des réformes législatives et réglementaires devant accompagner le processus de transformation énergétique, mettre en place un cadre de régulation du marché de l’énergie et créer une agence de régulation indépendante. 4. Mesures d’accompagnement sectorielles : Mettre en place des mesures pour augmenter l’attractivité du secteur, améliorer le cadre de régulation du marché de l’énergie et la transparence du processus d’appel à concurrence, réduire les coûts initiaux liés à la préparation des dossiers, garantir les projets vis-à-vis des investisseurs potentiels, faciliter l’accès à des fonds concessionnels, et garantir l’achat de l’énergie. 5. Environnement incitatif et transparent : Etablir un environnement incitatif et transparent pour l’investissement et la bonne gouvernance comprenant un cadre de partenariat public-privé (PPP), un cadre de lutte contre la corruption, et un cadre favorisant la libre concurrence. 6. Incitations financières dédiées : Mettre en place des politiques de financement dédiées qui peuvent diminuer les risques d'investissement. L’établissement de mécanismes de

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financement spécifiques au secteur des énergies renouvelables peut s’articuler autour de mesures telles que : - la priorisation du secteur, - la mise en place de lignes de crédit vert dédiées avec des taux d’intérêt différenciés, - et la mise en place d’un cadre spécifique pour l’émission d’obligations vertes (Green bonds). 7. Réforme de la fiscalité et lutte contre les flux financiers illicites : Mettre en place un système fiscal équitable et efficace. Les flux financiers illicites en Afrique, qui ont constitué en 2012 près de 69 milliards de dollars, sont une source importante de revenus qui pourrait augmenter la capacité africaine d’autofinancement des projets d’énergie renouvelable. 8. Mesures d’accompagnement ad hoc : Mettre en place des mesures parallèles pour accompagner le développement du secteur de l’énergie : - Arrêter la subvention des carburants fossiles et l’orienter vers une subvention ciblée en faveur des couches sociales les plus démunies. - Introduire la dimension genre dans tous les programmes d’accès universel à l’énergie. L’accès universel à l’énergie doit répondre aux besoins différents des femmes et des hommes. Il est important, pour un développement inclusif, de mettre en place des programmes sensibles à la parité. En tant que groupe vulnérable, les programmes doivent se focaliser sur le renforcement de l’autonomisation des femmes, ainsi que sur le renforcement de leurs moyens de subsistance. - Introduire une réglementation permettant de gérer de manière efficace et transparente les accords d’offsets et de compensation industrielle. Orienter les accords d’offsets vers les projets liés à l’accès universel à l’énergie. !109


- Mettre en place une stratégie industrielle pour l’accompagnement du développement national des énergies renouvelables. S’assurer également que les conditions d’intégration locale minimale sont bien introduites dans les appels à concurrence des marchés publics d’équipement en énergies renouvelables. 9. Intégration régionale : L’intégration régionale est un facteur clé de réussite du pari d’industrialisation verte et d’accès universel à l’énergie en Afrique. La coopération entre pays africains permet des économies d’échelle à travers une mise en valeur commune des ressources énergétiques régionales et la création de pools énergétiques régionaux pour un marché africain solvable et attractif. De plus, la mise en place de connections intelligentes entre les différentes institutions énergétiques africaines dans le cadre d’un partenariat régional sud-sud pourrait se traduire par un transfert de savoir-faire technique et financier, une mutualisation des ressources pour la mise en place de mécanismes de financement sud-sud, et une incitation des investisseurs privés africains et des banques commerciales à lancer des produits de financement innovants en adéquation avec les besoins africains. Il s’agit donc pour les pays africains d’une même sous-région d’unir leurs efforts pour homogénéiser leurs cadres légaux et réglementaires afin de tirer profit des économies d’échelle potentielles. • A l’attention de la Communauté internationale 10. Responsabilité financière des pays avancés : Mettre en place un calendrier définitif pour honorer les engagements internationaux à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 (Copenhague 2009 et Addis Abeba 2015). 11. Appui des Institutions financières internationales : Utiliser des fonds publics des Institutions financières internationales comme outils de mobilisation de capitaux privés plutôt que comme financement direct.

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12. Appui des Institutions financières de développement : Utiliser les fonds des Institutions financières de développement pour alimenter les lignes de crédit vert mises à la disposition des banques commerciales locales pour le financement des porteurs de projets d’énergie renouvelable de taille moyenne tels que ceux relatifs à l’efficacité é n e rg é t i q u e o u l ’ a u t o c o n s o m m a t i o n e n é n e rg i e renouvelables. Dans les pays africains où le système financier est relativement bien développé, les banques commerciales locales pourraient même procéder directement à une levée des fonds à travers une émission d’obligations environnementales (Green bonds). 13. Appui et renforcement de capacité : Assister techniquement et financer la phase préliminaire de développement des projets pour la préparation des documents techniques et financiers (études de faisabilité technique et financière, étude d’impact environnemental) afin d’améliorer sensiblement le portefeuille de dossiers prêts à l'investissement et augmenter le flux d'affaires des énergies renouvelables. 14. Appui aux projets sociaux : Financer et accompagner les projets sociaux d’accès universel à l’énergie ainsi que les incubateurs de startups en énergie renouvelable. La réussite de ces projets sociaux et startups servira de modèle pour un changement d’échelle. 15. Rôle des Fonds d’investissement à fort impact : L’investissement à fort impact (Impact Investing) peut être considéré comme un levier innovant et efficace pour répondre aux besoins de financement des projets, de taille moyenne, d’accès à l’énergie en Afrique. Les fonds d’investissement à fort impact peuvent jouer un rôle important en orientant vers les projets africains les fonds collectés auprès des investisseurs privés et des petits épargnants qui optent pour le financement socialement responsable et/ou l’investissement à fort impact. 
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Le transfert de ces fonds privés vers l’Afrique ne pourrait se produire que sous la condition d’avoir un écosystème favorable qui permette aux intermédiaires financiers de jouer pleinement leur rôle. En effet, le rôle des intermédiaires financiers, qu’ils soient conseillers financiers ou consultants en investissement à fort impact, est crucial dans l’établissement de la confiance entre l’offre et la demande, et le placement des fonds dans des projets qui répondent aux critères exigés par les investisseurs. L’Afrique a besoin, dans son écosystème, d’avoir des intermédiaires financiers qui puissent trouver et accompagner les entreprises qui ont des idées de développement de business en matière d’accès à l’énergie ou de maitrise énergétique, et les mettre en contact avec les fonds d’investissement idoines. 16. Rôle des Institutions financières pour le climat : Les pays africains ont un faible accès aux fonds de financement dédiés au climat. D’un côté ces fonds sont trop fragmentés et ne semblent pas forcement répondre à la problématique d’atténuation des effets des changements climatiques en Afrique, et de l’autre, les pays africains manquent de capacité organisationnelle pour la constitution de dossiers d’investissement solides. Une restructuration de l’architecture du financement climatique semblerait aujourd’hui opportune afin d’être plus à l’écoute du potentiel de développement des énergies renouvelables de l’Afrique. Une institution financière comme la BAD pourrait jouer un rôle déterminant dans ce sens. • A l’attention des Opérateurs économiques 17. Financement des projets sociaux : Les entreprises, et plus particulièrement les multinationales opérant en Afrique, peuvent jouer un rôle important dans le financement des projets sociaux d’accès universel à l’énergie dans le cadre de leurs programmes de RSE et/ou leur stratégie de création de valeur partagée. L’innovation sociale doit être au centre de leur démarche d’appui aux communautés défavorisées.
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Leur intervention doit être intégrée dans le cadre du programme national d’accès universel à l’énergie. 18. Communication : S’engager dans une communication transparente en harmonie avec les recommandations et standards du G20 et de l’OCDE. 19. Actions d’accompagnement : Les associations représentatives des opérateurs économiques peuvent jouer un rôle important dans l’accompagnement de la transformation énergétique africaine. Les mesures préconisées sont : - Identifier, avec les Gouvernements africains, les conditions pour l’accroissement des investissements dans le secteur de l’énergie, et le développement de partenariats PPP dans le domaine des énergies renouvelables. - Accélérer le désinvestissement des énergies fossiles. • A l’attention de la Société civile : 20. Engagement et participation : La société civile doit pouvoir jouer son rôle de contrepoids vis-à-vis de l’Etat et des responsables publics. Sous l’égide des organisations de la société civile, elle doit : - Etre engagée et consciente de ses droits. - S’informer sur les programmes nationaux et locaux prévus. - Participer activement à l’implémentation des projets sociaux prévus dans le cadre de l’accès universel à l’énergie. Un esprit de co-construction doit prévaloir dans ce processus participatif.

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• A l’attention de la Communauté académique : 21. Engagement de développement durable : Les institutions académiques universitaires ont une grande responsabilité dans l’éducation et la formation des élites dirigeantes et des managers de demain. La création de valeurs durables doit être au cœur du système de formation africain. - Adhérer à l’initiative PRiME de l’ONU, qui est un cadre construit autour de 6 principes définissant les grands axes d’organisation des institutions académiques pour une formation en accord avec les nécessités de développement durable. Le PRiME est aux institutions académiques ce que le Pacte Mondial de l’ONU est pour les entreprises en termes de développement durable et de RSE. - Promouvoir la diffusion du savoir, de la recherche et développement, et de l’innovation. 22. Formation professionnelle et entreprenariat : Pour les jeunes qui n’arrivent pas jusqu’au niveau universitaire : - Développer l’insertion professionnelle dans le secteur des énergies renouvelables. - Promouvoir l’entreprenariat agile, innovant et responsable. Accompagner les jeunes dans la réalisation de leurs projets au sein d’incubateurs dédiés.

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AUTEURS Majid Kaissar EL GHAIB Majid Kaissar EL GHAIB dirige l’Institut de l’Innovation Sociale et du Développement Durable à ESCA Ecole de Management. Titulaire d’un Ph.D. du Massachussetts Institute of Technology (MIT) et d’un diplôme d’ingénieur de l’Ecole Centrale de Lyon et de l’Ecole des Ponts et Chaussées, il possède une longue expérience en tant que dirigeant d’importantes entreprises publiques et privées. Il est Président de OMEGA Holding, société d’investissement sectoriel. Dr. EL GHAIB est par ailleurs Président d’Enactus Morocco. Bouchra TAIBI Bouchra TAIBI est Consultant et Manager de mcv advisory, une entité spécialisée dans le conseil en stratégie. Titulaire d’un DESS en Management de Projet de l’Université de Lille 2 et d’un diplôme de master d’ESCA Ecole de Mangement, Bouchra cumule plus de 15 années d’expérience professionnelle, incluant des postes de direction au sein de grands groupes marocains et multinationales, opérant dans divers secteurs. Bouchra dispose d’une expertise avérée dans l’accompagnement des entreprises en matière de stratégie marketing, stratégie de communication et montage de projets de lancement. Elle a conduit des projets dans plusieurs secteurs d’activité tel que l’Énergie, l’Assurance, le Tourisme ainsi que plusieurs réseaux de Retail (télécoms, transfert de fonds – beauty – restauration rapide).

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Mourad HARICI Mourad HARICI est Professeur chercheur à l’ESCA École de Management. Il y enseigne la fiscalité des entreprises, notamment ses aspects transfrontaliers. Il exerce aussi le métier de conseil fiscal au sein d’un cabinet privé dont il est associé et dont la clientèle est constituée majoritairement de groupes multinationaux, après une expérience professionnelle de plus de vingt ans au sein de deux grands cabinets internationaux. Il est titulaire d’un diplôme d’études approfondies (D.E.A.) en droit des affaires de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, d’un Master en audit et contrôle de gestion de l’École Supérieure de Commerce de Toulouse, d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en audit juridique et social de l’Institut d’Administration des Entreprises de Toulouse et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en fiscalité de l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal. Nabil EL HILALI Nabil EL HILALI est Professeur-chercheur à ESCA Ecole de Management. Il détient en une perspective transdisciplinaire un doctorat en sciences de gestion de l’université de Nantes / Audencia Business School (France) et un doctorat en sciences humaines et sociales de l’université de Nice Sophia Antipolis (France). Il a été professeur visitant dans des écoles de renommée en Europe et a conseillé de grandes structures dans les domaines liées aux stratégies de communication, de design management et de l’innovation. Il publie et communique ses travaux à l’échelle internationale. Ses centres d’intérêt traitent du design thinking, du management de l’innovation à l’intersection de l’art, des sciences de l’ingénieur et du marketing.

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Yousfi AOUAD Yousfi AOUAD est Directeur de recherche à ESCA Ecole de Management où il avait également occupé les fonctions de Directeur Académique. Il détient un doctorat en sciences de gestion de l’université Hassan II de Casablanca. Ses travaux de recherche portent sur le marketing et le management des activités de services. Il a réalisé de multiples missions de conseil dans les domaines du développement d’affaires, des analyses économiques et études sectorielles et du renforcement institutionnel des organismes d’appui à l’entreprise.

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