> numĂŠro 13, mai 2015 1 > grimpE
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ÉDITO
LES MOYENS JUSTIF Très chers lecteurs, c’est malheureusement la fin de Grimpe. Après 3 ans d’efforts acharnés, David et moi jetons l’éponge. Suite à la mort de la version imprimée, nous avions bon espoir de pouvoir relancer le magazine et d’aller chercher un financement stable qui assurerait la pérennité à long terme de l’aventure. Bien que quelques annonceurs nous aient permis de survivre, nous peinions à chaque numéro à trouver le financement nécessaire afin de faire nos frais. Les collaborateurs étaient payés des montants ridicules, David recevait une somme dérisoire pour le travail effectué et Alex – notre graphiste virtuose – était aussi sous-payé. Quant à moi, je termine l’aventure dans le rouge. Vient un moment où l’on doit se dire les vraies affaires, comme dirait nos bien heureux premiers ministres, et les vraies affaires c’est que nous sommes profondément démotivés. Avant de fermer les livres, je tiens cependant à remercier The North Face, dont Corey Stecker, Jano Arabaghian, Armando Bajares et Charles Spina sans qui cette aventure n’aurait jamais vu le jour. Aussi Noémie Labelle de MEC et, finalement, Jean-Pierre Ouellet et Ghislain Leroux de Black Diamond. Je désire aussi remercier les autres annonceurs qui ont participé de manière ponctuelle au financement du projet. Je ne peux non plus terminer sans saluer le travail exceptionnel et le dévouement irréprochable de David Savoie. Un véritable journaliste qui aura apporté beaucoup à notre communauté.
par Ian Bergeron Éditeur Grimpe Magazine ian@escaladequebec.com
Comme disait René : à la prochaine fois!
Mise en garde : L’escalade comporte des risques pouvant causer des blessures ou un décès. Toute information ou tout conseil reçu par le présent magazine ne dispense quiconque d’évaluer lui-même les risques auxquels il peut être exposé. EscaladeQuebec.com recommande d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires avant de s’aventurer en paroi, en montagne ou sur toute structure verticaale. Vous devez accepter les risques et responsabilités inhérents pouvant survenir lors de la pratique de vos activités. Tous droits réservés EscaladeQuebec.com : Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans le consentement explicite de l’éditeur. Les opinions qui sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position d’EscaladeQuebec.com.
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Page couverture Crédit photo : Alain Denis
FIENT LA FIN. Vous lisez ce qui est, selon toute vraisemblance, le dernier numéro de Grimpe au Québec. Comme des matelots abandonnés à leurs sorts sur un radeau de fortune, Ian Bergeron et moi avons tout fait pour maintenir à flot ce magazine sur l’escalade au Québec. Épuisés, meurtris par nos expériences, nous ne pouvons pas continuer à produire ainsi cette revue sans avoir le soutien de la communauté. Et ce soutien ne s’est que très peu manifesté. C’est la deuxième fois que j’enterre Grimpe au Québec à titre de rédacteur en chef. J’aurais aimé ne pas avoir revivre cette expérience. J’espérais que le magazine serait à même de profiter de l’engouement pour le sport, et qu’il fleurirait encore pendant longtemps. Quel paradoxe: l’escalade ne s’est jamais aussi bien portée, et pourtant, il ne nous a jamais été si difficile d’avoir de l’appui – des compagnies d’équipement, certes, mais aussi des gyms de toute la province. Pourtant, au moment où la communauté des grimpeurs s’agrandit, il y a un besoin de cohésion, de transmission et de partage d’information, à l’image de ce que nous faisions.
conscience de son importance et que soudainement, sa présence paraît indispensable. *** Je me dois de remercier plusieurs personnes qui ont permis à Grimpe au Québec de survivre aussi longtemps. D’abord, Ian Bergeron, sans qui tout ce projet n’aurait tout simplement pas levé de terre. Alexandre Geoffrion a donné corps à ce magazine et lui a donné son esthétisme. Un gros merci à tous nos collaborateurs, qui ont écrit (et parfois donné) des textes. Et enfin un merci tout particulier à deux travailleuses de l’ombre, Catherine Vaillancourt et Catherine Rioux, qui ont corrigé les textes et les ont rendus lisibles ! Et qui sait, peut-être, peut-être, à une prochaine fois.
par David Savoie Rédacteur en chef
Mais voilà, personne ne vit d’amour et d’eau fraîche, et aucun magazine ne survit sans un soutien fort de son milieu. Après une douzaine de numéros très solides, j’estime, humblement, que nous avons fait de Grimpe au Québec une référence dans le milieu - pour savoir ce qui se passait, connaître les gens qui constituent la communauté, apprendre des techniques d’entraînement, rêver de nouvelles destinations. Nous avons mis des heures innombrables dans chaque numéro, parlé à de nombreux intervenants du milieu, écrit des articles par dizaine. C’est attristant de devoir arrêter ainsi nos activités. Comme c’est souvent le cas, c’est lorsqu’un média disparaît qu’on prend grimpE < 5
Faits saillants >
NOUVEAU GYM DE BLOC
Crédit photo : Gabriel Harton
SIGNÉ DÉLIRE
QUÉBEC A MAINTENANT UN NOUVEAU GYM : une salle entièrement consacrée au bloc, qui porte la griffe de Délire. L’équipe du gym Délire – Lisa Lajoie, Jean-François Beaulieu et Vincent Légaré, notamment – avait déjà fait sa marque dans la Vieille Capitale avec l’ouverture de son premier gym, à Beauport. Ce dernier était très achalandé depuis un moment, et les trois acolytes contemplaient l’idée d’ouvrir une nouvelle salle depuis au moins un an. À leur avis, la ville de Québec semblait être mure pour un nouveau gymnase. C’était donc une question de temps avant que quelqu’un n’ouvre un centre, avec des rumeurs incessantes qui circulaient. « Nous, on a vu une opportunité d’affaires d’agrandir », explique la présidente et co-propriétaire du centre Délire, Lisa Lajoie. Pourquoi seulement du bloc ? Parce que c’est en grande demande partout ailleurs en Amérique du Nord et que la discipline semble gagner en popularité dans la région également. C’est aussi plus facile à encadrer, notamment pour l’accueil de gros groupes et pour la formation des employés. 6 > grimpE
Ce nouveau centre compte plus de 5000 pieds carrés de surface grimpable, en plus d’une mezzanine pour y faire de la musculation et de l’entraînement. Déjà, des abonnements se sont vendus et la réponse a été bonne dans la Vieille capitale. La visite de plusieurs autres centres, au Québec et ailleurs, a permis aux propriétaires de se faire une bonne idée de ce qu’ils voulaient dans leur propre installation. « En étant nous-mêmes grimpeurs, aussi passionnés, on a besoin d’infrastructure pour nos besoins. Ce qu’on offre, c’est le meilleur de ce qu’on aime, autant dans le produit escalade que dans ce qu’il y aura autour », souligne Lisa Lajoie. « En bloc, il y a une ambiance communautaire », note-t-elle. Une compétition a été organisée pour l’ouverture du gym, le 11 avril. par David Savoie
ET UNE SALLE DE BLOC AU SAGUENAY
Faits saillants >
Crédit photo : Andrew Burr
La ville de Saguenay aura sa toute première salle de bloc sous peu, un projet qui sera sans but lucratif. Le Club de montagne du Saguenay chapeautera la salle, baptisée pour le moment « le Saint-Crux ». Le projet a été longuement mûri: à deux reprises, en 2008 et en 2013, le club avait fait des démarches pour concrétiser le projet, en partenariat avec la ville sans que cela aboutisse. Après avoir trouvé récemment un local, le coordonnateur du projet, Louis-Philippe Pineault, a remis l’idée sur les rails, cette fois avec du soutien financier venant du privé. Il n’y avait qu’un seul endroit où grimper auparavant – des murs à l’Université du Québec à Chicoutimi – un endroit un peu vétuste qui n’offre que des murs verticaux. La construction des murs devrait s’amorcer sous peu, et dès le mois de mai, les grimpeurs saguenéens pourraient tirer sur des prises dans des murs de plusieurs angles différents. En tout, il y aura près de 400 pieds/carré de surface grimpable. Une partie des prises de cette nouvelle salle proviendra de la défunte coopérative de bloc de Montréal. « Je pense que la demande est là en ce moment pour le bloc », dit Louis-Philippe Pineault. « C’est plus facile aussi d’aller recruter des gens et d’initier avec des gens avec le bloc, avec moins d’engagements côté équipement. » Les installations pour ce genre de grimpe sont également moins chères et moins compliquées à assurer, fait-il remarquer. Il espère aussi que la salle deviendra un lieu de rassemblement pour les grimpeurs de la région. « Avec ça, on va réussir à se bâtir une plus grosse communauté, peut-être plus soudée, moins éparpillée », souligne le coordonnateur.
UN NOUVEAU GUIDE POUR LES VOIES À VAL-DAVID
Finies, les versions photocopiées du livre-guide des voies à Val-David. L’auteur de la première version, Paul Laperrière – qui est également le premier ascensionniste de plusieurs voies là-bas – a été assidu à sa table à dessin, pour concocter la deuxième version du bouquin au cours des derniers mois. Il dit être contacté régulièrement pour des exemplaires du livre-guide. Face à cette demande, il a voulu compléter le livre. La sortie de ce nouveau guide, « ça va recréer de l’intérêt », affirme l’auteur. En tout, il devrait y avoir environ 70 voies de plus par rapport à l’ancien guide. Des voies datant de 1974 qui n’étaient pas dans le premier guide – un oubli, dit l’auteur – figureront dans la nouvelle version, ainsi que des nouveaux secteurs. C’est notamment le cas du secteur Pain de sucre, où se trouvent des projets qui attendent encore une première ascension. Autre nouveauté: il s’agira d’un guide avec photos, contrairement à l’ancienne version. Les voies d’escalade sportives seront également identifiées d’une couleur différente.
Mais ce premier local de bloc n’est peut-être que le début. Déjà, le coordonnateur du projet caresse l’idée d’un gymnase de plus grande envergure au cours des prochaines années. « Il y a beaucoup de monuments religieux, ici, qui se sont vidés dans les dernières années. Moi, je rêve encore qu’on puisse en récupérer une et faire un projet un peu comme celui de Sherbrooke. » (NDLR: le gymnase se trouve dans une ancienne église)
Comme il vit tout juste à côté du Parc Dufresne, recueillir l’information n’a pas été si complexe, explique Paul Laperrière.
par David Savoie
par David Savoie
Plusieurs milliers d’exemplaires du guide seront imprimés. Le livre-guide sera distribué dans les boutiques et il sera disponible en ligne également. Le guide devrait sortir au début de l’été.
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Faits saillants >
Entrepreneurs en escalade SIGNE SUPPLÉMENTAIRE QUE L’ESCALADE SE PORTE BIEN AU QUÉBEC CES JOURS-CI, DEUX NOUVELLES COMPAGNIES ONT VU LE JOUR AU COURS DES DERNIERS MOIS. LA PREMIÈRE PROPOSE LA CONSTRUCTION DE MURS ET DE MATELAS, LA SECONDE FABRIQUE DES MODULES. PORTRAITS.
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Les murs d’escalade, Julien Duchêne les connaît. Membre fondateur de la coop de bloc de Montréal, il a manipulé son lot d’outils pour fabriquer des pans pour grimper. Et aujourd’hui, il conçoit et fabrique des murs et des matelas pour quiconque en a besoin: écoles, gyms et même des particuliers.
Comme grimpeur, il a bourlingué en Europe et en Amérique du Nord, des expériences qui lui ont permis d’ouvrir ses horizons sur des formes et des concepts originaux.
Depuis 2005, Julien Duchêne a fabriqué quelques pans de mur pour le gym Allez Up, à Montréal. Il y a deux ans, il se retrouve responsable des projets spéciaux, et plus récemment, l’automne dernier, Julien a officiellement lancé sa compagnie. Son premier projet: la conception des murs et des tapis, de façon intégrée, pour le nouveau gym d’Halifax, Seven Bays Bouldering.
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Formé en ébénisterie artisanale, en design et en génie de l’environnement, il dit pouvoir intégrer toutes ces qualités avec sa nouvelle compagnie, un rôle qu’il compare à celui de compositeur et chef d’orchestre. Mais il prône une approche plus artisanale. Soucieux de l’environnement, il utilise seulement des matériaux qui proviennent des États-Unis. « Je ne suis pas un IKEA du mur d’escalade », affirme-t-il. « Là où j’essaie d’aller, c’est de trouver des niches dans le milieu de
Crédits photo : Nic Charron
l’escalade qui ne sont pas encore exploitées, d’être capable d’offrir des solutions qui n’ont pas encore été envisagées. » Il estime aussi qu’un produit intégré (murs et matelas) permet également de maximiser l’espace et les ressources. Julien Duchene dit que déjà, d’autres contrats vont l’occuper au cours des prochaines semaines. Parmi ces contrats, rien de moins que la construction du mur de l’étape de la Coupe du monde de bloc à Toronto !
Dimension Climbing Déjà, en quelques mois, les volumes de Dimension Climbing ont fait le tour du Web, grâce au vidéo des dernières compétitions nationales de bloc: Sean McColl qui se bat contre des formes grises, arrimées aux murs d’escalade, où se greffent des prises. L’homme derrière ces oeuvres d’art géométriques, c’est Kristopher Feeney. Inspiré par son père, il fait une formation en ébénisterie. Quelques années plus tard, après des études en animation culturelle à l’université, le hasard fait en sorte qu’il atterrit chez Horizon Roc, où il occupe divers postes.
des nouveaux produits, des façons de faire pour arriver au produit que je fais maintenant », expliquet-il. Ses volumes n’arborent aucune vis ou clou, tout ne tient qu’avec de la colle. Au lieu des renforts en bois traditionnel, il utilise de la fibre de verre pour les rendre plus légers, dit-il. « Le secret de mes volumes, c’est la texture », affirme Kristopher Feeney, un aspect qu’il a raffiné avec les années. Son expérience d’ouvreur lui a permis d’avoir une bonne rétroaction sur la qualité de ses volumes. Ce qui était d’abord un petit projet à temps partiel est vite devenu plus prenant. Les commandes au Québec ont pris de l’ampleur, et il a décidé récemment d’en faire son emploi à temps plein. Sa compagnie n’a que quelques mois que déjà les commandes se bousculent: un peu partout aux ÉtatsUnis et ailleurs au Canada, on réclame ses volumes. Si bien qu’il a dû changer de locaux et qu’il doit repenser le processus de fabrication. par David Savoie
Il y a quelques années, il retourne à l’ébénisterie et se met à construire des volumes, d’abord pour des amis, ouvreurs dans des centres d’escalade de la métropole. « Tranquillement, j’ai commencé à essayer
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Faits saillants >
Découvrir ses racines : un premier livre entièrement dédié à l’histoire québécoise de l’escalade Qu’ont en commun Claude Lavallée, Bernard Poisson, Jean Sylvain, les frères Laperrière, Gaétan Martineau, Yannick Girard, Jean-Pierre « Peewee » Ouellet et Mathieu Fontaine? Il s’agit de quelquesuns des pionniers qui ont façonné l’histoire québécoise de l’escalade depuis que John Brett a exploré les falaises de Val-David en 1928. David Savoie et Hugo Drouin sont deux grimpeurs québécois qui ont pris l’initiative de rédiger un premier livre entièrement dédié à l’histoire québécoise de l’escalade Au cours des derniers mois, ils ont amorcé un ambitieux travail de recherche qui mènera, à terme, à la publication d’un ouvrage relatant les 85 ans d’histoire de cette activité dans la Belle Province. (Par souci de transparence, disons-le clairement : le rédacteur en chef de Grimpe, David Savoie, a utilisé les pages de cette revue pour faire la promotion flagrante de son livre à paraître ! Mais étant une revue spécialisée en escalade, c’était trop beau pour ne pas le faire !) D’où vient l’idée de ce projet ? DS Avec la revue Grimpe, j’ai traité de beaucoup de sujets, et je me disais que ça manquait, un ouvrage qui regroupe les faits saillants de l’escalade dans la province. D’autant plus qu’il y a une histoire riche, mais qu’en raison d’une tradition orale très forte, nous connaissons mal l’histoire de nos pionniers, parce que peu de choses ont été écrites sur eux.! Et puis, il y a aussi tout un pan de notre histoire qu’on connaît moins, parce qu’elle est connue d’un petit nombre de grimpeurs seulement. Après y avoir pensé pendant un moment, je me suis dit qu’un bouquin du genre devait absolument voir le jour, surtout avec l’essor que le sport connaît actuellement ! Un appel lancé sur un forum Internet, et voilà comment Hugo et moi avons uni nos forces dans le projet. 1 0 > grimpE
HD Une série d’événements a suscité mon intérêt pour la rédaction d’un livre sur l’histoire québécoise de l’escalade. D’abord, alors que nous étions à la recherche de rocher vierge, des amis et moi avons mis la main sur le livre Parois d’escalade au Québec publié par Jean Sylvain en 1978. Nous avons vite réalisé que plusieurs générations de grimpeurs prolifiques et talentueux nous avaient précédés et que leur histoire Une ascension de l’Aiguille, était riche et à Val-David, en 1956 fascinante ! Ensuite, une rencontre fortuite avec Gaétan Martineau, qui m’a généreusement présenté sa collection de photographies prises lors de ses nombreuses premières au cap Trinité, m’a ouvert les yeux sur une autre grande époque de l’escalade québécoise. Finalement, il y a eu la lecture de Yankee Rock & Ice par Guy et Laura Waterman. Ce livre relate l’histoire de l’escalade dans le nord-est américain. Si les Adirondacks, Cathedral Ledge, Cannon Cliff et les Gunks sont dignes d’un livre intéressant, c’est certainement aussi le cas pour le cap Trinité, les Grands-Jardins, les Hautes-Gorges, Kamouraska, Val-David et pour nos pionniers québécois ! Quelles sont les prochaines étapes ? HD Nous poursuivons activement notre travail de recherche et de rédaction ! Dans la prochaine année, nous continuerons à mener des entrevues avec les pionniers de toutes les générations qui ont fait de l’escalade
québécoise ce qu’elle est aujourd’hui. L’objectif est d’en apprendre le plus possible sur leurs récits et sur les faits marquants de leurs époques respectives. En parallèle, nous réalisons aussi une grande recherche documentaire et nous passons au peigne fin tout ce qui a été publié sur l’escalade québécoise : chapitres de livres, magazines, infolettres, films documentaires, etc. Une fois que la quantité d’information recueillie sera jugée suffisante, nous nous attellerons à la rédaction finale et ensuite à l’édition, à l’impression et à la mise en marché. DS Et ce qui est bien, c’est qu’entre nous deux, nous nous complétons très bien. Hugo est à Québec, moi à Montréal, il a un intérêt pour le trad, la glace, les expéditions et les grands murs, alors que j’aime beaucoup le bloc et l’escalade sportive. Donc, avec nos forces et nos intérêts, on devrait parvenir à quelque chose d’équilibré et d’intéressant pour tout le monde qui pratique l’escalade. On va tenter de raconter l’histoire de notre sport dans la province, et le défi sera selon moi d’en faire un récit attrayant et coloré, pour bien illustrer comment chaque époque a été vécue !
Comment pouvez-vous contribuer à ce projet? HD Nous voulons entendre parler de vos réalisations! Si vous avez participé au développement de l’escalade au Québec ou si vous avez un contact dans ce domaine, vous pouvez contribuer en partageant avec nous vos récits et vos images. Vous avez une photo prise au Québec dans une voie d’importance « historique »? Nous sommes preneurs ! N’hésitez pas à entrer en contact avec nous : histoireEQ@gmail.com P.S. Nous couvrons aussi les années récentes (1990, 2000,...). DS N’hésitez pas non plus à signaler certains événements que vous estimez importants, notamment en région ! Malgré notre bonne volonté et notre énergie, nous pourrions passer à côté de certaines informations, et comme le dit Hugo, plus nous aurons un portrait complet, meilleur sera le résultat. par David Savoie et Hugo Drouin
Quels sont les principaux défis pour mener à bien ce projet ? DS Plusieurs aspects représentent des défis. D’abord, la quantité et la qualité de l’information. On doit en recueillir beaucoup, mais au moment d’écrire, on ne pourra pas tout mettre. Il faudra donc en filtrer pas mal, mais encore faut-il d’abord en avoir une masse. Le second défi, c’est d’être aussi juste que possible, de bien représenter le sport comme il a évolué, bien identifier les moments clés qui ont façonné l’escalade d’aujourd’hui - clairement, ses protagonistes vont s’y intéresser ! HD Le succès du projet et la qualité du livre final dépendent directement des informations que nous recueillons auprès des gens qui ont contribué au développement de l’escalade au Québec. Le défi est d’entrer en contact avec les bonnes personnes et de les convaincre du caractère essentiel de leur contribution à ce projet collectif ! grimpE < 1 1
psico bloc La nouvelle a fait sensation : la ville de Québec sera l’hôte d’une compétition de psicobloc cet été, une première au Canada et dans la province. Nous avons discuté avec l’instigateur du projet, François-Guy Thivierge, pour obtenir plus de détails. par David Savoie Crédits photo : Beau Kahler
Le psicobloc – l’équivalent en français du « deep water solo » – est une forme d’escalade qui se pratique à l’extérieur, notamment en Espagne, et popularisée par des films d’escalade au cours des dernières années. Les grimpeurs, sans corde ni harnais, tentent de grimper des falaises qui donnent directement sur un plan d’eau. Les compétitions de psicobloc, elles, sont un phénomène un peu plus récent. Certains événements ont été organisés en Angleterre, et depuis deux ans, une compétition largement médiatisée a lieu à Salt Lake City, en Utah, à laquelle participent les gros noms de la grimpe. Là-bas, l’escalade se fait sur une large structure artificielle, au-dessus d’une piscine. Et c’est le projet ambitieux du propriétaire du Roc Gym que d’avoir un équivalent dans la Vieille Capitale. François-Guy Thivierge réfléchissait à cette idée depuis deux ans. En voyant des photos de la compétition à Salt Lake City, il a songé au lac Beauport. Il a déjà obtenu un permis pour la tenue de l’événement, qui se tiendra au centre acrobatique Yves Laroche. Tout y est, selon lui : stationnement, agora naturelle, locaux pour les athlètes. La structure de la compétition sera toutefois plus modeste que celle utilisée à Salt Lake City, précise l’organisateur. « Ça va être spectaculaire », dit-il avec sa verve habituelle. « Ce ne sont pas juste les grimpeurs qui vont être intéressés par cet événement-là, au lac Beauport, au mois de juillet : des grimpeurs qui tombent dans une piscine, des filles en bikini, les meilleurs grimpeurs du Québec, du Canada et peut-être au monde, pour faire des démonstrations, les kodaks, les activités en soirée, les commanditaires, tout ça va faire en sorte que cet événement-là va faire la promotion de l’escalade. » La compétition devrait faire l’objet d’une émission télévisée. François-Guy Thivierge estime qu’il doit ramasser environ 100 000 dollars pour assurer la tenue de l’événement, aura des retombées économiques importantes – pour la ville de Québec, mais aussi dans le milieu de l’escalade. « Ça va être bon pour tous les gyms, soutient-il. Moi, je veux que tout le monde participe à cet événement. Oui, je lance la locomotive, mais il faut des wagons. Tout le monde va y gagner en escalade. » Des commanditaires ont déjà été trouvé. La compétition va se dérouler les 3, 4 et 5 juillet. « On invite tous les grimpeurs à s’inscrire », précise François Guy Thivierge, mais tous ne pourront pas participer à la compétition. Une ronde de qualifications permettra de déterminer qui en sera. Pour sa part, l’entraîneur Dung Nguyen, de chez Allez-Up, à Montréal, s’occupe de l’invitation des participants. Déjà, dit-il, le Canadien Sean McColl et l’Américaine Sierra Blair-Coyle ont manifesté de l’intérêt pour le projet. Ce ne sera pas un événement sanctionné – il ne rapportera pas de points aux compétiteurs sur des circuits – mais les meilleurs grimpeurs provinciaux et nationaux seront invités. « Pour la première édition, je pense qu’on va frapper plus au niveau nord-américain », estime Dung Nguyen. Déjà, les grimpeurs peuvent s’inscrire à l’événement: psicobloccanada.com/participer
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Une compétition de psicobloc se déroule à Salt Lake City, en Utah, depuis maintenant deux ans.
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Faits saillants >
Crédit photo : Tony Couture
Un autre terrain de jeu de glace Depuis 2006, je demeure à Grande-Rivière Est, près de Chandler, en Gaspésie. Et à chaque jour, en revenant du travail, j’aperçois cette falaise au loin qui semble receler un trésor caché désirant se faire émoustiller en silence. Au début de l’hiver 2013, je suis allé explorer une falaise que l’on pouvait apercevoir de la glace à partir de la route 132. J’espérais y retrouver une cascade intéressante à grimper. J’étais loin d’imaginer la présence d’un site d’escalade de glace qui qui allait devenir le deuxième en importance pour toute la partie sud de la péninsule Gaspésienne après celui de Percé. Émerveillé et accompagné d’une dizaine de clichés, le projet de développement de ce lieu à germé dans ma tête comme une graine du printemps dans un potager! La Brèche à Manon est localisée à l’extrême est, à l’intérieur des limites du village de Grande-Rivière. Le cours d’eau circulant à cet endroit se nomme la rivière de la Brèche à Manon et la falaise se situe à l’est de ce cours d’eau, correspondant aux limites intérieures du village de Sainte-Thérèse-de-Gaspé. En raison de sa position géographique, j’ai eu l’idée de baptiser l’endroit « La falaise de la Brèche à Manon ». 1 4 > grimpE
La paroi mesure 900 mètres de longueur et est orientée franc sud. Parfait pour ceux qui rêvent de grimper avec la présence du soleil! Seize cascades de la falaise sont répertoriées (ou en voie de l’être) dans les mises à jour web du Guide des cascades de glace et des voies mixtes du Québec. Suite à cette belle trouvaille, j’ai contacté mon partenaire de grimpe, François Delorme, pour lui annoncer la nouvelle. Lors des saisons 2013 et 2014, nous avons grimpé huit nouvelles voies sur le site. Les voies ont été baptisées, mesurées, détaillées, leurs cotes évaluées en fonction de leur difficulté et de leur engagement. Il y a une cascade que nous avons faite en janvier 2014 et nommée « Le château à Menon » en hommage à l’histoire du lieu. Le nom Menon est pour souligner le terme d’origine employé par les gens locaux pour désigner ce secteur, au début du 19e siècle. À l’époque, « Brèche à Menon » était utilisée en mémoire de Menon Caron, l’un des habitants de l’endroit. Aujourd’hui, le nom couramment utilisé et modifié au fil du temps pour désigner ce secteur est « La Brèche à Manon ». Bref, certains diront que l’histoire n’est pas très savoureuse, vu la nomenclature de certaines cascades de la falaise! Je sais, je sais, nous sommes un peu responsable de la situation, je m’en confesse! Cet hiver, nous avons continué à développer ce secteur et ce, avec un troisième partenaire de grimpe, Robert Balleine, ce qui nous a permis d’ajouter cinq autres voies.
Stéphane Lapierre dans «Le mur de la grande visite», 28 mètres, 3+ à 4+
Lors de la fin de semaine du 28 février dernier, nous avons eu l’immense plaisir d’accueillir dans notre secteur l’auteur du Guide des cascades de glace et des voies mixtes du Québec, Stéphane Lapierre, et nous avons pu grimper trois nouvelles voies en sa compagnie. Du même coup, il a su apprécier toute la beauté et l’intérêt de ce nouveau site de grimpe en Gaspésie. Nous espérons que cet endroit puisse devenir une destination de choix pour tout glaciériste en visite dans notre région. Je partage l’opinion de Stéphane Lapierre selon laquelle ce site pourrait devenir populaire dans quelques années, si l’on se fie à la démocratisation de l’escalade de glace ces derniers temps. Jusqu’à tout récemment, un seul site important, celui de Percé, existait sur toute la portion sud de la péninsule gaspésienne. Quoique tout à fait magnifique, les cascades de cet emplacement sont dans l’ensemble assez difficiles avec des cotations techniques en glace rarement en bas de 4. Le débutant désirant faire ses armes à cet endroit, tout particulièrement en premier de cordée, pourrait trouver le secteur ardu. Par contre, pour le site de la falaise de la brèche à Manon, il est fort intéressant de constater la proximité de chacune des cascades et la possibilité de faire une 4+ à côté d’une 3 ou 3+; c’est le genre de contexte de grimpe que l’on retrouve ici. La hauteur moyenne des voies est de 25 mètres. Un autre élément intéressant est la présence de différentes formations glaciaires. En effet, il y a la présence de quelques chandelles, certaines sous un mur surplombant et d’autres avec une sortie vers le haut pour l’installation d’un relais sur un arbre. On y retrouve également des cascades plus classiques, collées à la falaise et des rideaux de glace. Un autre élément à
noter, le haut de la falaise est facile d’accès; il est donc aisé de placer un relais sur un arbre en haut d’une voie si l’on désire faire seulement de la moulinette. Toutefois, il y a un petit nombre de cascades où la descente se fait que sur lunules. De plus, l’accès via la plage est très facile et après seulement 15 minutes de marche, on rencontre les premières cascades de la falaise. De là, on n’a qu’à se balader d’une cascade à une autre pour le reste de la journée sous un soleil radieux et à l’abri du vent dominant par surcroit! Un vrai plaisir lors des froides journées hivernales. Le mois idéal pour la grimpe sur cette falaise est en février. Le mois de mars est à éviter, car les cascades peuvent devenir impraticables rapidement voir même dangereuses, en raison des longues heures d’ensoleillements et ce, même avec des températures sous le point de congélation. Pour conclure, c’est toujours agréable d’avoir la chance de grimper une cascade vierge, mais davantage lorsqu’il s’agit d’un site dans son ensemble. Le sentiment de voir d’autres personnes, comme Stéphane Lapierre et Guillaume Laliberté, grimper en tête dans « Le château à Menon », « Aster s’ta ton tour! » et « La butte à Flocon », des cascades que nous avions « déviergé » dans les dernières années, fut un sentiment encore meilleur. Je me disais que c’était peut-être le début de quelque chose qui se déroulait sous nos yeux. Quel sera le scénario dans 10 ans? Est-ce que les gens s’approprieront le secteur un jour pour pratiquer leur activité préférée? Qui sait, je serai toujours à quelques pas et à moins de 60 secondes en voiture pour en constater les progrès! par Tony Couture grimpE < 1 5
Faits saillants >
UNE SUPERBE SAISON DE GLACE POUR
Crédit photo : Éric Tremblay
CHARLES ROBERGE Charles Roberge de Lévis a connu une saison de glace exceptionnelle. En effet, le jeune grimpeur de Lévis a grimpé en une seule saison ce que plusieurs rêveraient de grimper en une vie. À son palmarès 2015, notons Pomodoro (175m, 5), Souris Mexicaine (200m, 5+), Mamuitum (285m, 5), Étoile du Nord (220m, 4+), Le Mulot (190m, 6+), Black Dike (120m, 5/M3), Positive Thinking (135m, 5) et Chercheur d’Or (165m, 5) « presque au complet ». Quand on lui fait remarquer que sa saison est singulière, il se contente de sourire,
d’hausser les épaules et de répondre « je ne travaille pas, alors j’ai beaucoup de temps ». Le haut point de sa saison? Embarquer dans la locomotive qui le ramenait de Nipissis et faire hurler le criard à fond! par Ian Bergeron
Charles Roberge à l’oeuvre dans le « Côté clair de la force », WI5+, à Mastigouche.
SÉBASTIEN LAZURE FRAPPE ENCORE Sébastien Lazure dans « Mandala », V12.
Après avoir obtenu une troisième place aux nationaux de bloc, Sébastien Lazure a profité de « vacances » pour aller à Bishop. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en une dizaine de jours, le jeune grimpeur québécois a été prolifique. Jugez-en par vous-même: trois V11, dont un flash de Xavier’s roof et un autre – Dance the night away – en deux essais seulement, ainsi que deux V12 – Kill on sight et le classique Mandala. Sans oublier « plusieurs autres classiques plus faciles », dit-il. Visiblement en forme, Sébastien Lazure retourne maintenant à l’entraînement, toujours sous la houlette de Mélissa Lacasse, et il envisage même de participer à toutes les épreuves de la Coupe du monde de bloc. par David Savoie
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Faits saillants >
Une nouvelle voie sur la face nord du Mont Gros Bras Le dernier Rōnin 175m IV, M6, C1
La journée s’annonce parfaite, sauf pour la date, le vendredi 13 mars, il n’y a rien à redire. On arrête prendre café et brioche à Baie St-Paul à la boulangerie À chacun son pain. Classique! Ça augurait très bien pour finaliser ce projet que nous avions commencé l’année dernière sur la face nord du Mont Gros Bras. À nous trois - Mathieu Leblanc, François Bédard et moi - on avait essayé 5 fois de passer la deuxième longueur, mais il n’y avait rien à faire! C’était presque un miroir, des mini réglettes pour placer les piolets, une ou deux micros fissures, pas de protection possible. On avait beau y retourner, on ne trouvait pas la solution pour donner une suite à cette incroyable première longueur que l’on avait découverte ensemble à la fin d’une journée de «prospection» à ne faire que des faux départs qui ne mènent nulle part. Même Nick Balan était venu me prêter main forte, mais c’était en ce fameux 2 janvier 2014 et le lendemain on pouvait lire à la une des journaux : « Des records de froid ont été pulvérisés ce jeudi dans plusieurs régions du Québec. » Et nous de décider d’aller grimper sur le Gros Bras, une face nord à l’ombre. Mémorable! Cette fois-ci, l’ambiance était différente. Un bon mélange de conviction et d’un sentiment de la dernière chance. Quand on arrive sur place, on scrute encore la face nord pour être certain que rien ne nous échappe. La discussion ne concerne plus la deuxième longueur, mais on s’attarde plutôt aux différentes options pour terminer la voie et atteindre le sommet du Gros Bras. On part. Il fait quand même froid pour la mi-mars. La neige étant solide dans le sentier, on sauve du temps sur l’approche. Quand on arrive au pied de la voie, on décide que Mathieu fera le premier pitch. François, le plus brave, aura la lourde tâche de sortir le deuxième et je me trouve chanceux d’hériter de la suite que l’on ne connaissait pas encore. Le départ est douteux et Mathieu est surpris, mais travaille fort pour ne pas tomber de la rampe diagonale qui mène à la superbe fissure. Par contre, Gros Bras l’hiver signifie inévitablement main frrreette et « Screaming Barfies ». 1 8 > grimpE
Même au mois de mars, on gèle comme d’habitude. Après une bonne bataille, Mat sort la longueur en s’offrant même le luxe de nous lancer quelques blagues d’en-haut lorsqu’il place ses protections. On le rejoint en constatant une fois de plus que cette première section est comme un violent coup de poing dans les dents, ça surprend! La protection est bonne, mais rien pour les pieds à quelques endroits alors ça pompe les avant-bras. C’est au tour de François. Du relais, on peut difficilement voir la fin de la section verticale de roche couleur charbon. C’est un drôle de sentiment que de voir son ami s’élancer là-dedans en sachant très bien qu’il a de très bonnes chances de chuter avec deux lames tranchantes au bout des mains et autant de pointes de métal acérées en dessous des pieds. On a les yeux rivés sur lui quand il arrive dans le crux. C’est extrêmement délicat. Il avance lentement. Petit placement après petit placement, on peut voir que tout est dans le jeu de pieds, mais il avance ! Le silence est total quand une des lames de piolet de François lâche d’un coup sec. Au relais, on fait une grimace pendant le vol plané de quelques mètres. Par chance, les crampons n’ont pas accroché la roche. Le corps de François est un peu tout croche quand il reprend ses esprits, mais à peine de retour en position qu’il repart à la recherche de micro prises en sondant avec les lames de ses piolets. Moi, je suis impressionné. Je lâche un «ayoye!» à Mathieu qui encourage François en l’assurant minutieusement. François finit par décrypter la séquence de la deuxième longueur pour ensuite s’engager dans une longue section plus dalleuse et verglacée. C’est long, on a froid au relais, mais deux grands sourires sont maintenant fendus jusqu’à nos oreilles. On est vraiment énervé et on a hâte de se faire crier «RELAIS!!!!» par François afin de le rejoindre. La deuxième longueur est de loin la chose la plus délicate que j’ai eue à grimper. Chaque placement de piolet ou de crampons demande de la concentration.
Crédits photo : Louis Rousseau
Mathieu Leblanc dans la première longueur
L’arrivée au sommet
Rien de trop physique, tout est en subtilité. L’état d’esprit est exactement le même que lorsqu’on fait un château de cartes. On retient son souffle, tout peut subitement dégringoler.
pour faire le seul pas en C1(A1) de la voie. Ironiquement c’était le dernier mouvement à effectuer avant la section des dalles où deux courts ressauts de glace restent à passer avant de rejoindre le sommet en marchant.
François me donne les restes des protections. C’est à mon tour d’y aller et j’essaye de faire un tracé le plus direct possible pour ne pas briser l’esthétisme de la ligne que nous suivons depuis le début. Ma première option ne fonctionne pas. Le petit surplomb que j’essaye de négocier semble se poursuivre sur une dalle ignoble qui ne pardonnera pas. Je ne veux pas que l’on perde du temps à cause d’une erreur de lecture. J’effectue donc une traverse vers la gauche vers une série de ressauts rocheux avec quelques petits tas de mousses rouges surgelées dans lesquelles mes lames de piolets trouvent ancrages pour me réconforter un peu. C’est «run-out», mais beaucoup moins technique que les deux premières longueurs. J’arrive finalement sur une petite vire sous un surplomb et je prends le temps de faire un bon ancrage pour assurer mes compagnons.
On s’affaire à plier les cordes tout en félicitant Mathieu de son impressionnant lead dans la dernière longueur. Piolet à la main en position canne, l’ambiance verticale que l’on est venu chercher s’estompe rapidement à mesure que l’on marche ensemble vers le sommet du Mont Gros Bras. Il ne reste qu’une subtile lueur orangée foncé à l’horizon quand on atteint enfin le grand cairn. Les lumières des petits chalets de la SEPAQ au fond de la vallée nous offrent une petite atmosphère de voyage à Chamonix. Je sais que ce voyage tire à sa fin quand je cherche par terre quatre petites roches et j’en remets une à Mathieu et une à François. On les place en même temps sur l’amoncellement de pierre. Je prends le temps de poser la quatrième en mémoire de notre chum, Yannick, qui nous a guidés d’en-haut pendant toute la journée sur une des parois du Québec qu’il affectionnait particulièrement et où il aimait venir user les lames de ses piolets avec de bons amis.
On s’entasse au relais comme trois sardines congelées pour discuter de la suite. On commence à être préoccupé par l’heure et le nombre de longueurs à faire avant atteindre le sommet. Mathieu se porte volontaire pour terminer ça en beauté. Son premier choix semble prometteur, mais après quelques mètres, il ne voit pas de suite logique et doit rebrousser chemin pour effectuer une traverse surplombante pour rejoindre une dalle recouverte de gros blocs instables. Quand on voit notre premier de cordée enlever son petit sac à dos, on déduit que cette section ajoutera du piquant à la voie. Effectivement, on le voit s’engouffrer dans une cheminée d’environ 3 mètres de haut et c’est le début du combat en espace clos qui mène à un dièdre complètement fermé, sans aucune fissure pour sécuriser la progression. Après de longues minutes, Mathieu trouve finalement un emplacement pour fixer le plus petit «cam» au monde
Le dernier Rōnin : Nom de la voie en mémoire de Yannick Girard (1977-2014). Dans le Japon médiéval, les rōnins étaient des samouraïs sans maître. Larousse : Samouraï qui quittait le service de son maître et se mettait à parcourir le pays en quête d’aventures. Mot japonais signifiant également homme flottant. Vous pouvez voir un petit film sur cette ascension à l’adresse suivante : https://vimeo.com/125586132 par Louis Rousseau
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TENDANCES
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Faits saillants >
À quoi peut-on s’attendre dans les mois ou les années à venir dans le milieu de l’escalade ? Grimpe a demandé à quelques spécialistes de se pencher sur leurs boules de cristal. Voici leurs prédictions.
Dans les gyms: C’est peut-être le segment de l’escalade qui est en plus forte croissance ces jours-ci. Et ce n’est pas fini, estime le rédacteur en chef du magazine Climbing Business Journal, Mike Helt, une publication américaine qui traite uniquement des gyms. Il s’attend à une croissance d’au moins 11 % dans ce marché cette année – et il existe pourtant déjà plus de 350 gyms aux États-Unis ! « Ils offrent maintenant des centres bien éclairés, propres, qui possèdent tous les éléments qui font partie de la culture de l’escalade. La gestion des gyms est maintenant un mélange de passion et de professionnalisme, ce qui se traduit par une expérience moins intimidante pour les nouveaux grimpeurs », explique-t-il. Les grands centres urbains verront la présence accrue de gros joueurs qui feront croître leurs marques ainsi que la naissance de plus petits centres de bloc, qui ont la cote chez nos voisins américains en ce moment. Autre changement au cours des dernières années: de plus en plus de modules ont aussi fait leur apparition. « C’est parce que les gyms en font la demande, et qu’ils permettent d’ajouter des formes, sans pour autant changer le mur. Les volumes et les nouveaux styles de prises permettent de créer des mouvements qu’on n’avait jamais vus avant », soutient Mike Helt.
Dans les magasins: Les plus grosses ventes ? En ce moment, c’est tout ce qui est relié à l’escalade en salle, affirme le gérant des produits d’escalade pour les magasins MEC au Canada, Hugo Voyer. « L’escalade à l’intérieur est devenue un sport en soi », dit-il, et cela se traduit dans les articles qui se vendent bien: chaussures, harnais et kits de débutants. Mais après ces premiers articles, les grimpeurs n’hésitent pas à sortir le portefeuille. Il s’attend d’ailleurs à ce que le prix des chaussures haut de gamme continue de monter, parce que les consommateurs seront prêts à payer, à l’image d’autres sports comme le cyclisme par exemple. Les
souliers agressifs sont là pour rester, à son avis. Du côté des harnais: légèreté et confort sont les caractéristiques sur lesquelles les compagnies vont continuer de miser. Au chapitre des cordes, Hugo Voyer pense que la norme environnementale Blue Sign sera de plus en plus utilisée par les compagnies – la norme encadre la source des matériaux pour les cordes et les procédés de fabrication. La norme pourrait aussi s’appliquer de plus en plus à des harnais. Les compagnies semblent aussi avoir compris que les enfants se mettent à l’escalade de plus en plus tôt: au cours des prochaines années, il y aura de plus en plus de produits pour les tout-petits et les jeunes, estime le représentant de MEC.
Dans les compétitions: La compétition, toujours populaire cette année ? Oui, même encore plus que l’année dernière, estime Éric Lachance, le directeur technique de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME). Ce volet de l’escalade a connu un bond en popularité au cours des dernières années. Et tout semble se diriger vers une continuité de cette croissance, à son avis, avec notamment la transition des jeunes vers les circuits séniors. « Je ne pense pas qu’on est à l’apogée, on est dans une bonne pente montante », souligne Éric Lachance. Tous les nouveaux gyms qui ont ouvert récemment dans la province vont potentiellement amener des grimpeurs vers les circuits de compétition, dit-il. « Le plus beau reste à venir! » par David Savoie
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Entraînement >
Repenser les abdos Le gainage Depuis une bonne dizaine d’années dans le monde de l’entrainement, les exercices de gainage font partie d’un entrainement sérieux de renforcement musculaire. Aucun doute sur les bienfaits de tels exercices dans notre pratique sportive préférée. L’objectif du gainage est de renforcir les muscles du tronc, permettant ainsi une plus grande stabilisation articulaire et un meilleur transfert des forces générées à l’ensemble du corps lors de mouvements, tant sportifs que de la vie de tous les jours. Les avantages sont incontestables. Par contre, comme dans toute forme d’entrainement, un exercice de gainage mal exécuté peut avoir des conséquences fâcheuses à moyen et long terme sur un grimpeur qui pratique régulièrement ces exercices.
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Comme pour tout nouvel exercice, nous devrions toujours commencer avec des exercices à faible intensité, qui nécessitent peu d’expérience et qui nous permettent de ressentir davantage les efforts produits par des muscles plus complexes à mobiliser. Par exemple, quand on fait la planche, SHAPE l’alignement de la tête, du tronc et du bassin est primordial au succès de cet exercice. Cet alignement est rendu possible grâce au travail des muscles superficiels et profonds de l’abdomen. Il faut aussi effectuer une rotation du bassin adéquate et une contraction des muscles fessiers. Cet exercice qui parait simple à première vue peut devenir très complexe à réaliser quand on additionne l’ensemble des paramètres à respecter. De plus, quand on y combine des mouvements dynamiques, on risque de diminuer l’efficacité des muscles ciblés en compensant avec des muscles plus gros et plus faciles à solliciter, comme les deltoïdes, les pectoraux ou encore les trapèzes. Il est donc suggéré aux débutants de travailler de manière plus statique, en augmentant progressivement les temps de contraction. Ceci permettra d’apprendre à bien verrouiller le bassin en rétroversion, pour développer une meilleure posture et une meilleure performance. On peut aussi introduire des exercices dynamiques, mais ils doivent être adaptés à votre niveau.
recherche plutôt amplitude, explosivité et souplesse tout en force et en puissance.
Pour les grimpeurs plus expérimentés ou sportifs habitués à l’entrainement, les exercices peuvent être plus complexes et, sans aucun doute, plus orientés vers l’escalade. Naturellement, la notion de progression dans l’intensité et la difficulté technique est tout aussi importante que pour les athlètes débutants.
Quelques détails pour exécuter correctement vos exercices de gainage
Ce qu’il faut savoir au sujet du gainage et dont on n’entend pas souvent parler En résumé, si les exercices de gainage sont exécutés correctement, ils devraient améliorer la performance sportive, en permettant une meilleure stabilité articulaire, un transfert des forces plus efficaces entre les différents membres, une prévention des blessures et une amélioration de la posture. Mais sont-ils vraiment si efficaces qu’on le prétend? Et est-ce que la popularité de la pratique actuelle du gainage est réellement adaptée aux besoins du grimpeur? On s’imagine souvent que le signe d’un bon « core » est la rigidité, et que cette rigidité est la clé du succès pour se déplacer sur le mur. Cette interprétation erronée provient sans doute de la surmédiatisation des athlètes sur le web et de leurs prouesses gymniques, ou encore de l’omniprésence des entraineurs personnels qui vous garantissent le nirvana musculaire avec des répétitions infinies d’exercices ciblant les abdominaux, mais détruisant du même coup votre périnée. Toutefois, lorsqu’on analyse la gestuelle en escalade, on constate que ce sport nécessite tout sauf de la rigidité. On
Quand on aborde un entrainement physique, il faut considérer que le développement musculaire doit s’effectuer grâce à divers exercices qui permettront aux muscles de travailler différentes caractéristiques, soit : l’extensibilité (capacité d’étirement), la contractilité (contraction musculaire) et l’élasticité (capacité à reprendre sa longueur initiale le plus rapidement possible). N’oublions pas que les muscles travaillent en synergie (ensemble), comme une chaine et que chaque maillon est important. C’est pourquoi il est important de choisir des exercices qui vont privilégier ces différentes qualités. Prenons l’exemple du biceps et d’un exercice sur campus board. Le muscle est sollicité sur l’ensemble de ces caractéristiques et l’exercice favorise le synchronisme entre les muscles du haut du corps. Pour les muscles du tronc, un exercice simple à exécuter et qui respecte l’ensemble des critères mentionnés précédemment, est le push-up avec rotation du tronc (cliquer ici pour voir l’exercice).
Premièrement, vous devez être en mesure de bien verrouiller votre bassin. Deuxièmement, il faut inspirer et expirer de manière constante tout au long de l’effort. Assurez-vous d’expirer profondément lors de l’effort pour bien favoriser à contraction du transverse. Troisièmement, il faut contracter les muscles obliques lors de mouvements de rotation et d’allongement du tronc. Enfin, lors d’un travail de gainage, il est essentiel de penser au périnée : la contraction du périnée entraine un mouvement de rentrée du ventre juste au-dessus du pubis, ce qui renforce le gainage du transverse.
Effets négatifs du gainage Il n’y a pas seulement une mauvaise technique qui est potentiellement néfaste pour le corps. Comme je l’ai mentionné précédemment, la répétition d’exercices statiques peut engendrer un épaississement du tissu conjonctif et créer une diminution de la souplesse et de l’amplitude musculaire. Or, cette diminution de mobilité peut engendrer une compensation et un débalancement musculaire lors de passages techniques, ce qui peut mener à des blessures aux genoux, aux épaules et même aux doigts. La souplesse ne se résume pas seulement à faire le grand écart. C’est aussi la capacité à étirer l’ensemble des membres et à travailler dans une amplitude limite. Imaginez s’allonger un maximum sur un mur vertical pour attraper une prise se trouvant dans un toit. Une personne souple du dos et des épaules pourra adopter une position optimale pour atteindre cette prise, grimpE < 2 3
Entraînement > tout en restant collée au mur. Imaginons différents mouvements en croisé/décroisé demandant une bonne capacité de rotation du tronc et une excellente souplesse d’épaules ou encore des mouvements qui exigent une souplesse du bassin et des jambes. Bref, un manque de souplesse peut être responsable d’un manque de diversité dans le choix des mouvements et ainsi diminuer la performance des grimpeurs. Vous n’avez qu’à regarder des grimpeurs de haut niveau et à analyser leur capacité à se mouvoir avec une amplitude et une agilité dans toutes les directions et avec l’ensemble du corps.
Les exercices d’abdominaux classiques (crunch, levé de jambes, etc.) sont-ils à éviter? Les exercices traditionnels d’abdominaux sont excellents à intégrer dans vos séances. Par contre, comme le gainage, ils doivent être exécutés correctement et en contrôle. Éviter les séances d’abdominaux interminables, qui vont surutiliser vos psoas et vos grands droits et qui vont finir par forcer la descente des organes internes. L’idéal est d’introduire ce type d’exercice traditionnel à l’occasion dans vos séances et de privilégier le gainage.
La morale de l’histoire… Comme dans la nutrition, l’important est de varier et d’éviter les excès. Privilégier les exercices qui se rapprochent des mouvements en escalade. Travailler davantage de manière dynamique en prenant soin de choisir des exercices qui solliciteront les différentes parties du corps en même temps. Vous ne devez pas introduire plus de 2 à 3 exercices par entrainement, tout en veillant à ce que l’ensemble des caractérises musculaire soit respecté à chaque séance. Inspirezvous du yoga power flow ou encore d’exercices de mobilité dans différents sports. Si vous travaillez en gainage statique, assurez-vous d’effectuer au moins 1 exercice de dégainage, qui vous permettra d’améliorer l’extensibilité des muscles du tronc. Voici quelques exemples que vous pouvez ajouter à la fin de vos séances de grimpe ou encore les jours de repos. Choisir 2 à 3 exercices maximum. Les temps de repos sont variables selon la difficulté de l’exercice.
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Plus un exercice est spécifique, plus les temps de repos sont longs. Par contre, lorsque vous changez de côté dans un même exercice, il n’y a pas de temps de repos. Naturellement, après 3 semaines, il faut changer d’exercice. Vous pouvez aussi alterner avec une journée d’exercices généraux et une journée d’exercices spécifiques. Il est important lors des exercices statiques de maintenir un parfait alignement segmentaire : tête, épaules, bassin, pieds. Attention de ne pas creuser le dos !! N’oubliez jamais la respiration et concentrez-vous sur la contraction du périnée durant l’exécution du mouvement. -----------------------------EXERCICES : Rotation du tronc no.1 Rotation du tronc no.2 # DE RÉPÉTITIONS : 10 de chaque côté SÉRIE : 2 à 4 -----------------------------EXERCICES : Gainage bassin/tronc/épaules Dégainage cobra # DE RÉPÉTITIONS : Entre 5 à 10 répétitions 10 sec à 1 minute sec de maintien selon le niveau relâchement de 30 sec à 1 minute SÉRIE : 2 à 4 -----------------------------EXERCICES : Mobilité tronc Pompe gainage Variation de la planche 13 exercices dynamiques Obliques/bassin # DE RÉPÉTITIONS : Environ 5 à 15 répétitions (Attention à l’alignement segmentaire du corps) SÉRIE : 2 à 3 -----------------------------par Alexandre Brunel
VOTRE VISAGE DE GUERRIER Il entraîne les Alex Puccio, Daniel Woods et Emily Harrington de ce monde. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Justin Sjong a une approche particulière à l’entraînement technique et mental de l’escalade. Lors d’un récent passage à Montréal, Grimpe au Québec a pu s’entretenir avec lui pour discuter de ses plus récentes découvertes. Son dernier dada, c’est le visage des grimpeurs lorsqu’ils sont sur le mur. Leurs expressions faciales, les grimaces, le mouvement des yeux. Pourquoi ? Parce que selon lui, votre visage de grimpeur est en lien direct avec le reste de votre corps, notamment votre respiration. « La plupart des gens n’ont jamais pensé à ça », dit-il. « Souvent, les gens réfléchissent à leur séquence, mais ils ne s’attardent pas à leurs sens, leurs perceptions, leurs émotions. » Sa première suggestion: simplement constater comment vous vous sentez lorsque vous grimpez. Retenez-vous votre souffle ? Êtes-vous trop concentrés sur une prise en particulier ou êtes-vous capable d’avoir une vue
d’ensemble ? Quelle expression faciale avez-vous pendant que vous grimpez, avant ou pendant le crux ? À son avis, ces informations vous permettront de mieux vous connaître, et de mieux adapter votre escalade. Il note qu’il y a quatre types de respiration, qui doivent être adaptés à la difficulté des mouvements que vous effectuez et au rythme de l’escalade. Une respiration rapide n’est pas adaptée, par exemple, à une section facile. Et au contraire, dans une portion plus ardue, une respiration décontractée n’est pas l’idéal. Il compare la course à ces différentes respirations: une petite course tranquille, vous respirerez davantage du ventre. Monter une colline: vous respirerez plus rapidement, mais de façon moins intense qu’en faisant un sprint. Plusieurs de ces éléments peuvent permettre d’atteindre l’évasif « flow ». Justin Sjong fait remarquer qu’une bonne façon d’y arriver est de noter quels éléments vous permettent de bien vous sentir durant votre réchauffement, et de tenter de les répéter par la suite. par David Savoie
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Entraînement >
Crédit photo : Geneviève Demers 2 6 > grimpE
L’escalade et les tout-petits Vous l’avez certainement observé dans les différents centres d’escalade ou à l’extérieur, les jeunes enfants sont de plus en plus nombreux dans la communauté de grimpeurs au Québec. Et si l’escalade pouvait être un sport qui permet aux jeunes enfants, âgés de 0 à 5 ans, de se développer ? Geneviève Demers s’est entretenue avec le kinésiologue Simon StJean, expert en nutrition et posturologue, fondateur et co-propriétaire du centre d’entraînement Katalysis et papa d’un adorable petit garçon. Q : On observe déjà des mouvements de grimpe au cours de la première année de vie d’un bébé. Il réussit, après de nombreux essais, à monter sur le divan, sur une petite chaise et finalement à monter les marches d’un escalier! Est-ce que l’escalade est innée ou s’acquiert-elle avec la pratique?
Q : Qu’est-ce qui explique qu’un enfant soit plus habile à grimper qu’un autre? Est-ce que la génétique, les premiers déplacements en rampant du bébé, le 4 pattes et la stimulation motrice chez le tout-petit depuis la naissance peuvent influencer le niveau d’habileté à grimper? R : Il se peut en effet qu’un enfant développe davantage sa capacité à grimper qu’un autre enfant. La notion de la génétique revient souvent ; elle a d’ailleurs le dos large. Beaucoup d’entre nous pensent que les capacités athlétiques d’un enfant sont principalement dues à sa génétique. Par contre, des études sur le développement moteur de l’enfant ont démontré qu’entre 0 et 1 an, la capacité d’exploitation de notre génétique a une importante influence sur celui-ci. En d’autres mots, l’aspect le plus important à analyser est davantage la capacité d’un enfant à exploiter son potentiel génétique que sa génétique elle-même. Le passage par les différents stades du développement moteur permet au tout-petit d’acquérir beaucoup de notions nécessaires à son développement global (moteur, cognitif, affectif ou social).
R : L’escalade n’est pas innée chez le tout-petit. Il doit apprendre à grimper. Nous voyons en effet les enfants reproduire des mouvements d’escalade avant même qu’on leur ait montré. En fait, c’est plutôt l’escalade qui est composée d’une multitude de mouvements que l’on peut observer dans le cadre du développement moteur du bébé. Ce qui est inné est en quelque sorte « le programme de développement moteur » propre à chaque enfant. Nous avons, dès la naissance, les capacités nécessaires pour nous développer de façon efficace (à l’exception des enfants atteints de maladie ou de retard de développement). Grâce à ce « programme », l’enfant est, de façon innée, guidé vers le mouvement. Entre 0 et 6 ans, l’enfant ressent le besoin de bouger. Il comprend donc rapidement par la pratique et la répétition comment grimper un objet adapté à sa taille.
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Entraînement > Q : Est-ce que la surprotection parentale peut nuire au développement moteur d’un enfant? R : Les gens ne sont pas toujours conscients de l’importance et de l’impact du développement moteur sur l’ensemble des aspects de la vie future de l’enfant. Le plus important à retenir est que, malgré notre bonne volonté, nos interventions auprès de notre enfant freinent la plupart du temps son développement. Le tout-petit apprend principalement par ses diverses expériences et non pas par les recommandations parentales. Le meilleur moyen de permettre à notre enfant de développer sa motricité, par exemple, est donc de le laisser expérimenter seul, avec notre soutien au besoin. C’est le principe « essaiserreur ». Le parent peut proposer de nouvelles façons de bouger; il peut intervenir par le biais du
Crédit photo : Geneviève Demers 2 8 > grimpE
jeu, sans toutefois surprotéger l’enfant et l’empêcher d’apprendre et de se développer. Accompagnezle lorsqu’il veut monter ou descendre les escaliers, laissez-le jouer dans votre panier de linge afin qu’il découvre différentes textures et qu’il développe le sens du toucher, laissez-le grimper les objets adaptés à sa taille et osez changer d’environnement parfois. Vous pouvez assurer la sécurité de votre enfant en sécurisant l’environnement de manière raisonnable, par votre présence et votre soutien, sans devenir surprotecteur. Le fait d’essayer à plusieurs reprises un mouvement d’escalade, pour finalement réussir à grimper sur une chaise, par exemple, permet de développer par la même occasion les premières notions de résolution de problème et de prise de conscience de l’environnement, de ses risques et de
la relation de cause à effet. C’est pourquoi il est important de laisser les enfants expérimenter, essayer et échouer. À chaque fois que l’enfant essaie de grimper sur quelque chose, il doit établir une stratégie. Si cela ne fonctionne pas, il va réessayer un certain nombre de fois et essaiera aussi différentes façons afin de comprendre ce qui est le plus efficace. Q : Concrètement, peux-tu nous décrire quelques habiletés que l’escalade permet de développer sur le plan moteur du tout-petit? R : L’escalade reproduit des patrons moteurs. Ce sont des mouvements intégrés permettant de commander un mouvement sans avoir à penser à chaque contraction musculaire. Grimper permet aussi d’optimiser la force musculaire pour des mouvements très fonctionnels, utiles et « réapplicables »; cela sollicite la coordination entre plusieurs articulations et favorise les toutes premières élaborations de stratégies qui contribuent au développement cognitif de l’enfant. Puisque l’escalade nécessite beaucoup de coordination en chaîne croisée (main gauche et jambe droite, par exemple), elle stimule fortement la communication entre les deux hémisphères du cerveau. Meilleur sera l’échange d’information entre l’hémisphère droit qui contrôle le côté gauche du corps et l’hémisphère gauche qui contrôle le côté droit du corps, meilleure sera notre motricité et l’efficacité de notre cerveau. Q : L’escalade chez les tout-petits favorise également l’estime de soi. Il est par contre important que l’objet à grimper soit adapté à la taille et aux capacités de l’enfant. La présence du parent, ses encouragements et son renforcement positif sont aussi très importants pour favoriser l’estime du tout-petit lorsqu’il relève de pareils défis. R : À partir d’un certain âge, il est vrai que la réussite est importante pour renforcer la confiance en soi. Cette confiance s’établit, encore une fois, par l’expérience. Ainsi, lorsque votre enfant réussit, il apprend à se trouver bon et il comprend qu’il peut par lui-même réussir des tâches qui lui semblaient difficiles. Par contre, il est aussi important de doser. L’enfant doit tout de même rencontrer des obstacles à la réussite. Lorsque ces derniers seront surmontés, il y aura un profond sentiment d’accomplissement personnel qui valorisera la débrouillardise et donc la compréhension qu’il faut travailler fort pour obtenir ce que l’on veut.
Q : Quelle est la meilleure approche à avoir, en tant que parents, pour favoriser un sport dans la vie de son enfant et qu’il ait envie de le pratiquer? R : Le meilleur moyen de donner le goût à l’enfant de faire un sport est de le pratiquer nous-mêmes. Il s’agit donc de prêcher par l’exemple. N’oubliez pas que pour votre enfant, vous êtes tout. Si vous faites de l’escalade, il voudra en faire, surtout si vous avez du plaisir à le faire. Les enfants imitent sans cesse leurs parents : ils veulent être des grands eux aussi ! Par contre, le plaisir est très important. Avant 7 ans et demi (l’âge de raison), l’enfant est neurologiquement incapable de relativiser. En d’autres mots, il ne peut pas faire la part des choses. Ainsi, vous ne pouvez pas demander à un enfant de 4 ans de comprendre qu’il est important de pratiquer pour devenir meilleur. Valorisez le plaisir et il apprendra… par l’expérience ! Donc, le meilleur moyen de donner le goût à votre enfant de faire du sport est de l’immerger dans cet environnement dès son plus jeune âge et de valoriser l’activité physique de manière ludique, par le plaisir et le jeu. Q : Par quels types d’exercices, de jeux, les parents peuvent-ils offrir aux tout-petits une stimulation favorisant le développement psychomoteur? R : Aider son enfant à développer ses fonctions psychomotrices est bien plus facile qu’on le pense. Voici quelques exercices simples à faire avec votre enfant : • Stimuler le réflexe d’agrippement est très important, entre autres pour l’escalade. Déposer régulièrement son doigt dans la main du nourrisson pour qu’il l’agrippe. Par la suite, il est intéressant de tirer avec son doigt et d’observer qu’il se relève presque. En stimulant le réflexe d’agrippement de la sorte, vous optimisez une habileté essentielle à l’escalade. • Allonger votre bébé sur le ventre assez tôt pour qu’il puisse intégrer ses réflexes archaïques. • S’assurer d’offrir régulièrement à votre bébé un environnement qui lui permet de fixer son regard au loin, en évitant de laisser continuellement bébé dans un parc ou un berceau, par exemple. • Sous votre supervision, permettre à l’enfant de grimper les escaliers, d’escalader des objets comme un toutou s’il est tout petit ou un panier à linge s’il est plus grand. Je vous recommande toute lecture en lien avec les réflexes archaïques et avec le développement global de l’enfant. Voici des sites très intéressants : mouvement-et-apprentissage.net Naitre et grandir La collection de livres variés de l’Hôpital Ste-Justine Katalysis.ca par Geneviève Demers
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DESTINATION >
LES ÎLES LOFOTEN :
LA NORVÈGE DE GRANITE GRANIT DANS LE GRAND NORD SCANDINAVE Une ambiance de bout du monde flotte dans l’air. Et, malgré leur isolement, les îles Lofoten en Norvège regorgent d’escalade.
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l est 11 heures du soir. Encore une fissure et quelques mouvements délicats et le sommet sera à nous. Nous sommes presque au-dessus de Presten, une face de granit de 500 mètres de hauteur. Le rocher est rugueux, se fend de splendides fissures, et est complètement vierge de tout scellement. Il fait encore plein jour, et partout autour de nous, des montagnes vertes et la mer d’un bleu profond. Au loin on aperçoit Henningsvaer, un village de pêcheurs.
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Nous sommes dans les îles Lofoten, un groupe d’îles norvégiennes situé à environ 200 km au nord du cercle polaire arctique. Les Lofoten fascinent par leurs grands fjords, leurs montagnes enneigées, leurs cabanes de pêcheurs de couleurs rouge vif, leurs belles prairies vertes, leurs lacs d’altitude et leurs hautes montagnes se jetant dans la mer. Plus étonnant encore : la présence de la couleur blanche, pas celle de la neige, mais celle du sable fin des longues plages. Tout ce panorama est baigné d’une lumière fantastique où le soleil ne baisse jamais de tout l’été. La pêche de la morue constitue l’activité principale des îles Lofoten : sur toutes les îles, on voit ces grands séchoirs avec des milliers de morues en train de sécher. Les archipels regroupent donc un nombre conséquent de villages de pêcheurs, dont le plus grand, la ville de Svolvaer, est la capitale actuelle des Lofoten, avec une population d’environ 5 000 habitants. L’escalade est très prisée sur les îles. Pour les amateurs de granit et de voies en multilongueurs, les Lofoten se trouvent tout en haut de la liste : où qu’on pose son regard un pilier de granit émerge qui ne demande qu’à être grimpé. Bien que les montagnes ne soient pas très élevées, le fait qu’elles émergent directement de la mer les rend spectaculaires. Ici, on s’assure en posant ses protections ; tout au plus découvrira-t-on quelques rappels disséminés ici ou là. Les Lofoten sont une destination que Benoît et moi convoitions pour aller grimper depuis déjà un bon moment : c’est fin juin 2014 que les plans se concrétisent, et que nous partons explorer cette région du monde. Après avoir loué une voiture à Svolvaer, nous partons direction Henningsvaer, épicentre de la grimpe aux Lofoten. Ce n’est pas très loin de Svolvaer – 25 kilomètres à peine –, mais pour stocker le matériel de camping, d’escalade traditionnelle et la nourriture, puis pour partir explorer d’autres régions et différents sites d’escalade, la voiture nous a été bien utile. Là-bas, il n’y a pas beaucoup de transports en commun et ceux-ci ne s’arrêtent que dans les villes, villages et grosses intersections, donc pas très pratique pour se rendre aux différents sites de grimpe. La Norvège est un pays très coûteux: les prix que vous pouvez observer sont généralement élevés en tant
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Une des longueurs dans la région de Henningsvaer.
que touriste. Niveau nourriture, cuisiner soi-même est définitivement la meilleure option pour ne pas se ruiner. Par exemple, un poivron rouge coûte environ 10$, et six cannettes de bière à 4.6% d’alcool, environ 30$... Nous avons donc passé un été très sobre, et notre menu s’est limité à du riz ou des pâtes accompagnés de sauce tomate, le tout parsemé de quelques légumes ou conserves abordables, et occasionnellement de couscous, question de se payer un peu de luxe. Il est cependant possible de camper partout (légalement !) en Norvège, à partir du moment où l’on est à plus de 150 mètres d’une habitation. Donc de très beaux endroits de camping tout au long du séjour! Mais sachez que tenter de dormir dans une tente ou à la belle étoile (même s’il n’y a pas d’étoiles) lorsqu’il fait jour 24 heures sur 24, ce n’est pas toujours évident ! Près d’Henningsvaer, on en profite pour sortir le matériel d’escalade et grimper quelques longueurs dans cette région, histoire de tester les cotations avant de s’engager dans de longues voies de plusieurs longueurs. Le ciel est bleu et le temps splendide, et il en a été ainsi tout au long du séjour. Mais les grimpeurs locaux nous ont bien mentionné que cela faisait des mois qu’il n’avait pas fait aussi beau. Le beau temps n’est apparemment pas à tenir pour acquis dans cette région du monde : le nord de la Norvège est reconnu pour être très pluvieux, même l’été. 3 2 > grimpE
Nous prenons la route en direction de Reine, vers l’ouest des îles pour se rendre par la suite vers Vindstad pour grimper la face ouest de l’Helvetestinden. Le panorama du village de Reine est typique des Lofoten : les reliefs escarpés tombent directement dans la mer et les routes et les habitations sont situées sur une étroite bande côtière. Vindstad est un petit village de pêcheur niché au fond d’un fjord, et seulement accessible par bateau. Nous devions donc préparer le nécessaire pour deux jours, car une fois à destination, il n’y a plus grand-chose, sauf de la nature. Après environ une heure de marche, nous arrivons au but de la journée : une paroi magnifique de 600 mètres et une grande plage de sable blanc encaissée entre les montagnes. Aussi splendide que sauvage. Nous descendons par un petit chemin en zigzag vers la plage, quelques moutons sont en pâture au bord de l’eau. L’eau est couleur émeraude, on a qu’une seule envie, celle de s’y jeter dedans. Mais le vent frais et les 10°C extérieurs freinent de suite les élans. Un simple bain arctique des pieds nous suffira. C’est glacé ! Nous avions très peu d’information sur la voie convoitée sur l’Helvetestinden : dans le topo, nous avions une ligne approximative, dessinée sur une photo, avec une description peu exhaustive. Nous avons tenté de soutirer plus d’informations des grimpeurs locaux, fait de nombreuses recherches dans des livres et sur internet, en vain… Nous concluons que cette voie, ouverte en 2005 par Beth Rodden et Tommy Caldwell, n’a définitivement pas
Le village de Reine, où le panorama est typique des Lofoten.
Au sommet du mont Stetind.
connu beaucoup d’ascensions. La difficulté de la voie était nébuleuse, et l’itinéraire aussi : l’aventure nous attendait, et ce tout au long de la voie ! Arrivés au sommet, après 14 longueurs au lieu des 6-7 prévues, le brouillard se pointe, on ne voit plus rien, alors la descente s’avère plutôt intéressante : pas évident de trouver son chemin la tête dans les nuages en terrain méconnu... Après 12 heures sur la paroi, et les 3-4 heures de descente, le souper a plutôt été bref, et le confort de notre tente bienvenu! Malgré la recherche d’itinéraire plutôt intense, et les quelques voies en bonus, l’ascension de cette paroi était absolument magnifique! Par la suite, en route vers le mont Stetind, environ 5 heures de route des Lofoten. À vol d’oiseau, c’est près, mais en voiture, avec les chemins côtiers vraiment très sinueux, ça allonge le trajet. Stetind surplombe le fjord du haut de ses 1 392 mètres. En 2002, elle fut élue montagne nationale de Norvège. Cette montagne est très convoitée par les randonneurs, en raison entre autres de sa difficulté ; sa forme en enclume qui se termine avec une crête très étroite et ses parois presque verticales sont très impressionnantes, et atteindre son sommet pour les randonneurs requiert des techniques de base d’escalade. Les Norvégiens du nord sont de grands marcheurs, et le côté technique de cette montagne ne semble pas les arrêter, car le stationnement était plein. Nous étions cependant seuls avec une autre équipe sur la paroi d’escalade. Vers 4 heures du matin, c’est le départ. Une
L’auteure, dans un relais, en grimpant le mont Stetind.
marche d’approche d’environ 2 heures et demie, en milieu alpin, nous attendait: un terrain relativement escarpé, avec neige et glace à traverser sur de longues distances par endroits. Nous n’avions pas planifié avoir besoin de bottes, crampons ou piolets de marche pour ce voyage, alors espadrilles aux pieds et une roche pointue dans les mains pour se retenir au cas où les pieds partent étaient ce qui assuraient notre sécurité. En grimpant, l’exposition dramatique et la hauteur donnaient une sensation de vertige impressionnant. Les voies voyagent entre fissures parfaites et dièdres, et le rocher est d’excellente qualité. Au sommet, les paysages étaient inédits. Environ 16 longueurs au total, de difficulté modérée (~5.10+), complétées en 14 heures environ, et une descente à pied définitivement technique d’environ 5 heures. Une autre excellente journée de grimpe! Vive le soleil de minuit qui permet de partir à n’importe quelle heure et de grimper sans se soucier de redescendre avant la nuit, qui n’existe pas ! Au final, les îles Lofoten ont un potentiel vraiment important et varié, des voies d’une seule longueur aux voies de plus de 1000 mètres, dans une nature sauvage, généreuse, et superbe. Velkommen til Lofoten! par Annie Chouinard
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Crédits photo : Nic Charron
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t peut-être que c’était Bob Morane qui avait fait naître ce désir fou de me retrouver sous les palmiers. Les autres adolescents rêvaient de devenir jouer de hockey, moi, je rêvais de courir dans la jungle avec un couteau de Rambo. Vingt ans plus tard, je rêve au métro de Montréal, où je me bouscule avec des boules de duvet qui regardent leurs profils Facebook sur leurs iPhone. On s’emboite les uns dans les autres. Le métro chante ses trois notes. Il décolle. J’entends un sifflement doux. Je me réveille. Un thérémine organique, qui devient de plus en plus aigu, c’est apaisant. C’est la jungle. Semnopithèque obscur, mon réveil-matin, un singe plus mignon qu’un koala. Chaque matin, il chante. Je suis de retour en Asie.
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La Thaïlande, ENCORE ET ENCORE De nombreux grimpeurs québécois ont tâté les murs de calcaire de Tonsaï, dans le sud de la Thaïlande, qui jouxtent les plages, dans une chaleur poignante. Nicolas Charron nous parle de la Thaïlande qu’il connaît bien.
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Peut-être que c’est le souvenir d’une Finlandaise, dont j’étais tombé amoureux. On s’était connu quelques jours seulement et ça avait été le coup de foudre. Deux semaines inoubliables avec une Scandinave aux yeux bleus, aux cheveux blonds. C’était une version améliorée de Scarlett Johansson avec un accent qu’on ne peut qu’aimer. Ra-ka-stan (avec un r roulé à la russe). C’était ça, aimer en finnois. Mais les amours de voyage, c’est souvent éphémère. C’était grâce à Krisu que je l’avais rencontrée. Un DJ de bar plus cool que tous les autres, il était à Tonsaï
pour la cinquième fois. Je cherchais un partenaire de cordée et en cinq minutes, on était devenus amis. Cinq ans plus tard, je lui avais écrit pour prendre des nouvelles. Il ne répondait pas. J’ai appris plus tard qu’il était retourné en Thaïlande pour la huitième fois. Un soir, il avait raté un virage lorsqu’il conduisait sa mobylette, au moment où il retournait à son bungalow. Il y avait eu un palmier au mauvais endroit. C’en était fini. J’aurais voulu pouvoir lui dire merci. Sortons du délire. J’y suis tout de même pour grimper, là-bas où les pains de sucre truffent la région autant que sur la rivière Li, en Chine. On se croit dans un film de James Bond, ou dans « The Beach ». Et là, juste là, sur la plage, des falaises nous attendent. Des défis tridimensionnels que nous a sculptés l’eau dans le calcaire. Des stalactites, des tufas, des bidoigts s’y retrouvent de toutes les formes et dans tous les angles.
Ao Nang Tower C’est un pain de sucre au beau milieu de l’eau, qui doit faire 75 mètres, avec une voie multilongueur, sous lequel on passe en « longtail » - les bateaux « taxis » locaux - pour se rendre à Tonsai. Miku avait voulu la grimper lors de son dernier voyage, mais il n’en avait pas eu la chance. C’était sur notre liste à faire. Il nous avait trouvé un « boatman » pour nous y conduire, parce que l’accès s’y fait seulement par bateau. On s’était levé tôt pour ne pas avoir à grimper au soleil. « Quel plaisir de faire une voie et de descendre en rappel sur un bateau pour terminer! », me disaisje pendant que nous nous rendions. Il y avait trois longueurs très abordables : 5.10c, 5.10d, 5.11a. C’est grâce à des victoires après un bon vieux « pile ou face » que j’ai pu entamer les deux premières longueurs, qui étaient agréables et faciles. À vue, on ne se rappelle souvent plus les mouvements, mais une chose est certaine, c’était un pur délice. Grimper au milieu de nulle part, avec de l’eau et la jungle autour, c’était paradisiaque. La dernière longueur, je m’en rappellerai toujours. Non pas pour les mouvements, mais pour les quelques minutes après avoir terminé la voie, en fixant mon relais. La difficulté de la voie était loin d’être extrême. Quelques mouvements avec des réglettes permettent d’atteindre le relais en traversant légèrement vers la droite à la toute fin de la voie. Arrivé au relais, il y avait trois plaquettes. Deux des plaquettes étaient reliées par plusieurs vieilles cordes et une sangle. En croyant plus sécuritaire de me longer sur deux points, j’ai fixé en premier ma longe sur les cordes qui reliaient deux des points. Je me suis assis sur ma longe et en me rappelant que certains aiment fixer un cabestan
sur un autre point, j’ai décidé, contrairement à mon habitude, de me fixer sur un troisième point, avec une dégaine qui me restait. Plus tard, j’ai appris que j’avais omis d’inverser les « oreilles » de mon cabestan avant de fixer le nœud, ce qui le rendait inutile. J’ai crié à mon second que j’étais en direct et qu’il pouvait me désassurer. Je lui ai installé un relais et j’ai commencé à tirer les 35 mètres de cordes qu’il restait avant de se rendre à son baudrier. Je tâchais de faire des belles boucles en tirant avec un bras et l’autre et soudainement: POW! Je chute brutalement, et en un instant, je pendouille dans le vide. Je ne comprends pas. Je suis tout emmêlé dans ma corde. Je vois mon relais 5 mètres plus hauts. Je vois des traces de craie, à quelques mètres à ma droite. Mon second n’a rien vu. Mais je comprends ce qui s’est produit: les cordes et les sangles où je m’étais longé ont toutes éclatées, en raison des rayons UV et de l’air salin. Je pends sur une dégaine fixée au cabestan que j’ai fixé, ad hoc, sans trop savoir pourquoi. Je reprends mes sens et je trouve une façon remonter au relais en grimpant sur des microréglettes. Après m’être longé, je me rends compte que sans ce nœud mal confectionné (Dieu sait pourquoi il a tenu !) j’aurais chuté 55 mètres avant que la corde ne se tende, ce qui aurait eu pour effet de catapulter mon second dans la première dégaine de la voie. J’ai tiré la corde une deuxième fois. J’ai assuré Miku jusqu’au relais. Quand il est arrivé au sommet, je lui ai fait comprendre que je n’avais aucune envie de faire des photos, que je voulais seulement redescendre au bateau. Boire une Singha, une bière typique en Asie, c’est tout ce que je voulais. Pourquoi j’ai changé mon plan de match et fais un nœud de plus cette journée-là ? Je ne saurai jamais. Plusieurs vous diront que la région est dépourvue de magie, que les plages sont inondées de touristes, que le rocher est tellement poli que les voies ne sont plus praticables. Ils ont peut-être raison, en quelques part. L’Asie du Sud-est n’est plus ce qu’elle était dans les années 1980. Certes, l’Afghanistan et l’Inde ne sont plus non plus ce que nos parents ont visité il y a 35 ans. Le temps les aura dévorés, ces temps féériques des sacoches en cuir, des Enfields, des Minolta 35mm et du haschich. On peut chercher ailleurs pour trouver mieux, on peut partir à la recherche de son ShangriLa. Il en reste sûrement, des endroits dans le monde où tout est pur et intouché. Il y en a aussi plusieurs endroits pour grimper où il ne fait pas 30 degrés à l’ombre et où on ne sue pas de partout même avant avoir quitté le sol. Pour moi, elle reste charmante cette plage. par Nicolas Charron
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Ténériffe : printemps et grimpe à l’année par Danielle Lavoie
Ténériffe, la plus vaste et la plus peuplée des îles Canaries, archipel espagnol situé à 150 kilomètres au large du Maroc dans l’océan Atlantique, a beaucoup à offrir aux grimpeurs, que ce soit du trad, du bloc ou de l’escalade sportive. Son plus haut sommet, le Teide (3 718 mètres), est aussi le plus haut d’Espagne. S’il est possible de faire de longues voies d’escalade traditionnelle dans le parc national du Teide, c’est au sud-ouest de l’île, dans la commune d’Arico, qu’on trouve la plus importante concentration et la plus grande diversité de projets, soit plus de 500 voies d’escalade sportive incluant des fissures, des dévers et de la dalle, plus d’une centaine de problèmes de bloc de tous niveaux et quelques voies de deux longueurs en escalade traditionnelle. Bien que la communauté locale de grimpeurs s’affaire activement au développement de l’escalade sur l’île depuis une vingtaine d’années, les infrastructures et l’accès à l’information demeurent sommaires pour les visiteurs. Il existe des guides, en espagnol, dont le plus complet répertorie plus de 900 voies d’escalade sportive dans douze secteurs différents. Pour le bloc, le psico-bloc et les nouveaux secteurs, il faudra se rabattre sur les généreux conseils du personnel de la boutique Roxtar et du Tenerife Climbing House, où l’on pourra respectivement louer un matelas pour le bloc et dormir. Ténériffe regorge aussi d’activités pour les jours de repos : kitesurf, planche à voile, randonnées à couper le souffle, excursions en mer et farniente à la plage. Les plus épicuriens y trouveront aussi une route de vins, des poissons savoureux et les très économiques guachinches. Une destination à découvrir à l’année si le vol de plus de 15 heures ne vous rebute pas! Crédits photo : Mikko Vanska (www.mikkovanska.com) 3 6 > grimpE
FORFAITS VOYAGES POUR GRIMPEURS par David Savoie
Ça n’était qu’une question de temps avant qu’une compagnie ne propose des forfaits de voyage tout compris pour des destinations d’escalade, tant pour les familles que pour des groupes. Globe Climber, entreprise française, a lancé ce service récemment. C’est le projet de Jérôme Chaput et Jeff X, deux « bleausards » passionnés. Les deux entrepreneurs disent vouloir répondre aux besoins de plusieurs clientèles qu’il s’agisse de grimpeurs complètement autonomes aux petites familles qui veulent un encadrement. Plusieurs types de séjours sont déjà offerts, qui varient entre des voyages complètement organisés ou semi-organisés. « Nous voulons réconcilier les grimpeurs passionnés, avec les grimpeurs ponctuels, avec les non-grimpeurs, avec leurs amis, leurs familles. Ainsi personne n’a à sacrifier ses vacances pour faire plaisir à l’autre. Tout le monde en profite à son rythme et partager ces moments avec ses proches » explique Jérôme Chaput, cofondateur de GlobeClimber. Déjà plusieurs destinations sont disponibles : Majorque et Albarracin en Espagne, Sïntra au Portugal, Fontainebleau, le Maroc, et d’autres vont s’ajouter. « Tous les niveaux doivent s’y retrouver et pouvoir se faire plaisir, ainsi nous avons choisi des sites capables d’accueillir un public large », explique Jérôme Chaput. Le bloc et le psicobloc ont été favorisés, pour l’aspect convivial.
TROIS questions... >
À DES CRITIQUES DE PRISES
Quel rôle pensez-vous jouer pour les propriétaires de gyms, les manufacturiers et les grimpeurs avec le site ? J: Pour les gymnases, nous avons montré aux propriétaires comment ils pouvaient prendre des décisions basées sur des informations. Pour certaines salles, qui n’ont pas beaucoup d’argent, c’est parfait de pouvoir voir les prises et ce que nous en pensons.
Depuis 2007, le site Climbing Hold Review (littéralement la critique de prises d’escalade, en français) passe au crible des dizaines de formes de pincettes, de réglettes, de plats et d’énormes bacs – tous en plastique, bien entendu. C’est le travail de deux fous furieux du plastique, Jeremy Dowsett et Chris Cheung, qui ont fait plus de 200 critiques jusqu’à maintenant. Pour ce huitième anniversaire, Grimpe leur a posé quelques questions.
Du côté des manufacturiers, nous sommes très honnêtes: nous disons ce que nous pensons. Les matériaux se sont améliorés, il commence à y avoir une standardisation dans l’industrie, ce que nous avons toujours prôné. Certains nous aiment, d’autres nous détestent. Certaines personnes refusent de nous envoyer des prises pour qu’on les critique ! Nous faisons un bon site où nous donnons notre opinion sur ce qu’on aime, les prises. On espère être une source d’inspiration pour les grimpeurs. Je ne peux pas compter le nombre d’heures que nous avons passées à grimper, à nous filmer et à avoir du plaisir. C’est ce que devrait être l’escalade: du plaisir.
Comment le site a-t-il été lancé ?
Quels ont été les points marquants ?
Jeremy: J’étais un grimpeur de 26 ans qui venait de déménager à Montréal pour le travail. J’ai tout le temps eu un petit mur d’escalade à la maison, alors j’en ai construit un. Après un moment, j’ai déménagé (comme tous les Montréalais!), et j’ai apporté le mur avec moi, avec plein de prises, puisque j’en achetais fréquemment. Un jour, en écrivant à un de mes amis, je me suis dit que ce serait bien de faire un site qui parlerait des prises d’escalade. Comme je dépensais près de 400 $ par mois pour en acheter, on a commencé à les passer en revue, avec Chris. Nous ne sommes pas payés pour ces critiques. Nous le faisons pour redonner à la communauté: il n’y avait personne qui faisait ça, nous avons décidé de combler ce manque. Et j’aime beaucoup les prises – celles de Pusher, à l’époque, les Holdz, celles crées par Ben Moon avec S7. Je devrais peut-être consulter...
par David Savoie
J: Rencontrer des gens, savoir que les grimpeurs fréquentent le site, qu’ils sont motivés à grimper ou à faire leurs propres prises me rend toujours heureux. Savoir que certaines personnes achètent des prises à cause de ce que nous écrivons procure un très bon sentiment. Ce que nous faisons, nous le faisons par passion, par pour l’argent ou la gloire. Nous espérons que le site va continuer à grandir, nous avons d’autres personnes qui vont faire des critiques. Chris et moi, nous allons nous concentrer sur d’autres trucs plus en profondeur. Nous espérons aussi avoir plus de prises qui proviennent d’Europe sur notre site au cours de la prochaine année, puisque nous avons eu accès à pas mal de prises provenant des États-Unis récemment.
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design graphique :
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