Sciences ouest 310 feuilletage

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Écologie marine polaire

Sous les glaces de l’Arctique

Biomatériaux

Du plastique 100 % breton

La revue de l’Espace des sciences

www.sciences-ouest.org

n°310

IMMERSION DANS LE SON

L’expérience en cours L’innovation Un nouvel outil Le son 3D s’écoute La hi-fi sans fils La cartographie des au casque inonde la maison bruits sous-marins

JUIN 2013


Écologie marine polaire

Sous les glaces de l’Arctique

Biomatériaux

Du plastique 100 % breton

La revue de l’Espace des sciences

www.sciences-ouest.org

n°310

IMMERSION DANS LE SON

L’expérience en cours L’innovation Un nouvel outil Le son 3D s’écoute La hi-fi sans fils La cartographie des au casque inonde la maison bruits sous-marins

JUIN 2013


© CÉLINE DUGUEY

Tous à l’écoute ! Le son a déjà fait l’objet de deux dossiers dans Sciences Ouest en 1999 et en 2008. Ce thème revient aujourd’hui à la une en écho à l’exposition La Fabrique à sons présentée jusqu’au 1er septembre à l’Espace des sciences. Invisibles, les ondes acoustiques s’écoutent bien sûr ! Mais peuvent aussi faire l’objet de multiples créations et transformations. C’est le fil conducteur de cette exposition très ludique.

Le son constitue par ailleurs un sujet de recherche très riche. Les systèmes de captation, diffusion et restitution ne cessent d’évoluer et donnent lieu à des applications commercialisables. Ainsi, de nouvelles entreprises ont été créées depuis les derniers dossiers et les anciennes, comme Cabasse, n’en finissent pas d’innover. Preuve que la Bretagne fait toujours entendre sa voix dans ce domaine. NATHALIE BLANC RÉDACTRICE EN CHEF

n° 310 JUIN 2013

LE DOSSIER

DÉJÀ DEMAIN LES BRÈVES 4

ILS ANALYSENT LES POTS CASSÉS DICTER AU SMARTPHONE POUR LA LIBERTÉ DE LA RECHERCHE L’INFORMATIQUE VEUT MIMER LA NATURE LE LAIT DE CHÈVRE PASSÉ AU CRIBLE

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SOUS LES GLACES DE L’ARCTIQUE

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DU PLASTIQUE 100 % BRETON

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À L’ESPACE DES SCIENCES

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L’AGENDA DE LA RÉDACTION

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L’ÉPREUVE PAR 7 ROZENN NICOL, ingénieure de recherche, spécialiste de l’audio 3D Une interview non scientifique 22

© DR

COUVERTURE © ORANGE LABS - JEAN-MARIE PERNAUX / TNO

DÉJÀ DEMAIN LES ACTUS

© ORANGE LABS - JEAN-MARIE PERNAUX / TNO

CE QUE JE CHERCHE

Par KÉVIN HARDOUIN, biochimiste « Je cherche à valoriser les algues vertes »

UNE IMMERSION DANS LE SON 10 à 18 LA NOUVELLE VOIX DES MACHINES

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DE LA HI-FI TACTILE ET SANS FILS

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LA CARTE DES BRUITS MARINS

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DES BULLES POUR COUPER LE SON

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DANS L’EAU, LE BRUIT COMME OUTIL

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POINTE SÈCHE PAR WILLIAM AUGEL

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@sciences_ouest et sur www.sciences-ouest.org

JUIN 2013 N°310 SCIENCES OUEST

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Déjà demain

« Je cherche à valoriser les algues vertes » KÉVIN HARDOUIN BIOCHIMISTE e cherche à valoriser les algues vertes. Pour cela, j’étudie les propriétés des molécules qui composent leurs parois. Il s’agit en majorité de sucres : des polysaccharides, et de protéines. Les premiers peuvent avoir des actions antioxydantes, antivirales et/ou antibactériennes avec des applications dans le domaine de la santé. Les secondes peuvent être utilisées dans l’alimentation animale. Pour accéder à ces molécules, j’utilise un procédé d’hydrolyse enzymatique. Je place un extrait d’algue en présence de certaines enzymes qui vont découper la paroi et séparer les molécules. J’obtiens alors un “sirop” d’algue, que je lyophilise, pour ne pas qu’il se dégrade. J’étudie ensuite la composition exacte de mon échantillon, en relation avec les conditions d’hydrolyse : température, durée de l’expérience... L’objectif est de mettre au point un procédé efficace avec un moindre impact sur l’environnement pour extraire ces molécules. Je teste aussi mes extraits sur des bactéries et des virus modèles, afin de mettre au jour les activités biologiques des différents sucres et protéines. Depuis le début de ma thèse, il y a un an et demi, et jusqu’à la fin, je vais travailler sur le même lot d’algues, prélevé l’année dernière. Car en fonction du lieu de croissance, de sa luminosité, de sa teneur en nutriments..., leur composition peut varier. C’est l’un des aspects qu’il faudra prendre en compte lorsqu’il s’agira de dimensionner ces manipulations à l’échelle industrielle ! »

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PROPOS RECUEILLIS PAR CÉLINE DUGUEY Rens. : Kévin Hardouin kevin.hardouin@univ-ubs.fr

© DR

Kévin Hardouin effectue sa thèse à l’Université de Bretagne-Sud, dans le cadre d’une Convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) avec l’entreprise morbihannaise Olmix. Il a reçu le prix de la meilleure présentation orale des doctorants lors du Symposium international sur les algues, du 21 au 26 avril dernier, à Bali en Indonésie.

4 SCIENCES OUEST N°310 JUIN 2013

Des jeunes céramologues ont échangé sur leurs méthodes de travail en contexte archéologique complexe.

Ils analysent les pots cassés ’archéologie est en plein renouveau. En introduction du colloque “Pour ne pas tourner autour du pot ?”, organisé les 17 et 18 mai derniers par de jeunes chercheurs du Laboratoire archéologie et histoire Merlat (Lahm)(1) de l’Université Rennes 2, Mario Denti, le directeur du Lahm rappelait le contexte : « L’archéologie classique s’est construite sur une perception hellénocentrée, partageant arbitrairement et obstinément nos champs de recherches entre, d’une part, ce qui est grec et, d’autre part, ce qui ne l’est pas. » Une analyse qui trouve ses limites quand, sur les chantiers de fouilles, on se trouve dans un contexte mixte. Zone de prédilection de fouilles des chercheurs du Lahm, le site de l’Incoronata, dans le golfe de Tarente au sud de l’Italie, est bien dans ce cas : des céramiques fabriquées par la population qui vivait sur place (indigène) côtoient des pièces grecques. Et il y a aussi des objets mixtes, comme un tesson décoré d’un motif grec retrouvé sur une forme indigène. Une première lecture de l’histoire voulait que les Grecs aient débarqué au 7e siècle et chassé les indigènes. Cette affirmation devient de plus en plus nuancée, à la lumière de travaux récents, comme ceux présentés par Solenn Briand, François Meadeb et Clément Bellamy pendant le colloque. « Certains produits qui nous paraissent hybrides montrent qu’une cohabitation artisanale a bien eu lieu », affirme François Meadeb.

L

Les céramologues d’aujourd’hui sont archéologues et potiers ! Leurs observations mêlent l’analyse de la forme de l’objet, de la technique utilisée : tournage, battage, modelage... Sans oublier l’usage qui en était fait. « Pourquoi certaines pâtes grossières avec des inclusions, de tradition indigène, ont-elles perduré après l’arrivée grecque ? Parce qu’elles étaient tout à fait adaptées à la conservation de l’eau au frais », souligne Solenn Briand. « Aujourd’hui on reconnaît mieux ce que l’on peut appeler l’hybridité culturelle », ajoute Clément Bellamy. Si

cette nouvelle approche va dans le sens d’une persistance des indigènes et d’une réévaluation de leur rôle, les chercheurs prennent garde à ne pas tomber dans l’excès inverse en le surestimant. Ils étaient une trentaine d’étudiants français, italiens, suisses et allemands à échanger sur leurs travaux en Méditerranée occidentale. « Cela devient plus facile aujourd’hui car le monde est plus “mixte” qu’avant et les étudiants déjà “déconstruits” ! », note Mario Denti. Mais le puzzle à reconstruire ne s’en trouve que plus complexe. (1) UMR CNRS 6566, CReAAH - Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire.

Rens : Clément Bellamy, clement.bellamy@hotmail.fr

LES ÉCHOS DE L’OUEST MER LE PORT DE LORIENT S’ENGAGE POUR L’ENVIRONNEMENT ● Le port de commerce de Lorient accentue sa politique environnementale. Au programme : réduire les émissions de poussières, maîtriser la gestion des déchets, garantir la conformité juridique des installations, analyser les rejets d’eaux du port et réduire les consommations d’eau et d’énergie.

DES ZONES PROPICES AUX ÉNERGIES MARINES ● La Région Bretagne a lancé une étude pour déterminer les zones où il sera possible de créer des fermes marines pour l’éolien en mer, les hydroliennes... L’objectif est d’éviter les conflits entre les différents usagers de la mer. Cette cartographie sera prête en 2014.

Rens. : www.morbihan.cci.fr

Rens. : www.bretagne.fr

© DR

CE QUE JE CHERCHE


a société rennaise Portik a imaginé une application pour smartphone permettant de saisir vocalement des données. Destinée aux métiers nomades comme les prestataires de travaux agricoles, Chantiers Vocal complète un premier logiciel de Portik (Chantiers) où la saisie se faisait manuellement. Mais il n’est pas toujours aisé de taper sur l’écran de son smartphone avec les mains sales ou ébloui par le soleil... Ici la saisie s’effectue à l’oral et est retranscrite directement en base de données sur le smartphone. « Nous avons effectué un travail important avec Télécom Bretagne sur les algorithmes de traitement du signal pour caractériser et schématiser la voix le plus rapidement possible, explique Jacques Brégand, le fondateur de Portik. Et nous nous sommes rapprochés de la société lannionnaise Tykomz pour tout ce qui concerne l’implémentation de la reconnaissance vocale sur le smartphone et l’analyse du dialogue. » Le tout s’utilise en mode non connecté. Chantiers Vocal n’est encore qu’un prototype. Soutenu par la Région Bretagne et Oséo(1), Portik est à la recherche de partenaires pour le développer en étendant son utilisation à d’autres métiers mobiles, comme les paysagistes.

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(1)

TARA EST REPARTI VERS LES GLACES ● Il a quitté le port de Lorient le 19 mai dernier. Le voilier polaire Tara est parti pour une nouvelle expédition scientifique, baptisée Tara Oceans Polar Circle. Pendant sept mois, il va effectuer une circulation de 25 000 km sur l’océan Arctique. À son bord, biologistes et océanographes ont pour mission principale d’étudier la biodiversité planctonique de ce milieu polaire, poursuivant ainsi l’ambition de la mission précédente, de récolter du plancton dans toutes les régions du globe. Ces microorganismes stockent une grande partie du CO2 émis sur la planète. Mieux comprendre cet écosystème donnera des informations importantes sur les changements, notamment climatiques, en cours en Arctique et plus globalement sur notre planète. Rens. : http://oceans.taraexpeditions.org

UNE SORTIE AU LABO POUR DES PETITS MALADES ● La Station biologique de Roscoff a accueilli une vingtaine de jeunes patients du 28 au 31 mai. Ateliers sur le plancton, embarquement sur la navette Néomysis, découverte de l’estran et d’une usine de transformations d’algues étaient au programme de ce voyage organisé dans le cadre de la collaboration entre le CNRS et l’hôpital Louis-Debré (Paris).

Organisme de financement de l’innovation et de la croissance des PME.

Rens. : Jacques Brégand Tél. 02 99 54 63 06 jacques.bregand@portik.fr

© LORIENT AGGLO

Dicter au smartphone

Rens. : Marielle Guichoux Tél. 02 98 29 23 02 guichoux@sb-roscoff.fr

BLEU-BLANC-CŒUR EN ACCORD AVEC L’ÉTAT ● L’association bretonne BleuBlanc-Cœur, qui préconise le retour à une alimentation des animaux à base d’herbe, de lin ou de luzerne, vient de signer avec l’État le premier accord collectif pour une alimentation de haute valeur nutritionnelle et une agriculture à impact carbone réduit. Il s’intègre dans le programme national pour l’alimentation, qui souhaite garantir à tous l’accès à des produits sûrs et de qualité. Rens. : www.bleu-blanc-coeur.com http://webtv.agriculture.gouv.fr

DU NOUVEAU EN CUISINE ! ● Le jour de l’été signe aussi celui de la nouveauté culinaire ! Le 21 juin, le nouveau Centre culinaire contemporain de Rennes fête son inauguration et son installation dans un bâtiment flambant neuf, quartier Atalante Champeaux. Cette plate-forme d’ingénierie propose des services et équipements aux professionnels, aux élèves et aux chercheurs, afin de développer des innovations. Il comprend notamment une école de cuisine, un restaurant d’essais et une plate-forme Web participative. Rens. : www.centreculinaire.com

© ARTEFACTO

UN JEU DE L’OIE HISTORIQUE ET FUTURISTE ! ● Un lancer de dés et le personnage avance du nombre de cases correspondant. Le jeu de l’oie mis au point par l’entreprise rennaise Artefacto pour l’écomusée du Pays de Brocéliande reprend les règles traditionnelles... Avec de la réalité augmentée en plus ! Si le plateau est réel, le personnage, lui, est virtuel et apparaît uniquement sur la tablette que le joueur tient en main. « Il peut choisir de jouer avec Guillaume de Montfort ou Alain de Dinan, par exemple, explique Erwan Mahé, d’Artefacto, des seigneurs qui ont fréquenté le site de Montfort au 12 e siècle, décor du jeu. » Au fil des cases, le joueur répond à des questions pour poursuivre sa route. Le concept marie l’expertise historique de l’écomusée et les innovations technologiques issues des projets auxquels participe Artefacto. « L’un concerne la reconstitution de personnages, pour réaliser une photocopie 3D et animée en quelque sorte. C’est un projet européen. » Un autre, labellisé Investissements d’avenir, explore de nouvelles façons de scénariser la connaissance. Et la Région Bretagne finance des médiations innovantes, dont ce jeu de l’oie est le premier prototype. Il est pour l’instant en test à l’écomusée et devrait être amélioré d’ici à la fin de l’année.

© HANS HILLEWAERT

Rens. : Erwan Mahé Tél. 02 23 46 14 47, e.mahe@artefacto.fr, www.ecomusee-broceliande.com

TECHNOPOLE FORMATION DES CRÉATEURS D’ENTREPRISES ● La technopole Rennes Atalante a signé des conventions de partenariats privés avec quatre sociétés : AGC Perspectives, le Crédit Mutuel de Bretagne-groupe Arkéa, le cabinet d’expertise comptable Geirec et le cabinet d’avocats Strateys, qui accompagnent la formation des créateurs d’entreprises.

BIOTECHNOLOGIES L’ENTREPRISE HEMARINA S’INSTALLE AUX ÉTATS-UNIS ● Spécialisée dans les biotechnologies marines, l’entreprise morlaisienne Hemarina(1) a annoncé son implantation à Boston, dans le Massachusetts. Elle souhaite en effet accélérer ses développements et anticiper la mise sur le marché international de certains de ses produits.

Rens. : www.rennes-atalante.fr

Rens. : www.hemarina.com

(1)

Lire Sciences Ouest n° 226-novembre 2005

CHANGEMENT DE TÊTE À L’ÉCOLE DE LA SANTÉ ● Arrivant du cabinet de la ministre de la Santé Marisol Touraine, Laurent Chambaud vient de prendre la direction de l’École des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP). Il remplace Antoine Flahaut. Rens. : www.ehesp.fr JUIN 2013 N°310 SCIENCES OUEST

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Déjà demain

Sous les glaces de l’Arctique ÉCOLOGIE MARINE POLAIRE Des chercheurs ont passé quatre saisons en Arctique pour étudier l’influence des eaux chaudes de la dérive nord-atlantique sur l’activité des organismes vivant dans le sédiment. ne équipe de chercheurs, pilotée par Nathalie Morata, de l’IUEM(1), à Brest, a réalisé des campagnes au Spitzberg, en Arctique, pendant un an. Son objectif est d’observer le fonctionnement d’un fjord au fil des saisons pour décrypter les variations de l’écosystème. Il ne s’agit pas de n’importe quel fjord ; Kongsfjorden reçoit des eaux de la dérive nord-atlantique, c’est-à-dire des eaux chaudes formées sous l’effet du Gulf Stream. Cette dérive s’intensifiant, les eaux deviennent de plus en plus chaudes. En cela, le fjord est un indicateur de ce qui pourrait se

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passer ailleurs, sous l’effet du réchauffement climatique.

Conditions extrêmes L’équipe Ecotab(2) a prélevé de la glace, de l’eau et du sédiment pour étudier le fonctionnement de l’écosystème, à chaque saison. La dernière campagne de janvier 2013 a bouclé le cycle de quatre saisons de prélèvements. Une telle étude au fil de l’année en Arctique est « très difficile à mettre en place », commente Nathalie Morata, coordinatrice du projet. A priori elle sait de quoi elle parle puisqu’ellemême a réalisé vingt-trois missions dans cette zone !

« Il faut parfois travailler par - 30 °C pour prélever du benthos à 300 m sous la glace. C’est pour cela qu’il existe peu de données sur ce qui se passe en hiver. » Il existe également peu de données portant à la fois sur la glace, l’eau et le sédiment

Les trésors rapportés L’équipe Ecotab étudie actuellement les prélèvements rapportés : analyse des matières particulaires en suspension dans l’eau, des éléments dissous, du phytoplancton, des bactéries, de l’activité des organismes dans la colonne d’eau et le sédiment... Nathalie Morata Les copépodes vivent dans l’eau. Leur activité, comme celle des vers sédimentaires, est encore importante en automne, ce qui est une surprise pour les chercheurs. © ANAÏS AUBERT

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espère que l’ensemble des analyses sera terminé d’ici à la fin de l’année pour envisager une synthèse des résultats en 2014.

Une surprise Mais un phénomène attire déjà l’attention des chercheurs. Pas besoin d’attendre les résultats de laboratoire pour le constater, ils l’ont observé en enregistrant la respiration et l’activité du sédiment en automne : les petites billes déposées sur la colonne de sédiment prélevée se retrouvent toutes en profondeur. Ce qui est la preuve d’une activité importante des organismes présents (bioturbation) à cette saison. « Alors qu’on s’attendait à ce qu’ils soient au repos. » Il semblerait que l’activité des organismes vivant dans le sédiment augmente au cours de l’année. Elle est à son maximum l’été, pendant le soleil de minuit, qui apporte suffisamment de lumière pour permettre aux algues locales de croître, et ainsi nourrir les échelons alimentaires supérieurs. « Mais


BIOMATÉRIAUX Fabriqué à Lorient en laboratoire, un plastique biosourcé pourrait bientôt être produit à plus grande échelle.

Du plastique 100% breton abriquer du plastique biocompostable et biodégradable est déjà une belle intention. Quand il s’agit en plus de le produire en valorisant des déchets issus des industries agroalimentaires bretonnes que l’on fait digérer par des bactéries marines, il n’y a plus rien à redire... Sinon applaudir les chercheurs du Laboratoire d’ingénierie des matériaux de Bretagne (LimatB) à l’origine du projet PHApack(1), débuté en septembre 2012. C’est ce qu’a fait le journal de stratégie et veille technologiques en environnement Green News Techno, en le sélectionnant au niveau national (avec un autre projet) lors d’une session sur la valeur des déchets pendant la journée Transfert Innov’Eco organisée à Paris, en avril dernier.

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Le fjord Kongsfjorden où l’équipe Ecotab a effectué ses prélèvements se situe à l’ouest de l’archipel du Svalbard sur l’île norvégienne du Spitzberg, en Arctique. © NATHALIE MORATA

en automne, la nuit polaire est installée. L’activité observée pourrait peut-être s’expliquer par l’arrivée de nourriture avec la dérive atlantique. La présence de chlorophylle dans l’eau en automne atteste de la présence d’algues, provenant probablement des eaux chaudes de la dérive », commente Nathalie Morata.

Tester les aliments La seconde phase du projet, après les prélèvements et l’étude des échantillons, consistera à alimenter les espèces vivant dans le sédiment avec des algues de glace et différents phytoplanctons naturellement présents dans le fjord pour étudier l’influence de la nourriture sur ces organismes. L’hypothèse sous-jacente étant que le réchauffement de l’eau de la dérive nord-atlantique modifie la nourriture disponible pour les organismes pélagiques et benthiques. MICHÈLE LE GOFF

Avec des industriels Car l’originalité du travail des chercheurs de Lorient est bien là : il n’est pas question de partir d’une source, comme le dextrose, déjà utilisée en agroalimentaire. L’idée est de valoriser des déchets. « Mais pas n’importe lesquels, précise Yves-Marie Corre, l’ingénieur en charge

du projet. Il s’agit de déchets bien identifiés, c’est-à-dire dont nous connaissons et maîtrisons la composition. Pour que cela soit possible, et que ces déchets soient disponibles régulièrement en grandes quantités, nous nous sommes rapprochés d’industriels. » Séché Environnement et Sojasun fournissent ainsi au laboratoire deux types de déchets, principalement carbonés et issus de résidus ou de sous-produits des procédés de la filière végétale de type fruits et légumes. Ils sont utilisés de façon complémentaire dans le procédé.

De 10 à 100 g Si les premiers grammes de biopolyester (polyhydroxyalcanoate ou PHA) ont été produits et caractérisés en laboratoire en 2011, après sélection du couple substrat/ bactérie (projet Biocomba(2)), « Aujourd’hui, avec le projet PHApack, notre objectif est de changer d’échelle et d’arriver à fabriquer plusieurs centaines de grammes de produit en continu », poursuit le chercheur. Après, vient aussi la partie extraction du bioplastique. Car le PHA synthétisé par les bactéries reste à l’in-

térieur de celles-ci. Il faut le récupérer. La solution la plus courante est l’utilisation de solvants chlorés mais, à grande échelle, ils sont nocifs pour l’environnement. Toujours dans la logique d’un plastique biosourcé, réalisé à partir d’un procédé durable et respectueux de l’environnement, les chercheurs travaillent sur la piste de l’extraction enzymatique (grâce à une enzyme qui détruit la paroi des bactéries), ou mécanique (avec des chutes de pression). À mi-parcours du projet, toutes ces phases de production à l’échelle pilote sont en cours d’optimisation. Séché Environnement, qui possède les infrastructures adéquates, se dit d’ores et déjà intéressé pour tester la production à l’échelle industrielle. Le plastique 100 % breton est donc sur la bonne voie. NATHALIE BLANC Le projet PHApack a été labellisé par le pôle de compétitivité Valorial. (2)Lire Sciences Ouest n° 268 - septembre 2009 : Les emballages de demain seront bio et intelligents et n° 293 décembre 2011 : Du plastique produit par des bactéries. (1)

CONTACTS Yves-Marie Corre Tél. 02 97 87 45 87 yves-marie.corre@univ-ubs.fr Stéphane Bruzaud Tél. 02 97 87 45 84 stephane.bruzaud@univ-ubs.fr

Le bioplastique produit par les bactéries est extrait sous forme de poudre (au centre). Des additifs peuvent être ajoutés (couleurs, stabilisants thermiques ou UV), avant la mise en forme (film, moulage). © DR

IUEM : Institut universitaire européen de la mer, au Lemar : Laboratoire des sciences de l’environnement marin. (2) Ecotab réunit une dizaine de personnes du Lemar, ainsi que des chercheurs de la Station biologique de Roscoff, de l’université de Perpignan, mais aussi de Norvège, du Canada, d’Allemagne, de Pologne, d’Espagne. Le projet est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et soutenu logistiquement par l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (Ipev). Débuté en novembre 2011, il se poursuivra jusqu’à novembre 2014. (1)

CONTACT Nathalie Morata Tél. 06 71 36 29 45 nathalie.morata@gmail.com www-iuem.univ-brest.fr/ecotab JUIN 2013 N°310 SCIENCES OUEST

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LE DOSSIER DE

L’expérience du projet Bili (lire ci-dessous) poursuivra celle réalisée au centre de recherche néerlandais TNO (photo). Elle recréera une structure totalement circulaire à 360 °, sur laquelle seront fixés des haut-parleurs dont l’axe de diffusion passera par les oreilles de l’auditeur, situé au centre. © ORANGE LABS - JEAN-MARIE PERNAUX / TNO

UNE IMMERSION L’ÉCOUTE AU CASQUE EST EN PLEINE MUTATION. AVEC NEUF PARTENAIRES, ORANGE LABS RENNES RÉINVENTE LE SON EN 3D. ans les années 50, la stéréophonie(1) était l’innovation. Les acousticiens planchent désormais sur le son binaural (“deux oreilles”). Le principe ? Sous son casque, l’auditeur entend des sons tout autour de lui, à toutes les distances et dans toutes les directions. Il est en immersion sonore. « Le monde de l’audio vit aujourd’hui une révolution, car nous sommes restés très longtemps sur le son stéréophonique », résume Rozenn Nicol, ingénieure de recherche à Orange Labs Lannion. « Avec l’émergence des tablettes et mobiles, que l’on écoute au casque, le son binaural est la grande tendance, estime

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10 SCIENCES OUEST N°310 JUIN 2013

Marc Emerit, son collègue ingénieur à Rennes. D’ici quelques années, il sera partout. »

Au casque, sur tablettes et mobiles Le projet Bili (Binaural Listening) démarre cette année. Il associe France Télévision, chef de file du projet, Radio France, Orange Labs, l’Ircam(2), le Limsi(3) et cinq acteurs du monde de l’audio. « Les programmes sont aujourd’hui visionnés sur des écrans de plus en plus petits, tablettes, smartphones : le regard est attiré ailleurs, explique Matthieu Parmentier, responsable de projets Recherche et développement à France Télévision. L’immersion sonore fidélise le spectateur. Dans un match de foot sur smartphone, les joueurs sont tout petits. Mais si vous avez l’impression sonore d’être au milieu

du stade, avec l’ambiance autour, cela change tout ! » Les chaînes de télévision proposent déjà du son multicanal. Ce son spatialisé (norme 5.1) provient de cinq haut-parleurs dans le salon (à gauche, au centre, à droite, à l’arrièregauche et l’arrière-droit). Avec le binaural, le casque remplace tous ces haut-parleurs. Pour France Télécom, ce son présente beaucoup d’intérêt. « Nous voulons que les usagers d’Orange profitent du son 5.1 au casque sur les tablettes, les mobiles et la TV connectée », explique Marc Emerit. Une autre application concerne les audios et visioconférences, « pour une meilleure représentation mentale de la réunion dans l’espace, plutôt que de se demander d’où vient la voix qui parle. »


P. 14

La nouvelle voix des machines © J-C&D PRATT - PHOTONONSTOP

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De la hi-fi tactile et sans fils © CABASSE

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Des bulles pour couper le son © DGA TECHNIQUES NAVALES PHILIPPE BOYCE

N DANS LE SON L’enregistrement binaural est simple. Placez deux petits micros dans vos oreilles. La prise de son vous replongera dans le monde sonore où vous étiez. Mais il y a un problème. Si un ami écoute votre enregistrement, il ne localisera pas les sources sonores aux mêmes endroits. Quant à la hauteur des sons par rapport au sol, elle fluctue ! Chaque individu a en effet sa propre perception spatiale des sons : c’est toute la difficulté du son binaural (voir p. 12-13).

La transformation du signal « Entre le moment où le son sort d’un hautparleur et celui où il arrive à l’intérieur du conduit auditif, il y a une transformation du signal, spécifique à chaque oreille, explique Marc Emerit. Elle dépend de la position angulaire et de la distance de la source, ainsi que de la morphologie de l’auditeur. » Le pavillon de l’oreille, qui colore le son, joue un rôle

Une expérience avec l’Opéra de Rennes

L

es spécialistes de l’écoute binaurale (lire ci-contre) ont participé à une expérience avec l’Opéra de Rennes. Le 4 juin, La Traviata de Verdi a été diffusée sous plusieurs formes, avec les acteurs de l’innovation numérique : captation avec caméra 360 ° et restitution virtuelle sur tablettes (Orange, Insa), projection sur écrans en ultra HD et écoute au casque sans fil

(Orange, Technicolor, Diwel), restitution en réalité augmentée et visite virtuelle (Artefacto). La Traviata a été retransmise en direct (TVR, Ty Télé, Tébéo, France 3, France Musique) et en extérieur dans sept villes bretonnes et à Jersey. Pour le projet de recherche Bili(1) (lire ci-contre), plusieurs méthodes de prise de son ont été testées aux répétitions : micros à 360 °,

micros sur des têtes artificielles, micros parmi l’orchestre, le chœur et près des solistes. Les chercheurs vont les comparer et réaliser un mix binaural. L’objectif est de trouver la méthode qui offrira à l’auditeur, casque aux oreilles, l’immersion sonore idéale - comme s’il vibrait au cœur de l’opéra. NG (1)

Bili : Binaural Listening.

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LE DOSSIER DE

Scanner le pavillon de l’oreille Cette HRTF est une signature personnelle. Elle est composée de deux filtres (un par oreille) : en les appliquant à un son, il devient spatialisé. Mais pour obtenir ces filtres, il faut subir des tests individuels, pendant deux heures, en chambre anéchoïque. Ce n’est pas vraiment pratique. « Le grand challenge de Bili consiste à trouver une manière simple d’obtenir des filtres, en fonction de la morphologie de chaque personne », explique Marc Emerit. « Le Graal que nous poursuivons est une solution grand public, complète Rozenn Nicol. Imaginez une cabine, un “binaumaton”. En trente secondes, un scanner 3D prend la forme du pavillon de l’oreille, au millimètre près. Ce maillage aboutit à des algorithmes de modélisation, qui calculent les HRTF associées à chaque morphologie. » Les acteurs du projet Bili ont trois ans pour trouver. Le son en 3D étant une spécialité de ses ingénieurs depuis dix ans, Orange Labs est bien parti. Mais la course est mondiale pour trouver la méthode pour individualiser le son, avec des universités et les grandes entreprises du son, aux États-Unis, au Japon et en Corée. Le son binaural était à l’ordre du jour des rencontres du consortium des télévisions européennes (Eurovision), en mai, avec France Télévision. La BBC mène une recherche active. Tout comme Radio France, l’autre grand acteur de Bili, qui a lancé le site www.nouvoson.radiofrance.fr. Avec deux oreillettes, il permet de découvrir ce nouveau monde acoustique.

1 HRTF (-45°, 0°) : individus 1 à 8 (Base TNO) 20 10 0 -10 -20 dB

essentiel dans la localisation. Le projet Bili veut modéliser cette transformation du signal, spécifique à chacun, en s’appuyant sur des méthodes expérimentales. À partir de cet été, cinquante personnes vont jouer les cobayes, l’une après l’autre, dans une chambre sourde (anéchoïque), à Orange Labs Lannion(4). Dans ce cube où les ondes ne se réfléchissent pas, chaque cobaye a deux minimicros dans ses oreilles. Les chercheurs émettent les sons de mesures dans des centaines de directions tout autour. En enregistrant le son, les acousticiens obtiennent une représentation sphérique de la captation sonore de chaque individu. Ils en déduisent une fonction de transfert de la tête (Head-Related Transfer Function).

-30 -40 -50 -60 -70

103

Fréquence (Hz)

COMPRENDRE

Le son binaural La perception des sons varie selon l’intensité des sources sonores, leur distance et leur position angulaire par rapport à nos deux oreilles.

NICOLAS GUILLAS Le son stéréophonique est enregistré par deux micros et diffusé par deux canaux. (2) Ircam : Institut de recherche et coordination acoustique/ musique. (3)Limsi : Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur CNRS, Université Pierre-et-Marie-Curie et Université Paris-Sud. (4) Et à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam), à Paris. (1)

CONTACTS Matthieu Parmentier Tél. 01 56 22 43 28 matthieu.parmentier@francetv.fr Rozenn Nicol Tél. 02 96 05 16 99 rozenn.nicol@orange.com Marc Emerit Tél. 02 99 12 47 54 marc.emerit@orange.com

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La vidéo http://www.espace-sciences.org/so/310/binaural


2

À chacun son écoute Dans les mêmes conditions d’écoute et dans une direction donnée, l’audition de huit personnes est différente. À certaines fréquences, des sons sont atténués ou amplifiés selon les individus. Les départs des courbes (à gauche) démarrent normalement au point zéro. Elles ont ici été espacées, afin de rendre visible leurs variations relatives.

1

10

5

0 dB

-5

-10

-15

À chaque oreille sa perception Ce graphique représente l’écoute de l’oreille droite d’une personne (HRTF individuelle), lors d’un test. L’échelle relative montre que certaines fréquences sont bien perçues (vers le rouge) ou faiblement captées par l’oreille (vers le bleu), selon la direction de la source sonore. Avec l’oreille droite, l’individu perçoit moins bien les sons qui proviennent de la gauche (bleu foncé). Car dans cette expérience le micro est posé dans l’oreille. Si la perception n’était pas gênée par la tête, cette partie du disque serait verte (0 décibel).

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© ORANGE LABS - RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT / BASE DE DONNÉES JEAN-MARIE PERNAUX

Les ondes acoustiques se propagent et sont diffractées par le pavillon de l’oreille et la tête de l’auditeur.

Le son venant de la gauche est plus fort pour l’oreille gauche. Il arrive dans l’oreille droite, retardé et filtré par la réflexion et la diffraction.

Signal réfléchi (échos)

Réflexion/Diffraction Signal réfléchi (échos) La manière de percevoir la scène sonore est spécifique à chaque individu. Elle dépend de la forme de sa tête.

À partir de ces informations, le cerveau construit une image audio 3D de l’environnement acoustique.

Le binaural est un son spatialisé artificiel, qui restitue le son naturel.

JUIN 2013 N°310 SCIENCES OUEST

© FRÉDÉRIC LE DONGE - ROMAIN SCORDIA - NICOLAS GUILLAS

Signal direct

Le pavillon de l’oreille résonne avec les sons. Il nous permet de les localiser.

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