Esprit Métis #12 / Famille d'Italie

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et aussi

Société

Hors l’Histoire ? n°12 / automne 2012 / Esprit Métis

Mémoires de tribus Récit de voyage

Irlande

Du vert plein le cœur Entretien avec

Maya Mihindou Poésie du graphisme


nom de la rubrique

SOMMAIRE ● Un jour j'irai en chine ...... p4 ● brèves .............................. p5 ● Clichés mis à mal .............. p8 Vive les bonnes mères indignes !

● Un esprit plus ouvert ...... p9 A-mère

● peuple métis .................... p10 Les Iraniens, peuple singulier

Société ............................ p12

On vous emmène en

Corée du Sud !

Hors l’Histoire ? Mémoires de tribus.

● Croisement artistique ...... p14

Pays aux couleurs flamboyantes, électrisé par une ambiance pali pali*. Pays meurtri par la grande Histoire du XXème siècle, mais toujours prêt à se dépasser, à se relever, à avancer. Pays de traditions, mais d’une grande modernité. Pays de paradoxes, quelque part entre le piquant du piment et la rigueur confucianiste. Pays méconnu… Pays à découvrir sans plus attendre ! *vite vite !

L’ancêtre des musées

● Poème ............................. p15 Ô ma fille.

● DOSSIER / Familles d’Italie : la dolce vita e bella ? .... p16 à 25 ● Entretien avec .......... p26-27 Maya Mihindou, la poésie du graphisme ●

Récit de voyage ......... p28-29

Irlande - Du vert plein le cœur ●

AGENDA ...................... p30-31

■ devenez membre d'esprit métis ■ et faites le lien entre les cultures

Esprit métis vous propose une expérience formatrice et enrichissante, le tout dans un cadre dynamique, jeune et créatif. (Les stagiaires sont également les bienvenus.) Pourquoi rejoindre Esprit Métis?

Pour travailler sur des projets passionnants. ● Partager et acquérir une expérience professionnalisante. ● Rencontrer, échanger et se créer un réseau. ● Vivre une expérience humaine hors du commun.

Qui sommes-nous?

Créée à Bordeaux en 2006, l’association et le magazine Esprit Métis oeuvrent pour la promotion du métissage culturel et social, et contribuent à l’idée d’un dialogue interculturel.

Le métissage est pour nous plus un état d’esprit qu'un critère physique.

« Avoir l’Esprit Métis, c’est accepter l’autre tel qu’il est, vivre avec des cultures différentes et refuser de s’enfermer dans un communautarisme culturel exclusif. » ►

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Contactez-nous sans plus tarder !

Esprit métis #12 / Italie

recrutement@espritmetis.com ou stage@espritmetis.com


nom de la rubrique

i.

Italie, arrivederc

CouVERTURE Design : Louaou Localisation: Bordeaux Web: www.louaou.fr

Esprit Métis | 7 rue des trois chandeliers 33000 Bordeaux | Tél : 06 10 54 97 06 | contact@espritmetis.com | www. espritmetis.com | http://espritmetis.wordpress.com | Rédaction : redaction@espritmetis.com | Publicité : publicite@espritmetis.com | Radio : radio@espritmetis.com . Le magazine Esprit Métis est un trimestriel gratuit édité par l’association loi 1901 Esprit Métis et tiré à 2000 exemplaires.| Publication du numéro 12 le 24/08/12 | Dépôt légal à parution | ISSN : 1960 - 2332 Directrice de publication : Achta Clanet | Rédactrice en chef : émeline Joffre | Rédacteur invité : Xavier Lefèvre | Secrétaire de rédaction : Isabelle Marcuzzo | Correctrices : Marion Roset, Isabelle Marcuzzo & Marie-Christine Galy-Aché | Directrice artistique - Créatrice et fondatrice d’Esprit Métis : Kellie Dubois | Couverture: Louaou | Mise en page : Kellie Dubois - Sophie Rivière - Maeva Roy | Un merci spécial à émeline, Xavier et Noufal pour leur travail remarquable ! Merci au consul des USA de Bordeaux pour son soutien | Une pensée pour nos familles et aux deux petits nouveaux nés Thimothé et Néthim. | La team métis 2012 : Océane Fate, Dara Tuami, Nicolas Rouault, Jamila Ouala, Quam Kuakuvi, Sébastien Lamigou Gratiaa, Grégory Provenzano, Julie Brault, Hélène Morin, Benjamin Lagard, Martin Debray, Cédric Jault, Alexis Fernandez, Laure Moullé, Faniry Ratziferana, Siti Said Ali, Karen Toris, Badara Sarr, Noémie Harriet, Warda Mohamed, Sébastien Gouriou, Thomas Dubourg, Emilie Jaquet, Milo, Isis Spiteri, Elodie Ancenay, Noufal Bensaoud, Anthony Rojo, Hélène Morin, Céline Bonnet Laquitaine, Patricia Grange-Boué, Véronique Magniant, Marion Roset, Maéva Roy, Sophie Rivière,Laurie Martinerie, Achta Clanet, Kellie Dubois, Isabelle Marcuzzo, Marie-Christine Galy-Aché, Mane Fati Aurelie, Martin Pierre, Anais Lassalle St Jean. | Impression : Atelier Graphique Saint-Jean, 10rue Flottes, 81000 ALBI

idable chève, une form un voyage qui s'a tralie us l’A à ue iq C’est pour moi onde, du Mex m du ur to na au une éton nte aventure adagascar, avec M r tte pa t an ss en pa rent posé sur ce , un regard diffé ux ea rd Bo à le esca tre. ville qui est la nô stons, en nous que nous acco lie Ita au en st Et c’e – su r ce qu i, jo li pa ra do xe – nt ra nt ce re famille. t, nous crée : la commencemen re – au sens prop st aussi la tribu c’e , t, en ille ur m to fa en la Mais qui nous é, ce sont ceux , ur rit fig sp l’e au t e m en m vr co us ou grandir, qui no rme fo e Un . ng qui nous font sa rtagent pas notre même s’ils ne pa Celui, aussi, de forme de choix. e un et tres é, lit ta de fa ir auprès des nô la vie, puis d’ag n de no nt ou ya er sa nn es do e. En us semble just ier pl à re ud so selon ce qui no ré se erté, de ne pas s conserver sa lib (trop) puissante et s se eu br m no ) op de (tr é x ur au to face ême, en les. Etre soi-m pressions socia e. ceux qu’on aim re, dans nos un œil en arriè tte je on d an qu Car ssées, c’est leur uleurs à peine pa co x au ent. irs en uv so us accompagn sourires qui no par , re tu en force et leurs av e nouvelle un r ce en m . m is Pour co prit Mét Un elle saison d’Es uv no e Un e. pl exem des cultures, à la découverte ge ya vo u ea uv no dessins et de fait de mots, de d’énergie et des mélanges, up de beauco ut rto su s ai m , photos de passion. un nouveau et à bientôt avec Métis est Alors arrivederci… it pr L'aventure Es ! rd bo de e in capita er à quai... p belle pour rest décidément tro Emeline Joffre

www.espritmetis.com Esprit métis #12 / Italie 3


nom de la rubrique

Congratulazioni* !!! Un grand bravo de la part de toute l’équipe Esprit Métis à PierreAntoine Martin ; l’expression créative de son désir de voyage a remporté le premier prix… Un grand merci à tous les élèves de Ludovic Jacqz de l’ECV de Bordeaux (l’École de Communication Visuelle) pour leur participation au concours. Faites un zoom sur image : http://espritmetis.wordpress.com/ ● www.ludovicjacqz.com ● www. wix.com/pafmartin/illustrations

un jour j'irai

*félicitations !


Brèves

● buzz du net

Reconnaissez-vous ces tableaux ? L'artiste Gary Andrew Clarke représente des peintures célèbres à l'aide de ronds colorés. Un résultat saisissant tout en pointillisme! Vous avez reconnu la Joconde ? Bravo, je vous donne rendez-vous sur le site de l'artiste pour découvrir d'autres tableaux tout aussi graphiques ! ■ Anthony Rojo ► www.graphicnothing.com/

● Made in Japan

mon petit copain virtuel étranger Que faire si votre petit(e)-ami(e) était un étranger ? (What if your girl/boyfriend was a foreigner ?), est une application smartphone disponible au Japon depuis un an. Une façon originale de donner envie de pratiquer l'anglais avec un compagnon étranger virtuel… dans l'espoir qu'il soit remplacé un jour par un vrai ? Simple amusement ou tentative de comprendre le comportement des Occidentaux ? ■ Tseline, correspondante Esprit Métis au Japon

● Zoom sur

● Ils se sont bougés

Trio Miyazaki

Service Civique Volontaire

Elle est japonaise, ils sont français. Mieko Miyazaki au koto et au chant, Manuel Solans au violon et Bruno Maurice à l’accordéon forment le Trio Miyazaki. Trio métis dans sa formation et ses œuvres. Ils proposent des compositions uniques mêlant leurs univers, qui font voyager de Paris à Tokyo et au-delà. Chaque morceau raconte une histoire, crée une atmosphère qui donne l’impression de visionner un film. Immense coup de cœur pour leur album « Saï-ko » produit par Daquí, le label aquitain des Nuits Atypiques !

La mission de ce contrat ? Se rendre utile ! L'association Unis-cité accueille actuellement 90 volontaires d'horizons différents à Bordeaux, qui se sont bougés pour faire changer les choses. Esprit Métis a d’ailleurs pu en bénéficier de 2007 à 2011. Le SCV : une action solidaire, un engagement citoyen valorisant et une chance de vivre des expériences enrichissantes. Contrats de 6 à 12 mois, pour les jeunes de 16 à 25 ans.

■ Patricia Grange ►http://www.miekomiyazaki.com/trio_miyazaki. html

■ Océane Fate ► www.servicecivique.gouv.fr

Esprit métis #12 / Italie 5


coups de coeurs

● MUSIQUE

le silence est d’or ! à Mérignac, les membres de l'association des parents d'élèves du centre de l'audition et du langage (CAL) ne reculent devant rien pour faire avancer la cause des sourds ! Composée et écrite par David Lion, sortie en 2008, « Le silence est d'or » est la première chanson sur le thème de la surdité et fait le lien entre sourds et entendants. En 2011, le CAL a réactivé le projet en diffusant à nouveau la chanson par le biais d’un clip en Langue des Signes. Réalisé par Sébastien Lamigou-Gratiaa, membre d'Esprit Métis, le clip se veut porteur de liberté et d'espoir.

RENDEZ VOUS À PRENDRE : LE SILENCE EST D'OR EN DIRECT LE 22/09/12 à l'occasion de la journée mondiale des sourds ! ► http://www.facebook.com/DLM2012

● littérature exotique

L’ o i s e a u d u p a r a d i s d’Eric Mansfield, Les Editions Persée 2009 Âme ingénue s’abstenir ! « L’oiseau du paradis » n’est pas celui de l’Eden d’innocence d’Adam et Eve mais celui d’un jardin des plaisirs et de la sensualité. Les textes en vers ou en prose, très courts ou plus longs, sur lesquels plane l’influence d’Aragon et de Prévert, chantent l’amour, les sens et la vie. En outre, l’auteur tisse ses métaphores d’évocations de sa terre martiniquaise : fruits, fleurs, mer, sel et navigation. Un vrai voyage vers les îles, à fleur d’érotisme, dont la lecture vous couvrira la peau de doux frissons. ►Une sélection de Patricia Grange-Boué

moi, félix, 10 ans sans papiers de Marc Cantin Félix a 10 ans lorsqu'il quitte la Côte d'Ivoire et arrive clandestinement à Brest avec sa mère, son frère et sa sœur. Une fois en France, ils devront apprendre à rester cachés à la cave, à ne pas faire de bruit, à observer par la fenêtre la vie des gens libres, cette vie qui n'est pas encore pour eux. L'attente commence : celle d'un emploi, peut-être, de faux papiers, de l'arrivée des gendarmes dans le pire des cas... L'attente d'une vie digne. Un petit roman intelligent qui développe des sujets aussi sensibles et actuels que celui du travail des immigrés qui voleraient celui des Français. À faire lire à tous les enfants et à tous les grands ! ► Une sélection de Véronique Magniant

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Esprit métis #11 - Brèves


nom de la rubrique ● Mots d'enfants

du définition st la ue iq l e p i ex u'elle Sa mère lu éalisant qn père et sa r . " s u r t mot "in de peau que so ue c'est e sais ce q e J plus clair « : lui dit s fratrie, il ! Par exemple, dan un intrus l'intrus, , c'est toi, eau le il m fa la la p car tu as e beig ... »

● les coups de coeurs de marion roset

Incendies

réalisé par Denis Villeneuve

Au décès de leur mère, des jumeaux canadiens reçoivent deux enveloppes : une pour leur père qu'ils pensaient mort, l’autre pour leur frère dont ils ignoraient l'existence. Deux enveloppes qui les ramènent là-bas. Au Moyen-Orient. Un voyage entre aujourd’hui et hier, entre oubli et origines, qui nous pose des questions sans imposer une réponse.

Fabula Buffa

La compagnie Teatro Picaro

Du théâtre ! Un boiteux et un aveugle, miraculés malgré eux, sont contraints de renoncer à la charité pour survivre. Ecrite par Dario Fo et jouée avec les codes de la forme commedia dell’arte, la pièce est formidable. La compagnie Teatro Picaro diffuse ses spectacles entre la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et le Mexique. www.teatropicaro.com !


Clichés mis à mal

on a beau être en 2012, on attend encore souvent d’une femme qui devient mère qu’elle corresponde au cliché de la Mamma à l’italienne, à savoir qu’elle se consacre entièrement à ses enfants. Les mamans actives actuelles sont donc souvent taxées de mauvaises mères.

qu’est-ce qui se cache derrière cette expression ?

P

our beaucoup de gens, une bonne mère doit s’oublier totalement pour ne plus penser qu’à ses enfants. Elle ne doit pas travailler. Et si elle travaille, elle doit le faire à temps partiel et dévouer l’entièreté de son temps libre à ses enfants. Elle doit prendre le congé maternité le plus long possible, elle doit allaiter son enfant puis lui préparer tous ses repas, elle doit utiliser des couches lavables, elle ne doit pas céder à tous ses caprices et cependant faire preuve de douceur et de patience, elle doit faire des activités avec chacun de ses enfants, elle doit avoir un instinct maternel à toute épreuve. La liste est encore longue et avec la pression sociale et familiale, beaucoup de jeunes femmes deviennent mamans en voulant être d’absolues mères parfaites. Mais la maternité n’est pas qu’un chemin pavé de roses et s’il existe des femmes qui s’épanouissent complètement en répondant à (presque) tous ces critères, dans la jeune génération, beaucoup de voix commencent à s’élever pour dire qu’on peut vivre autrement sa maternité.

Oui, on peut « détester » son enfant pendant quelques minutes quand il vous réveille en pleine nuit ou oublier d’aller le chercher chez la nounou, sans pour autant être un monstre. Oui, on a le droit de préférer aller travailler pendant que les enfants sont à la crèche et avoir beaucoup de plaisir à les retrouver le soir. Oui, on peut faire garder le petit dernier un ou deux soirs dans la semaine pour prendre un peu de temps pour soi. Non, on n’a pas à culpabiliser lorsqu’on part un week-end ou une semaine avec son chéri sans les enfants. Etre parent est le métier le plus difficile au monde et chaque mère trouve son propre Découvrez le témoignage d'Angélique, chemin, celui qui lui correspond à elle, au jeune maman célibataire, sur notre blog papa des enfants et aux enfants. Il n’y a http://espritmetis.wordpress.com/ pas de formule toute faite. D’après Jane Swigart, psychologue, la Livres ● Mères indignes – Grands Tracas et pe« mauvaise mère » est très rare : elle se tits plaisirs de mamans de Nadia Daam, Emma lasse facilement de son enfant, elle est Defaud et Johana Sabroux (Chroniqueuses de l’émission télé Les Maternelles), Ed. Priv, 2011● indifférente, insensible à ses besoins, elle Comment être une bonne mère indigne ? de utilise l’enfant pour sa propre satisfaction . Caroline Desages, Hachette Pratique 2007 ● Le Les mauvaises mères sont donc (quasi) mythe de la mauvaise mère – Les réalités afinexistantes. L’essentiel pour être une fectives de la maternité de Jane SWIGART, Ed. bonne mère étant l’amour donné à l’enfant. Robert Laffont, 1992 ► Patricia GRANGE-BOUÉ

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Esprit métis #12 / Italie


un esprit plus ouvert

travaille, je paye mes impôts et j’ai même des activités associatives bénévoles ! (D’autre part, cela sous-entend qu’on fait un enfant dans un but pratique bien précis et je ne pense pas que ce soit la meilleure raison de faire un enfant !)

Carriériste ? Le mot carrière n’a aucun

sens pour moi ! Sans cœur ? Ce n’est pas à moi de le dire mais je ne pense pas l’être et une childfree* n’est pas nécessairement une femme qui n’aime pas les enfants non plus. Moi je les adore ! On peut avoir envie de vivre sa vie différemment de la « norme », vivre autre chose que la majorité. On peut vouloir donner de la vie autrement : en s’investissant auprès des autres, de la nature, dans l’écriture.

Je suis une femme de plus de trente ans. Je suis originaire d’Afrique où je suis née et j’ai grandi. Mais je ne souhaite pas être mère.

L

’environnement et la culture qui ont porté mon enfance me prédisposaient à enfanter mais j’ai pris un autre chemin. Lorsque j’aborde en public les contours de cette réalité, j’essuie inévitablement le jugement du regard des autres.

Souvent on me demande « Pourquoi ? ». Mais avouez que cela ne vous viendrait jamais à l’idée de poser cette question à une femme qui annonce qu’elle est enceinte ou souhaite avoir un enfant. Pourquoi devrais-je me justifier ? Il s’agit d’un chemin de vie très personnel. Ce «pourquoi» sous-entend d’une certaine façon que je ne suis pas normale. Ce qui n’est pas le cas, je suis loin d’être la seule childfree* au monde ! De plus, pour ma part, il ne s’agit pas d’un réel choix ni d’une décision, je n’en ai tout simplement pas envie et je n’y peux rien, c’est ainsi. Pourtant, j’ai tout entendu ! Les childfree* sont égoïstes, sans cœur, inutiles, carriéristes, etc.

Egoïstes ? Aucun enfant ne demande à

naître. Décider d’en avoir un est tout aussi égoïste que choisir de ne pas en avoir. Dans les deux cas, on le fait pour soi. Inutile ? Je

Transmettre autrement.

On me répète souvent que je vais forcément changer d’avis. Les gens me connaissent-ils mieux que moi-même ? Une femme naît-elle mère ? Si j’affirmais que je ne souhaitais pas devenir religieuse, personne ne me dirait «Tu vas forcément changer d’avis». Je ne suis pas maîtresse du destin mais je souhaiterais que l’on me laisse dire « je ne vois pas ma vie avec des enfants » sans m’assommer de questions ni de jugements. Faire un enfant passe par le sexe, le ventre et le cœur d’une femme. Il n’y a rien de plus intime. Cela ne regarde ni famille, ni amis, ni société. Je laisse vivre les gens comme ils l’entendent alors je voudrais qu’en retour on me laisse vivre comme je le souhaite. Je ne demande pas à être tolérée, mais acceptée et respectée. ► Un témoignage de Patricia

GRANGE-BOUÉ ► Portrait Maya Mihindou *Childfree : personne qui ne souhaite pas avoir d’enfant

Livre ● A l’enfant que je n’aurai pas, de Linda Lê, NiL Editions, collection Les affranchis, 2011 POèME ● Ventres, sons creux, poèmes de Patricia Grange, illustrations de Maya Mihindou, Les Grands Arbres [A paraitre fin 2012] BD ● Et toi quand est-ce que tu t’y mets ?, Tome 1, Celle qui ne voulait pas d’enfant BD de Véronique Cazot et Madeleine Martin, Fluide G 2011

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peuple métis ► ILLUSTRATION Sophie Rivière

Programme nucléaire, droits de l’Homme bafoués..., l’Iran n’a pas bonne presse dans les médias occidentaux. Peu connue de ce côté-ci du globe, sa population est pourtant sa principale richesse. Perses ou Iraniens ?

S

i, aujourd’hui, le pays s’appelle officiellement l’Iran, il est courant d’entendre parler de Perse lorsque l’on évoque des périodes plus reculées de l’Histoire. Un terme qui renvoie à la région du Fars, berceau des plus grandes dynasties iraniennes, et qui évoque dans l’imaginaire collectif un passé glorieux qui suscite fantasmes et fascination. La Perse, c’est Les Mille et une nuits, les grandes conquêtes... Un passé idéalisé auquel se rattachent les membres de la diaspora iranienne. Pourtant, même si la langue officielle est le farsi (ou persan), et que 50% de la population est perse, l’Iran est une véritable mosaïque composée de plus de 80 ethnies. Parmi elles : des Azéris, des Turkmènes, des Arabes ou des Kurdes. Une nation diverse, mais présentant de vraies singularités. Les Iraniens possèdent par exemple leur propre calendrier, héritage du zoroastrisme – première religion monothéiste au monde née il y a plus de 3000 ans. Le premier jour de ce calendrier marque le début de treize jours de festivités : le Norouz, « le nouveau jour », est l’occasion de retrouver la famille, d’offrir des cadeaux et de conjurer le mauvais sort. Une tradition pré-islamique qualifiée de païenne par le régime des mollahs, mais célébrée par toutes les communautés du pays.

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peuple métis

Autre tradition pré-islamique : le port du tchador. Ce morceau de tissu qui enveloppe entièrement le corps de la femme a été remis au goût du jour par la république islamique, qui interdit aux femmes de sortir tête nue. Peu commode pour celles qui travaillent, il est surtout porté par les classes populaires. Les femmes actives et les étudiantes préfèrent porter des tenues plus confortables – souvent des vêtements occidentaux – agrémentées de foulards colorés laissant de plus en plus apparaitre des mèches de cheveux.

Une société ouverte aux influences étrangères

L’orientation du régime a fait de l’Islam shiite la religion d’Etat, une religion qui s’est infiltrée dans toutes les institutions, à commencer par l’école (séparation des filles et des garçons, programme axé sur l’enseignement religieux…). Conséquences : beaucoup de familles conservatrices n’hésitent plus à envoyer leurs filles étudier. Paradoxalement, cet enseignement théocratique est donc également facteur d’émancipation. L’âge moyen des mariages a reculé, les familles ont moins d’enfants et les jeunes filles, qui réussissent mieux leurs études que les garçons, jouissent de plus de liberté que leurs aînées. Elles conquièrent le marché du travail, même si la plupart sont cantonnées

à des « secteurs réservés » : éducation, santé, agriculture, artisanat… A l’instar des femmes, l’ensemble de la société est en pleine mutation. Cela se traduit dans les faits par une résistance plus ou moins discrète. Dans les familles urbaines les plus aisées par exemple, les enfants reçoivent une éducation parallèle à celle d’une école : cours d’anglais, d’économie… Malgré un contrôle permanent de l’Etat, les Iraniens parviennent à contourner certains interdits, notamment celui de posséder le câble. Diabolisé par le régime, il est présent dans presque tous les foyers de la capitale et permet une certaine ouverture au monde, ouverture facilitée par la diaspora iranienne. Forte de 1,6 millions d’individus, elle contribue à changer le regard de la population sur son propre pays ainsi que sur les pays occidentaux. ► Siti-Anrafa SAID ALI

reportage ● Chroniques d’un Iran interdit, de Manon Loizeau reçoit le Grand Prix du FIGRA 2012 Livres ● L’Iran contre le Chah, FAROUGHI Ahmad, REVERIER Jean-Loup, éditions Jean-Claude Simoën, 1979 ● Dentelles et tchador : Avoir 20 ans à Téhéran, Armin Arefi, Pocket, 19 novembre 2009. BLog d'Armin Arefi ● http://iran.blog.lemonde.fr BD ● Broderies, de Marjane SATRAPI, 2003 film ● Les enfants de Belle Ville, de Farhadi, 2012 ● Persepolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi 2007

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société

Hors l’Histoire ? ► Illustration : Maëva Roy

À l’heure où certains pensent encore que « toutes les civilisations ne se valent pas 1 », comment aborder la question de ces peuples sans écriture, mais riches d’histoire(s), qui ont choisi de conserver leur mémoire dans leurs têtes et dans leurs arts ?

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raditionnellement, l’invention de l’écriture est utilisée pour délimiter la Préhistoire de l’Histoire. Que dire alors des Aborigènes, peuple de l’oralité ? Les considérer comme des hommes préhistoriques, alors qu’ils foulent aujourd’hui encore le sol australien ? Comme des êtres sans Histoire ? Absurde. Et d’autant plus absurde lorsqu’on découvre les mystères de leurs origines, de leurs langues, de leurs arts...

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Le temps du Rêve

Les premiers Aborigènes seraient arrivés d’Asie du Sud-Est il y a un peu plus de 40 000 ans. Chasseurscueilleurs, ils se sont progressivement étendus sur l’ensemble du territoire australien, se répartissant en tribus ayant chacune ses lois, ses langues, ses codes. Ça, c’était avant la fin du XVIIIème siècle et l’arrivée des colons britanniques, de leurs armes, de leurs maladies, de leur volonté de dominer ces êtres « primitifs ». À l’heure actuelle, les Aborigènes


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ne représentent plus que 2% de la population australienne. La croyance fondamentale, cependant, reste la même pour tous, hier comme aujourd’hui : aux commencements, des êtres sortis des entrailles de la terre, de la mer ou du ciel ont laissé derrière eux – comme dans un jeu de pistes – des objets, des endroits, des trajets. Ils sont ensuite repartis comme ils étaient venus, mais leurs esprits, eux, sont restés sur terre, sous forme de totems. C’est le temps du Rêve, le cœur de la culture aborigène, intimement liée à la terre. Pour communiquer entre eux, les Aborigènes ont inventé 600 à 700 langues, regroupées en 25 familles linguistiques, mais toutes apparentées. Et parce que « les caractéristiques d’une société ne dépendent pas du cerveau mais des circonstances 2 », ils ont fondé la leur au plus près de leurs croyances, de leurs besoins.

Une histoire de famille

Parce qu’ils ne faisaient pas de commerce, les Aborigènes n’avaient pas de nom pour les nombres. Mais ils connaissaient les mathématiques. Ils ont créé – en toute logique – des langues, des moyens de communication qui aient pour eux un vrai sens au quotidien. Et parce que leur société est différente de la nôtre, les abstractions dans leurs langues le sont également. Il n’est par exemple pas question de gouvernement ou d’administration, mais essentiellement des liens de parenté. Ces termes ont tout leur sens dans une société de l’oralité, où c’est justement la généalogie qui est au cœur des mémoires et de la transmission. Il ne s’agit pas d’apprendre par cœur un poème ou un récit, mais de savoir d’où l’on vient, de quel ancêtre fondateur on est issu et, donc, à quel clan totémique on appartient. Mais cette absence d’écriture nous questionne. Sans écriture, pas d’archive, et donc pas de mémoire collective du passé, pas de dates, pas de faits précis. Et pourtant ! Les Aborigènes ont laissé derrière eux des peintures, des objets qui relient le passé au présent…

Des ar(t)chives

L’art occupe une place centrale dans la culture aborigène. Leurs peintures représentent la plus ancienne tradition artistique encore vivante dans le monde. Les représentations picturales, sur la roche, le sol, sur l’écorce des eucalyptus,… sont toujours liées à un territoire, évoqué par des motifs géométriques ou figuratifs. Sacrées et secrètes, elles intègrent l'évocation du Temps du Rêve et doivent être interprétées selon le niveau d'initiation de celui qui peint et de celui qui regarde. A défaut de grandes fresques mythologiques, les moins initiés y verront une histoire des objets, des instruments, des abris ancestraux. Mais ces peintures sont aussi des cartes topographiques qui montrent les traits marquants du paysage. C’est un lien entre les individus vivants et leurs Ancêtres. Des objets, comme les churinga 3 , peuvent aussi être mis en parallèle avec les archives historiques des sociétés dotées depuis des siècles de l'écriture. C’est ce que fait l’anthropologue et ethnologue français Claude Levi-Strauss dans La Pensée sauvage (1962): « Par leur rôle et par le traitement qu’on leur réserve, [les churinga] offrent des analogies frappantes avec les documents d’archives que nous enfouissons dans des coffres […], et que, de temps à autre, nous inspectons avec le ménagement dû aux choses sacrées […]. Et, dans de telles occasions, nous aussi récitons les grands mythes dont la contemplation des pages déchirées et jaunies ravive le souvenir: faits et gestes de nos ancêtres, histoire de nos demeures depuis leur construction ou leur première cession. » Ces archives, plus que la mémoire, signifient aussi l’appartenance des hommes à leur terre, l’existence des principes de propriété aborigène dans leur lutte contre ceux qui ont colonisé leur île. Elles ancrent dans le passé et le présent un peuple martyrisé mais qui, toujours, reste debout.

► Emeline Joffre

● 1 Extrait d’un discours du ministre français de l’Intérieur, 5 février 2012 ● 2 André-Georges Haudricourt, linguiste, dans l’entretien « L’Australien, ça se décline » (Australie Noire, 1989) ● 3 Ovales de bois ou de pierre, souvent gravés de signes symboliques. Objets sacrés des Aborigènes Aranda (centre de l’Australie). livres ● Qu’est ce qu’un peuple premier ?, Catherine Clément, Editions du Panama ● Australie Noire,, Editions Autrement ● Yapa : le petit aborigène d’Australie, Chrystel Proupuech, Mila Editions 13


croisement artistique

Théâtres du bizarre , les cabinets de curiosités apparaissent dans toute l’Europe, à la Renaissance. Remis au goût du jour par les Surréalistes, ce concept original connaît à nouveau un regain.

Mise en scène créative et objets insolites

Pièces souvent secrètes, les cabinets rassemblent une multitude d’objets hétéroclites dans une mise en scène personnalisée. On peut y trouver : des choses de la nature ou Naturalia représentant les trois règnes: minéral (cristal, dent de requin fossile…), végétal (rose de Jéricho, fruit de baobab, gousse de flamboyant…) et animal (œuf et plume d’autruche, crâne de singe, boite de papillons…); des réalisations humaines ou Artificialia (mappemonde, fabrication en ivoire, médaille, gravure…). Des inventaires répertorient des objets « rares », voire « légendaires » par croyance ou méconnaissance scientifique (dent de mastodonte, corne de licorne, queue de sirène, « monstres » : chèvre à deux têtes, mouton à six pattes…- il s’agit de déformations génétiques).

Découverte de la Nature et du Monde

Le développement des explorations à la Renaissance permet de découvrir de nouvelles terres et divers horizons. Rois, princes, hommes cultivés ou amateurs d’art voyagent à travers le monde et ramènent de leurs expéditions toutes

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sortes de trouvailles surprenantes. Curieux, les propriétaires d’hier et d’aujourd’hui tentent de percer les secrets de la Nature par ce qu'elle offre de plus extraordinaire. Ces endroits donnent aussi à réfléchir sur le besoin humain de compréhension du Monde qui nous entoure afin de mieux le connaître. Leur rôle est d’ailleurs primordial dans la création des musées, notamment par la constitution de catalogues ou d’inventaires de collections, et dans la science moderne (recherches, connaissances, classifications des objets et des espèces…). À travers les décors de vie actuels, ces lieux énigmatiques ont encore de beaux jours devant eux mêlant connaissances/croyances et permettant ainsi de laisser vagabonder son imaginaire… ► Laurie Martinerie BLOG ● « Mon cabinet de curiosité » par Camille Renversade

http://camille-renversade.blogspot.com/

Livre ● Cabinets de curiosités de Patrick Mauriès ; Le géant, la licorne, la tulipe : Collections françaises au XVIIe siècle d’Antoine Schnapper


poème

Tu as donné espoir dans ma vie Lorsque j’avais vraiment envie Ta première vue au berceau m’a ravi

J’oubliais l’ombre qui m’avait toujours poursuivi

Ô ma fille Mon regard ne cessait de t’observer Pour peut-être essayer de retrouver Un prétexte pour te caresser Et cela suffisait à me consoler Ô ma fille Tu pleurais la nuit et maman te berçait Et quelles que soient les difficultés qu’elle rencontrait Elle n’était pas pressée, mais te caressait Pour que tu te sentes en sécurité et rassurée

Ô ma fille Toutes mes peines seront soulagées De te voir honorée et encouragée Par ceux qui t’ont aimée et partagée Ta réussite attendue par les plus âgés

Ô ma fille Regarde comme tu es belle Tu es toute couverte de perles Tu n’es pas comme celle

Abandonnée dans la nuit sans sommeil

Ô ma fille Ma vie n’aurait sans doute de sens Si je vivais loin de ta présence Tu comblais le vide de mon enfance

Harcelée par les pressions et les souffrances

Ô ma fille

Ô ma fille, ô ma fille, ô ma fille Prends soin d’être toujours sage Garde toujours un bon langage Ne jamais froncer le visage Même avec ceux ou celle de ton âge Ô ma fille Tout le monde se réjouira de ta conduite Pour cet effort qui donnera une suite La vie n’est pas une course poursuite Mais plutôt un code de bonne conduite

Ô ma fille Ma vie n’aurait sans doute de sens sans ta présence Mais si je devais faire face à ton absence Je devrais faire preuve de beaucoup de patience Car c’est le résultat d’une bonne vie d’enfance Ô ma fille Prends soin de toi et de ta famille Tu deviendras une référence pour ta propre fille Elle sera si heureuse et gentille Elle retrouvera ainsi ce parfum de vanille ►Poème:Abdullah SAID ALI ►Illustration : Cédric Jaule


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Dossier

Quand les Français clament : “Famille, je vous hais!”, les Italiens, eux, font comme si de rien n’était. Car s’il y a un pays au monde où la famille est au cœur de tout, c’est bien l’Italie. Au cœur de l’Histoire : Rome fut, d’après la légende, fondée par 2 frères: Romulus et Remus ; de la Religion : le Saint Père – Pater Familia des catholiques de tous pays - a élu domicile dans un petit cloître du côté de Rome ; ou du langage populaire : le Parrain, chef notoire de la mafia italienne, désigne aussi en français le “meilleur ami de la famille“; et même de la fiction : une histoire de rivalité familiale et d’honneur mal placé brisant un amour adolescent dans la belle Vérone (et non pas à Saint-Barth ou Ibiza), vous vous souvenez ? Parce qu’indéniablement, en Italie, la famille tient un rôle à part. Chose étrange à une époque où cette institution souffre de mille maux. Existerait-il là bas un “Famille, je vous hais… me à l’Italienne”? Essayons de lever ce secret … de famille, bien sûr.

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pays à l'honneur

Les clichés sur les Italiens ont la vie dure mais s’inscrivent si bien dans le folklore de la péninsule qu’ils méritent un plan large.

L

e plus connu d’entre eux est certainement le mythe de la " Mamma ”. Incontournable, elle est le phare de la famille, au four et au moulin, elle chouchoute son trentenaire de fils resté à la maison - la faute à la crise - tout en gardant son homme dans le droit chemin. La vérité est toute autre. Un récent sondage(1) montre que les femmes au foyer italiennes sont les plus désespérées d’Europe, rêvant de quitter l’Italie pour des destinations plus exotiques (pour 50% d’entre elles) et tant qu’à faire, regrettant d’avoir convolé en juste noce (50%) et d’avoir eu des enfants (65%) ! Si la Mamma est encore un phare pour la structure familiale, c’est probablement celui d’Alexandrie : elle est en voie d’émancipation dans la foulée de ses voisines d’Europe. Il est aussi de notoriété publique que l’Italien est un séducteur impénitent, de Casanova à Aldo Maccione, ils affolent les plus belles femmes par leur verve, leur décontraction et le soin qu’ils portent à leur personne et à leur tenue… Mais là encore, on trouvera un sondage(2) montrant que les touristes étrangères sont moins sensibles qu’avant aux “ Latin Lovers ” auxquels elles reprochent une métrosexualité révélée et une amusante légèreté qui s’est perdue… la faute à la crise? “ Me Papa amio ” n’est pas un gangster… Bien au contraire… Difficile de parler de l’Italie sans parler de papauté (à ne pas confondre avec “papoter”, une autre source de fierté italienne). Et si l’on se demande pourquoi les papes résident en Italie - au Vatican plus précisément, état indépendant enclavé dans Rome – c’est tout simplement parce que Saint-Pierre, l’un des plus fervents apôtres de Jésus-Christ, vint s’y installer pour fonder une communauté religieuse avant d’y mourir. Si l’on estime que 90% des Italiens sont catholiques (contre 65% des Français), en revanche seuls 25% d’entre eux sont pratiquants (15% en France). Toutefois, il y a un amour mutuel et spécial entre le Pape et l’Italie. Quand Mario Monti (3) recourt à l’anglais dans ses voyages à l’étranger, le Pape - pourtant d’origine allemande - n’hésite pas, lui, à s’exprimer en italien. Dernier cliché, mais que vous revendriez sûrement à bon prix aux Carabinieri pour peu qu’il soit bien compromettant, celui de la Mafia. Bien que le terme soit maintenant galvaudé et désigne indistinctement des organisations criminelles de tous pays, il n’en demeure pas moins qu’à l’origine, la chose est italienne et même sicilienne. Si on désigne parfois les membres d’une mafia comme “ la famille ”, il n’y a pas de hasard : on y parle d’honneur, de respect (dû au Parrain) et d’omerta… On lave son linge sale en famille. Comme bien souvent sur les clichés d’un album, chacun joue son rôle et les sourires de circonstance ne reflètent pas l’entière réalité du moment. Il convient alors de gratter le vernis pour découvrir des portraits bien différents. ■ ● (1) Sondage réalisé par l’association Femme et Qualité de la vie auprès d’un échantillon de 4 000 Européennes ● (2) Sondage réalisé par la revue Vie del Gusto. ● (3) Président du conseil Italien.

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pays à l'honneur

O mon drapeau, t’es le plus beau des drapeaux !

C

ousine germaine du drapeau tricolore à la française, la bannière italienne ne s’en distingue que par une bande de couleur verte. Curieux quand on sait qu’elle a été adoptée en 1797, soit 3 ans seulement après son homologue français. Rois de la contrefaçon, nos amis italiens? Pas du tout, ils invoqueront tour à tour Dante et sa Divine Comédie, la tunique portée par leurs belliqueux aïeuls Lombards, le caprice d’un “petit” Empereur promu roi d’Italie ou, encore, les collines des monts Appenins (vert), la neige des Alpes (blanc) et le sang des martyrs (rouge)… En tout cas, s’ils nous disent que ce drapeau est symbole d’indépendance et de rassemblement, nous les croirons sur parole. ■

Ancêtres Italiens Rome et ses Césars, la Renaissance et Léonard de Vinci... Certes, mais ces deux périodes, bien que charnières, ne rendent pas compte de la richesse historique d’une fratrie longtemps fractionnée. a nation italienne telle qu’on la connait aujourd’hui, avec ses frontières, son drapeau, L son système politique est une jeunette née des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant, que d’histoires sont associées à ses territoires et combien de peuples les ont traversés ou s’y sont installés.

Pour ceux qui bottent en touche, avant la Rome antique, on rencontrait pêle-mêle Grecs, Etrusques, Indo-Européens ou encore Celtes. Puis viendra la Grande Rome qui étendra son empire tout autour du bassin méditerranéen, y glanant de nouveaux citoyens avant de subir les invasions barbares (Wisigoths, Huns, Ostrogoths..). Finalement, l’Empire va se craqueler en grandes provinces adoptant chacune leur système politique. Bien des années plus tard, c’est Napoléon, l’Espagne, l’empire austro-hongrois, la Maison de Savoie qui s’immisceront dans les affaires intérieures d’une future Italie qui “se cherche”, tout en étant encore fragmentée. Il faudra attendre 1870 pour qu’enfin le pays prenne sa forme de botte si caractéristique, et il ne fait nul doute qu’entre-temps ce brassage culturel et ethnique aura servi à construire la nation italienne. ■

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pays à l'honneur

Oncle d’Amérique et cousin d’Afrique : d’émigration à immigration Grands voyageurs, les Italiens ? C’est ce que tendrait à prouver la présence de quartiers bien nommés “Little Italy” dans plusieurs grandes villes d’Amérique. La 1ère vague d’immigration débute à la fin du XIXème siècle.

La crise économique conduit plus de 10 millions d’Italiens à rejoindre des pays européens manquant de main d’œuvre comme la France, la Belgique ou l’Allemagne, ou à tenter leur chance vers le Nouveau Monde : Etats-Unis, Brésil et Argentine. Mais ce qui les attend au bout du voyage, ce sont très souvent les emplois les plus ingrats dans l’industrie naissante. Par ailleurs, l’intégration de ces nouveaux arrivants ne se fait pas sans heurts, les Italiens n’étant pas précédés d’une bonne réputation. Outre plusieurs petits noms d’oiseaux tels que Macaroni, Pizzagang, Rital ou Toni, cela leur vaudra des procès à charge (Sacco&Vanzetti) et des conflits ouverts avec les autochtones. L’étranger est, malheureusement, souvent le bouc émissaire idéal en période de crises.

La dernière vague d’immigration massive remonte à l’après-guerre.

L’essor économique sans précédent connu par nombre de pays européens industrialisés les amène à recruter à tout va une main d’œuvre non qualifiée. Ça tombe bien : le gouvernement italien est prêt à trouver des arrangements pour envoyer ses travailleurs vers d’autres horizons. Ainsi, la France deviendra le principal pays hôte entre 1930 et 1970, totalisant près de 1,8 millions de ressortissants italiens. Parallèlement, l’Italie connait aussi son miracolo economico incitant nombre d’expatriés à rentrer au pays. Les années 70 voient la tendance s’inverser. Crise oblige, la plupart des pays restreignent l’immigration, habitués à la juguler quand nécessité fait loi. Pour l’Italie, en revanche, c’est une problématique nouvelle.

L’histoire tend souvent à se répéter pour qui l’oublie, alors une main d’œuvre

bon marché attirée par le rêve européen trouve refuge dans la botte. Mais ce qui attend ces nouveaux arrivants, d’Europe de l’Est, d’Afrique (principalement du Nord) ou encore d’Asie, ce sont des emplois sous payés, des conditions de travail difficiles, des logements insalubres loués à des prix exorbitants… Et, comme les Italiens partis loin de chez eux plusieurs années auparavant, ces expatriés se retrouvent parfois pris pour cible par les natifs, donnant lieu à de violents incidents (Rosarno). Bien entendu, ces incidents ne reflètent pas les actions menées, à titre individuel ou associatif, pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Toutefois, comme partout ailleurs, il y a des divisions flagrantes sur le sort des étrangers, ayant même amené les dirigeants à mettre en place en 2010 un titre de séjour à points. ■

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il est intéressant de noter à quel point les étrangers participent à l’édification d’une nation. Ce fut notamment le cas des Italiens partis vers le Nouveau-Monde .

O

n estime aujourd’hui que 18 millions d’Américains ont des ancêtres italiens, lesquels, contrairement à leurs aïeuls, se sont hissés à des postes à responsabilités dans le monde du travail : en 1990, 65% des actifs étaient managers, employés de bureau ou exerçaient une profession libérale. Mais au delà de cette réussite sociale, les Italo-Américains ont également pleinement participé à l’avènement du rêve américain. Qu’il s’agisse de show-business avec Madonna, de musique avec Sinatra, de sport avec Jack La Motta (ce boxeur interprété par Robert De Niro dans un film dirigé par Scorsese… deux autres noms qui fleurent bon l’Italie), et de cinéma encore avec Franck Capra ou Leonardo Di Caprio. Les Italiens d’origine ou leurs descendants se sont parfaitement insérés dans la machine à rêve du pays. Il n’y a pas si longtemps, la Mairie de New-York était entre les mains de R.Giuliani. On prétend même que Jefferson, dans la rédaction de sa déclaration d’Indépendance, a trouvé une partie de son inspiration auprès d’un ami nommé Filippo Mazzei. La preuve la plus flagrante de cette intégration réussie est que le quartier dit Little Italy de New York s’est réduit à peau de chagrin au fil des ans. On y trouve aujourd’hui une succession de restaurants italiens relevant davantage du folklore et sonnant comme un point de passage obligé pour les touristes mais, au final, peu révélateur des origines des personnes habitant les alentours. En revanche, c’est ici que se donnent rendez-vous tous les ans les Italo-Américains lors de la fête de San Gennaro, célébrant le Saint Patron protecteur de Naples. Dix jours de festivités, processions, jeux, banquets… au cours desquels près d’un million de personnes défileront. C’est dire l’importance que les Italo-Américains accordent à leurs racines et la fierté revendiquée d’assumer leurs origines. ■ ► Texte // Claude Clotaire ► Illustrations de la couverture : Louaou

Sebastian, c’est comme ça qu’on m’appelle en Italie…

avec son Giro d'italie it Métis t-shirt Espr

http://espritmetis.spreadshirt.fr/

Passionné de voyages, c’est en novembre dernier que je suis parti un mois faire le Tour de l’Italie accompagné de deux amis. J’ai découvert un pays éclectique. J’ai été surpris par les contrastes saisissants entre l’Italie du Nord, cosmopolite et touristique, et celle du Sud, plus "italienne". J’ai été charmé par les petits villages toscans, et j’ai été déçu par l’invasion touristique des grandes villes. J’ai pris le plaisir de découvrir de nouvelles saveurs autre que les pâtes ou pizzas. Les clichés carte postale de la Mama, de Don Corleone et des Vespas n’étaient pas si loin de la réalité… Ce "Giro d’Italia" fut un véritable festival d’émotions ! " Quiconque a un rêve devrait aller en ITALIE. Peu importe si l'on pense que le rêve est mort et enterré, en ITALIE, il se lèvera et marchera à nouveau " E.Spencer Dossier 21


Métis d'automne

D’origine gréco-italienne, Alex Golino est né en Italie et a grandi entre l’Italie et la Grèce. Il a également vécu aux USA. Aujourd’hui saxophoniste au sein du groupe Jazz Organizers, Alex réside depuis 19 ans à Bordeaux. Comment vit-il avec les différentes cultures qui le composent ? De quelles régions d’Italie et de Grèce es-tu originaire ? Comment les décrirais-tu par rapport à Bordeaux ? J'ai grandi entre Naples et Athènes, deux grandes villes à la fois différentes et proches dans leur commune appartenance à la Méditerranée. Deux ports aussi. Par rapport à Bordeaux, ce sont des villes plus vivaces, chaotiques; on ressent davantage la présence de l'ancien.

pourquoi es-tu venu vivre à Bordeaux ? Après huit années aux Etats-Unis, j'ai eu envie d'un changement. Comme j'avais des liens avec Bordeaux, que j'avais déjà visitée plusieurs fois, j'ai tenté ma chance. C'était en 1993, le millénaire dernier.

Penses-tu avoir désormais une triple culture gréco-italo-française ? Même quadruple, en quelque sorte, après mes huit ans à Boston... Je crois que la familiarité avec plusieurs réalités et cultures peut aider à mieux comprendre les personnes, au-delà des différences de surface.

que t’apporte cette quadruple culture dans la vie de tous les jours ? J'essaye activement de maintenir le contact 22 Dossier

avec mes différentes cultures et langues. Parmi les choses les plus précieuses, l'accès direct à plusieurs littératures. Dans la pratique de la musique, il y a sûrement des influences, mais de façon indirecte. La musique est également un langage à part entière, et le jazz est dans son essence une forme métisse.

Penses-tu retourner vivre en Italie ou en Grèce un jour ?

C'est possible. Pour le moment, je suis très bien à Bordeaux, que j'aime.

Considères-tu que tes parents t'ont transmis chacun leur(s) culture(s) ? Etait-ce d'après toi un acte conscient ou inconscient ? Oui sûrement, de façon naturelle plutôt, inconsciente, à travers la langue, la cuisine, et mille autres petites choses, sans oublier la contribution fondamentale des grandsparents, dans mon cas surtout les grandsmères. Je crois que le plus déterminant a été néanmoins de vivre longtemps dans chaque pays.

Un message pour nos lecteurs ? Soyez heureux.■

►Propos recueillis par Patricia GRANGE-BOUÉ ►Photo © Anthony Rojo


nom de la rubrique

Bellezza ed Eleganza

*

* Beauté et élégance

► Texte / Laurie Martinerie ► Illustration / Romain Pouzou

Hé vous ! Avez-vous une petite idée de ce que je suis ?

J

e suis sans doute l’un des accessoires de mode les plus célèbres. Mon histoire s’apparente à un véritable conte de fée. Tout commence en 1857 à Alessandria au nord de l’Italie, la chapellerie familiale produit une gamme de chapeaux pour hommes et femmes. Le savoir-faire de la Maison italienne est récompensé par plusieurs prix et contribue à mon succès international. Mon modèle le plus connu est le Fedora.

Allez, cet indice doit vous mettre sur la voie, non ? Fait main en feutre mou avec des poils de lapin ou de lièvre, je suis pincé au front avec le bord penché sur les yeux, assurant ainsi un maintien élégant. Je suis réputé pour ma finesse, ma souplesse et ma résistance. Qu’il pleuve ou qu’il vente, je protège la tête de mon hôte(sse) avec classe. J’ai la particularité de pouvoir être plié dans une valise sans être froissé.

Singularité étonnante, n’est-ce pas ?

Couvre-chef de luxe, je suis porté par les gangsters des années 1930 et promu par les grands du cinéma comme Humphrey Bogart. Version chic, dandy ou casual, mon charme audacieux en fait rêver plus d’un(e). Alors, avez-vous deviné ? Mon nom est Borsalino, cappello Borsalino. A consulter : Chapellerie Borsalino www.borsalino.fr/


Cuisine Métisse Le risotto est un plat italien parfait pour qui a besoin de réconfort. Moelleux, crémeux, fondant, chaud… rien de tel pour se remonter le moral. Si en plus on y ajoute un bon fromage bien corsé de nos Alpes françaises… Un risotto au reblochon ? Un risottochon ? Pas très traditionnel, ma bonne dame, mais vous me connaissez : je ne boude jamais mon plaisir! ►Recette et photos / Véro Cuisine Métisse

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cuisine métisse

Risotto crémeux au Reblochon

Pour 4 personnes. Ingrédients : 1,5 l de bouillon de légumes chaud – champignons de votre choix, nettoyés (300g) – 500G de riz rond italien – 10cl de vin blanc – 2 à 3 cuill à soupe de mascarpone (ou crème fraîche) – ½ reblochon fermier – sel, poivre – parmesan

● Dans une grande sauteuse antiadhésive, verser 3 cuillères à soupe d’huile d’olive. ● Lorsque l’huile est chaude, faire dorer 1 échalote coupée en petits morceaux. ● Ajouter le riz, bien remuer. ● Lorsque le riz est devenu légèrement translucide, verser le vin et mélanger de nouveau. ● Ajouter une ou deux louches de bouillon,

et mélanger doucement jusqu’à ce que le bouillon soit absorbé. ● Procéder ainsi, louche après louche, jusqu’à ce que le riz soit cuit : cela vous prendra environ vingt minutes. Le riz doit être bien moelleux, mais pas trop ! ● Pendant ce temps, dans une poêle à part, faire sauter les champignons dans de l’huile d’olive et un peu de beurre. Saler, poivrer. Réserver. ● Lorsque le riz est presque cuit, y ajouter le reblochon coupé en morceaux et le mascarpone. Bien mélanger jusqu’à ce que le fromage ait fondu et se soit mélangé au riz. ● Disposer une belle louche de risotto dans une assiette creuse. ● Disposer les champignons autour de l’assiette, surmonter le tout de quelques copeaux de parmesan et d’une petite tige de romarin (ou persil).

Le secret de la mamma ● Faire légèrement griller le riz en début de cuisson permet d’obtenir la cuisson parfaite : bien moelleux à l’extérieur, légèrement al dente à l’intérieur ! ● Travailler louche après louche permet d’éviter le gloubi-boulga infâme et tout collant qu’on redoute tous ! ● Impératif : cuire le risotto au dernier moment ! Cela prend un peu de temps, mais un risotto réchauffé devient compact, le riz continue légèrement de gonfler et prend une texture de trop cuit. ● Si on a des invités : démarrer la cuisson du risotto, mais l’arrêter alors que le riz est encore dur. ● Au dernier moment, finir la cuisson en rajoutant des louches de bouillon bien chaud, jusqu’à finir la cuisson ! ● Faire cuire les légumes (ou la viande) accompagnant le risotto à part, et les ajouter au dernier moment, pour qu’ils restent croquants (ou grillés). ♥ Un petit plat comfort food, métissé et végétarien, en clin d’œil à notre super rédac’ chef Emeline. ♥

► Pour la recette de la foccacia: rendez-vous sur

http://cuisinemetisse.canalblog.com

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entretien avec

Nos lecteurs les plus anciens connaissent déjà un peu le travail de Maya. En effet, c’est elle qui a réalisé l’illustration de la couverture du numéro 8 consacré au Sénégal. Née au Gabon, elle a beaucoup voyagé, rencontré des artistes aux univers originaux, est publiée dans des ouvrages collectifs de bande dessinée, expose notamment en Italie et au Japon et elle nous a offert au début de l’année 2011 son premier ouvrage personnel Sabine.

LES RACINES ET LA SORTIE DE L’ENFANCE SONT DES THÈMES DE SABINE. QUELLE EST LEUR IMPORTANCE DANS TON TRAVAIL EN GÉNÉRAL ?

ESPRIT MÉTIS : SABINE MÉLANGE PLUSIEURS GENRES, PRÉSENTE-NOUS CET OUVRAGE. Pour Sabine, j’ai eu la chance d’avoir véritablement « carte blanche » pour créer un livre en totale liberté... C’est l’idée de Barbara Canepa et Clotilde Vu de laisser, dans le label Venusdea, quartier libre à un auteur. D’où cette possibilité et cette chance d’avoir pu mélanger mes différents « langages » graphiques, n’étant vraiment positionnée dans aucun ; Sabine est un voyage raconté sous forme de contes, bandes dessinées et illustrations (à ne pas lire en une seule fois, mais par petits bouts). Le livre ayant été fait sur une longue durée, il est gorgé des rencontres/lectures et influences croisées en route. D’où, peut-être, ce mélange un peu particulier. 26

ESPRIT MÉTIS #12 / Entretien avec Maya Mihindou

Ces thèmes qui traversent les âges et les cultures ont eu une nouvelle jeunesse à la sortie des «décolonisations». Les derniers siècles de rencontre des hommes ont forcé les mélanges, et ont laissé en chemin des cultures amputées, de nouveaux langages, et de nombreux exilés/immigrés. Et si le «métissage» est aujourd’hui sur toutes les lèvres et loué un peu partout en Occident, il ne faut pas oublier que ça n’a pas toujours été le cas, c’est très récent (et cela peut, en cas de crise, totalement régresser). Mais c’est bien un des aspects positifs de notre époque, où les générations actuelles vivent le luxe de n’avoir pas connu de guerre sur leur sol : la place (et le temps) accordée à la réflexion sur l’identité de sexe et de race (au détriment de l’identité de classe diront certains). Au déracinement. Pour répondre à ta question, la sortie de l’enfance et les «racines» sont intimement mêlées dans mon parcours comme dans ceux des enfants de Sabine. J’ai grandi au Gabon et au Cameroun, et ma petite enfance a les couleurs de l’océan Atlantique, de la forêt équatoriale et des grands foyers familiaux, ma mère étant Gabonaise et mon père d’adoption


Maya mihindou

MAYA, POUR TOI, QU’EST- CE QUE LE MÉTISSAGE ? J’avais lu cette phrase quelque part dont je ne connais pas l’auteur : « Etre métis, est-ce avoir en soi une frontière ou un pont ? ». Difficile d’en dire davantage : c’est à peu près la recherche constante de cette réponse qui constitue à mon sens le « métissage ». Ce n’est pas seulement « garder le meilleur de ses deux cultures », c’est aussi porter le poids de l’histoire de ces cultures, et l’histoire du métis mêle souvent l’amour à l’exil et au déracinement. Ma famille étant « métisse » depuis plusieurs générations, de France et du Gabon (pour faire court), c’est avoir en soi les racines du colon et celles du colonisé : il y a de la violence. Mes deux continents ferment leurs frontières et ont une histoire commune très malsaine. C’est, à mon sens, assez loin du monde « arc-en-ciel » que l’on a voulu associer à ce mot. Confronter constamment le choc de mes deux cultures dans ma façon de voir les choses peut vite devenir épuisant, même si j’aime croire que cela permet de remettre en question ce qui constitue la « norme », puisque la « norme » du métis se regarde par deux fois (ou plus !). Mais cela brouille aussi ses propres repères, brouille l’idée de foyer. Par Patricia GRANGE-BOUÉ

«Sabine» de Maya Mihindou Edition Soleil, Collection Venusdea, 2011 Prix de la Révélation du festival de Solliès, 2011 Camerounais. L’arrivée en France, que je connaissais pourtant (ma grand-mère est normande) et dans une ville comme Paris fut un choc que je compris bien des années plus tard. Le foyer le plus réconfortant est quelque part dans la mythologie de l’enfance. La perte de ma mère a rompu le lien avec ce territoire de l’enfance et ce qui me lie en partie à mon cher Gabon. Mère, terre, racines : une vieille histoire des origines, tout ça, rien de plus universel. Aujourd’hui, je suis Française par les valeurs que je porte il a fallu que je voyage pour le réaliser, mais j’ai aussi une culture/éducation gabonaise. Porter en soi les racines du colon et celles du colonisé permet un double point de vue sur tout, avec violence parfois. Mais cela force à vivre sans appartenir vraiment à aucune des deux terres, ni assez blanc, ni assez noir. Un lieu commun chez le métis. D’où cette phrase de Wajdi Mouawad qui me fascine et me paraît aujourd’hui aussi évidente qu’un Rubik’s Cube : La question «d’où êtes-vous ?» n’a plus de sens pour moi et la seule question à laquelle je peux répondre c’est «Où êtes-vous le mieux ?» ► Illustration : Maya Mihindou Propos recueilli par Patricia Grange-Boué

http://cargocollective.com/vertebrale

Entretien avec Maya Mihindou / ESPRIT MÉTIS #12

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nom de la rubrique

Irlande

du vert plein le cœur

Pour notre petite famille de quatre, l'aventure a commencé sur Internet, sur un site d'échange de maisons. Des Irlandais nous proposent leur cottage dans le Wicklow, une région juste au sud de Dublin, pleine de vallées, de lacs, de cascades. En trois mots : un vrai cliché de l'Irlande ! On n'est pas des randonneurs, mais on est emballés, nous voilà sur le ferry.

Découverte du pays par l'intime : je

ne sais pas ce que notre maison dit de la France, mais l'Irlande pour nous restera avant tout les deux poêles à gaz que l'on utilise tous les soirs (oui, même en été). Les assiettes de porcelaine accrochées aux murs. Les bouilloires et les tasses qui pendent de partout, laissant présager de gros buveurs de thé. Les plafonds très bas du cottage, et les petites fenêtres qui laissent filtrer tant bien que mal la lumière. Au supermarché du coin, le Dunnestore (grande surface irlandaise qu'on privilégie au Tesco anglais) on s'adonne au cheddar, à la Guinness bien entendu, mais aussi aux blueberry muffins, au garlic bread, au steack haché d'agneau. Aux gooseberries que je n'avais jamais vus de ma vie, petits fruits métis, mélange entre le raisin et le kiwi. Aux patates irlandaises, noires, dures et terreuses. Le tout estampillé "Irish pride", si possible. Greystones, la petite ville en bord de mer où nous nous trouvons, est adorable et pittoresque, avec ses cottages de toutes les couleurs. La plage est immense mais je me demande en la longeant au coucher du soleil comment les gens réussissent ne serait-ce qu'à y tremper leurs pieds : l'eau ne doit pas dépasser les 15°C ! Mes enfants prendraient bien un bain dans la mer d'Irlande, mais je leur interdis formellement d'attraper une pneumonie pendant les vacances ! Nous

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explorons

le

Wicklow,

ses

collines,

montagnes, vallées. Son Lough Tay, paisible lac sur la propriété Guinness, où l'eau est effrayante et noire comme la nuit. Un banc de sable couleur crème parfait la comparaison avec la pinte de Guinness. Le bon coin à touristes, pourrait-on croire. Pourtant, nous y découvrons, armés d'un solide apéritif, que nous pourrions rester assis là bien longtemps, sans être dérangés par quiconque... Un beau jour, nous en avons marre de la verdure, un besoin de bruits et de foule se fait sentir. Le train rejoint Dublin en 45 minutes, nous passons donc de magnifiques journées à découvrir la capitale : quoi qu'en disent les clichés, cette année-là, de nombreuses journées ensoleillées démentent le mythe de la pluie perpétuelle.


récit de voyage

On ne revient pas indemne d'Irlande. Elle vous attrape, vous bouscule, vous attache, vous écorche

Dublin sous le soleil, donc.

Temple Bar, THE quartier où on va boire des pintes de Guinness et écouter de la musique. Les musées, pour la plupart gratuits. Grafton street, la Oxford street irlandaise, pleine de commerces et de cafés. Les bords de la Liffey et ses ponts en tous genres. Les fish 'n chips, qu'on achète à emporter et qu'on déguste dans les jardins de la Saint Patrick Cathedral. Et puis la prison de Kilmainham. Une autre découverte de l'Irlande commence, par son histoire, ses meurtrissures. Pendant la Grande Famine, les gens commettaient des larcins dans le but d'être emprisonnés à Kilmaiham et d'y recevoir un minimum de nourriture. Une prison providentielle, pour eux. Pourtant lorsque notre guide nous dévoile les cellules tristement célèbres, nous ne ressentons que l'oppression et la mort. Dans un coin de cour gris et triste flotte un drapeau irlandais, en souvenir des prisonniers fusillés contre le mur. La visite laisse une ombre glacée flotter sur notre famille.

traversé le quartier catholique et ont ouvert le feu sur des manifestants pacifiques, tuant 13 hommes qui fuyaient, agitaient des mouchoirs blancs ou essayaient de protéger leurs compagnons. C'était hier et c'est un choc. Toute la famille se demande, en prenant la pluie et la brume du large sur la pharamineuse Chaussée des Géants, immense estran de pierres basaltiques et hexagonales, si les peuples irlandais et anglais réussissent aujourd'hui à tourner la page sur le passé. Aujourd'hui, pourtant, il faut bien avancer, aller vers la sérénité : après tout, c'est bien cela que le drapeau même de l'Irlande défend. Le Vert de l'Irlande catholique, l'Orange des anglais protestants. Et au milieu, le blanc de la paix. Envie d'un petit voyage tranquille et serein ? Que vous dire, si ce n'est : peut-être plutôt l'Auvergne ? ► Véronique, juillet 2011

Au bureau de poste de O'Connell street, nous retrouvons certains prisonniers, les insurgés de Pâques 1916 : c'est là que les rebelles ont tenu bon des jours entiers face aux tirs de l'armée anglaise, et que Patrick Pearse a déclaré la création de la République irlandaise. Avec tout cela, nous appréhendons d'un regard neuf le périple que nous avons décidé de faire en Irlande du Nord. Après la visite des lieux chargés d'histoire de Dublin, comme c'est étrange de passer du côté anglais. Du côté des miles et des livres sterling. Du côté de l’ennemi, celui qui emprisonne les hommes qui parlent de liberté et qui les fusillent au fond de cours sordides. A Derry (Londonderry pour les anglais) l’histoire est encore trop présente : le 31 janvier 1972, jour du Bloody Sunday, des troupes de militaires anglais ont

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agenda de la diversité

initiations & ateliers 06

OCT. de 09h30 à 18h

métis et vous 2 le retour !!

L'évènement Métis et Vous est de retour à Bordeaux pour sa deuxième édition ! Impulsé par le groupe de danse indienne d'Esprit Métis, Bordolywood, cette manifestation culturelle donne l'occasion aux familles bordelais de partager toutes les richesses de leurs cultures et de découvrir celles des autres. Sous la forme d’ateliers, venez découvrir la danse Bollywood, le Hip-Hop, le Slam, la Langue des Signes, les bentos, le community management, jeux pour enfants... centre d'animation de la Benauge 23 rue Raymond Poincaré 33100 Bordeaux / Tram A arrêt Thiers-Benauge

ateliers gratuits pour tous & Places limitées.

► Renseignements et réservation / 06 20 27 07 52 ► espritmetis@yahoo.fr ► Programme complet sur notre blog et facebook: http://espritmetis.wordpress.com/

Vibrations urbaines 15 28

15 BOUGIES POUR LES VIBRATIONS URBAINES !

oct. au 4 NOV.

18 400 festivaliers, tel est le record d’affluence à battre pour le 15e anniversaire des Vibrations Urbaines. Une édition particulière du 26 octobre au 4 novembre à Bellegrave, oeuvrant encore et toujours pour la diversité des cultures urbaines. Dans la même lignée que les deux années précédentes, la Ville de Pessac opte pour un visuel street art, urbain et contemporain conçu par Temple Tate. La photo, oeuvre et objet central de l’affiche, témoigne de «l’après-VU» : des marques laissées au sol par les artistes et riders du festival. Salle Bellegrave - PESSAC www.vibrations-urbaines.net

SWINGTIME 09

Swing Party After

sept.

et 23 SEPT.

L'assotiation Swingtime vous invite a swinguer dimanche 9 septembre au jardin public de Bordeaux, et le dimanche 23 septembre au bar Chez Auguste Et si vous avez envie toute l'année la reprise des cours de swing est pour le JEUDI 13 septembre salle son tay et LUNDI 17 septembre bar EL BARILLO. CHEZ AUGUSTE - place de la victoire - Bordeaux EL BARILLO - 106 cours Aristide Briand - Bordeaux Renseignements : www.swingtime.fr/

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l'italie à bordeaux

L'Artigiano à Bordeaux l'artigiano 15 rue du cerf-volant 06

à Bordeaux, le véritable voyage gastronomique italien se déroulE à

au 06 dec.

l'artigiano 15 rue du cerf-volant.

SEPT.

Esprit Métis a conclu un partenariat gustatif avec le restaurant italien l’Artigiano 15 rue du cerf-volant. Tenu jusqu’au 6 décembre par Alessendra, dont l’accent chantant ravira les amoureux pour le déguster de l’Italie, ce restaurant propose un feu d’artifice gustatif pour tous les amateurs de chianti, de pizze, de caffè, de carpaccio et autre parmiggiano. Pâtes fraiches, charcuterie du pays, un tiramisu à tomber… Tous les ingrédients sont réunis pour vous faire passer un savoureux moment de Dolce Vita, le tout dans un esprit familial. Andiamo Al Artigiano ! TEL : 05 56 44 51 82 ● 15, rue du Cerf-Volant - 33000 Bordeaux Horaires : Lundi au Samedi : de 10h à 20h

Le Menu ESPRIT METIS sera servi du 6 Septembre au 6 Décembre 2012 et sera composé de 2 formules au choix (entrée/plat/café ou plat/dessert/café) ● Sur place ou à emporter.

Litle italie à Bordeaux Les bons plans d’Alex, notre métis d'automne:

"Le quartier de Bordeaux qui évoque le plus l'Italie pour moi est celui de St. Pierre, même si ça manque un peu de fontaines... Pour les restaurants, il y a le choix: "L'Artigiano", "Il Perditempo" et "Da Luigi", sans modération !"

Et pate et vous

Épicerie et traiteur italien Bienvenue au royaume des pâtes fraiches. "Et pate et vous" est l’endroit idéal pour trouver toutes sortes de pâtes fraîches et artisanales. Les plats préparés y sont également excellents : lasagnes classiques ou au jambon italien, aubergines allègrement enrobées de mozzarella fondante et de tomates…L’eau me vient à la bouche en écrivant ces lignes ! Vous pourrez également y dénicher des produits d’épicerie fine importés d’Italie (sauces, biscuits, vins et apéritifs…). 33, cours Portal 33000 Bordeaux Tel. 05 56 48 18 14

Amorino, glaces artisanales

Des glaces et sorbets dans la plus pure tradition italienne, faites avec des ingrédients bios et naturels, des parfums tous plus alléchants les uns que les autres avec régulièrement de nouvelles créations et des éditions limitées. Mais aussi des boissons chaudes, des confiseries, des pâtisseries, des granités, un vrai paradis pour les gourmands de douceurs italiennes ! 53 Rue Porte-Dijeaux www.amorino.com/fr/

CPP Ristorante Caffé

Façade gothique, déco intérieure tendance et contemporaine façon Little Italy new-yorkaise, voici le cadre dans lequel le CPP vous propose d’excellentes pizzas et plats de pâtes, mais aussi des antipasti et des dolci de très grande qualité ainsi qu’une très bonne carte de vins. Bon rapport qualité-prix et petit plus : le patron et les serveurs ont le sourire et sont aux petits soins ! 160-162 Cours Victor Hugo

Esprit métis #12 / Italie 31



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