ESSENSCIA dossier Le dialogue social, moteur de croissance et d’emploi « Sans concertation sociale, il n’y a pas de politique possible » « Les partenaires sociaux doivent regarder ensemble vers l’avenir » Wouter De Geest, CEO BASF Anvers p.2
Kris Peeters, ministre fédéral de l’Emploi et de l’Économie p.3 « Notre force ?
Rechercher ensemble des solutions pour demain »
Les piliers de la concertation sociale
Wim Michiels, CEO Proviron p.6
Une étude d’essenscia et AMS p.4-5
Dans un contexte européen où l’industrie est sous pression, ce sont précisément les pays disposant d’un modèle de concertation sociale fort qui peuvent présenter de généreux taux de croissance. Notre modèle belge date de 1944 et a assurément prouvé ses mérites, mais une modernisation s’impose. La croissance et l’emploi constituent incontestablement l’objectif commun qui doit guider ce dialogue social. Un modèle de concertation qui investit dans ces deux domaines repose sur trois piliers essentiels : Koen Laenens, directeur Affaires sociales essenscia
• Tout d’abord, il convient d’instaurer un véritable partenariat entre les employeurs et les organisations de travailleurs, centré sur la vision et la stratégie de l’entreprise. • Ce partenariat doit reposer sur des faits et chiffres objectifs et transparents, qui constituent la base de toute discussion. • Enfin, les négociations classiques gagnant – perdant de la concertation sociale doivent laisser la place à la création de valeur ajoutée servant des intérêts communs. Pour effectivement mettre en place ce nouveau dialogue social, trois étapes
seront également nécessaires : la création d’une large adhésion quant à la stratégie à suivre, suivie d’une adaptation des structures si nécessaire et, enfin, une révolution culturelle où tous les partenaires se concentrent sur un dialogue social qui peut apporter une valeur ajoutée à la compétitivité de nos entreprises. Avec ce cahier, essenscia souhaite amorcer ce renouveau. Il s’agit d’un appel à la formation d’une équipe capable de réaliser effectivement ce changement, avec tous les partenaires sociaux. Et plus elle sera enthousiaste, mieux ce sera.
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« Les partenaires sociaux doivent regarder ensemble vers l’avenir »
La concertation sociale continue d’enregistrer de nets progrès. Pour autant, elle doit également changer d’approche. Elle doit se concentrer davantage sur l’entreprise, et des réformes sont nécessaires. Les partenaires sociaux doivent et peuvent regarder vers l’avenir en faisant preuve d’ouverture d’esprit », estime le directeur de BASF Anvers Wouter De Geest.
i l’on fait abstraction de certains événements ponctuels, la concertation sociale ne se caractérise pas par les conflits. Plusieurs étapes importantes ont été franchies ces derniers temps, avec le statut unique, les accords sur l’allongement des carrières et la première CCT de notre secteur sur l’innovation», estime Wouter De Geest, CEO de BASF Anvers. « J’y vois plus un dialogue qu’une concertation. On recherche des points d’accord au lieu de mettre en évidence les oppositions. » Le dirigeant d’entreprise observe une évolution favorable : « Employeurs et travailleurs montrent clairement une plus grande volonté d’aborder ensemble des thèmes d’avenir, de l’apprentissage dual à une planification dynamique du personnel en passant par l’innovation. Toutefois, cela doit se faire au niveau de l’entreprise. Les dynamiques sont tellement divergentes entre les entreprises que la concertation sociale exige un travail sur mesure. Les partenaires sociaux ont tout intérêt à vérifier l’impact d’un changement sur le terrain. Car les intérêts communs se cristallisent beaucoup plus à ce niveau que dans d’autres structures. »
«S
vieillissement de la population. Les syndicats ont aussi conscience que nous devons réfléchir en profondeur. L’interaction entre les niveaux de concertation pourrait être meilleure. La relation de confiance est parfois troublée. C’est pourquoi nous avons intérêt à nous concentrer sur le cœur du problème, le niveau de l’entreprise. Les accords pris à d’autres niveaux devraient se limiter à la définition d’objectifs et à la création de cadres ouverts. » « Les partenaires sociaux doivent regarder ensemble vers l’avenir en faisant preuve d’ouverture d’esprit », estime Wouter De Geest. « C’est la base
Cela peut être difficile à réaliser dans le cadre existant, et le directeur de BASF Anvers en est conscient. « Pour réaliser un projet aussi ambitieux, nous avons intérêt à établir trois cadres d’action. Au niveau fédéral, on se concentrera sur la modernisation du droit du travail, avec une forte dérégulation. Le statut unique doit se traduire par de nouvelles structures, afin que nous disposions à nouveau de clusters plus intelligents au sein des commissions paritaires. En outre, nous devons créer au niveau des entreprises un enthousiasme et une culture de suivi
Le partage des connaissances est le terreau idéal d’une nouvelle culture axée sur la résolution de problèmes. Wouter De Geest, CEO de BASF Anvers
Triangle, tandem « L’ancien triangle formé par les employeurs, les syndicats et les pouvoirs publics doit fonctionner différemment, d’autant que ces derniers sont confrontés à des défis majeurs », estime Wouter De Geest. « Il est préférable qu’employeurs et travailleurs relèvent ces défis ensemble, y compris ceux des pouvoirs publics, comme le
Partage des connaissances
de la confiance mutuelle et de l’empathie. Nous pouvons nous inspirer du modèle allemand du Mitbestimmung, sans le copier. Il est essentiel de former un nouveau partenariat où nous pouvons aborder des thèmes tels que le travail pour les plus jeunes, l’apprentissage tout au long de la vie et l’allongement des carrières. »
commun de la stratégie, des opportunités et des menaces, indépendamment des institutions existantes. » Wouter De Geest plaide enfin en faveur d’une approche positive. « Nous devons davantage faire connaître nos bons résultats, réunir de bonnes pratiques. Le partage des connaissances est le terreau idéal d’une nouvelle culture axée sur la résolution de problèmes. »
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« Sans concertation sociale, il n’y a pas de politique possible » Kris Peeters, ministre fédéral de l’Emploi et de l’Économie, insiste : la concertation sociale doit et va reprendre. Il explore les possibilités de lui donner un nouvel élan.
Vous soulignez souvent l’importance de la concertation sociale. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Kris Peeters: À nos yeux, la concertation sociale est indispensable si l’on veut mener une politique soutenue par les partenaires sociaux et la population belge dans son ensemble. En effet, ils assument plus facilement la responsabilité d’un projet s’ils ont eu leur mot à dire. Sans concertation sociale, il n’y a donc pas de politique possible. Les employeurs et les travailleurs doivent pouvoir avoir confiance dans le fait que leur participation compte. C’est la seule façon d’y parvenir. La concertation sociale a été chahutée ces dernières années. Pourquoi selon vous ? Kris Peeters: Il règne une certaine tension entre les travailleurs et les employeurs, c’est vrai. Mais ce n’est pas forcément négatif. Les deux parties créent une certaine forme d’équilibre car ils recherchent ensemble des solutions. La concertation sociale a de nombreux visages, de nombreuses sensibilités. C’est une richesse. Rien que ces derniers mois, les partenaires sociaux ont conclu plusieurs accords à l’unanimité. Cet excellent résultat témoigne d’un grand sens des responsabilités. Il démontre l’importance du rôle des partenaires sociaux. La concertation sociale encourage-t-elle encore la croissance, l’emploi et la compétitivité ? Kris Peeters: Nous devons renouveler notre modèle
Nous devons renouveler notre modèle de croissance économique et sociale Kris Peeters, ministre fédéral de l’Emploi et de l’économie de croissance économique et sociale. Il manque de compréhension mutuelle, et les partenaires oublient parfois que leurs intérêts sont communs. Une bonne compétitivité garantit davantage d’emplois. Des revenus significatifs créent une demande. Les partenaires sociaux détiennent des leviers importants : concertation salariale, accords sur la formation, conditions de travail… Tous ces thèmes déterminent la quantité et la qualité des emplois. Faut-il réformer la concertation sociale ? Et comment ? Kris Peeters: La concertation sociale s’est déjà modernisée et affinée, mais elle s’est également complexifiée. Il faut une vision plus globale, une approche plus générale. Une concertation sociale moderne doit permettre d’assembler les pièces de
différents puzzles et de renforcer mutuellement les acteurs. C’est pourquoi nous avons travaillé ces derniers mois en « cercles concentriques », en évoluant lentement vers des dossiers plus complexes. Nous avons ainsi d’abord par exemple finalisé la longue discussion quant au statut unique ouvriersemployés, pour aborder ensuite l’enveloppe bienêtre sur l’augmentation des allocations les plus basses, et enfin aboutir à la discussion relative au saut d’index. Quel est le rôle réservé aux partenaires sociaux et au gouvernement ? Kris Peeters: Dans les entreprises, nous devons évoluer vers la « Mitbestimmung », le modèle allemand de cogestion, sans le reprendre aveuglément. Dans un tel modèle, l’employeur voit son collaborateur comme son capital social, alors que chaque travailleur fait preuve de responsabilité et profite de l’essor de l’entreprise. Au niveau sectoriel, je remarque que les lignes de séparation entre les secteurs classiques s’atténuent et je plaide pour une nette réduction du nombre de commissions paritaires. Au niveau interprofessionnel, nous devons donner de l’autonomie au Groupe des Dix et respecter les accords qui y sont trouvés. Le gouvernement montre une direction, mais ce sont les acteurs socio-économiques qui sont les plus à même d’en mesurer l’impact. C’est pourquoi il est si important qu’ils portent les décisions. C’est la meilleure stratégie à long terme.
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L’importance de la concertation sociale dans le sec essenscia, en collaboration avec l’Antwerp Management School, a mené une étude sur le contenu actuel de la concertation sociale et du climat social dans différentes entreprises-membres. Son but : identifier les difficultés et les défis à relever et proposer d’éventuelles solutions. Voici un aperçu des principaux résultats.
ESSENSCIA PLACE LA CONCERTATION SOCIALE AU CENTRE D’UNE ÉTUDE UNIVERSITAIRE L’organisation sectorielle essenscia a demandé à Peggy De Prins, professeur à l’Antwerp Management School (AMS) de l’Université d’Anvers, de mener une étude sur le regard que portent les employeurs-membres sur la concertation sociale. « Nous avons envoyé par e-mail un questionnaire à tous les membres d’essenscia. 20% d’entre eux ont répondu, soit un peu moins de 200 entreprises, dont principalement des directeurs de ressources humaines et CEO. Il s’agit d’un échantillon représentatif », estime le professeur. Parmi les CEO et managers RH à répondre à l’enquête, 70% étaient néerlandophones et 30 % francophones. L’équipe académique ne s’est pas contentée de traiter les réponses de l’enquête. « Nous avons ensuite créé des groupes de réflexion pour approfondir les résultats et échanger des idées. La combinaison d’un volet
quantitatif et d’un volet qualitatif nous offre une idée représentative de leurs préoccupations », estime Peggy De Prins. Le questionnaire a été établi sur la base des objectifs fixés par essenscia, mais l’équipe académique a également étudié la littérature et effectué d’autres recherches pour identifier les questions les plus pertinentes. Plusieurs thèmes ont ainsi été mis en avant. « Nous avons interrogé les participants sur leur perception du fonctionnement des organes de concertation, la façon dont les employeurs évaluaient le processus et les résultats, et l’importance qu’ils attachaient aux différents thèmes. Nous avons abordé des thèmes classiques, comme la rémunération, mais aussi des questions plus modernes, comme la carrière», résume le professeur. « Nous avons aussi sondé leur opinion sur la législation en vigueur. »
Fonctionnement des organes de concertation 70% 60% 50%
■ Optimal ■ Bon, mais à améliorer ■ Pas vraiment optimal, à améliorer fortement ■ Je ne peux l’évaluer
40% 30% 20% 10%
Délégation syndicale
Comité pour la prévention Conseil d’entreprise et la protection au travail
Dans la plupart des cas, l’évaluation du fonctionnement des organes de concertation – délégation syndicale, Comité de prévention et de protection au travail – est bonne, mais peut être améliorée.
Les piliers de la concertation sociale (scores sur une échelle de 7 points)
Contenu du processus décisionnel
3,47
La concertation sociale est prise au sérieux par toutes les parties. Employeurs et syndicats recherchent en fin de compte toujours des solutions ensemble. Toutefois, le dialogue social n’est que trop peu un moteur de changement et les objectifs de l’entreprise à long terme ne sont pas suffisamment abordés.
Concertation Relation sociale représentants Processus de
la concertation sociale
employeur travailleurs
4,13
4,56
5
teur de la chimie et des sciences de la vie Les principaux thèmes de la concertation sociale Les thèmes classiques tels que la durée du travail, la sécurité et les bonus occupent toujours une place centrale dans la concertation sociale, alors que des thèmes plus récents comme de bonnes conditions de travail et le rallongement des carrières gagnent aussi en importance.
Durée du travail | règlementation du temps de travail | règlementation concernant les congés Sécurité, ergonomie, hygiène Bonus Qualité du travail | bonnes conditions de travail Organisation du travail | moyens mis à disposition Objectifs collectifs et personnels des travailleurs (Rallongement des) carrières et employabilité Introduction d’un changement Compétitivité | stratégie | continuité de l’entreprise Adéquation travail- vie privée Formation Développement durable Intégration des groupes à potentiel 0%
10% 20% 30% 40% 50% 60%
70% 80% 90% 100%
■ Apparaît dans le dialogue social et occupe une place centrale ■ Apparaît dans le dialogue social mais revêt une importance moindre ■ N’apparaît pas dans le dialogue social
Consultez l’étude complète sur www.essenscia.be
Un modèle pour l’avenir D’un pacte social vers un pacte pour la croissance et l’emploi
PASSÉ
Répartition de la productivité
1
Relation de pouvoir
2
Informations et connaissances en parallèle
3
1 2 3
AVENIR
Négociation
Partenariat
Partage de l’information et des connaissances
Growth & Jobs
Création de valeur
Les positions sont déterminées sur la base de relation de pouvoir Partenariat pour une stratégie unique : croissance et emploi. Informations et connaissances sont synonymes de pouvoir et sont donc cloisonnées L’information et les connaissances sont transparentes et constituent la base de la concertation. La négociation où les intérêts opposés prévalent La création de valeur où l’intérêt commun prévaut.
LES EMPLOYEURS APPRÉCIENT LA CONCERTATION, MÊME S’IL SUBSISTE DES MARGES D’AMÉLIORATION « Les employeurs de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre partagent à peu près le même sentiment sur la concertation sociale », remarque Stefan Denayer, directeur-adjoint Politique sociale chez essenscia, au vu des résultats de l’enquête sur l’appréciation de la concertation sociale par les employeurs du secteur. « L’évaluation est assez bonne. Les participants à l’enquête n’ont pas d’importants griefs à faire valoir concernant le fonctionnement des organes de concertation, même s’il subsiste des marges d’amélioration. Au niveau des entreprises, c’est principalement avec la délégation syndicale qu’ont lieu les discussions. C’est logique, car c’est à ce niveau que l’on discute le plus des revendications», explique Stefan Denayer. Les employeurs sont également moins positifs quant au contenu de la concertation sociale. « Les employeurs prennent vraiment les syndicats au sérieux. Les relations sont assez constructives, mais la qualité des décisions finales laisse parfois un goût amer. Les employeurs ne considèrent pas encore la concertation sociale comme un moteur de changement. De nouveaux thèmes y sont certes abordés mais les discussions se concentrent toujours sur les questions classiques qui se heurtent rapidement à des intérêts opposés, du court-termisme et un rapport nous - eux. La législation sociale actuelle est perçue comme rigide et archaïque. Elle doit donc être réformée sous un angle nouveau. » « Pourtant, les employeurs sont à la recherche de relations à long terme dans un véritable partenariat », constate Stefan Denayer. « Ils veulent créer une plus grande base commune avec les syndicats et mieux partager leurs connaissances de la mission de chaque entreprise avec les représentants syndicaux. Pour résumer, ils veulent investir dans un nouveau partenariat. »
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A quoi devrait ressembler le dialogue social du futur idéal, quels sont les éléments à prendre en compte dans le cadre d’un projet commun à long terme, quel est le rôle des entreprises, des syndicats, … ? Autant de questions sur lesquelles se penchent les acteurs du dialogue social.
La concertation sociale du futur
LE SECTEUR DE LA CHIMIE ET LES DIFFÉRENCES DE CULTURES
« Notre force ? Rechercher ensemble des solutions pour demain »
Wim Michiels, CEO Proviron
L’entreprise chimique Proviron est établie sur deux sites. « Celui de Hemiksem, où travaillent 40 personnes, conserve son ambiance familiale. Tout le monde connaît tout le monde. Le site d’Ostende, avec 240 travailleurs, nous l’avons acquis il y a 20 ans. Mais la tradition syndicale y remonte à un siècle », explique le CEO, Wim Michiels. Il constate des différences entre les deux cultures. « Sur le petit site, les contacts sont plus informels, et chaque question trouve immédiatement réponse.
Cela fonctionne lorsque les deux parties sont de bonne volonté. Nous constatons la même chose sur le plus grand site, mais il y apparaît parfois des erreurs de traduction entre ce que veulent les collaborateurs et les syndicats. Avec plus de collaborateurs, il est nécessaire de structurer la concertation, mais les syndicats ont toujours tendance à penser que les employeurs raisonnent encore comme il y a un siècle. Je ne connais aucun employeur qui le fasse. Aujourd’hui, chaque employeur a conscience qu’il doit avoir des collaborateurs heureux. »
gués syndicaux participent mieux que d’autres aux réflexions de l’entreprise, notamment en ce qui concerne l’emploi. Mais les véritables problèmes n’apparaissent que lorsque des thèmes syndicaux sont introduits dans l’entreprise par les niveaux hiérarchiques supérieurs. Nous devons surtout poursuivre ensemble un objectif concret pour la santé et la raison d’être de l’entreprise. C’est pourquoi la concertation fonctionne mieux avec les travailleurs de l’entreprise. Les employeurs doivent cependant également écouter leurs collaborateurs. Qu’il y ait parfois l’une ou l’autre difficulté dans la concertation quotidienne, ce n’est pas grave. Mais la force de la concertation doit rester la recherche de solutions pour demain. »
Un objectif concret Le modèle de concertation actuel ne pose aucun problème à Wim Michiels. « Certains délé-
L’IMPLICATION AU SEIN DES PME
« Il faut oser remettre en question les acquis »
Analyse ouverte Directrice des ressources humaines pour l’Europe chez Nomacorc, « Le dialogue social a surtout besoin de flexibilité, une PME qui produit 2 milliards de bouchons de bouteilles de vin des deux côtés », remarque-t-elle. « La flexibilité par an, Dominique Rei Rodrigues expérimente le dialogue social est indispensable pour avancer ensemble, à la chaque jour sur le terrain. Nomacorc emploie environ 200 collabofois dans une entreprise et à plus grande échelle. rateurs dans notre pays et est leader mondial sur le marché des Cependant, les attentes de travailleurs sont de Dominique Rei Rodrigues, bouchons de bouteilles de vin non pétillants. L’entreprise connaît plus en plus individuelles, ce qui rend difficile de HR-manager Nomacorc une croissance importante depuis ses débuts en Belgique début trouver un terrain commun pour les différents des années 2000 et base celle-ci sur l’innovation permanente de ses groupes de travailleurs. C’est pourquoi, il est néproduits. Par le dialogue social, la directrice des ressources humaines imcessaire dans le contexte totalement différent d’auplique pleinement les syndicats dans le développement de l’entreprise. jourd’hui, de pouvoir rediscuter des acquis et d’en imaginer de nou« Nous ressentons l’impact de l’agitation sociale actuelle au niveau national veaux, qui répondent plus adéquatement aux besoins actuels des et/ou régional, certains collaborateurs participent aux manifestations syndicales employeurs et des travailleurs. On doit pouvoir imaginer que ces nouvelles réet se déclarent en grève. Pour autant, l’entente reste bonne dans l’entreprise. ponses ne soient pas des « avantages sociaux » à ajouter aux autres, mais bien Et ce, grâce à la qualité et à la fréquence des informations que nous échanune redéfinition des avantages sociaux actuels en de nouveaux. Bien entendu, geons, et au dialogue ouvert que nous privilégions», estime Dominique Rei Role bien-être des travailleurs doit rester une priorité. Nous devons oser mettre drigues. « Dès que nous souhaitons mettre une nouveauté en phase de test, sur la table les sujets requérant une nouvelle analyse, plus actuelle, tant dans nous impliquons les représentants syndicaux dans le processus. » l’intérêt des travailleurs que des employeurs. » © Lieven Gouwy
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L’ÉVOLUTION SELON LES SYNDICATS
« Il faut continuer à trouver des compromis, comme dans un couple »
Claude Roufosse, secrétaire fédéral du SETCa
Claude Roufosse représente la FGTB notamment dans le secteur de la chimie, mais est aussi secrétaire fédéral du SETCa, le syndicat des employés, techniciens et cadres. Et cela s’entend à ses observations quant à l’évolution du dialogue social et des difficultés qu’il rencontre. « Le dialogue social va bien. Même si nous avons parfois
l’impression que les employeurs cherchent à nous éviter. Dans le secteur de la chimie par exemple, nous ne sommes pas autorisés à intégrer des cadres dans la délégation syndicale, alors que leur importance ne cesse de croître », remarque Claude Roufosse. Pour autant, il entend adopter une attitude constructive et aller de l’avant.
Innovation et apprentissage « Nous sommes parfaitement convaincus de l’importance de
l’innovation. Il est évident que le monde évolue en permanence, mais l’innovation doit s’accompagner d’un emploi durable et d’efforts poussés en matière de formation durant les heures de travail. Les travailleurs doivent avoir davantage de perspectives sur l’évolution de leur carrière, avec des contrats à durée indéterminée. J’ai été impressionné par ce que j’ai vu chez BASF, où les nouveaux travailleurs sont formés en interne et peuvent mener une carrière. »
Concertation permanente « Idéalement, un secteur comme la chimie, avec les bénéfices qu’il engrange, devrait faire plus pour forger des compromis. Les partenaires sociaux forment en effet un couple, qui doit par définition pouvoir trouver des compromis. De préférence sans conflit préalable. La meilleure façon d’y parvenir est d’installer une concertation permanente, ouverte et démocratique. Dès que l’une des parties se montre dogmatique, l’autre le devient. »
« Nous pouvons nous retrouver dans de nombreux domaines » La structure de notre concertation sociale, du niveau fédéral au niveau de l’entreprise, reste très bonne, estime Filip Decorte, de la CSC BIE FlandreOccidentale. « C’est la concertation sociale qui nous a apporté notre prospérité. Les études nationales démontrent ce lien. Mais nous faisons face à des défis importants et la situation se complique à tous les niveaux. Le cadre est également très différent de celui qui existait à la naissance du système en 1944 : une concurrence mondiale, un débat difficile sur les charges salariales, peu de marge de négociation en matière de salaires, un mode d’économies permanentes dans les entreprises et l’absence du lubrifiant que constituent les investissements publics. L’individualisation sape également la foi en la concertation collective.»
Revenir à l’origine Où réside la solution ? « Nous devons revenir à l’origine de la concertation sociale poussée. Dans le contexte actuel, travailleurs et employeurs doivent s’interroger sur leurs intérêts communs. Nous pouvons nous re-
trouver dans de nombreux domaines. » Lorsque le secteur ouest-flandrien du plastique a fêté le 50e anniversaire de sa CCT sectoFilip Decorte, rielle, on a pu se rappeler que CSC BIE Flandre-Occidentale cette période n’avait causé ni interruptions, ni grèves provinciales. « Nous approfondissons aujourd’hui cette belle tradition avec l’asbl PlastIQ, dans le cadre de laquelle nous fournissons des formations aux travailleurs et aux chômeurs et nous motivons les jeunes pour ce secteur, en collaboration avec essenscia. La conséquence ? Toutes les parties en sortent gagnantes. Les employeurs disposent d’une main-d’œuvre mieux formée sur le plan technologique, les travailleurs renforcent leur position et les chômeurs ont davantage de chances de trouver un travail. »
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LE RÔLE DU FONDS DE FORMATION
UN CONTEXTE FAVORABLE POUR LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE
« La dynamique de notre concertation constructive s’intensifie chaque jour »
« Le dialogue social peut être du 'win-win' »
Ce n’est pas un hasard si le fonds de formation du et pour le secteur de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie s’appelle Co-valent. Il s’agit d’un terme bien connu de l’ensemble du secteur renvoyant à une liaison covalente, c’est-à-dire une liaison atomique caractérisée par des paires d’électrons communs. « Mais “Co” renvoie également à la collaboration et “valent” à la création de valeur. Tant essenscia que les syndicats siègent au comité de gestion. Co-valent veut sensibiliser, informer, activer et soutenir financièrement des entreprises et collaborateurs du secteur sur le plan de la formation et l’emploi. Elle est du reste ouverte à la fois aux travailleurs actuels du secteur ainsi qu’aux demandeurs d’emploi et élèves qui s’intéressent au secteur », explique Dominique Boyen, directrice de Co-valent. Les partenaires sociaux identifient parfaitement les besoins en matière de formation, de compétences et d’emploi au Dominique Boyen, directeur Co-valent sens large. Co-valent se concentre surtout sur la recherche et l’exploitation d’une base commune chez les partenaires sociaux afin d’y contribuer », poursuit Dominique Boyen.
« Dans les sociétés biopharmaceutiques, le dialogue social s'inscrit dans un contexte favorable, car tous les partenaires sociaux sont conscients de travailler pour sauver des vies », assure Emmanuel Felix, Plant Manager chez Baxalta (nouveau nom de l’ancienne division biopharma de Baxter, devenue une société indépendante depuis le 1er mai). Le contexte économique favorable pour la société, en pleine croissance, contribue aussi à la mise en place d'un vrai partenariat en matière sociale, avec des objectifs partagés et un souci du développement de l'activité. « On est loin des confrontations idéologiques », se réjouit Emmanuel Felix. « Cela dit, voici 5 ans, le choix de la Belgique pour les gros investissements allait quasiment de soi : malgré notre coût du travail comparativement plus élevé, notre expertise faisait la différence. Aujourd'hui, la concurrence est plus intense car l’expertise s’est développée dans d’autres pays. La stabilité et la prédictibilité du dialogue social au sein de Baxalta sont donc devenues des éléments primordiaux et doivent servir de différentiateurs positifs. » Pour autant, les arcanes des relations
L’apprentissage tout au long de la vie n’est pas une matière dans laquelle une partie peut obtenir gain de cause.
Le dialogue se construit chaque jour, sur le terrain, par des actes visibles, en partageant une vision à long terme. Emmanuel Felix, Plant Manager chez Baxalta
Un processus continu « A ce niveau, les travailleurs et les employeurs mettent sur pied de nombreuses initiatives concrètes depuis longtemps. Ici, la concertation sociale constructive est une évidence et cette dynamique s’intensifie chaque jour », estime Dominique Boyen. « En matière de formation, il n’y a pas de réelle opposition entre les partenaires sociaux, mais plutôt une cocréation concrète. L’apprentissage tout au long de la vie n’est pas une matière dans laquelle une partie peut obtenir gain de cause. C’est un processus continu et durable. »
sociales à l'européenne sont difficilement compréhensibles au management américain de la firme. « Pour que cela marche, les sujets sociaux doivent être traités au plus près de l'échelle concernée », reconnaît Emmanuel Felix. « Le dialogue se construit chaque jour, sur le terrain, par des actes visibles, en partageant une vision de long terme. C'est du 'win-win' ! » Transparence, confiance mutuelle, compréhension des enjeux de chacun sont, à ses yeux, les conditions de la réussite.