Tpfe // paysages de périphéries commerciales

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Cultiver la périphérie La quête d’un horizon pour la plaine commerciale de Bouliac

Eve Coignot

Sous la direction d’Alise Meuris Travail Personnel de Fin d’Etudes de la formation paysage - 2016 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux 1


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Membres du Jury Soutenance : 29 novembre 2016

Directrice d’études : Alise Meuris - Paysagiste DPLG Professeur de l’Ensap : Graziella Barsacq - Paysagiste / Ingénieure Horticole Personnalité extérieure : Eric Chauvier - Anthropologue Personnalité extérieure : Julien Alibert - Economiste / Urbaniste 3


« - J’peux venir avec vous ? - ... Mais je vais nulle part moi. - C’est pas grave... - ...Vous voulez venir avec moi ? - Ouai, je veux bien... » J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Samuel Benchetrit, 2008

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Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier Alise Meuris pour son suivi régulier et pour son approche particulièrement riche et originale. Un grand merci à Julien Alibert pour avoir partagé son regard d’économiste très constructif et pour avoir pris le temps de m’accompagner sur des questions précises. Je présente également mes remerciements à Eric Chauvier, dont la rencontre et certains de ses ouvrages, ont été des éléments déclencheurs de réflexions passionnantes sur ce sujet d’étude. Merci à Laurent Cluzel pour m’avoir transmis les attentes de la commune de Bouliac et des informations clefs sur le territoire. Pour nos échanges hebdomadaires qui furent de précieux moments de réconfort et de motivation, un énorme merci à Sophie et Caroline. Je souhaite naturellement remercier mes parents pour leur soutien et leur considération mais aussi pour leurs précieux conseils. Bien sûr, un merci à tous ceux qui ont été présents cette année et qui m’ont aidée et soutenue à leur manière. Et enfin, merci à Nicolas, paysagiste officieux pour qui les balades tourmentées en pleine zone commerciale n’ont plus de secrets.

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Les terrils de Saint-Henriette, HĂŠnin-Beaumont, 2014

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Préface Mon intérêt pour les paysages périphériques, souvent jugés âprement, s’est confirmé lors d’une expérience de stage dans le bassin minier où j’ai été confrontée à la question complexe du jugement de valeur. Depuis peu, les terrils, ces collines de résidus miniers dans le Nord-Pas-de-Calais, sont l’objet d’un engouement particulier. Désormais reconnus comme patrimoine mondial, ils sont passés du statut de déchets parasitant le paysage à celui d’emblèmes supports d’activités et de biodiversité. Les points de vue divergent encore à leur sujet, certains les considèrent toujours indignes de ce statut, puisque « moches et poussiéreux», tandis que d’autres ont attendu la labellisation UNESCO pour s’extasier face à eux, comme si celle-ci les avait autorisés à la contemplation. La fameuse citation d’Oscar Wilde, « La beauté est dans les yeux de celui qui regarde », prend alors un vrai sens puisque reconnaissant la beauté comme une affaire personnelle pouvant germer dans notre regard à tout moment. Souvent le paysage est rattaché à cette idée de beauté. Un lieu devient « un beau paysage » au travers de notre jugement individuel, lui-même influencé par un certain nombre de paramètres, comme si le paysage se composait d’un système de filtres influençant nos perceptions. Le paysage est bien entendu partout mais il se manifeste différemment selon chacun, selon notre histoire, notre expérience, notre culture ou encore notre personnalité. Comme l’exprime à son tour Jean-Marc Besse, « nous habitons les paysages avant de les voir ». Les critères de beauté de chacun s’affrontent. Nous sommes effectivement tous persuadés détenir le jugement le plus juste. Mais dans cette histoire, nous avons finalement tous raison, puisque libres de percevoir et de ressentir le monde comme nous l’entendons. Ces jugements ne sont pas figés, ils peuvent évoluer si certains paramètres sont perturbés, comme le montre cet exemple des terrils, le paysage est vivant et mouvant. Bien plus qu’une affaire de « beau » ou de « laid » il s’agit d’expériences personnelles et d’influences socio-culturelles.

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Sommaire I. Lire la périphérie II. S’imprégner de l’histoire III. Regarder autrement IV. Expérimenter V. Se faire une place VI. Imaginer demain

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Introduction

Ce sentiment à la fois inconfortable et rassurant, un univers familier, un décor devenu banal et quotidien. Ce tumulte ordonné nous déboussole tout en étant un repère dans nos paysages urbains. C’est un autre monde à traverser avant de reconnaître une ville. Peut-on réduire les zones commerciales à des espaces «moches», «aseptisés», «bousillés», «impersonnels»... ? Méprisés et ignorés, les paysages périphériques sont pourtant l’affaire de tous. Ils reflètent l’évolution de nos modes de vie et de nos relations avec le milieu. Le commerce, associé au transport, a évolué au fil de l’histoire, a généré des comportements et a dessiné la ville, tel le reflet de notre société. Bien que la forme de ces espaces périphériques soit aujourd’hui montrée du doigt, le fond commence tout juste à être questionné sérieusement. Le commerce de masse présent dans ces vastes pôles franchisés est pourtant le premier maillon d’une chaîne insensée que le consommateur ne soupçonne pas forcément : surexploitation, agriculture intensive, esclavage moderne et autres nombreuses conséquences indirectes.

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Ce système semble pourtant toucher certaines limites et se retrouve en contradiction avec les enjeux actuels. En plus de dessiner nos périphéries ces cinquante dernières années, le commerce mondialisé de masse a habitué le consommateur à des mécanismes d’achats orientés sur la rapidité et la fonctionnalité. Aussi, les questions écologiques contemporaines nous renvoient aux limites d’une société centrée sur la consommation. S’intéresser à la question des pôles commerciaux implique donc la mise en tension de nombreuses questions de société. En considérant que nous entrons dans une ère de transition, qu’il est temps de changer à la fois nos comportements et notre regard sur le monde, ces zones commerciales apparaissent comme des lieux potentiels et privilégiés dans la ville de demain. Comment accompagner la mutation de ces espaces périphériques dès aujourd’hui et sur le long terme ? Et si tout commençait par un changement de regard, par l’élimination du «beau » et du «l aid» comme critères ? Cela nous permettrait peut-être de mieux percevoir toute une série d’autres qualités* pouvant être de vrais leviers, supports des projets territoriaux de demain.

* Rem Koolhass

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I.Lire la périphérie A. Un système périphérique standardisé B. Territoires des possibles pour la ville de demain

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Positions Générique « Prenez 50 hectares de terrain plat idéal. Entourez-les par 500 000 consommateurs qui n’ont aucun autre accès à des aménagements commerciaux. Préparez le terrain et couvrez la partie centrale avec un million de mètres carrés de bâtiments. Remplissez-les avec les meilleurs spécialistes des techniques commerciales qui vendront à bas prix des articles de qualité. Décorez le tout avec 10 000 parkings et assurez-vous de rendre le terrain accessible par d’excellentes voies express sous-utilisées. Terminez en décorant avec des plantes, des parterres de fleurs variées, une petite sculpture et servez brûlant au consommateur » Victor Gruen, 1963

Centre commercial « Lieux clos saturés d’imaginaires, « rêvoirs collectifs». Depuis près de trois siècles, le capital façonne des environnements oniriques qui, sur fond de règne de la marchandise, refoulent leur origine économique en vue de canaliser les plaisirs individuels et collectifs. » Marc Berdet

Zone commerciale « Le métro-Centre rapetissait derrière moi, tandis que j’errais par les rues obscurcies, à la recherche d’un panneau indicateur qui me mît sur le chemin du retour. Mais au bord de la M25, en plein territoire du peuple de l’autoroute, les panneaux renvoyaient le voyageur à son point de départ intérieur. MétroCentre Entrée Sud... Parc d’activité du Surrey de l’Ouest... Palais des Congrés de Brooklands... Métro-Centre Entrée Est... J’étais perdu, et le guide de L’association Automobile, que je feuilletais à un carrefour désert, prit grand soin de me faire repartir à la dérive. Les vastes résidences de moyen standing et les supermachés, entourés d’hectares de parking brillament illuminés, se succédaient sans fin. » J-G Ballard

Lenteur / Vitesse « Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l’oubli » Milan Kundera

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Beauté / Laideur « Le beau se situe à l’intérieur de certaines limites tandis que le laid est infini, donc plus complexe, plus varié, plus amusant. » Umberto Eco

Centre / Périphérie « Sans centre, pas de périphérie ; l’intérêt du premier compense sans doute la vacuité de la seconde. Orphelin conceptuel, la périphérie voit sa condition aggravée par le fait que sa mère vive encore, lui vole la vedette et mette en lumière les défauts de sa progéniture. Les dernières ondes qui émanent du centre épuisé empêchent que l’on voie la périphérie comme une masse critique. Non seulement le centre est par définition trop petit pour remplir les obligations qui lui sont assignées, mais il n’est même plus le vrai centre, rien qu’un mirage trop mûr en voie d’implosion ; malgré cela, sa présence illusoire refuse toute légitimité au reste de la ville. » Rem Khoolass

Grande distribution « J’ai mesuré de plus en plus la force du contrôle que la grande distribution exerce dans ses espaces de façon réelle et imaginaire - en suscitant les désirs aux moments qu’elle détermine, sa violence, recelée aussi bien dans la profusion colorée des yaourts que dans les rayons gris du super discount. Son rôle dans l’accomodation des individus à la faiblesse des revenus, dans le maintien de la resignation sociale. Souvent j’ai été accablée par un sentiment d’impuissance et d’injustice en sortant de l’hypermarché. Pour autant je n’ai cessé de ressentir l’attractivité de ce lieu et de la vie collective, subtile, spécifique, qui s’y déroule. » Annie Ernaux

Interstices « Par paresse ou par peur, nous avons tendance à chercher à uniformiser et à simplifier à l’extrême. Nous construisons des catégories tellement rigides qu’elles en deviennent opaques et au lieu de nous donner accès au réel, elles nous le dissimulent. La diversité ainsi attaquée et niée se réfugie dans des interstices. Ces jardins-là n’ont pas été programmés. Au contraire, ils apparaissent dans les entre deux d’une urbanisation qui prétend tout maîtriser.» Fred Kahn

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Bourg et couronne pavillonaire

Zone d’activité industrielle Zone d’activité tertiaire Rocade

Lotissement pavillonnaire

Les grandes composantes du système périphérique : des entités autonomes en flottement

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A. Un système périphérique standardisé

Grand ensemble

Zone commerciale

La croissance des villes a modelé les paysages périphériques que nous connaissons aujourd’hui. Rocades, zones d’activité et lotissements sont venus notamment combler les besoins en logement, en approvisionnement et en mobilité des villes en pleine extension. Des formes ont surgi dans l’horizon métropolitain au service d’une nouvelle logique urbaine, à l’image de la société contemporaine. Rapidité, fonctionnalité, bon marché sont les maîtres mots qui canalisent les projets de la fin du XXe siècle. Ces formes, toutes bien distinctes et au fonctionnement indépendant, fabriquent leur propre monde en ignorant malgré-elles la nature qu’elles ont entreprise d’investir. L’extension de la ville a généré de la distance. Le centre-ville s’est peu à peu noyé dans la masse urbaine, toujours plus dense et lointaine, et devenant ainsi le privilège de ses habitants proches. Aujourd’hui, grandes et moyennes villes connaissent ce contraste entre leur centre et leur périphérie. Deux manières d’habiter et de vivre quotidiennement. 17


David Mangin oppose la ville passante à la juxtaposition d’environnements sécurisés « où l’on ne passe pas et que l’on doit contourner ». Le terme « passant » qualifie un système de maillage rendant accessibles les espaces structurants du paysage et de la vie urbaine, oubliés dans le modèle périphérique actuel.

En bâtissant la périphérie, à trop vouloir privilégier la facilité et la fonctionnalité, ce qui fait l’essence de la vie urbaine a été oublié : l’espace public, lieu de rencontre et d’échange. Celui-ci est quasiment inexistant, du moins pas de manière officielle, il est encore à révéler. Un alignement de bancs au cœur d’une galerie commerciale, est-ce suffisant ? Est-ce vraiment un espace de possibles ?

Fiction périphérique : Depuis plusieurs années maintenant j’habite ce petit pavillon entre ville et campagne. J’y suis au calme et en sécurité. Je me résous à prendre quotidiennement ma voiture pour aller travailler, à emprunter la rocade parfois plusieurs heures par jour, à m’approvisionner à l’hyper-marché le plus proche, et à me changer d’air au centre commercial le week-end ou dans mon quartier souvent peu animé. Mes voisins sont discrets, comme moi je crois, on se fait un signe de la main lorsque l’on se croise. Mon environnement de vie est souvent montré du doigt sous prétexte qu’il est « moche » et « monotone ». J’ai pris l’habitude de subir les accusations de mes collègues de bureau, habitant à 10mn de ce dernier, me reprochant de ne vraiment pas faire d’effort, de polluer avec mes déplacements quotidiens souvent seule dans mon véhicule. C’est vrai qu’en ville je pourrais me déplacer à pied, en vélo, faire vivre le commerce local, profiter des parcs et de la flânerie urbaine. Mais j’oublie rapidement car je n’ai pas vraiment le luxe de me poser cette question pour le moment. J’oublie et je continue ma routine quotidienne, je m’éloigne petit à petit d’une certaine réalité, je me concentre sur ma réalité, celle de mon quotidien. La ville est proche mais très loin dans mon esprit. 18

Juxtaposition d’environnements clos VS ville passante, La ville franchisée, D.Mangin


Dans ce système périphérique, la zone commerciale est l’un de ces environnements autonomes, une pièce maîtresse. Graphiquement, celle-ci se distingue aisément. Le hangar constitue l’unité de base de cette composition. Bien entendu, le parking est son allié, son parvis. Cette photo a été prise en périphérie de Bourges dans le centre de la France, mais finalement peu importe puisque quand je la regarde je reconnais davantage un type d’espace plutôt qu’un lieu particulier. Si je n’ai pas de panneaux pour me localiser il est presque impossible de savoir dans quelle ville je me trouve ; aucun élément géographique identitaire, peu de fenêtres sur le paysage voisin... D’ailleurs le « beau paysage » ne s’appréhende pas ici à l’extérieur, mais à l’intérieur, en tant qu’« argument publicitaire » (Cyrille Marlin), les supports des représentations paysagères sont limités aux emballages des produits ou à un discours marketing. Mais, pour autant, je ne suis pas dépaysée car cet espace, où qu’il soit, je connais ses codes, je sais le pratiquer et je sais ce qu’il contient, il m’est complètement familier. Pourtant, si l’on souhaite mener l’enquête, on observe que chacune de ces zones est singulière. Les « vides » laissés ne sont pas les mêmes, les horizons sont différents, la nature du sol et de la végétation peuvent également trahir une identité.

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B. Territoires des possibles pour la ville de demain

Coteau

Bois

Terres cultivées

Dans le paysage périphérique, la nature du lieu se manifeste dans les interstices. Le fonctionnement en « zonage » fabrique, ce que l’on peut appeler à première vue, du vide, des délaissés. Ces « morceaux de nature » , en creux des univers distincts, sont les atouts de la ville périphérique, les liants entre chaque pièce du puzzle. Des espaces libres, malléables, sans usage strict défini, différant ainsi de la ville centre, cadrée et sectorisée. « Les vides, qui sont apparus de manière spontanée, comme un résidu de l’activité de construction, presque naturellement, sont la représentation la plus fidèle de l’inconscient de la ville. Ils sont les endroits où l’on peut encore se perdre dans la ville, à la marginalisation du contrôle du pouvoir. Le centre a moins de possibilités de se transformer, il est plus statique que la périphérie où les transformations sont plus nombreuses et plus rapides, plus spontanées. Il s’agit d’une ville parallèle dont on doit encore essayer de trouver ses propres dynamiques et structures en se mettant en relation avec ce chaos à travers la forme du parcours erratique » Collectif Stalker 20


Friches

Rivière

Lire la périphérie au travers d’une structure paysagère préexistante.

Peupleraie Parcelles pâturées irriguées

Par ce travail, l’intention est d’abord de prendre en compte l’existant. J’entends ici tout l’existant, que ce soit d’un point de vue géographique, historique, social ou encore culturel. Il sera nécessaire de s’immiscer dans le système rigide et normé de cet espace afin d’influencer, par le projet, de nouvelles expériences. Pour démontrer que le potentiel de ces zones va bien au-delà du simple usage commercial, l’univers de la zone commerciale sera apprivoisé au-delà de sa simple dimension fonctionnelle et relié à un paysage qui lui est spécifique. Le cas d’étude portera ici sur la plaine commerciale de Bouliac, au Sud-Est de la métropole bordelaise.

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Si l’on regarde la ville sous un autre angle, que l’on questionne ses limites, peut-être que la rocade n’est pas forcément une frontière, qu’elle est plutôt une artère centrale, diffuseuse de flux. Si le centre-ville historique descend de son piédestal, peutêtre que d’autres natures de centralités pourraient émerger, davantage pour le soutenir que pour rivaliser. Les grandes entités périphériques et les délaissés qui leur sont associés prennent désormais un rôle et une place centrale dans la métropole. La périphérie change de rôle, elle n’est plus une limite mais une articulation entre deux logiques : urbaine et périurbaine. La ville est encore amenée à se développer, à étirer ses limites. Face à cette réalité, porter le regard sur ce qui apparaît comme les nouvelles centralités de demain semble indispensable. Plus que des obstacles ou des entrées de ville chaotiques, il faut y voir de vastes territoires de potentiels, qui ne demandent qu’à être reconsidérés dans les projets urbains d’aujourd’hui et de demain. Que ce soit d’un point de vu fonctionnel, humain ou récréatif, la périphérie est pleine de ressources, elle se distingue du centreville par sa flexibilité, sa résilience. Ce qui lui manque encore pour avancer ce sont des regards bienveillants et constructifs.

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Rocade

De nouveaux pivots métropolitains pour la ville de Bordeaux Zones d’activité et commerciales Espaces urbains Délaissés (d’après l’inventaire d’Yvan Detraz, 2000)

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II. S’imprégner de l’histoire A. Les strates historiques du commerce dans le paysage urbain B. L’onirisme au service de la consommation C. S’immiscer dans les rouages du système

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A. Les strates historiques du commerce dans le paysage urbain

Depuis son existence, le commerce est moteur de la vie urbaine et va de paire avec une société qui ne cesse de se transformer. En plus de favoriser les échanges, il répond à un besoin de sociabilité. Les marchés et les rues ne sont pas uniquement des lieux de commerce, mais aussi des lieux privilégiés pour l’échange d’informations de toutes sortes. Les grands changements, notamment liés à l’évolution des transports et des techniques, ont donné au fil de l’histoire une nouvelle spatialité au paysage commercial. Pour comprendre l’évolution de l’histoire du commerce et ses enjeux actuels, il est important de revenir sur certaines grandes phases clefs et d’élargir cette approche à l’ensemble du bassin méditerranéen, berceau du commerce antique, pour se concentrer ensuite sur le contexte français.

« L’échange marchand s’insère dans une pratique plus large de circulation des biens, des idées, des informations et des hommes. Les lieux de commerce sont tout autant des espaces économiques que des aires d’expression et de diffusion culturelles, des aires de développement sociaux propres à resserrer les liens inter-individuels. » Jean-Marc Poupard

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2 Port du Pirée, l’enfant grec, Jacques Martin, 1993

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Navire de commerce phénicien, IIe siècle av J-c

Des lieux ouverts non spécifiques

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Port phénicien de Césarée Maritima

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Sous l’Antiquité de nombreuses places commerciales se tenaient sur les grands ports où se vendaient des marchandises venues de l’ensemble du monde méditerranéen. La mer est restée longtemps la route la plus rapide et la plus sûre. Les Phéniciens sont les premiers à faire émerger de grands ports tels que Byblos, Tyr, ou encore Cadix. En Grèce, le port du Pirée marque lui aussi rapidement une place majeure et incontestable du commerce. L’éclosion massive des ports dans le bassin méditerranéen marque une grande nouveauté qui provoque une transformation de la vie quotidienne des populations. L’alimentation et la façon de se vêtir change. L’agora de la Grèce antique était un lieu polyvalent où s’établissaient entre autres les échanges commerciaux, les marchés, les vendeurs ambulants… Elle était également le lieu privilégié de l’échange politique et un lieu d’échanges culturels et de fêtes. Les aménagements restaient assez primitifs (bancs, peu de structures fixes…), mais suffisaient à rassembler le peuple. Après Athènes, Rome s’est affirmée avec une grande diversité de marchandises sur les marchés. Blé de la mer noire, vin de Gaule, huile d’Andalousie… Avec les forums romains s’observe un début de spécialisation des places, mais où les fonctions se superposent encore souvent. 27


Avec le Moyen-Age s’affirme une grande liberté des échanges dans toute l’Europe. La fonction commerciale et la vie sociale cohabitent dans un même lieu. La ville est un lieu de commerce dense avec de nombreuses échoppes ouvertes sur la rue qui assuraient l’approvisionnement quotidien des habitants.

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2 Marché à Augsbourg XVIe siècle

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2 Enluminure représentant une scène de foire, XVe siècle

Les rues étaient également le lieu où se déroulaient les fêtes marquantes de la cité. Hormis les échoppes, les rassemblements commerciaux de plus grande ampleur occupaient des espaces extérieurs. Les foires et les marchés s’installaient dans les rues ou sur les places de manière éphémère. Ces « espaces collectifs urbains*» sont constitués par l’ensemble des lieux ouverts à tous, c’est à dire les espaces en creux, définis uniquement par les bâtiments qui les bordent. Leur existence se révèle donc par leur morphologie, leurs équipements, les matériaux et les couleurs qui s’y trouvent, leur luminosité... Ils sont à la fois le négatif des constructions environnantes et le lien physique qui les unit. * Michel De Sablet

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Le commerce sous forme de lieux ouverts non spécifiques n’est pas uniquement contemporain à l’Antiquité et au Moyenâge. La forme la plus courante, que l’on rencontre dans le monde entier, est le marché, bien qu’il soit parfois plus localisé et moins fréquent qu’auparavant.

Vendeurs de pâtisseries maison, Guanajuato, 2015

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Etal de fruits, Chiapas, 2015

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Boutiques de rue, ville de Mexico, 2015

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L’ambulantage et le commerce de rue sont des formes nées spontanément avec les sociétés marchandes et sont toujours présentes dans la plupart des villes du monde. Cela va du petit camelot à la caravane aménagée. Relativement marginal dans les villes des pays les plus riches, ce type de distribution marchande prend un caractère massif, voir identitaire, dans les villes des pays plus pauvres. Pour le visiteur à Mexico, l’une des premières choses qui frappe le regard, c’est la quantité de commerces de toutes sortes que l’on trouve à même les rues et les trottoirs. Des commerces qui fabriquent les rues et les relations sociales, l’espace public prend ici un vrai sens.

Restaurants de rue ville de Mexico, 2015

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Des structures organisées

Passage Choiseul, 1910

Passage de l’Opéra, 1866

A la fin du XVIIIe siècle, à l’ère de l’industrialisation, la distribution des marchandises s’est vue modifiée par la production industrielle de biens manufacturés. Les fonctions de fabrication ont été dissociées de la commercialisation. Apparaît alors un nouvel espace commercial qui remplace l’échoppe de l’artisan : la boutique. Avant l’artisan achetait des produits semi-finis pour en achever la fabrication, désormais le commerçant achète des produits finis prêts à la vente. Un autre facteur favorisant la prolifération du commerce est l’augmentation des revenus permettant aux populations d’acheter et de consommer davantage. Ces grands changements se manifestent dans les villes par de nouvelles formes commerçantes, où l’activité commerciale s’inscrit dans des structures plus institutionnelles et plus spécifiquement consacrées à la vente. C’est la naissance des passages qui vont avoir un grand succès auprès de la population parisienne et qui vont rapidement se multiplier aussi bien à Paris que dans les autres villes françaises. (passage de l’Opéra, galerie Vivienne, passage Choiseul, galerie Colbert, galerie VérotDodat…) Ces passages commerçants sont le théâtre de la vie parisienne où la bourgeoisie industrielle et commerçante vient s’émerveiller devant les vitrines des commerces de luxe, à l’abri des intempéries et de la circulation de l’époque. Cette forme, de part son décor et ses produits de luxe, s’adresse à une certaine classe de population.

R. Doisneau, Passage Jouffroy, 1981

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Au Bon Marché, Maison Aristide Boucicaut, XIXe siècle

« Les jupons blancs de toutes les longueurs, le jupon qui bride les genoux et le jupon à traine dont la balayeuse couvre le sol, une mer montante de jupons, dans laquelle les jambes se noyaient. » Au Bonheur des Dames, Emile Zola

A la fin XIXe siècle les passages marchands vont laisser place à de nouvelles structures créées spécifiquement pour accueillir une offre commerciale diversifiée au sein d’une même entité, les Grands Magasins. L’architecte est alors sollicité pour concevoir et créer des bâtiments à vocation purement commerciale. Dans ces Grands Magasins, l’offre marchande est organisée sur plusieurs niveaux reliés par des « escaliers spectacles ». De larges vitrines s’ouvrent sur l’extérieur pour exposer la diversité de l’offre. L’architecture monumentale et la décoration excentrique jouent un vrai rôle d’attraction et participent ainsi à la logique commerciale. Proposant à l’origine essentiellement des articles de mercerie, les Grands Magasins vont rapidement multiplier le nombre de leurs rayons et étendre leur offre aux articles de la mode. Cette offre ne va cesser de proposer de nouveaux services tels que les salons de coiffure, les restaurants et salons de thé... Les stratégies de vente commencent à jouer un rôle important. Les slogans apparaissent et laissent entrevoir la nouvelle philosophie qui va se dégager de ces lieux : acheter pas cher et avoir le plus de choix possible ! 31


La naissance de la société de consommation et du centre commercial Au XXe siècle, l’apparition de la « société de consommation» marque la fin d’une longue période de restrictions et de rationnements suite aux périodes de guerre et à la crise boursière de 1929 aux Etats-Unis. Au cours des années 50 et 60, la France passe donc d’un état de pénurie générale à une situation d’abondance. Le petit commerce indépendant domine encore largement, les marchés quotidiens assurent une partie de l’approvisionnement, la vente directe producteurconsommateur. L’industrie française se modernise rapidement sur le modèle américain, la production de masse est amorcée et des innovations pour l’équipement des ménages voient le jour. Le réfrigérateur, puis le congélateur, vont notamment métamorphoser les habitudes quotidiennes de consommation. En parallèle, les industriels de l’agro-alimentaire multiplient les nouveaux produits. Cette production en série ne peut être écoulée efficacement par le système de distribution de l’époque. La vente des produits, dans le cadre de cette économie fordienne, fondée sur l’articulation de la production et de la consommation de masse, invite à une révolution commerciale. La première phase est impulsée par le libreservice, une innovation américaine initiée en 1916. En parallèle, le développement automobile considérable, impulsé par le modèle fordiste, marque un tournant majeur dans les mobilités quotidiennes. Le début de l’ère de la rapidité et de la facilité est annoncé. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la priorité est à la reconstruction. Les activités «perturbatrices» et consommatrices d’espace, telles que les supermarchés, les activités industrielles ou encore les grands ensembles HLM, ont été repoussées à l’extérieur de la ville. C’est le moment d’une révolution urbaine, planifiée en priorité pour l’habitat. Par désintérêt et incompréhension, le commerce a été livré aux mains des investisseurs privés. Simultanément a lieu la révolution commerciale et la transformation radicale des habitudes de consommation. Les centres commerciaux qui apparaissent au cours des années 1960 sont l’une des réponses fortes à cette double révolution. La grande distribution et les grands centres commerciaux apparaissent comme les emblèmes de la société du XXIe siècle. Ils sont l’écho de nos nouveaux modes de consommation et de déplacement. 32


Publicités des années 1950

La révolution de la vente en libre service, 1951 33


Là où le centre-ville commence à se heurter à l’accès à la voiture, le centre commercial lui déroule le tapis rouge. Le centre commercial, tel qu’il s’est développé dans la seconde moitié du XXe siècle aux Etats-Unis et en Europe, est, comme les grands magasins, géré comme une entité. Il est conçu comme un produit standard. Le bâtiment est entouré d’un parking, à l’intérieur se trouve une allée centrale, sur laquelle s’ouvrent les boutiques de petite ou moyenne importance. Faute de lumière, les premiers centres étaient entièrement éclairés artificiellement et les vitrines de boutiques n’ouvraient que sur les circulations intérieures. « Ils ressemblaient à des cavernes d’Ali baba où s’entassaient à profusion, sous un soleil électrique, les trésors nouveaux de la société de consommation ». (Histoire des centres commerciaux en France, Patrice de Moncan) . Leur architecture commence à se modifier dans les années 1990. Les plus anciens se rénovent, s’agrandissent en intégrant plus de lumière et encore plus de modernité. En parallèle au commerce alimentaire, les grandes surfaces spécialisées non alimentaires se sont imposées dans de nombreux secteurs commerciaux : bricolage, automobile, sport, ameublement, électroménager, habillement... FNAC 1956, Leroy-Merlin 1960, Darty 1966, Conforama 1967, Castorama 1969, Norauto et But 1970, Habitat et Decathlon 1973... Plus tard des groupes d’origine étrangère se mêleront aux enseignes françaises : Ikéa, Midas, Toy’s Rus, H&M, Zara... Implantés pour la plupart autour des grands hypermarchés périphériques - là où l’on considère à l’époque pouvoir s’étaler à son aise et capter un maximum de clientèle - les grandes surfaces spécialisées ont proliféré, formant ainsi les vastes «zones» commerciales, composées de ces fameuses « boîtes » que l’on connaît aujourd’hui par coeur. Des groupes commerciaux de l’alimentaire tel que Auchan prendront leur contrôle ou en créeront de nouvelles. Ces nouvelles formes de commerce, ancrées dans la périphérie de la fin du XXe siècle, s’accompagnent de nombreux codes visuels : enseignes, panneaux routiers, publicités gigantesques et colorées… Aujourd’hui l’enseigne publicitaire est devenue une évidence du paysage commercial, un incontournable repère pour le consommateur.

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E.Leclerc, 1967

Auchan, 1966

David Mangin, la formation des centres commerciaux rĂŠgionaux

Castorama, 1970 Deux ou trois choses que je sais d’elle, Jean-Luc Godard, 1967

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Andreas Gursky « 99 cents » 1999

Banksy, La Chutte, 2011

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Bernard Pras, Louis XIV, 2003


Depuis l’Antiquité, le commerce permet d’apporter de la marchandise mais aussi une part de rêve avec les produits exotiques qui arrivent sur les étals. Au Moyen-Age, que ce soient à la campagne, dans les bourgs ou les hameaux, les artisans tiennent les échoppes et les marchands ambulants passent régulièrement pour le plus grand plaisir des habitants qui découvrent ainsi le monde. Le commerce a toujours eu cette dimension d’inattendu, de merveilleux mais aussi d’inutilité qui néanmoins stimule l’imaginaire. Avec la production de masse vient la consommation de masse qui repose sur l’invention de « nouveautés » et de marchandises « modernes ». En offrant de plus en plus de choix et de quantité et en nous créant de faux besoins devenus paradoxalement indispensables, le commerce fait briller les yeux d’une société de plus en plus « domptée » par le commerce. Comme l’énonce Fernand Braudel, lorsqu’il décrit la naissance de la culture matérielle, « si le luxe n’est pas un bon moyen de soutenir une société, ou de promouvoir une économie, c’est un moyen de tenir, de fasciner une société ». Avec la naissance de structures organisées pour le commerce est née progressivement la stratégie commerciale. Étant de plus en plus cadré, tenté et influencé, le client devient une vraie cible. Son rôle de consommateur est primordial dans une société où tout est désormais en place pour une course à la production.

« La civilisation occidentale est progressivement devenue ce qu’il est convenu d’appeler la «société de consommation», c’est à dire une société dans laquelle la consommation est devenue une valeur cardinale, un élément central de nos vies quotidiennes, de nos buts, de nos rêves, un support de la construction de nos identités, une composante majeure de nos manières de faire société. (...) Notre société est malade de sa consommation, devenue une « hyperconsommation », de son impact environnemental, de l’importance de la place qu’elle occupe, des effets délétères qu’elle génère. » Philippe Moati

Aujourd’hui, le système de la grande distribution fait partie intégrante de notre quotidien. Depuis peu, il émerge sous de nouvelles formes s’adaptant à une société mobile et toujours plus pressée : le e-commerce, le Drive... A l’image des anciennes formes de commerces qui se sont affaiblies au profit des nouvelles, la forme du centre commercial est-elle vouée à décliner ? Face aux mutations actuelles, quelles sont les nouvelles stratégies mises en place par les grands distributeurs ? 37


B. L’onirisme au service de la consommation La corvée laisse place à la récréation Depuis quelques années, avec le e-commerce, les systèmes de livraison connaissent un essor considérable, que ce soit à domicile, en relais ou chez les commerçants. Une nouvelle façon de consommer, allant en faveur du gain de temps, s’est installée et fait aujourd’hui partie du quotidien d’une grande majorité de la population. Les premières cibles de cette évolution sont bien entendu les petits commerces urbains vivant du commerce direct entre le vendeur et l’acheteur. Les grandes enseignes de l’alimentaire, du prêt à porter ou encore de la culture (Auchan, H&M, Fnac…), ne sont dans aucun cas affectées par ces changements, elles sont même les premières à en bénéficier. Le e-commerce creuse donc l’écart déjà existant entre le grand et le petit commerce. Les centres commerciaux ont su tirer partie de ces mutations en acceptant le client davantage comme un visiteur venant flâner dans les galeries ou dans les hangars commerciaux. Ce qu’il achète sur le moment importe peu, il faut avant tout attirer son regard, lui offrir un espace de déambulation où les vitrines présentant les nouveaux produits seront largement mises en valeur. Il s’agit désormais de jouer sur l’image de l’enseigne et non plus sur un produit isolé. L’objectif est de marquer l’acheteur potentiel pour une dépense prochaine ou immédiate, en magasin ou sur internet, et de multiplier les points de contact avec lui. Ces observations ne sont pas en faveur d’un déclin de ces vastes pôles. Au contraire, des approches nouvelles surgissent pour s’imposer, par exemple, dans le loisir et les activités récréatives. Leurs offres se diversifient également en intégrant de nouveaux concepts tels que les « retail park », des ensembles de commerces fermés où l’on circule de l’un à l’autre à ciel ouvert. En intégrant de l’esthétique et du loisir, la forme du centre commercial change, mais cela ne semble constituer qu’une partie de la solution. Ces structures commerciales se retrouvent toujours en autarcie par rapport au reste de la ville et continuent de glorifier la consommation de masse. Les grandes enseignes dominent encore largement, ne laissant que peu d’espoir de développement à d’autres formes de commerce.

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Zapopan Mall, Guadalajara, Mexique

L’Atoll, Angers, France

Sihlcity, Zurich, Suisse

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Bercy village, Paris, France


Ces nouvelles formes apparaissent finalement comme une suite logique avec un souci dit « paysager » en plus, et ne remettent nullement en question le commerce de masse qu’elles encouragent plutôt. L’acheteur continue d’être une cible marketing et l’espace public reste très dicté, peu malléable. Certains grands projets de centres commerciaux « innovants» tendent même à s’écarter encore plus de toute réalité extérieure, avec une vraie volonté de créer un monde à part, de vrais paradis où l’on consomme de diverses manières. Même si ces pôles se trouvent bien desservis par les transports en commun et qu’une vraie priorité est donnée aux liaisons piétonnes en son sein, l’esprit du temple de la consommation est bel et bien toujours là, et même à son apogée. Souvent ces projets se cachent derrière une philosophie « éco responsable » ventant les bienfaits de ce type d’espaces pour la population et même pour l’environnement avec des termes et des intentions très floues. Cette stratégie marketing de « greenwhashing » est souvent suffisante pour convaincre consommateurs et collectivités et de les rassurer quant aux bienfaits du lieu. Avant leur construction, les projets proposent des images alléchantes d’« éco-parcs » aux formes organiques qui risquent de ne pas correspondre à la réalité. Ainsi, Europa City n’invente rien et s’inscrit dans cette nouvelle tendance de l’architecture camouflage, lovée au coeur d’une nature artificielle . Ces formes de commerce récréatives, dénuées de toute relation avec le paysage proche, tendent encore plus à éloigner le consommateur d’une certaine nature et de la réalité.

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Une démarche écologique qui se résume à la mise en avant de concepts flous (europacity.com)


Les visuels enchanteurs, presque irrÊalistes, d’Europacity

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Des scénarios précurseurs...

Dans le film L’âge de Cristal de Michael Anderson, sorti en 1976, les habitants de la Terre en 2274 vivent enfermés dans des villes «bulles », dont l’architecture ressemble grandement à nos centres commerciaux. Ils sont complètement isolés d’un monde post-apocalyptique, complètement altéré, dont ils ignorent même l’existence. Leur mode de vie, uniquement basé sur le plaisir, est géré par des ordinateurs et des automatismes. Si les habitants vivent surtout de loisirs, ils doivent mourir à trente ans pour éviter la surpopulation. Logan 5, le héros, commence à remettre en question le système et tente de s’enfuir, en quête de vérité. Le film They live, de John Carpenter sorti dix ans plus tard en 1988, met en scène le héros, John Nada, parcourant les routes à la recherche d’un travail comme ouvrier sur les chantiers. Il va rapidement découvrir une paire de lunettes hors du commun permettant de voir le monde tel qu’il est réellement, c’est à dire gouverné par des extra-terrestres ayant l’apparence d’humains. Ces derniers sont maintenus dans un état apathique au moyen d’une propagande subliminale omniprésente. Le film se trouve ainsi être un réquisitoire contre le capitalisme et les dérives d’un système social hyper-contrôlé. Dans les deux cas, les personnages principaux se retrouvent face à une réalité qui remet en cause leur existence et leur vision du monde. Ils se sentent trahis et dominés par un système dont ils ignoraient le vrai fonctionnement et se battent pour retourner à la maîtrise de leurs choix et de leur vie. Bien que poussés à l’extrême, même à l’absurde, ces scénarios, imaginés il y a plus de trente ans, mettent finalement l’accent sur des enjeux actuels : des sociétés qui subissent aveuglément un système et qui ont besoin de renouer avec la réalité, c’est à dire une vie maîtrisée faite de nature et de temporalité dans L’âge de cristal et de libre pensée dans They live.

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L’Âge de cristal, Michael Anderson, 1976 They live, John Carpenter, 1988

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C. S’immiscer dans les rouages du système Le système commercial actuellement en place dépasse la compétence de l’individu, des pouvoirs locaux et bien souvent celle des professionnels de l’urbanisme. Les grands groupes, par leur puissance, contrôlent le système et continuent largement de s’imposer en périphérie des villes. Il est ainsi très compliqué de s’insérer dans les rouages du système sans se heurter à un certain nombre d’impasses. Le groupe Auchan, désormais « Auchan holding » est un groupe de grande distribution appartenant à l’Association Familiale Mulliez. Avec près de cinquante enseignes, Il réalise un chiffre d’affaire global estimé à plus de 80 milliards d’euros et emploie 500.000 salariés dans le monde. La famille Mulliez est ainsi l’une des plus grosses fortunes de France, à la tête d’environ 23 milliards d’euros.

Les nombreuses enseignes tenues par la famille Mulliez

Depuis 1976 Immochan est la foncière du Groupe Auchan, elle est chargée de gérer les galeries commerçantes attenantes aux hypermarchés Auchan. Elle gère 370 centres commerciaux dans 12 pays (dont 108 en France). Aujourd’hui, Immochan est à la fois promoteur, commerçant, gestionnaire et investisseur des centres commerciaux du groupe. Au total, elle gère plus de 2,25 millions de m² loués en galeries commerciales.

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Face à ce modèle bien installé dans nos périphéries, à quel niveau est-il possible d’intervenir ? La solution n’est peut-être pas de lutter vainement contre un système qui nous dépasse mais plutôt d’agir à l’échelle du pratiquant. Nos modes de perception et nos pratiques à l’égard de ces espaces peuvent par exemple évoluer si ces pôles commerciaux mutent en de vrais espaces polyvalents et riches. Les comportements individuels peuvent changer par la modification de certaines habitudes, par la diversification des expériences sur et autour des centres commerciaux. Les nouvelles logiques, « d’alter-consommation », peuvent alors être mobilisées. Les schémas qui orientent les modes de consommation, la façon de commercer et les modes de distribution sont actuellement remis en question par de nouvelles pratiques (commerce responsable, économie circulaire, commerce solidaire…), entre autres favorisées par la prise de conscience environnementale. L’idée de consommation de masse standardisée semble donc mise à mal par ces nouveaux principes qui ne demandent qu’à être encouragés et à être rendus accessibles. La stratégie serait donc d’accepter le système actuel sans pour autant le subir, d’avoir conscience de son fonctionnement tout en renouant avec une certaine réalité et une certaine conscience actuellement exclues. Finalement, l’enjeu est de redonner une valeur et un rythme humain à l’acte marchand là où il n’est plus présent et de s’approprier les dynamiques commerciales en cours avec l’idée qu’elles puissent muter sur le long terme vers des logiques à taille humaine plus durables.

« Nous sommes les premiers acteurs de la propagation de ce système puisque chaque fois que nous dépensons de l’argent nous votons pour le type de monde que nous voulons », Anna Lappe.

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Que faut-il retenir de notre expérience face au commerce ? Les formes commerciales se distinguent selon les époques et les cultures, chacune reflétant un moment de l’histoire influencé par les techniques et le contexte socio-économique. Les pôles commerciaux font ainsi partie intégrante de l’évolution urbaine et ont leur place dans le paysage urbain, au même titre que les halles où les grands magasins, puisque représentatifs d’une époque. Le pôle commercial, quel qu’il soit, peut être reconnu et accepté comme un univers générique et assumé en tant que tel. Où que je sois, je rentre dans un monde connu dont les codes et les représentations véhiculés sont semblables. Ils doivent cependant être en mesure de s’adapter aux changements sociaux à venir dans les prochaines décennies. Pour cela il est important de tirer partie de ce qu’ils sont aujourd’hui, de comprendre comment ils fonctionnent et ce que recherchent ceux qui les pratiquent. Même reconnu comme générique, le pôle commercial reste sujet à raconter des histoires et à s’offrir aux regards créatifs sous un nouvel angle. C’est en apprivoisant la diversité des pratiques et des imaginaires qu’il porte, que l’on peut être en mesure de lui donner un panel de rôles, souvent négligés, voire complètement oubliés, dans l’ensemble des discours. Aussi, plutôt que d’imaginer sans cesse de nouveaux centres commerciaux, toujours plus colossaux, il semblerait plus aproprié de commencer par repenser les centres hérités de l’histoire, ces fameuses « entrées de ville » pour beaucoup en perte de vitesse et souffrant de mauvaises images.

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Tuning London - Archigram Le groupe d’architectes Archigram, propose en 1972, des concepts très similaires à ceux que l’on retrouve aujourd’hui dans nos centres commerciaux. En assumant ce «culte du plaisir», ils ont imaginé des lieux de rencontre et de consommation dans un décor éclectique et pop composé de signes et d’enseignes. Les espaces de consommation que nous connaissons se fondent sur les mêmes principes de base. Ces visuels accrocheurs dégagent cependant une certaine effervecence et spontanéité, donnant cette ambiance assez enivrante, moins apparente dans les centres actuels.

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III.Regarder autrement A. Dimension « sociale » : Distraction et repères... B. Dimension « artistique » : Sensibilité et imagination... C. Dimension « narrative » : Insécurité et conflits... D. Dimension « fantastique » : Ruines et épouvante...

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Les multiples dimensions de l’univers « zone commerciale »

Lors de mes recherches, au-delà de mon intérêt pour les écrits spécialisés autour de ce sujet, c’est à dire les regards d’urbanistes, d’architectes, de sociologues et d’historiens s’étant penchés sur la question de la grande distribution, j’ai souhaité découvrir la zone commerciale par l’intermédiaire d’autres supports. Il ne me paraissait pas légitime de prendre position sans connaître au préalable les pratiques, les désirs, les imaginaires qui émanent de cet univers complexe. J’ai cherché à y rentrer par d’autres portes qui, selon moi, allaient me permettre de l’appréhender autrement, dans sa diversité. L’objectif de cette partie est de retranscrire la diversité des pratiques et des perceptions recensées et donc de comprendre ce qui constitue l’univers de la zone commerciale en dehors de son simple rôle fonctionnel. Hors de sa simple dimension commerciale officielle, quelles en sont les dimensions officieuses ? Ces autres dimensions, répertoriées au nombre de quatre, seront présentées au travers de différents supports : des films, des photographies d’artistes, des romans, des expériences personnelles, en France ou à l’étranger… Chaque représentation nous offrant, à sa façon, une perception particulière de l’objet « zone commerciale ». Derrière cette armature rigide, il se cache un univers malléable support d’expériences variées, qu’elles soient réelles, imaginées ou encore à inventer. Ainsi il ne sera pas question d’étudier plus finement le fonctionnement d’un pôle commercial dans son aspect purement fonctionnel et réglementaire mais de le présenter tel un univers vecteur d’imaginaires afin de faire germer différents paysages de zones commerciales dans notre esprit. Une invitation à se laisser conter les lieux autrement le temps de quelques pages.

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Dimension « Fantastique » Dimension « Narrative » Dimension « Artistique » Dimension « Sociale » Dimension « Fonctionnelle »

La zone commerciale est imaginée telle un univers global venant se décomposer en un système de couches, chacune d’entre elle renvoyant à un type d’usage et de représentations bien particulier.

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A. Dimension « sociale » : Distraction et repères... Les centres commerciaux sont souvent qualifiés de « nouveaux lieux de sociabilité », il existe en effet toutes sortes d’artifices dont l’objectif est de rassembler les consommateurs, de les faire s’évader le temps d’une pause, avec la prétention de créer ainsi de l’« espace public » au sein des centres commerciaux. (Bancs, fontaines, micro-jardins exotiques…). En dehors de ces aménagements, le centre commercial et les magasins spécialisés qui le jouxtent sont propices à l’expression d’une forme de sociabilité. Se faire une place dans le flux piéton peut déjà être considéré comme un acte de sociabilité où les mouvements, les contacts et les bribes de conversation échappées nous raccrochent à un groupe. Le centre commercial est alors un prétexte à la promenade, venant tromper l’ennui, distraire, ou encore combler une sensation de solitude.

« - Comment j’ai faim... - Grave - Ça te dis on va au centre commercial ? - Vas y ! Tu sais quoi, ça va p’tete même nous donner de l’inspi ! » Comment c’est loin, Orelsan, 2015 52


« Un grand rendez-vous humain » Dans son livre « Regarde les lumières mon amour », l’écrivaine Annie Ernaux présente sous forme d’un journal qu’elle a tenu pendant un an, ses sorties dans un centre commercial de la région parisienne. « Pas d’enquête ni d’exploration systématique donc, mais un journal, forme qui correspond le plus à mon tempérament, porté à la capture impressionniste des choses et des gens, des atmosphères. Un relevé libre d’observations, de sensations, pour tenter de saisir quelque chose de la vie qui se déroule là ».

L’hypermarché y est vu comme un « grand rendez-vous humain, comme spectacle » faisant partie du quotidien des individus. Il serait aussi source d’émotions et de sensations. « En me mêlant à des inconnus, en « voyant du monde ». La présence nécessaire du monde. Découvrant par là que j’étais pareille à tous ceux qui vont faire un tour au centre commercial pour se distraire ou échaper à la solitude. Très spontanément, je me suis mis à décrire des choses vues dans les grandes surfaces. » « Mercredi 5 décembre : 16 heures. Pluie. Dans le centre commercial on ne voit pas le temps. Il n’est pas inscrit dans l’espace. Il ne se lit nulle part. Il y a remplacement des boutiques, rotation des rayons, renouvellement des marchandises, du nouveau qui ne change fondamentalement rien. Qui suit toujours les mêmes cycles, des soldes de janvier aux fêtes de fin d’année, en passant par les soldes d’été et la rentrée scolaire.»

En conclusion, Annie Ernaux se pose la question de l’avenir du supermarché, pour elle, les nouvelles formes de commerce qui émergent tendent à briser une certaine vie collective. « Je n’ai cessé de ressentir l’attractivité de ce lieu et de la vie collective, subtile, spécifique, qui s’y déroule. Il se peut que cette vie disparaisse bientôt avec la proliferation des systèmes commerciaux individualistes, tels que la commande sur internet et le «drive» qui, paraît-il, gagne de jour en jour du terrain dans les classes moyennes et supérieures .»

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Des pratiques et des coutumes au coeur de la cafétéria Ayant travaillée quelques mois dans la cafétéria Flunch du centre commercial de Bouliac, j’ai été immergée dans la vie du restaurant. J’y ai aperçu les habitudes et les comportements des personnes qui fréquentent le centre commercial. Avec des prix abordables et une offre s’adaptant à tous les moments de la journée, elle attire des profils très divers : de la famille nombreuse au groupe d’amis en passant par le voyageur en escale. Peu à peu je reconnaissais le visage des habitués, des employés dans la zone commerciale, des habitants de Bouliac ou des communes voisines venant déjeuner ou goûter après un petit tour au centre commercial. On se saluait parfois, s’échangeait quelques mots. Les clients réguliers du déjeuner, ceux de l’après-midi, venant utiliser le wifi pour travailler ou naviguer sur internet, au calme entre les deux services. Les coutumiers de l’heure du thé ou de l’apéro, plus besoin de demander la commande, un simple « comme d’habitude ? » suffisait. Sans oublier les « forfaits » à la journée entière, cela tous les jours, du début du service à la fin d’après midi.

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Avant de le vivre quotidiennement, j’aurais eu tendance à passer à côté de ce type d’usage. Tels le bistrot du village ou le café en ville, le centre commercial abrite les mêmes comportements, les mêmes désirs de distraction, de délassement. Les employés font également vivre ces espaces, même s’ils les vivent d’une autre manière. Une sorte d’envers du décor qui m’était avant presque inconnu. Lorsque ma journée de travail était coupée en deux, souvent entre 15h et 18h, ayant peu de temps pour rentrer et à la fois beaucoup trop à mon goût pour stagner dans la salle de la cafétéria, je me retrouvais à errer dans le centre commercial voire dans l’ensemble de la zone pour finalement ne pas tarder à me réfugier dans ma voiture lorsque j’étais venue avec. Finalement, même si venir en vélo était assez simple et agréable depuis le centre ville, je finissais par abandonner et privilégier la voiture lors de ce type de journée pour m’en servir de refuge. J’entendais mes collègues qui rejoignaient parfois des personnes au Mc Do un peu plus haut « histoire de changer de cadre », d’autres qui se mettaient dans un coin calme de la cafétéria pour regarder des films ou écouter de la musique. Finalement, rien de très ressourçant pour chacun. J’ai alors rêvé d’un petit coin agréable, où j’aurais pu m’asseoir quelques heures loin du tumulte du centre commercial, que je percevais lors de ces quelques mois davantage comme une fabrique d’épuisement que comme un lieu de distraction.

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« Depuis le début de sa carrière de photographe, Anna Fox a étudié les rituels fervents de la vie prenant place après les heures de travail, du jeu de guerre de week-end, jusqu’à la fête de village.» Val Williams, Loisirs, Anna Fox

Anna Fox, Resort 1, 2010

Martin Parr, The Guardian Cities, 2013

Martin Parr, 1985

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De la corvée au rituel... «... En même temps, quand je vais dans un centre commercial comme ça, je suis plutôt curieuse de ce qui se passe au niveau des personnes, plus que du décor etc. Je trouve que socialement c’est intéressant. Les familles, les parents qui gueulent sur leurs gamins..., tu vois des réalités. Même à la caisse des fois, quand je vois des mères complètement excédées, et des mômes qui braillent parce qu’ils ont vu telle ou telle chose, tu sens qu’il y a un conflit. Ou les mômes fatigués, les mecs qui en ont marre, ça m’interpelle toujours et je suis curieuse de ça, ça m’amuse intérieurement, en ville c’est plus noyé.» Laurence, Carrefour Saint-Pierre-des-Corps environ 50 ans « Je passe souvent devant (le centre commercial), j’habite pas loin moi alors en passant, je vais voir s’il y a des promotions, des choses comme ça, ou aussi prendre du pain ou un journal, et puis ça me fait une sortie hein, c’est pratique ça c’est sûre ! » Maurice, Auchan Bouliac, environ 70 ans « Il y a des personnes qui viennent tous les jours, souvent « les vieux », ils font les courses au jour le jour, comme ils avaient l’habitude de faire avant en fait, plutôt qu’un gros caddie une fois par semaine. Du coup de les voir souvent, ça créé une proximité entre caissière et clients. Avant d’être caissière je ne pensais pas pouvoir aimer faire ce boulot, je voyais le supermarché comme un lieu déshumanisé. » Aurélie, caissière à Leclerc Lorient, environ 25 ans « J’y vais pas vraiment, sauf pour faire des courses d’appoint. Il y a aucun commerce qui m’intéresse, c’est des chaînes : Paul, la parapharmacie, les banques, les trucs de téléphone, ou alors j’y vais pour quelque chose de précis.(...) Mais ça me déplaît pas d’y aller, quand j’y vais c’est que j’ai du temps, je vais faire un tour à l’espace culturel, c’est un petit moment où tu peux acheter une bricole à laquelle t’as pas pensé. (...) Le centre commercial il y a le côté pratique, en ville c’est davantage une sortie ». Christophe, Auchan Chambray-les-Tours environ 50 ans « Je trouve ça plus pratique que la ville où il faut marcher tout ça. Là je peux y aller à pied c’est pas loin ou en métro. (...) J’aime bien la proximité des magasins, tout ce que je peux rechercher je le trouve dans un centre commercial en fait. (...) Je pense qu’ils essayent de faire en sorte que ce soit un peu un paradis en mettant des fontaines, des bancs, des manèges, des trucs comme ça, c’est sûr que c’est agréable mais bon ça va pas m’insciter à y aller davantage, c’est pas vraiment naturel, enfin pour moi ça ne marche pas. » Jean, Auchan Villeneuve-d’Ascq environ 20 ans 57


B. Dimension « artistique » : Sensibilité et imagination...

A défaut d’être dénoncés et critiqués, les espaces commerciaux périphériques sont souvent sublimés, notamment par la photographie et le cinéma, qui y trouvent une ambiance esthétique, voire métaphysique. Que ce soient au travers des lignes haute tension, des publicités démesurées, de l’attitude des gens, ou encore des ambiances brutes et bitumées, de nombreux exemples montrent que cet univers inspire et se prête à des performances artistiques de tout genre en France ou à l’étranger. Qu’ils s’incrivent dans une culture populaire ou plus dissimulée, les films et les photographies, en transmettant des images, tiennent un rôle important dans la société. Sans s’en rendre forcément compte, nous sommes tous influencés par des références en mesure de bousculer nos perceptions de tel ou tel paysage, de telle situation... En donnant une place centrale à ces univers, la démarche artistique, sous ses diverses formes, prouve que comme n’importe quel autre paysage, la zone commerciale est digne d’inspiration.

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Albert Giordan, Mission photographique de la Datar, 1983-1989 59


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2


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1

Paris Texas, Wim Wenders, 1984

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J’ai toujours rêvé d’être un gangster, S.Benchetrit, 2007

3

Anna Fox Buffalo Grill,, 2013

4

Matthieu Baganus, Photographe


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Edith Roux, Euroland, 2000

« Le cadrage et le champ transforment ce que l’on méprise habituellement en quelque chose d’harmonieux et agréable au regard. » Gilles Clément

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« On s’aperçoit d’ailleurs que les images les plus interessantes ne sont pas celles qui s’approchent de la bonne photographie, mais ce sont plutôt des choses qu’on a pas l’habitude de voir en photos. Des coins de route, des choses comme ça, tout le contraire de ce que j’ai fait quand j’avais 30 40 ans. J’ai photographié des choses qui d’ordinaire ne sont pas à photographier, qui ne sont pas interdites mais qui, à priori, ne présentent pas d’intérêt. Des lieux où l’on peut imaginer qu’un jour on s’est trouvé à attendre l’autobus, à attendre quelqu’un, parcequ’on était en panne, que l’on a marché et que l’on s’est assis sur un banc, ou en roulant avec une voiture, cette espèce d’observation silencieuse. » « Je pense que ce passage résume tout,c’est à dire que ces zones intermédiaires, ces « entre deux », entre la ville et la campagne, entre la banlieue et le centre ville, ces zones qui se ressemblent partout, vont s’étendre de plus en plus... Ce sont elles que j’ai photographiées. On reconnaît parfois que l‘on est sur tel ou tel continent à certains matéiriaux, à la végétation, à la façon dont on construit les maisons, mais ce n’est pas là le plus important. Si différents soient-ils et séparés par des milliers de kilomètres, tous ces pays connaissent une globalisation. » Raymond Depardon, Errance, 2004

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Lewis Baltz, California 1974

Frank Gohlke, Los Angeles 1974

Raymond Depardon, Errance, 2004

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C. Dimension « narrative » : Insécurité et conflits...

La zone commerciale peut être synonyme de danger. Elle est soumise à des pratiques plus officieuses qui se dévoilent dans l’espace-temps oublié des pratiques officielles. Que se passe t-il derrière les hangars ou dans la friche à côté du centre commercial ? Une fois la nuit tombée, le parking déserté, les commerces s’éteignent et laissent place à une toute autre ambiance. L’inhospitalité d’un vaste parking obscur est le décor parfait pour de nombreux scénarios de films et de romans policiers, de thrillers et de légendes urbaines plus lugubres les unes que les autres. Que ce soient l’ambiance inquiétante d’un parking, l’effervescence d’une foule d’inconnus, de nombeuses situations se révèlent théâtres d’assassinats, de disparitions, d’enlèvements ou encore d’attentats. Ces histoires restent dans nos têtes et nourrissent nos craintes et nos à priori vis à vis de cette autre dimension de la zone commerciale. A croire que c’est finalement dans un espace normé et bien sectorisé que l’on est au plus près de la marginalité, qu’on la côtoie sans même la remarquer.

« Le Parking d’un centre commercial était sans nul doute la pire scène de crime possible, mais jusqu’à présent la police avait réussi à contenir le chaos. » Brasiers Derek Nikitas

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« - Quand je dors des fois je pense à plein de choses, et je pense à toi, - à moi ? - Oui tout seul, toute la nuit, sur ton parking, t’as jamais peur ? - Nan - Moi j’aurais peur »

Jamais de la vie, Pierre Jolivet, 2015

La Braconne, Samuel Rondiere, 2014

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Là où consommer est devenu un acte banal et conforme à la norme sociale, « travailler au centre commercial » est à l’inverse souvent synonyme de précarité. De nombreuses histoires commencent alors ainsi, des protagonistes travaillant comme gardiens ou comme employés par exemple, dont le quotidien devient pesant et sans goût. Ils aspirent alors à un autre avenir et se retrouvent alors mêlés à d’autres réalités (deals, vols, braquages, squat...). On comprend aisément à travers ces histoires que l’univers du centre commercial, en façonnant un portrait type du « bon consommateur », parallèlement creuse les écarts sociaux en fabriquant des complexes et des préjugés. La société se retrouve divisée en deux clans : les consommateurs et les perturbateurs.

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Dans certains films, les caméras cherchent à tirer parti du décor banal et figé de la périphérie commerciale et fabriquent une atmosphère bien particulière, presque poétique (Cf : j’ai toujours rêvé d’être un Gangster). Dans cet univers de no man’s land, qui apparaît alors clos dans nos esprits, la sensation de solitude devient très forte. Comme isolés du monde, des personnages atypiques nous font vivre des histoires en parallèle d’une pratique qui se voudrait « normale ».

Le grand soir, Benoît Delépine et Gustave Kervern 2011

« - C’est un des rares endroits au monde où tu peux te promener dans des bâtiments aux normes, avec des gens aux normes, entouré de produits aux normes. - Et ta connerie elle est aux normes ? »

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J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Samuel Benchetrit, 2007

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Le petite fille en rouge, Aaron Frisch 2013

L’univers de la périphérie commerciale trouve également sa place dans les contes pour enfants. L’album La petite fille en rouge est une adaptation moderne du petit chaperon rouge. Ce dernier ne se laisse alors pas distraire par la forêt mais par un centre commercial. Elle y perd tous ses repères et se retrouve à errer derrière des hangars inhospitaliers...

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Un après-midi de plomb, Thierry Smolderen 1998

Dans un autre registre, Un après-midi de plomb , met en scène la quête acharnée de deux femmes pour retrouver les terroristes qui ont décimé leurs familles lors d’une attaque dans un grand supermarché. Cette histoire s’inspire de faits réels, l’affaire des « tueries du Brabant », en Belgique de 1982 à 1985. 73


D. Dimension « fantastique » : Ruines et épouvante...

Cette dernière dimension laisse le champ libre à l’imagination. Le centre commercial, symbole fort de la société de consommation, passe du statut de temple fantasmagorique à celui de labyrinthe cauchemardesque. Zombies, esprits et autres créatures d’épouvante viennent habiter les lieux et prendre au piège les personnages, des individus auxquels il est généralement facile de s’identifier. Les longs couloirs désertés, les lumières qui frémissent, des échos provenants de nulle-part... Tous les codes du cinéma d’épouvante viennent se greffer à ce décor de choix et nous laissent imaginer les ambiances les plus inquiétantes que peut renfermer cet espace. Tout est désormais prétexte à effrayer, les objets habituellement familiers et presque rassurants prennent un nouveau sens : mannequins, miroirs, caddies... Souvent, les scénarios mettent l’accent sur une sensation d’enfermement qui devient de plus en plus opressante, le centre commercial devient alors un énorme piège... Ironie du sort ! Ainsi, en plus d’être le prétexte à l’épouvante, ces univers angoissants sont aussi dénonciateurs et critiques d’une société qui finit, tôt ou tard, par payer son extravagance.

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Zombie, George A. Romero, 1983

« - Qu’est ce diable que cela ? - Cela a l’air... d’un centre commercial. L’un de ces grands ensembles couverts. - Oh mon dieu ! ... - Mais que font-ils ici ? Pourquoi viennent-ils ici ? - Une sorte d’instinct, de mémoire... de ce qu’ils avaient l’habitude de faire. C’était un lieu important dans leur vie. »

Darr @ the Mall , Pavan Kirpalani, 2014

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Dixie Square - Harvey, Illinois (1966 - 1978)

Randall Park - North Randall, Ohio (1976 - 2009)

Rolling Acres - Akron, Ohio (1975 - 2008) Seph Lawless

Randall Park - North Randall, Ohio (1976 - 2009)

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Rolling Acres - Akron, Ohio (1975 - 2008) Seph Lawless

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The Last of Us, 2013

Dead rising, 2006

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À en voir les nombreuses références qui circulent sur le web, dans la cinématographie mais aussi dans les jeux vidéos, il est possible d’affirmer que le centre commercial est le fruit de nombreux fantasmes liés au chaos et à la destruction. Face à un univers entièrement maîtrisé dont nous sommes finalement les cibles naïves, l’effondrement apparaît comme l’une des rares manières de se libérer de ce carcan. Ainsi, les vieux centres commerciaux abandonnés, les plus impressionnants se situant aux Etats-Unis, fascinent pour leur aura presque mystique et par l’immense ruine, physique et sociale, qu’ils représentent. Cet univers déserté envoûte et terrifie à la fois, un décor parfait pour des jeux-vidéo d’immersion. C’est le cas de « the last of us » où des personnages se retrouvent à survivre dans un monde post-apocalyptique ravagé. Là encore, au travers de cette esthétique captivante, les auteurs cherchent à dénoncer les limites et les menaces de notre société de consommation.

« Je voulais que les Américains voient ce qui se passe dans leur propre pays, dans le confort de leurs maisons de banlieue et de leurs smartphones. Je ne pense pas que les problèmes de notre pays se règleront, à moins qu’on ne les regarde en face. » Seph Lawless, Photographe

Selon les influences et la personnalité de chacun, là où certains voient la rencontre ou la rêverie, d’autres ont tendance à voir la violence ou le chaos. Toutes ces représentations sont à prendre en compte et à cultiver conjointement dans l’esquisse de la périphérie commerciale de demain.

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IV . Expérimenter A. De la zone à l’espace vivant B . Dérive à contre-courant C. Faire levier par le paysage

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A. De la zone à l’espace vivant Décrire et accepter la zone commerciale comme un univers générique n’exclut pas pour autant d’oublier la question de l’identité. Chacune se distingue alors des autres par son contexte paysager, ses interstices, ses horizons... Par son paysage !

L’univers générique « zone commerciale » et ses multiples dimensions Le socle paysager spécifique

Dynamiques et perspectives Il est désormais important de relier cet univers commercial à un paysage qui lui est propre. Cela sera expérimenté au travers du site de Bouliac, aux franges de la métropole bordelaise. Enveloppé par la rocade, ce pôle commercial représente, de par sa situation, une véritable porte vers Bordeaux (entrée privilégiée située au SudEst). Il représente également une ouverture de choix vers les paysages de l’Entre-deux-Mers. Le site de Bouliac est porté par deux locomotives commerciales, Auchan et Leroy Merlin. Le centre commercial Auchan est un centre commercial « intermédiaire ». Sa galerie apparaît peu développée selon un échantillon de personnes interrogées.

Panorama sur la plaine depuis la place de l’église

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Communes voisines

Entre-deux-Mers

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Aire d’influence de la zone commerciale de Bouliac

De même, la qualité des aménagements, de l’architecture et l’ambiance, sont décrits comme des points à améliorer. Toutefois, sa desserte « pratique » par la rocade, et ses deux grosses enseignes, en font un pôle attractif avec une taille restant « supportable » comme l’expriment certains pratiquants. En plus des communes proches (Bouliac, Floirac), la zone commerciale draine la population Sud-Est de la métropole.

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1950

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1984

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Le site commercial de Bouliac est assez récent, il émerge suite à la mise en place de la route départementale D113 vers 1980. Son attractivité se renforce avec le pont autoroutier FrançoisMitterrand en 1993 qui, parallèlement, vient le borner. Le site reste donc contenu par la rocade. Au delà, l’inondabilité potentielle limite considérablement l’urbanisation dans la plaine. De l’autre côté de la rocade la société Immochan possède pourtant une vaste réserve foncière, achetée il y a un certain nombre d’années déjà, l’objectif de la société était d’y accueillir une extension de la zone commerciale. D’après le service urbanisme de la ville de Bouliac, le PPRI va être révisé en 2018 mais va garder les mêmes prescriptions sur cette partie du territoire.

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Pleine d’ambitions, la société Immochan se retrouve pourtant coincée. Elle doit se résoudre à adapter son discours et ses projets à la réalité du site, d’autant plus face aux volontés communales qui sont avant tout de «rester naturelle» et de remettre en valeur l’existant dans la plaine. La commune de Bouliac, Immochan et Bordeaux Métropole vont travailler ensemble sur cette partie du territoire dans l’objectif d’une requalification future. Ce projet est à venir dans les prochaines années. En lisière de la métropole, la réflexion sur ce territoire doit également intégrer le projet Euratlantique au niveau de Floirac (Arena, pont Jean-Jacques Bosc, nouveaux habitants...), qui aura une influence non négligeable sur l’ensemble du Sud-Est de la métropole Bordelaise.

Parcelle appartenant à Immochan Périmètre PPRI Activités industrielles et tertiaires Emprise de la zone commerciale Habitat résidentiel

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Vers Bordeaux

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Prairies humides


L’île d’Arcins depuis la piste cyclable

Les paysages vallonnés de l’Entre-deux-Mers, à proximité de Cénac, depuis la voie cyclable Lapébie

À la croisée des chemins En voiture ou en vélo, après avoir traversé les ambiances industrielles et commerciales le long des quais de la Souys, entre les communes de Floirac et Bouliac, on se retrouve rapidement entouré par les parcelles agricoles et les hameaux de caractère. Les hangars continuent de s’y disperser le long de la départementale 113, toujours surmontés par le ballet des lignes haute-tension, pour petit à petit se regrouper aux entrées des communes. Cernées entre le fleuve et le coteau, qui continuent de nous accompagner, les terres agricoles se réaffirment peu à peu pour finalement s’imposer dans le paysage périurbain. Vers Sauveterre-de-Guyenne

Coteau boisé

La succession coteau, palus, fleuve, dessine un paysage identitaire dans lequel est venu s’installer le site commercial de Bouliac. En plus d’être à la croisée de formes paysagères bien distinctes, il bénéficie de la proximité de sites devenus des repères attractifs de la ville de Bordeaux : l’île d’Arcins au Sud du pont François Mitterrand, l’extrémité sud du Parc des coteaux, ou encore la voie verte Roger Lapébie qui empreinte le tronçon d’une l’ancienne voie ferrée de Latresnes aux coteaux viticoles vers Sauveterre. A ces trois espaces nommés a été attribuée une fonction paysagère et récréative, et donc une reconnaissance « officielle » de la part de la ville et de ses habitants. Située quasiment à leur carrefour, la zone commerciale de Bouliac vient mettre en suspend cette attractivité, tel un obstacle entre plusieurs paysages d’intérêt.

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B . Dérive à contre-courant Si les différents paysages sont bien lisibles sur une carte, ou bien depuis une traversée en voiture, qu’en est-il en plein cœur du lieu ? Je souhaite, à l’occasion d’une session de terrain particulière, faire l’expérience des abords de la zone commerciale. En rentrant dans les lieux par la porte du paysage, le site est ainsi testé « en négatif ». L’objectif est d’apprivoiser le paysage au travers de ses quelques vestiges, laissés dans les interstices, et de vivre ainsi le site à contre courant, de percevoir ce qui est insaisissable lors d’une pratique conventionnelle. Une autre manière de parcourir : par les franges et les délaissés. Un nouveau moyen de se déplacer : via la marche. Un objectif de visite qui ne soit ni l’acte d’achat ni la distraction. Sans but particulier, avec seulement un point de départ m’imposant un itinéraire en forme de boucle, je me suis retrouvée à dériver dans la zone en me frayant progressivement un chemin au travers de ses interstices.

« Une ou plusieurs personnes se livrant à la dérive renoncent, pour une durée plus ou moins longue, aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles se connaissent généralement, aux relations, aux travaux et aux loisirs qui leur sont propres, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent. La part de l’aléatoire est ici moins déterminante qu’on ne croit : du point de vue de la dérive, il existe un relief psychogéographique des villes, avec des courants constants, des points fixes, et des tourbillons qui rendent l’accès ou la sortie de certaines zones fort malaisés. » Guy Debord, théorie de la dérive

En échangeant le mode de transport habituel et pratique de la voiture contre un mode plus marginal et inconfortable, la marche, l’espace prend une autre valeur. J’ai pris conscience d’un paysage qui m’était jusqu’à présent dissimulé lors d’une pratique conventionnelle de la zone commerciale. Comme l’exprime très bien Jean-Marc Besse, «marcher c’est transformer l’espace de la ville en histoire, en récit ».

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L’expérience de terrain s’est accompagnée d’une récolte multisensorielle : les sons immédiats ou lointains, les textures et matériaux foulés et frôlés ou encore les odeurs émanées au fil du parcours, tous ces éléments fabriquent des sensations et restent en mémoire. Je souhaite retranscrire cette expérience de terrain par l’intermédiaire des indices récoltés relatifs à la nature des paysages traversés. Le dessin est un outil de compréhension permettant de rentrer finement dans le lieu. Il m’a permis de faire ressortir les éléments marquants et d’insister sur les situations clefs du parcours. Je pars aussi de l’idée que de dessiner l’oublié et le non regardé est un premier moyen de porter de l’intérêt à un paysage, de le faire exister. Les sonorités, les odeurs, les sensations tactiles mises en avant constituent l’ambiance caractéristique de ces lieux. Enfin, les végétaux sont des indicateurs précis des milieux traversés.

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Retranscription du parcours effectué

Espaces «délaissés» aux franges de la zone commerciale Départ et Arrivée Itinéraire Demi-tours forcés

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Retranscription sonore du parcours Intensité Son cinglant : immédiat Son modéré : proche Son estompé : lointain Son doux : peu audible

Fréquence Fréquent Saccadé Régulier Silence 95


Solitude Aux franges de la zone commerciale je n’ai rencontré presque personne, si ce ne sont des véhicules et quelques cyclistes croisés à vive allure sur les berges. C’est un sentiment de solitude très fort qui a accompagné mon parcours. Etrangement, c’est lors de la traversée d’un quartier pavillonnaire que ce ressenti a été le plus fort.

Saule fragile 96


Malaise Ce serait mentir d’affirmer qu’errer dans les interstices de l’espace périphérique fut un agréable moment. Traverser à pied les parkings des différentes enseignes sans s’y arrêter a quelque chose d’inconfortable et de gênant, comme la sensation d’enfreindre le protocole d’usage de l’espace. Arrivée dans un espace plus « libre », je gardais mes distances face à la végétation chaotique qui abritait ponctuellement, et de manière inattendue, des pratiques marginales (squats divers et variés, décharges...). Dans un cas comme dans l’autre, mon pas était rapide et méfiant.

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Désillusion Prendre de plein fouet les sorties d’autoroutes, le vacarme chaotique des ronds points, Avoir tout son temps, au rythme de la marche, pour observer cet amas d’espaces abandonnés, rompus, négligés... Devoir sans cesse se motiver d’avancer, toujours plus vite, avant que nos têtes n’explosent.

Ronce commune

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Aubépine

Roseau commun

Optimisme Tout de même, cette « promenade » n’était pas si épouvantable. Entre deux moments difficiles il était possible de respirer. Les traversées grisonnantes et tumultueuses laissaient alors place à des ambiances verdoyantes et surprenantes donnant bon espoir.

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Peuplier noir

Contrastes J’ai aimé ces situations étonnantes où l’on se retrouve spectateur du gigantisme depuis des cheminements accueillants. On peut alors prendre le temps de lever la tête et de se laisser impressionner par l’extravagance des lignes haute tension, de se surprendre à apprécier la silhouette d’une franchise qui se dessine à travers les herbes hautes. En se rencontrant ainsi, la friche et la zone commerciale créent une nouvelle scénographie. C’est comme si, à ces instants, je pouvais enfin prendre le temps de regarder autour de moi et de comprendre ce qu’il s’y passe.

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Obstacles Pour un piéton, la périphérie est un royaume d’impasses s’il cherche à naviguer d’une entité à une autre : barbelés, friches indomptables, murs et barrières, impasses, chemins tronqués par les grandes voies de circulation... Bien que m’attendant à cela je n’aurais jamais imaginé passer la moitié du parcours à revenir sur mes pas cherchant un autre moyen, souvent moins confortable que le premier, pour poursuivre ma route.

Robinier faux-acacia

Cornouiller sanguin

Orme champêtre 101


Refuges Cheminer sous la protection d’une voûte de végétation représentait des moments de confort, plus ou moins brefs. Même en restant proche, voire immédiat, le vacarme était estompé. Le tunnel protège et rassure.

Frêne commun

Centaurée jacée

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Vesce cracca

Indices Les marqueurs d’une activité passée ont peuplé le parcours : des hameaux anciens que l’on retrouve aux franges de la zone commerciale, des fragments de chemins ruraux venant désormais se heurter à l’arrière d’un hangar commercial ou s’échouer sur les barrières des axes de circulation. L’ancienne voie ferrée, à présent enveloppée par la végétation spontanée se lit encore clairement. J’aurais aimé la parcourir dans sa longueur mais tantôt l’enfrichement dense, tantôt l’autoroute furent des barrières de taille.

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La plaine et la friche ferroviaire Sud : un contexte agricole en tension La friche EDF et le tronçon ferroviaire Nord : Une brèche dans la zone d’activités !

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Les berges et la route du bord de l’eau : un entre-deux en vibration

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C. Faire levier par le paysage histoi

Cette découverte piétonne et sensitive des franges et des délaissés de la zone commerciale a été le moyen de définir trois lieux clefs, ou plutôt trois groupes de lieux, pouvant servir de leviers pour bouleverser les perceptions et les pratiques de la zone commerciale. Ils nous laissent lire les saisons, entrevoir l’histoire du lieu : ils raccrochent la zone commerciale à un paysage. Chaque ensemble s’inscrit dans un contexte qui lui est propre et offre un point de vue caractéristique. Ces lieux ont été choisis pour leur qualité d’intermédiaires. Bien qu’ils soient aux franges de la zone commerciale, ils sont à la même occasion les espaces oubliés entre deux logiques périphériques, des interstices autour desquels s’articulent des espaces à la fonction bien définie. Chacun à leur manière, ils mettent en scène le contraste. Ils nous accueillent dans un décor boisé, où la nature reprend ses droits avec force et extravagance, tout en nous laissant continuer d’apercevoir l’effervescence du monde périphérique. Ces points de vue hors normes ont quelque chose de captivant.

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La friche EDF et le tronçon ferroviaire Nord : Une brèche dans la zone d’activités !

Un petit port, servant de point d’embarquement et de débarquement était établi au niveau de l’embouchure du ruisseau de La Jacotte : Le port du Vimeney. Les champs d’osiers ou « vîmes », constituant à cette époque le paysage agricole de cette partie de la plaine, expliquent cette dénomination. Un chemin du même nom longeait La Jacotte, ce petit ruisseau marque, encore aujourd’hui, la limite entre les communes de Floirac et Bouliac. Ce chemin ancien de Vimeney, menant autrefois au port est aujourd’hui rompu par la rocade et n’est presque plus lisible dans le paysage. Il est identifiable sur de vieilles cartes.

Le chemin du Vimeney (en rouge), associé au domaine du même nom. Carte de l’Etat Major, XIXe siècle 106


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Un tronçon de l’ancienne voie ferrée, en friche et actuellement impraticable, relie directement l’actuel chantier de la ZAC de Floirac à la rue de la Gabarre. Ce tronçon mène directement au pôle commercial et se termine par une vaste friche couronnée par une collection de lignes haute tension. La ZAC communique avec cette vaste parcelle par ce corridor ferroviaire où se succèdent les ambiances industrielles : gravière, centre de transformation EDF, industrie chimique... Une fois arrivé au bout, le ruisseau de la Jacotte sépare le piéton de la route, ce dernier se retrouve à longer un bois spontané sur un chemin se faisant de plus en plus difficile à distinguer. Le bois devient de plus en plus conséquent à mesure que l’on se rapproche des hangars, les percées se font très rares mais, lorsqu’elles existent, laissent apercevoir des pratiques incongrues (tentes, camionnettes, détritus...).

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La plaine et la friche ferroviaire Sud : un contexte agricole en tension

La plaine de Bouliac, en contrebas du coteau est marécageuse. Afin d’y réguler l’eau, tout un réseau de fossés et de Jalles est mis en place au XIXe siècle. Selon les marées, l’ouverture d’un système de clapets permet soit d’irriguer, soit d’évacuer les eaux retenues. Les palus, d’une grande fertilité accueillaient principalement de la vigne, des prés et des oseraies. La première ligne de chemin-de-fer traversant la plaine de Bouliac, reliait Bordeaux à La Sauve. Elle fut inaugurée en 1873. Au début ce train transportait aussi bien des marchandises et des passagers, la ligne fut fermée pour les voyageurs en 1951 et perdit toute activité en 1979. Aujourd’hui, la ligne est aménagée en voie verte, de Latresne jusqu’à Sauveterre-de-Guyenne.

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Au delà de la rocade, la plaine, creusée par son réseau de Jalles, est reine. De vastes parcelles, tantôt en friche, tantôt pâturées, séparent l’agitation du pôle commercial de la tranquillité pavillonnaire, telle une « zone tampon ». Aujourd’hui, exceptée la présence de quelques vaches qui pâturent, la plaine revêt plutôt une allure de no man’s land. Coincée entre la rocade et les routes annexes, camouflée depuis la route de Latresnes et ignorée des parcelles pavillonnaires, qui semblent se protéger d’un décor encore assez « électrique » par des arbres ou des haies, la plaine sépare plus qu’elle ne relie. Elle s’avère pourtant être un véritable potentiel de part la richesse de ses terres et sa qualité d’espace «naturel» pérenne. L’ancienne voie ferrée vient percer la plaine, après avoir traversé une bonne partie de l’Entre-deux-Mers. Elle part ici du chemin des collines, une route historique menant auparavant au port de Bouliac, et vient se heurter à la rocade. Ce tunnel de végétation nous isole quelques temps et nous offre des fenêtres sur les parcelles pâturées. Plus on remonte vers la rocade et plus la friche reprend le dessus de part et d’autre de la voie ferrée. Parallèlement les échos du trafic nous rappellent la réalité du lieu qu’on aurait presque tendance à oublier.

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Les berges et la route du bord de l’eau : Un entre-deux en vibration

Les berges accueillaient un autre port plus important : le port des Collines. Il s’agissait probablement d’un des lieux les plus animés de la ville lors des siècles passés puisque les échanges commerciaux se faisaient essentiellement par la Garonne. Le chemin des collines, aujourd’hui entravé par la route départementale, traversait le marais et reliait le bourg de Bouliac au port. Autour du port, la rive était bordée par de grands domaines qui ont récemment laissé place aux activités commerciales et industrielles. Les carrelets, apparus au XVIIIe siècle animaient également la vie des berges. Ils font aujourd’hui encore partie du paysage fluvial.

Le marais et les berges Carte de l’Etat Major, XIXe siècle

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En longeant les berges, il faut attendre d’arriver au bout des quais de la Souys pour que la route du Bord de l’eau prenne le relais et nous emmène dans une nouvelle ambiance. Il est alors possible d’apprécier le bord de Garonne dans de meilleures conditions. Rapidement, la berge s’épaissit et laisse la possibilité au piéton de s’aventurer plus près de l’eau, de découvrir l’ambiance particulière en dessous du pont de la rocade, les contrastes de végétation en clair-obscur, des points de vue singuliers sur cette partie Sud de la ville. Mais pour le moment, les squats et les amas de détritus surprennent et éloignent le promeneur aventureux qui finit par abandonner son hors-piste. Dans un premier temps la route du bord de l’eau met en scène quelques hangars accueillant des activités industrielles et tertiaires. Après le passage sous le pont, le paysage s’ouvre sur des parcelles et sur des hameaux au caractère ancien, comme si le passage de la rocade officialisait l‘entrée et la sortie de la ville. Si l’on continue encore, les belles demeures anciennes en pierre bordelaise se font de plus en plus nombreuses, de plus en plus imposantes. On oublie rapidement ce que l’on a traversé 500 mètres avant, comme si l’on rentrait brusquement dans un îlot préservé du remodelage périphérique. Cette transition est étonnamment brutale.

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Déborder du cadre Ensemble, ces lieux stratégiques font émerger le paysage au premier plan. En bordure du pôle commercial, ils viennent donner du sens au lieu qui ne se résume plus à une simple « zone ». De nouvelles logiques se dessinent entres ces lisières et la zone commerciale. Le site est pensé comme un pivot entre la ville et sa périphérie. Il devient une pièce structurante, génératrice de liens, plutôt qu’une pièce isolée. Ces lieux peuvent ainsi se révéler les supports de nouvelles pratiques, de nouveaux moyens de déplacement et donc de nouvelles expériences face au paysage périphérique. L’intention sera de leur donner une vocation particulière, propre à leur situation, tout en dessinant un projet global venant influer sur le pôle commercial.

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Schéma directeur Axe central, support de modes de transports doux Axes secondaires existants et à renforcer (piétons et cycles) Axe mixte fédérateur Point d’articulation clef

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V. Se faire une place A. Points de vue « périféériques » B. Accompagner le regard, éveiller la curiosité

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Vers une périphérie résiliente et fructueuse En intervenant sur les lisières oubliées de la zone commerciale, l’espace prend un autre sens. Tout en essayant de s’allier, de cohabiter avec le système en place, en le comprenant et en le regardant autrement, l’objectif est également de le percer, en initiant des pratiques et des regards venant le contredire. Avec tout le potentiel que représente la périphérie, elle a toutes les caractéristiques pour être le « laboratoire urbain » de ces prochaines années. Elle pourrait servir de base solide à la reconstruction d’une économie plus solidaire et durable reposant sur des savoirs concrets. Bien souvent toutes les démarches nouvelles et alternatives (permaculture, jardins partagés, fermes pédagogiques, agriculture urbaine…), se concentrent en centre-ville, en milieu rural ou dans les campagnes périurbaines. Des territoires parfois assez exclusifs et finalement pas toujours accessibles à la majorité. En proposant de nouvelles pratiques et de nouveaux regards, venant se confronter directement à la grande distribution, se crée une dualité entre deux systèmes. Le consommateur deviendrait davantage un pratiquant qui se construirait alors, petit à petit, sa propre expérience du lieu et son opinion personnel quand à sa manière de consommer. La zone commerciale se dissoudrait et laisserait progressivement place à un paysage engageant et utile, une sorte d’écosystème résiliant et durable s’affirmant au fil des années. L’intérêt du projet de paysage ne réside pas dans sa forme finale mais davantage dans le processus menant à la fabrique d’un nouvel espace de vie. Le résultat ne se lit pas seulement dans le paysage mais aussi dans les comportements qui l’habitent. C’est le pratiquant qui fait vivre et fonctionner le projet, le rôle du paysage, et donc du paysagiste est de l’accompagner.

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Système de la grande distibution Système alternatif

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Des actions à échelle humaine pour des mutations globales sur le long terme

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Petit à petit ces pratiques s’affirment et séduisent de plus en plus la population locale et les visiteurs curieux.

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Le contact entre les deux logiques devient poreux.

Les habitudes changent et influencent à leur tour le paysage. Le système originel perd de sa force, il doit s’adapter à de nouvelles demandes. 123

De nouvelles pratiques viennent se faire une place au sein de l’actuelle lisière oubliée de la zone commerciale.


A. Points de vue « périféériques »

Traversée des jardins ouvriers

Floirac Traversée villageoise

Traversée industrielle

Bouliac

Traversée agricole

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Latresne Traversée des collines de l’Entre-deux-Mers

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Un axe transversal fédérateur Le site de Bouliac possède de nombreux leviers paysagers, l’axe de l’ancienne voie ferrée vient en dessiner l’ossature. Partiellement restaurée en voie piétonne et cyclable, comme par exemple au niveau des jardins ouvriers de Floirac et à partir de Latresne, il fait l’objet d’aménagements discontinus. Ce corridor vert s’impose pourtant comme une liaison transversale majeure venant traverser tantôt les ambiances de villages, tantôt les ambiances industrielles pour s’engager ensuite dans le paysage agricole, dernière ligne droite avant de grimper les collines de l’Entre-deux-Mers. La rocade vient rompre le tracé aux limites des communes de Floirac et Bouliac et vient, par la même occasion, marquer la transition entre ambiances industrielles et ambiances agricoles. C’est également à cet endroit que le ruisseau de la Jacotte disparaît sous la rocade.

La matérialisation de cet axe central symbolique est apparu évidente. Il apparaît comme l’armature de la plaine dont la logique dépasse la limite créée par la rocade. Le tronçon entre Floirac et Latresne est particulièrement intéressant puisqu’il accompagne l’évolution du paysage métropolitain vers l’Entre-deux-Mers, cela sans se soucier des limites administratives. Le rétablissement de ce lien transversal doit précéder toutes autres actions. C’est une fois la plaine, les zones commerciales et industrielles irriguées, que des projets plus précis pourront se dessiner.

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La passerelle comme couture et coeur d’attraction La passerelle, en plus de représenter une connexion physique, est un objet ludique. Elle laisse apercevoir les horizons, tout en préservant ses mystères, elle attise la curiosité et met en scène son paysage immédiat en le donnant à lire. Par la traversée, l’individu prend également conscience du paysage. C’est un moment où il prend de la hauteur, où il se repère à l’aide de lignes structurantes dessinées par la végétation ou par les formes bâties. La passerelle crée l’événement à elle seule. Avant d’être liaison, j’imagine donc cette structure belvédère et promenade. Face au caractère brutal du pôle commercial, la passerelle doit s’imposer comme un élément remarquable venant annoncer une liaison douce, en totale dissonance avec les modes de pratique habituels. Tout en le mettant en spectacle, elle concurrence ainsi l’univers commercial d’un point de vue visuel et fonctionnel. Dans un contexte dominé par l’atmosphère routière, la forme d’une telle passerelle doit aussi être rassurante afin d’accompagner confortablement le voyageur. Ce dernier doit se sentir protégé tout en conservant des points de vue vers l’extérieur.

Vers Bordeaux, par Floirac

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Vues orientées sur l’ensemble du paysage

Vers Latresne, Entre-deux-Mers

Par une forme volontairement brisée, la passerelle propose plusieurs points de vue, cela au travers d’une évolution non linéaire. Cette forme permet également d’esquiver les lignes haute tension.

Vers Centre commercial et berges

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Passerelles à Mexico

Photo : Marie Lefrançois

Saturée par les flux, la ville de Mexico doit offrir une place au piéton par la mise en place d’un nombre indéfini de passerelles qui enjambent les axes routiers colossaux de la capitale. Malgré l’impression de désordre causée dans le paysage, ces structures offrent plusieurs niveaux de lecture et des expériences assez saisissantes sur la ville.

Références : Ces passerelles sont à la fois graphiques et originales par leur forme, et donc attractives. Elles jouent avec les niveaux, les ouvertures, les matériaux et les couleurs.

Puente de Arganzuela, Madrid Passerelle Simone-de-Beauvoir, Paris

Amgen Bridge, Seattle

Passerelle de Villetaneuse, Île de France Webb Bridge, Melbourne

Pedestrian Bridge, Shangai

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Melkweg Bridge, Purmerend


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Une idĂŠe du paysage perceptible depuis la promenade panoramique : vue Ouest

Une idĂŠe du paysage perceptible depuis la promenade panoramique : vue Sud 129


B. Accompagner le regard, éveiller la curiosité

LE JARDIN DE VIMENEY

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L’ENJA M

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LE PARC AGRICOLE PARTAGÉ

LA CONFLUENCE DU BORD DE L’EAU

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De l’oublié à l’espace pratiqué

Les trois secteurs précédemment présentés et faisant l’objet de propositions d’actions dans ce travail sont en partie occupés par une végétation spontanée. Si elle n’est pas gérée, cette végétation évolue naturellement vers un état stable : la forêt. Cette évolution vers la forêt comprend trois stades : - Stade herbacé : envahissement par les grandes herbes, - Stade arbustif : embroussaillement, espèces arbustives, - Stade arboré : boisement spontané, apparition de ligneux. Selon que l’on soit en ville, à la campagne ou comme ici en lisière de zones d’activités et commerciales, l’utilisation faite de ces lieux, délaissés de toute activité « officielle », varie. Ici les squats et les zones de décharges viennent largement dominer les lieux. Ces pratiques sont justement encouragées par l’état d’abandon de ces espaces. La végétation, selon qu’elle soit haute, basse, sinueuse, transparente... va influencer nos ressentis. De même si les cheminements sont étroits, larges, sauvages, voire inexistants, des sentiments d’insécurité, d’oppressement, et de confusion peuvent s’installer. À l’inverse, des sensations plus positives de bien-être peuvent être ressenties. Ainsi cette gestion de la végétation apparaît comme une première étape essentielle si l’on veut changer le statut de ces lieux. Elle va orienter les types d’usages souhaités. L’objectif est de conserver la richesse écologique de ces espaces spontanés, voire de la renforcer, tout en leur offrant une vocation humaine et paysagère. Tant que possible, il s’agira donc de s’appuyer sur les espèces existantes.

132


Végétation spontanée (sans gestion) - Peut susciter un sentiment d’insécurité - Difficulté de déambulation - Perte des repères

Exemples de modes de gestion :

Clairières - Changer d’ambiance - Alternance d’espaces étroits et ouverts - Multiplier les lisières, et donc les strates végétatives - Laisser entrer la lumière

Cheminements lisibles - Être camouflé sans se sentir en insécurité - Anticiper son parcours - Ambiance forestière

Jeux de strates - Rester visible - Se repérer facilement - Mesurer les distances

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Le jardin de Vimeney Avec la voie verte, nouvel axe centralisant, et la proximité immédiate de la passerelle, ce secteur reprend du sens en tant qu’articulation piétonne. Au coeur des ambiances industrielles et commerciales, le jardin des vîmes, en référence à l’activité passée du lieu, vient créer une halte pour promeneurs, travailleurs et consommateurs.

Vers Bordeaux par Floirac

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Vers la route du bord de l’eau

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Le sentier principal évolue entre un alignement structurant de ligneux et le ruisseau de la Jacotte. Les axes secondaires ouvrent des perspectives sur le fond du jardin et donnent accès à des chemins plus spontanés.


La parcelle se divise en deux ambiances. En raison de son appropriation par l’alignement de lignes haute tension, la partie Est reste quasiment intacte.

La pelouse multi-usages

Les micro-jardins, structurés par les espèces buisonnantes et des plantations de saules

La végétation reste au stade herbacé et vient créer à cette occasion un parvis faisant dialoguer la passerelle et les lignes hautes tensions.

Passerelle

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Tronçon sous pergola ornée de vigne Le coin cabanes : ateliers et expositions autour de l’osier

Plantations de saules La nature humide du lieu a naturellement encouragé la présence de peupliers, de frênes, d’ormes.

La partie Ouest contraste avec la précédente, elle est volontairement plus jardinée et organisée. Un jeu de strates végétales est mis en place entre ligneux, arbustes et herbacées. Des espèces sont sélectionnées parmi celles déjà en place et associées à de nouvelles venant accentuer l’identité du lieu (le saule et la vigne).

Il peut être intéressant d’exploiter cette qualité de sol pour mêler ces espèces au saule des vanniers, autrefois dominant dans ce paysage dont il ne reste aujourd’hui que le nom : « ZAC de Vimeney». Les activités de l’osier et de la vigne étaient étroitement liées. En plus de marquer les saisons et de structurer le jardin, les rameaux de saule peuvent être supports de nombreuses activités.

Un feuillage léger et lumineux en été 135

De beaux rameaux colorés durant l’hiver


Fiches d’ambiances et d’usages - Des usages de proximité dans une ambiance mêlant l’ordonné au spontané - Introduire de la lenteur dans un univers rapide et mouvementé - Des espaces jardinés mais gardant une part d’imprévu

Apprivoiser l’osier Au coeur du jardin, le coin cabane, sur deux hectares, proposerait des activités variées aux enfants et aux plus agés, autour du thème du saule et donc de l’osier.

Jardins de Chaumont : «La transparence du ver», 2011

Au travers de la création de cabanes, de sculptures, d’intervention de land art, l’idée est que les scolaires, et les intéressés de tous les âges participent à la création d’un jardin évolutif au fil des saisons.

Cabane en osier vivant

Ces créations pourraient rester sur place et se renouvelleraient régulièrement. Il serait à la fois un lieu mêlant activités pédagogiques, de loisirs et artistiques. Ateliers avec les classes des communes voisines

Intervenants et animateurs : - associations locales - osiericulteurs et vanniers - artistes - paysagistes

136


Animer les heures creuses de la zone commerciale En mettant en place certaines animations le weekend ou le soir, l’ensemble du lieu pourrait être amené à vivre hors des horaires définis par le centre commercial.

Les parkings pourraient être par exemple les supports d’évènements occasionnels tels des brocantes, des circuits de rollers... Par la présence d’évènements de la sorte et aussi en bénéficiant de la proximité immédiate de la voie verte, le jardin des vîmes vivrait l’ensemble de la semaine.

Une brocante sur le parking du Leroy Merlin

La Pelouse multi-usages serait un vaste espace ouvert, d’environ quatre hectares au fond du jardin. Il serait cerné par des haies mixtes et multistrates. Quelques arbres seraient conservés ponctuellement pour rythmer le lieu et apporter de l’ombrage. La volonté serait d’avoir un lieu malléable pouvant s’adapter à de nombreuses pratiques, comme des jeux de ballon ou des évènements demandeurs d’espace.

Exemple de petit spectacle de plein air

Jeux de ballon au niveau de la pelouse 137


Inciter à la pause En dehors de la pelouse multi-usages et du coin cabane, le jardin se découpe en un ensemble de petits coins jardins, délimités par des alignements d’espèces arbustives indigènes (noisetier, aubépine, alisier...) ou des alignements de saules.

Ces micros- jardins offrent des espaces de repos, de pause ou simplement de passage.

Le mobilier peut être inventif et varié et, là encore, faire l’objet d’ateliers participatifs : bois récupéré sur le lieu, osier, palettes, fûts de vin (en rappel à l’activité viticole), bois flotté...

La structure organisée et assez géométrique doit permettre au passant de conserver des vues et des repères tout en se sentant abrité.

Mobilier à partir de vieux tonneaux de vin

Exemple d’un pique-nique, autour d’une grande table, dans un îlot de végétation 138

Le salon de lecture, Bruit du Frigo


Rythmer le parcours La pergola vient marquer le sentier principal sur digue, perpendiculaire à la voie verte et menant au centre commercial. Habillée par la vigne, elle vient, sur une centaine de mètres, abriter le passant entre le jardin et les hangars commerciaux. D’un côté se devine le ruisseau de la Jacotte, plus ou moins perceptible selon les saisons, de l’autre une haie arborée laissant de la transparence sur le jardin.

Passage sous les vignes

La pergola, habillée par divers cépages de la région

Cabernet Sauvignon

Merlot Blanc

Semillon Blanc

En continuant sur l’axe central de la voie verte, le promeneur change d’ambiance ; il traverse l’univers éclectique de la zone d’activités et arrive dans le nouveau quartier de Floirac.

En arrivant dans l’autre sens, le promeneur peut choisir de poursuivre sa route en passant par les berges ou par la plaine agricole en empruntant la passerelle dont le dessin permet l’accès en vélo.

Traversée industrielle 139


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Immersions dans le jardin de Vimeney

141


Le parc agricole partagé

Bois humide Le bois humide, déjà existant, est conservé et aménagé pour être traversé aisément. Il vient offrir un sentier alternatif dans une ambiance de bois spontané, où les frênes tortueux se penchent pour accompagner les promeneurs, les coureurs et les cueilleurs de champignons.

Ferme en permaculture Le drive : aux champs bouliacais

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De l’autre côté de la rocade, l’identité de la plaine humide s’affirme par la mise en place d’un « parc » agricole mêlant activités éducatives, promenades et agricultures alternatives. Accessible par la voie verte et par les réseaux routiers et piétons communaux, cet espace s’adresse aussi bien aux habitants voisins, aux touristes et aux habitants de la métropole et des campagnes voisines. De par sa situation, « aux portes de la métropole », cette partie de la plaine s’impose comme une vraie vitrine agricole. Divers lieux viennent se greffer à la voie verte, chacun étant supports d’ambiances et d’activités spécifiques, le tout fonctionnant dans une logique commune et s’insérant dans un paysage ouvert de prairies. L’intérêt n’est pas de défier le système voisin de la grande distribution mais plutôt de venir s’y associer en proposant par exemple des circuits courts.

Prairies pâturées et prés de fauche Le piéton est contenu sur les sentiers qui le guident sous forme de boucles, au sein du parc. Les sentiers viennent parfois longer le fond des jardins des pavillons proches, un moyen de tourner les habitants vers la plaine agricole.

Maraîchage bio La nature du sol et son irrigation par un système de Jalles est tout à fait favorable à l’implantation du maraîchage dans la plaine.

Forêt comestible La forêt comestible, comme la ferme en permaculture, ne serait pas constamment ouverte, puisque gérée de manière privée. A ses heures d’ouverture il serait possible de la traverser.

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143


Fiches d’ambiances et d’usages - Mettre en scène la plaine agricole dans toute sa diversité - Des activités pédagogiques permettant de renouer avec la nature, les saisons... - Un paysage partagé entre habitants, promeneurs, agriculteurs, Auchan Bouliac...

Expérimenter des agricultures alternatives Dans le parc agricole, deux surfaces de quatre hectares seraient dédiées à la création d’une ferme éducative en permaculture et d’une forêt comestible. Celles-ci pourraient être tenues quotidiennement par une association de spécialistes ou passionnés par le sujet.

Cohabitation et démonstration, dans un même paysage, de savoirs faires agricoles durables et résilients

La ferme en permaculture, se visiterait comme un jardin pédagogique. En proposant des formations et des ateliers autour de nombreux savoirs-faire, elle serait aussi un lieu d’expérimentation très ouvert pour toutes les générations. Elle pourrait également accueillir des évènements autour des produits de la plaine, des animations ou encore des conférences / discussions autour de thèmes variés. 144


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La forêt comestible est un agrosystème imitant la forêt naturelle et organisée pour une production de nourriture variée, issue de différentes strates végétales (de l’arbre à la racine). Ce modèle d’utilisation du sol, très ancien, a été remis au goût du jour par la permaculture.

Les 7 strates de la forêt comestible

Exemples de fruits et légumes selon les différentes strates

La mise en place d’un tel système nécessite du temps, il faudra compter quelques années pour qu’il commence à être productif (en dehors des espèces déjà présentes). La création de la forêt se ferait collectivement, les habitants à proximité pourraient être conviés aux plantations, pour s’approprier le lieu et en récolter les fruits le moment venu.

Avec la mise en place d’une forêt comestible, la volonté est d’apporter un système agricole productif venant premièrement éduquer et nourrir la population locale : fruits et légumes pourraient être vendus sous forme de paniers, cueillis, ou encore vendus en circuit court avec le Auchan de Bouliac (associé aux produits maraîchers et aux excédents de la ferme en permaculture). Cette forêt se créerait sur la base des espèces déjà présentes sur la parcelle (Sureau, Eglantine, Mûrier sauvage...), et serait complétée par d’autres espèces adaptées au milieu. Les élèves des écoles voisines utiliseraient la forêt comme un terrain de jeu et d’apprentissages, avec les accompagnements nécessaires. Les promeneurs pourraient aussi contribuer à la vie du lieu, et aller faire leur cueillette. 145


Forêt comestible à Plukrijp, Belgique

Atelier scolaire à Alôsnys, centre en permaculture, Bourgogne

Exemples d’ateliers : - Comment créer son potager - Promenade / cueillette découverte - La gestion de l’eau dans le jardin - Que faire dans son jardin selon les saisons - Comment faire son compost - Ateliers de cuisine à base de plantes sauvages - ...

Gestionnaires et animateurs - Association de permaculteurs - Spécialistes divers (agronomes, paysagistes, ethnobotanistes...) - Retraités - Equipes pédagogiques - ... 146

Exemples d’évènements


Favoriser les circuits courts et une économie solidaire Le Drive « Aux Champs Bouliacais »

Une cabane sur pilotis venant accueillir les clients

Le concept du Drive fermier a été initié par le réseau «bienvenue à la ferme» en 2012. Le concept est de proposer des produits de saison en vente directe, issus des producteurs locaux. En reprenant ce concept, l’idée serait de mettre particulièrement en valeur les produits de la plaine agricole du Sud-Est de la métropole bordelaise. Les produits de la ferme en permaculture et de la forêt comestible y trouveraient également leur place. Drive fermier, label Bienvenue à la ferme

En s’associant à Auchan, propriétaire d’une grande partie de la plaine, l’ambition serait de développer une « antenne bio » mettant en avant les produits locaux. A l’imagie des Drive fermiers et de La ruche qui dit oui, il serait possible de commander en ligne et d’être informé sur les produits, évolutifs au cours de l’année.

La Ruche qui dit oui affiche une dimension communautaire solidaire à mi-chemin entre le web et l’économie traditionnelle

Gestionnaires : Partenariat entre agriculteurs de la plaine de Bouliac et des environs : maraîchers, apiculteurs, éleveurs... et le Auchan de Bouliac

Producteur Consommateur

Responsable de Ruche

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La ruche qui dit oui


Marquer le paysage de la plaine

Vue sur la plaine depuis le chemin de Borie

Dans la plaine, ces nouvelles expériences cohabiteront avec l’omniprésence des lignes haute tension, ces dernières continueront de marquer la plaine agricole en rappelant ainsi sa nature « d’entre-deux ». L’implantation de lignes haute tension s’avère visuellement marquante, elle est cependant un repère. En les personnalisant artistiquement, elles apporteraient au paysage de la plaine une note singulière et emblématique. Au travers de cette signature artistique, le parc agricole viendrait se hisser dans le paysage et deviendrait, d’une certaine façon, perceptible au loin, depuis les voies circulées et la rocade.

Concepteurs : - Artistes - Etudiants en art - Equipe pluridisciplinaire - Concours d’idées pouvant faire l’objet d’une exposition à la mairie

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The Land of Giants, Iceland Installation à partir de verres translucides, Allemagne

Elena Paroucheva, pylônes en formes humaines

Pylône électrique reconverti en tour d’observation, Stockholm

Pylone dansant, Zauberlehrling 149


Immersion dans la voie verte, entre la ferme en permaculture et le bois humide 150


Immersion dans le parc agricole, sur le sentier mixte

Interlude dans le bois humide 151


La confluence du bord de l’eau En tant que tracé «officiel» de la voie verte, Bordeaux / Sauveterre, la route du Bord de l’eau est déjà largement empruntée pour la promenade piétonne et cycliste. Le charme bucolique de cette route s’essoufle au niveau de ce tronçon Nord. On quitte les ambiances rurales pour se retrouver brusquement dans un paysage assez «flou», entre activités industrielles et tertiaires isolées et végétation brousailleuse venant clôturer tout dialogue avec le fleuve. En faisant de la route du Bord de l’eau un linéaire multimodal (privilégiant les transports doux et le bus), il s’agit d’affirmer et d’exploiter cette qualité de transition d’entre-deux mondes, de lui donner un rôle de pivot aux portes de la ville. A cette occasion, le pôle commercial se réconcilie avec le fleuve et avec ce « morceau flottant» à sa lisière.

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Vers Bordeaux

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Pôle d’échange intermodal - Aire de covoiturage, - Bus Bordeaux métropole - Navettes périurbaines vers l’Entre-deux-Mers, - Station BatCub, - Station Vcub

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Escale BatCub


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Sur une surface d’un hectare, le pôle d’échange intermodal vient faciliter les connexions entre différents moyens de transports aux portes de Bordeaux.

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Accueil voyageurs Aire de covoiturage Escale BatCub

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Estrade sous les ponts Dessin affirmé d’un sentier vélos et piétons sur l’épaisseur de berge

Impasse des berges : ancien chemin des collines menant autrefois au port de Bouliac

Vers l’Entre-deux-Mers île d’Arcins

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Fiches d’ambiances et d’usages - Des usages faisant renaître un dialogue entre l’homme et la Garonne - Des actions axées autour de la gestion des flux et des transports entre Bordeaux et les espaces périurbains de l’Entre-Deux-Mers.

Voyager par le fleuve Le réseau BatCub pourrait développer un itinéraire Sud, dans l’esprit du réseau existant desservant actuellement le centre et le nord de Bordeaux, jusqu’à Lormont. Ce circuit ferait successivement escale, au quai SainteCroix, à Floirac par le quai de la Souys, à Bouliac par le « quai du bord de l’eau » et enfin aux Rives d’Arcins.

Sainte-Croix Floirac

Bouliac

Rives d’Arcins

Ce mode de transport favorise les liens entre les deux rives et redonne un caractère «utile» au fleuve dans la pratique de la ville. Le voyage en bateau permettrait de faire connaître un autre visage de Bordeaux, un paysage fluvial moins «pittoresque» que celui de la partie nord mais méritant d’être découvert.

Escales existantes Nouvelles escales imaginées

154


Organiser un système de navettes entre Bordeaux et l’Entre-deux-Mers En raison de l’importance du développement urbain de la métropole bordelaise, la partie Sud-Est va accueillir de nouveaux flux, notamment par la présence du futur pont et de l’Arena à Floirac. La mise en place d’un relais périphérique, où convergeraient différents types de transports, apparait alors judicieuse pour faciliter les transports quotidiens vers la métropole. Plus particulièrement, l’intérêt serait de proposer des transports alternatifs, confortables et adaptés aux heures d’affluence. Des lignes d’autocar (dans l’esprit de TransGironde) pourraient effectuer des trajets réguliers entre un pôle intermodal d’intérêt, comme la gare, accessible par le futur pont, et certaines villes de l’Entre-deux-Mers.

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Bordeaux, gare Saint Jean

Pôle multimodal sud-est Bordelais Créon

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En raison de la présence du pôle multimodal et des diverses activités, le premier tronçon de «la route du Bord de l’eau» (1), accueillerait tous types de transports. À partir du pont, «la route du Bord de l’eau» se rétrécit. Afin de préserver l’esprit «route de campagne», le sens unique pour les voitures est conservé tandis que bus et vélos circulent librement dans les deux sens. 155

3,5m

1,8m

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Révéler le paysage fluvial Sud-Est Par le biais d’un travail de requalification, l’épaisseur de berge entre la route et le fleuve pourrait rendre possible une vraie interaction entre le promeneur et le paysage fluvial.

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Un cheminement clair se dessinerait, tantôt au bord du fleuve, accompagné par la végétation légère des berges (phragmites, Roseaux...), tantôt en sous bois dégagé.

Profil de la berge après requalification

La digue est renforcée entre les deux sentiers. Les berges restent pratiquables au niveau du sous-bois lors des montées des eaux qui immergeraient alors l’autre sentier. Par cette mise en valeur, il serait possible de voir évoluer le paysage fluvial au fil des saisons tout en le préservant.

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Qui ne s’est jamais arrêté sous un pont d’autoroute, même si ce n’est que quelques secondes ? Face à la perspective saisissante du colosse de béton, et sous un ronflement assourdi, on imagine les centaines de véhicules passant au-dessus de nos têtes. Le passage sous le pont François-Mitterrand est large et sur-élevé par rapport au fleuve. Un aménagement minimal, à l’image d’une terrasse en bois, permettrait d’orienter le regard et d’inviter les passants à marquer la pause.

Vues sous le pont François Mitterrand

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Se familiariser avec les berges Découvrir ou redécouvrir les lieux sous forme de promenades thématiques et ludiques, pour enfants et adultes, serait une manière de faire revivre les berges, au travers de son histoire, de sa végétation, de mettre en valeur ce moment «d’entre-deux», jusqu’alors dissolu par les activités voisines.

La route du Bord de l’eau est animé par des traces révélatrices de l’histoire de la commune. Autrefois très vivantes, les berges étaient un lieu de vie central dans le quotidien des habitants. Que ce soient au travers des carrelets, de l’ancien port, des nombreux domaines viticoles, pour certains disparus ou à l’état de reliquats, beaucoup d’histoires et d’expériences sont certainement encore à partager.

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Carrelet et ancienne gare de tramway Bordeaux / Cadillac (abc-France.com)

Domaine de Saint-Cricq (Histoires-de-Bouliac.net)

Domaine Godefroy, (Histoires-de-Bouliac.net)

Avec une végétation de berges très riche, la route du Bord de l’eau pourrait également être le support de promenades botaniques. Ces promenades pourraient s’étendre à l’île d’Arcins au fil d’un itinéraire plus large.

Epilobe hirsute

Rubanier

Aulne glutineux

Gestionnaires et animateurs - Mairie de Bouliac - Botanistes - Historiens - Habitants - Equipes pédagogiques - ...

Baldingère

Phragmite

Eupatoire chanvrine

Menthe aquatique

Saule blanc

Frêne

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Paysage fluvial ÂŤsauvageÂť rendu perceptible depuis les berges 160


Vue depuis la route du bord de l’eau, à l’entrée du sentier sur berges

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Le dessin d’une ossature

Autour du secteur commercial, se dessine un patchwork de lieux, des lieux à présent nommés qui ont retrouvé un sens et un rôle, donc une existence. Le pôle commercial n’est plus identifié à un environnement clos et isolé, il « éclate » et se dissout dans une logique plus globale. Par le biais des trois secteurs de projet, le pôle commercial a été relié à une histoire et à une géographie qui sont devenus les supports de nouvelles expériences humaines : un nouveau paysage se crée. Même si la division en trois secteurs est essentielle dans un premier temps pour ancrer le projet, c’est davantage une constellation de lieux qui s’observe, avec comme pièce maîtresse, l’univers déjà existant du pôle commercial. Ces anciens espaces délaissés étaient comme « endormis » aux côtés d’un espace dynamique et attractif. Paradoxalement, en se réanimant, ils viendraientt réveiller la zone commerciale en bousculant certains codes et mécanismes devenus machinaux chez l’individu. Le centre commercial Auchan de Bouliac, en s’adaptant à son territoire, trouverait des bénéfices certains. Effectivement, avec la mise en place de nouveaux circuits, et une collaboration avec des agriculteurs locaux, il réadapterait son offre de produits et réinventerait progressivement une part de son système d’approvisonnement. Ces démarches, même si elles mettent plusieurs années à devenir rentables économiquement pour Auchan, valoriseraient son image, aux portes de la métropole. Et pourquoi ne pas imaginer qu’au fil des années, le centre commercial de Bouliac puisse entièrement compter sur les produits agricoles des communes proches ?

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De nouvelles ambiances et de nouveaux usages, Ă cheval entre ville et campagne

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VI. Imaginer demain A. Un système en transition B. Deux scÊnarios prospectifs pour la plaine de Bouliac

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Les boutiques éphémères, une solution face à la vacance commerciale Les FabLab, le concept « créer plutôt que consommer »

Bokea, Projet de magasin éco-responsable

« Buy Me Once » : imaginé par l’anglaise Tara Button, le magasin où les produits ne s’achètent qu’une fois.

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A. Un système en transition

Le modèle du pôle commercial tel qu’on le connaît aujourd’hui, nous l’avons vu, est en train de vaciller. Désormais bien ancré dans son paysage, il nous reste à nous demander comment va évoluer le paysage commercial de Bouliac sur le long terme. Pour cela il est nécessaire de comprendre plus globalement comment le système commercial et les modes de distribution sont amenés à s’adapter aux tendances et aux exigeances actuelles. Ces tendances suivent deux grandes logiques : D’une part, le contexte actuel oriente les habitants vers une nouvelle manière de consommer tendant de plus en plus à se démocratiser : les commerces alternatifs et éthiques prolifèrent. Leur objectif premier est de sensibiliser et habituer le consommateur à de bonnes pratiques durables et écoresponsables. Cela va du développement des circuits courts dans l’alimentaire (Amap, drive fermiers, magasins bio…), aux boutiques indépendantes développant des concepts permettant de valoriser d’autres types de commerces et de savoirs faire (boutiques éphémères, épiceries en vrac, FabLab, supermarchés coopératifs…). D’un autre côté, le numérique encourage le consommateur à gagner toujours plus de temps. Le commerce virtuel continue son expansion, les achats via internet et les drive apparaissent comme la réponse à une demande toujours bien réelle : acheter vite, bien et stratégique ! A première vue ces deux logiques semblent contradictoires. D’un côté, un commerce de proximité avec des acteurs locaux, de l’autre un commerce profitable aux grands groupes. En considérant que ces deux logiques continuent à s’affirmer dans les quarante prochaines années, comment peuvent-elles se rencontrer et dessiner ensemble un nouveau paysage commercial ?

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Les vitrines augmentĂŠes

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Entre sphère numérique et monde physique : le magasin réinventé Le numérique est omniprésent dans notre quotidien. Il permet la comparaison des prix, de se faire livrer des produits précis en un temps record... Cette nouvelle habitude de « l’instantanéité », facilite la consommation et l’encourage aussi. Le consommateur devient de plus en plus exigeant et multiplie les aller-retour entre les magasins et les sites internet. Malgré cette considérable montée en puissance du numérique, qui va sans aucun doute s’affirmer dans les prochaines décennies, le magasin physique ne semble pas pour autant en voie de disparition. Même s’il reste un outil pratique dans le quotidien du consommateur, celui-ci aime voir le shopping comme un moment de sociabilité et/ou de détente. Aujourd’hui il est même plutôt admis qu’internet et les commerces se renforcent mutuellement. Les grandes marques, qui étaient les premières à solliciter internet, ne sont désormais plus seules ; les petits commerces indépendants, les circuits courts (drive fermier, La ruche qui dit oui...) s’engagent également dans cette voie. Internet ne rime plus uniquement avec le commerce mondialisé de masse. La forme des commerces va néanmoins changer : plus petits, les magasins de demain ne prêteront plus leurs rayonnages uniquement à des produits destinés à être ramenés chez soi par les clients. Ils seront également des espaces « vitrines » qui permetront aux marques d’exposer leurs nouveaux produits. Les surfaces dédiées au stockage vont se réduire au profit de la mise en scène et du « test » de produits. En parallèle, les effets de l’e-commerce sur la logistique, risquent de poser de plus en plus de difficultés face à la multiplication des demandes : saturation du réseau routier, accessibilité aux centresvilles... Le système de distribution devra sans doute muter. Une nouvelle organisation de la ville va devoir se dessiner progressivement. La pratique commerciale risque de se voir de plus en plus «éclatée» dans, et autour, de la ville. Face à ces évolutions, les actuelles zones commerciales périphériques tiennent une place centrale ! Elles vont très certainement devoir s’adapter à de nouveaux types de flux et une nouvelle manière de commercer.

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B. Deux scénarios prospectifs pour la plaine de Bouliac Un lieu de rencontre récréatif Une première possibilité serait d’imaginer que la plaine de Bouliac développe des activités plus récréatives. Par la mise en place des actions proposées précédemment, le Lieu ne serait plus réduit aux seuls espaces de commerce. Tout en affirmant un caractère pédagogique et polyvalent, le site pourrait diversifier son offre en utilisant les hangars commerciaux déjà présents. Les surfaces de stockage pourraient être réduites au profit d’espaces de déambulation, de nouveaux magasins et d’activités susceptibles d’évoluer (cinéma, salle d’escalade, salle de tennis...). Egalement, les hangars pourraient être utilisés pour la mise en place d’activités pédagogiques ponctuelles autour du bricolage, du sport, d’activités plastiques... Les différentes enseignes (Decathlon, Leroy Merlin...) et des associations extérieures se partageraient la gestion de ces ateliers. Auchan poursuivrait sa mutation vers un autre système, en se penchant le plus possible vers des circuits courts et avec un investissement écologique dépassant le simple «greenwashing». Les surfaces d’étalage de produits se réduiraient et des concepts écoresponsables pourraient s’immiscer dans les supermarchés franchisés du futur, désormais adaptés à un territoire. Bien entendu, ce scénario reste à première vue utopique si l’on considère la complexité commerciale du groupe Auchan. Ce n’est que par le changement des pratiques des consommateurs que les grands groupes évolueront et s’adapteront à de nouveaux concepts. Imaginé de la sorte, le Lieu fait attraction, on y va pour y passer quelques heures, voire un après-midi entier. Dans le fond, cela se rapproche du concept du « retail park », mais en s’ancrant dans un territoire particulier, la forme se trouve ici bien différente.

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Simulation à l’échelle de Bordeaux Sites commerciaux / Récréatifs Plaine de Bouliac Petits commerces «ShowRoom» dispérsés dans les centresbourgs Approvisionnement régulier, depuis des plateformes logistiques, durant les heures creuses. Approvisionnement en flux tendus Approvisionnement des magasins et / ou relais de marchandise

Attraction et distraction Les commerces seraient approvisionnés en flux tendus, c’est à dire avec un ravitaillement régulier permettant de réduire les surfaces de stockage. commerces. Les hangars évolueraient selon les besoins et la demande. Leur offre s’élargirait au-delà d’une simple fonction commerciale.

Les nappes de parking prendraient des formes de parking silo, moins consommateurs d’espaces et aussi pouvant adapter leur architecture à d’autres usages, sur le long terme. Ainsi, les parkings à ciel ouvert seraient réduits au profit de nouveaux espaces publics : skate park, arboretum, jeux pour enfants... Le piéton retrouverait une place dominante.

Le tout fonctionnerait toujours comme un ensemble global, à cheval sur la rocade, et perméable au piéton.

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Un lieu de convergence et de ravitaillement On peut imaginer l’avenir de la plaine sous un autre angle. Il s’agirait alors de voir davantage le lieu comme un relais entre ville et périphérie. Dans ce cas, la situation de « porte de la ville » serait exploitée dans un but premièrement fonctionnel, cela afin de faire de ce lieu un territoire de convergence et de distribution des flux de personnes et de marchandises. Son rôle de plateforme intermodale se trouverait renforcé. Les hangars commerciaux conserveraient une grande place pour le stockage des marchandises. Parallèlement, les petits points de vente, en ville et dans les villages, se multiplieraient. L’essentiel de la marchandise ne serait pas retiré dans ces magasins, mais dans les lieux de stockage plus appropriés, à l’image des actuels pôles commerciaux. L’acheteur pourrait par exemple, sur son trajet quotidien, retirer directement sa commande dans un de ces pôles, ou se la faire livrer là où il le souhaite. Les livraisons régulières et encombrantes dans les centres-ville seraient ainsi évitées. Pour autant, la plaine commerciale de Bouliac conserverait une logique de grande proximité, c’est à dire que les gens pourraient continuer à s’y rendre pour faire leur shopping. A l’inverse du scénario précédent, le lieu tiendrait ici davantage une fonction de passage.

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Simulation à l’échelle de Bordeaux Sites commerciaux / Récréatifs Plaine de Bouliac Petits commerces «ShowRoom» dispersés dans les centresbourgs Réception, stockage et distribution de marchandises : rôle d’intermédiaires entre les plateformes logistiques et les consommateurs

Voyage et distribution

Les hangars ne garderaient qu’une petite partie de leur superficie en espaces de vente. Le reste servirait à stocker la marchandise, à l’inverse non présente dans les commerces de proximité. On peut imaginer que d’autres enseignes et d’autres types de commerces puissent se faire une place dans cette logique.

En venant faciliter la circulation des biens et des personnes, le Lieu renforce largement sa vocation fonctionnelle tout en conservant cette pratique à échelle humaine développée précédemment. Le pôle intermodal se renforcerait afin de gérer l’ensemble des flux quotidiens. Un parking relais, venant inciter le changement de transport, pourrait s’y greffer. Le Lieu deviendrait une vraie rotule multimodale s’appuyant sur les anciennes lisières délaissées de la zone. 173


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De nouvelles vocations pour les « entrées de ville »

Ces deux scénarios n’ont pas la prétention de se vouloir exacts et affinés, mais cherchent tous les deux à donner une place centrale aux espaces périphériques dans la réflexion de la ville de demain. Dans son évolution, la périphérie devra continuer à encourager des actions qui soient à l’écoute du territoire et des besoins de l’ensemble de la population, sans pour autant s’opposer au centre-ville. En devenant de nouveaux espaces de grande proximité, multifonctionnels, les « zones » actuelles viennent chercher la ville au-delà du centre et de la rocade. Leur ambition est de s’adresser à tous. Il est donc possible d’imaginer autrement l’avenir du commerce que par la création démesurée de nouveaux grands pôles commerciaux ex nihilo. Il est possible de le concevoir grâce à la reconversion des périphéries et donc des zones commerciales déjà existantes, encore pleines de ressources.

Chaque «entrée de ville» possède un contexte qui lui est propre. En tenant compte de la diversité des situations et des paysages périphériques qui cohabitent avec un univers commercial commun, une «ceinture» périphérique se dessinerait. Au fil des années, on peut imaginer que cette ceinture, entre centre et périphérie, puisse s’affirmer. Bouliac n’est alors qu’une pièce du puzzle parmi d’autres. C’est pourtant en agissant dans un premier temps à cette échelle, celle du lieu, que l’on peut espérer cultiver de vrais paysages périphériques riches en expériences et résilients sur le long terme.

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Conclusion

Par le paysage, j’ai souhaité tenter une réconciliation avec les espaces périphériques. Les zones commerciales sont trop souvent contournées par les projets de ville et de territoire. Elles sont pourtant pleines de ressources. Lors de ce travail, ma perception et mon jugement ont évolué. J’ai pris conscience de la complexité de cet univers et j’ai aussi appris à aimer ce lieu avec ses réalités. Il existe désormais dans mon esprit comme un «beau paysage». En redonnant du sens et une dimension vivante à ces lisières urbaines, j’ai souhaité montrer qu’il était possible d’influencer les regards et les habitudes. Cela passe par l’ancrage dans le territoire de nouveaux lieux de rencontres, de production et d’apprentissage, tous en mesure de réunir une grande diversité d’usagers. C’est en respectant ces lieux et leur existant, par des interventions simples et peu coûteuses, qu’une part d’imprévu pourra être conservée et permettre au Lieu d’évoluer avec le temps et les besoins.

Finalement, une question assez générale émerge : quelle ville voulons-nous pour demain ? Mais surtout, quel rapport désironsnous construire entre le centre-ville de Bordeaux et l’ensemble de ses espaces périphériques ? La réhabilitation des zones commerciales en lieux de vie quotidiens et singuliers est un projet ambitieux mais réaliste. C’est par un désir de changement partagé, qui dépasse des intérêts à court terme, que pourront se mettre en place des actions. Pour faire évoluer les moeurs, différents acteurs et multiples disciplines doivent s’allier et partager leurs compétences en quête d’un horizon commun.

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Sources bibliographiques Arnaud Gasnier, Le commerce dans tous ses états : Espaces marchands et enjeux de société, PU Rennes, 2014, 260p. Marc Berdet, Fantasmagorie du capitale, l’invention de la ville marchandise, Zones, 2013, 256p.

Histoire, Économie

Philippe Moati, La société malade de l’hyperconsommation, Odile Jacob, 2016, 256p. Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, tome 1- 2 -3, Armand Colin, 1997. Patrice de Moncan, Histoire des centres commerciaux en France, de l’Antiquité à nos jours, Le Mecene Eds, 2008, 331p. David Mangin, Du Far West à la ville, l’urbanisme commercial en questions, Editions Parenthèses, 2014, 229p.

Urbanisme, Paysage, Géographie

David Mangin, La ville franchisée, Editions de la Villette, 2004, 480p. Kristof Guez et al., Clermond au loin, chronique périurbaine, Fudo, 2011. Jean-Jacques Terrins, Le piéton dans la ville, L’espace public partagé, Editions Parenthèses, 2011, 279p. Rem Koolhaas, Junkspace, Payot, 2011, 120p. Levy Jacques, Lussault Michel, dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, 2009, 1034 p. Jean-Marc Poupard, Les centres commerciaux : De nouveaux lieux de sociabilité dans le paysage urbain, 2005, Editions L’Harmattan, 170p.

Sociologie,

Eric Chauvier, Contre Télérama, Allia, 2011, 64p.

Anthropologie, Eric Chauvier, La Rocade Bordelaise, Editions Le bord de l’eau, Philosophie

2016, 126p.

Marc Auger, Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, La Librairie du XXe siècle, Seuil, 1992, 149p. Guy Debord, La société du spectcale, Gallimard,1967, 208p. 178


Cyril Marlin, Paysages de zones commerciales, Ensap Bordeaux, 1997.

TPFE

Sophie Tillier, Des zones dans la plaine de Sarliève, Ensap Bordeaux, 2014. Perrine Roy, Paysage et pratiques agricoles dans la métropoles bordelaise, vers une «ville-nature» durable, Ensap Bordeaux, 2013. Guy Debord, « Théororie de la dérive », Les Lèvres nues, n° 9, décembre 1956.

Articles

Jean-Marc Besse, « Le paysage, espace sensible, espace public », META. Research in Hermeneutics, Phenomenology and Practical Philosophy, Vol. II, 2010/2, pp. 259-286. Thierry Paquot et al., « Le centre commercial contre la ville?», Revue Urbanisme, n°377, mars-avril 2011, pp. 39-70.

Rapport d’étude Romans

a’urba, Site économique et commercial Rives d’Arcins Prospective commerciale : mutations des modes de distribution et de consommation, janvier 2014. A.Ernaux, Regarde les lumières mon amour, Fiction, 2014, 71p. L.Lippman, Ce que savent les morts, Seuil policiers, 2009, 381p. J-G. Ballard, Que notre règne arrive, Folio, 2088, 480p.

Cinéma

Michael Anderson, L’âge de cristal, 1976. George A. Romero, Zombies, 1978. John Carpenter, Invasion L.A, 1989. Wim Wenders, Paris Texas,1984. S.Benchetrit, J’ai toujours rêvé d’être un gangster, 2007. Benoît Delépine et Gustave Kervern, Le grand soir, 2011. Samuel Rondiere, La Braconne, Rezo Films, 2014

Blogs Sites Internet

L’urbanisme commercial en France : www.laboratoireurbanismein-

surrectionnel.blogspot.fr/2013/05/france-urbanisme-commercial.html

Damien Dekarz, formateur en permaculture : www.permacultureetc.com Alôsnys, éco-centre en permaculture : www.alosnys.com Histoire de Bouliac : www.histoires-de-bouliac.net 179


Les espaces périphériques, Ce sont ces espaces aussi rigides que colorés, Ceux que l’on aperçoit depuis la rocade, l’autoroute, Ceux où l’on se réfugie mécaniquement le samedi pour faire ses courses, Ceux dans lesquels on se perd accidentellement, Le chemin semble alors infini et encombré d’obstacles... Ces espaces, nous ne leur prêtons pas vraiment attention, nous sommes plutôt poussés à les juger hostilement : ils ne correspondent en aucun cas aux critères de beauté conventionnels... Ils sont fonctionnels, cela suffit. Pourtant, la périphérie représente un énorme potentiel, elle peut être vue comme un nouvel espace de confluence pour la ville de demain. Au regard des nombreuses problématiques qui se posent aujourd’hui, qu’elles soient d’ordre social, environnemental ou politique, il apparaît urgent de penser autrement la ville, de voir au-delà de ses limites artificielles. Une nouvelle manière de regarder, d’habiter et de consommer doit être envisagée. La première étape serait d’apprivoiser ces espaces oubliés, de cultiver un nouveau regard sur la périphérie, d’en expérimenter les possibles pour la rendre dans un second temps fertile...

Mots clefs : Paysage - Bouliac - Zone - Commerce - Périphérie - Perception - Agriculture - Délaissé 180


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