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Recommandations

Cardiopathie ischémique stable

Les nouvelles recommandations de la Société européenne de Cardiologie François Schiele (Service de Cardiologie, CHU de Besançon)

Introduction Les nouvelles recommandations de la Société européenne de Cardiologie (ESC) pour la prise en charge de la cardiopathie ischémique stable (Stable Coronary Artery Disease, SCAD) ont été publiées à l’occasion du dernier congrès annuel de l’ESC. C’est un document important pour les cliniciens car, en résumant les données scientifiques disponibles et en proposant des stratégies diagnostiques et thérapeutiques, il leur procure une aide précieuse. Que doit-on retenir de la lecture de ce document (et des 32 pages de l’addendum, matériel annexe qui fournit des clarifications) et en quoi ces recommandations diffèrent-elles de la version précédente qui date de 2006 ?

L

e changement commence dès le titre car on est passé de recommandations pour la prise en charge de l’angor à la prise en charge de la SCAD, ce qui élargit considérablement le champ d’application. Non seulement on considère les patients angineux, mais aussi les patients coronariens asymptomatiques, que la pathologie soit connue ou non, faisant ainsi le lien avec la prévention de l’athérosclérose, la revascularisation coronaire et les syndromes coronariens aigus.

Stratégie diagnostique

Les recommandations proposent une stratégie en trois étapes : 1. La probabilité initiale. 2. Le niveau de risque. 3. Les procédures invasives et la revascularisation.

2

La probabilité initiale La probabilité clinique (“prétest”) est basée sur la description des symptômes, de l’âge et du sexe, ce qui est classique. À cette étape clinique, les mesures biologiques recommandées sont la troponine si doute sur le caractère stable ou instable, la recherche d’un diabète, le bilan lipidique, rénal et hépatique, la recherche d’une dysthyroïdie et le niveau de BNP. L’ECG et l’échographie cardiaque complètent ce premier bilan à la recherche de troubles de la cinétique ventriculaire gauche.

avoir une coronarographie ou des tests d’ischémie selon qu’ils ont ou non un angor typique. Si la FEVG est normale, le recours aux tests d’ischémie dépend de la probabilité prétest, estimée en fonction de la description des symptômes, de l’âge et du sexe. Parmi les tests d’ischémie, à réserver aux patients avec une probabilité de SCAD intermédiaire (66-85 %) ou de FEVG < 0,50, l’échographie de stress et la scintigraphie de perfusion ou l’IRM de stress sont les plus performantes.

Le niveau de risque

Les procédures invasives et la revascularisation

Dans la deuxième étape, l’utilisation des tests non invasifs pour la démonstration d’ischémie est conditionnée par le niveau de qualité de vie et les comorbidités. Intervient aussi la fonction ventriculaire gauche : les patients avec une FEVG < 0,50 doivent

Enfin, la troisième étape permet de sélectionner les patients qui doivent être soumis à une coronarographie et à une revascularisation. L’imagerie des coronaires par coro-scanner n’a d’indication que pour éliminer une SCAD chez des patients à faible probabilité ou

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si les tests d’ischémie ne sont pas conclusifs et s’il n’y a pas de calcifications importantes. L’indication de la coronarographie doit se discuter en fonction de la sévérité clinique et du degré d’ischémie myocardique : elle doit être pratiquée devant un angor de classe III-IV ou la démonstration d’une ischémie intéressant plus de 10 % du myocarde. Inversement, elle n’est indiquée qu’en cas d’échec du traitement médical chez les patients avec un angor de classe I ou dont le territoire ischémique est < 5 %. Au terme de ces trois étapes, le niveau de risque du patient détermine la nécessité d’envisager une revascularisation ou de préférer le traitement médicamenteux. Les patients à “haut risque” sont caractérisés par l’évaluation clinique (sévérité des symptômes), la fonction ventriculaire gauche altérée (FEVG < 0,50), l’importance de l’ischémie myocardique sur le résultat des tests fonctionnels (capacité d’effort et ischémie myocardique concernant plus de 10 % du myocarde) et enfin sur la coronarographie (atteinte multitronculaire, atteinte du tronc commun de la coronaire gauche).

De la prévention primaire au suivi chronique des coronariens stables

Le dépistage de la maladie coronaire chez un patient en prévention primaire et à risque cardiovasculaire élevé ou chez un patient avec une athérosclérose périphérique est un problème clinique de routine : comment dépister une atteinte coronaire asymptomatique ? On distingue bien les tests de dépistage de l’athérosclérose de

ceux de l’ischémie myocardique. Chez les patients en prévention primaire, ce qui importe est le dépistage de l’athérosclérose. Ainsi, hormis pour les patients à risque cardiovasculaire global élevé (estimé par l’échelle de SCORE), il n’est pas conseillé de réaliser de test d’ischémie. Chez ceux qui sont classés en risque intermédiaire, il est proposé d’affiner l’estimation du risque par la recherche d’athérosclérose infraclinique par la mesure du rapport de pression bras-cheville, par la mesure de l’épaisseur intima-média carotidienne ou du score calcique par scanner. Chez les patients coronariens asymptomatiques, le problème est celui de l’ischémie myocardique résiduelle sous traitement. Les modalités du suivi sont précisées (fréquence des consultations, réalisation d’ECG), et l’utilisation des tests d’ischémie myocardique asymptomatique est détaillée. Bien qu’il n’y ait pas de données scientifiques pour comparer les différentes stratégies de suivi des patients coronariens, les auteurs des guidelines considèrent que la validité d’un test d’ischémie (comme l’échographie de stress ou la scintigraphie) est entre 3 et 5 ans, et que des intervalles différents peuvent être discutés en fonction des situations particulières, comme le contrôle des facteurs de risque (Tab. 1).

Quel traitement médicamenteux et quelle stratégie de revascularisation chez les coronariens stables ?

Cette partie des recommandations n’a pas fait l’objet de grands

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changements. On y trouve toujours les classiques recommandations sur le style de vie, avec, en outre, les équivalents en MET de l’activité sexuelle et l’utilisation des traitements de la dysfonction érectile chez le coronarien. La diététique tient une place importante puisqu’elle intervient dans le contrôle de la surcharge pondérale, associée aux statines, elle doit permettre d’abaisser le niveau de LDL cholestérol en dessous de la valeur de 0,70 g/L, ou d’obtenir une réduction de 50 % ou plus de la valeur basale. Chez les hypertendus, elle doit contribuer à l’abaissement des chiffres tensionnels en dessous de 140/90 mmHg et enfin, chez les diabétiques, à maintenir l’hémoglobine A1c en dessous de 7 %. La seconde partie décrit le traitement des symptômes qui comprend toujours les nitrés sous différentes formes, les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques, le nicorandil, l’ivabradine, la ranolazine et la trimétazidine. Enfin, les traitements visant la prévention des événements aigus associent les antiplaquettaires avec l’aspirine en première ligne. L’association des antiplaquettaires ne concerne que les patients qui ont un syndrome coronarien aigu de moins d’1 an ou ceux qui ont bénéficié de l’implantation d’un stent. Enfin, les IEC, les statines et les antagonistes de l’aldostérone en cas de dysfonction VG complètent le traitement. Les modalités de suivi du coronarien stable sont décrites : revoir les patients stables tous les 6 à 12 mois sauf si leur niveau de symptôme se modifie, leur prescrire un bilan lipidique annuel, avec mesure de la fonction rénale, envisager une recherche d’ischémie en cas d’aggravation de l’angor et possiblement (classe IIb) systématiquement tous les 3 à 5 ans (Tab. 2).

3


Recommandations

Tableau 1 - Bilan du patient à risque de SCAD. Grade

Niveau

Chez les sujets asymptomatiques hypertendus ou diabétiques, un ECG doit être réalisé pour l’évaluation du risque.

Recommandation

IIa

C

Chez les sujets asymptomatiques à risque intermédiaire (voir SCORE pour la définition de risque intermédiaire – www.heartscore.org), la mesure de l’épaisseur de l’intima-média de la carotide avec dépistage des plaques par échographie carotidienne, mesure de l’IPS ou mesure du score calcique au scanner devraient être pris en considération pour l’évaluation du risque cardiovasculaire.

IIa

B

Chez les sujets asymptomatiques atteints de diabète, âgés de 40 ans et plus, la mesure du score calcique au scanner peut être considérée pour l’évaluation du risque cardiovasculaire.

IIb

B

Chez les sujets asymptomatiques sans hypertension ni diabète, un ECG de repos peut être considéré.

IIb

C

Chez les sujets asymptomatiques à risque intermédiaire (voir SCORE pour la définition de risque intermédiaire – www.heartscore.org) (y compris les sujets sédentaires qui envisagent un programme d’activité physique intense), un ECG d’effort peut être considéré pour l’évaluation du risque cardiovasculaire en particulier lorsque l’attention est accordée à des marqueurs non-ECG tels que la capacité d’exercice.

IIb

B

Chez les sujets asymptomatiques souffrant de diabète ou les sujets asymptomatiques ayant des antécédents familiaux de coronaropathie ou si des examens suggèrent un niveau de risque élevé, comme un score calcique de 400 ou plus, la recherche d’une ischémie peut être envisagée pour une estimation plus précise du risque (MPI, échocardiographie de stress, perfusion CMR).

IIb

C

Chez les sujets asymptomatiques à risque faible ou intermédiaire (basé sur le SCORE), les tests d’imagerie de stress ne sont pas indiqués pour une évaluation plus approfondie du risque cardiovasculaire.

III

C

Recommandation

Grade

Niveau

Un contrôle est recommandé tous les 4 à 6 mois dans la première année suivant l’instauration du traitement pour SCAD et peut être prolongé. Les visites devraient être réalisées par le médecin généraliste qui peut se référer au cardiologue en cas d’incertitude. Ces visites devraient inclure une anamnèse et des examens biologiques appropriés.

I

C

Un ECG de repos annuel est recommandé, avec un ECG supplémentaire en cas de modification de la symptomatologie angineuse, de l’apparition de signes en faveur d’une arythmie, de modifications du traitement pouvant interférer avec la conduction.

I

C

Un ECG d’effort, ou une échocardiographie de stress le cas échéant, est recommandé en présence de symptômes récurrents ou nouveaux, une fois que l’instabilité a été écartée.

I

C

Une réévaluation du pronostic utilisant des tests de stress peut être envisagée chez les patients asymptomatiques après l’expiration de la période pour laquelle le test précédent a été jugé valide (« période de garantie »).

IIb

C

Un nouvel ECG d’effort ne doit être envisagé qu’après 2 ans (en dehors de toute modification du tableau clinique).

IIb

C

Tableau 2 - Réévaluation chez les patients atteints de maladie coronarienne stable.

La place de la revascularisation Bien que cette partie touche de près des recommandations spécifiques, il est fait ici une large place aux indications et modalités de la revascularisation myo-

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cardique. Contrairement aux syndromes coronariens aigus, la revascularisation n’est pas systématique chez le coronarien stable et seuls les patients qui ont une ischémie importante en bénéficient (Fig. 1).

La stratégie de revascularisation

La stratégie de revascularisation percutanée ou chirurgicale se discute chez des patients avec ischémie démontrée intéressant plus de 10 % du myocarde et en

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Cardiopathie ischémique stable

10 %

Traitement médical

Taux de mortalité cardiaque

dités, la fonction VG, et de facteurs techniques comme la faisabilité d’une revascularisation percutanée, le volume du centre et l’expérience des intervenants (Tab. 3).

Revascularisation

*

*p < 0,02 8%

6,7 %

6,3 % 6% 4,8 % 3,7 %

4%

0,7 % 0

2,0 %

1,8 %

2%

7 110 16 0%

Les femmes et l’atteinte microvasculaire

3,3 %

2,9 %

1,0 % 1 331 56 1-5 %

718 109 5-10 %

545 243 11-20 %

252 267 > 20 %

% total d’ischémie myocardique Figure 1 - Relation entre la mortalité cardiaque et l’étendue de l’ischémie myocardique, en fonction du type de traitement. Les chiffres en bas des colonnes indiquent le nombre de patients dans chaque groupe.

association avec le traitement médical. Comme pour le traitement médicamenteux, on distingue les indications de revascularisation pour l’amélioration des symptômes des indications pour l’amélioration du pronostic. Les

modalités de revascularisation se discutent en fonction de facteurs anatomiques comme le nombre et l’anatomie des lésions, de l’implication de l’interventriculaire antérieure, de facteurs cliniques comme l’âge, le sexe, les comorbi-

Parmi les nombreuses populations “particulières” décrites, les femmes et l’atteinte microvasculaire font l’objet d’une partie très précise dans le texte principal comme dans l’addendum. Il y est reconnu que les femmes sont touchées par cette pathologie aussi fréquemment que les hommes, bien qu’à un âge plus avancé, ce qui explique en grande partie le moins bon pronostic des femmes par rapport aux hommes. L’angor à “coronaires saines” ou l’angor “sans obstruction coronaire” et l’“atteinte microvascu-

Tableau 3 - Indications de revascularisation chez les patients avec SCAD sous traitement médical optimal (adapté des recommandations ESC/EACTS 2010). Indication

Pour améliorer le pronostic

Pour améliorer les symptômes persistants sur OMT

Grade

Niveau

Grade

Niveau

Une approche cardiologique pluridisciplinaire est recommandée pour la revascularisation chez les patients ayant une atteinte non protégée du tronc coronaire gauche, des lésions bi ou tritronculaires, un diabète ou des comorbidités.

I

C

I

C

Sténose > 50 % du tronc coronaire gauche.

I

A

I

A

Sténoses proximales > 50 % de l’IVA.

I

A

I

A

Lésions bi ou tritronculaires avec altération de la fonction du ventricule gauche/insuffisance cardiaque.

I

B

IIa

B

Artère unique (sténose > 50 %).

I

C

I

A

Ischémie du VG > 10 %.

I

B

I

B

Sténose significative avec angor invalidant, résistant au traitement ou en cas d’intolérance médicamenteuse importante.

NA

NA

I

A

Dyspnée/insuffisance cardiaque avec ischémie/viabilité > 10 % dans le territoire d’une artère sténosée à plus de 50 %.

IIb

B

IIa

B

En l’absence de symptômes sous traitement médical optimal, en dehors de l’atteinte du tronc coronaire gauche, de l’IVA proximale, d’une artère unique ou dans le cas d’une artère perfusant une zone d’ischémie < 10 % ou encore si la FFR est ≥ 0,80.

III

A

III

C

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Recommandations

Tableau 4 - Traitement des patients ayant une atteinte microvasculaire. Recommandation

Grade

Niveau

Il est recommandé que tous les patients reçoivent des médicaments de prévention secondaire, y compris l’aspirine et les statines.

I

B

Les bêtabloquants sont recommandés comme traitement de première intention.

I

B

Les antagonistes calciques sont recommandés si les bêtabloquants ne permettent pas d’atteindre un bénéfice symptomatique suffisant ou ne sont pas tolérés.

I

B

Les IEC ou le nicorandil peuvent être envisagés chez les patients présentant un angor réfractaire.

IIb

B

Les dérivés de la xanthine ou les traitements non pharmacologiques tels que les techniques neurostimulatrices peuvent être considérés chez les patients présentant des symptômes réfractaires aux médicaments énumérés ci-dessus.

IIb

B

laire” sont des particularités de la maladie coronaire chronique plus souvent observées chez les femmes. La particularité de ces recommandations est d’aborder cet aspect de la maladie avec une description de la physiopathologie, des données épidémiologiques, des moyens du diagnostic et le traitement est détaillé et assorti de recommandations. Cet ajout par rapport aux recommandations 2006 permettra peut-être de ne plus considérer l’angor “sans obstruction coronaire” comme inexplicable mais plutôt comme un aspect particulier de la maladie coronaire chronique qui relève d’un traitement et de recommandations spécifiques. Si le diagnostic repose sur la description d’un angor typique, survenant à l’effort et cédant au repos, des tests de

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provocation invasifs ou la mesure de la réserve coronaire peuvent être indiqués, ainsi que la documentation d’un spasme au cours d’une coronarographie. Les bêtabloquants, inhibiteurs calciques et les dérivés nitrés ont leur importance pour le contrôle des symptômes, tout en reconnaissant que leur efficacité est variable. Enfin, l’absence d’obstruction coronaire ne dispense pas de la prescription d’aspirine, de statines et d’IEC (Tab. 4).

est difficile de dire si elles sont de nature à changer nos habitudes mais, pour la première fois, ce n’est plus “d’angor stable” dont on parle, mais de la prise en charge de patients sur le long cours. Ces recommandations touchent le stade préclinique, les phases suivant un syndrome coronarien aigu et aussi les phases de complète stabilité, et nous donnent des repères dans de nombreuses situations où il y a peu de preuves cliniques et donc où nous avons besoin du conseil d’un collège d’experts. n

En conclusion

Ces lignes ne font qu’extraire quelques points de ces recommandations de la SCAD, mais de nombreux autres aspects sont décrits dans cette édition, qui est indiscutablement un excellent cru. Il

Mots-clés : Cardiopathie ischémique stable, Recommandations, Revascularisation

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