P.42
Psychiatrie Phobie scolaire et déscolarisations Refus simple ou refus anxieux ? La revue de la médecine pour les adolescents
octobre 2011 - n°2 - 8 e
P.33
société
Cannabis
De la consommation occasionnelle à l’addiction P.37
P.59
Chirurgie Scolioses Démarche diagnostique et thérapeutique
P.54
Cas clinique Selles sanglantes chez un garçon de 12 ans
Conduite diagnostique Retard pubertaire de l’adolescente
Maladie de Crohn chez l’adolescent
Quelles sont les étiologies possibles ?
éditorial
Cannabis 2012 L’heure Hasch ou le rideau de fumée ? Dr Hervé Lefèvre, Rédacteur en chef Pédiatre, Paris
« En tant que médecins prenant en charge des sujets jeunes, notre mission est de participer à la prévention, à l’orientation ou à la prise en charge de toutes les formes de consommation de ces produits à l’adolescence »
L
a question de la légalisation du cannabis s’est invitée une nouvelle fois dans le débat à quelques mois des Présidentielles. Les principales raisons politiques invoquées par ses défenseurs sont de “couper l’herbe” sous le pied des trafiquants, de limiter les zones de non droit qui y sont associées, d’espérer contrôler et réguler la consommation grâce à un ensemble de mesure de production et de distribution. Il s’agirait aussi de récupérer l’argent actuellement dépensé pour limiter (difficilement) le trafic, et taxer sa vente à partir de lieux ayant pignon sur rue. A quand le “gramme de shit pour 10 euros“ dans un coffee shop pour les plus de 18 ans ? Probablement pas de sitôt en France. En tant que citoyen, l’absence de légalisation de la troisième substance psycho-affective la plus consommée en France, après l’alcool et le tabac, mérite réflexion. En effet, ces deux dernières, légales, n’ont plus à confirmer les risques associés à leur consommation. Mais les dimensions historique, sociale, culturelle françaises, sans oublier les pressions économiques et donc politiques l’emportent, à l’inverse du cannabis, sur les objectifs de santé publique. En tant que médecins prenant en charge des sujets jeunes, notre mission est de participer à la prévention, à l’orientation ou à la prise en charge de toutes les formes de consommation de ces produits à l’adolescence, période propice à la découverte de leur usage. Ceci peut participer au processus d’individuation, par le risque de transgresser l’interdit, et/ou correspondre à la recherche de sensations individuelles ou collectives spécifiques. On doit s’interroger sur les effets de la légalisation du cannabis, destinée aux majeurs, sur les mineurs. Serait-elle ou non associée au risque d’augmentation du nombre de consommateurs, d’usagers problématiques, ou de passage à d’autres drogues ? Les avis divergent selon qu’ils soutiennent ou condamnent tout changement législatif en la matière. Aussi, le principe de précaution s’applique-t-il aujourd’hui pour le cannabis, à la satisfaction du plus grand nombre, le temps d’une décision politique improbable au niveau international. Il serait donc “urgent de ne rien faire“ et nécessaire, plus que jamais, de soutenir le travail de prévention et d’information sur les risques associés à l’usage de l’ensemble de ces produits, sans langue de bois vis-à-vis de statut législatif contradictoire. Bonne lecture !
Adolescence & Médecine
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r e v u e
d e
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m e d e c i n e
p o u r
l e s
a d o l e s c e n t
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédacteur : Sébastien Cuvier • Secrétaire de rédaction : Annaïg Bévan • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de studio : Laurent Flin • Maquette : Elodie Lecomte • Illustration : Antoine Orry • Chef de publicité : Catherine Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne
SOMMAIRE
octobre 2011 - n° 2 - 8 e
société
P. 33
Cannabis
De la consommation occasionnelle à l’addiction Dr Olivier Phan
chirurgie
P. 37
Scolioses
Diagnostic et traitements Rédacteur en chef Dr Hervé Lefèvre (Paris) • Conseiller scientifique de la rédaction : Dr Thomas Girard (Paris) • Comité scientifique : Dr Sophie Lemerle-Gruson (Créteil), Pr Claude Griscelli (Paris), Pr Régis Coutant (Angers), Pr François Doz (Paris), Pr Jean Wilkins (Montréal) • Comité de rédaction : Dr Emmanuelle Mimoun (Toulouse), Dr Paul Jacquin (Paris), Dr Arnaud Chalvon (Lagny) Dr Chantal Steinhert (Boulogne), Dr François Pinabel (Paris), Dr Claire Bouvattier (Paris). • Comité de lecture ; Dr Catherine Naret (Paris) Dr Florence Moulin (Paris), Dr Chantal Deslandre (Paris), Dr Marie Noelle Lebras (Paris), Dr Dominique Cassuto (Paris), Dr Edith Gatbois (Paris), Dr François Bernard (Paris), Dr Chloé Lacoste (Paris), Dr Bertrand Vachey (Paris), Dr Sophie Gaudu (Paris), Dr Françoise Raynaud (Paris), Dr Delphine Martin (Paris). Adolescence & Médecine est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : adomed@expressions-sante.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : en cours 3 numéros par an Les articles de “adolescence et médecine” sont publiés sous la r esponsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
Crédits de couverture : © collin diederich - istock ; Vignette en haut : © Anne-Louise Quarfoth - Istock ; Vignette en bas de gauche à droite : © DR.
Pr Philippe Wicart
Psychiatrie
P. 42
Phobie scolaire et autres causes de déscolarisations Refus simple ou refus anxieux ? Comment se repérer ? Dr Jean-Pierre Benoît
Gynécologie
P. 46
Spanioménorrhée de l’adolescente Quelles pathologies rechercher ? Dr Claire Bouvattier
Neurologie
P. 49
Céphalées chroniques ou migraines
Quels diagnostics et quelle prise en charge en première intention ? Dr Barbara Tourniaire
Endocrinologie
P. 54
Retard pubertaire de l’adolescente Diagnostic étiologique
Dr Natacha Bouhours-Nouet, Pr Régis Coutant
Cas clinique
P. 59
Selles sanglantes chez un garçon de 12 ans Maladie de Crohn chez l’adolescent Dr Florence Campeotto
on en parle
P. 61
Par le Dr Jean-Baptiste Bertrand
Rendez-vous de l’industrie
P. 63
Abonnement
P. 53
Société
Cannabis De la consommation occasionnelle à l’addiction Au cours des années 90 et 2000, le cannabis est passé en tête des produits pris par les jeunes. Même si sa prévalence se stabilise voire diminue, la consommation reste à un niveau élevé. Il demeure un problème majeur chez les adolescents et une source de conflit et d’incompréhension entre générations. Selon le baromètre Inpes-ODFT, il y aurait 4,2 millions expérimentateurs
Dr Olivier Phan, Praticien Hospitalier, Consultation jeune consommateur, Centre Emergence, Institut Mutualiste Montsouris, Inserm U669, Paris
chez les 12-25 ans et 300 000 usagers quotidiens. Beaucoup d’informations circulent sur les effets du cannabis sur la santé, déformées dans un sens ou un autre selon la position que l’on prend par rapport au statut légal du produit. Le discours du professionnel doit avant tout être le plus adapté possible à la réalité de ce que vit l’adolescent tout en tenant compte des inquiétudes légitimes des parents. Sans banalisation ni sur-dramatisation, le thérapeute adaptera sa prise en charge en fonction de l’état clinique de son patient.
Généralités sur le cannabis bbQuelles sont les sources d’approvisionnement ?
© boojus-Istockphoto
Il existe plusieurs sources d’approvisionnement. Si la majorité du cannabis provient de la vallée du rif marocain, il existe d’autres sources comme la Hollande ou les productions locales qui prennent de plus en plus d’importance. Il est assez facile de cultiver du cannabis chez soi, et les récentes données de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies soulignent la place croissante d’Internet dans le commerce des graines de cannabis pour la culture locale. Ainsi, se crée des micro-réseaux au
sein même des structures scolaires dont les “gérants” sont les élèves eux-mêmes qui ne sont pas forcément issus du milieu “traditionnel” de la délinquance, tout en se plaçant en situation lourdement illicite au regard de la loi.
bbQuelles sont les différentes formes consommées ? Les feuilles et tiges de marijuana séchées forment une herbe, appelée “beuh” chez les adolescents. Il en existe de toutes les variétés et de tous les prix (Fig. 1). Adolescence & Médecine
Figure 1 – Plant de cannabis.
La résine gluante, qui contient le plus de THC, est rassemblée et pressée en “barrette” ou en “savonnette”. Cette forme concentrée est appelée haschisch ou plus communément “shit” (Fig. 2). Pour améliorer la “rentabilité”, ce haschisch, rarement vendu à l’état pur, est coupé avec d’autres substances comme le henné ou la paraffine. Vu sa forme compacte, il est plus facile d’en faire la contrebande et c’est cette forme qui est la plus disponible auprès
des adolescents. Ce haschich est fumé, soit mélangé avec du tabac sous forme de “joint”, soit dans des pipes spéciales appelées “bongs” ou “hookahs”. Ces pipes à eaux refroidissent la fumée pour la rendre moins irritante et permettent d’absorber des quantités plus importantes de cannabis. Il existe enfin une consommation par voie orale, mélangée à de la nourriture, dans certaines pâtisseries ap33
pelées “space cake”. En raison du premier passage hépatique et de l’absorption lente, les effets sont plus lents à apparaître et peuvent durer de 8 à 24 heures, ils seront aussi beaucoup plus intenses.
bbDosage dans les milieux biologiques Le sang est le liquide biologique de choix dans tout contexte médico-légal, incluant les accidents de la voie
publique pour mettre en évidence ou confirmer un usage récent de cannabis. L’analyse sanguine permet de doser les différentes formes psychoactives ou non du cannabis et d’effectuer une analyse quantitative dont les résultats peuvent donner lieu à interprétation. Elle peut aussi donner une estimation du temps écoulé entre la dernière consommation et le moment du prélèvement. Le dosage dans les urines apparaît aujourd’hui comme le plus approprié pour un dépistage rapide d’une consommation de cannabis. Il ne détecte que le D9THC-COOH, forme non psycho-active et ne permet pas de préjuger du temps écoulé entre le moment de la consommation et celui du recueil des urines. Le dosage dans la salive, en raison de
la présence du D9-THC, la forme constitue un test non invasif permettant de mettre en évidence l’usage récent.
Le parcours des usagers de cannabis La population des usagers de cannabis n’est pas homogène dans sa façon de consommer le produit. On distingue les prises occasionnelles, souvent festives, l’utilisation à titre utilitaire, par exemple pour dormir ou supporter une atmosphère stressante et enfin la défonce à visée anti-pensée.
bbLes débuts Les premières bouffées de cannabis se prennent souvent en groupe en faisant “tourner le joint”. L’adolescent en découvre alors les effets : fous rires, levée 34
des inhibitions et amélioration de la convivialité entre copains. L’effet reste très variable d’un individu à l’autre et dépend surtout de l’état dans lequel on se trouve avant la consommation. Le cannabis a principalement une action neuromodulatrice, c’est-à-dire que les effets ressentis après une prise sont très variables et dépendent étroitement des ressentis personnels au moment de la consommation. Classiquement, l’usager va ressentir deux types de phénomènes.
© Eric Gevaert-123rtf
Société
Figure 2 – Résine de cannabis.
bbL’accroche Un sentiment de relaxation D’une part, un sentiment de relaxation au cours duquel il va être légèrement confus et psychologiquement séparé de son environnement. Ainsi, les travaux ennuyeux et sans intérêt semblent se dérouler plus vite. Il existe aussi un sentiment de compréhension intérieure intense qui, pour certains, donne l’occasion d’une impression de forte créativité. Mais comme pour l’alcool, la relecture à jeun des productions artistiques qui, composées sous l’emprise de produit semblaient génialissimes, offrent parfois quelques déconvenues. Charles Baudelaire en a fait une remarquable description.
Une modification de toutes ses sensations D’autre part, une modification de toutes ses sensations. Les variétés de cannabis les plus puissantes peuvent provoquer une excitation avec une augmentation de la vivacité, des distorsions majeures des perceptions du temps, de la couleur et des sons. Les fumeurs décrivent ainsi une exacerbation des perceptions sensorielles et une impression de ressentir le monde qui les entoure avec une acuité plus grande. L’un ressentira mieux la musique, l’autre aura une meilleure communication avec son entourage. Des doses très fortes peuvent même produire des sensations cénesthésiques et visuelles. Il n’a jamais été décrit de surdose mortelle au cannabis. Les surdoses (ce que les ados appellent bad trip) se manifestent essentiellement par des nausées et des vomissements.
Pour certains, l’usage du cannabis restera festif et associé à la convivialité. Pour d’autres, généralement les plus fragiles, les effets relaxants et hypnotiques ressentis lors des premières prises seront mis à profit pour palier les troubles du sommeil, atténuer le retentissement des tensions familiales ou encore rendre supportable une scolarité honnie. C’est l’étape de la consommation “utilitaire”. Progressivement, le cannabis va devenir indispensable pour les bénéfices qu’il apporte, sans qu’il y ait dépendance
au sens propre du terme même s’il n’est pas rare d’observer des signes de sevrage pendant les périodes d’abstinence. Ceux-ci se manifestent sous forme d’une anxiété avec irritabilité, de perturbations du sommeil et de l’appétit, et surtout une envie presque irrésistible de prendre des produits. Enfin, il y a la “défonce” qui efface d’un coup toute pensée douloureuse. Généralement, cela nécessite des prises importantes sous forme de pipes à eau qui permettent d’absorber une grande quantité de produits en un minimum de temps. Le cannabis peut alors avoir pour but de mettre à distance les problèmes psychologiques sous-jacents. Arrêter la consommation devient alors synonyme de retour au réel et donc de souffrance.
bbLa lune de fiel Les effets délétères vont progressivement apparaître avec troubles cognitifs, répercussions sur la scolarité (chute des résultats, absentéisme) et Adolescence & Médecine
Cannabis
risque de désinvestissement plus ou moins global. Ces perturbations, réversibles, concernent surtout la mémoire à court terme, les autres fonctions étant conservées. Certains adolescents vont développer ce que certain nomme “un syndrome amotivationnel”. Celui-ci comporte un apragmatisme important, avec perte d’intérêt, une anhédonie, une intolérance aux frustrations et un ralentissement psychique. Plusieurs mécanismes ont été évoqués. De par ces effets anxiolytiques, surtout lorsqu’il va être utilisé chez des adolescents ne présentant pas d’anxiété pathologique, le cannabis va annihiler tout stress. Or, celui-ci est un moteur fondamental dans la poursuite des activités scolaires ou extrascolaires nécessitant un investissement important. De plus, le THC a une action sur les zones du cerveau dites des circuits de récompenses. Celles-ci sont activées lors d’une stimulation “satisfaisante” que le sujet va justement rechercher par la poursuite d’une activité professionnelle, extraprofessionnelle et/ou relationnelle gratifiante. Lorsque ce circuit est activé de façon artificielle, comme c’est le cas avec toutes drogues, la personne va entièrement se détourner de toutes ces activités au profit de la seule quête du produit miracle. La dépression, primaire ou induite, va aggraver ce syndrome amotivationnel. En effet, on le retrouve fréquemment chez les adolescents dépressifs même chez les non-consommateurs, tant la dimension de passivité défensive peut apparaître au premier plan chez des sujets dont les assises narcissiques sont fragiles.
cas par le vol, va aussi aggraver le climat familial. Concernant l’argent de poche, les parents sont face à un dilemme. Ou bien ils le suppriment, au risque de faire plonger l’adolescent dans la délinquance pour faire face aux dépenses liées à la consommation, ou bien ils le maintiennent et ils peuvent se sentir “complices” de la prise de cannabis. Cette dégradation relationnelle peut faire suite à une période plus ou moins longue de déni des proches ou à l’inverse d’une suspicion persécutrice compromettant dans un cas comme dans l’autre les tentatives pour le jeune de pouvoir parler de la réalité de sa consommation. Certaines attitudes de l’entourage vis-à-vis de cette consommation vont avoir une influence sur le risque de pérennisation de la conduite. On rencontre alors plusieurs cas de figure qui vont des parents qui consomment avec leur enfant à ceux qui vont le menacer de le chasser du domicile.
savoir à partir de quand on pourra considérer le cannabis comme facteur perturbateur de la vie du jeune. Le thérapeute prendra garde qu’il ne demande pas aux parents d’accepter cette consommation, mais de prendre les mesures les plus efficaces possibles sans perdre la qualité de lien avec leur enfant.
bbLa vie de l’adolescent est affectée Deux types de réponses peuvent être abordés.
Une réponse individuelle avec l’adolescent Il est important d’expliquer les risques encourus en recherchant l’alliance avec l’adolescent. Que pourra lui ap-
porter l’arrêt voire la diminution de sa consommation ? Que pense-t-il de son parcours, dans quel avenir peut-il s’inscrire ? La pression pour changer
“Certaines attitudes de l’entourage vis-à-vis de cette consommation vont avoir une b influence sur le risque de pérennisation b de la conduite.” La prise en charge Elle doit être adaptée à la situation clinique. Deux questions doivent se poser au thérapeute : l’adolescent est-il en situation de souffrance ? Son parcours actuel est-il en rapport avec l’idéal de ce qu’il pourrait être ?
bbLa vie de l’adolescent est peu affectée Il s’agit avant tout d’accuser récep-
est souvent externe. L’objectif du thérapeute sera de transformer cette demande externe en une demande plus interne, propre à l’adolescent. Des outils, utilisés dans la prévention peuvent être utiles pour créer un lien entre adolescent et thérapeute. Dans notre centre, nous utilisons un manga que nous avons élaboré dans le cadre du projet Kusa (Fig. 3).
bbL’enfer familial
tion de la demande et des craintes
L’altération des relations avec son en-
des parents, souvent porteurs de la
Une prise en charge familiale
tourage et en particulier ses parents est
demande dans ce genre de situation. Il ne faut surtout pas annuler celles-ci ce qui ne ferait qu’aggraver la situation.
Une prise en charge familiale s’avère parfois nécessaire quand la situation est trop difficile voire lorsqu’il n’existe aucune motivation voire une franche réticence de l’adolescent. Décentrer la problématique de l’adolescent vers les relations familiales permet de créer une alliance avec l’adolescent et
une autre conséquence. De par les ef-
fets anti-stress, l’adolescent est dans une bulle, peu réceptif aux remarques. Ce sont bien souvent les parents qui s’aperçoivent du désinvestissement progressif de toutes activités. La nécessité de récolter des fonds, y compris dans certains Adolescence & Médecine
L’important est d’expliquer que l’on ne gère pas un risque pour l’avenir comme un danger dans l’ici et le maintenant. La question va être de
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Société ainsi permettre de poursuivre la prise en charge. Il va falloir créer une alliance multiple avec l’adolescent, ses parents et la famille dans son ensemble. Pour ce dernier type de traitement, une formation spécifique est nécessaire. Toutefois il paraît important d’inclure les parents dès le début de
de poison et de médicament. Après discussion, la conclusion est souvent que toute substance pharmacologiquement active peut appartenir à plusieurs de ces catégories. Il n’y a pas de bons produits d’un côté et de mauvais produits de l’autre. Tout dépend de la façon dont on les utilise et de la personne qui les prend. Il est important de tenir compte non seulement du produit mais aussi de la
“Il est important de tenir compte non seulement du produit mais aussi de la personne et du contexte d’utilisation” Figure 3 – Couverture du manga
la prise en charge. Cela, dans la majorité des cas, n’altérera pas le lien de confiance avec l’adolescent bien au contraire.
Conclusion
personne et du contexte d’utilisation. L’adolescent a souvent une attitude de déni par rapport à sa consommation et à ses conséquences. Il est toujours très méfiant vis-à-vis du discours de l’adulte quand il ne l’invalide pas systématiquement. De plus, pour certains, le cannabis va faire partie de leur identité qu’ils vont garder jalousement. Les données que nous avons
Le cannabis a une position particulière parmi les substances psycho-actives. Banalisé pour les uns, diabolisé pour les autres, il doit nous offrir la possibilité de nous questionner sur ce qui fait la dangerosité d’un produit. Lors de nos interventions de repérage et de prévention dans les lycées, nous demandons aux élèves
énumérées ne doivent pas être uti-
de réfléchir sur les notions de drogue,
son, écoute ce qui est un préalable
Kusa, utilisé comme outil pédagogique. Le manga a été agréé par la commission de validation des outils de prévention de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (www.kusa-lemanga.fr).
indispensable à toute relation thérapeutique de confiance.
l
lisées pour lui montrer que nous en savons plus que lui, ce qui aurait des conséquences catastrophiques sur la relation, mais pour nous sensibiliser à
Mots-clés : Cannabis, Formes, Addiction, Consommation, Effets, Prise en charge.
pour en savoir plus • Arseneault L, Cannon M, Witton J, Murray RM. Causal association
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Adolescence & Médecine
CHirurgie
Scolioses Diagnostic et traitements La scoliose est un symptôme qui se caractérise par une déformation rachidienne tridimensionnelle dont le primum movens est une rotation vertébrale. Le diagnostic d’une scoliose revêt une triple importance : du diagnostic po-
Pr Philippe Wicart, Service Orthopédie, Hôpital Necker-Enfants malades, Université Paris Descartes, Paris.
sitif comme prérequis au traitement, de son étiologie et de son potentiel évolutif selon le stade pubertaire de l’adolescent, du fait de la corrélation entre l’aggravation de la déformation vertébrale et la croissance. Il faut insister sur l’importance de cette première consultation diagnostique car le médecin devra à la fois préciser les modalités thérapeutiques avec une vision à long terme tout en rassurant l’enfant et sa famille (1).
Diagnostics des scolioses
doit attirer l’attention du médecin sur l’existence d’une déformation vertébrale et permettre de quantifier cer-
corrigée, le bassin est bien horizontal et il est possible d’examiner le rachis.
bbDiagnostic positif de la déformation vertébrale
taines caractéristiques de ces défor-
Examen clinique du rachis
mations pour en assurer la surveillance
L’examen clinique du rachis est mené chez l’adolescent en position debout. S’agissant d’une déformation tridimensionnelle, le rachis est examiné dans les trois plans de l’espace.
En fonction de l’âge du diagnostic, sont distinguées les scolioses infantiles (< 3 ans) (2), juvéniles (3 à 10 ans), et de l’adolescence.
Eléments d’orientation Il peut parfois exister des antécédents de scoliose chez les parents, avec une concordance fréquente entre les deux générations concernant le type de déformation. Habituellement, les scolioses ne sont pas révélées par des signes fonctionnels. Cependant, des douleurs rachidiennes mineures et peu spécifiques ne sont pas exceptionnelles. Des douleurs plus importantes orientent, si elles s’accompagnent de raideur rachidienne, vers le diagnostic de tumeur ou d’infection et justifient une scintigraphie osseuse ou une IRM rachidienne. Des douleurs peuvent aussi cacher une préoccupation esthétique cherchant à inciter l’orthopédiste pédiatre à proposer un traitement chirurgical.
Examen clinique L’examen clinique est fondamental. Il Adolescence & Médecine
en cours de croissance. Il doit être mené sur un patient dévêtu, en culotte.
Mesure de l’enfant debout Avant tout, il convient de mesurer l’enfant debout, ainsi que la hauteur de son tronc en le mesurant assis. La correction d’une éventuelle inégalité de longueur des membres inférieurs, qui en aucun cas ne peut être génératrice de la déformation vertébrale, est indispensable pour examiner le rachis.
Rechercher la “pseudogibbosité” pelvienne La technique la plus simple consiste à rechercher la “pseudo-gibbosité” pelvienne de l’inégalité de longueur caractérisant les membres inférieurs, c’est-à-dire en faisant pencher l’enfant vers l’avant il est possible de noter une différence de hauteur des deux épines iliaques postéro-supérieures. La hauteur de la cale à mettre sous le côté le plus court et horizontalisant la ligne des deux épines iliaques postéro-supérieures révèle la différence de longueur. Une fois cette différence de longueur
• Dans le plan frontal est recherché un déséquilibre du rachis, c’est-à-dire un décalage de l’apophyse épineuse de D1 par rapport au sillon inter fessier qui est mesuré à l’aide d’un fil à plomb. Une différence de hauteur des épaules (articulation acromio-claviculaire) est mesurée. Le signe de la lucarne est un signe très précoce et très sensible. Il s’agit d’une asymétrie du pli de taille ce qui fait que l’espace limité par ce pli de taille et le bord médial du bras n’est pas le même de chaque côté (Fig. 1). • Dans le plan transversal, la conséquence de la rotation vertébrale est la gibbosité observée du côté de la convexité et qui correspond à la proéminence des structures paravertébrales. Elle est observée en faisant se pencher le patient vers l’avant en l’examinant alternativement en se plaçant en avant et en arrière de lui. Il convient d’en préciser 37
chirurgie le nombre, sa topographie (thoracique supérieure - inférieure - thoraco-lombaire - lombaire), son caractère mousse ou angulaire parfois en lame de sabre et de la quantifier en calculant sa hauteur avec un fil à plomb, ou en mesurant une pente gibbositaire avec un scoliomètre (Fig. 2). Figure 2 - Mesure de la pente
• Dans le plan sagittal, il convient d’apprécier de profil les différentes courbures en sachant que ce dernier est souvent perturbé avec une lordose dans le plan d’élection de la déformation. Le fil à plomb permet de mesurer les différentes flèches de profil en C7, T7, L3 et S3 qui sont habituellement respectivement de l’ordre de 30, 0, 30 et 0 mm.
gibbositaire avec un scoliomètre.
Figure 1 - Examen clinique avec vue postérieure : noter le déséquilibre du rachis à droite, des épaules de
Bilan radiologique
hauteur différente et une asymétrie
Le bilan radiographique à titre diagnostique justifie une radiographie de rachis en entier sur grande cassette (30 × 90 cm) de face et de profil pour apprécier l’importance de la rotation vertébrale, l’angle de Cobb délimité par les tangentes aux plateaux supérieur et inférieur des vertèbres limites respectivement supérieure et inférieure (Fig. 3), ainsi que le profil. Ces clichés sont réalisés chez l’adolescent en position debout. Le développement de la numérisation des radiographies aboutit à l’obtention de petits clichés fractionnés du rachis qui nuisent à l’appréciation de l’équilibre global du rachis. L’exposition régulière et répétée aux rayons X justifie une économie de prescription de radiographies. L’approche tridimensionnelle basse dose obtenue avec le système EOS est sans doute une approche plus complète de la déformation vertébrale qu’une analyse limitée au plan frontal (3).
du pli de taille.
L’existence d’une lordoscoliose thoracique importante justifie d’apprécier le retentissement sur la fonction pulmonaire avec des épreuves fonctionnelles respiratoires. A la fin de cette étape diagnostique, est posé le diagnostic de scoliose éliminant les attitudes scoliotiques sans rotation 38
vertébrale qui ne correspondent à rien de précis.
bbDiagnostic étiologique Il convient de procéder à l’étape suivante qui est l’analyse étiologique. Celle-ci fait appel à une étude anamnestique précise en demandant bien les antécédents familiaux et personnels. L’examen clinique comprend un examen neurologique précis et la recherche d’une anomalie cutanée, d’une dysmorphie faciale ou d’une autre anomalie orthopédique.
Les scolioses idiopathiques La grande majorité des scolioses est idiopathique et affecte 3 % de la population générale, sous forme de déformations souvent mineures et plus sévères. Des travaux de recherche convergent actuellement tous vers une anomalie de fonctionnement du système nerveux central qui serait due à une anomalie de sécrétion des neurotransmetteurs de la base du crâne affectant particulièrement la croissance. Des travaux montrant des anomalies de sécrétion de la mélatonine ou de la calmoduline vont dans ce sens. D’autres évoquent une anomalie de l’oreille interne. Les
Figure 3 - Radiographie du rachis entier de face : mesure de l’angle de Cobb.
constatations des publications sont variables mais la plupart s’orientent vers une étiologie neurogène centrale (4). Ainsi, sont éliminées les étiologies mécaniques évoquées subjectivement par les familles (cartables trop lourds, sports non symétriques comme le tennis) qui n’ont pas de raison d’être. Les enfants ayant une scoliose idiopathique ont parfois des antécédents familiaux et sont, par ailleurs, exempts de toute autre anomalie orthopédique, neurologique, ou autre, à l’exception parfois d’une hyper-élasticité tissulaire. La composante génétique, inconstante, a été rapportée dans la scoliose idiopathique. Adolescence & Médecine
Scolioses
Les radiographies ne montrent pas d’anomalie en dehors d’une structu-
ralisation de la déformation vertébrale avec cunéiformisation des vertèbres due aux altérations de croissance liées à la loi de Hueter et Volkmann. Le diagnostic de scoliose idiopathique est donc un diagnostic d’exclusion. Il convient d’éliminer les autres causes de scoliose dont les principales sont au nombre de trois : pathologie neurologique, malformation ou dystrophie osseuse ou des parties molles.
Pathologies neurologiques Toutes les pathologies neurologiques, qu’elles soient centrales (cérébrale -infirmité motrice cérébrale- ou médullaire -syringomyélie-), neurogènes périphériques ou musculaires, peuvent générer une scoliose. L’étude des antécédents familiaux, personnels, ainsi que l’examen neurologique prennent tout leur sens. L’examen neurologique est d’abord dynamique en évaluant la marche simple, sur la pointe des pieds, sur les talons à la recherche d’une griffe d’orteil, en évaluant la possibilité de se relever de la position accroupie sans les mains (manœuvre de Gowers) et le saut monopode. Si toutes ces manœuvres sont réalisées de façon aisée et symétrique, un certain nombre d’affections peut être éliminé. Il convient d’éliminer un syndrome pyramidal et d’évaluer les réflexes cutanés abdominaux dont l’abolition unilatérale est suspecte. Par ailleurs, les caractéristiques de la déformation vertébrale éveillent elles aussi l’attention, en particulier en cas de scoliose à convexité thoracique gauche ou lombaire droite. Dans ces cas, il convient de prescrire une IRM de la charnière crânio-rachidienne et de la moelle épinière à la recherche d’une anomalie qui peut être un syndrome d’Arnold Chiari ou une syringomyélie, une tumeur ou une moelle attachée basse. L’examen neurologique doit être refait à chaque consultation car le primum movens neurologique de la scoliose Adolescence & Médecine
Figure 4 - Scoliose malformative avec hémi vertèbre.
peut être imperceptible cliniquement pendant un certain temps puis devenir manifeste, comme une tumeur médullaire. En cas de doute, une consultation est à prévoir avec un neuropédiatre.
une pathologie malformative plus globale avec malformation cardiaque, rénale, ORL (syndrome de V.A.T.E.R., syndrome de Goldenhar), etc.
Pathologie dystrophique Origine malformative La scoliose peut être d’origine malformative. Les malformations vertébrales sont caractérisées sur le plan anatomopathologique par un défaut de formation (hémi-vertèbre, vertèbre bi-nucléaire, agénésie spondylocostale) (Fig. 4), par un défaut de segmentation (barre interpédiculaire avec parfois synostose costale) ou de façon exceptionnelle par une instabilité sous forme de rachis luxé congénital. Ce diagnostic, qui est, radiologique peut être évoqué lors de l’examen clinique. En effet, il peut s’agir d’un véritable dysraphisme spinal avec malformation vertébrale, malformation médullaire (diastématomyélie, syringomyélie) qui peut entraîner des signes neurologiques et anomalies cutanées en regard des arcs postérieurs vertébraux avec des lésions pigmentées (angiome ou/et touffe de poils). L’IRM est l’examen complémentaire de choix. Ces malformations vertébrales peuvent ne pas être isolées et s’intégrer dans
Une pathologie dystrophique, c’est à dire une anomalie tissulaire, peut aussi être génératrice de scoliose. • Il peut s’agir d’anomalies des parties molles avec une élasticité cutanée et une
laxité ligamentaire excessives telles que l’on peut l’observer dans le syndrome de Marfan ou la maladie d’Ehlers Danlos. Il convient de rechercher dans le premier cas des antécédents familiaux, une grande taille, une déformation du thorax en entonnoir ou en carène, une arachnodactylie, une hyper-laxité ligamentaire avec recurvatum de coude, une luxation du cristallin et des anomalies cardio-aortiques. Une obésité, un léger retard mental ou une hyper-élasticité cutanée sont en faveur de la seconde étiologie. • Il peut aussi s’agir d’une dystrophie osseuse avec un os dont la trame est
mal visible avec aspect en sucre d’orge des côtes entraînant des scolioses évolutives, angulaires. La neurofibromatose de type 1 (Recklinghausen) est très 39
chirurgie pourvoyeuse de ce type de déformation et doit être évoquée s’il existe des antécédents familiaux ou des anomalies cutanées de type taches café au lait.
Autres causes Les causes plus rares de scoliose sont les ostéochondrodystrophies, les pathologies métaboliques (rachitisme), les antécédents de chirurgie thoracique. Certaines cardiopathies malformatives sont parfois associées à des scolioses non malformatives (5). La radiothérapie peut générer des déformations sévères.
bbDiagnostic évolutif Le potentiel évolutif de la déformation du fait de la croissance staturale et donc le pronostic doivent être évalués. Ceci a bien été montré par Madame Duval-Beaupère (6), qui a bien mis en évidence une aggravation des scolioses tout au long de la croissance avec une pente évolutive plus élevée pendant la période péri-pubertaire. Il convient donc d’apprécier le stade de développement pubertaire selon les stades de Tanner, et l’âge d’apparition des premières règles. Il existe aussi des signes radiologiques caractérisés par le caractère ouvert ou fermé du cartilage en Y et l’ossification du cartilage de croissance iliaque (signe de Risser). L’étiologie peut aussi être un élément présageant de l’évolutivité importante, en particulier s’il s’agit d’une scoliose dystrophique ou paralytique. De ce bilan du potentiel évolutif découle un projet thérapeutique qui doit être très clairement expliqué à l’adolescent et à ses parents avec une vision à long terme de l’objectif, qui est un garant de l’observance tout en prenant en compte l’état psycho-affectif individuel et familial.
Traitement bbUn objectif : prévenir l’aggravation L’objectif est de prévenir l’aggravation, de corriger la scoliose et d’assurer l’équi40
libre global du rachis tout en préservant le maximum de la mobilité vertébrale. Deux modalités thérapeutiques ont fait la preuve de leur efficacité : le traitement orthopédique (corsets) (7) et le traitement chirurgical (8). Il n’existe aucune alternative qui ait prouvé son efficacité, que ce soient sports, kinésithérapie, ostéopathie, etc. De telles prescriptions, très fréquentes, ne font que retarder le début d’un traitement efficace et laissent la scoliose s’aggraver. Les modalités de prescription de traitement orthopédique ou chirurgical sont affaires de spécialistes et pour certaines ne sont pas consensuelles. Par conséquent, elles ne seront pas détaillées. Cependant, quelques principes peuvent être précisés concernant les scolioses idiopathiques.
Figure 5 - Corset de ToulouseCheneau-Munster (adapté à une scoliose double majeure thoracique et lombaire).
bbLe traitement orthopédique avec corset Un traitement orthopédique avec corset, éventuellement précédé par un corset plâtré en cas de déformation notable, est indiqué avant la fin de croissance en cas de déformation “significative” et/ou évolutive. Ce traitement permet de diminuer la fréquence des indications opératoires et cela doit être expliqué à l’enfant et à sa famille de façon convaincue et convaincante. L’adhérence au traitement sera scellée en montrant la correction acquise avec le corset telle qu’objectivée avec une radiographie. Le corset peut être prescrit uniquement la nuit ou bien 23 heures sur 24, selon l’importance de la déformation et les habitudes du praticien. Cependant, il faut savoir qu’en cas d’aggravation malgré le port uniquement nocturne, il
des matériaux et les progrès dans la fabrication (Fig. 5) aboutissent à des orthèses compatibles avec une vie sociale et familiale normale. Une kinésithérapie “adjuvante” réali-
sée avec le corset peut être prescrite au début du traitement puis relayée par une auto-rééducation toujours avec corset sous forme de traction, élongation vertébrale et travail de l’ampliation thoracique. Une observance satisfaisante du traitement permet d’obtenir une correction réelle de la déformation clinique (équilibre rachidien, gibbosité) et radiologique (Fig. 6). La surveillance clinique et radiologique est semestrielle, jusqu’en fin de croissance, date à laquelle le sevrage est réalisé.
sera très difficile de convaincre l’adolescent de le porter à temps plein. Par
bbL’opération
ailleurs, une scoliose traitée avec corset ne constitue en aucune façon une contre-indication aux activités sportives scolaires ou extrascolaires quelles qu’elles soient. Il suffit d’enlever le corset dans le vestiaire avant la séance et de le remettre au décours. La qualité
Une indication opératoire peut être retenue en cas de déformation importante. De façon schématique, une scoliose thoracique avec un angle de Cobb atteignant 50° ou un peu moindre mais avec une lordose thoracique est une indication opératoire à visée esthétique Adolescence & Médecine
Scolioses
et pour éviter une aggravation de la déformation à l’âge adulte (Fig. 7). Les conséquences respiratoires ne sont significatives que pour des scolioses assez sévères. Les scolioses thoraco-lombaires ou lombaires peuvent être opérées pour des angles de Cobb moindres, si la rotation vertébrale est importante avec déséquilibre du rachis. Cette indication a pour objectif de prévenir une dégradation arthrosique à l’âge adulte du rachis lombaire bas et de la charnière lombosacrée. Le principe de l’intervention est la correction de la scoliose avec une instrumentation métallique (antérieure ou postérieure) qui est pérennisée avec une arthrodèse vertébrale c’est-à-dire une fusion osseuse entre les différentes vertèbres constitutives de la déformation. La puissance des instrumentations disponibles permet d’obtenir des corrections très satisfaisantes et ne requièrt pas de corsetage post-opératoire dans la majorité des cas.
Figure 7 – Traitement chirurgical. Figure 6 - Traitement avec corset : résultat radiologique. A. double majeure à prédominance
Quelle que soit la nature du traitement réalisée, une surveillance espacée
thoracique (âge de 13 ans). B. En fin
(tous les 10 ans par exemple) tout au
de traitement : noter l’émoussement
long de la vie est recommandée car il existe un risque d’aggravation sur le mode “dégénératif” liée aux altérations arthrosiques des différentes articulations vertébrales en particulier aux étages lombaires et lombosacrés. l
Avant traitement d’une scoliose
de la gibbosité thoracique (âge de 18 ans).
tion que la déformation soit modérée. L’enfant et sa famille doivent être infor-
Cette perspective thérapeutique doit être mûrement réfléchie. La chirurgie
més des risques chirurgicaux en parti-
n’est pas une alternative au traite-
et la sévérité sont maîtrisées par la surveillance des potentiels évoqués médullaires sensitifs et moteurs pendant l’opération.
ment orthopédique et il est clair que la
meilleure fonction est obtenue avec les méthodes non chirurgicales à condi-
culier neurologiques, dont la fréquence
Mots-clés : Scolioses, Démarche diagnostique, Traitements, Corset, Orthopédie, Chirurgie
Références 1. Dubousset J. Premier examen d’un enfant scoliotique. Cahiers
melatonin-deficient C57BL/6J mice without pinealectomy. J Pineal Res
d’Enseignement de la Société Française de Chirurgie Orthopédique
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et Traumatologique. Paris : Expansion Scientifique Française, 1980 :
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heart disease. Spine 1980 ; 20 : 1252-5.
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deformities in infancy and early childhood. Rev Chir Orthop Reparatrice
preliminary study. Acta Orthop Belg 1972 ; 38 : 365-76.
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in patients referred to orthopaedic clinics for adolescent idiopathic
approach to musculoskeletal physiology and pathology with low-dose
scoliosis. Stud Health Technol Inform 2010 ; 158 : 152-6.
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4. Machida M, Dubousset J, Yamada T et al. Experimental scoliosis in
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Adolescence & Médecine
41
Psychiatrie
Phobie scolaire et autres causes de déscolarisations Refus simple ou refus anxieux ? Comment se repérer ? L’absentéisme ou la déscolarisation sont des motifs fréquents de consultation. Distincte de l’école buissonnière, la phobie scolaire serait en augmentation, mais ne tend elle pas parfois à devenir un concept refuge, derrière lequel se rangent en
Dr Jean-Pierre Benoît Psychiatre, Maison des Adolescents-Maison de Solenn, CHU Cochin, Paris
excès toutes conduites de déscolarisation. A l’adolescence, son diagnostic est plus difficile et son évolution plus péjorative. Elle relève pourtant d’un traitement spécifique et mérite d’être distinguée.
Sur le plan terminologique, l’Education Nationale parle de “déscolarisation” pour qualifier la situation d’un élève complètement absent, et d’absentéisme scolaire au-delà de 4 demijournées d’absence non justifiées par les parents ou par un médecin. Le “décrochage scolaire” qualifie les élèves qui quittent le système scolaire sans diplôme (Bac, Bac pro, BTS, CAP...). On parle alors d’adolescent “décrocheur”.
l’école buissonnière cette forme clinique responsable de déscolarisation que Johnson nommera en 1941 school phobia.
bbDéfinition classique Classiquement, il s’agit d’enfants qui pour des raisons irrationnelles refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions d’anxiété très vives ou de panique quand on essaie de les y forcer. L’angoisse est insurmontable et survient la veille d’une rentrée ou le dimanche soir, parfois le matin avant de partir, sur le chemin du collège ou au sein même de l’établissement. Elle empêche l’élève d’être scolarisé. Volontiers pris pour un capricieux, qualifié de paresseux ou de manipulateur, les parents insistent et risquent de déclencher une panique avec comportements d’enfermement, de fugue, ou de tentative de suicide. Au contraire, lorsque l’entourage cède, l’adolescent se calme et promet de retourner en classe le lendemain. Ce refus scolaire est involontaire, sous-tendu par une inadaptation du fonctionnement psychique au cadre et au fonctionnement scolaire.
bbSymptomatologie
Clinique de la phobie scolaire
symptômes
C’est Broadwin en 1932 qui isole de
être au premier plan : classique “mal
42
Comme pour toute angoisse, des somatiques
peuvent
© Anne-Louise Quarfoth - Istockphoto
Q
uel praticien, pédopsychiatre, pédiatre, ou généraliste ne s’est pas senti embarrassé face à un adolescent refusant de se rendre en classe ? Hésitant entre sollicitude et fermeté, le praticien se trouve confronté à une décision de parti pris : parti pris de l’adolescent s’il pose un diagnostic qui justifie médicalement la déscolarisation, ou parti pris des parents qui attachent à la scolarité une garantie d’intégration sociale et de réussite professionnelle. Pourtant, lorsque la déscolarisation a une cause psychique, l’insistance ou la contrainte sont vouées à l’échec. Il est donc important de pouvoir repérer les troubles psychiques sous-jacents pour définir la conduite à tenir.
« Lorsque la déscolarisation a une cause psychique, l’insistance ou la contrainte sont vouées à l’échec. »
au ventre”, nausées, vomissements, céphalées. Ils disparaîtront à l’éviction scolaire. L’intérêt pour les apprentissages est conservé et permet l’inscription à des formes de scolarisation alternative ou par correspondance. La déscolarisation est douloureuse, l’adolescent s’inquiète et souffre d’isolement et d’ennui. Honteux et culpabilisé, il fuit parfois ses pairs pour ne pas avoir à se justifier. Adolescence & Médecine
Phobie scolaire et autres causes de déscolarisations
bbFacteurs d’installation L’installation de la phobie scolaire peut être précipitée par des facteurs environnementaux qui servent secondairement de rationalisations : agression par ses pairs, moqueries, remarque d’un enseignant... Très souvent les expériences de séparation précoce dans la petite enfance (crèche, école maternelle) ou les séjours en dehors de la famille (colonies de vacances, voyage scolaire) ont été difficiles ou impossibles. Le décès mal vécu d’un proche, une maladie grave, une crise parentale, un déménagement, un changement d’école, sont également autant de situations susceptibles d’accroître le sentiment d’insécurité en augmentant le seuil d’angoisse. Les troubles du sommeil du nourrisson ne sont pas rares, témoins d’une anxiété précoce. Enfin, les troubles des apprentissages (dyslexie, dysorthographie…) peuvent favoriser le déclenchement phobique et doivent toujours être recherchés.
bbEpidémiologie Estimée à un peu moins de 2 % des jeunes en âge scolaire, elle représente environ 5 % des consultations en pédopsychiatrie et touche autant les
garçons que les filles. Sans étude épidémiologique précise, les cliniciens estiment sa fréquence en augmentation. L’accroissement des exigences scolaires, des phénomènes de compétition sociale, et de l’agressivité dans les établissements, en augmentant le sentiment d’insécurité qui précipiterait l’angoisse, expliqueraient cette recrudescence.
bbAntécédents familiaux L’étude de la famille permet souvent de constater des antécédents de troubles anxieux, phobiques ou dépressifs chez les parents. Les auteurs observent un lien d’hyperdépendance mère-enfant. Dans cette dyade, les pères sont absents (séparation, divorce, éloignement pour raisons professionnelles) ou trouvent difficilement leur place (disqualification, conflit conjugal) (1). Adolescence & Médecine
bbUne installation parfois insidieuse
Le refus scolaire simple
A l’adolescence, l’installation de la phobie scolaire peut être plus insidieuse et les signes anxieux peuvent être noyés dans un ensemble clinique plus polymorphe : les éléments dépressifs peuvent apparaître au premier plan, l’adolescent s’isolant à son domicile ; dans certains cas les conduites agies dominent avec opposition, fugues, conduites addictives, réunion en bandes. L’évolution de la phobie scolaire est réputée de moins bon pronostic à cet âge car la dépendance au figures parentales complique la trajectoire d’autonomisation (2).
Il s’agit d’un adolescent qui refuse de poursuivre sa scolarité de son plein gré, si l’on peut dire, sans raisons psychologiques objectivables. C’est ce que nomme l’appellation romantique d’école buissonnière. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination, cette position d’apparence recevable peut cacher une crainte phobique minime, un trouble des apprentissages.
Face à ce flou symptomatique à l’adolescence, pour retenir le diagnostic de phobie scolaire, il convient de cher-
La déscolarisation peut être secondaire à des somatisations. Dans ces cas, l’angoisse paroxystique manque, et l’expression somatique est au devant du tableau, alibi de l’absence. Tous les appareils peuvent être atteints : neurologiques avec céphalées migraineuses, vertiges ou troubles de la marche ; douleurs diverses de l’appareil locomoteur allant jusqu’aux tableaux fibromyalgiques ; douleurs des organes génitaux ou pollakiurie d’instabilité vésicale. L’asthénie peut faire évoquer le syndrome de fatigue chronique, dont la validité clinique reste discutée. L’encoprésie, source de honte narcissique empêche souvent l’enfant d’être scolarisé, par crainte des moqueries.
cher minutieusement les deux éléments caractéristiques qui fondent son diagnostic positif, et qui ont pu
être présents au début des troubles, aux premiers temps de la déscolarisation, ou dans le plus jeune âge : • syndrome anxieux face aux situations de scolarisation, • intérêt et performances scolaires conservés.
Une place nosologique discutée Dans la littérature anglo-saxonne la phobie scolaire tend à être remplacée par le “refus scolaire anxieux” (school anxious refusal). Les classifications internationales ne lui reconnaissent pas d’entité syndromique propre, la classant soit dans les troubles « angoisse de séparation », soit dans les « troubles névrotiques à dominante phobique »
(symptôme d’une agoraphobie, d’une phobie sociale, d’un trouble panique, ou d’une phobie spécifique). En France, l’appellation “phobie scolaire” est couramment utilisée par les cliniciens, et a tant séduit patients, parents, et enseignants qu’ils l’utilisent parfois à l’excès devant n’importe quelle déscolarisation en quête de caution médicale.
Autres étiologies psychiques de déscolarisation bbSecondaire à des somatisations
bbTroubles de la structuration de la personnalité Les troubles sévères de la structuration de la personnalité (dysharmonies, états limites, troubles psychotiques) s’accompagnent souvent d’une absence d’intérêt scolaire pouvant entraîner un absentéisme ou une déscolarisation. Les troubles schizophréniques qui débutent parfois à l’adolescence se compliquent d’un “fléchissement scolaire” progressif (diminution des performances scolaires), ou d’un “apragmatisme” (incapacité à initier une action). 43
Psychiatrie bbTroubles dépressifs Les troubles dépressifs, par le désintérêt, le ralentissement psychomoteur et les troubles de l’attention qu’ils entraînent peuvent conduire à une déscolarisation. Cette présentation reste schématique et le diagnostic clinique d’une déscolarisation parfois difficile à établir. Le déterminisme est souvent multiple. Le rôle de l’environnement est important
en conditionnant le désir d’apprendre, de s’intégrer, et de poursuivre une scolarité. Les origines sociales, la dynamique familiale, les événements de vie interviennent pleinement.
Le rôle aggravant des addictions Les addictions aggravent les déscolarisations en favorisant le repli. Le cannabis mais aussi Internet peuvent envahir la vie de l’adolescent et renforcer l’isolement. Au maximum, les adolescents ne quittent plus leur domicile. Les auteurs français parlent alors de “syndrome de claustration” nommé au Japon où il serait très fréquent “syndrome d’Hikikomori”.
Psychopathologie de la phobie scolaire Broadwin dès 1932 remarquait : « ce n’est pas l’école que l’enfant fuit, mais la situation de séparation qu’elle impose ». L’enfant craint de s’éloigner de ses proches, parfois par crainte qu’il ne leur arrive quelque chose. L’importance de l’angoisse de séparation a très vite été mise en cause dans les tableaux de phobie scolaire. Physiologique dans le jeune âge, ces angoisses sont appelées à disparaître, l’appareil psychique permettant de remplacer l’absence des proches par des substitutions psychiques rassurantes. Si le terme “phobie” sous-entend un schéma névrotique freudien, la gravité du tableau anxieux fait souvent pencher le diagnostic du côté des états limites dont le fonctionnement associe mécanismes névrotiques et psychotiques.
Pour contenir ces angoisses, l’inhibi44
tion intervient. Aux questions sur leur peur, les adolescents répondent souvent invariablement “je ne sais pas”. Cette absence de mise en sens fait parler de “pauvreté” ou de “manque d’élaboration psychique”, rendant difficile la mise en place de psychothérapies individuelles. Comme a dit A. Birraux, « les conditions du pouvoir apprendre sont les conditions du pouvoir penser » ; ces troubles psychiques compliquent l’apprentissage et peuvent donner à l’enfant l’envie de fuir (3). A l’adolescence, la dépendance extrême aux figures parentales permet d’éviter l’angoisse, mais empêche le conflit d’autonomie. Les difficultés narcissiques prédominent avec évitement timide des relations avec l’extérieur, et tyrannie envers les figures familières. L’adolescent est sensible à tout, susceptible, inconsciemment menacé par le monde extérieur.
Le traitement doit associer traitement psychologique et réhabilitation scolaire L’éviction scolaire est toujours nécessaire dans un premier temps. Des
mesures conservatoires de la scolarité doivent être prises pour maintenir les apprentissages : scolarité à domicile ou enseignement à distance (CNED). Une réintégration scolaire progressive peut être proposée après un certain temps de traitement en partenariat avec les services de santé scolaire. Le traitement vise à diminuer le seuil d’angoisse. En fonction des cas, le
choix peut se porter vers une thérapie individuelle ou familiale. En cas d’inhibition, on choisira un traitement par médiation (psychodrame, groupe de parole, ateliers artistiques). Les traitements psychotropes se limitent aux antidépresseurs sérotoninergiques en cas de complication dépressive ou aux neuroleptiques atypiques en cas d’états limites graves. Les troubles des apprentissages (dyslexie, dysorthographie) doivent bénéficier d’une
rééducation spécifique. Les hospitalisations à temps plein sont réservées aux formes graves. La prise en charge s’envisage au long cours. Il est rarement possible
d’envisager une rescolarisation avant plusieurs mois de traitement. Le pronostic reste sévère car environ 45 % des adolescents de plus de 16 ans ne reprendront pas leur scolarité (4). Parfois, la solution reposera sur une institutionnalisation au long cours en internat soins études. La gravité de ce trouble justifie l’adresse vers des services spécialisés pour adolescents. n
Mots-clés : Phobie scolaire, Refus scolaire, Clinique, Etiologies, Psychopathologie
Bibliographie 1. Lamotte F, Doncker E, Goeb JL. Les phobies scolaires à l’adolescence. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 2010 ; 58, 256-62. 2. Lida-Pulik H, Colin B, Basquin M. La phobie scolaire à l’adolescence. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence ; 1996 ; 44 : 211-4. 3. Birraux A. Refus scolaire et difficultés d’apprentissage à l’adolescence. Encycl Med Chir, Psychiatrie. Paris : Elsevier, 37-216-D-10, 1999. 4. Wanda P, Fremont MP. School refusal in children and adolescents. Am Fam Physician 2003 ; 68 : 1555-60 ; 1563-4.
Pour en savoir plus : • Catheline N. Psychopathologie de la scolarité. 2e édition. Paris : Masson, 2007 ; 99-103. • Laget J. Absentéisme, troubles somatoformes et phobie scolaire à l’adolescence. Méd Hyg 1998 ; 56 : 2408-11. • Michaud PA, Cauderay M. Le praticien face à l’absence scolaire : signer ou ne pas signer. Méd Hyg 1998 ; 56 : 2412-6.
Adolescence & Médecine
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Neurologies
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Gynécologie
Spanioménorrhée de l’adolescente Quelles pathologies rechercher ? On appelle spanioménorrhée l’allongement de l’intervalle qui sépare deux épisodes de règles, parfois au-delà de 6-8 semaines. A l’âge de 13 ans, la durée des cycles (5-95e percentile) est comprise entre 19 et 64 jours. La persistance de cycles longs
Dr Claire Bouvattier Endocrinologie pédiatrique, Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
ne doit pas être négligée. En effet, les troubles du cycle persisteront chez la moitié environ des filles qui ont des cycles longs après les premières règles.
Introduction
90 % des filles entre 11 et 14 ans (en moyenne 12,8 ans), environ 2 ans après le début du développement des seins. Les premières règles sont une étape de la maturation de l’axe hypothalamohypophyso-ovarien et les cycles vont
La puberté chez les filles survient dans 95 % des cas entre 8,5 et 13 ans, âges compatibles avec un début dit “normal” de la puberté. Aujourd’hui, les premières règles surviennent chez
HYPOTHALAMUS
Neurones
ANTEHYPOPHYSE
Système porte hypothalamo-hypophysaire
GnRH
POST-HYPOPHYSE
Cellules glandulaires FSH Cycle des gonadotrophines hypophysaires
circulation sanguine général
LH
Pic ovulatoire GnRH
FSH LH Phase folliculaire
14
Ovulation
Phase lutéale
Cycle ovarien
Follicules privilégiés Follicules de de Graaf Cycle des hormones ovariennes
Corps jaune
28
CORTEX OVARIEN
Dégénérescence fibreuse
Progestérone
Œstrogènes
1 2 3 4 5
28e jour
14e jour
Menstruation
Destruction de la zone fonctionnelle de l’endomètre
Figure 1 - Le cycle menstruel.
46
UTERUS
se régulariser en 2-3 ans (Fig. 1). La première année, 50-80 % des cycles sont anovulatoires et 50 % des cycles sont irréguliers, leur longueur pouvant varier de 15 jours à plusieurs mois.
Parallèlement à ces caractéristiques cliniques, les cycles post-pubertaires immédiats présentent des particularités biologiques et échographiques. L’absence ou l’insuffisance en progestérone est constante et il existe une hyperandrogénie modérée, avec des concentrations circulantes de LH, androsténédione et de testostérone significativement plus élevées chez les jeunes filles qui ont des cycles longs que chez celles qui ont des cycles réguliers. A l’échographie, les ovaires ont un volume supérieur à celui de l’âge adulte. Ils sont multi-folliculaires. Au décours de la puberté, les troubles du cycle sont fréquents, très souvent fonctionnels et transitoires.
Approche diagnostique bbInterrogatoire Après l’analyse des dates des règles dans l’année, des antécédents médicaux notables (radiothérapie, chimiothérapie), on notera l’âge auquel la pilosité pubienne est apparue, l’âge auquel les premières règles sont survenues. Les signes d’accompagnement des règles seront précisés : douleurs, abondance… Sur le plan familial, seront précisés l’âge de la puberté des femmes de la famille, et l’existence de syndrome des ovaires polykystiques. Adolescence & Médecine
Spanioménorrhée de l’adolescente
bbExamen clinique L’examen clinique confirme que le développement pubertaire est complet, note le poids et ses variations récentes et la taille. La courbe staturo-pondérale sera reconstituée.
bbUn objectif : rechercher l’hyperandrogénie L’objectif essentiel de l’examen est de rechercher des signes d’hyperandrogénie. L’acné est peu significative, de nombreuses adolescentes présentant de l’acné. L’hirsutisme, c’est-à-dire la pilosité dans les zones androgéniques (lèvre supérieure, favoris, pilosité inter-mammaire, péri-mammelonaire, sur la ligne blanche de l’abdomen) doit être côté (Fig. 2). Sa présence est d’autant plus significative qu’il est apparu à la puberté et progresse. Une séborrhée et une alopécie androgénique seront notées. La galactorrhée, rare, est notée.
de 2 ans, et qu’il n’y a ni douleur ni signe clinique d’hyperandrogénie : la
terstitielles) et surrénalienne (zone réticulée du cortex) et de la conver-
spanioménorrhée est très probable-
sion périphérique par le foie, la peau
ment fonctionnelle et transitoire. Au-
et le muscle, des précurseurs peu ac-
cune exploration n’est nécessaire, une surveillance simple est requise. Les cycles vont se régulariser.
tifs. La SDHA est exclusivement surré-
bbEn cas de signes d’hyperandrogénie S’il existe des signes cliniques d’hyperandrogénie : un bilan biologique et échographique est nécessaire, une hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle transitoire est le plus souvent en cause. La LH, et/ou la testostérone et/ou l’androsténédione, mesurées le matin, en aménorrhée ou dans les 5 premiers jours du cycle, sont élevées. A l’échographie, pratiquée à cet âge par voie abdominale, les ovaires sont gros, multi-folliculaires ou polykystiques.
Approche étiologique
Rappel de la physiologie des androgènes
bbAbsence de signe cliniques
culants proviennent de la stéroïdo-
Si les premières règles datent de moins
genèse ovarienne (cellules théco-in-
Chez la femme, les androgènes cir-
nalienne, alors que la D4 androsténédione provient pour moitié de l’ovaire et de la surrénale. La testostérone circulante provient à 50 % de la conversion périphérique de la D4, la DHA et la SDHA. Les 50 % restants sont sécrétés par l’ovaire et la surrénale en quantités égales. La DHT est quasi totalement formée en périphérie par la conversion périphérique de la testostérone par la 5 alpha-réductase.
Difficulté du diagnostic de syndrome des ovaires polykystiques Le diagnostic de syndrome des ovaires polykystiques, difficile à cet âge, ne doit pas être asséné de façon définitive à une jeune fille dans les quelques années qui suivent l’installation des premiers cycles, tant ses conséquences sont grandes en termes de suivi et de fertilité future. Certains auteurs
Figure 2 - Cotation de l’hirsutisme par le score de Ferriman.
Adolescence & Médecine
47
Gynécologie préconisent de ne pas poser ce diagnostic avant 18 ans. Une méta-analyse récente recommande de poser le diagnostic de syndrome des ovaires polykystiques seulement au moins 2 ans après les règles, chez les filles présentant une spanioménorrhée, une hyperandrogénie, et des ovaires polykystiques à l’échographie (ovaires > 10 cm3). Le diagnostic ne doit pas être posé si l’un seul de ces critères est présent. Il est à discuter devant une hype-
randrogénie et une spanioménorrhée traînante, sans ovaires polykystiques à l’échographie.
Les autres causes d’hyperandrogénie Elles sont très rares. Le déficit en 21-hydroxylase, dans sa forme non classique, est confirmé par des concentrations de 17-hydroxy progestérone élevées le matin. Toute spanioménorrhée accompagnée de signes d’hyperandrogénie sévères et surtout d’évolution rapide doit faire évoquer le diagnostic de syndrome de Cushing ou de tumeur ovarienne ou surrénalienne.
bbSpanioménorrhée persistante sans signe d’hyperandrogénie Si la spanioménorrhée persiste alors que les règles sont installées depuis plus de 2 ans, et qu’il n’y a pas de signe clinique d’hyperandrogénie : un bilan est nécessaire. Le syndrome des ovaires polykystiques peut ne don-
ner que des troubles des règles et des signes biologiques et échographiques. Toute spanioménorrhée qui s’aggrave peut être le reflet d’une insuffisance ovarienne primitive qui s’installe, congénitale ou acquise. La FSH et la LH sont élevées.
bbSpanioménorrhée persistante associée à une galactorrhée Si la spanioménorrhée est associée à une galactorrhée : ceci fait évoquer le diagnostic, rare à cet âge, d’adénome à prolactine. L’hyperprolactinémie doit être confirmée biologiquement, de façon certaine, avant la réalisation d’une IRM hypophysaire.
Quelles sont les approches thérapeutiques ? Les indications thérapeutiques dépendent des symptômes dont se plaint la patiente (hirsutisme, cycles irréguliers…) et des résultats des explorations.
met la régression des signes cliniques d’hyperandrogénie en quelques mois. Une fenêtre thérapeutique au bout de 18 mois par exemple, permet de vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle transitoire, et non d’un authentique syndrome des ovaires polykystiques.
bbRégularisation des cycles Si la patiente ne souhaite qu’une régularisation des cycles, la prescription d’un progestatif de type Duphaston® ou Luteran® 5 mg, 10 jours par mois, est suffisante. Une surveillance régulière vérifiera l’absence de survenue d’une hyperandrogénie. La pilule estroprogestative permet, par son effet antigonadotrope, de freiner la sécrétion de LH et de normaliser la production ovarienne d’androgènes.
bbCorrection des signes d’hyperandrogénie
Si les cycles longs sont le reflet d’une insuffisance ovarienne, un traitement hormonal substitutif est prescrit. L’hydrocortisone est le traitement de choix de première intention de l’hyperplasie congénitale des surrénales.l
La correction des signes d’hyperandrogénie nécessite l’utilisation d’anti-androgènes. L’acétate de cyprotérone (Androcur®) est le médicament de choix. Il a un effet anti-androgène, anti-gonadotrope et progestatif. Il est prescrit 3 semaines/mois, associé à 2 mg d’estradiol (Provames®, Oromone®…). Cette association per-
Mots-clés : Spanioménorrhée, Diagnostic, Hyperandrogénie, Cycles, Syndromes des ovaires polykystiques, Galactorrhée.
Pour en savoir plus • Alemzadeh R, Kansra AR. New adolescent polycystic ovary syndrome
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48
Adolescence & Médecine
Neurologie
Céphalées chroniques ou migraines Quels diagnostics et quelle prise en charge en première intention ? La migraine, première cause de céphalées aiguës récurrentes de l’enfant, reste encore sous-diagnostiquée. Touchant 10 à 15 % des adolescents, elle est un problème de santé publique. Des critères diagnostiques précis sont fixés par l’International Headache Society (IHS). Leur connaissance permet de porter
Dr Barbara Tourniaire, Pédiatre, Unité de lutte contre la douleur et Centre de la migraine de l’enfant, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, Paris.
facilement le diagnostic et évite des parcours de soins inadaptés et des bilans para-cliniques inutiles et coûteux. Les fréquentes associations migraine, céphalées dites de tension, voire céphalées chroniques majorent les erreurs diagnostiques. L’absentéisme scolaire, le retentissement sur la vie et les facteurs biopsychosociaux doivent être évalués. La prise en compte de cette complexité est primordiale. Une approche multidisciplinaire est importante si les crises de migraine sont sévères et s’il s’agit d’une céphalée chronique. La HAS, en 2003, et l’AFSSAPS, en 2009, ont produit des recommandations : traitement médicamenteux rapide en début de crise de migraine (ibuprofène et triptans) et traitements non médicamenteux à privilégier en traitement de fond (relaxation, hypnose, psychothérapie).
Le diagnostic bbUn diagnostic clinique Les migraines, céphalées de tension et céphalées chroniques sont des céphalées primaires. Comment les reconnaître ? Le diagnostic repose uniquement sur l’interrogatoire. L’examen clinique est normal, et, lorsqu’aucun doute ne persiste après ces deux étapes, aucun bilan para-clinique n’est nécessaire. La plupart des migraineux présentent une association de migraines et de céphalées de tension qui doivent être bien séparées dès la première consultation : « avez-vous deux types de maux de tête différents : des crises intenses qui vous font arrêter vos activités et des maux de tête moins intenses ? ». Pour chacune, la description et la fréquence seront recherchées séparément. Une place importante est faite en consultation aux facteurs psychosoAdolescence & Médecine
ciaux. Lors de ces consultations lon-
gues, l’histoire de l’adolescent et de la famille sera abordée et non la seule description des douleurs. Bien souvent, cette histoire racontée prend sens pendant la consultation, pour l’adolescent et sa famille qui comprennent l’intrication des facteurs déclenchants et du “terrain migraineux”. Ainsi, si la migraine est bien une maladie familiale, les facteurs déclenchants, en particulier psychologiques seront discutés largement avec l’adolescent. Vus sous cet angle, ces éléments peuvent bien souvent être abordés assez aisément.
nombreux enregistrements et descriptions. Les études épidémiologiques montrent que cette maladie universelle augmente avec l’âge et concerne environ 5 % des enfants de 5 ans, 10 % à 10 ans, 15 % à l’adolescence et environ 20 % des adultes (1, 2). L’IHS a classé les différents types de céphalées (3). Pour un non-spécialiste, la forme simple doit être connue, les formes plus complexes, avec auras multiples ou signes neurologiques associés, seront adressées au spécialiste (Tab. 1). En résumé, le diagnostic de migraine est simple à poser : un enfant ou ado-
Les migraines (10 à 15 % des adolescents)
lescent ayant présenté 5 épisodes de
Longtemps considérée comme un symptôme, la migraine est maintenant bien admise comme une maladie neurologique. Plusieurs gènes ont été identifiés et les modifications neurovasculaires lors des crises ont fait l’objet de
activités et avec phonophotophobie
céphalées intenses avec un arrêt des et/ou nausées-vomissements est migraineux.
Des douleurs abdominales, une pâleur, une asthénie importante avec 49
Neurologie recherche rapide de sommeil (qui bien souvent interrompt la crise) et une sensation vertigineuse sont souvent associées. Les antécédents familiaux aident à évoquer le diagnostic, même si nombre de parents se méconnaissent eux-mêmes comme migraineux et pensent présenter des “crises de sinusites”, des “crises de foie”, ou autres. Si, jusqu’à la puberté, le sex-ratio est équilibré, il évolue ensuite en défaveur des jeunes filles pour atteindre à l’âge adulte 60 % de femmes.
Migraines avec ou sans aura Les auras (signes neurologiques transitoires) sont plus fréquentes chez
Tableau 1 : Critères diagnostiques IHS de migraine sans aura (actualisation 2004). A. Au moins 5 crises répondant aux critères B-D B. Crise d’une durée de 1 à 48 heures* C. La céphalée présente au moins deux des caractéristiques suivantes : • Localisation bilatérale ou unilatérale* • Pulsatile • Intensité modérée ou sévère • Aggravation par l’activité physique D. Durant la céphalée, au moins une des caractéristiques suivantes : • Nausée et/ou vomissement • Photophobie et phonophobie E. Exclusion par l’anamnèse, l’examen clinique et neurologique, éventuellement par des examens complémentaires, d’une maladie organique pouvant être la cause de céphalées. * deux différences par rapport à l’adulte : durée plus courte surtout chez les plus petits, caractère volontiers bilatéral des céphalées.
l’enfant que chez l’adulte (4), 47 à
60 % dans deux cohortes du centre de la migraine de l’hôpital Trousseau (5) et jusqu’à plus de 70 % des cas dans certaines publications (6). Le plus souvent visuelles (vision floue, tâches colorées, formes bizarres, scintillements, plus rarement scotome…), et auditives (sifflements, bourdonnements, voix), elles peuvent être parfois sensitives (paresthésies) ou plus rarement troubles du langage (suspension du langage, jargonophasie…) ou auras motrices (migraine hémiplégique). A l’adolescence, le mode d’entrée dans “la maladie migraineuse” est parfois une ou deux crises inaugurales de migraines basilaires avec céphalées intenses et des signes neurologiques
parfois
impressionnants
(baisse de la conscience, voire perte de connaissance, désorientation, troubles du langage, aura visuelle et auditive…). Si le diagnostic de migraine n’a pas été posé auparavant, ces symptômes entraînent un bilan paraclinique extensif, et ce n’est qu’avec un bilan normal et la répétition des crises (bien souvent moins sévères ensuite) que le diagnostic de migraine sera ultérieurement évoqué.
Les céphalées de tension La migraine doit être distinguée de la céphalée de tension, céphalée plus diffuse, non pulsatile, non aggravée par 50
l’effort, moins intense, sans signes digestifs, parfois accompagnée de phonophobie ou de photophobie.
filles (60 à 90 %). Cette symptomatolo-
La prévalence de ces “petits maux de tête” est très diversement appréciée dans la littérature : 10 à 70 %.
L’abus médicamenteux
Les céphalées chroniques (2 à 4 % des adolescents) Une céphalée est dite chronique si elle est présente plus de 15 jours par mois, pendant plus de 3 mois. Il peut s’agir d’une céphalée de tension chronique (fonds douloureux qui peut être décrit comme plus ou moins présent dans la journée ou quasi permanent) ou une migraine chronique (plus de huit crises de migraine par mois et céphalées de tension les jours restants). Cette distinction n’est pas aisée à faire car bien souvent ces adolescents décriront une douleur permanente associée à des pics douloureux fréquents. Parfois, la céphalée chronique s’installe d’emblée : la douleur commence un jour précis, parfois par une crise de migraine, et ne s’interrompt plus. D’autres fois, elle est précédée pendant des mois ou des années d’un tableau de céphalées de tension et/ou migraines. Ces céphalées chroniques touchent beaucoup plus largement les jeunes
gie est parfois associée à d’autres douleurs chroniques.
Rare chez l’enfant, il doit être recherché systématiquement chez l’adolescent. Nommé souvent comme responsable de la chronicisation des céphalées, les données les plus récentes sont plus nuancées. Cependant, ce sujet doit être abordé de même que d’autres consommations régulières même si les causalités ne sont pas prouvées actuellement. Cette discussion avec l’adolescent est aussi un moyen de mieux appréhender sa façon de vivre et bien souvent celle de sa famille, avec les attitudes vis-à-vis des médicaments…
La comorbidité psychiatrique Chez l’adulte, une comorbidité existe entre migraine et anxiété-dépression. La prévalence de ces troubles augmente en cas de céphalée chronique. Chez l’enfant et l’adolescent, les études sont beaucoup plus contrastées (7) et ne permettent pas de citer une prévalence des troubles anxieux et dépressifs dans la migraine, mais elles vont dans le sens d’une comorbidité en cas de céphalée chronique. Parfois, un problème psychopathologique ou psychiatrique individuel ou familial existe et sera traité en tant que tel. Adolescence & Médecine
Céphalées chroniques ou migraines
bbUn bilan para-clinique le plus souvent inutile
bbRetentissement et b qualité de vie
En consultation non spécialisée, bien souvent par méconnaissance des critères diagnostiques, le problème sera posé en termes de diagnostic différentiel. Ainsi, un bilan ophtalmologique, suivi bien souvent d’un bilan orthoptique (et de séances de rééducation) et d’une imagerie seront prescrits, parfois assortis d’un bilan biologique “standard”, coûteux et inutiles. Les recommandations de la HAS sont très claires (8) : « aucun examen com-
La qualité de vie, l’absentéisme scolaire, le sommeil… doivent être évalués. Des études montrent que la qualité de vie de ces adolescents est parfois aussi diminuée que dans des maladies chroniques sévères (9, 10). Dans le cas des céphalées, les adolescents en situation d’absentéisme scolaire important voire de déscolarisation, ont majoritairement des céphalées chroniques, et sont dans des périodes de vie difficiles voire dans des situations psychiques graves, individuelle ou familiale. Parfois, une problématique psychiatrique est mise en évidence et les céphalées s’inscrivent alors dans un tableau plus complexe dont il faut tenir compte.
plémentaire ne doit être prescrit pour établir le diagnostic de migraine, sauf s’il persiste un doute à la fin de l’interrogatoire et de l’examen clinique ».
bbLes facteurs déclenchants Il est important de laisser l’adolescent citer spontanément les facteurs déclenchants qu’il a pu constater, puis une liste lui sera proposée. Bien souvent, avant la consultation spécialisée, l’origine “psychologique” a été mise en avant, niant parfois la réalité de la migraine. Aussi, il est plus pertinent de le questionner d’abord sur les facteurs environnementaux : bruits, lumière, chaleur, odeurs, efforts physiques, chocs crâniens, stimulations vestibulaires, jeûne… pour finir par les facteurs émotionnels d’anxiété, de contrariété, voire de dépression. En situation de “stress” scolaire, familial…, les céphalées s’aggravent. Ceci justifie tout l’intérêt porté à ces facteurs psychologiques, et le temps nécessaire pour entrer en contact et obtenir la confiance de l’adolescent et de sa famille. Dans le cas contraire, rien n’en sera dit, et le risque est grand d’aboutir à une surenchère médicamenteuse. Ainsi posée, la problématique est majoritairement bien acceptée et comprise des adolescents et de leurs parents et permet l’introduction facile des moyens non médicamenteux dans la stratégie thérapeutique. Les facteurs alimentaires et hormonaux fréquents chez l’adulte ne sont qu’exceptionnellement
retrouvés,
y compris chez les jeunes filles pubères. Adolescence & Médecine
Pour de grands adolescents, d’autres AINS et triptans peuvent être utilisés hors AMM par des médecins experts dans le domaine. Les opioïdes (codéine, morphine...) n’ont aucune indication dans ces céphalées. Aucun
traitement
médicamenteux
ne doit être prescrit pour les céphalées de tension, qui bénéficieront des moyens non médicamenteux.
Ces recommandations simples sont mal connues actuellement des médecins français (12).
bbTraitements de fond : méthodes psychologiques en priorité Les approches psychologiques
bbL’information et le suivi de l’enfant
La relaxation, l’hypnose et la psychothé-
La restitution des données de l’entretien à l’adolescent et sa famille est un des temps forts pour confirmer le diagnostic, souligner les éléments importants et permettre l’autonomisation de l’enfant et son entourage.
analyses dans ce domaine (13). L’analyse de ces données permet de les recommander en première intention en traitement de fond. D’après la HAS : « chez l’enfant, le traitement médicamenteux de fond ne sera institué qu’après échec des traitements non pharmacologiques ». En 2009, le travail de l’AFSSAPS confirme ces données. Par manque de travaux pouvant faire recommander un traitement de fond médicamenteux chez l’enfant, le texte spécifie que : « en traitement de fond, aucun médicament ne peut être recommandé en revanche l’apprentissage des méthodes psychocorporelles (relaxation, auto-hypnose…) peuvent être recommandées (grade A) ».
La tenue d’un agenda des crises est conseillée initialement afin de mieux cerner le nombre de crises, les facteurs déclenchants, les traitements pris. Un livret d’information est disponible pour les familles, et les professionnels de santé, sur Internet, et en version papier (www.migraine-enfant.org).
Le traitement bbTraitements de crise : médicamenteux L’analyse complète des études cliniques a permis de produire des recommandations HAS en 2003 (8) et AFSSAPS en 2009 (11) : l’ibuprofène est recommandé en première intention (10 mg/kg, maximum 400 mg/ prise), très rapidement en début de crise (uniquement pour la migraine et non pour les céphalées de tension). En cas d’échec, le sumatripan en intranasal a une AMM à partir de 12 ans.
rapie ont fait l’objet d’études et de méta-
De la façon dont la consultation s’est déroulée, du temps accordé pour parler de l’intrication des facteurs psychologiques avec les céphalées, dépendra l’acceptation ou non de ces méthodes. Bien expliquées, elles sont rarement refusées et apportent une aide précieuse. Les unités spécialisées développent parfois des groupes pour enfants et adolescents, avec parfois une association à l’éducation thérapeutique. Les méthodes proposées dépendront des choix et possibilités de 51
Neurologie mise en œuvre. L’accès aux méthodes psychocorporelles reste insuffisant actuellement, par manque de professionnels formés, absence de prise en charge financière, persistance parfois de méfiance individuelle ou familiale et connaissance insuffisante de leur efficacité.
Le traitement de fond médicamenteux Si aucune molécule ne peut formellement être recommandée, en pratique l’amitryptiline est la molécule la plus utilisée sans doute dans cette indication chez l’enfant et l’adolescent. La posologie de 0,3 à 0,5 mg/kg/j maximum doit être atteinte progressivement et le traitement maintenu seulement quelques semaines à quelques mois. Si des doses plus importantes étaient nécessaires, atteignant les posologies antidépressives de cette molécule, le traitement sera prescrit et surveillé par un psychiatre.
bbLes formes sévères : b une hospitalisation parfois nécessaire Certaines crises de migraines résistent aux traitements oraux à domicile ; les services d’urgences pédiatriques doivent disposer de protocoles antalgiques avec recours aux injections intraveineuses si nécessaire (AINS et paracétamol) et/ou aux triptans. Enfin, devant des céphalées chroniques résistantes aux traitements, avec déscolarisation, problématique familiale intriquée… une hospitalisation permet bien souvent de dénouer la situation. Les unités d’adolescents et les centres médicaux avec scolarité intégrée sont des lieux adaptés à ce type de prise en charge globale.
aisé. Cependant, du temps est néces-
saire pour les distinguer, mettre en évidence les facteurs déclenchants, restituer l’ensemble des éléments à l’adolescent et sa famille et surtout ouvrir en consultation un champ large de discussion dans lequel seront abordés les facteurs émotionnels et familiaux intriqués. Les situations simples de migraines seront traitées assez aisément moyennant la connaissance des recommandations thérapeutiques. Les formes sévères, les céphalées chroniques, la gravité des facteurs psychologiques, nécessitent une approche globale pluridisciplinaire. l
Conclusion Moyennant la connaissance des critères simples, le diagnostic des céphalées primaires (migraines, céphalées de tension, céphalées chroniques) est
Mots-clés : Migraines, Céphalées primaires, Biopsychosocial, Méthodes psycho-corporelles
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Endocrinologie
Retard pubertaire de l’adolescente Diagnostic étiologique
Dr Natacha Bouhours-Nouet Pr Régis Coutant Service d’Endocrinologie Pédiatrique, CHU d’Angers
Le retard pubertaire est un motif de consultation beaucoup plus rare chez la fille que chez le garçon et doit faire rechercher en priorité une cause organique. Un syndrome de Turner doit être évoqué en premier lieu devant tout retard pubertaire associé à une petite taille. Le retard pubertaire simple est un diagnostic présomptif nécessitant une surveillance clinique.
Définition du retard pubertaire
Démarche clinique
Le retard pubertaire chez la fille se définit par l’absence de développement mammaire après l’âge de 13 ans et concerne 2,5 % des filles. Malgré un sex-ratio équilibré, les filles consultent deux fois moins que les garçons pour ce motif, en raison du moindre retentissement psychologique chez elles du retard staturo-pubertaire. Cependant, si celles qui présentent un retard pubertaire simple (se corrigeant seul) consultent moins, la probabilité d’identifier une cause organique (où le retard ne se corrigera pas seul) à ce retard pubertaire atteint presque 70 % des cas chez la fille, contre 30 % chez le garçon.
bbInterrogatoire
Classification en 4 groupes étiologiques Lors de la démarche clinique, le praticien aura à l’esprit 4 groupes étiologiques principaux : • l’hypogonadisme hypergonadotrope (avec en premier lieu, le syndrome de Turner) (25 % des cas) ; • l’hypogonadisme hypogonadotrope organique (et tout d’abord la tumeur cérébrale) (20 % des cas) ; • l’hypogonadisme hypogonadotrope fonctionnel (pathologie chronique connue ou non, activité physique intensive, anorexie) (20 % des cas) ; • le retard pubertaire simple, diagnostic à évoquer à condition d’avoir éliminé les causes précédentes (30 % des cas). 54
L’interrogatoire recherchera des antécédents (ATCD) familiaux de retard pubertaire, présents dans 80 % des cas de retard pubertaire simple (ménarche tardive de la mère, “poussée de croissance” tardive du père). A l’inverse, des ATCD familiaux d’anosmie ou d’infertilité orienteront vers un hypogonadisme hypogonadotrope organique congénital (avec ou sans syndrome de Kallmann). La connaissance de pathologies chroniques, ou de pratique intensive du sport (au-delà de 15 h par semaine) fera suspecter un déficit gonadotrope fonctionnel. Enfin, des ATCD d’irradiation abdominale, de chimiothérapie, de chirurgie ovarienne seront évocateurs d’un hypogonadisme hypergonadotrope acquis. L’entretien s’attachera à évaluer le retentissement psychologique du retard pubertaire, à identifier des troubles du comportement alimentaire (anorexie), des signes d’hypertension intracrânienne, des troubles visuels, des signes d’atteinte des autres axes hypothalamo-hypophysaires (évoquant une tumeur crânienne), une anosmie (par agénésie des bulbes olfactifs dans le syndrome de Kallmann).
bbCourbe staturo-pondérale La réalisation d’une courbe de croissance staturo-pondérale est obligatoire et peut montrer soit un infléchis-
Figure 1 - Développement mammaire selon Tanner. S1 : Absence de développement mammaire ; S2 : petit bourgeon mammaire avec élargissement de l’aréole ; S3 : la glande mammaire dépasse la surface de l’aréole ; S4 : développement maximum du sein (sillon sous mammaire), saillie de l’aréole sur la glande ; S5 : aspect adulte, disparition de la saillie de l’aréole, saillie du mamelon en avant de l’aréole.
sement statural progressif débutant vers l’âge de 9-10 ans évocateur d’un retard pubertaire simple, soit une cassure brutale de la courbe de croissance staturale alertant vers un processus expansif intracrânien, soit une croissance Adolescence & Médecine
Retard pubertaire de l’adolescente
très en deçà de la taille cible depuis plusieurs années faisant évoquer en premier lieu un syndrome de Turner. Enfin, il est facile d’identifier un amaigrissement récent.
bbExamen clinique L’examen clinique note une absence de développement mammaire (S1 selon Tanner, alors que le développement des glandes mammaires débute en moyenne vers 10-11 ans) (Fig. 1), une vulve encore infantile. Certains éléments dysmorphiques, souvent discrets, peuvent évoquer un syndrome de Turner : cou bref et large, aspect trapu, implantation basse des cheveux sur la nuque, écartement intermamelonnaire, cubitus valgus, brachymétacarpie.
Explorations paracliniques Les explorations paracliniques sont exposées en figure 2.
bbAge osseux L’âge osseux est évalué par une radiographie de la main et du poignet gauche selon l’atlas de Greulich et Pyle. L’apparition du sésamoïde du pouce à l’âge osseux de 11 ans chez la fille est contemporaine du démarrage pubertaire. En cas de retard pubertaire, l’âge osseux est souvent en rapport avec le retard de maturation physique, et donc souvent inférieur à 11 ans sans préjuger de sa cause. A l’inverse, un âge osseux supérieur à 11 ans chez une fille impubère est généralement anormal et oriente davantage vers un hypogonadisme.
bbL’échographie pelvienne L’échographie pelvienne est peu utile à ce stade du diagnostic, car elle témoignera du défaut d’imprégnation oestrogénique déjà cliniquement visible par l’absence ou le faible développement mammaire : la hauteur utérine est prépubertaire et inférieure à 35 mm, le col utérin est plus développé que le corps, les ovaires sont de petite taille. Les échographistes les plus entraînés pourront évoquer la présence de bandelettes à la place des ovaires. Adolescence & Médecine
bbLe dosage des gonadotrophines hypophysaires FSH et LH
non vers un déficit hypophysaire multiple acquis (souvent tumoral).
La mesure de l’œstradiol plasmatique est inutile : elle traduira simplement la faible production œstrogénique. Le dosage des gonadotrophines hypophysaires FSH et LH permet de différencier une origine gonadique (hypogonadisme hypergonadotrope, FSH et LH élevées) d’une origine haute (FSH et LH basses). Des valeurs basses de FSH et de LH ne permettent pas de distinguer un retard pubertaire simple (l’axe gonadotrope n’est pas encore sorti de la quiescence de l’enfance) d’un hypogonadisme hypogonadotrope (une pathologie empêche l’activation de l’axe). Le test au LHRH est inutile en première intention, ne permettant souvent pas de différencier un déficit gonadotrope d’un retard pubertaire simple.
bbRecherche d’une maladie chronique peu bruyante
bbEvaluation des autres axes hypophysaires
L’IRM hypothalamo-hypophysaire doit être effectuée facilement si les gonadotrophines sont basses, sauf si le tableau clinique est très évocateur de retard simple, et ne retrouve aucun élément en faveur
L’évaluation des autres axes hypophysaires (IGF-1, T4 libre, TSH, prolactine, ACTH cortisol) permet d’orienter ou
La recherche d’une maladie chronique peu bruyante est utile : comme une maladie cœliaque (anticorps antitransglutaminase) ou une insuffisance rénale (ionogramme sanguin et créatininémie).
bbCaryotype Un caryotype est nécessaire dans le cadre d’un hypogonadisme hypergonadotrope en l’absence d’antécédents pouvant expliquer une pathologie gonadique, qu’il existe ou non une dysmorphie évocatrice, pour porter le diagnostic de syndrome de Turner.
bbIRM hypothalamohypophysaire
Retard pubertaire
- Antécédents familiaux de retard pubertaire ? - Antécédents familiaux d’anosmie, d’infertilité ? - Antécédents familiaux de maladie chronique ? - Signes d’HTIC, troubles visuels, autres déficits hypophysaires ? Hypogonadisme hypogonadotrope FSH, LH basses AO < 11 ans Tableau typique de retard pubertaire simple ATCD = 0 Examen normal
AO < 11 ans Pas d’élément typique de retard pubertaire simple - FSH, LH - Iono sg, anti-transglutaminase - IGF-1, IGFBP3, T4L, TSH, PRL, SDHEA
AO > 11 ans = Hypogonadisme
Diagnostic présomptif de retard simple
Surveillance simple
Maladies chroniques FSH, LH basses Déficit gonadotrope fonctionnel
Insuffisance hypophysaire : FSH, LH basses + autres déficits
IRM crânienne
Retard simple ou déficit gonadotrope isolé : FSH, LH basses Seul le suivi permettra le diagnostic
Insuffisance ovarienne : FSH, LH élevées
Caryotype
Figure 2 - Démarche diagnostique devant un retard pubertaire. AO : âge osseux (D’après Edouard T, Pienkowski C, Tauber M. Retard pubertaire chez la fille. In : Chanson P, Young J. Ed. Traité d’Endocrinologie. Paris : Médecine-Sciences Flammarion, 2007 : 720)
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Endocrinologie d’une cause organique (voir ci-dessous). Il est en effet important d’éliminer en premier lieu une tumeur cérébrale. En présence d’une anosmie, et en cas de suspicion d’hypogonadisme hypogonadotrope aux premiers examens, une IRM cérébrale centrée sur les bulbes olfactifs sera effectuée à la recherche d’une agénésie des bulbes olfactifs, en faveur d’un syndrome de Kallmann.
Principales étiologies Nous ne détaillerons que les diagnostics le plus fréquemment rencontrés en pratique clinique.
bbLes pathologies gonadiques (hypogonadisme hypergonadotrope) L’impubérisme contraste avec des valeurs élevées de FSH et LH. Les hypogonadismes hypergonadotropes représentent 25 % des cas de retard pubertaire chez la fille.
Syndrome de Turner Dans cette situation, le syndrome de Turner est l’étiologie la plus fréquente (25 %) (Fig. 3). Il touche 1/2 500 filles à la naissance. Le caryotype le plus fréquent est 45X, plus rarement une mosaïque 45X/46XX ou 45X/46XY, ou une anomalie de structure de l’X. Le retard statural doit permettre d’en faire le diagnostic avant l’âge pubertaire. Les éléments dysmorphiques décrits plus hauts peuvent être plus ou moins marqués. Il existe des atteintes cardiaques dans 30 % des cas (coarctation de l’aorte, bicuspidie aortique, autre cardiopathie congénitale), des atteintes rénales (reins en fer à cheval, uropathie obstructive), et une fragilité vasculaire (avec risque de dissection aortique ou d’anévrysme aortique chez l’adolescente ou l’adulte jeune). La taille adulte spontanée moyenne est de 142 cm, elle peut être améliorée de 7 à 10 cm en moyenne par un traitement par hormone de croissance débuté suffisamment tôt. Près de 90 % des filles atteintes ont une dysgénésie gonadique et 70 à 80 % n’ont pas de puberté spontanée. Les grossesses spontanées chez les femmes atteintes sont très rares. L’in56
Figure 3 - Courbe de croissance d’une patiente ayant un syndrome de Turner. Il fut diagnostiqué à l’âge de 15 ans devant une aménorrhée primaire. Il existait un impubérisme, un retard statural majeur, des antécédents uro-néphrologiques et des éléments dysmorphiques évocateurs. Le traitement par hormone de croissance puis l’œstrogénisation, bien que débutés tardivement, ont permis d’obtenir une taille finale correcte.
duction pubertaire par les œstrogènes doit débuter vers 12 ans. La féminisation trop tardive serait un élément favorisant une moindre qualité de vie à l’âge adulte.
Antécédents de chimiothérapie Des antécédents personnels de chimiothérapie par agents alkylants, antimétabolites, alcaloïdes, d’irradiation abdominale ou pelvienne, peuvent également entraîner un hypogonadisme hypergonadotrope. Les mesures prophylactiques peuvent
comporter la transposition d’ovaires avant irradiation, une mise au repos ovarienne par les analogues de la LHRH ou par pilule œstro-progestative (d’efficacité incertaine), et s’orientent actuellement vers la cryoconservation de cortex ovarien, sans consensus concernant les indications.
Insuffisances ovariennes primitives Enfin, les insuffisances ovariennes primitives (IOP) peuvent être en rapport avec une mutation du récepteur de la FSH, Adolescence & Médecine
Retard pubertaire de l’adolescente
une galactosémie, une ovarite auto-immune, ou ne pas recevoir d’explication.
bbLes hypogonadismes hypogonadotropes fonctionnels C’est une cause fréquente de retard pubertaire chez la fille (20 % des cas). Toute pathologie chronique sévère peut être responsable d’un retard pubertaire (mucoviscidose, cardiopathie, maladie cœliaque, insuffisance rénale). L’hypogonadisme hypogonadotrope (FSH et LH basses) fonctionnel est alors réversible avec l’amélioration de la symptomatologie causale.
Figure 4 - IRM hypothalamo-hypophysaire mettant en évidence un crâniopharyngiome chez une fille de 11 ans, ayant entraîné des troubles visuels et des céphalées.
L’anorexie mentale entraîne rarement un impubérisme, sauf si les troubles ont eu un début prépubertaire. Lorsque les troubles du comportement alimentaire débutent en cours de processus pubertaire, sa progression peut être considérablement ralentie voire interrompue et le pic de croissance pubertaire altéré. Les sports intensifs alliant restriction calorique, contrôle excessif du poids et dépense énergétique élevée empêchent l’activation de l’axe gonadotrope à l’âge normal de démarrage de la puberté et retardent le démarrage pubertaire et la ménarche. Les sports concernés sont essentiellement la gymnastique et la danse à haut niveau (> 15 h/semaine).
bbLes hypogonadismes hypogonadotropes organiques (anomalie empêchant l’activation de l’axe : LH et FSH basses) Tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire Ils représentent 20 % des retards pubertaires chez la fille. L’association d’un impubérisme ou bien d’une puberté traînante à une cassure staturale évoque en premier lieu une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire. Elle peut être responsable d’un panhypopituitarisme acquis, associé à un retentissement sur les voies optiques et à des signes d’hypertension intracrânienne. Adolescence & Médecine
Tableau 1 - Retard pubertaire simple versus déficit gonadotrope. (D’après Coutant R, Bouhours-Nouet N. Puberté normale et pathologique. Rev Prat 2010 ; 60 : 721-7). Retard simple de croissance Déficit gonadotrope isolé ou combiné et de puberté • ATCD familiaux de puberté tardive • ATCD familiaux d’infertilité ou • Pas d’ATCD familial d’infertilité • d’anosmie • ou d’anosmie • Pas d’infléchissement statural • Infléchissement statural progressif • (évoque un déficit gonadotrope • et modéré de moins de 1 DS • congénital) • Pas de cassure de la courbe de taille • Cassure de la taille (évoque une • Age osseux retardé < 11 ans • tumeur de la région hypothalamo• Pas d’obésité • hypophysaire) • Pas d’anosmie • Impubérisme avec âge osseux > 11 ans • Pas d’élément évocateur d’un • Obésité • syndrome • Anosmie ou autres éléments • Pas de signes d’HTIC ou de déficit visuel • cliniques du syndrome de Kallmann • Pas de signe de déficits • (syncinésie…) • hypophysaires combinés • Signes d’HTIC ou déficit visuel • Signes d’autres déficits hypophysaires
Le crâniopharyngiome, tumeur bénigne développée sur les reliquats de la poche de Rathke, est la cause la plus fréquente (Fig. 4). D’autres tumeurs de cette région sont parfois en cause, comme le germinome, l’astrocytome, et le gliome.
Les déficits gonadotropes Les déficits gonadotropes isolés congénitaux, avec anosmie (syndrome de Kallmann) ou sans anosmie, sont plus rares.
Autres déficits hypophysaires congénitaux Le déficit gonadotrope associé à d’autres déficits hypophysaires
congénitaux, dans le cadre de malformations de la région hypothalamohypophysaire (interruption de tige pituitaire) ou d’anomalies de développement anté-hypophysaire d’origine génétique sont diagnostiqués devant le retard statural lié au déficit somatotrope avant la période de la puberté (PROP1).
bbLe retard pubertaire simple (LH et FSH basses) Le retard pubertaire simple représente 30 % des retards pubertaires chez la fille. C’est un extrême du développement pubertaire normal. Il correspond 57
Endocrinologie aux 2,5 % des filles qui déclenchent leur puberté après 13 ans. L’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique n’est pas encore sorti de la quiescence de l’enfance. L’âge osseux est en retard par rapport à l’âge chronologique, inférieur à 11 ans, concordant avec le retard pubertaire. Il est alors très difficile de distinguer un retard pubertaire simple d’un hypogonadisme hypogonadotrope. Il s’agit alors d’un diagnostic présomptif reposant sur les éléments décrits dans le tableau 1. En présence des éléments positifs du
diagnostic, et en l’absence d’éléments de déficit gonadotrope, le diagnostic de retard simple est probable : il sera confirmé par le suivi jusqu’au démarrage de la puberté. Le pronostic du retard pubertaire simple est bon : la puberté survient en règle spontanément vers 13-14 ans. Le pic pubertaire est retardé et moins ample, mais la croissance se poursuit plus longtemps : la taille finale est en accord avec la taille cible génétique. Un autre critère d’évolution important du pronostic est l’aspect psychologique. Si
certaines études retrouvent chez les adultes ayant présenté un retard de puberté le sentiment que ce retard a affecté leur vie sociale, professionnelle et affective, aucune différence significative n’a été trouvée en termes de catégories socio-professionnelles, d’esn time de soi ou de statut marital.
Mots-clés : Retard pubertaire, Fille, Etiologies, Syndrome de Turner, Hypogonadisme hypogonadotrope
Pour en savoir plus • Edouard T, Pienkowski C, Tauber M. Puberté normale chez la fille.
Sciences Flammarion, 2007 : 720-5.
In: Chanson P, Young J. Ed. Traité d’Endocrinologie. Paris : Médecine-
• Coutant R, Bouhours-Nouet N. Puberté normale et pathologique. Rev
Sciences Flammarion, 2007 : 714-9.
Prat 2010 ; 60 : 721-7.
• Edouard T, Pienkowski C, Tauber M. Retard pubertaire chez la fille.
• Sedlmeyer IL, Palmert MR. Delayed puberty: analysis of a large case series
In: Chanson P; Young J. Ed. Traité d’Endocrinologie. Paris : Médecine-
from an academic center. J Clin Endocrinol Metab 2002 ; 87 : 1613-20.
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p.53
Cas clinique
Selles sanglantes chez un garçon de 12 ans Maladie de Crohn chez l’adolescent Philippe, 12 ans, se présente aux urgences pour des selles sanglantes. Il n’a pas
Dr Florence Campeotto,
d’antécédents médicaux particuliers personnels ou familiaux.
Unité de gastroentérologie pédiatrique, Hôpital NeckerEnfants malades, Paris
Histoire clinique bbArrivée aux urgences Interrogatoire A l’interrogatoire, il précise qu’il a la diarrhée de façon intermittente depuis 3 mois. Il n’a jamais remarqué de saignement en dehors de l’épisode actuel. Il ne se plaint pas de douleurs abdominales. Sa mère le trouve pâle et fatigué et qu’elle a lié cela à la fin de l’année scolaire. Il est en 5e.
Courbe de croissance La reconstitution de la courbe de croissance met en évidence un ralentissement statural pondéral depuis 1 an avec une vitesse de croissance à 2 cm cette année (Fig. 1).
Examen clinique L’abdomen est souple, non douloureux, sans hépato-splénomégalie. Philippe est impubère. Il n’y a pas de fissure anale. Il existe une pâleur conjonctivale.
Bilan biologique Le bilan biologique pratiqué aux urgences retrouve une Hb à 9 g/l avec un VGM de 80. La ferritinémie est effondrée. Il a 15 000 GB/mm3 avec 55 % de polynucléaires neutrophiles, une VS à 62, une CRP à 20 mg/l.
Imagerie La fibroscopie et la coloscopie sont macroscopiquement normales, de nombreux éosinophiles sont retrouvés à l’examen anatomopathologique des biopsies. Adolescence & Médecine
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Tracés étalblis à partir des donnés de l’étude séquentielle française de la croissance CIE-INSERM. (M. Sempé) Variations en écarts-types (σ) [1σ = 1DS] pour la taille, en centiles pour le poids
Figure 1 - Courbe de croissance de Philippe.
59
Cas clinique En raison de la suspicion clinique de maladie inflammatoire du tube digestif, un entéroscanner est réalisé qui est normal. Aucun traitement n’est prescrit.
bbDeuxième hospitalisation L’adolescent est hospitalisé 15 jours plus tard pour des douleurs abdominales sévères.
Bilan biologique
Figure 2 - Entéroscopie à double
Figure 3 - Granulome épithélioïde et
ballon : ulcère iléal.
giganto cellulaire (entre les flèches),
Le bilan retrouve toujours un syndrome inflammatoire, des titres élevés d’anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae (ASCA) et des ANCA normaux.
diarrhée, des douleurs abdominales et la réduction du syndrome inflammatoire.
Imagerie
Commentaires
L’examen par la capsule vidéo-endoscopique montre des lésions aphteuses et hémorragiques de la partie moyenne de l’iléon. Une entéroscopie à double ballon est ensuite réalisée pour visualiser l’ensemble de l’iléon : il révèle des lésions aphteuses et ulcéreuses, localisées précisément à 50-80 cm de la valvule iléo-cæcale de Bauhin (Fig. 2).
Résultats des biopsies L’examen anatomopathologique des biopsies retrouve une infiltration inflammatoire importante avec des lymphocytes, des polynucléaires éosinophiles, des macrophages et un granulome épithélioïde typique (Fig. 3).
bbDiagnostic et traitement Le diagnostic de jéjuno-illéite de maladie de Crohn est affirmé. L’adolescent est
traité avec des corticoïdes per os à action locale (budésonide) associés à de l’azathioprine. L’amélioration clinique est spectaculaire, avec une disparition de la
caractéristique de la maladie de Crohn.
bbComment se présente la maladie de Crohn chez l’adolescent ? Seulement un quart des adolescents atteints de maladie de Crohn (MC) présentent la triade classique : douleurs abdominales, perte de poids, diarrhée (1). La maladie implique l’iléon terminal dans 50-70 % des cas, et le côlon dans plus de la moitié des cas (2). Ceci souligne l’importance d’un diagnostic approprié, à un âge où la croissance et la nutrition sont des questions essentielles. D’autre part, la jéjuno-iléite diffuse est l’une des localisations les plus difficiles à diagnostiquer et sa fréquence exacte reste inconnue.
La plupart des auteurs pensent que sa prévalence est sous-estimée et qu’elle est particulièrement fréquente chez les enfants et les jeunes adolescents. Un quart des diagnostics de MC est fait chez des patients âgés de moins de 20 ans, chez qui la MC proximale a tendance à être plus fréquente (3).
bbQuels sont les examens diagnostiques ? L’enquête diagnostique complète comprend l’endoscopie digestive haute et iléocoloscopie (4), ce qui signifie que l’intestin grêle reste la plupart du temps, en grande partie, inexploré. La capsule vidéo-endoscopique est un examen d’exploration sûr et efficace pour les enfants de plus de 10 ans. C’est maintenant l’imagerie privilégiée pour l’évaluation des saignements gastro-intestinaux dans l’intestin grêle (5). L’entéroscopie à double ballon permet la visualisation complète de la lumière du grêle : elle permet non seulement un diagnostic visuel, mais aussi le prélèvement de biopsies, ainsi que des interventions thérapeutiques endoscopiques si nécessaire. l
Mots-clés : Cas clinique, Maladie de Crohn, Diarrhées, Douleurs abdominales, Amaigrissement, Diagnostic, Traitement, Présentation
Références 1. Vernier-Massouille G, Balde M, Salleron J et al. Natural history
Dis 2005 ; 11 : 696-704.
of pediatric Crohn’s disease: a population-based cohort study.
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Gastroenterology 2008 ; 135 : 1106-13.
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Therapy for IBD with the European Crohn’s and Colitis Organisation:
early childhood and adolescence: special considerations. Gastroenterol
pregnancy and pediatrics. Am J Gastroenterol 2011 ; 106 : 214-23.
Clin North Am 2003 ; 32 : 967-95.
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3. Cuffari C, Dubinsky M, Darbari A, et al. Crohn’s jejunoileitis: the
endoscopy in paediatric inflammatory bowel disease. Dig Liver Dis 2011 ;
pediatrician’s perspective on diagnosis and management. Inflamm Bowel
43 : 220-4.
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Adolescence & Médecine
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on en parle
Par le Dr Jean-Baptiste Bertrand, Hôpital Cochin-Port Royal, Paris
Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine
IST : comment mieux prévenir les adolescents ? 4 Johnson BT, Scott-Sheldon LA, Huedo-Medina TB et al. Interventions to reduce sexual risk for human immunodeficiency virus in adolescents: a meta-analysis of trials 1985-2008. Arch Pediatr Adolesc 2011 ; 165 : 77-84.
L
a prévention des primo-infections VIH, et de façon générale des IST, est un enjeu de santé publique. La question qui se pose est de proposer une intervention efficace auprès de la population adolescente. Cette méta-analyse de 67 études, nordaméricaines pour la plupart, a analysé l’efficacité de critères interventionnels sur les comportements sexuels de 51 240 adolescents âgés de 15 ans en moyenne.
Le contenu de ces interventions de prévention associait une information théorique sur le VIH (91 %), un entraînement pratique sur leurs compétences d’interaction aux autres (69 %), mais aussi individuelles (38 %), une information ciblée sur les préservatifs et leur utilisation (38 %) et un message motivationnel (12 %). Les critères d’efficacité attendus étaient la diminution de l’inci-
dence des IST, de la fréquence des rapports sexuels avec des partenaires multiples, du nombre de partenaires, et l’augmentation de l’abstinence ou des délais entre les rapports, de l’utilisation des préservatifs, de l’aptitude à communiquer sur des pratiques moins à risques. Parmi les critères d’efficacité de ces interventions, les auteurs observaient un bénéfice en cas de séances répétées et plus fréquentes, non axées sur la thématique de l’abstinence, et intégrant des ateliers pratiques d’utilisation des préservatifs. Contrairement à de précédentes revues de la littérature, cette méta-analyse montrait l’efficacité de la prévention des IST par certains modes d’interventions dites “comportementales” incluant des stratégies motivationnelles et de renforcement des compétences.
Lancet
Facteurs prédictifs d’échec des antirétroviraux 4 Pursuing Later Treatment Options II (PLATO II) project team for the Collaboration of Observational HIV Epidemiological Research Europe (COHERE), Castro H, Judd A et al. Risk of triple-class virological failure in children with HIV: a retrospective cohort study. Lancet 2011 ; 377 : 1580-7.
L
a thérapie antirétrovirale (TAR) a considérablement amélioré le pronostic des enfants atteints du VIH. Les recommandations actuelles proposent d’initier le traitement de plus en plus tôt et en élargissent les indications. L’enjeu majeur est de minimiser les échecs virologiques pouvant à la fois être cause et conséquence de résistances pharmacologiques. Pour décider du moment le plus propice à démarrer une TAR, il convient de mettre en balance les bénéfices (diminution de la morbi-mortalité VIH) et les risques d’une exposition prolongée (effets indésirables à long terme, mauvaise observance). Cette étude rétrospective dresse “un état des lieux” des taux et facteurs prédictifs d’échec virologique de 3 classes pharmaceu-
Adolescence & Médecine
tiques antirétrovirales (INTI, INNTI, et IP), défini par une charge virale supérieure à 500 copies par ml après au moins 4 mois de traitement. L’incidence estimée d’un échec virologique des 3 classes, passe de 0,5 % la 1re année à 2,6 % la 2e année de traitement. Sa prévalence était de 12 % à 5 ans, et 20,3 % après 8 ans. Le risque d’échec est plus élevé pour les patients dont le traitement était débuté en pré-adolescence. Comme pour d’autres maladies chroniques, ces résultats font discuter les points d’accompagnement thérapeutique spécifique aux adolescents et incitent à individualiser leurs prises en charge.
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on en parle New England Journal of Medicine
Anti-IgE : essai dans l’asthme de l’enfant du centre-ville 4 Busse WW, Morgan WJ, Gergen PJ et al. Randomized trial of omalizumab (anti-IgE) for asthma in inner-city children. N Engl J Med 2011 ; 364 : 1005-15.
L
es anticorps monoclonaux anti-IgE (omalizumab) sont indiqués dans l’asthme allergique persistant sévère (test cutané positif ou réactivité in vitro à un pneumallergène) en cas de réduction de la VEMS < 80 %, de symptômes diurnes ou de réveils nocturnes fréquents, et d’exacerbations sévères multiples et documentées malgré un traitement quotidien inhalé par corticoïde à forte dose et bêta2-agoniste à longue durée d’action. Cet essai thérapeutique multicentrique en double-aveugle et randomisé a été réalisé sur une population urbaine de 419 enfants et adolescents âgés de 6 à 20 ans. Il a montré dans le groupe antiIgE : une réduction significative d’environ 25 % de journées pas-
sées avec une symptomatologie d’asthme, de 38 % du taux d’exacerbation et de plus de 75 % de la fréquence d’hospitalisation. Par ailleurs les patients sous anti-IgE recevaient en fin d’étude, au bout de 15 mois, des posologies de corticoïdes et bêta2-agonistes significativement plus faibles que le groupe placebo. Ces bons résultats n’ont pas, selon les auteurs, vocation à prescrire les anti-IgE en dehors des recommandations spécifiques, mais d’en confirmer l’efficacité pour cette indication à forte composante allergique dans une population urbaine.
Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine
Critères évolutifs de la consommation de marijuana ? 4 Brook JS, Zhang C, Brook DW. Developmental trajectories of marijuana use from adolescence to adulthood: personal predictors. Arch Pediatr Adolesc Med 2001 ; 165 : 55-60.
L
es auteurs ont étudié les facteurs prédictifs de consommation de marijuana, et montrent, pour la première fois sur une période allant de l’adolescence à l’âge de 37 ans, leurs fréquences selon les différents types évolutifs. Cinq trajectoires distinguent les consommateurs : chroniques (10,7 %), “croissants” (5,7 %), occasionnels (20,6 %), “décroissants” ou sevrés (22,9 %), et les non-consommateurs (40,1 %). Les 5 facteurs prédictifs étudiés ont été : • l’“auto-controle” ; • le trouble d’extériorisation (ex : trouble du comportement…) ; • la recherche de sensation ; • le trouble d’intériorisation (ex : trouble anxieux…) ; • les attentes et aspirations éducatives. Parmi les résultats, on observe, en comparant uniquement au
groupe “non-consommateur”, que les autres groupes se caractérisaient par un “auto-controle” plus bas et des troubles d’extériorisation plus marqués, ceux des groupes “chronique” et “décroissants” par une plus forte recherche de sensations et plus de troubles d’intériorisation, et le groupe “chronique” seul, par moins d’attentes et d’aspirations éducationnelles. L’association d’un faible “auto-controle”, à plus de troubles d’extériorisation, à la recherche de sensations et de faibles attentes et aspirations éducatives augmentent le risque d’être consommateur chronique plutôt qu’occasionnel. Ces facteurs prédictifs sont quantifiables. Il permettent d’apprécier le risque évolutif de la consommation de marijuana chez les adolescents consommateurs.
Nature
Entérotypes du microbiome intestinal humain 4 Manomzhiyan A, Raes J, Pelletier E et al. Enterotypes of the human gut microbiome. Nature 2001 ; 473 : 174-80.
L
es entérotypes sont par définition fonction de la répartition des espèces microbiologiques, mais aussi des fonctions moléculaires produites par des espèces parfois présentes en très faible quantité. Cette étude, sur 33 individus de différents continents et ethnies, permet de distinguer 3 grands groupes d’entérotypes humains universels : Bacteroides, Prevotella et Ruminococcus. Elle confirme également des résultats antérieurs montrant que les variations interindividuelles de la flore microbiologique intestinale humaine ne sont pas réparties sur un continuum mais plutôt de façon stratifiée. Les premiers résultats tendent vers une corrélation entre certaines caractéristiques de l’hôte et certains marqueurs génétiques ou mo-
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léculaires entérotypiques participant à l’explication d’une possible prédisposition individuelle à un entérotype particulier. En pratique, la répartition des individus en différents groupes d’entérotypes, se distinguant par des activités moléculaires et fonctionnelles digestives différentes, fait fortement suspecter une différence de “réponse” alimentaire, pharmacologique, et de façon plus large à une répartition différente des risques de pathologies digestives et/ou nutritionnelles. Adolescence & Médecine
rendez-vous de l’industrie IVG médicamenteuse Nouvelles recommandations de la HAS
Arthrite juvénile idiopathique systémique Nouvelle biothérapie
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Les IVG médicamenteuses peuvent être prises en charge dans des établissements de santé (avec ou sans hospitalisation) jusqu’à 9 semaines d’aménorrhée (SA), ou par des médecins de ville (devant justifier d’une expérience professionnelle adaptée et ayant passé une convention avec un établissement de santé autorisé) jusqu’à 7 SA. Les médecins des centres de planification et d’éducation familiale sont désormais autorisés à pratiquer des IVG médicamenteuses. La prise en charge des IVG médicamenteuses se fait en plusieurs temps, bien définis dans le document des recommandations. n
Cette extension d’indication est fondée sur les résultats de l’étude de phase III TENDER, qui a évalué l’efficacité et l’innocuité de RoACTEMRA® contre placebo pendant 12 semaines chez 112 enfants âgés de 2 à 17 ans souffrant d’AJIs actives. Le critère principal de l’étude était le taux de patients avec une réponse ACR pédiatrique 30 et une absence de fièvre après 12 semaines de traitement. Les résultats ont montré que 85 % des enfants avec AJIs recevant RoACTEMRA® présentaient une amélioration de leur ACR pédiatrique 30 et une absence de fièvre au bout de 3 mois, contre 24 % pour le placebo (p <0, 0001). Le résultat en ACR pédiatrique 70 était de 71 % pour les enfants traités par tocilizumab contre 8 % pour le placebo. Les évènements indésirables les plus courants (fréquence d’au moins 5 %) ont été les suivants : infection des voies aériennes supérieures, céphalées, rhinopharyngite et diarrhée. La première partie en double-aveugle versus placebo de l’étude TENDER se poursuit avec deux phases en ”ouvert“ avec un suivi total de 5 ans permettant d’évaluer la tolérance et l’efficacité à long terme de RoACTEMRA® dans l’AJIs. Selon les recommandations de la HAS, le traitement devrait être initié par un centre de référence ou de compétence en rhumatologie pédiatrique. n
e laboratoire Nordic Pharma a consacré une mise au point concernant les nouvelles recommandations HAS concernant les IVG médicamenteuses. Elle a validé en décembre 2010 (publiées le 28 avril 2011) des recommandations actualisées spécifiques à l’IVG médicamenteuse, suite aux recommandations de l’ANAES datant de 2001 sur la « Prise en charge de l’IVG jusqu’à 14 semaines ». Ces recommandations surviennent après la modification du résumé des caractéristiques du produit Mifegyne® (mifépristone) en juin 2007. Pour les grossesses de moins de 7 semaines d’aménorrhée, la HAS recommande 2 séquences possibles, qui sont celles de l’AMM de Mifegyne® : une prise de 600 mg de mifépristone par voie orale suivie, 36 à 48 h plus tard, de 400 μg de misoprostol par voie orale ; une prise de 200 mg de mifépristone par voie orale suivie 36 à 48 h plus tard, de 1 mg de géméprost par voie vaginale. Les taux de grossesses évolutives sont de l’ordre de 1 % pour les posologies autorisées par l’AMM. Pour les grossesses de 7 à 9 semaines, le traitement indiqué par l’AMM de la Mifegyne® est une prise de 200 mg de mifépristone suivie 36 à 48 h plus tard, de 1 mg de géméprost par voie vaginale. La dose de 600 mg de mifépristone, également indiquée dans l’AMM de la Mifegyne®, ne permet pas d’améliorer les taux de succès et de grossesses évolutives.
Adolescence & Médecine
oACTEMRA® (tocilizumab), des laboratoires Roche et Chugai, a obtenu début août une nouvelle indication dans l’arthrite juvénile idiopathique systémique (AJIs). La commission européenne a approuvé son utilisation dans cette indication chez les patients âgés de 2 ans et plus n’ayant pas répondu de manière adéquate à un précédent traitement par AINS ou corticoïdes systémiques. Il peut être administré seul ou en association avec le méthotrexate. RoACTEMRA® est actuellement utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde active modérée à sévère de l’adulte lors de réponse inadéquate ou d’intolérance à un précédent traitement par un ou plusieurs traitements de fond (DMARD) ou des inhibiteurs du TNFa.
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