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cas clinique

Un adolescent de 17 ans impubère Quels diagnostics évoquer ? Le retard pubertaire est un motif de consultation fréquent en pédiatrie. Eliminer le diagnostic d’hypogonadisme hypogonadotrope est indispensable, le retard pubertaire simple est un diagnostic d’élimination.

Dr Claire Morel-Bouvattier, Endocrinologue pédiatre, Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre

U

n adolescent de 17 ans se présente en consultation pour retard pubertaire. Il présente comme antécédents personnels une hernie inguinale gauche opérée, un testicule gauche dit “oscillant”. Parmi les antécédents familiaux, on note une cure de hernie inguinale chez son frère, une puberté retardée chez son grand-père et un oncle maternels, et une torsion testiculaire unilatérale chez 2 autres oncles maternels. Enfin, un de ses cousins du côté maternel présente une cryptorchidie. Sa sœur a 15 ans et est réglée depuis l’âge de 14 ans.

Examen clinique A l’examen clinique, il mesure 178 cm et pèse 56 kg. Sa courbe de croissance staturo-pondérale est présentée figure 1. Il n’a pas de gynécomastie. Sa pilosité est P4, mais sa verge est petite et fine de 35 mm sur 12 mm, le méat est en position apicale, et ses testicules ont un volume de 2 ml en place. Il est anosmique. Son examen neurologique est normal et ne présente pas de syncinésie d’imitation. L’absence de signe de puberté (pas

Figure 1 - L’IRM cérébrale montre une hypoplasie des bulbes olfactifs.

Tableau 1 – Bilan hormonal du patient. Fonction gonadotrope Autres fonctions anté-hypophysaires

• Test GnRH : - FSH : 0,2 UI/l de base, pic à 1,6 UI/l - LH : 0,05 UI/l de base, pic à 1,3 UI/l • Testostérone plasmatique : 0,26 ng/ml • Inhibine B : < 6 pg/ml • T4l : 14,6 pmol/l • TSH : 1,2 µUI/ml • IGF1 : 337 ng/ml • Cortisol : 20 µg/dl • Prolactine : 15 ng/ml

d’augmentation du volume testiculaire) chez un jeune homme de 17 ans doit faire évoquer un hypogonadisme (central ou périphérique), ou un retard pubertaire simple, diagnostic d’élimination. Les antécédents familiaux, le

micropénis et l’anosmie plaident en faveur d’un hypogonadisme hypogonadotrope congénital. Adolescence & Médecine

Explorations paracliniques • Le bilan hormonal (Tab. 1) vient confirmer le diagnostic. La testostérone et les gonadotrophines sont basses. Le reste du bilan anté-hypophysaire est normal.

• L’IRM cérébrale doit être faite de principe, pour éliminer une tumeur hypothalamohypophysaire. Les coupes centrées sur l’hypophyse sont normales. Il existe une hypoplasie des bulbes olfactifs (Fig. 2). • L’âge osseux est à 14 ans et demi. • L’échographie rénale est normale. 9


cas clinique Diagnostic étiologique d’hypogonadisme Cet adolescent présente un hypogonadisme hypogonadotrope diagnostiqué tardivement devant un impubérisme à l’âge de 17 ans. La pilosité pubienne, en rapport avec la sécrétion normale des androgènes surrénaliens, est normale. C’est l’absence d’augmentation du volume testiculaire à cet âge (la puberté débute autour de 13 ans chez les garçons) qui fait poser le diagnostic. La croissance staturale se poursuit régulièrement au rythme prépubère de 5 cm/an, sans accélération, ni ralentissement. Les concentrations basses de gonadotrophines FSH et LH affirment le diagnostic d’hypogonadisme hypogonadotrope, devant lequel il faut, de principe, éliminer un craniopharyngiome par une IRM hypophysaire.

Principales causes d’hypogonadismes hypogonadotropes Les principales causes d’hypogonadismes hypogonadotropes sont résumées dans le tableau 2.

bbLes tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire Elles entraînent le plus souvent des déficits hypophysaires multiples, souvent responsables d’un ralentissement de la vitesse de croissance en cas d’atteinte anté-hypophysaire, et/ou d’un diabète insipide en cas d’atteinte de la post-hypophyse.

bbLes hypogonadismes hypogonadotropes fonctionnels Ils sont le plus souvent associés à un retard statural dans les maladies et pathologies chroniques (diabète déséquilibré, maladie de Crohn, insuffisance rénale…).

bbLes hypogonadismes hypogonadotropes isolés Ils sont ou non associés à une anosmie (syndrome de Kallmann). Des anomalies de nombreux gènes (liés à l’X, autosomiques ou récessifs) impliqués dans la signalisation pubertaire 10

Figure 2 – Courbe de croissance staturo-pondérale.

sont en cause, mais ne permettent aujourd’hui d’expliquer que 30 % de ces maladies.

bbLes hypogonadismes dans le cadre d’un panhypopituitarisme congénital Ils sont souvent diagnostiqués au cours des premiers mois de vie chez le garçon, devant un ictère prolongé, un micropénis, et/ou une cryptorchidie, ou dans la petite enfance, devant un retard statural associé aux signes précédents. Les hypopituitarismes congénitaux sont génétiques, liés à

des défauts de gènes de développement de l’hypophyse. L’IRM hypophysaire retrouve une interruption de tige pituitaire et une post-hypophyse ectopique, une dysplasie septo-optique, une grosse hypophyse, ou est normale.

bbLe retard simple de la puberté Diagnostic d’élimination, il est la première cause de retard pubertaire du garçon. Il est associé un infléchissement de la vitesse de croissance qui peut débuter autour de 8-10 ans. Il existe en général des antécédents faAdolescence & Médecine


Un adolescent de 17 ans impubère

À retenir n Le retard pubertaire du garçon se définit par l’absence d’augmentation de la taille des testicules, après l’âge de 14 ans. Il nécessite toujours des explorations. n Le retard pubertaire simple, très fréquent, reste un diagnostic d’élimination.

miliaux de retards pubertaires. Le bilan biologique est peu contributif (testostérone et gonadotrophines basses). Le retard statural motive le plus souvent la consultation.

Le syndrome de Kallmann est confirmé Notre patient présente une mutation du gène KAL1. Il s’agit d’une maladie du développement neuronal associant un déficit gonadotrope congénital et une anosmie ou une hyposmie. L’anosmie est secondaire à l’hypoplasie ou l’aplasie des bulbes olfactifs visualisable en IRM. Il associe cliniquement une agénésie rénale dans 30 % des cas, et des syncinésies d’imitation dans plus de 50 % des cas. Le gène responsable du syndrome de Kallmann lié à l’X a été localisé, puis identifié grâce à une stratégie de clonage positionnel. Il est localisé au niveau du bras court du chromosome X près de la région pseudo-autosomique en Xp22.3.

Tableau 2 - Principales causes d’hypogonadisme hypogonadotrope. Atteinte du système nerveux central

• Tumeurs : craniopharyngiome, germinome, gliome, • astrocytome, tumeurs hypophysaires, adénome à • prolactine • Autres causes : histyocytose, hémochromatose, sarcoïdose, hypophysite lymphocytaire, antécédent d’irradiation, infections, traumatismes sévères Déficits • Syndrome de Kallmann (avec anosmie ou hyposmie) isolés en • par mutation de KAL-1 (anosmine) KAL-2/FGFR1 gonadotrophines • (récepteur de type 1 du FGF), PROK2 et son récepteur • PROKR2, FGF8, et dans les formes mineures • du syndrome CHARGE • Sans anosmie : mutations de GnRH et de son récepteur GnRHR, de GPR54/KISS1R, de TAC3 et son récepteur TACR3 • Mutations de la sous-unité bêta de LH • Idiopathiques (gènes non encore identifiés) • Hypoplasie congénitale des surrénales (DAX1) Déficits hypophysaires combinés d’origine génétique Pathologies • Syndromes : de Prader-Willi, de Laurence-Moon, diverses • de Bardet Biedl • Mutations de la leptine ou de son récepteur • Déficits fonctionnels en gonadotrophines : maladies systémiques chroniques, dénutrition, mucoviscidose, infection à VIH • Maladies digestives ou rénales chroniques, hypothyroïdie, diabète déséquilibré • Maladie de Cushing, hyperprolactinémie, anorexie mentale • Retards pubertaires induits par l’exercice physique • Toxicomanie

Le diagnostic est porté devant un im-

dotrope normalement présent à cet

pubérisme chez un adolescent, ou,

âge de la vie.

chez un nourrisson devant un micropénis, accompagné souvent d’une cryptorchidie. Il peut être confirmé entre 0 et 4-6 mois de vie par des taux souvent effondrés de gonadotrophines et de testostérone, confirmant l’absence d’activation de l’axe gona-

Mots-clés : Cas clinique, Syndrome de Kallmann, Diagnostic, Retard pubertaire, Hypogonadisme, Garçon

pour en savoir plus • Young J. Hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux :

• Boyar RM, Wu PHK, Kapen S et al. Clinical and laboratory heterogeneity

développement récents. In : Mises au point cliniques d’endocrinologie,

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deficiency in the male infant. J Clin Endocrinol Metab 2005 ; 90 : 3122-7.

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Kallmann’s syndrome: a genotypic and phenotypic analysis. J Clin

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