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Gynécologie

A propos de la contraception “Pouvez-vous me prescrire la pilule ?” A 15 ans, 15 % des filles ont eu des rapports sexuels, à 16 ans ce chiffre atteint 30 %, à 17 ans 50 %, et à 19 ans 90 %. Bien informés, près de 9 adolescents sur 10 commencent leur vie sexuelle avec un préserva-

Dr Sophie Gaudu, Gynécologue obstétricienne, responsable de l’Unité fonctionnelle de régulation des naissances, Hôpital Cochin, Paris

tif. Mais si le préservatif est un bon moyen de prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), son efficacité contraceptive n’est pas excellente. D’après l’OMS, on observe 14 grossesses pour 100 femmes en un an d’utilisation courante. Il est donc important de savoir répondre à une demande...

« Toute demande de contraception par une adolescente mérite une réponse urgente quand elle est “enfin” formulée. »

Adolescence & Médecine : Quelle attitude adopter face à la demande de prescription d’une pilule contraceptive par une adolescente ? Dr Sophie Gaudu : Toute demande de contraception par une adolescente mérite une réponse urgente quand elle est “enfin” formulée. Globalement, il y a deux cas de figure. Celui de la jeune fille qui fait des imprudences contraceptives, risque une grossesse, et le sait sans toujours être capable de le dire, par crainte d’un jugement péjoratif ; et celui de la jeune fille très réfléchie qui anticipe l’arrêt du préservatif. Dans les deux cas, réussir à exprimer la demande auprès du médecin est déjà presque un exploit. Le moyen de contraception le plus facile à prescrire sera la pilule. C’est cependant une réponse très limitée au regard des autres moyens de contraception disponibles : préservatif, patch ou anneau œstro-progestatif, implant microprogestatif, injection trimestrielle de macro-progestatif, dispositif intra-utérin. Mais, pour les praticiens non gynécologues, la prescription d’une pilule est la plus accessible dans un premier temps. A&M : Comment démarrer une contraception chez une adolescente ? S. G. : L’idéal serait d’anticiper une demande de contraception, ne pas l’attendre. Les jeunes filles que je reçois pour demande d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) ont quasiment presque toutes rencontré un médecin dans les mois qui ont précédé la grossesse. Le médecin n’a alors pas pensé (pas osé ?) à poser les questions : « où en es-tu de ta vie amoureuse,

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de ta vie sexuelle ? As-tu besoin d’une contraception ? » Ces questions font partie de l’interrogatoire d’une adolescente au même titre que celles sur sa vie familiale, scolaire, affective, la date de ses dernières règles, la consommation d’alcool, de tabac ou de cannabis, etc. Bien entendu, cet échange nécessite un temps de consultation seul(e) avec la jeune fille. Avoir abordé le sujet en tout début d’adolescence permettrait le temps venu de reprendre cette discussion plus facilement. A&M : Quelles sont les contre-indications à débuter une contraception orale ? S. G. : Dans la population tout venant, l’existence du facteur de risque thrombo-embolique veineux est LA contre-indication absolue à une contraception œstroprogestative. Il est éliminé à l’interrogatoire par la question : « existe-t-il des antécédents, personnels et/ou chez un ascendant du premier degré de moins de 50 ans, de phlébite ? ». Une réponse positive justifie d’attendre les résultats du bilan d’hémostase (Encadré 1) pour autoriser ou non la prescription d’une pilule œstroprogestative, et prescrire en attendant une pilule microprogestative. Dans tous les autres cas, cette prescription ne nécessite aucun bilan préalable. Un bilan métabolique à la recherche de facteurs de risque athéromateux est réalisé après la mise en route de la contraception œstroprogestative. Le tabagisme est à déconseiller mais il ne doit pas être mis en balance avec la contraception orale. Il est en effet incomparablement plus dangereux d’avoir une grossesse non désirée que de prendre la pilule et de fumer. Avant 35 ans et en l’absence 13


Gynécologie ddEncadré 1 Bilan d’hémostase en cas de facteurs de risque thrombo-embolique veineux • NFS, plaquettes • TP, TCA

serait que l’adolescente puisse partir de la consultation avec au moins une plaquette. Les progestatifs de troisième génération augmentent le risque trombo-embolique, il n’y a pas lieu de prescrire ces pilules. Elles sont d’ailleurs presque toutes non remboursées.

• Protéines S et C • Recherche d’une résistance à la protéine C activée • AT3

• Facteur V Leiden

« Il est préférable de commencer la pilule tout de suite afin de bloquer la prochaine ovulation. C’est la technique du Quick Start qui permet de démarrer la pilule n’importe quand dans le cycle. »

d’autres facteurs de risque associés, le tabac n’est pas une contre-indication aux œstroprogestatifs. A&M : Quel examen clinique de base doitêtre réalisé par un médecin non gynécologue ? S. G. : En l’absence de symptôme, un examen gynécologique n’est pas nécessaire pour prescrire une contraception. Mais il est toujours nécessaire à ce stade d’éliminer une grossesse en cours en s’informant sur la date des dernières règles, de la notion de rapports sexuels, du recours à la contraception d’urgence. Un test de grossesse urinaire doit être réalisé au moindre doute. Ces tests sont positifs dès le retard de règles. L’examen clinique peut se résumer à la mesure du poids, de la pression artérielle, et au palper abdominal. En effet, ce dernier permettra, une ou deux fois dans la carrière d’un praticien, de trouver une masse sus-pubienne évocatrice d’une grossesse, et d’orienter la patiente vers une consultation spécialisée. A&M : En l’absence de contre-indications, quelle pilule prescrire en première intention ? S. G. : Une pilule œstroprogestative monophasique avec 20 gamma ou 30 gamma d’éthynilœstradiol associés à un progestatif de 2e génération. L’intérêt de la pilule monophasique est de limiter le risque d’erreur, d’hésitation en cas d’oubli car tous les comprimés sont identiques. Elle coûte environ 2,50 euros la plaquette et est remboursée à 65 % par la Sécurité sociale. Les pilules sont données gratuitement dans tous les plannings familiaux aux mineures. L’idéal

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A&M : A quel moment l’adolescente peutelle commencer sa pilule ? S. G. : Classiquement, il est conseillé de commencer la pilule au premier jour des règles. Mais avec cette recommandation, certaines adolescentes tombent enceintes en attendant leurs règles. La pilule est achetée mais n’a pas pu être prise. Il est donc préférable de la commencer tout de suite afin de bloquer la prochaine ovulation. C’est la technique du Quick Start qui permet de démarrer la pilule n’importe quand dans le cycle. La couverture contraceptive sera effective 7 jours plus tard. Il est nécessaire d’expliquer comment “prendre la pilule”, détailler la conduite à tenir en cas d’oubli. Un calendrier et un document détaillant les conseils de prises sont utiles pour cette première prescription. J’en profite aussi pour discuter de consommation d’alcool, et/ou de cannabis, susceptibles de favoriser les oublis, les vomissements et les rapports non voulus. Je leur propose de noter le nombre d’oublis par mois jusqu’à notre prochain rendez-vous. A&M : Quel est le niveau de contraception théorique et pratique de la pilule ? S. G. : L’indice de Pearl dans les études contrôlées est de 0,1. Cela correspond à un risque de 0,1 grossesse pour 100 femmes qui prennent sans oublier leur pilule pendant 1 an. Mais en pratique, on observe 6 à 8 grossesses par an pour 100 femmes en raison d’oublis ou de vomissements. A&M : Quels sont les messages de prévention à transmettre à cette occasion ? S. G. : Je parle essentiellement de deux choses : du consentement au rapport sexuel et du risque d’infections sexuellement transmissibles. Le préservatif comme moyen de protection du risque d’infections sexuellement transmissibles est une notion acquise chez les adolescents, ils sont presque 9 sur 10 à avoir débuté leur vie sexuelle avec. Mais son usage

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A propos de la contraception

n’est pas si simple. Les jeunes filles rapportent souvent des incidents au cours de son utilisation (rupture, glissement), des oublis, ou des garçons parfois peu à l’aise avec son utilisation. Elles n’arrivent pas toujours à négocier le préservatif dans leur relation sexuelle. Selon l’âge de la patiente et l’ancienneté de sa vie sexuelle, nous discutons de la vaccination anti-papillomavirus. Je propose également à cette occasion à l’adolescente d’aller, avec son compagnon, faire un dépistage d’IST anonyme et gratuit. A&M : Quel suivi est proposé au décours de la mise en route de cette contraception ? S. G. : Je revois l’adolescente en consultation dans les 6 mois, pour évaluer la tolérance, l’observance et les résultats du bilan biologique prescrit au 3e mois (Encadré 2). En cas de normalité, il sera contrôlé tous les 5 ans selon les recommandations de la HAS. Je discute sur l’horaire de la prise, les oublis, et nous revoyons si la pilule est un bon choix comme moyen de contraception. Après avoir vérifié la normalité du bilan biologique, je la prescris pour un an : « prescription pour 3 mois renouvelable 3 fois, traitement d’un an ». Cela permet d’éviter des interruptions… de contraception malvenues. A&M : Quel est l’intérêt d’orienter une adolescente chez qui on a prescrit une contraception vers un Centre d’Education et de Planification Familial ? S. G. : Il offre expérience et gratuité. Des médecins, des conseillères conjugales, des infirmières formées à l’entretien autour de la sexualité et la question de la contraception y travaillent. C’est un lieu ressource pour les soins et les conseils. Les consultations médicales, les examens biologiques et la délivrance de contraception y sont anonymes et gratuits pour les mineures, et pour celles désirant garder le secret vis-à-vis des ayants droit. A&M : Quelle attitude adopter vis-à-vis de la famille d’une patiente mineure ? S. G. : Il y a 2 cas de figure. Soit l’adolescente ne souhaite pas aborder la question de la contraception avec sa famille, la loi autorise tout médecin à prescrire une contraception sans avoir besoin de l’autorisation d’un des parents. Soit la patiente est accompagnée, le plus souvent par sa mère. Il est alors indispensable d’aménager un

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ddEncadré 2 Surveillance biologique d’une contraception orale œstroprogestative • Glycémie • Cholestérol • Triglycérides

temps de consultation confidentiel avec l’adolescente, puis si elles le souhaitent un temps de consultation commun, pour expliquer les modalités de la mise en route de cette contraception et sa surveillance au parent accompagnant. A&M : Pour conclure, on a parlé de la pilule comme traitement contraceptif simple pour le praticien non spécialisé. Mais quelles sont les autres alternatives contraceptives pour ces jeunes filles ? S. G. : On peut proposer à une adolescente, comme à n’importe quelle autre femme de choisir sa contraception. Avoir choisi est capital pour l’observance. Comme contraception hormonale on peut leur proposer, outre la pilule œstroprogestative, l’implant contraceptif, qui est un micro-progestatif implantable pour 3 ans remboursé ; le patch et l’anneau intra vaginal, deux formes galéniques particulières d’œstro-progestatifs mais non remboursées par la Sécurité sociale ; et l’injection trimestrielle de médroxi-progestérone, progestatif retard. Et puis, pourquoi ne pas leur parler aussi du dispositif intra-utérin qui n’est plus contre-indiqué chez les nullipares depuis les recommandations de la HAS en 2004 ? Il peut même être proposé aux très jeunes en l’absence d’infection en cours, ou de risque infectieux majeur. A&M : Et la contraception d’urgence ? J’observe régulièrement un détournement de l’usage de la contraception d’urgence. Cette contraception gratuite est volontiers utilisée en cas de rapports sexuels peu fréquents, et il semble plus approprié pour certaines de prendre occasionnellement la pilule du lendemain, plutôt que de prendre chaque jour la pilule. L’appellation de “pilule du lendemain” a probablement induit les patientes en erreur. Répéter les prises de Norlévo® n’est pas dangereux mais l’efficacité contraceptive n’est pas optimale.

« On peut proposer à une adolescente, comme à n’importe quelle autre femme de choisir sa contraception. »

Mots-clés : Contraception orale, Pilule, Prescription, Recommandations, Prévention, Sexualité, IST

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