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Fiches thérapeutiques

Guide du bon usage pharmaceutique en Gériatrie

FIBRILLATION AURICULAIRE La Fibrillation auriculaire (FA) est une tachyarythmie favorisant la stase sanguine intracardiaque et donc le risque de thrombus et d’embole artériels, dont le risque d’Accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI). Sa prévalence se situe entre 0,4 % et 1 % de la population générale et son incidence augmente avec l’âge : 10 % chez les plus de 80 ans. La thérapeutique s’articule autour de deux objectifs : • la prévention des complications thromboemboliques ; • le contrôle de la fréquence cardiaque. 1. Prévention des complications thromboemboliques Deux scores sont à prendre en compte pour la décision thérapeutique : • le score CHA2DS2-VASc (Tab. 1), qui évalue le risque de survenue d’AVC : - Score ≥ 2 : anticoagulation orale recommandée (anti-vitamine K ou AVK) - Tous les patients de 75 ans ou plus ayant une FA, avec ou sans facteurs de risque associés, ont un score d’emblée = 2 et relèvent d’une anticoagulation orale au long cours (réduction du risque relatif d’AVC de 68 %). • le score HAS-BLED (Tab. 2), qui évalue le risque hémorragique : un score ≥ 3 est associé à un risque élevé de saignement. Un risque élevé de saignement n’est pas une contre-indication mais doit inciter à une surveillance rigoureuse. Les chutes sont souvent un motif de non-prescription des AVK par surestimation du rapport bénéfice/risque : il faudrait qu’un patient chute 295 fois par an pour que le risque d’hématome intracérébral soit supérieur au bénéfice en termes de prévention embolique ! 2. Contrôle de la fréquence cardiaque Chez la personne âgée, l’objectif est de maintenir une FC de repos < 110 puls/min.

Molécules de référence • Prévention des complications thromboemboliques : les AVK. − Warfarine (Coumadine®) : à utiliser préférentiellement car : ➢ molécule de référence dans la plupart des études internationales, ➢ demi-vie plus longue : 40 h vs 31 h pour la fluindione, ➢ présentation galénique permettant une modulation beaucoup plus fine des posologies puisque 2 dosages sont disponibles (2 mg et 5 mg). © 2014 - CHU de Nîmes - Tous droits réservés Repères en Gériatrie • Mars 2014 • vol. 16 • numéro 132

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−  INR cible = 2-3 (sauf en cas de prothèse valvulaire mécanique). On considère qu’un traitement AVK est bien contrôlé si le temps moyen dans la zone cible est d’au moins 70 %. −  Les personnes âgées ont une plus grande sensibilité aux AVK, nécessitant des précautions d’emploi et une grande rigueur dans l’initiation et le suivi de traitement (cf. modalités d’emploi). • Contrôle de la fréquence cardiaque : −  b-bloquants : tous n’ont pas l’indication pour l’arythmie : ➢ si FA isolée : aténolol (Ténormine®), ➢ si insuffisance cardiaque diastolique : nebivolol (Temerit®) hors AMM, ➢ si insuffisance cardiaque systolique : bisoprolol (Détensiel®) hors AMM. Remarque : bisoprolol (Cardensiel®) → prescription initiale réservée aux spécialistes en cardiologie et en médecine interne. −  Ou inhibiteur calcique non dihydropyridiniques : vérapamil (Isoptine®), le seul à avoir l’AMM, le diltiazem (Tildiem®) étant hors AMM. −  Si asthme associé : inhibiteur calcique (la BPCO n’est pas une contre-indication formelle).

Molécules alternatives • Prévention des complications thromboemboliques : − Autres AVK : fluindione (Previscan®), acénocoumarol (Sintrom®), − En cas de contre-indication ou intolérance aux AVK : aspirine (Kardegic®) 75 mg avec cependant un faible impact sur la prévention des AVC (pas de différence significative avec le placebo) et un risque hémorragique similaire à celui des AVK. •  Contrôle de la fréquence cardiaque : en cas de non-réponse ou intolérance aux molécules de référence, un avis cardio est recommandé.

Modalités d’emploi •  AVK : la dose initiale doit être réduite de 50 % voire de 75 % par rapport à la posologie habituelle de l’adulte soit 4 mg de warfarine (Tab. 3). Un carnet de surveillance doit être donné à tout patient sous AVK (commande gratuite sur le site cespharm.fr). Le médecin pourra proposer au patient un entretien de suivi de son traitement AVK par son pharmacien d’officine (Tab. 4). • Contrôle de la fréquence cardiaque : la posologie est à adapter aux objectifs de fréquence cardiaque. © 2014 - CHU de Nîmes - Tous droits réservés 64

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Effets indésirables •  AVK : médicament à marge thérapeutique étroite, 1re cause d’hospitalisation pour effet secondaire médicamenteux : − Risque hémorragique en cas de surdosage, − Risque thrombotique en cas de sous-dosage. •  b-Bloquant : fatigue (s’estompe avec le temps), baisse de la libido, bradycardie, hypotension, insomnie, cauchemars.  Surveillance clinique et ECG pendant 3-4 h à l’instauration du traitement. • Vérapamil : œdème périphérique, hypotension, bradycardie, poussée d’insuffisance cardiaque (dans ce cas, arrêt de traitement), nervosité/fatigue à l’initiation, constipation parfois opiniâtre à l’initiation.

A éviter ! • Certaines associations médicamenteuses : − au-delà de 7 médicaments, le risque hémorragique est multiplié par 6, − les interactions les plus «piégeantes» susceptibles d’augmenter l’INR sont : le paracétamol (à dose thérapeutique), l’amiodarone, les ISRS, l’aspirine (même à faible posologie), les ATB (tous !), les IPP, les dérivés du Ginko biloba (Tanakan®), − la règle d’or : contrôler l’INR 48 h après l’introduction ou l’arrêt de tout traitement. • La bithérapie clopidogrel (Plavix®) + aspirine (Kardegic®) en cas d’intolérance ou de contre-indication aux AVK est à éviter (risque hémorragique accru). • La bithérapie AVK + aspirine (Kardegic®) est à éviter (risque hémorragique accru). •C ertaines associations avec le vérapamil sont déconseillées : β-bloquant (troubles de l’automatisme, risque bradycardie), colchicine (augmentation de ses concentrations plasmatiques par le vérapamil). • Nouveaux anticoagulants oraux (NACO) à éviter : anti-IIa : dabigatran (Pradaxa®) et anti-Xa : rivaroxaban (Xarelto®), apixaban (Eliquis®) : − L’absence de surveillance biologique de routine ne doit pas être un argument de prescription, − Pas d’antidote, − Nombreuses interactions médicamenteuses via la glycoprotéine P (toutes les molécules) et le CYP3A4 (anti-Xa) difficiles à gérer sur le plan pratique, − Pas d’arguments pour changer le traitement d’un patient stabilisé sous AVK : il s’agit essentiellement d’études de non-infériorité par rapport aux AVK, − Les études sous-estiment les risques cumulés chez la personne âgée fragile : âge, poids, insuffisance rénale, polymédication... − La sécurité à long terme de ces molécules reste à déterminer. • Amiodarone (Cordarone®) : peu bradycardisante, effets indésirables importants, pas d’indication en traitement de fond dans la FA permanente, • Dronédarone (Multaq®) : toxicité hépatique pouvant amener à des hépatites sévères, • Digoxine (Hemigoxine®) : à éviter car médicament à marge thérapeutique étroite, ne diminue pas le rythme cardiaque à l’effort. © 2014 - CHU de Nîmes - Tous droits réservés Repères en Gériatrie • Mars 2014 • vol. 16 • numéro 132

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Annexes Tableau 2 - Score HAS-BLED.

Tableau 1 - Score CHA2DS2-VASc (d’après 1-4). Score

Caractéristiques cliniques

Points

Insuffisance cardiaque congestive / Dysfonction ventriculaire gauche

1

HTA

1

Dysfonction rénale ou hépatique

1 pour chacun

Hypertension

1

AVC

1

Âge ≥ 75 ans

2

Saignement

1

Diabète

1

INR labile

1

AVC / Accident ischémique transitoire / Événements thromboemboliques

2

Âge > à 65 ans

1

Alcool ou médicaments

1 ou 2

Facteur de risque

Maladie vasculaire

1

Âge entre 65 et 74 ans

1

Sexe (masculin 0, féminin 1)

1

L’HTA est définie pour une pression systolique > à 160 mmHg. La dysfonction rénale est définie en présence de dialyse chronique ou transplantation rénale ou Créatinine plasmatique ≥ à 200 μmol/L. La dysfonction hépatique est définie en présence d’une hépathopathie chronique (cirrhose) ou biologique (bilirubine > à 2 fois la normale associée à ASAT/ALAT > à 3 fois la normale). Le saignement est défini par un antécédent de saignement ou une prédisposition (anémie). Médicaments : antiplaquettaires, AINS. Le risque hémorragique est déduit de la façon suivante : Score 0 : risque hémorragique à 1,9 / Score 1 : risque hémorragique à 2,5 / Score 2 : risque hémorragique à 5,3 / Score 3 : risque hémorragique à 8,4 / Score 4 : risque hémorragique à 10,4 / Score ≥ à 5 : risque hémorragique à 12,3. Le score HAS-­BLED doit être utilisé pour l’évaluation du risque hémorragique. Un score > 3 indique un "haut risque" nécessitant une certaine prudence et une surveillance régulière suite à l’initiation du traitement antit-hrombotique (anti-­coagulants oraux ou aspirine).

Score CHA2DS2VASc total

Patients (n = 7 329)

Taux d’AVC ajusté (en %/an)*

0

1

0

1

422

1,3

2

1 230

2,2

3

1 730

3,2

4

1 718

4,0

< 1,3

5 mg

5

1 159

6,7

1,3 ≤ INR < 1,5

4 mg

6

679

9,8

1,5 ≤ INR < 1,7

3 mg

7

294

9,6

1,7 ≤ INR < 1,9

2 mg 1 mg

8

82

6,7

1,9 ≤ INR < 2,5

9

14

15,2

Tableau 3 - Schéma d’initiation à la warfarine chez le sujet âgé. Matin

Posologie warfarine soir

J0-J1-J2 J3

4 mg Adaptation 4e prise

INR

INR ≥ 2,5

Arrêt jusqu’à INR < 2,5 puis 1 mg

- Pour un poids < 40 kg : appliquer le même schéma mais à demi-dose. - Contrôles suivants : toutes les 48-72 h jusqu’à obtention de l’équilibre (2 INR successifs entre 2 et 3) puis minimum 1 fois/mois - Hors initiation : si INR < 2, augmenter la posologie de 1 mg et attendre 1 semaine pour décider d’une nouvelle augmentation. - En cas de relais héparine-AVK : arrêter l’héparine dès que INR > 2

1. Lip G et al. Chest 2010 ; 137 : 263-72 2. Lip G et al. Stroke 2010 ; 41 : 2731-8 3. Camm J et al. Eur Heart J 2010 ; 31 : 2369-429 4. Hart RG et al. Ann Intern Med 2007 ; 146 : 857-67

Tableau 4 - Mesures correctrices recommandées en cas de surdosage en AVK, en fonction de l’INR mesuré et de l’INR cible (d’après HAS, 2008). INR mesuré

Mesures correctrices INR cible 2,5 (fenêtre entre 2 et 3)

INR < 4

• pas de saut de prise • pas d’apport de vitamine K

4 ≤ INR < 6

• saut d’une prise • pas d’apport de vitamine K

INR cible ≥ 3 (fenêtre 2,5 - 3,5 ou 3 - 4,5)

• pas de saut de prise • pas d’apport de vitamine K

6 ≤ INR < 10 • arrêt du traitement par AVK • 1 à 2 mg de vitamine K per os (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique) (grade A2)

• saut d’une prise • un avis spécialisé (ex. le cardiologue si le patient est porteur d’une prothèse valvulaire mécanique) est recommandé pour discuter d’un traitement éventuel par 1 à 2 mg de vitamine K per os (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique)

INR ≥ 10

• un avis spécialisé sans délai ou une hospitalisation est recommandé

• arrêt du traitement par AVK • 5 mg de vitamine K per os (1/2 ampoule buvable forme adulte) (grade A)

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