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dossier

Le Top 5 de la génétique Claude Mekies *, d’après l’intervention d’Alexandra Durr

Enregistrement audio de l’atelier sur www.neurologies.fr

5 messages clés • Réussite française de la thérapie génique dans l’adrénoleucodystrophie. • Des mécanismes de compensation contrecarrant l’atrophie précoce du noyau caudé dans la phase présymptomatique de la maladie de Huntington. • Un nouveau gène majeur dans la DFT avec SLA, C9ORF72, présent également dans les formes familiales et sporadiques de SLA. • Séquençage à haut débit (étude de tous les variants du génome codant) : une révolution technologique, mais non sans problèmes éthiques et pratiques. • Obligation légale d’information de la parentèle en cas de découverte d’une anomalie génétique grave.

1 – Thérapie génique utilisant un vecteur lentiviral dans l’adrénoleucodystrophie Cartier N, Hacein-Bey-Alina S, Bartholomae CC et al. Hematopoietic stem cell gene therapy with a lentiviral vector X-linked adrenoleukodystrophy. Science 2009 ; 326 : 818.

L’adrénoleucodystrophie (ALD) est une maladie génétique liée à l’X, liée à une mutation du gène ABCD1 codant pour une protéine impliquée dans le métabolisme des acides gras à très longue chaîne. Deux enfants avec une forme cérébrale de la maladie ont été traités par thérapie génique. Des cellules souches de la moelle des patients

*Polyclinique du Parc, Toulouse - c.mekies@wanadoo.fr

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atteints ont été prélevées, mises en présence du virus qui contient la protéine manquante et réinjectées pour coloniser les cellules. Les résultats observés ont été très satisfaisants. Pour les patients traités, la leucodystrophie se stabilise, voire diminue, à 2 ans. Par ailleurs, les auteurs concluent que ce type d’“autogreffe” a un bon profil de sécurité, contrairement aux “hétérogreffes”. L’efficacité est similaire à celle des greffes avec donneurs, avec une morbidité et une mortalité moins élevées. La question posée sera d’extrapoler cela à des patients développant une forme à l’âge adulte (35 % des formes adultes se traduisent par une forme cérébrale). Ce type de thérapie génique est également développé par la même équipe dans des maladies comportant une mutation codant pour une protéine (par exemple injection cardiaque dans l’ataxie de Friedreich).

2 – Phase présymptomatique de la maladie de Huntington Tabrizi SJ, Scahill RI, Owen G et al. Predictors of phenotypic progression and disease onset in premanifest and early-stage Huntington’s disease in the TRACK-HD study: analysis of 36-month observational data. Lancet Neurol 2013 ; 12 : 637-49.

La maladie de Huntington se caractérise par l’existence d’une très longue phase présymptomatique avant l’apparition des symptômes. Depuis de nombreuses années, un consortium a suivi de manière prospective des patients pré-symptomatiques, l’idée étant de comprendre la compensation avant l’installation des symptômes, et de retrouver des marqueurs susceptibles de mettre en place une intervention thérapeutique bien avant l’apparition des symptômes. Cela a conduit à 4 publications majeures Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165


Le top 5 de la génétique

entre 2008 et 2013. Plusieurs points sont à retenir dans cette maladie : • la pénétrance de la mutation est complète et dépendante de l’âge ; • l’accessibilité et la prise en charge du test présymptomatique sont possibles depuis de nombreuses années (soumises à la législation de 2000 et aux directives internationales mises à jour en 2012). Cela explique le lien très fort entre les patients (et leur famille) et les acteurs de la recherche clinique. Ce consortium a permis de suivre 120 porteurs asymptomatiques (près ou loin du développement la maladie, calculé en fonction du nombre d’expansions de CAG et de l’âge), 120 patients qui avaient des signes de la maladie et 123 contrôles frères et sœurs permettant d’avoir le même vécu psychologique de la maladie. Concernant le suivi radiologique, l’étude plus particulière du noyau caudé a permis de mettre en évidence une atrophie beaucoup plus marquée dans le groupe présymptomatique, par rapport au groupe contrôle (sur 3 ans de suivi). Pour autant, les auteurs signalent l’absence de traduction clinique. En effet, une évaluation cognitive bien conduite n’a trouvé aucune altération par rapport au groupe contrôle. La question posée est de savoir quels sont les mécanismes de compensation mis en jeu pour expliquer l’absence de déclin des fonctions cognitives, en rapport avec les anomalies structurelles à l’IRM. L’apparition dans le temps des symptômes de la maladie pourrait donc être liée à un moment à une décompensation de l’activité de réseaux de neurones. Les auteurs proposent d’intégrer Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165

dans les essais thérapeutiques, ces mesures en neuro-imagerie structurelle, qui pourraient constituer un critère important pour l’évaluation des patients.

3 – Découverte d’un nouveau gène MAJEUR responsable de DFT/SAL : une nouvelle maladie à expansions Renton AE, Majounie E, Waite A et al. A hexanucleotide repeat expansion in C9ORF72 is the cause of chromosome 9p21-linked ALS-FTD. Neuron 2011 ; 72 : 257-68.

Les mutations instables, dans les maladies neurologiques, sont classées en deux groupes : • les mutations codantes (mutations avec expansion de petite taille : CAG, par exemple, dans la maladie de Huntington) ; • les mutations non codantes (mutations avec expansion de grande taille, par exemple pour la maladie de Friedreich, le syndrome de l’X fragile, la dystrophie de Steinert).

Ainsi, si on découvre devant un tableau de SLA cette mutation, cela devient une forme familiale dominante, ce qui demande un conseil génétique avant l’analyse moléculaire.

4 – Séquençage à haut débit “exomes” et maladies neurologiques : exemple des paraparésies spastiques héréditaires Novarino G, Fenstermaker AG, Zaki MS et al. Exome sequencing links corticospinal motor neuron disease to common neurodegenerative disorders. Science 2014 ; 343 : 506-11.

Une nouvelle génération de techniques de séquençage dites à haut débit permet de regarder tous les variants du génome codant. L’exploration des “exomes” fait l’objet de travaux dans le cadre de certaines maladies neurologiques.

Dans la démence fronto-temporale avec sclérose latérale amyotrophique (DFT/SLA), il a été mis en évidence une mutation instable avec expansions (30-1600) d’un hexanucléotide GGGGCC dans la région du chromosome 9p21 (C9ORF72).

Dans ces travaux menés par un consortium, 55 familles avec paraparésie spastique récessive ont été analysées. On a exploré les exomes de 93 individus et on a trouvé 15 nouveaux gènes candidats qui expliquent 42 % des cas (ce qui est considérable). Trois gènes déjà connus expliquent 20 % des cas.

Cette expansion anormale est très fréquente. Elle est présente dans plusieurs phénotypes : • dans 65 % des cas dans un phénotype DFT/SLA ; • mais également dans 14 % des formes familiales de DFT et dans 44 % des formes familiales de SLA (et aux alentours de 20 % dans les formes sporadiques de SLA).

Les stratégies pour identifier un gène muté chez un patient sont difficiles ; cela dépend d’un certain nombre de facteurs : • mode de transmission (AR, AD, lié à l’X, mutation de novo) ; • nombre d’individus/familles atteints ; • problème de l’hétérogénéité génétique ; 83


dossier • coût de réalisation et d’analyse bioinformatique. La difficulté majeure est de prouver que les variants observés sont bien pathogènes. A l’avenir, avec ce type de technique, l’implication du généticien clinicien sera probablement de plus en plus importante et compliquée, et cela à différents niveaux dans le rendu des résultats : • dans le diagnostic moléculaire de la maladie ; • dans les informations importantes pour le patient lui-même (pharmacogénétique…) ; • dans les informations importantes pour sa descendance ; • dans l’interprétation des variations dans les gènes de susceptibilité aux maladies communes. Il s’agit donc d’une vraie révolution technologique avec de difficiles problèmes éthiques et pratiques qui en découlent. Tout cela amène donc à penser qu’il y aura une réflexion éthique majeure à l’avenir avec ce type de technique.

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5 – Examen des caractéristiques génétiques à finalité médicale : l’information de la parentèle Décret N°2013-527 du 20 juin 2013 relatif aux conditions de mise en œuvre de l’information de la parentèle dans le cadre d’un examen des caractéristiques génétiques à finalité médicale.

Voici le grand cadre légal de ce décret qui amènera à modifier très probablement nos pratiques. Le médecin prescripteur se doit d’informer le patient, préalablement à la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques, des risques qu’un silence peut faire courir aux membres de sa famille potentiellement concernés et de son obligation légale d’information en cas de découverte d’une « anomalie génétique grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soin ». La liste des apparentés potentiellement concernés doit être établie par le médecin prescripteur au moment de la prescription et en présence du patient.

trois modalités d’information aux apparentés

Le patient peut exprimer son souhait : • d’informer lui-même les intéressés ; • de ne pas informer les intéressés, mais autorise le médecin prescripteur à transmettre l’information en respectant le secret médical ; • de ne pas informer ses apparentés, et engage alors sa responsabilité civile. n

Correspondance Dr Alexandra Durr Département de Génétique ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière) Hôpital de la Salpêtrière 47 boulevard de l’hôpital 75651 Paris Cedex 13 E-mail : alexandra.durr@upmc.fr

Mots-clés : Génétique, Adrénoleucodystrophie de l’enfant, Thérapie génique, Lentivirus, Maladie de Huntington, Phase présymptomatique, Atrophie du noyau caudé, Sclérose latérale amyotrophique, Démence frontotemporale, Paraparésie spastique héréditaire, Information, Parentèle

Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165


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