3 Ophtalmopédiatrie à l’AFSOP Handicap visuel chez l’enfant Dr Guylène Le Meur*
Introduction Lors de la SFO s’est tenue la réunion de printemps de l’AFSOP, organisée comme chaque année en une demijournée d’ophtalmopédiatrie et une journée de strabologie. Cette année, le thème du symposium pour l’ophtalmopédiatrie était le handicap visuel chez l’enfant. Plusieurs intervenants nous ont rappelé, au cours de ce symposium, le rôle de l’ophtalmologiste et de l’orthoptiste dans la prise en charge de l’enfant déficient visuel en prenant soin de revenir sur les généralités essentielles du sujet. Dans cet article, nous décrirons les diverses interventions des participants à ce symposium.
Épidémiologie concernant les enfants déficients visuels en 2013
Le Dr Le Bail, d’Evry, nous a rappelé l’épidémiologie concernant les enfants déficients visuels en 2013. Le recueil des données épidémiologiques dans ce domaine reste toujours difficile. Les chiffres sont ceux de la MDPH, de l’INSEE, de l’enquête “Comme les autres” n°184 ANPEA en 2009/2010, de l’enquête APEDV 2006, de l’expertise collective INSERM 2002 ainsi que les chiffres de l’ORDVI (Ophtalmologistes Référents *CHU de Nantes
Déficience Visuelle). En France, parmi les 3,7 millions d’enfants de moins de 5 ans, 4 000 présentent une amblyopie organique et 400 000 présentent une amétropie. La prévalence de la cécité chez l’enfant est de 0,01 à 0,05 % dans les pays européens, 0,028 % en France (en majorité avant 1 an). La prévalence de la malvoyance est de 0,048 à 0,109 % dans les pays européens et de 0,059 à 0,08 % en France. Environ 1 enfant sur 1 000 est atteint d’une déficience visuelle très sévère. Probablement que les chiffres sont sous-évalués : l’enquête APEDV 2006 en région parisienne sur la scolarisation des enfants déficients visuels estime à 3 000 le nombre d’enfants porteurs de handicap visuel dont 850 seulement sont repérés. Il faut noter que 30 à 50 % des enfants ayant une déficience visuelle présentent un handicap associé (mental, moteur, auditif ). Actuellement, il y a une diminution des causes infectieuses et accidentelles avec une prédominance des causes génétiques et périnatales. D’après l’étude Inserm 2002 chez les enfants malvoyants, les atteintes rétiniennes représentent 20 à 40 % des causes de malvoyance dans les pays industrialisés, puis viennent les lésions du nerf optique et des voies visuelles puis les anomalies congénitales de l’œil. La population des prématurés apparaît être une population à risque, notamment du fait des lésions cérébrales et des séquelles neurologiques associées à cette prématurité. L’enquête ANPEA : 2009/2010
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réalisée auprès de 89 SAFEP/ S3AIS, de 46 établissements et de 303 familles montre qu’il existe 25 départements sans structures médico-sociales. Les structures type SAFEP/S3AIS voient une augmentation du nombre d’enfants en liste d’attente (280 en 2009 contre 170 en 2007) ainsi qu’une augmentation du nombre de handicaps associés (16,2 % en 2009). Dans les établissements : 77 % des enfants sont malvoyants, 23 % en état de cécité, 21 % en apprentissage du braille et 32 % ont des handicaps associés. Néanmoins, pour les établissements, il y a peu de liste d’attente. L’enquête réalisée par ORDVI, dans une population de 1 047 enfants en SESSAD ou en institution, met en évidence une stabilité des dystrophies rétiniennes et des cataractes congénitales, mais aussi une augmentation du nombre de patients atteints d’albinisme.
Prise en charge de l’enfant déficient visuel Évaluation de la fonction visuelle chez l’enfant et l’adolescent malvoyant
Le Dr Ducombe-Poulet de Caen nous a présenté l’évaluation de la fonction visuelle chez l’enfant et l’adolescent malvoyant. Ces examens sont le plus souvent réalisés chez l’enfant et l’adolescent reconnus en situation de handicap visuel et orientés vers un centre médico-social ou un institut spé141
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Congrès de la Société Française d’Ophtalmologie
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cialisé. Ils sont aussi parfois réalisés à la demande du médecin ou du référent scolaire pour l’aménagement et le suivi de la scolarité d’un jeune déficient visuel. Les objectifs de cet examen sont de pouvoir répondre à plusieurs questions : Quelles sont les fonctions visuelles altérées ? Comment améliorer la vision fonctionnelle ? Comment évolue l’enfant ? Et enfin de réaliser les certificats et certificats MDPH nécessaires à la prise en charge.
Rôles de l’ophtalmologiste référent
L’ophtalmologiste référent a plusieurs rôles : - il agit en complémentarité et en lien avec l’ophtalmologiste traitant pour le suivi de la pathologie oculaire ; - il dialogue avec les parents et l’enfant ; - il réalise l’évaluation clinique selon une trame adaptée à l’âge de l’enfant (du nourrisson au grand adolescent) et à la sévérité de la malvoyance ; - il participe à l’élaboration du projet de prise en charge avec les autres professionnels en définissant les moyens nécessaires à ce projet.
Mesures de l’acuité visuelle
Les mesures de l’acuité visuelle sont réalisées avec l’équipement optique (verres et monture adaptés si nécessaire, réfraction contrôlée) avec des tests “habituels” mais aussi avec des tests “basse vision” (Échelle d’acuité basse vision Lissac à 40 cm plus précise pour les acuités visuelles < 2/10 et adaptée à la grande malvoyance et Test basse vision du Cadet à 2,50 m pour les acuités intermédiaires entre 1 et 2/10). Il convient de tester les capacités monoculaires de près et de loin 142
mais aussi les capacités binoculaires, en laissant l’enfant s’approcher, et avec les aides optiques pour connaître l’acuité visuelle utile. Pour les nourrissons, il convient de tester les réflexes psychovisuels et de réaliser une évaluation comportementale. Le champ visuel peut être réalisé dès 7 ans par périmétrie cinétique à la coupole de Goldman (ou apparentés). Pour les enfants plus jeunes, le champ visuel de confrontation ou d’attraction doit être réalisé. Il convient ensuite de tester la vision des couleurs soit par appariement soit par 15 Hue saturé ou désaturé pour typer la dyschromatopsie. Il conviendra d’évaluer la sensibilité à la lumière en lumière solaire et en lumière artificielle ainsi qu’en milieu de basse luminosité et si nécessaire de tester des filtres sélectifs. Enfin, il existe des échelles basse vision pour évaluer la sensibilité aux contrastes chez les enfants et chez les adultes. L’évaluation de la fonction visuelle d’un enfant ou d’un adolescent ayant une basse vision doit également comprendre une analyse du nystagmus, l’analyse de la position de fixation. L’examen doit pouvoir analyser le rôle délétère de la fatigue afin de s’assurer que l’enfant bénéficie si besoin de transcription allégée pour les manuels scolaires. L’examen sera complété par un examen oculomoteur et un examen à la recherche d’un strabisme ou d’une amblyopie fonctionnelle surajoutée. Pour finir, l’examen fonctionnel s’intéressera à la lecture utile c’est-à-dire à la mesure de la vitesse de lecture en condition optimale de lecture (pupitre, lampe fluorescente). Au total, l’évalua-
tion fonctionnelle de la vision, qui se fait en collaboration avec l’orthoptiste, est un des piliers indispensables à la prise en charge globale de l’enfant qui parfois doit être réalisée en plusieurs fois.
Nécessité d’une collaboration entre l’orthoptiste et l’ophtalmologiste
Selon Mme Berger-Martinet de Paris, la prise en charge orthoptique du handicap visuel est une étape multidisciplinaire qui nécessite une collaboration entre l’orthoptiste et l’ophtalmologiste. L’examen orthoptique aura pour but d’étudier les compétences visuelles de l’enfant, de savoir ce que l’enfant voit et comment il fait mais aussi d’établir un projet rééducatif visuel. Le bilan initial sera réalisé selon trois axes : le sensoriel, le moteur et le fonctionnel. L’examen sera différent selon l’âge de l’enfant. ❚❚Pour le nourrisson Le bilan sensoriel et moteur comprend : - l’étude de l’oculomotricité (fixation, poursuite, saccades) ; - l’étude du comportement visuel (réflexe photomoteur, réflexes de clignement à la menace, regard préférentiel) ; - la recherche d’un strabisme éventuel ; - la recherche d’une position de blocage de nystagmus. Le bilan fonctionnel s’intéresse à la coordination visuo-motrice, oculomanuelle et oculocéphalique, à l’étude des postures et à l’étude des zones performantes du champ visuel. ❚❚En âge préscolaire Le bilan cherche à mettre en évidence les capacités à exploiter par l’examen de l’acuité visuelle, la re-
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cherche du grossissement nécessaire, la vision du relief, la vision des couleurs. Le bilan fonctionnel en âge préscolaire s’intéresse aux stratégies visuelles de l’enfant ainsi qu’à leur efficacité : discrimination, coordination visuo-motrice, exploration, anticipation, organisation spatiale, mémoire visuelle, gnosie avec pour objectif la délivrance de conseils sur l’adaptation de l’environnement. ❚❚Entre 6 et 10 ans Le bilan orthoptique a pour but d’évaluer les compléments nécessaires pour le cadre scolaire : quels sont les filtres nécessaires, quelles sont les capacités et stratégies de lecture et d’écriture (distance de lecture, pupitre, taille et types de caractères, types de stylos, contraste), quelles sont les stratégies oculomotrices (excentration, balayage, repérage dans l’espace), quel est le grossissement nécessaire à l’apprentissage de la lecture, à quelle distance doit être le tableau, faut-il un système télescopique, informatique ? ❚❚Après 10 ans Il faut s’attacher à évaluer l’endurance de l’outil visuel : quelles sont les stratégies de compensation et leur coût énergétique ? Peut-on aider l’enfant par l’utilisation d’aides optiques et dans ce cas l’orthoptie est-elle une aide à l’appropriation de celles-ci ? ❚❚Suivi par l’orthoptiste Le rôle de l’orthoptiste dépendra également de l’âge de l’enfant : - chez les nourrissons : il faut s’attacher à permettre un développement psycho-sensori-moteur harmonieux et veiller à la mise en place des meilleures capacités de communication possibles pour préserver la relation
parents/enfant ; - à l’âge verbal : il faut développer l’efficacité visuelle et le patrimoine visuel ; - à l’adolescence : une surveillance régulière est nécessaire pour éviter la perte des acquis. La prise en charge orthoptique des enfants déficients visuels s’inscrit dans un travail pluridisciplinaire dont le but est le meilleur développement possible de la vision de l’enfant et une meilleure adaptation à son environnement.
Prise en charge ophtalmologique de l’enfant en situation de handicap visuel
Le Dr Dalens de Clermont-Ferrand nous a rappelé les trois versants de la prise en charge ophtalmologique de l’enfant en situation de handicap visuel : le versant organique, le versant fonctionnel et le versant administratif. Après l’annonce du handicap visuel, la famille de l’enfant est sidérée. Le rôle de l’ophtalmologiste est alors un accompagnement qui a pour but de permettre au sujet le développement de capacités visuelles maximales et dont l’objectif à long terme est l’autonomie dans sa future vie d’adulte. ❚❚Le versant organique Le premier rôle de l’ophtalmologiste est de poser un diagnostic précis. Si ce diagnostic n’est pas clair, l’ophtalmologiste doit s’attacher à faire réaliser les examens qui pourront amener au diagnostic précis ou si besoin orienter l’enfant vers d’autres spécialistes comme les neuropédiatres, les généticiens ou vers un centre de référence lors de maladies rares. Il faut noter qu’une surveillance annuelle est obligatoire pour tous les enfants pris en charge dans des structures spécialisées dans la déficience visuelle.
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❚❚Le versant fonctionnel L’examen fonctionnel est conduit en recherchant les retentissements connus de la pathologie sur la fonction visuelle et les conséquences de cette déficience visuelle sur les acquisitions de l’enfant. Au terme de ce bilan, en lien avec l’orthoptiste, la psychomotricienne, l’ergothérapeute, le rééducateur en locomotion, en activité vie journalière et parfois l’orthophoniste, on construit un accompagnement proportionnel au degré de malvoyance mais aussi au retentissement de celle-ci sur le développement de cet enfant. La malvoyance peut avoir des conséquences comme la survenue d’atypies développementales lors de déficiences visuelles profondes, de retard moteur chez les bébés aveugles… Chez les enfants qui ont une déficience visuelle, il est important de s’assurer des possibilités de compensation multisensorielle : l’audition est-elle bonne, quelle est la qualité du toucher, quelle est la sensibilité vestibulaire ? ❚❚Le versant administratif Enfin, l’ophtalmologiste a un rôle adminitratif, qui peut paraître rebarbatif mais qui est essentiel pour la prise en charge de cet enfant déficient visuel. Ce rôle s’étend de la réalisation des certificats MDPH ou courriers de lien avec les divers intervenants médicaux ou encore à la prescription d’ordonnances en lien avec les prises en charge rééducatives. Les orthoptistes sont un lien précieux entre le quotidien de l’enfant et de ses prises en charge, et l’ophtalmologiste. Le dialogue permettra de faire le lien entre la clinique et l’examen fonctionnel. Pour finir, le Dr Zanlonghi de Nantes nous a rappelé que toute la prise en charge socioéducative 143
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découle de la rédaction de certificats MDPH mais, parfois, en attendant la prise en charge socioéducative, il faut que l’ophtalmologiste réalise des ordonnances de psychomotricité, d’orthoptie pour que l’enfant déficient visuel ait une prise en charge socioéducative en attendant la prise en charge MDPH. Il nous a d’ailleurs rappelé que de nombreux enfants
déficients visuels étaient pris en charge dans des structures type CAMPS. Celui-ci a insisté sur la socialisation nécessaire des personnes en situation de handicap.
Conclusion
Cette table ronde enrichissante a permis de balayer le monde du handicap visuel, de l’épidémiologie
aux examens ophtalmologiques ou orthoptistes ainsi que d’aborder la prise en charge thérapeutique et socioéducative. n
Mots-clés : Ophtalmopédiatrie, Handicap visuel, Enfant, Ophtalmologiste, Orthoptiste
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