4 Glaucome L’essentiel de la SFO 2013 Dr Jacques Laloum*
Introduction Les réunions consacrées au glaucome à la SFO 2013 ont été nombreuses avec deux événements clés : la réunion de la SFG et la conférence de Robert Weinreb.
la pression mesurée en continu
La mesure de la pression intraoculaire en continu semble enfin à portée de main : on connaît l’importance des pics de pression et de l’amplitude des fluctuations, des données difficiles à obtenir en clinique courante. Un système embarqué (Triggerfish®) commence à être utilisé. Il comporte une lentille avec capteur incorporé et un récepteur. La lentille provoque une modification temporaire de la courbure cornéenne qui peut influer sur les mesures, mais ce système constitue une avancée intéressante.
montée en puissance de l’oct
Les examens de structure prennent une place de plus en plus importante, avec l’OCT en première ligne. La tendance générale est la mise en avant de l’OCT qui devient peu à peu l’examen de structure de référence. Sa reproductibilité pro*Praticien titulaire à la Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris
gresse avec l’implémentation, par la plupart des constructeurs qui ne l’avaient pas, d’un système de suivi de la fixation, indispensable en raison des micro-saccades que la relative lenteur des mesures ne permet pas d’éviter. À côté du déroulé de l’épaisseur péri-papillaire des fibres optiques, issu du Stratus, se développent l’analyse maculaire et l’exploitation de nouveaux paramètres de la tête du nerf optique. L’analyse maculaire prouve son utilité pour le dépistage et la surveillance des glaucomes, en particulier en cas de myopie et/ou de dysmorphie papillaire. À côté des indices de perte globale et focale (RTVue®), étudiés sur le complexe cellulaire ganglionnaire (ensemble des couches des fibres optiques, des cellules ganglionnaires et de la plexiforme interne), de nouveaux types de mesures montrent une bonne capacité discriminante : le Cirrus mesure la somme des couches des cellules ganglionnaires et plexiforme interne. L’aire maculaire elliptique est divisée en rayons. Celui dont l’épaisseur de la somme des deux couches est la plus faible semble un signe d’atteinte précoce et fournit un indice (GCIPL minimum) qui semble particulièrement performant. De nouveaux paramètres papillaires semblent prometteurs : la distance minimum entre la terminaison de la membrane de Bruch et la limitante interne (BMO-MRW), permet une bonne appréciation de l’épaisseur de l’anneau neuro-rétinien : la détermination du bord
Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2013 • vol. 7 • numéro 65
du disque (extrémité de la Bruch) correspond mieux à l’anatomie que les déterminations basées sur l’aspect visuel ; le choix de l’épaisseur de l’anneau comme distance minimum permet de prendre en compte la variabilité du trajet du nerf optique. L’implémentation de ce paramètre est en cours sur le Spectralis. La possibilité de son utilisation a été démontrée à partir des images du Cirrus.
de nouveaux concepts
Les progrès de l’imagerie ont été illustrés à la SFG par une controverse à but pédagogique opposant examens de structure et champ visuel. Ce dernier garde bien sûr toute sa place, mais le débat souligne la montée en puissance de l’OCT. Une deuxième controverse pédagogique avait pour thème la pertinence du traitement des glaucomes pré-périmétriques. Les progrès des examens sont un argument pour ne traiter les hypertonies que si elles sont associées à d’importants facteurs de risque. L’étude OHTS a montré que si l’on distribue les patients hypertones selon l’importance des facteurs de risques, le premier tiers (“tertile”) de l’ensemble de ces patients présente si peu de risques de développer un glaucome qu’il est nécessaire de traiter 98 patients pendant 13 ans pour éviter une seule conversion glaucomateuse. 145
DOSSIER
Congrès de la Société Française d’Ophtalmologie
Congrès de la Société Française d’Ophtalmologie
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Un deuxième argument en faveur de l’attente consistait à souligner justement les progrès des examens complémentaires qui nous permettent une évaluation quantitative de plus en plus précise de la progression. Le Pr Robert Weinreb a dressé un panorama complet des progrès accomplis dans la compréhension, le diagnostic et le traitement du glaucome. Il a notamment souligné le changement de paradigme, autorisé par les progrès des examens de surveillance : la définition nouvelle proposée pour le glaucome se focalise sur sa particularité première d’être une neuropathie optique progressive. La mise en évidence d’une progression structurelle, même isolée, suffit à affirmer le diagnostic, en l’absence donc de toute atteinte périmétrique. Un autre élément est mis en avant : l’aggravation du glaucome ne doit plus être considérée comme une caractéristique binaire (aggravation ou stabilité). L’aggravation d’un glaucome est pratiquement inéluctable ; c’est la vitesse de cette aggravation qui doit être évaluée. Cette évaluation est rendue plus précise par des logiciels qui utilisent la mise en corrélation et la complémentarité des examens fonctionnels et structurels. Si la vitesse d’aggravation, compte-tenu de l’atteinte déjà présente et de l’espérance de vie du patient expose celui-ci à un risque de handicap visuel, l’escalade thérapeutique s’impose.
Un nouveau type d’imagerie
Une caméra rétinienne incorpore la technologie de l’optique adaptative pour visualiser avec une définition inégalée la rétine et le nerf optique. Les trous de la lame criblée en particulier apparaissent parfaitement nets. Une étude uti146
lisant cet appareil a montré ainsi l’allongement et la verticalisation de ces trous dans le glaucome. Cet appareil (rtx1TM®) est depuis peu disponible pour une utilisation clinique dans l’Union Européenne. Le traitement voit lui aussi ses modalités évoluer.
Traitement médical : génériques et associations fixes
Dans les dernières années, la proportion d’utilisation des génériques a considérablement augmenté, sous l’influence efficace des mesures financières de l’assurance maladie qui oblige le patient à avancer l’argent des médicaments dont il refuse la substitution. Cette proportion rejoint cependant, sans la dépasser, le niveau constaté dans les autres pays de l’Union Européenne. Une deuxième tendance est l’augmentation de la prescription d’associations fixes. L’une des deux molécules reste actuellement toujours le timolol, en attendant l’arrivée de l’association testée aux États-Unis, de brinzolamide-brimonidine. Là aussi, cette tendance n’est pas purement française, mais partagée avec les autres pays européens.
Traitement chirurgical Chirurgies filtrantes conjonctive-dépendantes
Un symposium et la partie de la réunion de la SFG consacrés à la chirurgie ont été l’occasion de souligner l’importance de la gestion postopératoire immédiate des chirurgies filtrantes dans leur succès. Les complications de cette chirurgie sont fréquentes. Leurs traitements ne visent pas seule-
ment à éviter les risques délétères, mais aussi à préserver les chances de succès, en évitant une fibrose de la conjonctivale. L’aquesys® est un shunt de collagène inséré ab-interno – à travers le trabéculum puis la sclère – en sous-conjonctival.
Chirurgies filtrantes conjonctive-indépendantes micro-invasives
L’Hydrus® est un stent de nitinol inséré ab-interno dans le canal de Schlemm. Le Cypass® est un shunt suprachoroïdien inséré ab-interno à travers l’angle. L’OCT permet sa visualisation postopératoire.
Cyclo-affaiblissement
Le traitement UC3 (Cyclo-Coagulation Circulaire par Ultrasons) est un progrès d’origine lyonnaise. L’utilisation d’ultrasons focalisés de haute intensité, délivrés par des transducteurs miniaturisés et travaillant à haute fréquence, permet une destruction sélective et prédictible du corps ciliaire. Six transducteurs sont insérés sur un anneau circulaire dont il existe trois tailles. Un examen UBM préalable permet de choisir celle qui permet de cibler le mieux le corps ciliaire pour un œil donné. Un cône de couplage à usage unique est solidarisé à l’œil par succion. L’anneau est positionné dans ce cône. Après une phase préliminaire d’essai réalisée dans trois centres sur des glaucomes réfractaires, une étude multicentrique est en cours de réalisation. Cette technique française noninvasive semble pour l’instant confirmer les espoirs qu’elle a susn cités.
Mots-clés : Glaucome, Diagnostic, Examens complémentaires, Imagerie, Traitement
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