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Larmoiements de l’adulte Prise en charge par sonde à ballonnet Dr Pierre-Vincent Jacomet*

Introduction Le larmoiement de l’adulte est une pathologie couramment rencontrée en consultation d’ophtalmologie. D’une simple gêne en hiver ou au vent, il peut devenir un véritable handicap entraînant un flou visuel permanent, une sensation d’œil collé et parfois des douleurs dues à l’irritation cutanée par l’application permanente d’un mouchoir liée au ruissèlement des larmes sur la joue.

L’examen clinique initial est primordial afin d’éliminer d’autres causes de larmoiement comme une hypersécrétion lacrymale, souvent en rapport avec une pathologie du bord libre (blépharite), ou une pathologie de la surface oculaire (œil sec), ou une pathologie palpébrale (entropion, ectropion). Enfin, on vérifiera en lampe à fente l’absence de sténose méatique.

Figure 2 - Anatomie et valves de la VLN gauche.

nasal, aboutissant dans les fosses nasales sous le cornet inférieur (Fig. 1).

Figure 1 - Appareil lacrymal vue antérieure d’après Sobota.

Un peu d’anatomie… Le rôle des voies lacrymonasales est de drainer les larmes du canthus interne vers la fosse nasale

*Centre Ophtalmologique Peretti, Neuilly-sur-Seine ; Fondation Ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, Paris

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homolatérale. Le système lacrymal est constitué des méats, des canalicules supérieur et inférieur se réunissant en un canalicule commun, ce canal d’union se draine vers le sac lacrymal relié au canal lacrymo-

Tout le long de ce canal, de nombreuses valves sont décrites, la pathologie obstructive concerne essentiellement les valves de Krause-Taillefer au tiers moyen du canal lacrymonasal correspondant en effet à une sorte de goulet d’étranglement intra-

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Larmoiements de l’adulte

Figure 3 - Canal lacrymonasal normal : opacification homogène et régulière

Figure 4 - Sténose complète sous le sac : arrêt net du

du canal jusqu’au cornet inférieur.

produit de contraste sans passage dans le canal d’aval.

osseux, où les tissus muqueux pourront facilement s’accoler entre eux, créant ainsi un rétrécissement de la lumière intra-canalaire.

Étiologies des dacryosténoses : On distingue les atteintes primitives des atteintes secondaires. Les anglo-saxons ont l’habitude de distinguer les PANDO (Primary Aquired Nasolacrimal Duct Obstruction) des SALDO (Secondary Acquired Lacrimal Drainage Obstruction).

Les PANDO Étiologie la plus fréquente d’épiphora chez l’adulte, surtout chez les sujets âgés. Il se produit une inflammation de la muqueuse lacrymonasale avec congestion de celle-ci dans le canal osseux, puis un rétrécissement du canal avec une accumulation de larmes, stase de débris avec surinfection, entraînant une sténose secondairement irréversible par fibrose de la voie lacrymonasale (VLN).

Les SALDO Correspondent à toutes les causes secondaires d’épiphora d’ori-

gine infectieuse (dacryocystite), inflammatoire (sarcoïdose, granulomatose de Wegener…), tumorale (lymphome, carcinome…), traumatique ou mécanique (dacryolithiase, migration de bouchons…).

Exploration des VLN : examen clinique Devant tout épiphora, on étudiera tout d’abord le sac lacrymal par une pression digitale : issue de sécrétions de pus, de sang, consistance du sac, possibilité de vidange. Puis on réalisera un sondage des canalicules par une sonde mousse à la recherche d’une sténose du canal d’union, un contact osseux ferme ou mousse. Enfin, on terminera l’examen clinique par un lavage au sérum physiologique des VLN. Cet examen essentiel va guider notre attitude thérapeutique : - reflux par le canalicule sondé ou le canalicule homolatéral : probable sténose sous-jacente, donc indication d’une étude de la VLN par dacryoscanner ; - passage dans les fosses nasales : nous sommes dans le cadre d’un larmoiement à voie lacrymale perméable, par probable rétré-

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cissement sans obstruction complète.

Exploration des VLN par dacryoscanner Réalisé en cas de suspicion clinique de sténose, cet examen de pratique courante permet de situer la sténose le long de la VLN, de visualiser par le produit de contraste une sténose complète d’une sténose partielle ainsi que sa nature (dacryolithiase, dacryocèle…). Il permet par ailleurs d’analyser le massif facial (position de l’agger nasi par rapport au sac lacrymal), de préciser l’épaisseur de l’os en regard de la zone de dacryostomie et de connaître l’existence d’une muqueuse inflammatoire. Tous ces éléments étant nécessaires pour guider le geste thérapeutique (Fig. 3 et 4).

Indications thérapeutiques par sonde à ballonnet La dilatation par sonde à ballonnet (Ophtacath®-FCI) est une technique de pratique récente en France, simple d’utilisation, pouvant être réalisée sous anesthésie locale avec sédation avec des taux de satisfaction sur la régression de 167


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Figure 5 - Rétrécissement du canal confirmé au dacryoscanner Figure 6 - Trajet en chapelet confirmé au dacryoscanner sans arrêt du par un trajet étroit.

l’épiphora proche de 80 % à 6 mois. Cette dilatation est réalisée au sein de la lumière du canal rétréci permettant d’écraser les parois muqueuses sur un canal osseux lacrymonasal rigide, améliorant ainsi le drainage des larmes. Les principales indications à retenir sont : - épiphora permanent malgré une voie lacrymale non sténosée ; - rétrécissement du canal confirmé au dacryoscanner par un trajet étroit (Fig. 5) ; - trajet en chapelet confirmé au

produit de contraste.

dacryoscanner sans arrêt du produit de contraste (Fig. 6). Les contre-indications à cette procédure sont : - sténose complète ; - dacryocèle confirmée au dacryoscanner ; - dacryolithiase. Ces contre-indications nécessitent, pour leur prise en charge, la réalisation d’une dacryocystorhinostomie.

Procédure en images Elle est décrite dans l’Encadré 1 cicontre.

Conclusion Le larmoiement à voie lacrymale perméable est un trouble fonctionnel fréquent en consultation d’ophtalmologie. Cette gêne que l’on retrouve surtout chez la personne âgée est souvent ressentie comme un handicap qui peut altérer la qualité de vie. La prise en charge chirurgicale des voies lacrymales par sonde à ballonnet apporte un net bénéfice, par une procédure peu invasive, rapide et sécurisée qui peut être réalisée sous anesthésie lon cale avec sédation.

Bibliographie 1. Lueder GT. Balloon cathéter dilation for treatment of persistent nasolacrimal duct obstruction. Am J Ophthalmol 2002 ; 133 : 337-40. 2. Repka MX, Chandler DL, Holmes JM et al. Balloon cathéter dilation and nasolacrimal duct intubation for treatment of nasolacrimal duct obstruction after failed probing. Arch Ophthalmol 2009 ; 127 : 633-9. 3. Zoumalan CI, Maher EA, Lelli GJ, Lisman RD. Balloon canaliculoplasty for acquired canalicular stenosis. Ophthal Plast Reconstr Surg 2010 ; 26 : 459-61.

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Larmoiements de l’adulte

Encadré 1 - Procédure en images.

1

2 Méchage de la cavité nasale à la xylocaïne naphazoline 5 %.

3 Dilatation méatique.

4

Sondage de la portion verticale de la VLN à la canule.

5 Kit Ophtacath® : pompe et sonde à ballonnet.

Remplissage à l’eau stérile de la pompe et verrouillage du système.

6

7 Mise en place de la sonde à ballonnet dans la portion verticale de la VLN au 1er repère (15 mm du ballonnet).

8

Dilatation du canal lacrymonasal par mise en pression du ballonnet (diamètre 3 mm) à 8 ATM pendant 90 secondes.

9 Déverrouillage du système et recul de la sonde au 2e repère (10 mm du ballonnet).

10

Nouvelle dilatation de la VLN à la jonction sac-canal lacrymonasal, pendant 60 secondes à 10 ATM.

11 Retrait de la sonde et fin de la procédure.

Synthèse de la procédure.

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