thérapeutique
Syndromes secs sévères Utilisation des verres scléraux Dr Maud Elluard-Scagni*
introduction L’utilisation des verres scléraux a déjà fait ses preuves dans de nombreuses pathologies de la surface oculaire ainsi qu’en cas de déformation cornéenne importante. Nous les utilisons en cas d’échec des traitements classiquement utilisés dans la sécheresse oculaire (collyres lubrifiants, clou méatique, collyres à la ciclosporine ou au sérum autologue). L’amélioration clinique est le plus souvent associée à une amélioration de la qualité de vie des patients (qui peut être évaluée par le score OSDI ou par le NEI VFQ-25). Verre scléral sur la cornée d’un patient.
Définition du syndrome sec oculaire et traitements classiques
Selon le rapport de l’International Dry Eye Workshop (2007) (1), le syndrome sec oculaire est « une maladie multifactorielle des larmes et de la surface oculaire entraînant des symptômes d’inconfort, des troubles visuels, une instabilité du film lacrymal avec un risque de lésion de la surface oculaire. Il s’accompagne d’une augmentation de l’osmolarité du film lacrymal et d’une inflam*Ophtalmologue, Fondation ophtalmologique Adolphe-deRothschild, Paris
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mation de la surface oculaire ». C’est une pathologie fréquente touchant environ 10 % des sujets de plus de 75 ans (2). Dans près de 10 % des cas, elle s’associe à une maladie systémique. La forme sévère se manifeste par une kératoconjonctivite sèche caractérisée par une kératite importante à la fluorescéine, un marquage au vert de Lissamine franc (défects épithéliaux conjonctivaux et cornéens) et parfois des sécrétions muqueuses ou des filaments qui témoignent d’une grande concentration du film lacrymal. La mesure du temps de rupture du film lacrymal et le test de Schirmer sont en général très pathologiques à ce stade.
La perte du rôle lubrifiant des larmes entraîne une sensation d’inconfort au niveau de l’œil ; le patient ressent des picotements, des démangeaisons voire des brûlures ainsi qu’une sensation de corps étranger. La perturbation du rôle optique du film lacrymal et la kératite peuvent entraîner une vision floue et parfois une sensation de voile (3). Cette gêne visuelle peut entraîner un retentissement considérable sur la qualité de vie. Plusieurs études ont déjà étudié l’impact sur la qualité de vie des patients souffrant de sécheresse oculaire, montrant une altération importante dans cette maladie (3-4).
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Syndromes secs sévères
Les différents traitements classiquement utilisés dans les syndromes secs sévères sont : les larmes artificielles, les bouchons lacrymaux, la ciclosporine topique, la pilocarpine orale ainsi que le collyre au sérum autologue. Ces traitements n’entraînent la plupart du temps qu’une amélioration partielle des symptômes.
Indications thérapeutiques classiques des verres scléraux
Depuis 1888, on a utilisé des lentilles en verre remplies de liquide pour corriger des irrégularités cornéennes. Ces lentilles entraînaient l’apparition à plus ou moins long terme d’un œdème et d’une néovascularisation cornéenne liés à une ischémie chronique. Dans les années 1940, elles furent améliorées progressivement, d’abord par la perforation dans le verre pour augmenter la circulation des larmes (qui transportent l’oxygène) puis par l’utilisation d’un matériau plus léger (remplacement du verre par le PMMA). Elles furent moins utilisées après la découverte des lentilles souples dans les années 1970. Depuis les années 1990 et l’emploi de matériaux rigides perméables aux gaz, les verres scléraux ont suscité un regain d’intérêt car n’entraînant ni œdème ni néovascularisation cornéenne, qui constituaient leur principal inconvénient antérieurement. Les verres scléraux ne prennent appui que sur la conjonctive bulbaire paralimbique et passent en pont sur la cornée et le limbe ce qui permet à la cornée d’être lubrifiée en permanence. Ils permettent aussi un passage de larmes sous la lentille créant une oxygénation cornéenne. Ainsi, ils ont un rôle
optique, lubrifiant et oxygénant, ce dernier aspect étant particulièrement intéressant pour éviter les complications hypoxiques et infectieuses. Les verres scléraux ont démontré leur efficacité dans des déformations cornéennes importantes (5) telles que le kératocône ou après greffe cornéenne (6-10). Ils sont aussi utilisés avec succès dans certaines pathologies chroniques sévères de la surface oculaire comme les syndromes de Stevens-Johnson (6-8, 11-13) ou Lyell. Depuis le 4 octobre 2007, toute personne ayant reçu la prescription d’un tel équipement est désormais remboursée des coûts directs conséquents (au moins 1 200 euros la paire). Ces verres sont composés de polymères dont l’OPTIMUM Extra® laboratoire Contamac US (Dk = 100 Iso), l’Extrem® (Dk = 125 Iso) et le Polymer Technology Boston® XO2 (Dk = 161 Iso) laboratoire Bausch et Lomb. Le diamètre des verres varie sur une base de 16 à 19 mm et peut être réalisé jusqu’à 23 mm.
Nouvelle perspective dans les syndromes secs sévères réfractaires
Leur emploi dans les syndromes de sécheresse oculaire, primitifs type syndrome de GougerotSjögren (12-13) ou associés à la pemphigoïde oculaire cicatricielle (14), ne fait l’objet que de peu d’observations. Néanmoins, l’utilisation du verre scléral SPOT® (LAO, Thonon-les-Bains, France) dans les syndromes secs oculaires réfractaires semble être prometteuse, notamment en ce qui concerne l’amélioration de la qualité de vie des patients.
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L’adaptation nécessite plusieurs visites pour déterminer les paramètres nécessaires du verre scléral (puissance et diamètre) et expliquer au patient sa manipulation. Le patient est ensuite régulièrement suivi en consultation pour juger de l’efficacité du traitement et de l’absence de complications.
Impact de la sécheresse sur la qualité de vie
Les scores de qualité de vie les plus souvent utilisés pour les patients atteints de sécheresse oculaire sont : l’Ocular Surface Disease Index (OSDI) et le National Eye Institute (NEI) VFQ-25 modifié. Le premier contient 12 questions concernant la fréquence de différents symptômes et les difficultés à effectuer certaines tâches de la vie quotidienne. On obtient un chiffre allant de 0 à 100 où 100 correspond au patient le plus invalidé. Le NEI VFQ-25 est divisé en 12 sous-parties avec 26 questions au total portant sur les domaines suivants : état de santé général, état de vision général, douleurs oculaires, vision de près, vision de loin, fonctions sociales, santé mentale, limitation des rôles de la vie quotidienne, dépendance, conduite, vision des couleurs, vision périphérique. Le score modifié du NEI VFQ-25 correspond au NEI VFQ-25 sans prendre en compte l’état de santé général du patient et comprend donc 25 questions. Le score varie de 0 à 100 où 0 correspond au patient le plus invalidé. Sur une grande étude cas-témoins publiée en 2007 (4), les patients atteints de sécheresse oculaire étaient invalidés essentiellement pour la lecture, dans l’exécution de leur profession ainsi que lors de l’utilisation de l’ordinateur en comparaison avec les 35
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sujets témoins. Dans une autre étude cas-témoins réalisée en 2009 (15), comparant des sujets atteints de sécheresse oculaire et des sujets sains, il était noté une augmentation du score Ocular Surface Disease Index (OSDI) à 40,18 ± 21,17 et une diminution du score Visual Function Questionnaire 25 (VFQ-25) à 77,57 ± 17,1 dans le groupe des cas. L’utilisation quotidienne des verres scléraux améliore notablement ces scores de qualité de vie et ce d’autant plus que le syndrome sec est très sévère. L’amélioration concerne surtout l’état de vision générale du patient et les douleurs oculaires. On peut aussi fréquemment observer un arrêt de certains collyres tels que la ciclosporine et une diminution
de la fréquence d’instillation des substituts lacrymaux. En revanche, nous savons qu’il n’y a pas vraiment de corrélation entre les symptômes et les signes objectifs des patients atteints de syndromes secs (16) qui sont parfois disproportionnés par rapport aux signes cliniques (17). Dans une étude portant sur 223 patients atteints de pathologie chronique de la surface oculaire, 50,8 % des sujets ont peur de devenir aveugles (18). Néanmoins, les patients les plus améliorés par l’utilisation des verres scléraux sont aussi ceux qui ont une atteinte cornéenne plus sévère. À l’inverse, les patients très invalidés mais n’ayant qu’une atteinte cornéenne modérée sont les moins améliorés par l’adaptation.
Conclusion
Les verres scléraux semblent être un moyen prometteur d’améliorer les symptômes des patients souffrant de syndromes secs oculaires sévères réfractaires aux traitements conventionnels. Lorsqu’ils sont bien acceptés, ils améliorent de façon importante la qualité de vie de ces patients. Ils représentent probablement l’un des traitements les plus efficaces de cette pathologie si difficile à prendre en charge. n
Mots-clés : Sécheresse oculaire, Traitements, Verres scléraux
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rendez-vous de l’industrie thérapeutique
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L
es laboratoires Horus Pharma ont annoncé la mise sur le marché de leur nouveau produit : ODM 5®. Il s’agit d’une solution ophtalmique hyperosmolaire sans conservateur. ODM 5® réduit l’œdème cornéen et participe à rétablir la transparence cornéenne et à améliorer le confort visuel des
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patients souffrant de réactions œdémateuses de la cornée (kératalgies, œdèmes postopératoires, dystrophie cornéenne, etc.). Cette solution combine du chlorure de sodium à 5 % et du hyaluronate de sodium à 0,15 % et pompe par effet osmotique l’excès de fluide. Elle favorise ainsi la protection et la cicatrisation de la cornée. ODM 5® est présenté sous la forme d’un flacon multidose non conservé de 10 ml. Le produit est disponible en pharmacie (dispositif de classe IIa - CE1014). n Pratiques en Ophtalmologie • Février 2014 • vol. 8 • numéro 71