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écho des congrès

La Main Rhumatologique 14e journée d’enseignement Dr Michel Bodin*

Introduction Fidèle à ses objectifs, la 14e édition de cette journée de formation, organisée par l’Unité Rhumatologique des Affections de la Main de l’hôpital Lariboisière (URAM), a permis de faire le point, d’échanger et de se former sur les techniques et les nouvelles approches thérapeutiques dans la prise en charge des pathologies de la main. En ma qualité de coordonnateur, je remercie nos partenaires de l’industrie sans lesquels cette journée ne pourrait pas avoir lieu et la revue Rhumatos pour ce compte rendu qui vous donnera envie, je l’espère, de participer l’an prochain à la 15e journée d’enseignement « La Main Rhumatologique » qui se tiendra le samedi 11 octobre 2014 à l’Espace Saint-Martin, à Paris. Bonne lecture à tous. Pr Thomas Bardin

Rééducation de la main rhumatoïde D’après une intervention du Dr Johann Beaudreuil et coll., Paris

Le retentissement de l’atteinte de la main sur la réalisation d’activités quotidiennes (cuisine, toilette, habillage…) constitue un facteur de handicap primordial. Le but de la rééducation est donc, en priorité, l’amélioration de la fonction. Par quels moyens thérapeutiques ? La masso-kinésithérapie associe l’utilisation de la physiothérapie (recours au froid lors de poussées, ou au chaud dans les phases moins aiguës) et les exercices de

*Rhumatologue, Griselles

Rhumatos • Février 2014 • vol. 11 • numéro 95

mobilisation passive ou active. Les programmes d’autorééducation apportent souvent d’excellents résultats. L’ergothérapie améliore l’activité et autorise la récupération de fonctions perdues par une meilleure adaptation à l’environnement : modification des prises de petits objets, réalisation d’aides techniques, analyse des activités journalières. L’appareillage (orthèses de repos ou de fonction, pour le pouce, le poignet ou les doigts, orthèses statiques ou dynamiques de correction) est plus acceptable la nuit. L’intérêt de toutes ces techniques de “protection articulaire” a été confirmé par les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) en 2007, concernant la rééducation de la main et du poignet.

Des essais randomisés récents ont évalué divers traitements : laser faible intensité (résultat similaire au placebo), exercices physiques (la mobilisation avec travail de la préhension et renforcement musculaire est supérieure à la mobilisation seule), orthèses de repos (observance modérée et résultat identique à la rééducation, meilleurs résultats chez les PR stables à 3 mois), orthèses de fonction (amélioration de la douleur, mais pas de la fonction ou de la force musculaire), prise en charge multidisciplinaire (efficace dans les PR récentes modérément actives, avec faible limitation fonctionnelle résiduelle). La rééducation de la main rhumatoïde trouve son intérêt au cours de PR stables, avec limitation fonctionnelle faible à moyenne. L’indication est empirique en poussées inflammatoires : cryothérapie, mobilisation passive et orthèses de repos.

Récidive du syndrome du canal carpien après chirurgie D’après une intervention Dr Francis Chaise, Nantes

du

Extrêmement fréquent, le syndrome du canal carpien doit souvent être traité de manière chirurgicale, soit 150 000 interventions par an. Elles sont efficaces et sans séquelles dans la plupart des cas, 53


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mais il peut exister des complications immédiates (section du nerf médian, section insuffisante du ligament annulaire du carpe), ou à distance, développement d’une fibrose périneurale quelle que soit la technique employée. Ce tableau de récidive nécessite un traitement par libération du nerf de sa gaine fibreuse, et la reconstruction d’un plan de glissement périneural. Le diagnostic de récidive doit être établi : interrogatoire, EMG, échographie, voire IRM. La présence de troubles trophiques ou neurologiques justifie la reprise chirurgicale. La reconstruction du plan de glissement, afin d’enrober le nerf, peut faire intervenir muscles, synoviale, graisse, fascia ou des matériaux exogènes (silicone). La préférence de l’auteur est celle d’une technique simple et sûre (enveloppement siliconé 0,25 mm, taillé sur mesure, avec un recul d’expérience supérieur à 20 ans). Une série personnelle de 15 patients, tous revus à 5 ans, fait état d’excellents résultats (disparition rapide des douleurs et des paresthésies, absence de déficit sensitif, force de préhension conservée, coefficient de satisfaction 100 %).

Mycobactéries non tuberculeuses du poignet et de la main D’après une intervention du Dr Sophie Lahalle et coll., Paris

Les mycobactéries sont des bacilles ne se développant pas sur les milieux bactériologiques usuels. Leur développement est intracellulaire, ils sont capables d’infecter les macrophages et résistent à la phagocytose. Le réservoir peut être l’Homme, les mammifères, avec en général un environnement aquatique. Les mycobactéries non tuberculeuses peuvent être 54

à croissance lente ou à croissance rapide. Leur habitat est aquatique au sens large : eau douce ou salée, sols imbibés, animaux aquatiques ou exposés, même si les eaux sont réputées stériles ou désinfectées. Ces agents pathogènes sont responsables d’infections de la main (ténosynovite chronique des fléchisseurs et extenseurs des doigts), de syndromes du canal carpien, plus rarement d’arthrites ou d’ostéomyélites. L’indolence est de règle ainsi que l’évolution lente. En raison de la pauvreté des signes inflammatoires locaux et généraux, le diagnostic est en général retardé. La notion d’une inoculation (traumatisme, plaie…) peut aider au dépistage. Le risque de rupture tendineuse existe, ainsi que le risque de délabrement articulaire et osseux. Une biopsie et un examen histologique et/ ou bactériologique sont parfois nécessaires. Dix espèces de mycobactéries peuvent être impliquées à la main. La plus fréquente est Mycobacterium marinum, à croissance lente, responsable après inoculation en 2 à 6 semaines, d’une papule érythémateuse non douloureuse, évoluant parfois vers un nodule ou une plaque érythémateuse, puis une ténosynovite, voire une arthrite ± érosive. Le traitement antibiotique, non codifié, est plus ou moins efficace et le traitement chirurgical est le plus souvent nécessaire.

Intérêt pratique de l’échographie en rhumatologie de la main D’après une intervention Dr Bertrand Moura, Paris

du

L’échographie permet d’orienter, voire d’affirmer une suspicion clinique.

L’articulation gonflée relève en général d’une atteinte rhumatoïde. Les critères de synovites sont bien définis par l’OMERAC, mais l’écho peut être utile en cas de surpoids ou d’obésité. L’épaississement synovial, la présence d’une érosion corticale sont d’importants éléments d’orientation. Le recours au doppler puissance confirme l’inflammation. En cas de suspicion de goutte, des dépôts d’urate ou une image de double contour à la surface du cartilage métacarpien doivent être recherchés. Au niveau des IPP, un épaississement synovial sans signes d’inflammation est en faveur d’une arthrose, comme au niveau des IPD. En revanche, les signes inflammatoires à ce niveau doivent évoquer un rhumatisme psoriasique. Le doigt gonflé : la ténosynovite des fléchisseurs est de diagnostic facile (épaississement du tendon et inflammation de la gaine), ainsi que la ténosynovite de de Quervain. L’écho peut dans ce cas guider l’infiltration. Le doigt bloqué : l’échographie confirme le diagnostic de doigt à ressaut et en précise l’origine (épaississement de la poulie ou véritable nodule tendineux). La main globalement gonflée : la cause peut être une atteinte de la gaine commune des extenseurs des doigts ; un œdème des parties molles dorsales peut évoquer un syndrome RS3PE (Remitting Symmetrical Seronegative Synovitis with Pitting Edema, synovite symétrique séronégative résolutive avec œdèmes prenant le godet), à différencier de l’algodystrophie, qui est unilatérale ; une fracture d’un métacarpe sera facilement éliminée. Une “boule” sur la main : ce peut être le “carpe bossu” (voir présentation du Dr Roulot), Rhumatos • Février 2014 • vol. 11 • numéro 95


La Main Rhumatologique

confirmé par simple radio, ou un kyste synovial ou arthrosynovial, indolore et souvent cliniquement évident. La main neurologique : le syndrome du canal carpien est bien individualisé cliniquement, mais l’échographie peut être utile pour préciser certaines variétés anatomiques ou les processus de traitement à recommander.

Les biothérapies dans l’arthrose digitale D’après une intervention du Pr Pascal Richette et coll., Paris

Les différents traitements de l’arthrose de la main ont été codifiés par l’EULAR et ont fait l’objet de recommandations publiées en 2007. Parmi ceux-ci, le paracétamol est d’efficacité modérée et non dénué d’effets secondaires. Les AINS, plus efficaces, sont à l’origine de complications parfois létales. L’identification de plusieurs cibles pouvant réagir à des agents biothérapiques, comme l’IL-1 et le TNF, a conduit à l’expérimentation de plusieurs molécules, comme l’anakinra (antiIL-1). Une trop courte série, sur 3 patients, a mis en évidence des résultats spectaculaires, avec, à 3 mois, une forte diminution de la douleur et du handicap, à confirmer par de nouveaux essais bien conduits sur des échantillons plus importants. L’adalimumab, dans une étude en ouvert, semble peu efficace. Deux études contrôlées vs placebo ont été également décevantes, malgré un taux légèrement moindre de synovites. Deux autres molécules semblent dignes d’intérêt, et doivent faire l’objet d’essais thérapeutiques : le tanezumab (anti-NGF), efficace dans la gonarthrose, et le tocilizumab, anti-IL-6, cytokine de Rhumatos • Février 2014 • vol. 11 • numéro 95

rôle important dans cette pathologie.

L’ongle est-il une enthèse ? D’après une intervention du Dr Aline Frazier-Mironer et coll., Paris

Étant donné la fréquence des atteintes unguéales dans le rhumatisme psoriasique, il est très possible que l’enthèse constitue le point de départ de l’inflammation psoriasique à ce niveau. Les lésions les plus fréquentes de l’ongle psoriasique sont les ponctuations et les taches, l’onycholyse, l’hyperkératose, et les atteintes hémorragiformes subunguéales. Leur fréquence varie selon les études : elle serait de l’ordre de 50 % en cas de psoriasis cutané, et de 80 % en cas de rhumatisme psoriasique, et significativement associée à l’arthropathie des IPD. Histologiquement, le tendon extenseur forme une enthèse s’attachant à la face dorsale de la phalange distale, mais se prolonge jusqu’à la racine de l’ongle. Or, plusieurs manifestations indépendantes de la synovite, ayant pour point commun l’enthèse, peuvent être constatées : construction osseuse (enthésophytes, syndesmophytes), périostite, ostéite, atteintes rachidiennes, dactylites. La relation entre l’ongle, l’os et l’articulation dans le psoriasis a fait l’objet d’un certain nombre d’études montrant que l’enthèse de la capsule dorsale de l’IPD est l’épicentre de la réaction inflammatoire, s’étendant vers les tissus mous périunguéaux. Une nouvelle théorie pathogénique du rhumatisme psoriasique, associant un processus biomécanique aux phénomènes immunologiques semble ainsi se préciser. L’enthèse n’est

pas qu’un point local d’insertion, mais une structure de transition et d’interaction entre les différentes structures anatomiques intriquées, dont la souffrance est sans doute prépondérante dans le déterminisme du rhumatisme psoriasique.

Le carpe bossu D’après une intervention Dr Éric Roulot, Paris

du

C’est une protubérance osseuse de la face dorsale du poignet, située à la base de l’index et du médius, à la jonction carpo-métacarpienne. Elle s’accompagne souvent d’une tuméfaction kystique avec laquelle elle peut être confondue. L’ensemble du syndrome est mal défini et peut englober différentes entités : os styloïdeum (ossification d’un noyau accessoire), synostose, arthrose localisée, tendinite, lésions ligamentaires ou instabilité articulaire. Il existe une saillie de consistance osseuse en regard de l’articulation carpo-métacarpienne des 2e et 3e rayons, en général asymptomatique. On peut cependant noter parfois une douleur modérée avec une gêne fonctionnelle. La radiographie de face n’est pas indiquée ; l’incidence spécifique de profil confirme le diagnostic. IRM et scanner sont parfois utiles en cas de doute ; l’échographie autorise une bonne analyse des parties molles. Le traitement doit rester médical en dehors des complications, mais il ne fait pas disparaître complètement les douleurs puisque la saillie osseuse persiste. En cas de contusions répétées douloureuses ou de ressaut tendineux douloureux sur la protubérance osseuse, la résection-excision s’impose, avec de bons résultats, 55


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mais aussi la possibilité de complications et de récidives.

Vraies et fausses cheiroarthropathies D’après une intervention Pr Frédéric Lioté, Paris

du

Ce sont des contractures en flexion des doigts (MCP, IPP, IPD), non réductibles, avec un défaut d’extension passive, en rapport avec l’association de ténosynovites (fléchisseurs > extenseurs), d’arthrite des 3 articulations d’un même rayon, d’une infiltration des parties molles, de dépôts calciques et de substance extracellulaire dans les fascias. Les causes sont multiples : diabète, PR, rhumatisme psoriasique, maladies systémiques, maladie de Raynaud vieillie, mucopolysaccharidoses, oxalose des dialysés, goutte tophacée avec dactylites. Les fausses cheiroarthropathies sont : la maladie de Dupuytren, l’arthrose digitale avec enraidissement en flexum, “l’algodystrophie” à la phase froide, et l’arthropathie du rhumatisme à pyrophosphate de calcium. Comment traiter ? En cas de rhumatisme inflammatoire ou de maladie systémique, association de MTX à faible dose, d’AINS et/ou de corticoïdes, avec ou sans infiltration locale. En cas de forme enraidissante, mobilisation sous xylocaïne, et port d’orthèses après infiltration.

Instabilité des extenseurs et intrication avec les conflits palmaires de l’articulation MCP D’après une intervention du Pr Dominique Le Viet et coll., Paris

La stabilité des extenseurs des 56

doigts longs est assurée par une structure faite des bandelettes sagittales et de la dossière des interosseux, renforcée par les expansions des interosseux et des lombricaux. Les extenseurs s’avancent en flexion et reculent en extension. Ces structures sont doublées pour l’index, ce qui explique la rareté de la luxation ulnaire de ce doigt. À l’inverse, pour l’annulaire, existe un fort déséquilibre des dossières, expliquant la fréquence des luxations à ce niveau. De même pour le pouce : l’architecture de l’appareil extenseur favorise la fréquence de la luxation ulnaire. Différentes pathologies peuvent être constatées : instabilité traumatique des extenseurs des doigts (médius et annulaire, index et auriculaire), instabilité traumatique des extenseurs du pouce, formes microtraumatiques et dégénératives, désaxation ulnaire des extenseurs de la PR. L’origine traumatique de l’instabilité et des luxations est en général facilement retrouvée (boxe, sports de frappe…), et confirmée par l’aspect de la main en flexion. La luxation se traite par arrêt de l’activité, immobilisation et chirurgie si la lésion est ancienne. La luxation à l’index est exceptionnelle. Au niveau de l’annulaire, existent deux types de lésions, dont le traitement est chirurgical si la gêne est importante. Au pouce, les troubles se voient après entorse grave du LLE, ou après luxation traumatique de l’EPL. Le traitement de ces lésions est chirurgical. En cas de PR, la déformation en coup de vent ulnaire des extenseurs nécessite une réaxation. La maladie de Dupuytren bénéficie d’un protocole de traitement spécifique. Les blocages articulaires de la MP, les doigts à cran d’arrêt,

les doigts à ressaut sont souvent opérés.

La main dans la peinture de la Renaissance D’après une intervention Dr Franck Simon, Paris

du

L’auteur, depuis des années, s’est attaché, un peu partout dans le monde, lors des congrès internationaux, à rechercher dans la peinture la figuration des mains et de leurs éventuelles anomalies. D’une manière générale, les doigts sont longs et fins (sans qu’il puisse s’agir d’un syndrome de Marfan), avec une représentation du 5e doigt court, en abduction et légère flexion de l’IPP, et un écartement de l’espace entre le 2e et le 3e doigt, sans image évocatrice d’arthrose ou de PR. Il faut attendre Léonard de Vinci pour observer une représentation quasi parfaite des mains, avec des détails anatomiques d’une grande précision, notamment dans ses dessins et quelques images pathologiques (arthrose) ; La Joconde semble présenter un œdème de la main droite. Un autre peintre, Crivelli (1435-1495) peint les mains de manière moins précise, avec cependant une figuration très détaillée de certaines parties (trace de clous de crucifixion, ou, plus inattendue…). On peut en outre s’interroger sur la présence quasi systématique d’un concombre dans ses tableaux… n

Mots-clés : Main rhumatologique, Rééducation, Syndrome du canal carpien, Mycobactéries non tuberculeuses, Arthrose digitale, Rhumatisme psoriasique, Carpe bossu, Cheiroarthropathies

Rhumatos • Février 2014 • vol. 11 • numéro 95


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