Esprit FCSM 14

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DECEMBRE 2010 # 14

FORMATION LES ATELIERS SPÉCIFIQUES DOSSIER DEMI-FINALE DE COUPE UEFA, 30 ANS APRÈS PORTRAIT JEAN-FRANÇOIS BONNET, SUPPORTER N°1 partenaires FAM AUTOMOBILES, CRIT INTÉRIM

L’épopée racontée 30 ans après Saison 1980/1981 : le FCSM réalise un incroyable parcours en Coupe UEFA, n’échouant qu’à un souffle de la finale européenne. Novembre 2010 : MM. Genghini, Ruty, Djaadaoui et Hagenbach, tous salariés du FCSM, racontent leurs souvenirs.

T

rente ans après, ils ont un peu moins de cheveux (ou plus du tout!).

Trente ans après, ils n’ont rien oublié de cette formidable épopée qui, entre septembre 1980 et avril 1981, a vu le FCSM franchir toutes les étapes en Coupe UEFA jusqu’à échouer en demi-finale. Cette année-là, l’effectif comprenait quelques cadres expérimentés (tels Djaadaoui, Rust, Ivezic, Posca ou Revelli) et une bande de gamins tout juste sortis du centre de formation sochalien (Genghini, Anziani, Ruty, Benoît, Stopyra, Bezaz, Bonnevay, Meyer ou encore Zandona).

Une équipe qui, en la saison précédente, avait terminé le championnat en deuxième position, n’échouant dans la quête du titre de champion de France qu’à deux journées de la fin, sur la pelouse du leader nantais. C’est dire la

qualité de l’équipe à la veille de disputer une compétition, la Coupe UEFA, qui n’avait pas souri aux Jaune et Bleu en 1972/73 et en 1976/77 avec des éliminations peu glorieuses au premier tour face aux Danois du FREM Copenhague et contre les Ecossais d’Hibernian Edimbourg.

Quatre acteurs de l’époque, ayant en commun d’être au-

Le parcours du FCSM Trente-deuxième de finale FCSM-Servette de Genève 2-0 Servette de Genève- FCSM 2-1 Seizième de finale FCSM-Boavista Porto 2-2 Boavista Porto- FCSM 0-1 Huitième de finale Eintracht Francfort-FCSM 4-2 FCSM- Eintracht Francfort 2-0 Quart de finale Grasshopper Club Zurich-FCSM 0-0 FCSM- Grasshopper Club Zurich 2-1

Demi-finale FCSM-AZ’67 Alkmaar 1-1 AZ’67 Alkmaar- FCSM 3-1

jourd’hui salariés du FCSM, ont confié leurs souvenirs et évoqué les temps forts de cette aventure. Bernard Genghini et Abdel Djaadaoui œuvrent à la cellule de recrutement du FCSM tandis que Jean-Luc Ruty est le directeur du Centre de Formation et Jean-Claude Hagenbach l’entraîneur des gardiens professionnels.

Une compétition de prestige

A la veille de la campagne de1980/1981, Abdel Djaadaoui était l’un des rares dans l’effectif sochalien à posséder une expérience européenne. « C’était une découverte pour la plupart d’entre nous, mais nous avions confiance compte tenu de la qualité de l’équipe à l’époque, pré-

12 clubs français demi-finalistes

Dans l’histoire des coupes européennes, seuls douze clubs français ont atteint au moins une fois une demi-finale (14 En finale, l’AZ’67 s’incline face à fois en C1 et 9 fois en C2 et en C3). Les clubs les plus Ipswich Town (victoire anglaise 3-0 présents à ce stade de la compétition sont l’Olympique au match aller et succès hollandais de Marseille et l’AS Monaco (6 fois), le Paris Saint-Ger4-2 au retour). main (5 fois), les Girondins de Bordeaux (3 fois), le Stade de Reims, l’AS Saint-Etienne, le FC Nantes et l’Olympique Lyonnais (2 fois), le SC Bastia, l’AJ Auxerre, le RC Lens et le FCSM (1 fois).

cise Bernard Genghini. Cela dit, l’objectif était surtout de passer le premier tour pour la première fois dans l’histoire du club. » Abdel Djaadaoui poursuit : « Nous possédions un groupe homogène composé d’anciens et de jeunes. Nous sortions d’une saison exceptionnelle et le travail effectué

Bernard Genghini 52 ans – né à Soultz Formé au FCSM International A (27 sélections, 6 buts)

en Coupe des Coupes (C2) et la Coupe UEFA (C3) réunissait les deuxièmes et/ou troisièmes des championnats. « A mon sens, déclare Jean-Luc Ruty, c’était plus prestigieux que les épreuves actuelles : il n’y avait pas de phases de poules et la qualification se jouait directement par matches aller

Abdel Djaadaoui 63 ans - né à BeniSaf (Algérie) International algérien

dans le domaine de la formation commençait vraiment à porter ses fruits. » A cette d’époque d’avant Ligue des Champions, les champions nationaux disputaient la Coupe d’Europe des Clubs Champions (C1), les vainqueurs des coupes nationales évoluaient

éliminent le Servette de Genève. Ce sera ensuite au tour des Portugais de Boavista de tomber face aux Jaune et Bleu.

Sans que ceux-ci ne suivent une préparation particulière ou ne bénéficient d’un confort différent au quotidien. Bernard Genghini confie toutefois que l’équipe « après être allée à

Jean-Luc Ruty 51 ans - né à Arbois Formé au FCSM International Espoirs

et retour. Il n’y avait que des matches de grande qualité. » Bernard Genghini confirme que « disputer l’UEFA à cette époque-là était une grande aventure car le niveau était très élevé… » Les Sochaliens parviennent leur pari de passer un tour et

Jean-Claude Hagenbach 51 ans – né à Cernay Formé au FCSM

Genève en bus, a rallié le Portugal en avion. » A chaque fois en arrivant sur place la veille du match, mais sans avoir eu droit de s’entraîner sur la pelouse où la rencontre devait se dérouler, alors que c’est une obligation aujourd’hui.

L’exploit contre l’Eintracht Francfort

Vient ensuite le moment d’une victoire historique face à l’Eintracht de Francfort, le tenant du titre en Coupe UEFA. Une sorte d’histoire de David contre Goliath. Celle d’une équipe allemande un peu trop sûre de sa force et qui, sur les affiches d’annonce de la rencontre, estropie le nom de son adversaire, baptisé « Socheaux » ! « Francfort a pu fait part d’une certaine suffisance, mais nous avons souffert d’un complexe d’infériorité au départ. Notre expérience européenne était presque vierge alors que notre adversaire alignait de nombreux internationaux » précise Bernard Genghini. Jean-Luc Ruty confirme que « les clubs français ne brillaient guère sur le plan international, à l’exception de l’AS Saint-Etienne et du SC Bastia, qui avait atteint une finale en 1978. A cette époque, le football allemand était roi et il y avait un fossé par rapport aux autres équipes européennes. » Abdel Djaadaoui se souvient du cauchemar que les Jaune et Bleu ont tout d’abord vécu en Allemagne. « Quand Francfort a mené 4-0, nous nous sommes demandé comment

Quand Albert Rust a été oublié à l’hôtel Dans les années 1980, les équipes ne pouvaient coucher que treize joueurs sur la feuille de match en championnat. En coupe d’Europe, il était en revanche possible d’en présenter seize, dont un gardien remplaçant. Cela a permis à Jean-Claude Hagenbach de faire partie de l’aventure en tant que doublure d’Albert Rust. « J’étais tout jeune à l’époque et j’effectuais mon année d’armée, en me partageant entre le club et ma garnison. Je m’entraînais régulièrement avec le groupe sans effectuer les déplacements de l’équipe en championnat. C’est donc grâce à la Coupe UEFA que j’ai vécu mes plus belles heures, le règlement me permettant d’être sur la feuille de match. Même en restant sur le banc, j’ai participé à cette épopée. Ce fut une super expérience. J’avais encore tout à apprendre à l’époque et j’ai beaucoup appris au contact des anciens. »

Jean-Claude Hagenbach a même failli débuter le match aller des quarts de finale à Zurich. « Nous avons quitté l’hôtel en bus pour rejoindre le stade juste avant le match et nous avons oublié Albert Rust ! raconte-il. Le portier titulaire a dû commander un taxi pour rejoindre le stade zurichois. « Quand il est arrivé devant la grille du stade, personne n’a voulu le croire quand il a affirmé qu’il était le gardien du FCSM ! On l’a tout simplement pris pour un resquilleur.

Finalement, les dirigeants du club sont intervenus pour confirmer qu’Albert était bien le gardien de l’équipe ». Et c’est finalement Rust qui gardera la cage du FCSM sans encaisser de but et préserver les chances sochaliennes pour le match retour.

on allait sortir de cette galère ! Nous étions surclassés à tous les niveaux et nous avons même failli encaisser un cinquième but, le ballon percutant le poteau. » La suite, racontée par Genghini : « J’ai d’abord moi-même réduit l’écart, avant que Pezzey, en toute fin de match, ne dévie dans ses buts une bonne frappe de Jean-Luc Ruty. A 4-2, on s’est alors dit que c’était jouable… » Le match retour au Stade Bonal est resté et restera dans l’histoire, comme un morceau d’anthologie. Sur une pelouse enneigée et glacée, par une température polaire et dans un stade à moitié vide, les Sochaliens s’imposent 2-0 et se qualifient. Les acteurs de l’époque révèlent un détail d’importance, trente ans après. « Nous avons particulièrement travaillé le cramponnage en mettant des crampons en cuir affûtés et usés pour faire ressortir les petits clous et obtenir une meilleure stabilité » avoue Bernard Genghini. Les joueurs sochaliens ont aussi effectué des essais durant la semaine sur la pelouse. Ce que n’ont pu faire leurs adversaires.

« Pendant le match, ils ont changé sans arrêt de chaussures, alternant moulés et stabilisés sans jamais trouver la bonne formule pour assurer leur équilibre » expliquent les anciens joueurs du FCSM. Abdel Djaadaoui raconte en souriant qu’il « était interdit d’utiliser des pointes comme nous en avions. Avant d’entrer sur le terrain, nous avons mis une fine pellicule de cire sur les crampons pour que les arbitres ne se rendent compte de rien. Une fois passé le contrôle, il a suffi de frotter les pieds sur la pelouse pour enlever la cire ! »

L’importance de Patrick Revelli

L’exploit face à l’Eintracht Francfort s’explique par de petits détails, mais également grâce à un homme, Patrick Revelli. Et pas seulement parce que l’ex-Stéphanois fut l’auteur des deux buts libérateurs. Jean-Luc Ruty explique que « Patrick a été essentiel dans la préparation d’un tel match. Avec l’ASSE, il avait connu ce type de renversement de situation et il était bien placé pour nous convaincre que le coup était jouable. C’est ce qu’il a essayé de faire pendant toute la semaine ayant précédé le match. Il nous a convaincus

d’y croire. » Pour Bernard Genghini, le fait que Revelli « ait vécu des renversements encore plus spectaculaires avec les Verts, notamment contre Hadjuk Split, lui a permis de communiquer son état d’esprit et sa confiance. Pour les jeunes joueurs que nous étions, cela a été déterminant. » Après l’exploit contre les Allemands, la tension est forcément montée avant le double affrontement face au Grasshopper Club Zurich en quart de finale. « Les médias nous ont suivis de façon normale au début. Après Francfort, les télévisions se sont vraiment intéressées à nous » poursuit Bernard Genghini. L’AS SaintÉtienne éliminé en quarts de finale, toutes les caméras se braquent sur le FCSM qui passera en direct sur TF1, avec Michel Denisot et Didier Roustan aux commentaires.

Les hommes du tandem René Hauss - Jean Fauvergue se qualifient contre les Suisses et ont à affronter les Hollandais d’AZ’67 pour rêver de finale.

Mais là, au début du printemps 1981, les héros étaient fatigués. Bernard Genghini, l’un des joueurs ayant disputé l’intégralité des six matches de l’épopée : « Il nous a man-

qué du physique sur la fin, de l’effectif également. Nous avons connu énormément de blessures au cours de cette campagne, notamment lors de cette demi-finale contre AZ’67. Le résultat d’une accumulation de matches, championnat et coupe, qui a laissé des séquelles. » « Il y a eu une véritable épidémie de pubalgie chez les jeunes » raconte Abdel Djaadaoui. Le capitaine sochalien a lui-même été victime d’une rupture du tendon d’Achille après quelques minutes de la deuxième mi-temps du match aller. « Cela m’a marqué et ce fut un coup dur tant pour moi que pour toute l’équipe » confie-t-il tandis que Bernard Genghini confirme que « ce fut impressionnant sur le moment. Abdel était notre capitaine, un joueur-cadre dont nous connaissions l’état d’esprit. Il avait énormément d’influence sans compter que, derrière, il tenait la « baraque » avec Jean-Luc. » Tactiquement, l’équipe est alors complètement bouleversée. « Zvonko Ivezic, un milieu de terrain qui n’avait jamais joué derrière, est alors passé en défense ! » lance Jean-Luc Ruty. Genghini renchérit, expliquant que lors du match retour « Patrick Revelli

Les souvenirs de Jean Fauverg Entraîneur du FCSM de 1977 à 1981 (avant de revenir aux affaires entre 1985 et 1987), Jean Fauvergue n’a lui non plus rien oublié d’une l’épopée en Coupe UEFA qui « reste forcément un bon souvenir même si cela nous vieillit ! explique-il. A l’époque, nous avions mis sur les rails de nombreux joueurs issus du centre de formation et ils nous ont menés jusqu’en demi-finales. Cette campagne était la suite logique et attendue d’une saison 1979/1980 remarquable. C’est lors de ce

championnat que les jeunes ont pu éclore et tout donner lors de la coupe d’Europe. » L’unique regret de Jean Fauvergue est évidemment de ne pas être allé au bout de l’aventure : « La blessure d’Abdel Djaadaoui lors du match aller contre AZ’67 est l’une des explications. De façon plus globale, les joueurs étaient « cuits » physiquement. L’effectif était relativement réduit par rapport aux clubs actuels et nous n’avons pas pu faire tourner les joueurs comme

a fini au poste d’arrière-droit après la sortie de Jean-Luc, aux côtés d’une charnière centrale Posca-Ivezic. On a eu tellement de pépins qu’il n’y avait pas d’autres solutions… » Après un match nul (1-1) à Bonal, le FCSM s’est présenté « trop diminué pour réussir quelque chose contre la meilleure équipe hollandaise de l’époque souligne JeanLuc Ruty. Personnellement, j’ai joué alors que j’avais mal et je n’aurais pas été aligné si nous avions eu un effectif plus large ». Il s’en faudra toutefois d’un rien que le FCSM ne réalise un nouvel exploit après avoir ouvert la marque après moins de dix minutes grâce à Bernard Genghini, auteur en passant de son sixième but en dix matches. « Nous avons été virtuellement finalistes pendant ces dix minutes, rappelle Bernard Genghini, mais c’est au match aller que nous avons hypothéqué nos chances.

Après la blessure d’Abdel, nous avons pris un coup et nous n’avons plus réussi à prendre le jeu à notre compte. » Abdel Djaadaoui évoque quant à lui la malchance : « Je dis sans prétention que je pense que nous aurions pu aller au bout sans tous les pépins que nous avons connus… »

Un événement majeur

A l’époque, non seulement l’effectif n’était pas pléthorique, mais les structures d’accompagnement n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Pas de préparateur physique, pas d’entraîneur-adjoint ni d’entraîneur des gardiens. Le « King » René Hauss, directeur sportif, et Jean Fauvergue, l’entraîneur, étaient seuls à la barre. Reste un point commun d’importance entre le club tel qu’il était en 1980/1981 et aujourd’hui : « Le FCSM a toujours été un club formateur et il le restera toujours. C’est la même politique qui est appliquée et ce qui se passe aujourd’hui s’inscrit dans la continuité » indique Abdel Djaadaoui.

Trente ans après, Bernard, Jean-Luc, Abdel et JeanClaude n’ont rien oublié. Les plus anciens supporters du club non plus. Bernard Genghini avoue qu’il lui arrive assez fréquemment d’évoquer ces souvenirs en compagnie de supporters. « Nous n’avons pas gagné de trophée cette année-là, mais cette épopée reste un événement majeur dans l’histoire du club. Je souhaite que le club atteigne un jour une demi-finale, mais cela devient de plus en plus difficile » note l’actuel coordinateur du recrutement sochalien.

gue nous l’aurions souhaité. Sur la fin de la compétition, j’ai parfois dû jongler pour présenter une équipe compétitive, voire faire évoluer des joueurs à des postes inhabituels. » Comme les joueurs ayant vécu cette époque, Jean Fauvergue garde une foule de souvenirs vivaces, notamment « de bon nombre d’actions de jeu car j’avais la faculté de m’en rappeler sans jamais prendre de notes. »

Pour les quatre, cette aventure européenne reste le plus beau souvenir de leur période sochalienne.

Et cela leur fait forcément plaisir qu’à l’occasion de cet anniversaire, on ressorte les vieux souvenirs lors d’une exposition commémorative. Le mot de la fin à Bernard Genghini : « Notre aventure avait suscité un engouement exceptionnel dans la région. Les magasins

étaient décorés, les gens ne parlaient que de cela et toute la région vibrait. Si un tel événement arrivait aujourd’hui, ce serait encore plus fort. Il n’y a qu’à voir la mobilisation des gens il y a quelques années pour la finale de la Coupe de France et de la Coupe de la Ligue… » ●