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MOOD

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CITY TRIP

CITY TRIP

LA FÊTE TRISTE

Chère lecteur·trice,

Bon, je dois t’avouer que j’ai pas mal galéré à trouver une idée intéressante pour cet ultime mood. Ultime car je m’envole vers des contrées pas si lointaines, au pays de la bière et de la frite (mes deux passions). Tu vas assurément me manquer et j’espère que moi aussi, un peu. Que mes tribulations féministes et mes anecdotes alcoolisées, mes rencards foireux et mes séances de sport avortées t’auront diverti.e et rassuré.e sur le fait que ta vie était un peu moins nulle que la mienne (quoique). Mon dernier mood mais sûrement le plus compliqué à écrire. Je te dirais bien que le fait qu’il ne se passe » pas grand-chose d’intéressant dans nos vies actuellement y est sans doute pour beaucoup, mais on ne va pas se mentir, ma flemme légendaire n’a pas aidé. Pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence, le contexte actuel commence à me peser sérieusement.

Tu m’excuseras d’être en boucle sur le sujet, mais la perspective d’une vie faite de Zoom, de couvre-feux successifs et de distanciation sociale me file des angoisses. Je rêve de fêtes qui s’étirent, de peaux qui se touchent, de langues qui s’entremêlent. Je donnerais n'importe quoi pour une pinacolada tiédasse et trop sucrée dans une boîte de nuit un peu nulle, cernée par des relous qui me crient dans l’oreille pour couvrir les assauts d’un DJ qui s’imagine être à Tomorrow Land. Oui, j’en suis là.

Je te vois venir : oui, les terrasses ont réouvert. Mais tu ne m’enlèveras pas de la tête que ce verre de vin blanc bu en précipitation à 17h45, sous une petite pluie sournoise et un vent à nous balayer les cheveux a une saveur particulière. Ça ressemble à la vie d’avant, ça a le goût de la vie d’avant, mais force est d’admettre que ce n’est pas – vraiment – la vie d’avant. Parce que se réjouir d’être autorisé à poser nos fesses en terrasse à deux, maximum, et jusque 18h, très peu pour moi. Ça limite les espoirs de teufs, tu en conviendras. D’ailleurs, je ne pense pas trop me tromper en supposant que, toi aussi, tu en as certainement un peu marre de cette situation. Si tu regardes bien, on est pas mal dans ce cas. Partout, les fêtes sauvages se multiplient. Bien sûr, avec tout ce qu’elles engendrent comme risques sanitaires, cela va de soi. Mais ce n’est pas vraiment le propos. Non, je te parle plutôt du manque que leurs absences occasionnent.

« PARCE QU’UNE TERRASSE OUVERTE NE REMPLACERA JAMAIS L’EUPHORIE, L’EXALTATION ET L’ENTHOUSIASME D’UNE HORDE DE FÊTARDS QUI SE RASSEMBLENT

Parce qu’une terrasse ouverte ne remplacera jamais l’euphorie, l’exaltation et l’enthousiasme d’une horde de fêtards qui se rassemblent, l’excitation de l’inconnu et celle de ne pas savoir quand et où la nuit finit.

Tous ces sentiments qui semblent bien loin et qui nous reviennent le temps d’un rassemblement clandestin. Il n’y a qu’à voir du côté de nos amis belges, qui ont organisé successivement le 1er avril et le 1er mai, deux « boums » dans l’un des parcs de leur capitale.

Si, au départ, tout ça n’était censée être qu’une blague (le premier évent publié sur Facebook annonçait huit scènes différentes dont une Burning man Stage, une Coachella Stage, une Glastonbury Stage, ce qui aurait pu nous mettre la puce à l’oreille), l’évènement a rapidement pris de l’ampleur, drivé par une population en mal de teufs et de contacts humains. Au point que le 1er avril dernier, 2 000 personnes avaient répondu présent et s’étaient retrouvées au Bois de la Cambre pour célébrer ces retrouvailles illégales. Sous le soleil bruxellois (tu remarqueras l’oxymore), les policiers sont donc intervenus, histoire de calmer tout ce petit monde.

Ce qui ne les a pas empêchés de recommencer dès le 1er mai. Et ce qui ne m’a pas empêchée non plus de m’y rendre. Galvanisée par l’espoir de me mouvoir dans une foule d’inconnus, j’ai évidemment foncé, oubliant le temps d’un instant les restrictions sanitaires et mes trois neurones restants au passage. Ou plus exactement, juste le temps qu’un nuage de lacrymo me grille les rétines et m’asphyxie la gorge. Même pas l’occasion d’entendre le moindre son que je courrais déjà en rond comme un Sims, à moitié aveuglée par la fumée. À en croire les nombreuses photos, nous étions nombreux dans ce cas. De quoi calmer nos ardeurs donc, et peut-être nous faire patienter jusqu’à l’assouplissement des mesures sanitaires. En attendant, les terrasses luxembourgeoises risquent sûrement de me manquer.

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