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Alice au pays des merveilles

« Nous sommes tous fous ici. Je suis fou. Vous êtes folle. – Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice. – Vous devez l’être, répondit le Chat, ou vous ne seriez pas venue ici. » Retrouvez les aventures dA ’  lice

au  pays  des  merveilles Lewis Carroll

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www.fleuruseditions.com

dans ce chef-d’ œuvre de la littérature classique.

Alice

Fleurus

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Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Edition : Aude Sarrazin, Claire Renaud Direction artistique : Elisabeth Hebert, assistée de Séverine Roze et Ariane Bienaymé Fabrication : Thierry Dubus, Aurélie Lacombe © Groupe Fleurus, Paris, 2013, pour l’ensemble de l’ouvrage. Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-2137-4 MDS : 651 733 Tous droits réservés, pour tous pays. « Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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Alice

au pays des merveilles Lewis Carroll

Traduit de l’anglais et adaptÊ par Nathalie Chalmers

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Illustrations de Julia Sarda

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Dans le terrier duLapin

A

lice commençait à en avoir vraiment assez d’être assise sur le talus, à ne rien faire. Elle avait jeté un coup d’œil sur le livre que lisait sa sœur auprès d’elle, mais il ne contenait ni images ni dialogues : « Quel intérêt peut bien avoir un livre sans images ni dialogues ? » songea-t-elle. Elle s’efforçait de calculer dans sa tête (ce qui n’était pas facile, car la chaleur l’endormait et ramollissait son cerveau) si le plaisir que lui procurerait la confection d’une guirlande de pâquerettes valait la peine de se lever et d’aller en cueillir lorsque, soudain, un Lapin Blanc aux yeux roses détala tout près d’elle. 9


Alice au pays des merveilles

Cela n’avait rien d’exceptionnel ; Alice ne trouva même rien de très extraordinaire à l’entendre se répéter tout haut : – Mon Dieu, mon Dieu ! Je n’arriverai jamais à temps ! Plus tard, elle se dit que cela aurait dû l’intriguer mais, sur le moment, tout cela lui sembla le plus naturel du monde. En revanche, lorsque le Lapin extirpa une montre de la poche de son gilet et vérifia l’heure avant de reprendre sa course, Alice bondit : elle n’avait encore jamais rencontré de lapin possédant un gilet, et encore moins une montre dans la poche de ce gilet ! Brûlant de curiosité, elle traversa le champ en courant derrière lui. Elle eut juste le temps de l’apercevoir s’engouffrer dans un terrier, sous une haie. Un instant plus tard, Alice faisait de même, sans se préoccuper de savoir comment elle en ressortirait. Elle se retrouva dans un tunnel qui, tout à coup, descendit si brutalement à pic qu’elle n’eut pas le temps de se retenir, et dégringola dans un puits très profond. Soit celui-ci était vraiment long, soit sa chute fut très lente, car elle eut tout le loisir d’observer ce qui l’entourait en tombant, et de se demander ce qui allait se produire. Elle tenta d’abord de regarder vers le bas pour essayer de deviner ce qui l’attendait, mais il faisait tout noir. Elle examina ensuite les parois du puits, et remarqua qu’elles étaient tapissées de placards et de rayons de livres. Elle aperçut par-ci par-là des cartes et des dessins épinglés au mur. Elle attrapa un bocal au passage : « MARMELADE D’ORANGES » indiquait l’étiquette, mais, à son grand regret, le pot était vide. Ne souhaitant pas le voir tomber, de peur d’assommer quelqu’un, elle parvint à le reposer sur un buffet en passant. 10


Dans le terrier duLapin

« Eh bien, se dit Alice, après une chute pareille, je n’aurai plus jamais peur de basculer dans les escaliers ! Et tout le monde à la maison me trouvera très courageuse ! Je ne dirai pas un mot, même si je dégringole depuis tout en haut. » (Ce qui était probablement vrai.) Elle continuait à tomber. S’arrêterait-elle un jour ? « Je me demande combien de kilomètres j’ai déjà parcourus, s’interrogea-t-elle à voix haute. Je ne dois plus être loin du centre de la Terre. Voyons, cela devrait faire plus de six mille kilomètres, je crois bien… (Car Alice avait appris ce genre de choses en classe, et bien que ce ne fût pas vraiment le bon moment pour faire preuve de ses connaissances, puisqu’il n’y avait personne pour l’écouter, il est toujours bon de réviser…) Oui, pas loin de là. Mais alors, à quelles latitude et longitude suis-je ? » (Alice n’avait pas la moindre idée de ce qu’était la latitude, ni la longitude d’ailleurs, mais ces grands mots lui plaisaient beaucoup.) Elle reprit : « Je me demande si je vais traverser la Terre de part en part ! Cela sera très drôle, en sortant, de me retrouver parmi les gens qui marchent la tête en bas ! Je crois bien qu’ils s’appellent les Antipathiques… (Cette fois, elle était plutôt soulagée que personne ne l’entende, car elle n’était pas du tout sûre que cela soit le bon mot.) Mais il faudra que je leur demande le nom de leur pays : “Excusezmoi, madame, suis-je en Nouvelle-Zélande ou en Australie ?” (Et elle tenta de faire une révérence. Imaginez un peu : essayer de faire la révérence tout en dégringolant ! Vous pourriez, vous ?) Elle me trouvera bien sotte de ne pas le savoir ! Ah non, je ne pourrai jamais le demander ; je le verrai peut-être écrit quelque part. » 11


Alice au pays des merveilles

Elle tombait toujours… Il n’y avait rien d’autre à faire. Alice se remit bientôt à parler : « Je crois que Dinah va me chercher partout ce soir ! (Dinah était son chat.) J’espère qu’ils n’oublieront pas sa soucoupe de lait à l’heure du thé. Ma chère Dinah ! J’aimerais tant t’avoir près de moi ici ! Il n’y a malheureusement pas de souris dans les airs, mais tu trouverais peut-être une chauve-souris, c’est presque pareil, tu sais. Mais est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? » Alice commençait à avoir sommeil, et se répétait d’un ton somnolent : « Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? » Et parfois : « Est-ce que les chauves-souris mangent les chats ? » Car, voyez-vous, comme elle ne pouvait répondre ni à l’une ni à l’autre de ces deux questions, l’ordre des mots avait peu d’importance. Elle s’assoupit et se mit à rêver qu’elle marchait main dans la main avec Dinah, en lui demandant très sérieusement : « Dismoi la vérité, Dinah, as-tu déjà mangé une chauve-souris ? » Soudain, badaboum, boum, elle atterrit sur un tas de petit bois et de feuilles mortes : elle ne tombait plus. Alice ne s’était absolument pas fait mal. Elle se mit debout d’un bond. Elle leva les yeux, mais ne vit que du noir. Un long corridor s’ouvrait devant elle, et elle y aperçut le Lapin, qui courait toujours. Il n’y avait pas une minute à perdre. Vive comme l’éclair, elle s’y engouffra juste à temps pour l’entendre dire, tandis qu’il prenait un virage : – Oh, par mes oreilles et ma moustache, comme il se fait tard ! 12


« […] Alice découvrit […] une porte pas plus haute que quinze pouces »


Alice au pays des merveilles

Elle était à quelques mètres à peine derrière lui. Pourtant, lorsqu’elle arriva au coin, le Lapin avait disparu. Elle était seule dans une longue salle basse, qu’éclairait une rangée de lampes suspendues au plafond. La pièce était entourée de portes, mais celles-ci étaient verrouillées. Lorsque Alice eut essayé chacune d’entre elles, d’abord d’un côté puis de l’autre, elle traversa tristement par le milieu, en se demandant comment elle allait bien pouvoir sortir. Soudain, elle s’arrêta devant une petite table à trois pieds tout en verre. Il n’y avait dessus qu’une minuscule clé dorée, et la première pensée d’Alice fut qu’elle devait ouvrir l’une des portes de la salle. Mais hélas, soit les serrures étaient trop grandes, soit la clé était trop petite. Cependant, en faisant le tour pour essayer une seconde fois, Alice découvrit un rideau miniature et bas qu’elle n’avait pas remarqué auparavant, et derrière lequel se trouvait une porte pas plus haute que quinze pouces : elle glissa la clé dans la serrure et, oh ! joie, elle était juste de la bonne taille ! Alice ouvrit la porte et entrevit un passage guère plus grand qu’un trou à rat. Elle s’agenouilla et s’aperçut qu’il débouchait sur le jardin le plus charmant du monde. Oh, comme elle avait envie d’échapper à cette salle sombre, et de gambader entre ces parterres de fleurs colorées et ces fontaines d’eau fraîche ! Mais l’ouverture n’était même pas assez large pour qu’elle y introduise sa tête. « Et si ma tête passait, cela ne servirait pas à grand-chose sans mes épaules. Oh, comme j’aimerais pouvoir me ratatiner comme un télescope ! Je crois bien que j’y arriverais, si seulement je savais par où commencer. » Vous comprenez, il était arrivé tellement 14


Dans le terrier duLapin

d’aventures étranges à Alice ces derniers temps qu’elle était désormais convaincue que peu de choses étaient véritablement impossibles. Au lieu de perdre son temps devant la petite porte, elle revint vers la table, en espérant y trouver une autre clé, ou tout au moins un règlement expliquant comment escamoter les gens comme un télescope. Cette fois, elle y découvrit un flacon (« qui ne s’y trouvait assurément pas avant », se dit-elle) et, autour du goulot, un morceau de papier portait l’inscription « BUVEZ-MOI » en belles lettres majuscules. Il était bien joli de lui dire « Buvez-moi », mais la sage Alice ne risquait pas d’obéir aussi vite. « Je vais l’examiner de plus près d’abord, décida-t-elle, pour voir s’il y a écrit “poison” quelque part », car elle avait lu plusieurs histoires dans lesquelles des enfants s’étaient brûlés, ou fait dévorer par des bêtes sauvages et autres mésaventures désagréables, juste parce qu’ils ne voulaient pas écouter les simples conseils de leurs amis : par exemple, qu’il ne faut pas tenir un tison rouge trop longtemps ; ou que si l’on s’entaille le doigt profondément avec un couteau, en général, il saigne ; ou encore (elle n’avait jamais oublié celui-là), que si l’on boit trop dans un flacon sur lequel est inscrit le mot « poison », cela risque fort de donner mal au ventre, au bout d’un moment. Toutefois, celui-ci ne portant pas la mention « poison », Alice décida d’y goûter. Elle trouva ce liquide délicieux (en fait, on aurait dit un mélange de parfums de tarte à la cerise, de crème anglaise, d’ananas, de dinde rôtie, de caramel dur et de tartine beurrée). Elle eut vite fait de tout boire. 15


Alice au pays des merveilles

« Que c’est drôle ! songea Alice. Je crois que je suis en train de m’escamoter comme un télescope. » Effectivement, elle ne mesurait plus que dix pouces. Son visage s’illumina à l’idée qu’elle pouvait désormais passer par la petite porte pour aller dans ce joli jardin. Mais d’abord, elle attendit quelques minutes pour voir si elle allait continuer à rapetisser, car cela l’inquiétait un peu. « Il se pourrait bien, se dit Alice, que je m’éteigne complètement, comme une bougie. Je me demande à quoi je ressemblerais alors ? » Elle tenta d’imaginer la flamme d’une chandelle lorsqu’on a soufflé dessus, car elle ne se souvenait pas en avoir vu. Au bout d’un moment, comme il ne se passait plus rien, elle décida d’entrer dans le jardin. Hélas pour Alice, lorsqu’elle arriva devant la porte, celle-ci s’était refermée. Et quand elle atteignit la table sur laquelle elle avait laissé la petite clé dorée, celle-ci était beaucoup trop haute ! Alice la distinguait parfaitement à travers le verre. Elle essaya de grimper à l’un des pieds, mais il glissait trop. Épuisée par toutes ses tentatives, la pauvre fillette s’assit et se mit à pleurer. « Allons, à quoi bon pleurer comme ça ! se gronda-t-elle. Tu ferais mieux de t’arrêter ! » Elle se donnait généralement de très bons conseils (même si elle les suivait rarement), et parfois elle se réprimandait si fort que les larmes lui en venaient aux yeux. Un jour, elle avait même essayé de se tirer les oreilles, car elle avait triché en jouant au croquet contre elle-même (cette curieuse enfant adorait faire semblant d’être à la fois elle et quelqu’un d’autre). « Ah, ce n’est pas la peine, pensa la pauvre Alice, de faire comme si 16


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j’étais deux personnes différentes ! Il ne reste presque pas assez de moi pour en remplir une seule de taille acceptable ! » Elle aperçut alors une petite boîte en verre sous la table : elle l’ouvrit, et y trouva un minuscule gâteau, sur lequel les mots « MANGEZ-MOI » étaient joliment tracés en raisins de Corinthe. « D’accord, décida Alice, s’il me fait grandir, je pourrai attraper la clé ; et s’il me fait rapetisser, je pourrai me faufiler sous la porte. Dans un cas comme dans l’autre, lequel m’est bien égal, je pourrai pénétrer dans le jardin ! » Elle en grignota un morceau et, inquiète, se dit : « Dans quel sens ? Dans quel sens ? » Une main sur la tête, pour sentir dans quelle direction elle changeait, elle fut surprise de constater qu’elle ne bougeait pas. Il est vrai que cela est généralement ce qui se produit lorsqu’on mange du gâteau, mais Alice avait tant pris l’habitude qu’il se produise des choses extraordinaires qu’il lui sembla extrêmement banal et décevant que la vie suive bêtement son bonhomme de chemin. Elle s’attela donc à sa tâche et eut bientôt terminé le reste du gâteau.


Alice au pays des merveilles

« Nous sommes tous fous ici. Je suis fou. Vous êtes folle. – Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice. – Vous devez l’être, répondit le Chat, ou vous ne seriez pas venue ici. » Retrouvez les aventures dA ’  lice

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