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F. Scheunemann

L’agent secret aux pattes de velours

«

À partir de maintenant, c’est Un pour tous et tous pour un !

– Une belle maxime, reconnaît Spike. Elle est de toi ?

J’acquiesce de la tête.

– J’ai déjà entendu ça quelque part... Es-tu certain qu’elle est de toi ? remarque Odette.

Flûte ! Me voilà piégé ! Bien sûr, elle pourrait être de moi. À dire vrai, je l’ai entendue dans une histoire que Werner lisait à ses vilains neveux. L’histoire des trois...Ah… Comment cela pouvait-il s’appeler déjà…

Pling ! Enfin, cela me revient !

– C’est l’histoire des Trois Muscletaires. C’est une très vieille histoire mais c’est vraiment captivant.

Caramel et Spike miaulent, ébahis devant ma culture littéraire. Seule Odette semble sceptique. Spike prend alors une grande inspiration et proclame de manière solennelle : – Bien. À partir de maintenant, nous sommes les quatre muscletaires. Un pour tous et, tous pour un !

«

l’agent secret aux pattes de velours

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L’AGENT SECRET AUX PATTES DE VELOURS

15,90 € France TTC www.fleuruseditions.com

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À toutes les grands mères du monde.

Que ferions-nous sans vous !

Titre original : Winston - Agent auf leisen Pfoten © 2014, Loewe Verlag GmbH, Bindlach, Allemagne.

Cet ouvrage a été proposé à l’éditeur français par l’agence Edito Dialog, Lille.

Direction : Guillaume Arnaud, Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Charlotte Walckenaer, assistée de Lina Chabrol Direction artistique : Élisabeth Hebert Conception graphique : Bleuenn Auffret Mise en pages : Text’Oh Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Gwendoline da Rocha © Fleurus, Paris, 2017 www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-3344-5 MDS : 652641 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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L’agent secret aux pattes de velours Traduit de l’allemand par Aude de Vautibault

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Prologue Je suis un héros. En doutiez-vous ?

« Je t’aurai, sale bête ! » L’homme avance alors sa grosse main vers Odette, qui, angoissée, s’empresse de trouver un abri. Mais c’est bien inutile : cet homme finira bien par l’attraper par la peau du cou. C’est en tout cas ce qu’il croit ! Car c’est mal me connaître, moi, Winston Churchill, « chat sans peur et sans reproche » !

J’évalue rapidement la distance et je saute. Téméraire et intrépide ! Une fraction de seconde plus tard, je me retrouve ainsi sur les épaules de ce criminel. Il empeste la fumée de 5

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cigarette – une odeur aussi désagréable que celle du sapin, cette chose que Werner rapporte, chaque Noël, à l’appartement. Quelle idée !

Mais, pas le temps de penser aux sapins. L’homme se met à gesticuler en tous sens pour se débarrasser de moi.

Déterminé, j’enfonce alors mes griffes dans sa joue. « Aaaïe ! Qu’est-ce que c’est ? » Aussitôt, l’homme lâche Odette et cherche à me frapper.

Sans succès ! Je suis bien trop agile ! Odette, la plus belle de toutes les chattes blanches, choisit ce moment pour sortir de sa cachette. « Cours, Odette, sauve-toi ! lui crié-je. Je vais faire diversion le plus longtemps possible !

– Non, Winston ! Je ne partirai pas sans toi !

– Si, il le faut ! Cours ! » lui dis-je encore une fois.

Mon petit cœur de chat se gonfle à la pensée qu’Odette veuille rester auprès de moi !

Avant que l’homme ne parvienne à se dégager, je lui donne un nouveau coup de griffe. Il se met alors à hurler et tente à nouveau de me frapper.

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« Oh, Winston, souffle Odette, tu es… devenu… si gros !

Fais-moi donc un peu de place ! » Moi, GROS ? J’écarquille les yeux et regarde Odette, tout penaud. Comment peut-elle me dire ça, à moi, son héros et son sauveur ?

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Je me présente : Winston le chat, « coach pour jeunes filles » .

Absolument pas chat de salon

Ce n’est pas la réaction d’Odette qui me blesse le plus, mais celle de cet homme, mon colocataire, le professeur Werner Hagedorn. Il cherche actuellement à s’asseoir sur le canapé, pile à l’endroit où je suis installé et où je rêve à la manière de sauver Odette de l’odieux criminel.

Flûte ! Mon rêve était si bien… et j’aurais tant voulu savoir ce qu’Odette s’apprêtait tout juste à me dire !

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En réalité, depuis que nous nous connaissons, nous avons eu peu d’occasions de discuter tous les deux !

J’habite au deuxième étage du 106A de l’Allée-Haute.

Odette, quant à elle, se balade le plus souvent dans l’arrière-cour de notre immeuble. Qu’a-t-elle donc voulu chuchoter à mon oreille ? Au lieu de me laisser y réfléchir tranquillement, Werner, sans aucune délicatesse, me pousse et se laisse tomber sur le canapé. Quel culot !

Vexé, je saute au sol. Si Werner pense que je vais le laisser me caresser, il se trompe ! Je n’ai plus besoin de ses caresses. Na ! Du moins, pas autant qu’avant ! Car depuis peu, nous n’habitons plus seuls dans notre ancien et grand appartement de Harvestehude (un quartier chic de Hambourg). En effet, nous avons désormais deux charmantes colocataires : Anna et Kira.

Quand Anna a commencé à travailler chez nous en tant que femme de ménage, on ne la voyait que la journée. Mais depuis qu’elle a dû fuir son compagnon, les choses ont changé. Elle et sa fille, Kira, se sont installées à notre domicile. Kira et moi avons déjà vécu 10

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une incroyable aventure ensemble1. Moi qui pensais détester les enfants ! Nous sommes finalement devenus les meilleurs amis du monde. Raison de plus pour laisser cet idiot de Werner dans son canapé et partir à la recherche de Kira.

Je dévale en courant le long couloir jusqu’à l’ancienne chambre d’amis. Kira l’occupe désormais. La porte est entrouverte. Du bout de ma truffe, je la pousse, me glisse à l’intérieur et traverse rapidement la pièce. Kira est assise à son bureau, près de la fenêtre. Elle doit être en train de faire ses devoirs. En deux temps, trois mouvements, je saute sur le lit, puis sur le bureau. C’est bien cela : Kira écrit sur un cahier. « Bonjour, Winston ! » dit-elle tout heureuse, en me grattant derrière les oreilles.

1. Dans le premier tome des aventures de Winston – Winston, un chat en mission secrète –, lors d’un orage, Winston et Kira échangent leur corps sous l’effet d’un coup de tonnerre. Ce changement d’identité soudain va leur permettre de découvrir le monde du point de vue de l’autre, de démasquer un malfaiteur, de sortir la mère de Kira de ses ennuis avec la police à la suite des crimes commis par son ancien petit ami, et aussi de se faire des amis : Tom et Pauli !

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Miaou ! Voilà bien un accueil digne de moi ! Délica­ tement, je me faufile du bureau aux genoux de Kira et me mets à ronronner d’aise.

Je n’ai pas pu repenser à mon rêve… en revanche, j’ai gagné des câlins ! Je ronronne de plus belle. « Oui, mon chaton ! Ça te plaît, n’est-ce pas ? dit Kira en souriant. Figure-toi que Pauli et Tom ont demandé de tes nouvelles. Ils voulaient savoir comment tu allais. » Pauli – Paula de son vrai nom – et Tom sont les meilleurs amis de Kira. Tous trois sont en classe de 5e C au collège Guillaume-Ier. Pauli et Tom sont vraiment chouettes, et je sais de quoi je parle ! Vous vous demandez sûrement comment moi, un chat, j’ai pu m’en rendre compte… Simplement en échangeant mon enveloppe corporelle avec celle de Kira. C’est ainsi que je me suis retrouvé sur les bancs de l’école, dans la peau d’une fille de douze ans. INCROYABLE ? Eh bien, non : c’est bien ainsi que cela s’est passé ! Pour couronner le tout, nous avons démasqué un malfaiteur et épargné à la mère de Kira de gros ennuis avec la police. Tout ça, avant de 12

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retrouver chacun notre corps. Nom d’une sardine à l’huile ! Quelle histoire !

Mais reprenons les choses une par une. Il y a quelques semaines, Kira et moi, nous étions sur un chantier en construction. L’orage grondait et la foudre nous a frappés. À ce moment précis, nous rêvions tous deux d’être quelqu’un d’autre. Et là, figurez-vous que notre souhait a été exaucé ! Nos esprits recouvrés, plus rien n’était comme avant. Moi, Winston, j’étais dans la peau de Kira, et Kira dans la mienne, celle d’un British shorthair noir. Et nous étions même capables de lire dans les pensées l’un de l’autre. Quoique bien pratique, cette transformation n’enchantait pourtant aucun de nous.

De mon côté, j’étais obligé d’aller chaque matin à l’école, à la place de Kira. Vraiment horrible, au départ ! Léonie, cette fille odieuse, et sa clique – des filles toutes aussi pestes les unes que les autres – ont essayé de me faire la peau. Et elles y seraient peut-être parvenues si Tom et Pauli n’étaient pas intervenus. Avec eux, plus rien ne 13

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risquait de m’arriver. Je suis assez fier de pouvoir dire que c’est moi qui ai trouvé ces deux nouveaux amis à Kira ! Au début, jamais ils n’auraient pu soupçonner que j’étais un chat. Et Kira ne se serait peut-être jamais liée d’amitié avec eux sans mon aide. D’une certaine manière, je suis donc ainsi devenu « coach pour jeunes filles ».

Une expérience captivante. Mais je ne tenais pas à rester éternellement coincé dans la peau de Kira. Au fond de moi, je restais quadrupède. Seulement… comment s’y prendre pour faire machine arrière et que chacun de nous récupère sa véritable identité ?

Alors que tout semblait perdu, Tom a eu une idée de génie. Et là, même pas besoin d’éclair… Bref, l’histoire a connu une fin heureuse : Kira est redevenue une jeune fille, et moi, j’ai repris mon corps de chat. Fini le temps où nous pouvions lire dans les pensées l’un de l’autre.

Du moins, plus aussi facilement. Mais ce qui est sûr, c’est que nous nous connaissons bien et que nous continuons à bien nous comprendre. Kira a ainsi deviné à quel point je serais heureux de revoir Tom et Pauli !

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« Je me suis dit que je pourrais t’emmener à notre prochain rendez-vous, cet après-midi, chez Le Glacier.

Avant d’y aller, on pourrait passer par l’arrière-cour pour saluer tes copains ? Ou plutôt, une certaine copine ! » a proposé Kira en plaisantant.

Elle sait à quel point j’apprécie Odette. Nous en avons tellement parlé quand nos pensées s’échangeaient !

Odette est vraiment la plus belle chatte que je connaisse.

Sa fourrure est blanche comme la neige, soyeuse et brillante. Ses yeux sont si noirs et si profonds que je pourrais m’y noyer. Elle a beau vivre dans une cour et être un chat de gouttière, c’est une véritable dame.

Malheureusement, elle m’a longtemps considéré comme un gros chat d’appartement, arrogant et vaniteux. Ce qui est totalement absurde ! Je suis cultivé, mais pas hautain : grande différence ! Kira m’a donné quelques conseils pour gagner des points auprès d’Odette.

Conseils pertinents puisque Odette et moi commençons à nous lier d’amitié. Quand nous nous croisons dans la cour, nous aimons bavarder de tout et de rien, du temps 15

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qu’il fait ou de notre dernier repas. C’est loin d’être comme dans mon rêve : je ne suis en rien un héros aux yeux d’Odette. Pas encore, du moins. Mais je suis bien décidé à ce que ça change !

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2 Où je me demande s’il est possible de partager ses rêves et pourquoi on ne choisit pas soi-même ses camarades de classe.

Une heure plus tard, Kira a terminé ses devoirs et nous prenons le chemin du glacier, sans omettre, bien sûr, notre petite virée dans l’arrière-cour. Kira a prévu un petit cadeau pour les chats : une écuelle pleine de foies de volaille. Non seulement c’est l’un de mes plats préférés mais, en plus, Odette l’apprécie également. Surtout quand, comme aujourd’hui, Anna vient de le préparer !

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« Chatons, chatons, chatons ! » appelle Kira en s’adressant à mes collègues de l’arrière-cour.

Elle se dirige vers le local à poubelles. C’est le lieu de rencontre des chats. Le toit du local est en effet l’unique endroit de la cour où le soleil brille toute la journée. Un endroit bien chaud et abrité du vent. Un lieu idéal pour se reposer. Mais aujourd’hui, il est désert. Aucune trace d’Odette ni de ses amis Caramel et Spike. Regrettable pour Odette, moins pour les deux autres, au contraire !

Nous ne nous disputons plus comme il y a encore quelques semaines, lorsque je suis descendu, pour la première fois, dans la cour. Mais nous sommes encore loin d’être amis. Nous ne le deviendrons d’ailleurs peutêtre jamais. Nous sommes bien trop différents. Moi, Winston Churchill, je suis un chat de race noble, descendant d’un élevage de British shorthair. Ma fourrure, d’un noir profond, est soignée, et j’ai de bonnes manières. À côté, Spike et Caramel sont de vrais vagabonds. Spike est gros et tigré. Caramel est, quant à lui, un chat brun au poil hérissé et à la fourrure négligée.

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De vrais ploucs ! Cela tient du miracle qu’une dame comme Odette apprécie leur compagnie ! Cela en dit beaucoup sur son caractère. Même si elle est plus raffinée que les deux autres chats, elle ne le montre pas. Odette est non seulement classe, mais elle a aussi un grand cœur.

Autrement dit : elle est tout simplement géniale.

Malheureusement, elle n’est pas là ! « Minou, minou, minou ! » appelle à nouveau Kira.

Puis elle pose la gamelle sur le toit de l’abri et regarde autour d’elle. « Où sont donc tes amis ? » Je saute sur le local à poubelles, tends le cou et me tourne vers Kira. Immédiatement, elle interprète mon regard et lit dans mes pensées. « Tu es déçu ? Tu voulais revoir Odette, pas vrai ? » Je réponds par un mama miaou très fort. Kira sourit. « Viens là, nous allons attendre encore un peu. Une fois qu’elle aura senti l’odeur de ce bon plat, elle viendra, c’est sûr ! Et puis il nous reste encore un peu de temps avant notre rendez-vous chez le glacier. » 19

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Elle s’installe à mes côtés, sur le toit de l’abri, et me grattouille derrière les oreilles. Miaou, quel bonheur !

Je m’étire de tout mon long et bascule ma tête en arrière.

Soudain, un bruit de ferraille dans la cour nous surprend. Odette ! À son odeur, je l’ai reconnue immé­ diatement ! Vite, je bondis et cherche à me mettre en valeur. Je me grandis autant que je le peux et bombe le torse. Je dois être assez élégant, comme ça. Enfin, je l’espère ! « Winston, me salue aimablement Odette. Ça va ?

– Euh, bonjour Odette ! Pourquoi me demandestu ça ?

– Je ne sais pas… Tu avais l’air si crispé en te redres­ sant… Je me suis dit que tu avais peut-être mal quelque part. » Grmpfff ! Moi ? Crispé ? J’ai juste tout donné pour l’impressionner ! Vexé, je relâche tout et me secoue brièvement. « Au contraire ! Je vais parfaitement bien, et je suis heureux de te voir.

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– Oui, moi aussi, je trouve sympa que nous puissions faire connaissance. Quel hasard ! Figure-toi que j’ai rêvé de toi la nuit dernière… » Rien que ça ! Elle a vraiment rêvé de moi ? « Euh, ah bon ? Et de quoi as-tu donc rêvé ? » Je veux absolument qu’Odette m’en dise plus. « Hmm, je ne m’en souviens plus exactement, mais je crois que tu me sauvais d’un monstre… ou peut-être bien d’un méchant. En tout cas, j’étais en danger et tu venais à mon secours. Amusant, non ? » « Amusant » n’est pas franchement le terme approprié !

C’est tout bonnement incroyable ! « Figure-toi, Odette, que j’ai aussi… » Mais avant d’avoir pu lui expliquer que j’avais fait exactement le même rêve, Kira me pousse sur le côté et prend Odette dans ses bras. « Regarde, Odette : nous t’avons apporté quelque chose à manger. Ma mère l’a cuisiné aujourd’hui et, comme d’habitude, elle en a fait beaucoup trop ! »

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Euh, mollo, Kira – il faudra d’ailleurs qu’on reparle des portions : un sujet essentiel.

Mais Odette sort tout juste de table. Elle remercie Kira comme il se doit en émettant un léger ronronnement.

Puis elle se tourne vers moi. « Où en étions-nous, déjà ?

– À ton rêve !

– Ah oui ! J’avais encore perdu le fil. En même temps, on s’en fiche un peu. » Et zut ! « En tout cas, c’est très gentil de m’avoir apporté ce plat. Je n’ai pas faim du tout. Il faut dire que j’ai attrapé une bonne grosse souris tout à l’heure.

– Quoi ? Beurk ! Toi, chasser les souris ? » En bon chat d’appartement, j’ai évidemment entendu parler de ça, mais ce n’étaient que des ouï-dire. Je ne comprends pas que l’on puisse tirer un quelconque plaisir de ce genre de choses. Comment peut-on avaler une souris, que l’on a soi-même attrapée, sans la cuisiner au persil pour rendre le plat savoureux ? Comme quoi !

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À la maison, Anna se charge de la cuisine, je la laisse donc me concocter de bons petits plats. Mais je ne peux pas révolutionner maintenant les habitudes alimentaires d’Odette. Je choisis donc de me taire. « Je me demande ce que Caramel et Spike vont dire en voyant ce plat. Ils auront certainement faim. » Ô non ! Pas ces deux-là ! Je n’ai pas encore répondu qu’Odette descend déjà de l’abri puis disparaît à l’arrière de la cour. Zut ! Aujourd’hui, rien ne va ! Je n’ai vraiment aucune envie de rester là à attendre Caramel et Spike.

Je saute à mon tour sur le sol et me dirige vers la sortie. « Hé, Winston ! Où vas-tu si vite ? Odette n’a encore rien mangé. Elle va revenir. Attends donc encore un peu ! » Kira semble déçue, et ça se comprend. Elle pensait m’aider en offrant cette gamelle de nourriture. Si seulement je pouvais lui expliquer pourquoi je veux m’en aller sur-le-champ. Quand nos corps étaient encore inversés, cela ne posait aucun problème, nous pouvions communiquer par la pensée. Aujourd’hui, ce n’est plus 23

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le cas ! C’est bien dommage, mais on ne peut rien y faire.

Et c’est mieux comme ça. Je ne souhaite pas redevenir une fille. Cette expérience fut vraiment fatigante : trop de crêpage de chignons pour le chat que je suis ! « Ah, enfin, vous voilà ! » Tom et Pauli ont été obligés de nous attendre. Ils sont assis sur les chaises en osier de la terrasse du glacier – glacier favori des Guillaumins (c’est ainsi que l’on surnomme les élèves du collège Guillaume-Ier). Pauli se lève, se dirige vers nous et se penche pour me prendre dans ses bras. « Pour un chat aussi vieux, qu’est-ce que t’es fort, Winston ! Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Tu m’as vraiment manqué ! » Miaou, miaou, MIAOU ! Tu m’as manqué aussi !

Si on m’avait dit, il y a quelques mois, que j’accepterais de me laisser porter dans les bras d’un enfant – et que je m’en réjouirais même –, j’aurais bien ri. Avant de connaître Kira et ses amis, je n’aimais pas du tout les 24

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enfants. Trop bruyants et trop turbulents. J’avoue aujourd’hui que ma vie était vraiment ennuyeuse sans eux. Si… CALME ! « Allez, les câlineuses de chats ! dit Tom, le regard plein de reproches derrière ses grandes lunettes d’écaille brune, le nez couvert de taches de rousseur. Assez de caresses !

J’ai vraiment envie d’une glace spaghetti 2 avec du chocolat râpé dessus. Hop hop hop, on commande ! Cette journée de classe m’a vraiment complètement cassé !

– Ah bon ? Pourquoi ? interroge Kira, compatissante.

C’était pourtant comme d’habitude, non ?

– Si, comme toi, j’avais eu 13,5 et pas 10 en maths, je ne me plaindrais pas. Mais ce n’est pas le cas !

Tom soupire.

– Et puis… si vous saviez à quel point cette nouvelle idée de M. Prätorius me tue ! “Souder la classe…” » 2. Note du traducteur. Spaghetti eis en allemand. Inventée en Allemagne en 1969 par Dario Fontanella, cette glace à la vanille recouverte de purée de fraise et saupoudrée de copeaux de chocolat blanc, ressemble à s’y méprendre à des spaghetti bolognaise ! Devenue un classique des glaciers outre-Rhin, elle régale petits et grands. On en trouve de très belles photos sur Internet…

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M. Prätorius est à la fois le professeur de biologie des élèves de 5e C et leur professeur principal. Un homme vraiment gentil, et un véritable amateur de chats ! À tel point que je suis étonné qu’il ait pu avoir une idée qui contrarie autant Tom. Je n’y connais rien en matière de cohésion de groupe, mais je suis sûr que c’est une bonne chose. Et je ne suis certainement pas le seul ! « En quoi cette idée te dérange ? Je la trouve vraiment bonne, moi », s’étonne Pauli en triturant ses cheveux hirsutes, noirs comme du cirage.

Pauli se définit toujours comme punk. Cela explique qu’elle se coiffe ainsi. Elle porte des jeans et des tee-shirt déchirés et, pour couronner le tout, souligne ses yeux d’un épais trait noir. « Au moins, avec cette méthode, si tu tombes malade, tu peux être assuré que quelqu’un te donnera les cours et te préviendra des devoirs à faire. Avant, c’était plutôt une question de chance et, bien souvent, ça fonctionnait mal.

– Je ne dis pas le contraire, reconnaît Tom. Mais les binômes ont été tirés au sort, et je trouve ça stupide.

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Je trouve que nous aurions dû choisir nous-mêmes nos partenaires. Comme ça, on aurait été sûrs de travailler avec quelqu’un qu’on apprécie. » Kira et Pauli ont la même réaction en même temps : elles haussent les épaules. « Ce n’est pourtant pas si mal, dit Kira. Et puis ça n’arrive pas si souvent. On peut quand même, de temps en temps, apporter les cours à quelqu’un, même si on n’a pas vraiment d’atome crochu avec lui !

– Ah oui ? répond Tom, sceptique. Et tu as tiré le nom de qui, au juste ? » Kira hésite un moment, puis elle crache le morceau : « Euh, j’ai tiré Pauli. » Tom écarquille les yeux. « Sérieux ?

– Oui, pur hasard.

– Quoi ? Nous sommes vingt-huit élèves dans la classe, il y avait donc quatorze noms dans la boîte, et tu pioches celui de Pauli ? Je n’y crois pas ! T’as forcément triché ! » Kira ne répond rien. Pauli se met à rire jaune.

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« Euh… oui, un peu ! En fait, au départ, Kira avait tiré Emilia, mais elle a vite remis le papier dans la boîte et personne n’a rien vu. » Ah, je comprends un peu mieux la situation. Emilia fait partie de la bande de cette peste de Léonie – qui est de loin la fille la plus terrible de 5e C : antipathique, arrogante et vraiment pas futée. Être en binôme avec Emilia ne peut pas être réjouissant. J’avoue que je n’apprécierais pas de devoir apporter leur travail à Emilia ou à Léonie si elles étaient malades. « Et puis, au deuxième tirage, j’ai été plus chanceuse, confirme Kira. Je suis tombée sur Pauli. Pas mal, non ? » Tom émet à nouveau un profond soupir. « Qui as-tu pioché ? » demande Pauli.

Tom prend une grande inspiration et gonfle ses joues avant de répondre : « Emilia. J’ai tiré Emilia. » Mama miaou ! Je ne suis qu’un chat et donc pas naturellement expert en matière de tirage au sort. Mais je pense que Pauli et Kira doivent immédiatement réagir et offrir à Tom une énorme glace goût spaghetti !

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De la musique dans l’air. Et des hommes, qui sont de véritables personnes.

Merci, monsieur le professeur ! Merci infiniment ! »

«

Ça alors ! Que se passe-t-il donc ici ? Kira, Pauli et moi arrivons à l’appartement juste au moment où Anna serre Werner dans ses bras. Ce n’est pas dans ses habitudes !

En temps normal, Werner et Anna laissent toujours entre eux un peu de distance ! Non parce qu’ils ne s’apprécient pas, bien au contraire. À mon avis, ces deuxlà s’entendent même vraiment bien. Je connais mon vieux Werner : il devient timide quand il aime bien 29

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quelqu’un. Et je crois que c’est le cas avec Anna. Depuis qu’elle et Kira habitent chez nous, il n’est plus comme avant. Il soigne davantage son apparence. Werner a toujours été soigné mais, désormais, il passe bien plus de temps devant le miroir. Il coiffe ses boucles brunes et ses mèches grises, parfois d’un côté, parfois de l’autre – ce qui est parfaitement ridicule car, avec des cheveux comme les siens, cela ne fait aucune différence que ses boucles tombent à droite ou à gauche. Sa chevelure paraît toujours aussi indomptable. Par ailleurs, depuis peu, Werner semble aussi prêter une plus grande attention aux vêtements qu’il porte. Et quand son reflet dans le miroir ne lui plaît pas, il n’hésite pas à changer complètement de tenue. Et c’est tout à fait nouveau !

En tout cas, quand Olga – la sœur d’Anna – était encore à notre service, je ne l’ai jamais vu se comporter ainsi !

Il va falloir que j’étudie cela de plus près ! Pour l’instant, ce qui me préoccupe davantage, c’est de savoir pourquoi Anna a enlacé avec autant d’enthousiasme mon cher

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maître. Anna rayonne et Werner paraît gêné. Je me rapproche discrètement et tends mes petites oreilles. « Avec plaisir, Anna. Ce serait bien trop dommage que ce beau piano à queue ne serve que d’étagère. Je serais vraiment heureux que vous puissiez vous en servir de temps en temps. » C’est donc ça ! C’est au sujet de cet énorme piano qui encombre depuis peu notre salon. Un piano à queue – n’est-ce pas un drôle de nom pour un piano ? Si j’ai bien compris, Erika, la mère de Werner, a déménagé.

Elle a quitté une grande maison pour s’installer dans un petit appartement. Elle a donc dû se séparer de ce monstre. Comme Werner est, de loin, le membre de la famille qui a le plus grand appartement, nous en avons hérité. C’est évidemment un objet de valeur que l’on ne pouvait envisager de mettre à la décharge, comme le reste. Du coup, il encombre notre beau salon, alors que Werner n’est absolument pas musicien.

Kira s’éclaircit la gorge.

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« Bonjour Maman ! Bonjour monsieur Hagedorn !

Je suis venue avec Pauli. J’espère que ça ne vous dérange pas. La dernière heure de cours a sauté. Pauli a oublié ses clés et sa mère n’est pas encore rentrée.

– Aucun problème, grommelle Werner.

– De toute façon, acquiesce Anna en riant, j’ai encore une fois bien trop cuisiné. Nous allons avoir besoin d’aide pour finir les plats !

– Génial, merci ! » Et nous filons dans la chambre de Kira.

Au tout début, lorsque Kira et Anna ont emménagé chez nous, elles partageaient la même chambre. Quand il a été clair qu’elles resteraient, Werner a rangé son cabinet de travail et installé son bureau dans l’ancien débarras près de la cuisine. Rangé et fraîchement repeint, je reconnais qu’il n’est pas si mal ! Kira occupe désormais l’ancienne chambre d’amis, et Anna, l’ancien bureau.

Ainsi, Werner est plus près du réfrigérateur. Cela facilite les choses quand il a besoin d’un yaourt ou d’un

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sandwich pour résoudre de toute urgence un problème de physique incroyablement complexe.

Il n’y a que pour moi que rien n’a changé. Mon petit panier est toujours situé dans le long couloir de l’appartement, un peu en biais, à côté de la porte d’entrée. Étonnamment, Werner a facilement cédé son bureau : « Cet appart est bien trop grand pour une seule personne, de toute façon. C’est mieux comme ça ! » a-t-il déclaré, satisfait, après avoir déplacé tous les meubles.

Qui aurait imaginé que Werner passerait ses vieux jours entouré d’une famille ?

Arrivées dans la chambre de Kira, les deux filles se laissent tomber sur le lit. J’attends un peu, puis je saute à mon tour et m’allonge à côté d’elles. « Dis-moi, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose entre ta mère et le professeur Hagedorn ? demande Pauli à Kira.

– Non ! Qu’est-ce qui te fait croire ça ? s’étonne Kira.

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– Je ne sais pas. Ils avaient l’air très proches, comme deux personnes qui s’aiment vraiment.

– C’est sûr qu’ils s’apprécient. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont ensemble. Maman aime le professeur en tant que personne, mais pas l’homme en lui-même, tu vois ? » Sainte Sardine à l’huile ! Un vrai discours d’humain !

Personne ou homme : où est la différence ? Les hommes sont des personnes, que je sache ? Pauli semble aussi avoir du mal à saisir la différence. Elle fronce les sourcils et se contente de répondre : « Ah. » Kira soupire : « Eh oui, c’est comme ça, Pauli. Ma mère a pris les hommes en grippe depuis son échec avec Vadim, son ancien petit ami. Je pense qu’elle est profondément heureuse d’être redevenue célibataire. » Werner et Vadim ne sont pourtant vraiment pas comparables ! Werner est un jeune professeur extrê­ mement gentil et attentif. Vadim est un délinquant notoire, antipathique et dangereux. Cela dit, c’est plutôt 34

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positif. Olga, la sœur d’Anna, nous a quittés parce qu’elle est tombée amoureuse d’un certain Dieter. Elle est partie vivre avec lui, dans une ville lointaine du nom de Cologne. C’est pour cette raison que Werner a engagé Anna comme femme de ménage. Si à son tour Anna tombait amoureuse d’un homme et nous laissait seuls, ce serait dur. Primo parce que Anna et Olga n’ont pas d’autre sœur. Deuzio parce que Kira devrait également partir ! Ce serait vraiment triste. Nous sommes en effet devenus les meilleurs amis du monde.

C’est donc une bonne nouvelle qu’Anna ne veuille plus entendre parler d’hommes. D’un autre côté, ce serait différent si elle tombait amoureuse de Werner ! Elle n’aurait pas à déménager. Mais si Kira voit juste, avec sa théorie sur sa mère et les hommes, alors la situation ne devrait pas évoluer. Parfait. Pour ma part, je ne suis pas un grand fan des changements.

Pauli ricane : « Tous les hommes sont des cochons ! »

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Ah bon ? Des cochons ? Avec quatre pattes et un groin ? Comment peut-elle avoir une telle idée ? Que les gens puissent être des ânes, ça je le sais, mais que les hommes soient des cochons… Ce n’est certainement pas un compliment ! Pourquoi toujours prendre des noms d’animaux pour illustrer les défauts des gens ?

Quelle insolence !

Kira secoue la tête : « Non, pas tous. Comme je te l’ai dit, elle apprécie vraiment Werner en tant que personne. Ma mère n’a rien contre les êtres humains en général ; seulement contre les hommes en tant que tels. » Oh là là, que la logique humaine est compliquée ! Quel non-sens ! Les hommes sont des êtres humains ! Miaou !

Pauli ricane. « Ma mère, elle, en a marre d’être célibataire, racontet-elle. Elle ne le dit pas ouvertement, mais je le sais. À chaque fois qu’elle rencontre un homme qui lui fait bonne impression, elle fait attention à ses vêtements, elle se maquille, et tout et tout… Et puis elle s’est inscrite 36

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sur un site de rencontres sur Internet pour faire la connaissance d’autres célibataires. Mais c’est top secret.

Elle ne me l’a même pas dit. C’est moi qui l’ai découvert.

Elle avait laissé sa session ouverte sur son ordinateur. » Site de rencontres sur Internet ? Qu’est-ce que cela peut bien être ? Jusqu’à présent, je pensais qu’Internet était un endroit dans cette petite télévision qu’on appelle « ordinateur ». C’est ce que Kira m’a expliqué quand elle s’est installée un soir au bureau d’Anna pour faire ses devoirs. Elle y est allée pour chercher les solutions à ses exercices de maths. Je pensais qu’Internet était une sorte de dictionnaire… pas un endroit où l’on pouvait vraiment aller. Comment donc y faire la connaissance de quelqu’un ? « Vraiment ? (Kira se met à son tour à ricaner.) Ta mère cherche un amoureux ? » Pauli hoche la tête. « Oui, je crois. Elle voudrait de nouveau tomber amoureuse. »

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Intéressant ! L’amour humain reste mystérieux pour moi. Si on veut sortir avec quelqu’un, il est évidemment important d’être amoureux. Autrement, Werner et Anna seraient déjà tout simplement « ensemble » : nous habitons tous dans le même appartement et nous nous entendons bien ! Pourquoi cela ne suffirait-il pas ?

Comment peut-on apprendre à connaître quelqu’un sur Internet et en tomber amoureux, sans l’avoir jamais vu ? Ça me dépasse ! Honnêtement, je suis bien content que mon Werner ne se prenne pas la tête avec ce genre de choses. L’amour semble être quelque chose de très compliqué. Nous n’avons pas besoin de ça ici ! Nous allons tout simplement continuer à vivre paisiblement ensemble, ici, à l’Allée-Haute. Miaou ! « Depuis que mon père s’est remarié, ce sujet intéresse ma mère, explique Pauli. Ça l’a vraiment rendue furieuse et elle l’envie probablement.

– Hmm », répond Kira, sans rien ajouter.

Pensive, Pauli la regarde : « Qu’en est-il de ton père ? Vit-il aussi à Hambourg ? » 38

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Kira s’assoit sur le lit et hausse les épaules. « Aucune idée, mais je ne pense pas. Maman ne parle jamais de lui. Il nous a quittées alors que j’étais encore toute petite. Je me souviens à peine de lui.

– Il te manque ? » interroge Pauli, curieuse.

Kira remue la tête. « Nan. Je me dis juste que je me souviens très peu de lui. Un peu comme un rêve qu’on essaie de se remémorer, le matin en se levant. On sait qu’il s’est passé quelque chose, mais on ne se rappelle pas exactement quoi.

– À mon avis, ce n’est pas si important que ça, commente Pauli. Parfois, je me dis que ce serait vraiment plus simple si, dès le départ, on n’avait qu’un seul parent.

Il ne pourrait pas se disputer tout seul, et ce serait donc toujours paisible. Un véritable avantage !

– Oui. » Kira ne dit plus rien et j’ai comme l’impression qu’elle ne veut pas continuer la discussion. À quoi est-ce dû ?

D’habitude, elle n’est pas si discrète. Je suis vraiment devenu curieux. J’essaie d’imaginer à quoi peut bien 39

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ressembler son père. Le visage de Kira ressemble assez à celui de sa mère : des traits fins, des cheveux blonds, des yeux bleus. C’est amusant, d’ailleurs : lorsque nous avons échangé nos corps, elle avait conservé ses yeux bleus, et moi les miens, verts ! Il fallait faire très attention à ce que sa mère ne le remarque pas. Sinon elle aurait tout de suite compris que quelque chose ne collait pas.

Dans la peau de Kira, j’allais donc souvent petit-déjeuner avec des lunettes de soleil sur le nez.

Mais bon, ce n’est pas le sujet…

Qu’est-ce que Kira peut bien avoir de son père ? Peutêtre sa façon de pencher la tête ? Anna ne le fait jamais.

Ou l’ondulation de ses cheveux ? Ceux d’Anna sont lisses… « Allez, au travail ! lance Kira pour changer de sujet.

Nous devons bien travailler l’anglais car nous avons une interrogation écrite la semaine prochaine. » Pauli approuve : « Ma dernière interrogation n’était pas brillante.

Presque aussi mauvaise que celle d’Emilia. Et elle est 40

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vraiment nulle, ricane-t-elle. Tu as vu : c’est encore plus amusant que Tom soit désormais chargé de lui transmettre les devoirs !

– Ça me donne mauvaise conscience, reconnaît Kira.

Le tirage au sort ne s’est pas fait dans les règles. J’espère que Tom ne nous en veut pas trop.

– Il survivra, répond Pauli en haussant les épaules.

– Je me suis quand même sentie un peu mal à l’aise quand nous le lui avons avoué…

– Eh bien, pour nous faire pardonner, nous pourrons l’accompagner quand il ira la voir pour la première fois !

J’espère que ça n’arrivera pas de sitôt. » Kira rit : « Sûr que non ! Emilia n’est quasiment jamais malade.

Le proverbe le dit bien : Mauvaise herbe ne crève jamais ! » Les filles occupent l’heure suivante à s’interroger mutuellement sur du vocabulaire anglais. Tellement ennuyeuuux ! La seule chose qui réussit à capter mon attention, c’est le fait que je connaisse certains des mots.

Depuis que j’ai passé du temps dans la peau de Kira, je 41

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parle un peu anglais. Lorsque j’étais une personne, j’ai tout à coup pu lire, écrire et compter. Et je n’ai pas perdu ces capacités lorsque je suis redevenu un chat ! Je dois donc être l’unique chat au monde qui sache lire !

Malheureusement, personne n’est en mesure de s’en rendre compte. Cela n’intéresse pas mes congénères et je ne peux pas le raconter aux êtres humains. Même pas à Kira, avec qui la télépathie fonctionne toujours.

Miaou ! C’est vraiment cruel d’être un génie méconnu !

Je m’éclipse et je vais me coucher sur le rebord de la fenêtre du salon. À cet endroit, je peux profiter des derniers rayons du soleil, en ce bel après-midi d’été. La fenêtre est entrouverte. De l’air chaud s’engouffre dans la pièce. Merveilleux ! Qui troquerait sa place de chat contre celle d’un homme ?

Juste avant que mes yeux ne se ferment pour de bon, un grand bruit de ferraille me ramène à la réalité. Ça alors ! Que se passe-t-il donc ? Après le bruit de ferraille, on entend un incroyable miaulement, et aussi… un feulement… un cri horrible ! Timidement, de la fenêtre, 42

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je jette un coup d’œil dans la cour. Je ne vois rien mais le miaulement et le feulement se font de plus en plus forts.

Oh ! Nom d’une litière ! Quelque chose de terrible doit être arrivé ! Espérons qu’Odette n’est pas en difficulté ! Je colle mon oreille à la fenêtre pour pouvoir mieux entendre. C’est bien la voix d’Odette ! Aussitôt, mes poils se hérissent, un frisson glacé me parcourt l’échine. Bien sûr, je ne peux pas comprendre ce qu’elle dit, mais le son de sa voix trahit la terreur. C’est très clair : elle a besoin d’aide ! Et pour cela, je dois descendre IMMÉDIATEMENT dans la cour !

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Remerciements Sainte Sardine à l’huile, quelle chance d’avoir pu bénéficier d’autant d’aide !

Je me tourne en premier vers tous mes petits et grands lecteurs : merci beaucoup pour l’extraordinaire accueil que vous avez réservé à Winston ! J’ai reçu avec un immense plaisir chacun de vos mails et chacune de vos lettres !

Votre enthousiasme à la lecture des aventures de ce petit chat m’a obligée à écrire une suite. J’ai dû me mettre immédiatement à l’écriture d’un deuxième tome.

Je reconnais m’être prise au jeu et avoir moi-même été avide de connaître la suite des aventures de Winston et de Kira.

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Dans ce nouveau livre, grâce à Babouchka, l’histoire s’enrichit d’une âme russe. Il a donc fallu que je fasse appel à une personne connaissant les traditions culinaires russes, la langue, ainsi que l’éducation pratiquée au sein de ce pays. J’ai ainsi sollicité Viliya Gilyazitdinova, aujourd’hui étudiante à Hambourg, qui avait été une excellente jeune fille au pair pour mes enfants (notre plus jeune fils rêve encore de pouvoir un jour l’épouser !).

Merci, chère Viliya, pour les traductions russes intégrées à ce volume et pour tous ces délicieux repas que tu nous as cuisinés !

Merci à mes filles pour leur soutien critique (« Vraiment, Maman, c’est stupide, ce que tu écris là ! »). Merci à mon mari pour son amour et sa patience.

Quelle chance de vous avoir tous à mes côtés !

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Découvrez un roman d’enquête au suspense haletant et à l’atmosphère mystérieuse, menée dans le décor fantastique d’un pensionnat anglais !

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Achevé d’imprimer en mai 2017 par LEGO en Italie Dépôt légal : juin 2017

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F. Scheunemann

L’agent secret aux pattes de velours

«

À partir de maintenant, c’est Un pour tous et tous pour un !

– Une belle maxime, reconnaît Spike. Elle est de toi ?

J’acquiesce de la tête.

– J’ai déjà entendu ça quelque part... Es-tu certain qu’elle est de toi ? remarque Odette.

Flûte ! Me voilà piégé ! Bien sûr, elle pourrait être de moi. À dire vrai, je l’ai entendue dans une histoire que Werner lisait à ses vilains neveux. L’histoire des trois...Ah… Comment cela pouvait-il s’appeler déjà…

Pling ! Enfin, cela me revient !

– C’est l’histoire des Trois Muscletaires. C’est une très vieille histoire mais c’est vraiment captivant.

Caramel et Spike miaulent, ébahis devant ma culture littéraire. Seule Odette semble sceptique. Spike prend alors une grande inspiration et proclame de manière solennelle : – Bien. À partir de maintenant, nous sommes les quatre muscletaires. Un pour tous et, tous pour un !

«

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