LE MONT-
SAINT-MICHEL
LE MONT
SAINT-MICHEL TEXTES CHRISTINE SAGNIER I L LU S T R AT I O N S G I A M P I E T R O C O S TA – M . I . A
UN CHANTIER PERMANENT Construire au milieu des sables et de la mer, sur un pic haut de 80 m impossible à aplanir et pas plus large que 2 terrains de foot, c’est le défi que les bâtisseurs du Mont
Construire léger, c’est le défi qui oblige les architectes à couvrir les toits non pas de voûtes en pierre mais de charpentes en bois hélas sujettes aux incendies.
relèvent pendant 8 siècles. Ils doivent innover, étager les constructions, alléger les murs et les voûtes, et reconstruire quand les bâtiments s’effondrent. Et ils n’abandonnent jamais, malgré des moyens techniques limités, l’argent qui vient à manquer, la guerre, les sièges et la vie difficile sur cet îlot battu par les vents.
Des travaux incessants
Les catastrophes se succèdent au fil des siècles. Les bâtiments trop fragiles s’écroulent, comme en 1103, lorsqu’un des murs de l’église s’effondre sur le dortoir des moines, qui sont heureusement partis en prière. À plusieurs reprises, la foudre tombe sur l’église et sa charpente en bois prend feu. Il faut parfois attendre plusieurs années avant de reconstruire, faute de moyens.
Au XIIIe siècle, la taille étant devenue très précise, le tailleur de pierre numérote chaque pierre afin qu’elle soit placée à l’endroit qui lui est destiné sur le monument.
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Un défi technique
Pour construire sur une surface aussi limitée, les bâtiments vont être superposés, les premiers édifices servant de soubassement aux suivants. Les étages supérieurs sont les plus légers possible afin de ne pas peser sur les bâtiments inférieurs, et il faut aussi élever des murs peu épais. L’édifice, lui, est adossé a u rocher : ainsi, à l’intérieur de l’abbaye, le rocher est visible dans plusieurs salles.
Le maçon monte les murs en scellant les pierres les unes aux autres à l’aide de mortier. L’hiver, il cesse de travailler à cause du gel et protège les murs en les recouvrant de fumier et de paille.
Très vite, les pèlerins affluent vers le Mont-Saint-Michel, obligeant les moines à construire de nouveaux bâtiments pour les recevoir. Le petit oratoire et les cabanes en bois des premiers chanoines sont remplacés par une abbaye, toujours plus grande, toujours plus haute.
Les matériaux de construction
Les premiers bâtiments sont construits avec la pierre du Mont. Mais, à partir du XIe siècle, l’ampleur du nouveau chantier oblige à chercher les matériaux ailleurs. Le granit est extrait des carrières des îles de Chausey. Le calcaire vient de Caen, la pierre de lumachelle est importée d’Angleterre… Le bois provient des forêts alentour appartenant au domaine de l’abbaye.
Le forgeron est un personnage important sur un chantier. Près de sa forge, il fabrique les fers-à-cheval et les outils, qu’il affûte et répare quand ils sont endommagés.
Des travaux qui coûtent cher
De tels travaux nécessitent de l’argent. Les papes incitent alors les chrétiens à faire des offrandes pour gagner le chemin du paradis, et les récits des miracles colportés par les voyageurs font la promotion de l’abbaye. Les dons des rois et des pèlerins financent donc en partie les constructions. Les moines comptent aussi sur les revenus que leur procurent leurs domaines, les impôts sur le sel, la pêche, l’usage des fours et des moulins, les cultures…
Les matériaux sont transportés par bateau, la mer et la rivière étant beaucoup plus économiques que la route, qui oblige à payer des péages et à nourrir les animaux de trait. Une fois au pied du Mont, rondins et monte-charges permettent de porter et hisser les pierres et le bois sur le chantier.
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SUR LES CHEMINS DU PARADIS Ils arrivent à pied de France, d’Angleterre ou d’Allemagne, s’aidant de leur bourdon (bâton) comme d’une troisième jambe : ce sont les Miquelots, ces pèlerins qui viennent chercher au Mont la protection de saint Michel. Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, tous sont prêts à braver les périls
L’ascension des pèlerins vers le chœur
Arrivés sains et saufs au pied du rocher, les pèlerins doivent encore monter la rue du village, puis grimper les escaliers pour atteindre le monastère. Ils peuvent reprendre des forces dans l’aumônerie, où les moines leur donnent du pain, du vin, et parfois même des vêtements et des souliers. Ils reprennent ensuite leur ascension vers l’église. En chemin, ils peuvent faire une halte dans la chapelle Notre-Dame-sous-Terre et y admirer des reliques. Puis ils atteignent enfin l’abbaye où ils assisteront à la messe.
du voyage pour atteindre la Merveille, espérant assister à un miracle. Après avoir admiré les nombreuses reliques de l’abbaye, ils repartiront avec un souvenir comme preuve de leur passage.
Le Mont et ses miracles
Au Moyen Âge, les pèlerins partent pour Jérusalem, Rome, Saint-Jacquesde-Compostelle ou le Mont-Saint-Michel. Les récits du Mont abondent en miracles : un muet qui se met à parler, une femme enceinte qui accouche dans la baie alors que la marée monte, la mère et le bébé étant miraculeusement épargnés par les eaux (voir illustration ci-dessous). Dès le XIe siècle, l’abbaye est envahie les jours où l’on fête saint Michel ou saint Aubert. Une telle affluence entraîne parfois des accidents, comme en 1318, lorsque treize pèlerins meurent étouffés par la foule.
Aux périls du Mont
Après les dangers de la route, il faut traverser la baie, éviter les sables mouvants et braver la marée qui, dit-on, arrive « comme un cheval au galop ». Sans oublier le brouillard… les moines sonnent alors les cloches, pour guider les pèlerins déboussolés jusqu’au Mont.
Petits et grands pèlerins
Il n’y a pas d’âge pour être pèlerin. Aux XIVe et XVe siècles, le Mont attire des groupes d’enfants de 12, 15 ou 17 ans qui quittent leurs parents après avoir, disent-ils, entendu des voix célestes. Le Mont accueille aussi de nombreux rois : Guillaume le Conquérant, Philippe le Bel, Louis XI… qui viennent solliciter les faveurs de l’archange, profitant souvent de l’occasion pour régler des affaires politiques. Ainsi, le souverain français Louis VII et son voisin anglais Henri II Plantagenêt vont s’y réconcilier en 1158.
DES CENTAINES DE RELIQUES Le Mont possède de nombreuses reliques, les plus précieuses étant les souvenirs de l’archange rapportés du mont Gargan, un drap rouge et un morceau de marbre portant l’empreinte de son pied, ainsi que le crâne de saint Aubert, découvert dans un grenier de l’abbaye (voir ci-contre). En voyant le gros trou à l’arrière de ce crâne, les moines pensèrent aussitôt au doigt sévère que l’archange pointa sur l’évêque !
De nombreux pèlerins se sont enlisés dans les sables mouvants en voulant atteindre le Mont. Ci-dessus, illustration du Petit Journal du 17 mai 1925.
LE MONT AUJOURD’HUI Après les heures sombres du XIXe siècle, le Mont restauré a retrouvé sa vraie fonction d’accueil grâce au retour d’une communauté religieuse dans les années 1960. Aujourd’hui, ce lieu unique, classé au patrimoine mondial de l’humanité, offre de multiples activités aux 2,5 millions de touristes qui s’y rendent chaque année. Visite de l’abbaye, promenade dans le village, balade sur la grève… Sur le Mont, chacun trouve son bonheur.
Balade sur les grèves
La baie est un site classé. Sa faune et sa flore sont protégées. Les promenades y sont possibles de jour et de nuit. Cependant, une balade sur la grève ne s’improvise pas, car les périls du Mont existent toujours. Des guides proposent des visites pour tout savoir sur le phénomène des marées, regarder le mascaret, observer les oiseaux migrateurs et repérer les plantes comestibles. Des traversées « hors piste » permettent de franchir le Couesnon, remonter les fleuves à contre-courant, découvrir les sables mouvants… mais toujours en compagnie de guides !
Une vie spirituelle active
Les religieux ont regagné le Mont dès la fermeture de la prison en 1863. Mais très vite, l’État refusant de leur louer plus longtemps l’abbaye, ils ont dû quitter celle-ci et transférer le culte de l’archange dans l’église Saint-Pierre du village. Ce n’est qu’après les nombreuses fêtes organisées à l’occasion du millénaire du Mont, de 1965 à 1966, que les moines ont retrouvé leur place dans l’abbaye. À présent, ils sont douze, des hommes et des femmes de la fraternité monastique de Jérusalem qui, comme autrefois, vouent leur vie à la prière, au travail et à l’accueil. Ils se retrouvent trois fois par jour dans l’église abbatiale pour y chanter la messe tandis que la rue principale du village grouille de promeneurs. Car leur vocation, justement, est de prier au cœur des foules. 22
Des pèlerinages bien vivants
Plus de 1 300 ans après la création de l’abbaye, les pèlerinages attirent encore beaucoup de monde sur le Mont : en mai, c’est le pèlerinage des familles, en juillet, le grand pèlerinage des grèves. Et pour ceux qui veulent suivre le même périple que leurs ancêtres du Moyen Âge, l’association Les Chemins du Mont-Saint-Michel s’emploie à retrouver les anciennes voies qui menaient au rocher depuis Tours, Angers, Cherbourg… En 2017, plus de 3 500 km sont ainsi balisés et entretenus. Le pèlerin moderne peut même s’équiper d’un carnet spécial, à faire tamponner à chaque étape de son chemin vers la Merveille.
À la découverte du village
Le Mont-Saint-Michel, c’est aussi un village niché derrière des remparts. Même si les perruquiers, poissonniers et bouchers d’antan ont disparu, il reste encore une poste, une église, une mairie et quantité de commerces pour touristes. Mais il n’y a plus d’école, parce qu’il n’y a presque plus d’habitants. En arrivant tôt le matin ou tard le soir, on peut s'imaginer comment était le village au Moyen Âge. Une rue principale très étroite serpente vers l’abbaye. Des enseignes accrochées aux murs indiquent les noms des anciennes hôtelleries.
Pour tout savoir sur la baie et préparer sa visite, on peut s’adresser à l’office du tourisme du Mont-SaintMichel ou à la Maison de la Baie du Mont-Saint-Michel, qui organise grandes et petites balades pour marcheurs de tous niveaux.
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TA B L E D E S M AT I È R E S
L'ORIGINE DU MONT 2 UN CHANTIER PERMANENT 4 LE MONT AU FIL DU TEMPS 6 LA VIE DES MOINES 8 CITÉ DES MERS, CITÉ DES LIVRES 10 SUR LE CHEMIN DU PARADIS 12 LE MONT FORTERESSE 14 LA BASTILLE DES MERS 16 VIVRE DANS LA BAIE 18 SAUVER LA BAIE 20 LE MONT AUJOURD'HUI 22
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MDS : 660563N1
7,95 € (France)