GOÛTS
D’ANTILLES RECETTES & RENCONTRES Jérôme Bertin Aline Princet
7 Préface 8 Portrait : Jérôme Bertin 10 La cuisine antillaise 12 Les produits phares 18 Le placard idéal
BASES ET ENTRÉES Sauce chien Piments confits Chutney ananas-piment Ketchup bonda man jak Coulis de poivrons Salsa d’avocat péyi Vinaigrette au maracuja Poudre à colombo maison Portrait : Jocelyne Béroard Féroce d’avocat Souskaï de mangue verte Pâtés créoles Acras de morue Acras de giraumon et malanga Velouté de giraumon, poulet madras au panko Rillettes de poulet boucané Crabes farcis Portrait : Jean-Claude Barny Chiquetaille de morue Soupe z’habitant Petit shot d’émulsion de mangue, croustillants de banane verte
SOM PLATS
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Poulet coco Touffé de chatrou Colombo de poulet Court-bouillon de poisson Brochettes de chatrou des îles Portrait : Franck Salin Fricassée de lambis Ragoût de cochon aux pwa di bwa Dombrés aux ouassous Blaff de palourdes Bokits à l’avocat et effiloché de poulet colombo Poisson mariné et grillé Migan de fruit à pain Calalou aux crabes Portrait : Claudy Siar Wok de colombo de poulet aux bananes Ravioles de saint-jacques Tartare de poisson façon blaff comme au pays Travers de porc laqué à l’hibiscus Veggie bowl kréyol Portrait : Tricia Evy Ouassous rôtis aux épices vindaloo Croquettes de poulet fermier cajun Mignon de porc fermier roussi au sucre de canne Noisettes d’agneau fumées à la paille coco Crumble de boudin au pain d’épices
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ACCOMPAGNEMENTS
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Gnocchis d’igname Risotto de christophine Portrait : Gérald Toto Frites de patate douce Mousseline d’ignames Gratin de christophines Riz haricots rouges Spaghettis de papaye verte Falafels de pwa di bwa
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M AI R E DESSERTS
Blanc-manger coco, coulis de patates douces Tourment d’amour à la goyave Pain au beurre Portrait : Lucien Jean-Baptiste Flan coco Bananes flambées au rhum vieux Tarte meringuée passion-citron vert Sorbet coco Gâteau Mont-Blanc Brownie banane et cacahuètes Riz au lait et tartare d’ananas au sirop de curcuma Portrait : Estelle-Sarah Bulle Smoothie bowl banane et mangue Paris-pointe-à-pitre Tropéziennes au fruit à pain Macarons au chocolat et patate douce
BOISSONS
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194 196 196 198 200
Rhums arrangés Ti-punch Planteur Shrubb Chocolat de première communion
202 Index
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LA CUISINE ANTILLAISE La cuisine antillaise est un paradis de la gastronomie, après avoir eu un passé très long et très douloureux avec l’esclavage. Plusieurs populations ont laissé leur héritage dans cette cuisine. Une histoire sensible aux multiples peuples, des Arawaks aux voyageurs espagnols et indiens, en passant par les Africains amenés en esclavage dans ces îles. La Guadeloupe est découverte en 1493, puis c’est au tour de la Martinique en 1502, toutes deux grâce aux explorations du célèbre Christophe Colomb, acteur des grandes découvertes des xve et xvie siècles.
La cuisine antillaise voit le jour dès l’apparition des premiers esclaves arrachés à leur continent, qui rapportent et cultivent l’igname, la madère et la patate douce qui serviront à leur alimentation. La farine, les céréales, les salaisons sont introduites par les colons venus de plusieurs pays d’Europe. Et c’est après l’abolition de l’esclavage en 1848 que les épices sont apportées par les Indiens. Ainsi, des influences culinaires des quatre coins du monde et des cultures différentes sont peu à peu fondues dans une seule et unique cuisine, antillaise.
PRINCIPES ET TRADITIONS La cuisine antillaise combine les traditions et l’art culinaire qui reflètent l’art de vivre d’un peuple.
FRUITS ET LÉGUMES
Les Antilles regorgent de fruits et légumes, et cette très grande diversité proposée constitue le cœur de l’alimentation de ces îles. Bien évidemment, en termes de qualités nutritives, ils sont une source inépuisable de vitamines et de bienfaits. Et ce qui concerne nos plats les plus typiques, on a souvent tendance à croire qu’ils sont très riches, mais ce n’est pas le cas. Le plus souvent, les plats sont préparés à base de racines (igname, patate douce, malanga) riches en amidon, de protéines (viande ou poisson grillés) et de légumes (gombo, christophine, jeunes pousses), le tout agrémenté d’épices, qui donnent du parfum aux aliments et peuvent relever les plats tout en étant bonnes pour la 10
santé – leurs vertus pour notre organisme sont nombreuses. Les marchés antillais valent vraiment le détour ! Nous sommes interpellés par les odeurs des produits fraîchement récoltés, associées aux odeurs des épices et des plats cuisinés. Les légumes et les fruits étalés sont véritablement mis en scène pour en mettre plein la vue et, bien sûr, pour mettre en valeur les produits locaux. LE POISSON ET LA VIANDE
À l’intérieur de nos îles, on mange énormément de poissons et de coquillages en raison de la situation géographique. Ainsi, les produits de la mer sont consommés par un très grand nombre de personnes, rendant ainsi cette cuisine populaire et quotidienne – citons quelques plats typiques bien connus comme le blaff ou la fricassée de lambis. La viande, et principalement le poulet, est le plus souvent consommée macérée dans un
assaisonnement puis grillée, ou bien en colombo. Sans oublier le porc, très apprécié aux Antilles lors des fêtes de fin d’année en ragoût ou bien en boudin. La majorité des Antillais se rabattent cependant sur les produits de la mer, souvent moins chers que la viande. LA PÊCHE
La pêche aux Antilles représente plus de la moitié des plats traditionnels à base de poisson ou de fruits de mer. Aussi bien à la maison qu’au restaurant, le poisson est généralement consommé grillé ou en blaff. Certaines espèces sont devenues les stars des cuisines, à l’instar du vivaneau, un délicieux poisson à la chair blanche et ferme, par ailleurs très esthétique sur les tables grâce à sa jolie couleur. LA STREET FOOD
Partout aux Antilles, on peut déguster un plat sur le pouce. Le bord des routes regorge de vendeurs de poulet boucané, que l’on reconnaît très facilement avec leurs grands barbecues d’où s’échappe une fumée épaisse et parfumée. Des spécialités comme les acras, les boudins et le sorbet coco sont très appréciées les pieds dans le sable, mais la star de la street food est le fameux bokit, un pain frit et garni avec générosité. NOËL
Noël aux Antilles, loin de la neige et des sapins, est une fête très importante dès le début du mois de décembre grâce au chanté Nwel (« chanter Noël »). Dans une ambiance conviviale, les familles se préparent à célébrer la naissance du Christ. Sur toutes les tables antillaises, on retrouve des plats traditionnels à base de porc : ragoût de cochon aux pois d’angole, jambon de Noël, boudins et pâtés créoles. Bien sûr, le rhum et les sirops sont aussi de la fête, notamment le sirop d’hibiscus, le shrubb avec ses écorces d’orange et les rhums arrangés – confectionnés bien à l’avance.
PÂQUES
Le crabe est au cœur des fêtes traditionnelles de Pâques. Il entre dans de succulentes recettes, notamment le matété en Guadeloupe ou matoutou en Martinique, l’une des recettes les plus populaires aux Antilles pendant cette période, constitué de crabe, de pâte à colombo et de riz. Le crabe à Pâques se déguste également sous d’autres formes, en calalou et en dombré. Certaines personnes préfèrent chasser ellesmêmes leurs crabes, en respectant bien sûr la période autorisée. La préparation du crabe se fait dans la bonne humeur, puis les familles et amis se retrouvent autour de ce festin. LE CARNAVAL
Le carnaval aux Antilles est un événement très important s’étendant sur deux mois. Ce sont les colons, au xviie siècle, temps de l’esclavage, qui sont à l’origine de cette festivité. Au fil des années, les esclaves sont autorisés à défiler eux-mêmes dans les propriétés des maîtres, intégrant ainsi leur culture. En Guadeloupe comme en Martinique, le Mardi gras, on prépare les beignets de carnaval, un mets sucré à base de farine et de beurre parfumé à la cannelle, de rhum et de citron vert. LA FÊTE DES CUISINIÈRES EN GUADELOUPE
Chaque année en Guadeloupe au mois d’août, l’Association des cuisinières défile dans les rues de Pointe-à-Pitre. Cette fête en l’honneur de saint Laurent, le saint patron des cuisinières de l’île, commémore la première mutuelle des cuisinières créée en 1916. Ce rassemblement est un hommage aux traditions à la fois religieuses, culinaires et vestimentaires. Dès le matin, les cuisinières défilent vêtues de robes en madras, portant une coiffe traditionnelle et des bijoux, puis une messe leur est dédiée à cette occasion. Enfin, plusieurs mets sont distribués dans les rues au rythme de la musique créole.
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LE PLACARD IDÉAL LES FEUILLES DE BOIS D’INDE
GWO KAKO (BÂTON DE CACAO)
Elles sont utilisées de la même façon que les feuilles de laurier, et une fois séchées, elles dégagent un parfum semblable au clou de girofle. Cet aromate est utilisé dans l’essentiel des préparations de la cuisine antillaise ; on l’intègre dans les macérations ou bien dans les plats mijotés. On les trouve le plus souvent dans les épiceries antillaises ou africaines. Les graines de bois d'Inde moulues sont appelées “piment de la Jamaïque” (voir-ci-dessous).
Il est composé de fèves du cacaotier séchées au soleil. Ces bâtons de cacao sont l’un des ingrédients essentiels de la recette traditionnelle du chocolat de première communion et s’intègrent parfaitement dans la réalisation d’entremets. Ils se conservent très bien dans un endroit sec, à l’abri de la chaleur, pendant plusieurs mois.
LE PIMENT DE LA JAMAÏQUE
Il ne pique absolument pas ! C’est une épice très parfumée à utiliser concassée ou moulue, mais attention, il faut l’employer avec parcimonie car son parfum est très prononcé. Idéal pour les viandes en sauce ou bien pour réaliser des marinades.
LES POIS D’ANGOLE
Dits « pwa di bwa », ils sont issus d’un arbuste à fleurs jaunes de la famille Fabacées. Leurs graines riches en protéines font le bonheur des cuisinières, surtout pendant la période des fêtes de fin d’année avec le porc roussi. En métropole, on les trouve surgelés en sachets dans les épiceries antillaises ou africaines.
LES GRAINES DE CUMIN LE FENUGREC
Essentielles dans la composition des graines à roussir, ces petites graines dorées au parfum amer sont grillées à sec puis moulues. Le fenugrec se conserve très bien dans une boîte hermétique à l’abri de la lumière.
Le cumin, ces petites graines aromatiques marron clair, est une composante essentielle dans la préparation du colombo ou bien dans les curries, et il entre dans la composition des graines à roussir.
LA FARINE DE MANIOC LES HARICOTS ROUGES
Ils font partie des ingrédients phares et se marient très bien dans de nombreuses recettes traditionnelles et populaires. Ils se conservent très longtemps et ne coûtent pas très cher. Ma petite astuce pour une cuisson idéale et bien fondante des haricots rouges : laissez-les tremper dans un grand volume d’eau pendant 24 heures, et ne les salez pas en début de cuisson, ils risquent de devenir très fermes – on sale après cuisson. 20
Une alternative aux personnes intolérantes au gluten. Ce produit traditionnel de la cuisine est très souvent utilisé dans la préparation du féroce d’avocat et de la cassave. La fabrication, artisanale, de la farine de manioc est transmise de génération en génération avec un certain procédé à bien respecter : les racines sont soigneusement sélectionnées, puis elles sont épluchées en enlevant les tiges fibreuses, elles sont râpées puis pressées pour extraire au maximum l’excès d’eau. Elles sont ensuite
mises à sécher au soleil et, à l’aide d’un grand tamis, la farine est tamisée. On la trouve dans les épiceries antillaises ou africaines.
LES GRAINES DE MOUTARDE JAUNE
Cette autre épice, à la saveur douce et légèrement piquante au bout de la langue, entre dans la composition des graines à roussir.
L’ANIS ÉTOILÉ
Son parfum est identique au réglisse. Il peut donner du parfum aux viandes cuisinées comme le porc ou bien à certaines préparations comme les salades de fruits, dont il relèvera agréablement le goût.
LES GRAINES À ROUSSIR
LA MUSCADE
Un incontournable de la cuisine antillaise. Elle est idéale dans les purées, gratins et aussi dans la pâtisserie. Elle est parfois vendue entière en forme de coque ou en poudre.
LA PAILLE COCO
Il s’agit d’un mélange de graines comprenant en général des graines de cumin, de fenugrec et de moutarde jaune. Il se trouve facilement dans les épiceries antillaises déjà tout prêt et s’utilise le plus souvent pour accentuer la préparation du traditionnel colombo et parfois dans certaines préparations de viande en ragoût.
Issue des fibres de la noix de coco, elle permet de fumer les viandes et les poissons, apportant ainsi un parfum succulent et fumé à la chair. Si elle est très facile à trouver aux Antilles, n’hésitez pas à en commander sur internet pour réaliser certaines recettes en métropole.
L’HUILE DE COCO
LE RIZ LONG GRAIN
Fabuleuse dans les préparations culinaires, l’huile de coco remporte un grand succès depuis quelques années ; c’est un véritable atout pour la santé. Elle est élaborée à partir de la chair de noix de coco broyée. Privilégiez les marques bio comportant les mentions « vierge » et « pression à froid », gages que les qualités nutritives sont respectées.
On utilise le plus souvent le riz surinam au grain long et fin, idéal pour réaliser plusieurs variétés de recettes délicieuses.
LE RHUM
Fabriqué à partir de la canne à sucre, on distingue deux catégories de rhum : • le rhum agricole est obtenu à partir de la distillation de pur jus de canne frais appelé vesou en LE CLOU DE GIROFLE créole ; Une épice bien connue pour sa saveur très • le rhum traditionnel est obtenu par distillation forte. Il s’utilise entier dans de nombreux plats du résidu de la fabrication du sucre, la mélasse. comme les courts-bouillons, ou bien en poudre Le rhum est utilisé dans de nombreuses repour la confection de recettes traditionnelles cettes de cocktails ou bien dans les rhums arrangés. En cuisine, le rhum est le plus souvent comme le boudin. 21
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Née à Fort-de-France, en Martinique, Jocelyne Béroard est l’une des figures emblématiques du groupe mythique Kassav’. Chanteuse de zouk au parcours exceptionnel, elle a participé aux chœurs ou en solo à plus de 500 chansons du groupe Kassav’, qui a plus d’une cinquantaine d’albums à son actif, et donné des concerts dans 75 pays. Dès l’enfance, elle chantait déjà dans les soirées familiales entre ses cours de danse classique et de piano. À 20 ans, elle abandonne ses études de pharmacie à Caen pour intégrer l’École des beaux-arts à Paris, où elle est introduite dans le milieu du show-business antillais. Devenue choriste professionnelle, elle est de plus en plus sollicitée et, en 1980, elle part pour six mois en Jamaïque pour travailler avec Lee Perry. À son retour, elle rejoint les Gibson Brothers, stars du disco en France. 1980 est aussi l’année de son premier contact avec le groupe Kassav’ récemment créé par Jacob Desvarieux et les frères Décimus. Elle les rejoindra définitivement en 1983. En 1981, elle est choriste de Bernard Lavilliers. Entre les tournées, et jusqu’en 1985, elle chante dans les pianos-bars de Paris. Parallèlement, elle enregistre des pubs et des chœurs et travaille avec de nombreux artistes dont Manu Dibango ou Zachary Richard. Jocelyne Béroard enregistre son premier titre en solo avec Kassav’ en 1984, Moment ta la. Puis l’année suivante, deux titres qui sont d’énormes succès populaires, Mové jou et Pa bizwen palé. Elle obtient
Elle est aussi la première femme depuis longtemps à réussir à s’imposer dans un milieu plutôt machiste. Son succès entraîne l’éclosion de toute une génération de chanteuses. En 1987, le chanteur Philippe Lavil lui propose de reprendre en duo Kolé séré, un des titres de son album Siwo. Le single vendu à près de 500 000 exemplaires monte à la deuxième place des charts français. En 1991, Jocelyne enregistre son deuxième album solo, Milans, qui lui vaut le prix Sacem de l’interprète féminine en Martinique et le prix de RCI (Radio Caraïbes International). Elle devient la marraine de l’association Enfance et Partage à la Martinique, qui s’occupe des enfants subissant des violences. En 1992, le groupe est appelé par la cinéaste Euzhan Palcy pour son troisième long-métrage, Siméon. Jocelyne est l’une des deux héroïnes de cette fable musicale. Elle s’engage par ailleurs à participer à toutes les manifestations annuelles des Enfants de la Terre, l’association de Yannick Noah. En 1995, Jocelyne enregistre avec Kassav’ l’album Difé. Elle obtient pour le titre Ké sa lévé le prix Sacem du meilleur auteur en Martinique. En 1996, Jacob Desvarieux et Jocelyne Béroard sont nommés officiers de l’ordre du Mérite par le président du Sénégal Abdou Diouf, pour leur engagement en soutien aux enfants défavorisés du Sénégal ; deux ans plus tard, en France, elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur.
JOCELYNE
ainsi comme les autres chanteurs du groupe d’enregistrer son premier album solo. En 1986, Siwo est un superbe succès : double disque d’or. Pour la première fois, une femme chante les joies, les désirs, les peines et les frustrations des Antillaises.
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En 2003, elle sort son troisième album, Madousinay, puis, en 2005, elle commence à se produire en solo ; Jocelyne Béroard fait l’Olympia en 2011, la Cigale en juin 2018 et, en fin d’année, son concert en Guadeloupe réunira 11 000 spectateurs.
Parallèlement à la chanson, Jocelyne est aussi actrice. On la voit dans Nèg Maron auprès d’Admiral T, sorti en 2005, et en 2016, dans Le Gang des Antillais, tous deux réalisés par Jean-Claude Barny. En 2009, Kassav’ remplit le Stade de France et, en 2019, la tournée mondiale des 40 ans mène le groupe jusque dans le Pacifique et s’étendra jusqu’en fin d’année, terminant en apothéose en Guadeloupe et en Martinique. Quel est ou quels sont vos plats favoris de la cuisine antillaise ? Un produit phare ? Donner un seul plat favori, ça va être difficile. Il y a beaucoup de plats que j’aime. À part le porc. Je n’en mange pas parce que cela m’a toujours rendue malade quand j’étais petite, notamment le boudin. Les boudins, je vais plutôt les prendre aux fruits de mer ou à la morue, au poisson fumé ou aux oursins, aux lambis, etc. J’ai été végétarienne pendant quelques années.
Mais les choses que je trouve absolument délicieuses, ce sont les soupes. Chez nous en Martinique, on a une soupe très typique, c’est le pâté en pot, une soupe faite avec les abats de mouton et souvent servie pendant les fêtes, lors des réceptions, des mariages, des veillées mortuaires. Il y a aussi le calalou, qui est plutôt une soupe verte faite avec ce qu’on appelle les « herbages », genre d’épinards, avec des gombos. C’est ma soupe préférée. En général, les gens ajoutent du cochon fumé pour le goût, soit la couenne du jambon, soit du lard… Ma mère la cuisinait pour moi sans porc chaque fois que je rentrais aux Antilles. Le gombo en vinaigrette est un délice. Elle cuisinait aussi le pot-au-feu, mais pas comme en France où les légumes sont entiers. Chez nous, ils sont coupés et on n’oublie jamais le giraumon, potiron en France. En laissant bien mijoter la soupe, ils finissent par l’épaissir.
Le matoutou (matété en Guadeloupe), à base de crabe l’eau et cette préparation nous permettait, à nous et de riz, est généralement cuisiné pendant la période les filles, et quelquefois les garçons (nous étions six de Pâques. Chaque événement a son plat associé. À enfants, deux frères aînés et trois sœurs cadettes), Noël, c’est le cochon. À Pâques, le crabe. Lors des de tous nous retrouver autour de la table pour aider communions, c’est le chocolat, très épicé avec canma mère. En manger aujourd’hui me rappelle ces monelle, vanille, muscade, épaissi, avec parfois de la ments… poudre d’amandes et servi avec le pain au beurre, Les préparations exigent souvent beaucoup de temps, sorte de gâteau natté. Pour les mariages et baptêmes, on ne fait jamais une viande ou un poisson sans les en général, ce sera le mouton. avoir mis à macérer au préalable. L’ail est capital, avec le bouquet garni composé de thym, laurier, oignon En accompagnement, je préfère les légumes au riz. pays (cive), persil et clou de girofle. Pour le poisson La christophine, le fruit à pain, la banane frite ou en et certains ragoûts, on va ajouter feuilles ou graines gratin, les légumes dits « racines », comme la dachine de bois d’Inde. ou l’igname, que je préfère à la patate douce. Lorsque nous allions dans la maison de vacances de Avec Kassav’, je vais régulièrement dans l’île sœur, et ma grand-mère à Schœlcher, le matin en général on j’avoue préférer le court-bouillon de poisson de Guade« tirait la senne », c’est-à-dire qu’on ailoupe parce qu’ils ont une autre manière de le cuisiner. Le beurre rouge, préparé On ne fait jamais dait les pêcheurs à ramener les filets de poissons sur la plage. Et nous recevions avec des graines de roucou qu’utilisaient une viande en échange une petite part, souvent des les Indiens caraïbes, en est la base… ou un poisson petits poissons, et on rentrait à la maison On consomme beaucoup de poissons et heureux de notre lot. On les nettoyait, les de fruits de mer. Le lambi, par exemple, sans les avoir faisait cuire en blaff le matin. est délicieux en fricassée ou grillé, ou mis à macérer Boire un café sur un balcon me rappelle encore mis dans une tarte ou un « boau préalable. aussi mon enfance… kit », genre de sandwich. On fait même des pizzas au lambi qui sont un régal. Les Quel est votre lien aujourd’hui avec cette cuisine ? têtes d’oursins, que l’on appelle « tet-chadrons », sont Je cuisine souvent et aime varier les plaisirs. Je m’inégalement très prisées. La coquille de l’oursin est téresse à toutes les cuisines du monde. Étudiante, je remplie à ras bord de chair d’oursin qu’on fait sauter fréquentais des gens qui venaient du monde entier. à la poêle avec oignons et épices. Le chatrou (poulpe) Donc j’ai appris à faire beaucoup de plats comme le est aussi très apprécié. couscous, le mafé, la cuisine asiatique… La cuisine antillaise pouvant demander beaucoup de temps, mes Avez-vous un ou des souvenirs qui s’y rattachent, repas rapides de tous styles seront toujours assaivotre « madeleine de Proust » ? sonnés « à l’antillaise ». Mais si j’invite à manger chez Je crois que la plupart des Antillais de ma tranche moi, je tâche de cuisiner de façon plus traditionnelle. d’âge avaient des parents qui cuisinaient à la maison, il n’y avait ni surgelés ni McDonald. J’ai des souvenirs de Avez-vous une astuce ou une petite recette, préparatifs pour aider. Car si cela ne me dérange pas, un conseil de cuisine à donner ? quand je mange un matoutou, de tout décortiquer, de L’astuce sera celle des grands-mères, le « séra », que casser chaque patte, chaque pince, mon père en avait l’on ajoute en toute fin de cuisson et qui va apporter horreur. Ma mère lui décortiquait tout, aussi bien le ce petit plus qui va relever la saveur. Il se compose crabe que les crevettes. Et pour déguster les crabes essentiellement d’ail frais pilé et de jus de citron vert, farcis, il fallait passer des heures à les décortiquer ! additionnés, si on veut, de persil, poivre, thym selon Le pâté en pot aussi exigeait que l’on se mette tous aula recette… tour de la table pour découper les légumes (et viandes) en tout petits morceaux parce qu’il fallait les faire rissoler. Ils devaient devenir crémeux avant d’ajouter Portraits de Jocelyne Béroard : © Aïscha Bamboux
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ENTRÉES
PÂTÉS CRÉOLES DIFFICULTÉ : MOYENNE • PRÉPARATION : 1 HEURE • CUISSON : 20 MINUTES • COÛT : BON MARCHÉ
INGRÉDIENTS POUR 25 PETITS PÂTÉS
POUR LA PÂTE BRISÉE 1 jaune d’œuf + 2 jaunes pour la dorure avant cuisson 250 g de farine 7 cl d’eau tempérée 125 g de beurre pommade 1 cuillerée à café de sel POUR LA FARCE 250 g de chair à saucisse 1 œuf entier 1 oignon 2 gousses d’ail 6 brins de cive 1 botte de persil plat 1 branche de thym 2 piments végétariens 1 cuillerée à café de piment de la Jamaïque Sel, poivre
PRÉPARATION
Préparez la pâte : versez la farine dans un saladier, ajoutez le beurre pommade en morceaux et le sel et mélangez du bout des doigts, puis ajoutez le jaune d’œuf. Commencez à malaxer en incorporant doucement l’eau jusqu’à l’obtention d’une boule. Filmez la pâte et laissez reposer. Pour la farce, ciselez l’oignon et hachez les gousses d’ail, la cive, le persil, le thym et les piments végétariens. Versez le tout dans une poêle et faites revenir quelques minutes. Dans un saladier, mélangez la chair à saucisse, l’œuf entier et le mélange aromatique. Versez par-dessus le piment de la Jamaïque, assaisonnez, mélangez à nouveau et réservez. Préchauffez le four à 180 °C (th. 6). Pour réaliser les pâtés, commencez par étaler la pâte brisée au rouleau à pâtisserie, puis découpez 50 cercles à l’aide d’un emporte-pièce. Garnissez la moitié des cercles de farce au centre et refermez d’un second cercle de pâte brisée en pressant les bords pour les souder, puis dorez les pâtés créoles au jaune d’œuf à l’aide d’un pinceau. Enfournez pour 20 minutes.
LE CONSEIL DU CHEF Les pâtés créoles sont souvent servis à la période de Noël et confectionnés à base de viande de porc, bien que le poisson s’adapte très bien aussi à cette recette.
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ENTRÉES
PETIT SHOT D’ÉMULSION DE MANGUE,
CROUSTILLANTS DE BANANE VERTE DIFFICULTÉ : FACILE • PRÉPARATION : 15 MINUTES • CUISSON : 15 MINUTES • COÛT : BON MARCHÉ INGRÉDIENTS POUR 6 PERSONNES
POUR LE CROUSTILLANT 6 feuilles de brick 2 bananes vertes 2 jaunes d’œufs 2 échalotes 4 brins de coriandre 1 piment végétarien 1 cuillerée à soupe de curry 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive Huile végétale (pour la friture) Sel, poivre POUR LE PETIT SHOT 1 mangue 2 cuillerées à soupe de miel 1 cuillerée à café de curcuma frais 1 cuillerée à soupe de jus de citron vert 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive
PRÉPARATION
Épluchez les bananes et coupez-les en brunoise. Pelez et ciselez les échalotes. Dans une poêle, faites revenir dans de l’huile d’olive les échalotes ciselées et le piment végétarien 2 petites minutes. Saupoudrez de curry, ajoutez les bananes et versez de l’eau jusqu’à mi-hauteur. Assaisonnez. Faites cuire jusqu’à absorption de l’eau, pendant 1 minute environ, rectifiez assaisonnement si nécessaire et laissez refroidir. Incorporez la coriandre hachée grossièrement. Coupez une feuille de brick en quatre. Badigeonnez le centre de jaune d’œuf au pinceau, mettez une cuillerée à soupe de farce et roulez la feuille. Répétez jusqu’à épuisement des feuilles de brick. Préparez un bain de friture dans une friteuse et faites frire les croustillants pendant 2 minutes. Réservez sur du papier absorbant. Épluchez la mangue et mixez sa chair avec le reste des ingrédients, puis réservez au frais. Versez un peu d’émulsion de mangue dans un petit verre à shot, puis déposez un croustillant au milieu.
LE CONSEIL DU CHEF Le piment végétarien est la petite star de la cuisine antillaise. Il est idéal pour accommoder les plats typiques comme les marinades à base de poisson ou de viande ; il ne pique pas, contrairement au fameux « bonda man jak », juste parfumé, il donne beaucoup de goût aux plats.
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PLATS
MIGNON DE PORC FERMIER ROUSSI AU SUCRE DE CANNE DIFFICULTÉ : MOYENNE • PRÉPARATION : 45 MINUTES • CUISSON : 1 H 30 • COÛT : BON MARCHÉ
INGRÉDIENTS POUR 4 PERSONNES
2 filets mignons de 400 g 1 carotte 1 oignon 2 échalotes 2 gousses d’ail 2 feuilles de bois d’Inde 1 branche de thym 2 piments végétariens 2 clous de girofle 1 anis étoilé 2 cm de gingembre frais 1 cuillerée à soupe de graines à roussir 2 cuillerées à café de piment de la Jamaïque 50 g de farine (pour le roux) 10 cl de bière 3 cuillerées à soupe de soja 2 cuillerées à soupe de vinaigre de Xérès Le jus d’1 citron vert 50 g de beurre (pour le roux) Huile d’olive 2 cuillerées à soupe de sucre de canne Sel, poivre
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PRÉPARATION
Ôtez les extrémités de chaque filet mignon et gardez-les restant pour la sauce. Préparez la marinade : malaxez la viande avec l’ail, un piment végétarien haché finement et versez par-dessus un filet d’huile d’olive. Réservez dans un plat allant au four. Dans une marmite, faites colorer dans 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive les chutes des filets mignons avec l’oignon et les échalotes ciselés, 1 piment végétarien et la carotte coupée en brunoise, puis versez les graines à roussir et remuez énergiquement. Ajoutez ensuite les clous de girofle, l’anis étoilé, le gingembre frais, le piment de la Jamaïque, ainsi que le thym et les feuilles de bois d’Inde, saupoudrez de sucre de canne et déglacez avec le vinaigre de Xérès et la sauce soja. Laissez réduire pendant 2 minutes et ajoutez la bière, le jus de citron, puis versez 1 litre d’eau. Portez à ébullition puis écumez et laissez cuire pendant 1 heure à feu doux. Passez le jus obtenu à travers un tamis. Versez-le dans la marmite, laissez réduire légèrement avec un roux (faites fondre le beurre, puis incorporez la farine en mélangeant à l’aide d’un fouet) et rectifiez l’assaisonnement si nécessaire. Préchauffez le four à 80 °C (th. 2-3). Faites revenir les filets mignons de porc dans une poêle avec 1 cuillerée à soupe de beurre noisette jusqu’à ce qu’ils prennent une belle coloration, soit 2 à 3 minutes sur chaque face, puis enfournez pour 1 h 30. Servez aussitôt les filets coupés en médaillons et accompagnés de falafels de pwa di bwa (voir p. 148). LE CONSEIL DU CHEF Favorisez une cuisson très lente et savoureuse de manière à obtenir une viande bien moelleuse. Les graines à roussir sont un mélange d’épices et de graines (cumin, moutarde et fenugrec) d’origine antillaise.
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DESSERTS
BANANES FLAMBÉES AU RHUM VIEUX DIFFICULTÉ : FACILE • PRÉPARATION : 10 MINUTES • CUISSON : 5 MINUTES • COÛT : BON MARCHÉ
INGRÉDIENTS POUR 4 PERSONNES
4 bananes ½ gousse de vanille 1 pincée de cannelle Le jus de 2 oranges Le jus d’1 citron vert 5 cl de rhum vieux Beurre 3 cuillerées à soupe de sucre de canne
PRÉPARATION
Épluchez les bananes. Faites-les dorer dans une poêle à feu moyen avec un peu de beurre, puis saupoudrez-les de sucre de canne et versez le jus des oranges et du citron vert. Ajoutez enfin la vanille et la cannelle. Faites réduire de moitié en arrosant les bananes avec une grosse cuillère, toujours sur feu moyen. Augmentez le feu et versez le rhum vieux sur les bananes, puis faites-les flamber en penchant légèrement la poêle vers la flamme. Servez immédiatement et dégustez. VARIANTE
Vous pouvez préparer ce dessert avec du sirop de batterie, qui est un concentré de jus de canne cuit, à la place du sucre de canne.
LE CONSEIL DU CHEF La banane – de Guadeloupe ou de Martinique, bien sûr, ma préférée ! – flambée au rhum vieux est un incontournable de la cuisine antillaise. Et pourquoi pas avec une boule de glace à la vanille ?
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UN LIVRE HAUT EN COULEUR ET EN SAVEUR ! Archipel composé de plusieurs îles dont la Guadeloupe et la Martinique, les Antilles bénéficient de conditions climatiques exceptionnelles favorables à la diversité de leurs produits phares. Si l’on ajoute à cela les influences des différents peuples qui y ont fait escale, il en résulte une cuisine riche et délicate. Le chef Jérôme Bertin nous fait découvrir les meilleures recettes antillaises, grands classiques ou créations originales, et nous emmène pour un voyage gourmand exotique et chaleureux, où se mêlent parfums et couleurs. Découvrez les caractéristiques de cette cuisine, les spécialités incontournables, le placard idéal, ainsi que des recettes d’entrées, de plats, d’accompagnements, de boissons et de desserts. Et comme personne n’évoque mieux la cuisine que ceux qu’elle a bercés, des personnalités nous parlent de leurs plats favoris, de leurs souvenirs de cuisine aux Antilles et de ce que cela représente pour elles aujourd’hui.
UNE ODE À LA CONVIVIALITÉ, À LA GÉNÉROSITÉ, À LA POSITIVITÉ !
29,95 €
MDS MN24061