Joséphine Baker, Anna Pavlova, Isadora Duncan et autres vraies histoires de danseuses
Direction : Guillaume Arnaud
Direction éditoriale : Sophie Cluzel
Édition : Emmanuelle Rivoire-Grimaud
Direction artistique : Thérèse Jauze, avec Laura Burnel
Direction de la fabrication : Thierry Dubus
Fabrication : Julia Mirenda
Mise en page : Astrid Payet
© Mame, Paris, 2025. 57 rue Gaston-Tessier, 75019 Paris www.mameeditions.com
ISBN : 9782728936717
MDS : MM36717
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Blanche Hinterlang Alicia Rutigliano
Joséphine Baker, Anna Pavlova, Isadora Duncan et autres vraies histoires de danseuses
Marie Taglioni, la première
sur pointes
Au XIXe siècle, les premières danseuses « classiques » apparaissent : chaussons de satin, tutus en tulle et chignons tirés à quatre épingles. Toute la bonne société se presse à l’Opéra pour les admirer.
Voici l’histoire de la célèbre Marie Taglioni, qui entra à tout jamais dans la légende en dansant pour la première fois un ballet entier sur la pointe de ses chaussons.
Marie Taglioni
Depuis ce matin, on entend de drôles de trottinements dans les couloirs de l’Opéra de Paris. Ce sont les petits rats, ces jeunes élèves du ballet, qui courent d’excitation sur les parquets cirés de la Maison. Ils viennent s’agglutiner derrière le rideau en épais brocart rouge du théâtre Le Peletier. Les petites danseuses, surtout, sont fébriles et se hissent sur la pointe de leurs chaussons pour apercevoir, depuis les coulisses, une répétition.
Que se passe-t-il ?, demande une dernière venue, étonnée de cette effervescence.
C’est la grande Marie qui apprend un nouveau rôle, lui répond sa camarade.
Oh ! Moi aussi je veux voir !
Alors, chut ! Sinon, maître Taglioni va nous gronder.
Marie Taglioni
Maître Taglioni est un célèbre danseur devenu chorégraphe : il invente des ballets et fait danser les plus grands artistes de son temps. Il y a quelques semaines, il a promis au directeur de l’Opéra, Louis-Désiré Véron, un spectacle époustouflant.
Ce sera une révolution, monsieur le directeur ! Vraiment, cher Philippe ?, lui répond monsieur Véron, curieux d’en apprendre davantage.
Oui, et je peux déjà vous dire que ma fille Marie sera sublime dans le premier rôle. Je vous promets une salle comble, dès la première soirée.
Marie Taglioni
C’est ainsi que Marie, la fille du célèbre maître italien Philippe Taglioni, répète depuis des jours et des jours… Il faut du temps pour qu’un ballet prenne forme ! Et maître Taglioni est très exigeant. Surtout avec sa fille, Marie, qu’il forme à la danse depuis son plus jeune âge. Avec un tel professeur, Marie est devenue une grande danseuse qui n’a plus qu’un rêve : se hisser toujours plus haut, vers les étoiles. Elle aimerait tant que le public la croie capable de s’envoler sans effort…
Ce jour-là, Marie est en train de danser, plus aérienne que jamais. Soudain, un murmure d’étonnement parcourt les petits rats, toujours massés derrière le rideau.
Oh, mais que fait-elle ?, chuchote une jeune élève.
Je ne sais pas, je n’avais jamais vu une danseuse faire cela avant, lui répond une amie.
Au son des violons et du hautbois, Marie vient de lever les bras, puis, lentement, elle se surélève pour, enfin, se hisser entièrement sur le bout de ses pieds. Elle touche à peine le sol et se met à danser ainsi pendant de longues minutes sur la pointe de ses chaussons. De temps en temps, elle s’arrête, se penche. On pourrait alors croire qu’elle va tomber… mais non ! Elle se redresse et repart de plus belle, effleurant la scène sans jamais perdre l’équilibre.
Marie Taglioni
Les jeunes ballerines sont stupéfaites.
C’est incroyable, on dirait qu’elle flotte !
Mais comment fait-elle pour tenir sur ses pointes de pieds ?
J’ai entendu qu’elle a renforcé ses chaussons avec du papier et de la poix.
Comme elle doit avoir mal !
Mais non, elle a mis du coton pour protéger ses orteils !
Les petits rats gloussent, mais ne perdent pas une miette de ce prodige. Avant Marie Taglioni, aucune danseuse n’avait réussi à se hisser pendant si longtemps sur la pointe des pieds. Marie semble vouloir s’envoler…
Quelques jours plus tard, tout est prêt. De larges affiches aux couleurs pastel ont été collées devant l’Opéra. On y voit Marie dans un costume bleu pâle, deux petites ailes sur son dos, une couronne de fleurs posée sur son chignon noir et de fins chaussons de soie blanche aux pieds. Avec un gros titre : La Sylphide.
Marie Taglioni
Le soir de la première, la foule se presse dans le majestueux escalier qui mène à la salle. Quelle excitation ! Les dames, bien élégantes dans leurs robes bouffantes et manteaux de vison, murmurent entre elles :
Il paraît qu’elle aura un costume unique, du jamais vu ! Vraiment ?
Oui, un tutu de mousseline blanche et… on voit même ses chevilles !
Marie Taglioni
Comme c’est choquant !, réplique une jeune demoiselle.
Tout à l’air si nouveau, si exceptionnel. Enfin, le grand moment arrive. L’orchestre s’installe dans la fosse, les instruments s’accordent et on tamise doucement les lumières de la salle. Le public se tait, impatient.
Le rideau se lève. Sur scène, apparaît James, un beau jeune homme écossais, assoupi dans un fauteuil en bois. Près de lui se tient une merveilleuse créature ailée : c’est une sylphide, un esprit de l’air. James se réveille, la regarde… et tombe tout de suite amoureux de cette femme plus belle qu’un ange. Il la suit dans la forêt et tous deux dansent dans une magnifique clairière baignée par la lune. Que Marie est belle ! Car oui, c’est bien elle qui se cache derrière la sylphide. Elle est devenue aussi délicate que celle qu’elle incarne. Ses bras blancs esquissent des mouvements aux lignes pures, ses jambes s’élèvent au rythme de la musique, soulevant les voiles de mousseline blanche et, sur ses chaussons qui scintillent dans la pénombre, Marie semble flotter.
Il suffit de quelques représentations pour qu’une frénésie s’empare de la ville. Tout le monde ne parle plus que de Marie, cette danseuse de l’Opéra qui, pour la première fois dans l’histoire du ballet, a dansé sur ses pointes. Les dames veulent toutes porter des tutus blancs et des chaussons, les coiffeurs apprennent à tresser les cheveux « à la Taglioni », tandis que les marchands vendent des statuettes à l’effigie de Marie dans son costume de sylphide.
Marie Taglioni
Même les écrivains imaginent des romans pour raconter l’histoire de ces légendaires créatures venues de la brumeuse Écosse.
Après un tel succès, l’Europe entière veut voir Marie danser : Londres, Milan, Vienne, Munich… Elle est invitée partout et ira jusqu’à Saint-Pétersbourg pour danser devant le tsar ! Quand, devenue une dame âgée, elle ne peut plus danser, Marie décide de transmettre son art aux jeunes filles qui, comme elle, veulent s’élever vers le ciel. Ceux qui viennent aujourd'hui se recueillir sur sa tombe au cimetière du Père-Lachaise à Paris peuvent lire, gravé sur le marbre : « Ô Terre, ne pèse pas trop sur elle. Elle a si peu pesé sur toi. »
Table des matières
Marie Taglioni (1804-1884), la première sur pointes 5
Isadora Duncan (1877-1927), la danseuse aux pieds nus 15
Anna Pavlova (1881-1931), le cygne russe 29
Joséphine Baker (1906-1975), une Américaine à Paris 41
Ginger Rogers (1911-1995), la danse sur grand écran 51