Bateaux fantômes disparitions étranges d'hier et d'aujourd'hui

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BATEAUX

FANTÔMES

NAVIRES MAUDITS : enquêtes stupéfiantes sur les équipages disparus, les épaves dérivantes et autres mystères de la mer

« Le vaisseau fantôme de la lune s’avance dans un ciel en haillons.

La pâleur des morts accoudés au bastingage du vaisseau donne au satellite sa clarté huileuse. »

Sylvain Tesson. Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages.

Le firmament reluit de toutes ses étoiles.

Quel est là-bas, là-bas, voguant à pleines voiles

Sur les flots bleus de l’Océan, Ce navire aux longs mâts qu’aucun vent ne balance, Dont tous les agrès font silence,

Et dont chaque canon béant, Sans aucun artilleur de garde, Pointé vers l’horizon, reste morne et regarde ?

Mikhaïl Lermontov. Le Bateau fantôme

We're sailing on a a strange sea

Blown by a strange wind

Carrying the strangest crew

That ever sinned

The Waterboys. Strange Boat

-ILES VAISSEAUX IMAGINAIRES OU INCONNUS

LE HOLLANDAIS VOLANT

Le récit fondateur du mythe moderne

Vieille de plusieurs siècles, cette histoire de capitaine maudit perdure dans la culture occidentale sans jamais décliner, au point d’être devenue un pilier du folklore maritime et d’inspirer nombre d’artistes.

Posez la question : quel est le bateau fantôme le plus connu ? Il est très probable qu’on vous cite d’abord la Mary-Céleste (une affaire hors du commun détaillée dans le troisième chapitre) mais le Hollandais volant ne devrait pas être loin. Drôle de nom pour un bateau fantôme, non ? Cette histoire est d’importance car c’est sur ses fondements que se sont forgés bien des récits d’apparition de navires extraordinaires. La légende du Hollandais volant remonte à plusieurs siècles, sans qu’il soit possible d’en fixer la date avec précision. On en trouve les premières mentions écrites au début du xviiie siècle, mais des récits oraux et des histoires similaires laissent à croire que le récit est encore plus ancien.

Quoi qu’il en soit, la crainte du Hollandais volant est profondément ancrée chez les marins de toutes les nations. Dans son Dictionnaire infernal (3 e édition de 1844 publiée chez Paul Mellier), l’écrivain français Jacques Collin de Plancy (1793-1881), auteur de plusieurs ouvrages sur l’occulte et l’insolite, écrit que ces hommes de la mer « croient à l’existence d’un bâtiment hollandais dont l’équipage est condamné par la justice divine, pour crime de piraterie et cruautés abominables, à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles. On considère sa rencontre comme un funeste présage ».

L’ARCHÉTYPE DU VAISSEAU FANTÔME

Sur le bateau lui-même, même si les descriptions varient d’une source ou d’une adaptation à l’autre, les avis s’accordent pour représenter le Hollandais volant comme un vaisseau d’apparence spectrale, nimbé de couleurs grises aux voiles sombres et délabrées, qui navigue le plus souvent dans une brume épaisse d’où il surgit sans prévenir. En général, il s’agit d’un brick, c’est-à-dire un voilier à deux mâts, un grand à l’arrière, un mât de misaine plus petit à l’avant, avec des voiles carrées.

Dans certaines variantes, le Hollandais volant prend la forme d’un navire étrangement luminescent ou qui émet une lueur fantomatique, ce qui ajoute à son aspect surnaturel.

La légende du Hollandais volant est muette sur la zone où l’on est susceptible de le croiser. Mais, dans la plupart des récits qui la reprennent, il est question d’océans tumultueux et de régions réputées pour leurs tempêtes, comme le cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud ou d’autres zones maritimes dangereuses et agitées. Ces récits donnent lieu à de multiples déclinaisons, ce qui entretient forcément un nuage de mystère autour de la légende maritime.

LE CAPITAINE MAUDIT

Le nom même « Hollandais volant » (Flying Dutchman pour les anglophones) désigne à la fois le bâtiment et son capitaine. À propos de celui-ci, les interprétations diffèrent. Le seul consensus concerne la malédiction qui frappe le malheureux marin. Le reste est plus complexe !

Pour certains, la légende puiserait son origine dans les exploits d’un capitaine hollandais du xviie siècle nommé Barend Fokke. Ce marin émérite, employé de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, avait la réputation de faire ses courses entre l’Europe et l’Asie à une vitesse surprenante pour l’époque. Comme il « volait » littéralement sur l’eau, on l’a affublé du surnom « Hollandais volant » et les mauvaises langues n’ont pas hésité à expliquer ce talent par l’intervention du Diable !

Et parce que l’irrationnel n’a jamais de limites, l’extrême laideur du capitaine ne pouvait que justifier ce pacte avec le Malin. Or, l’une des courses de Fokke tourna mal puisque le capitaine disparut avec son navire et son équipage. Lorsqu’apparut la légende du Hollandais volant, Fokke se retrouva logiquement à la barre du vaisseau fantôme… Mais la légende aurait-elle précédé les tribulations du capitaine Fokke ?

QUELLE VERSION EST LA BONNE ?

La première référence écrite au Hollandais volant date de 1790, dans un récit de voyages en mer écrit par l’Écossais John MacDonald et intitulé Travels in Various Part of Europe, Asia and Africa During a Serie of Thirty Years and Upward. Selon l’histoire rapportée, « un Hollandais arrivant au Cap un jour de tempête voulut entrer au port mais ne trouva aucun pilote pour l’accompagner, ce qui mena le bateau à sa perte ». Mais à peine cinq ans plus tard, l’Anglais George Barrington propose une autre version dans A Voyage to Botany Bay. Pour lui, ce seraient des marins d’un vaisseau de guerre hollandais qui auraient diffusé une croyance superstitieuse, car leur bâtiment serait ensuite apparu sous la forme d’une silhouette spectrale.

Rebelote en mai 1821 où la légende fait son apparition dans un journal britannique, le Blackwood’s Magazine. Dans un article dont l’auteur est inconnu, entre en scène un capitaine du nom de Vanderdecken (ou Van der Decken). Alors qu’il tentait de franchir le cap de Bonne-Espérance, ce marin aurait bravé une tempête dévastatrice et refusé de renoncer à sa route, au grand dam de son équipage. Le capitaine aurait alors défié les forces du ciel de couler le navire. Une apparition lumineuse lui aurait fait face et le capitaine, fou de rage, l’aurait menacée, insultée et lui aurait tiré dessus au pistolet. Une malédiction implacable se serait alors abattue sur le marin irascible : puisqu’il lui plaisait tant de tourmenter les marins, il serait le mauvais esprit de la mer et son navire apporterait l’infortune à ceux qui le verraient. Vanderdecken reçut en guise de châtiment l’obligation de naviguer éternellement sur les océans. Sa malédiction lui interdisait de trouver le repos et il fut donc condamné à voguer sans relâche. Son seul salut résidait dans l’espoir, bien mince, de trouver quelqu’un qui accepte de prendre sa place…

Cette version, reprise en France dès 1832, inspire nombre de variantes qui ont pour point commun la nationalité hollandaise du navire et le lieu de l’incident, aux abords du cap de Bonne-Espérance, en Afrique du Sud. Pour le reste, les circonstances évoluent selon l’imagination des auteurs : le capitaine fait de la contrebande ou est assassiné par son équipage, le Diable fait obstacle au navire, à moins que ce soient des pirates ou une épidémie de peste…

LE TÉMOIGNAGE TROUBLANT DU ROI D’ANGLETERRE

De l’avis de tous les experts, la légende du Hollandais volant est vraiment… une légende, en ce sens qu’elle ne repose sur aucun fondement historique. Certes, comme il n’y a jamais de fumée sans feu, des auteurs ont émis l’hypothèse qu’elle ait été inspirée par des récits de marins ayant affronté d’effroyables tempêtes ou vécu des péripéties insolites en haute mer. Au fil du temps, ces narrations se seraient entremêlées pour former la légende telle qu’on la connaît de nos jours.

Les témoignages de marins ou de navigateurs prétendant avoir croisé le Hollandais volant ne manquent pas. Mais ils n’ont pas valeur de preuve, ce sont le plus souvent des récits soit anecdotiques, soit transmis de génération en génération au point d’être transformés. De ces rapports parfois brumeux sort toutefois un témoignage plus percutant que les autres car il fut produit par le jeune duc d’York, appelé à régner sur le trône d’Angleterre sous le nom de George V.

Lors de son service dans la marine britannique, le jeune homme navigue en 1881 avec son frère le prince Albert Victor sur le navire école La Bacchante. Le 11 juillet, vers quatre heures du matin, alors que le bateau fait route dans les eaux australiennes vers Sydney, le futur roi rapporte avoir vu de ses propres yeux un vaisseau fantôme qu’il identifie au Hollandais volant. Sans signe avant-coureur, le vent s’est levé et La Bacchante a commencé à osciller de gauche à droite, et à avancer péniblement dans des eaux désormais agitées. Tout à coup, comme surgi du néant, un autre navire, lancé à pleine vitesse, a foncé sur le navire école.

Dans son carnet de voyage, le duc d’York rédige cette note détaillée :

Un brick passa sur notre avant, à environ deux cents yards, le cap vers nous. Une étrange lumière rouge éclairait le mât, le pont et les voiles. Le veilleur d’étrave signala le navire très proche et le lieutenant de quart le vit aussi, clairement, de la passerelle. Un aspirant fut envoyé sur le gaillard d’avant. Mais il ne vit cette fois aucune trace, aucun signe d’un navire réel. Treize personnes ont été témoins de l’apparition. La nuit était claire et la mer, calme. Le Tourmaline et Le Cléopâtre qui naviguaient par tribord avant nous demandèrent par signaux si nous avions aussi vu l’étrange lumière rouge.

Peu de temps après, le marin posté à la vigie en haut d’un mât fait une chute mortelle. Conséquence de la rencontre avec le bateau fantôme ou simple coïncidence ?

Avant eux, un capitaine britannique a fait état en 1835 d’un navire fonçant sur lui, mais qui a ensuite disparu mystérieusement. Ensuite, en 1939, une douzaine de personnes aurait vu un bateau semblable depuis

Glencairn Beach, une plage située au sud-est du Cap, en Afrique du Sud. Si l’on en croit les témoins, le vaisseau inconnu a traversé la zone à vive allure, toutes voiles gonflées… alors qu’il n’y avait pas le moindre vent !

TOUJOURS PRÉSENT DANS LA CULTURE POPULAIRE

De toutes les histoires de vaisseau fantôme, c’est incontestablement celle du Hollandais volant qui a le plus nourri la culture populaire, inspirant de nombreuses œuvres dans la littérature, le cinéma ou la musique, dont les auteurs ont souvent pris de grandes libertés par rapport au récit d’origine.

Dès 1797-1798, Samuel Taylor Coleridge incorpore un vaisseau fantôme, inspiré du Hollandais volant dans son célèbre poème épique La Complainte du vieux marin.

Le premier roman explicite sur le Hollandais volant est The Phantom Ship (1839) que l’on doit à l’écrivain et capitaine de navire Frederick Marryat. Son héros, Philippe Vanderdecken, est le fils du capitaine du navire maudit, lorsque son navire passe le cap de Bonne-Espérance, il croise un grand vaisseau.

[Il] semblait lutter contre un ouragan violent, quoiqu’il fît un calme plat. Il plongeait et s’élevait sur une eau parfaitement tranquille : tantôt disparaissant sous les flots, tantôt se remontrant à la surface. […] Enfin on le vit virer de bord ; et pendant cette manœuvre il était à si peu de distance qu’on aurait pu compter les hommes sur le pont. Mais à ce moment une obscurité soudaine l’enveloppa, et on ne le revit plus.

Un an plus tôt, en 1838, dans son roman Les Aventures d’Arthur Gordon Pym Edgar Allan Poe relate dans le dixième chapitre une rencontre avec

un navire hollandais abandonné, peuplé de cadavres épars. Aucune mention directe du Hollandais volant, mais personne n’est dupe.

Victor Hugo lui-même a donné ses lettres de noblesse à la légende. Dans l’un de ses poèmes de La Légende des siècles, rédigée entre 1855 et 1876, l’auteur des Travailleurs de la mer fait référence au Flying Dutchman en ces termes :

C’est le Hollandais, la barque

Que le doigt flamboyant marque !

L’esquif puni !

C’est la voile scélérate !

C’est le sinistre pirate

De l’infini.

Au cinéma, le film Pandora (dont le titre original est Pandora and the Flying Dutchman), tourné par Albert Lewin en 1951, revisite le mythe du vaisseau fantôme. Pandora Reynolds (Ava Gardner), une chanteuse américaine de passage en Espagne et qui fascine tous les hommes, nage un jour vers un étrange bateau au large du port d’Esperanza. Elle y fait la rencontre d’un étrange navigateur, Hendrick Van der Zee (James Mason), dont elle s’éprend. L’histoire nous est racontée par un témoin, Geoffrey, qui a justement découvert un manuscrit ancien présentant une version inédite de la légende du Hollandais volant.

Plus familière du grand public, la saga Pirates des Caraïbes, lancée en 2003 et qui compte cinq films à ce jour, a repopularisé le mythe, même si la version proposée ne retient de la légende traditionnelle que le navire maudit hanté par les morts et les damnés. Les scénaristes ont imaginé le Hollandais volant comme un navire mythique créé par la nymphe Calypso, à bord duquel le pirate Davy Jones doit mener au bout du monde les âmes des marins morts en mer. S’il réussit sa mission durant dix ans, il lui sera accordé l’immortalité. Sauf que, le moment venu, Calypso ne se présente pas au rendez-vous et le pirate, au comble du tourment amoureux, finit

par s’arracher le cœur qui est ensuite enterré dans un coffre, sur l’île des Quatre-Vents. La malédiction frappe alors Davy Jones et son équipage qui sont transformés en créatures marines horrifiantes…

Le Hollandais volant est également le protagoniste de nombreuses œuvres dessinées, de la bande dessinée Picsou (Le Vaisseau fantôme de Picsou, 1959) à certains épisodes du manga le plus vendu au monde, One Piece (parution depuis 1997), en passant par le comics Le Surfer d’argent (épisode Now Strikes the Ghost de septembre 1969).

Enfin, en musique, le mythe a inspiré nombre de chansons plus ou moins populaires, comme The Flying Dutchman du groupe de rock britannique Jethro Tull en 1979 et un célèbre opéra, Der fliegende Holländer, composé par Richard Wagner en 1843. Ce dernier s’est inspiré d’une nouvelle du poète allemand Heinrich Heine, Mémoires de Monsieur de Schnabelewopski, pour trouver le thème du livret. Dans ce bref récit, un capitaine fantomatique est condamné à naviguer sur les mers pour toujours afin de racheter l’amour d’une femme. Malgré son enthousiasme à sa première lecture en 1838, Wagner ne se met à composer qu’après un voyage vers l’Angleterre durant lequel une violente tempête éclate et oblige le navire à se réfugier dans un fjord norvégien. Là, le compositeur entend les chants des marins locaux et trouve le nom de l’héroïne, Senta. Il composera la musique de son opéra en sept semaines.

Sources

∙ Harris John, Les Vaisseaux fantômes, Presses de la Cité, 1983.

∙ Marryat Frederick, Le Vaisseau fantôme [1839], José Corti (Merveilleux), 1998.

∙ siMon Sylvie, Phénomènes étranges du surnaturel, Grancher, 2001.

∙ scHultz Isaac, « The World’s Most Famous Ghost Ship Is an Enduring Symbol of Empire », Atlas Obscura, 2019.

Le Hollandais volant [ 21

LE CALEUCHE

Le navire fantôme qui rode au large du Chili

Ce vaisseau légendaire naviguerait seulement la nuit près de l’île chilienne de Chiloé, sous la forme d’un grand voilier illuminé. À bord régnerait une atmosphère de fête permanente… pour les âmes des marins décédés. Chez les vivants, seuls quelques chamans auraient la capacité de participer à cette macabre festivité.

N on loin des côtes méridionales du Chili, dans la région des Lacs, s’étend Chiloé, la seconde plus grande île du pays et la cinquième d’Amérique du Sud. Elle mesure 184 kilomètres de long du nord au sud pour 69 dans sa plus grande largeur. Dans sa partie la plus proche du continent, l’île côtière n’est séparée de la terre ferme que de 2,3 kilomètres à peine.

Important lieu de pêche (l’élevage de saumons s’y développe fortement), Chiloé est réputée pour ses maisons multicolores sur pilotis, les palafitos, et surtout pour ses nombreuses églises en bois, dont une quinzaine sont classées par l’Unesco au Patrimoine de l’humanité.

Les Jésuites y ont implanté le christianisme au xviie siècle. Pour autant, si vous passez un jour sur cette île au climat océanique, l’un de ses 155 000 habitants vous glissera peut-être à l’oreille une histoire pas vraiment catholique, celle du Caleuche…

LE PARADIS FLOTTANT DES ÂMES DE MARINS

Le Caleuche (prononcez ka-lé-ou-tché ) serait un magnifique vaisseau fantôme blanc éclairé de mille feux possédant des particularités plutôt étonnantes. D’abord, il ne naviguerait que la nuit. Jusqu’ici, rien de très remarquable. Ensuite, il hébergerait les âmes de tous les marins décédés en mer ainsi que celles des sorciers. Nous restons dans le monde des morts, quoi de plus normal ?

Le plus étonnant, c’est que le Caleuche serait capable de changer d’aspect et de s’enfoncer rapidement dans l’eau pour disparaître, ce qui lui a d’ailleurs valu son nom, car « Caleuche » vient de Kaleuntun qui, en mapudungun (langue amérindienne du peuple mapuche), signifie « se transformer », « changer de peau ». Un vaisseau fantôme amphibie et autonome comme un submersible, voilà qui n’est pas ordinaire !

Lorsqu’il est visible en surface, le Caleuche, que l’on dit resplendissant de lumières mystérieuses, semble animé par une fête sans fin. À l’image de certains yachts de luxe d’où s’échappent, la nuit une fois tombée, les sons assourdis d’une fête privée, les âmes des marins défunts célébreraient avec faste et sans se lasser leur séjour dans l’éternité. En définitive, le Caleuche n’est autre qu’une sorte de paradis flottant sur lequel les chants, la musique et les rires résonnent à jamais dans la nuit…

DES CRÉATURES SURNATURELLES À LA BARRE

Ne vous y trompez pas, le Caleuche n’est pas un vaisseau fantôme à la dérive. Les âmes n’y sont pas abandonnées puisqu’aux commandes on trouve trois personnages surnaturels, la Sirena Chilota (une sirène de la mythologie de Chiloé), la Pincoya et son frère, le Pincoy. Personnage féminin de la mythologie chilote, la Pincoya est née d’un père hybride d’une femme et d’un lion de mer. Elle a la réputation d’ensorceler tous ceux qui la regardent. On peut aussi la voir danser nue sur le rivage, habillée de ses seuls très longs cheveux. Selon qu’elle fait face ou non à la mer, elle peut être la promesse d’une belle année pour la récolte des coquillages.

Si le Caleuche sillonne ainsi la région autour de Chiloé, ce serait pour trouver de nouveaux membres d’équipage, ou bien pour récupérer de nouvelles âmes perdues en mer.

LES POUVOIRS SECRETS DES CHAMANS

Sur l’île de Chiloé, une caste de personnages, bien vivants eux, a le privilège de prendre part, occasionnellement, à la fête à bord. Ce sont les brujos, des chamans de Chiloé, qui composent une confrérie inquiétante à la réputation sulfureuse. Ainsi, il n’est possible de devenir un brujo qui si l’on est coopté par d’autres brujos. Pour cela, il faut passer par une initiation secrète qui comprend notamment plusieurs nuits seul dans l’un des cimetières de l’île. Cette communauté est très mal vue de l’Église en raison de ses coutumes anti-chrétiennes comme l’onction effaçant le baptême du Christ.

Toutes sortes de rumeurs circulent sur ces chamans. Ils seraient capables de voler d’une île à l’autre, de se transformer en animaux, voire de jeter des maléfices. Leurs réunions auraient lieu dans une grotte tenue secrète. Parmi les pouvoirs qui leur sont conférés, il y aurait celui de rejoindre les fêtes éternelles à bord du Caleuche.

Pour cela, il suffirait aux brujos d’invoquer le cheval marin de Chiloé. Il s’agit d’une créature mythique locale de couleur jaune pâle à vert foncé et d’apparence hybride, mi-hippocampe, mi-cheval, avec une crinière d’or, quatre pattes qui se terminent par des palmes et une puissante nageoire caudale. Seuls les brujos de Chiloé peuvent apercevoir cette créature marine extraordinaire et ils l’utiliseraient comme monture pour rejoindre le vaisseau fantôme…

UNE ORIGINE NÉBULEUSE

L’origine de cette légende demeure opaque. A-t-on affaire à une déclinaison locale de croyances importées d’Europe (la barque des morts, les vaisseaux fantômes comme le Hollandais volant…), ou à un récit inventé de toutes pièces à partir d’un fait réel (comme la disparition du navire hollandais Calandre ou l’occupation temporaire de l’île par le corsaire hollandais Baltazar de Cordes) ?

Quoi qu’il en soit, l’histoire du Caleuche est un fascinant syncrétisme entre des traditions chamaniques, les récits de la religion polythéiste mapuche et l’influence de l’Église catholique espagnole, auxquels s’ajoutent des superstitions de marins. Même de nos jours, cette histoire captivante de la mythologie chilienne, profondément enracinée dans la culture locale, demeure vivace tant elle enflamme l’imagination grâce aux habitants de Chiloé qui ont su préserver et transmettre de génération en génération ce récit emblématique de leur patrimoine folklorique déjà très riche en mythes, contes et légendes colorées.

Sources

∙ soustelle Georgette, Soustelle Jacques, Folklore chilien, Institut international de coopération intellectuelle (Collection ibéro-américaine), 1938, p. 95-97.

∙ la croix (de) Robert, Histoire secrète des océans, Ancre de Marine, 1998.

LA GOÉLETTE FANTÔME DE DIEPPE

Le retour redouté de la Belle-Rosalie

C’est une légende bien connue des habitants de Dieppe. La nuit de la Toussaint, un navire fantôme entrerait dans le port de la cité de SeineMaritime pour hanter les esprits des Dieppois. Y aurait-il un fond de vérité derrière cette histoire incroyable ?

Selon le récit populaire qui se transmet de génération en génération, l’histoire aurait commencé dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre d’une année inconnue. Les habitants du quartier du Pollet à Dieppe sont soudain tirés du lit par un vacarme inattendu. À leur grande surprise, passe alors dans les rues désertes un chariot tiré par huit chevaux blancs. Une vision solennelle et macabre qui fait dresser les cheveux sur la tête, selon certains.

LE VAISSEAU FANTÔME ENTRE DANS LE PORT

Le lendemain, c’est le jour de la Toussaint et la mer est démontée. Mais depuis un phare, un gardien aperçoit au large un magnifique trois-mâts dont les grandes voiles blanches sont déployées. Intrigué, il l’observe à la longue-vue et reconnaît La Belle-Rosalie. Il n’en croit pas ses yeux mais il a beau regarder, c’est bien la goélette qui porte ce nom. Or, c’est impossible car La Belle-Rosalie a été dévastée lors d’une tempête… un an plus tôt ! Le gardien s’en souvient bien, les Dieppois ont même retrouvé des restes de l’épave sur une plage.

Mais voilà que le bateau revenu de nulle part s’approche maintenant de Dieppe. Étrangement, la mer se calme et un brouillard opaque se répand dans la ville. La Belle-Rosalie entre alors dans le chenal du port et, lentement, dans un silence de mort, glisse jusqu’à hauteur de l’église NotreDame-des-Grèves, sur le quai de la Somme, dans le quartier du Pollet.

Sur la jetée, c’est l’effervescence. Malgré le jour férié, la foule grossit, avec au premier rang les familles de l’équipage, femmes et enfants, qui n’osent pas croire au miracle. De loin, on distingue sur le pont du navire revenant les visages pâles des marins qui se tiennent muets et immobiles. On leur lance une bosse d’amarrage, mais voilà que de gros nuages s’amoncellent dans le ciel. La goélette ne s’amarre pas. Que se passe-t-il ? Des hommes à terre tentent de haler le navire, peut-être freiné par le courant. Qu’attendent donc les matelots de La Belle-Rosalie ?

Tout à coup, les cordes n’offrent plus aucune résistance. L’amarre ne s’est pas rompue, elle a été détachée volontairement. Alors, dans une faible luminosité, la foule amassée sur le quai s’aperçoit que la mystérieuse goélette est devenue invisible. Les eaux sont désertes. La Belle-Rosalie s’est volatilisée dans la brume…

Êtes-vous prêt à embarquer pour une traversée épique sur les eaux de l’étrange ?

Une goélette fantôme qui revient hanter un port la nuit de la Toussaint, un équipage entier retrouvé congelé à bord d’un brick, un marin allemand momifié sur son yacht, un paquebot russe infesté de rats cannibales filant droit vers l’Angleterre...

Frissons garantis au fil des pages de ce livre, qui vous entraîne dans un fascinant voyage maritime à la recherche des navires, légendaires ou contemporains, qui hantent encore les mers entre l’ici-bas et l’au-delà !

Du mythique Hollandais volant, condamné à errer éternellement sur les flots, jusqu’aux récents naufrages de cargos errants, en passant par le mystère des équipages volatilisés, cet ouvrage présente 30 récits stupéfiants qui vont vous plonger dans les arcanes des océans, à la frontière entre réalité et paranormal.

Joslan F. Keller, né en 1966, est un historien de l’étrange, passionné par les affaires mystérieuses et inexpliquées. Il a contribué à plusieurs émissions télévisées comme « Enquêtes Paranormales » (C8), « Les Secrets du Paranormal » (NRJ12) et « Enquêtes Mystérieuses » (RMC Story). Depuis 2015, il intervient très régulièrement sur BTLV, la webTV n°1 du mystère et de l’inexpliqué en France.

MDS : VA08831

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