Monsieur Cyril ne met presque jamais le nez dehors. Il préfère rester chez lui. Seulement, parfois, il n’a pas le choix. Et ce matin, il n’a plus de café. Il a cherché dans tous les placards de sa cuisine, pas le moindre grain de café. Alors il décide de sortir de chez lui.
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Dans la rue, c’est comme d’habitude. Tout le monde se retourne sur lui, parfois en rigolant, ou en grimaçant, mais toujours en s’étonnant ; et les enfants demandent : « Dis donc, qu’est-ce qu’il a, son nez ? » Il faut dire que le nez de monsieur Cyril n’est pas banal. Il est, pour ainsi dire, très long, très très long, beau-coup-trop-long. Et il ne passe jamais inaperçu. Alors, monsieur Cyril, quand il marche dans la rue, baisse les yeux et ferme ses oreilles. Mais bien sûr, c’est difficile et ça ne sert à rien. Tout le monde voit bien qu’il a un nez immense et personne n’ose jamais s’approcher de lui.
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Le voilà enfin chez lui. Il range toutes ses provisions, et sort le paquet de café. Il l’ouvre. Et là, le temps d’un frisson, il n’y a plus, autour de monsieur Cyril, que l’odeur de ces grains de café broyés. Et ce parfum, si fort et si doux à la fois, tellement chaud et presque humide, s’engouffre dans son être et se promène en lui. Alors ses yeux brillent. Ses cheveux frisent. Sa peau frissonne. Et son cœur gonfle. Monsieur Cyril met de l’eau à chauffer, et passe son café. L’odeur est encore meilleure, son cœur encore plus gros.
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Le voilà prêt. Il s’installe devant son chevalet. Il oublie les regards surpris de la rue. Il peint. Toute la journée, il écoute son cœur, et il peint ce qu’il entend. Il oublie de manger. Il oublie de dormir et toute la nuit, il écoute son cœur, et il peint. Jusqu’à ce qu’au matin, à l’aube, enfin il s’endorme, épuisé, mais en paix.
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Monsieur Cyril dort deux jours de suite, et quand il se réveille, il voit que son tableau n’est pas encore sec, alors il le suspend dehors à sa fenêtre pour lui faire prendre l’air.
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Bien sûr, il a très faim, alors il ouvre les placards de sa cuisine, et il grignote ce qui lui tombe sous la main. En même temps, il allume le feu sous la poêle et y verse un filet d’huile d’olive. Dès qu’elle frémit, il y ajoute des lamelles d’oignons, une tranche de thon, deux tomates coupées, trois gousses d’ail écrasées et quelques brins d’herbe. Le tout se met à rissoler et subitement, il n’y a plus, autour de monsieur Cyril, que le parfum de ce plat mijoté. Alors ses yeux brillent. Ses cheveux frisent. Sa peau frissonne. Et son cœur gonfle.
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Le lendemain matin, il accroche un nouveau tableau à sa fenêtre, et il fait pareil les jours suivants, car finalement, ce balcon, c’est une place idéale pour suspendre les toiles ! Un mois plus tard, tout en bas dans la rue, il y a plein de monde au pied de l’immeuble. Tous lèvent la tête pour admirer les peintures qui sèchent au gré du vent. La jolie Roxane est dans la foule. Ses yeux brillent. Ses cheveux frisent. Sa peau frissonne. Et son cœur gonfle.
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