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DES CHERCHEURS DE DIEU PAR MILLIERS…
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} Voir entrée 5 – Grands saints
LES SAINTS DISENT PAR LEUR VIE L’ESSENTIEL DE LA VIE CHRÉTIENNE Aujourd’hui, qui ne connaît sœur Emmanuelle, Martin Luther King, l’abbé Pierre, mère Térésa, Padre Pio, et, déjà un peu plus lointains, monseigneur Oscar Romero, Edmond Michelet, Madeleine Delbrêl, le père Teilhard de Chardin ? Ces hommes, ces femmes sont comme des points de rendez-vous connus de l’humanité entière. En même temps, ils se reconnaissent en relation avec Dieu. À toutes les époques, des personnalités cheminent ainsi entre Dieu et les hommes. Ce sont des témoins.
LA FOI EST UNE LIBÉRATION
} Voir entrée 4 – Saints populaires
La liberté est, pour les chrétiens, le lieu obligatoire pour apprendre quelque chose sur Dieu. Ceux qui n’ont pas découvert la liberté sont, à leurs yeux, des athées, même s’ils adorent des dieux… ou Dieu ; le mot « athée » est explicitement employé par saint Paul à propos de gens croyant en Dieu, mais d’une manière telle qu’ils sont prisonniers des lois et des coutumes : ils n’ont pas encore pris conscience que Dieu est d’abord libérateur (Ép 2, 12 ss) et qu’il permet à chacun d’être soi-même, libre. « La vérité rend libre », a dit le Christ (Jn 8, 32). Le concile Vatican II montre qu’une des conséquences de cette liberté est la variété dans la sainteté. Il décrit successivement quelle doit être la liberté des évêques, des prêtres, des diacres, des veuves, des laïcs, des célibataires, des couples, des travailleurs, des pauvres… Il suffit de lire ci-après quelques-unes des notices biographiques des saints pour se convaincre que, si telle est la vitrine du Dieu des chrétiens, il ne cherche pas à mettre chacun dans un moule. Il n’y a pas de modèle uniforme de vie chrétienne, mais il s’agit toujours d’assumer avec confiance ce que l’on est et d’aimer là où l’on est, comme l’on est.
LA LIBERTÉ, POUR LES CHRÉTIENS, C’EST RECONNAÎTRE L’AMOUR DONT ILS SONT NÉS Ce Dieu qui libère, le Dieu des saints, est un Dieu qu’ils remercient sans cesse. Ils lui « rendent la gloire et l’action de grâce » qui, à leurs yeux, lui reviennent. Ce merci constant est toute leur théologie (étymologiquement : leur « discours sur Dieu »). Bien sûr, certains ont tenu des propos plus complexes. Mais ce qui intéresse dans un exposé, ce sont sa sincérité et sa vérité. Dans les propos des saints, cette vérité tient en quelques mots : « Mon Dieu, je sais que je ne sais rien, que je te dois tout, que tu m’as choisi et que mes forces viennent de toi. » Même pour qui ne croit pas en Dieu, une telle affirmation de liberté et de force est impressionnante. Il est frappant d’entendre les saints proclamer sans cesse que cette liberté et cette force ont leur source ailleurs qu’en eux-mêmes et qu’en conséquence, loin de s’en glorifier, ils ne peuvent qu’en remercier Dieu. Toute définition du christianisme se doit de faire sentir l’articulation, apparemment paradoxale mais constamment affirmée par la vie des saints, entre liberté de l’homme et action de Dieu par sa grâce divine. Le concile Vatican II, reprenant en cela la tradition de l’Église, a largement souligné que cette articulation devait se comprendre à l’image du mariage, elle-même liée, dans l’Église, au concept fondamental d’Alliance. L’Alliance, c’est le pacte de liberté à liberté que Dieu propose à l’homme ; une promesse de bonheur pour l’homme qui accepte d’aimer ce Dieu qui l’a créé et qui lui révèle l’intimité de la vie trinitaire par Jésus-Christ. Le Concile emploie les mots « s’unir », « se consacrer », « devenir semblable », « suivre », « imiter », « participer ». Mais cela n’a de sens que dans un choix (le mot biblique est « élection ») réellement réciproque.
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COMMENT ON DEVIENT « SAINT »
LES SAINTS NE SONT PAS PARFAITS ET LE CHRISTIANISME N’EST PAS D’ABORD UNE RELIGION DE LA PERFECTION Le chemin vers Dieu passe fréquemment par la rencontre des saints. On apprend souvent à connaître une personne par l’intermédiaire de son conjoint. Sans tout dévoiler de la personne que l’on cherche à connaître, un conjoint nous aide à comprendre ses raisons de vivre. Pour connaître Dieu, il en est souvent de même. Les saints nous aident à mieux le rencontrer. Ceux qui se sont employés à faire connaître leurs vies ont souvent été tentés par le merveilleux, le légendaire, le miraculeux. Ce faisant, ils contredisaient pourtant ce qui est le fond de la pensée chrétienne sur la sainteté : Dieu seul est saint, parce que lui seul est don total ; c’est-à-dire qu’il est ce qu’il dit et qu’il dit ce qu’il est. Jésus de Nazareth est saint parce que sa personne est intrinsèquement unie à Dieu. Le chrétien est saint parce qu’il est uni à Dieu par Jésus dans l’Église. La sainteté n’est ni dans l’effort moral ni dans la réussite. Elle est dans l’union à Dieu. Le modèle du chrétien n’est pas Superman ; les chrétiens ne concourent pas au grand championnat de la vertu toutes catégories. Ils sont saints, même s’ils sont faibles, dans la mesure où ils sont et restent unis à Dieu. Jésus affirmait à des gens « bien » que des femmes prostituées les devanceraient dans le royaume des cieux. Cette description de la sainteté montre que le christianisme n’est pas une simple morale, même si la vie chrétienne est porteuse d’exigences morales.
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} Voir entrée 139 – Morale
LES SAINTS MONTRENT, PAR LEUR VIE, QUE LE CHRISTIANISME EST À LA FOIS UNE RELIGION PERSONNELLE ET UNE AVENTURE COLLECTIVE Le chrétien a un lien personnel avec Dieu, qu’il aspire « à voir face à face » (1 Co 13, 12). Mais pour lui, personnel ne veut pas dire individuel : s’unir au Christ invite à « donner sa vie pour les hommes ». Bien plus, s’unir au Christ permet au chrétien d’avancer la réalisation de ce qu’il croit être le plan de Dieu : rassembler l’humanité entière autour du Christ Jésus et en lui. Le cœur de toute vie est difficile à connaître. Le cœur de la vie chrétienne, comme la relation des saints avec Dieu, est indicible. Ce qui est certain, c’est que de nombreux saints ont marqué, voire bouleversé, leur époque. Ils n’ont pas gardé leur élan pour eux seuls. Mystérieusement, et quelquefois à leur corps défendant, ils ont été suivis ; des communautés sont nées autour d’eux, à partir de leur témoignage ou de leur souvenir. Tous, en tout cas, ont conforté l’Église. Pour les chrétiens, tous ceux qui se sont unis au Christ, qu’ils soient morts ou encore de ce monde, forment un seul corps avec lui et la sainteté – la plus grande proximité de certains avec Dieu – permet au corps tout entier d’être davantage tourné vers Dieu le Père.
} Voir entrée 158 – Vie spirituelle
} Voir entrée 102 – Salut
} Voir entrée 141 – Mystique
} Voir entrée 76 – Église
COMMENT ON DEVIENT « SAINT » LES PROCÉDURES ACTUELLES La canonisation et la béatification ne sont décidées qu’au terme d’une procédure rigoureuse. Ce fut d’ailleurs le cas dès les premiers siècles du christianisme. Afin de faire cesser les abus populaires, les évêques s’étaient réservé le droit de déclarer qui pouvait être reconnu comme saint, au terme d’une véritable procédure. Depuis le XI e siècle, l’examen des causes se fait à la curie romaine. La dernière instruction concernant les normes des procédures canoniques diocésaines a été fixée par Benoît XVI en 2008. Ce document, intitulé Sanctorum Mater, demande aux évêques une étude approfondie et rigoureuse des causes qui leur sont présentées afin de veiller à
} Voir entrée 2 –
Béatifications et canonisations
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DES CHERCHEURS DE DIEU PAR MILLIERS… ce que soit bien reconnue la réputation de sainteté de celui ou de celle pour qui s’ouvrirait une cause de canonisation.
DU SERVITEUR DE DIEU AU BÉATIFIÉ Tout baptisé ou groupe de baptisés peut demander l’ouverture d’un procès en canonisation en en saisissant l’évêque du diocèse où est morte la personne. Deux ordres de faits doivent être démontrés pour aboutir à une canonisation : Le rayonnement spirituel du serviteur de Dieu après sa mort : c’est à la fois un signe de sa participation à la sainteté de Dieu et l’assurance que son exemple est accessible et bienfaisant au peuple chrétien ; les miracles qui peuvent lui être attribués revêtent à ce titre une grande importance. Son martyre ou ses vertus chrétiennes : le martyre, c’est-à-dire la mort subie par fidélité à la foi, est le suprême témoignage que peut donner un chrétien et il suffit à le rendre exemplaire quand bien même le reste de sa vie ne l’aurait pas été. Quant aux vertus chrétiennes, si elles se manifestent de façon héroïque, elles sont, en l’absence de martyre, la marque d’une foi vivante et la démonstration que la sainteté n’est pas inaccessible à l’homme. l
l
} Voir entrée 6 – Grands
témoins
Étape diocésaine
L’évêque, saisi par le postulateur de la cause, demande l’agrément des évêques de sa région apostolique et suscite un nihil obstat de la congrégation des causes des saints. Il institue une commission canonique d’enquête qui recourt à des experts en histoire et en théologie, et recueille les témoignages de ceux qui ont connu la personne ou en ont entendu parler. Ces experts sont chargés de rassembler la documentation nécessaire : écrits, témoignages, traces des activités pastorales, de la vie spirituelle et autres investigations nécessaires pour mettre en lumière la vie de la personne concernée, souvent désignée alors par le titre de « serviteur (servante) de Dieu ». Pour prendre sa décision, l’évêque procède à une investigation approfondie « notamment en ce qui concerne la réputation de sainteté ou de martyre », réputation qui doit être « spontanée et non pas procurée artificiellement ». Pour le sérieux de l’enquête, l’évêque « ne doit pas confier de charge à des personnes appartenant au même institut, à la même société ou à la même association que le serviteur de Dieu ». Au terme de ces recherches approfondies, l’ensemble du dossier, avec les conclusions de l’évêque, est transmis à Rome. La validation de toute cette enquête est en effet réservée au pape après un examen minutieux du dossier par un organisme spécialisé du Saint-Siège : la congrégation pour les causes des saints. Pendant ce travail, le « serviteur de Dieu » peut être appelé « vénérable ». Le postulateur de la cause doit alors séjourner à Rome pour pouvoir répondre aux questions de la Congrégation romaine. Étape romaine
Cette congrégation romaine est constituée d’un collège de cardinaux et d’évêques présidé par un préfet (un cardinal) assisté d’un secrétaire (un évêque). La Congrégation dispose de rapporteurs et de consulteurs (historiens, théologiens) pour examiner chaque élément du dossier, et de médecins pour les miracles. En 2008, la Congrégation a eu recours à la collaboration de 72 consulteurs théologiens et, pour l’étude des miracles présentés, elle a consulté 60 médecins spécialisés dans les différents secteurs de la médecine actuelle. En 2008, 2 200 causes étaient en attente à la Congrégation. Avant tout examen d’une cause, le sous-secrétaire vérifie si le dossier a bien été établi selon les règles. Un rapporteur est nommé, qui prépare la « positio » sur les vertus, le martyre ou le miracle. Le promoteur de la foi émet un avis favorable ou non (d’où l’appellation d’« avocat du diable » qui lui est familièrement donnée).
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COMMENT ON DEVIENT « SAINT » Après délibération, la congrégation se prononce par des votes à propos du martyre, des vertus chrétiennes, des miracles. Si ces votes sont positifs, ils se traduisent par des décrets reconnaissant la réalité des éléments indispensables à la béatification ou à la canonisation. Les décrets sont signés par le cardinal préfet et par l’archevêque secrétaire de la congrégation. La lettre apostolique qui proclame les nouveaux bienheureux est signée, par délégation du souverain pontife (de mandato Summi Pontificis), par le cardinal secrétaire d’État. La signature du pape apparaît en revanche sur les lettres décrétales, dans lesquelles sont proclamés les nouveaux saints. La proclamation de ces décisions, notamment les canonisations, est faite au cours d’un consistoire présidé par le pape.
DU BÉATIFIÉ AU SAINT C’est l’évêque ou le supérieur religieux qui demande la canonisation d’un bienheureux à la congrégation romaine. Il expose en particulier pourquoi le culte public devrait être proposé à l’Église universelle et non plus limité à un lieu ou à une famille religieuse. On ne refait pas l’ensemble de la procédure. Elle est acquise. Il est seulement demandé, en plus du miracle nécessaire pour la béatification, un autre miracle obtenu par l’intercession de ce bienheureux. Ce miracle est soumis, là encore, à toutes les vérifications possibles : personnalité du miraculé, circonstances qui entourent ce nouveau miracle et, s’il s’agit d’une guérison, certitudes médicales contrôlées par des experts (médecins et psychologues).
LES DÉLAIS Habituellement, la procédure est longue : elle peut prendre plusieurs dizaines d’années parce qu’il faut recueillir toute la documentation possible et la vérifier. Quoi qu’il en soit, il est demandé d’attendre cinq ans après la mort de la personne avant d’introduire sa cause de canonisation, afin que la procédure ne soit pas trop soumise à l’émotion et que la réputation de sainteté soit bien acquise. Mais dans certains cas, le pape peut en décider autrement. Certains saints bien connus ont attendu plusieurs siècles leur consécration. C’est le cas de Jeanne d’Arc, morte en 1431 et canonisée en 1920. D’autres ont longtemps attendu la confirmation de leur culte, comme Fra Angelico, dont le culte a été reconnu 500 ans après sa mort ou saint Meinard), 800 ans après la sienne. Mais l’Église catholique a connu aussi des canonisations très rapides. Parmi les records figurent saint Thomas Becket, canonisé en trois ans, et saint Antoine de Padoue, en un an. L’étude de certaines causes a pu être accélérée pour les premiers saints ou bienheureux d’Églises particulières.
LA CÉLÉBRATION SOLENNELLE Une fois décidée par le pape, la béatification ou la canonisation est célébrée au cours d’une liturgie solennelle, présidée par le pape pour les canonisations (Jean-Paul II a présidé aussi les béatifications). Jusqu’en 1984, ces célébrations se déroulaient toujours à Rome. Seule exception, Paul VI canonisa les martyrs de l’Ouganda au cours de son voyage en Afrique en 1964. En 1984, Jean-Paul II saisit l’occasion de ses voyages pour procéder, le plus souvent possible, à la béatification et à la canonisation des martyrs et des saints dans leur pays, donnant alors un message direct aux populations, chrétiennes ou non. Ce fut le cas lors de la béatification d’Antoine Chevrier, à Lyon en 1986, et de celle de Frédéric Ozanam, à Paris durant les JMJ de 1997. Benoît XVI a décidé que les béatifications seraient (sauf cas exceptionnel) célébrées dans le pays ou la région du nouveau bienheureux, de façon à faire participer d’une
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} Voir entrée 3 – Saints du
calendrier
manière plus visible et plus importante les Églises locales dont les fidèles n’ont pas la possibilité de quitter leur pays pour un voyage onéreux à Rome. Dans le même temps, il est nécessaire que partout où se déroulent les rites de la béatification, il apparaisse de façon évidente que chaque béatification est un acte du souverain pontife. C’est pour cela que le pape, quand il autorise le culte local d’un serviteur de Dieu, rend sa décision publique à travers une lettre apostolique.
INSCRIPTION AU CALENDRIER ROMAIN Les fêtes à célébrer par toute l’Église sont fixées par le calendrier romain pour l’Église universelle. Celui-ci ne retient qu’une sélection très restreinte. D’abord parce que l’année liturgique, comme l’année civile, ne compte que 365 jours (alors qu’il y a environ 40 000 saints). Ensuite parce que le concile Vatican II a décidé que les solennités célébrant le Christ l’emportent sur celles célébrant les saints et la Vierge Marie. La décision de Vatican II fut que seules seraient étendues à l’Église universelle les fêtes de saints présentant une importance véritablement universelle. Ainsi, la plupart des fêtes des saints est laissée à la décision de chaque Église particulière ou locale, nation ou ordre religieux. Après 1970, le calendrier romain ne comptait plus que 180 saints. Jean-Paul II l’a, depuis lors, complété. Ceux qui l’ont été éliminés du calendrier universel sont des saints sur qui l’on a très peu d’informations ; ainsi des saints pourtant très populaires comme Christophe, Barbe, Georges, en ont été retirés, mais n’ont pas été supprimés du Martyrologe romain.
UN RENOUVEAU D’INTÉRÊT POUR LES VIES DE SAINTS } Voir entrée 4 – Saints
populaires
} Voir entrée 117 – Dévotion
Le culte des saints a toujours été l’une des composantes importantes de la religion populaire. Le type de modèles qu’il privilégie est révélateur de l’esprit et des attentes de chaque époque. Le culte des saints offre à la vie de foi des chrétiens une référence concrète et stable, des modèles éprouvés à l’abri des perturbations ambiantes. Les fidèles ont le sentiment d’y trouver un témoignage à leur mesure de la grâce de Dieu à l’œuvre dans l’homme. Il faut simplement remarquer que la recherche d’un modèle stable n’empêche pas chaque époque de lire les vies de saints à sa manière propre, en y privilégiant ce qui correspond le plus à ses attentes. Le XVIII e siècle, « siècle des philosophes », éprouvait peu d’attrait pour la mystique, dont le XVI e avait, au contraire, été très avide. Les goûts du XIX e siècle le portaient vers le surnaturel le plus exubérant et tout ce qui pouvait lui paraître « édifiant ». Aujourd’hui, les saints qui rencontrent le plus de succès sont probablement ceux qui témoignent de valeurs telles que la gratuité ou la générosité. La sympathie portée à l’esprit de pauvreté et de fraternité d’un François d’Assise, à son caractère désinstallé de pèlerin de Dieu, à sa communion avec la nature, à sa spiritualité simple et profonde, dont on retrouve maintes correspondances chez un Benoît Labre, un Maximilien Kolbe ou un Charles de Foucauld, rejoint un autre phénomène de la vie religieuse d’aujourd’hui : le renouveau des vocations contemplatives et érémitiques. Le fait est d’autant plus frappant que les vocations séculières et missionnaires, elles, diminuent. La contemplation attirerait-elle davantage que l’action ? En fait, il s’agit plus probablement d’une aspiration à mieux lier action et contemplation au sein d’un monde qui, aux yeux de beaucoup, se dessèche. Ils y cherchent ce « supplément d’âme » qui leur paraît manquer. Cela explique aussi pourquoi des incroyants s’intéressent aujourd’hui aux vies de saints.
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VOIR AUSSI ENTRÉES 2, 5
ENTRÉE 1
QU’EST-CE QU’UN SAINT ?
Au risque de surprendre, il faut affirmer que, dans la pensée catholique, un saint n’est pas d’abord un héros, un modèle de vertu, une sorte de personnage sacré. Comme les catholiques le chantent chaque dimanche à la messe : « Dieu seul est saint »… Si un homme ou une femme est déclaré saint, c’est parce qu’il ou elle apparaît comme un reflet de la sainteté de Dieu. Pour les chrétiens, tous les hommes, grâce au Christ, sont appelés à « refléter la gloire du Seigneur », à « être transfigurés en cette même
image » (2 Co 3, 18). Saint Pierre l’affirme clairement (1 P 1, 16). Aucun humain ne peut donc être un modèle de vertu par sa propre force. En revanche, certains hommes et certaines femmes se sont progressivement ouverts davantage à la grâce de Dieu et reflètent, plus clairement que d’autres, son amour. Ce sont eux que l’on appelle les saints, au sens moderne du terme. Par la béatification et la canonisation, l’Église catholique reconnaît donc, pour un certain nombre d’entre eux, cette relation particulière avec Dieu. La vie de ces saints est telle que l’Église
peut assurer qu’ils ont réalisé en eux l’identification avec la sainteté divine. Par le cheminement de leur vie, ces chrétiens font comprendre à tous ce qu’est l’horizon du christianisme. Le livre de l’Apocalypse réserve l’appellation de saints aux martyrs, c’està-dire à ceux dont la vie ressemble le plus à celle du Christ ; mais relativement vite, à la fin des persécutions, les chrétiens ont compris que l’on pouvait donner sa vie pour Dieu autrement que par les formes traditionnelles du martyre. Dès lors, la voie était ouverte à la reconnaissance ecclésiale d’autres formes de sainteté.
Être saint signifie vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous, répétée avec vigueur par le concile Vatican II, et reproposée aujourd’hui de façon solennelle à notre attention. Pour être saint, il n’est pas nécessaire d’accomplir des actions et des œuvres extraordinaires, ni de posséder des charismes exceptionnels. [...] Il est nécessaire avant tout d’écouter Jésus, et de le suivre sans se décourager face aux difficultés. « Si quelqu’un me sert – nous avertit-il – qu’il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12, 26). Plus nous imitons Jésus et demeurons unis à Lui, plus nous entrons dans le mystère de la sainteté divine. Benoît XVI, Homélie de la Toussaint, 1 er novembre 2006.
la gloire de Dieu ceux qui ont versé leur sang pour lui. Très tôt, l’habitude est prise de marquer fortement le lien entre leur sacrifice et celui du Christ sur la croix en célébrant l’eucharistie sur leurs tombes. Ce rassemblement est favorisé par l’usage qu’avaient les Romains de se réunir autour des tombes de leurs défunts et d’y prendre des repas ; ainsi, le « banquet eucharistique » des chrétiens autour de la tombe des martyrs était admis par leurs bourreaux eux-mêmes. Peu à peu, le martyr devient un modèle. On sollicite son intercession auprès de Dieu. Les évêques favorisent cette forme de culte, généralement local. Le culte rendu aux martyrs engendre très vite (dès le IVe siècle) la vénération de leurs reliques. On commence à transférer des corps, des fragments de corps ou des morceaux d’étoffe ayant touché ces corps, à travers le monde chrétien (translations). On construit des églises dédiées au saint martyr dont elles conserveront les reliques (placées sous l’autel, elles sont à l’origine de la pierre d’autel contenant une relique). Ces reliques revêtent une importance extrême aux yeux du peuple chrétien. Le lieu où elles reposent est inviolable. En cas de danger (épidémies, famine, siège, etc.), on promène en procession la châsse qui les contient pour arrêter le mal. Progressivement le culte des martyrs se répand bien au-delà des lieux où l’on vénère leurs restes ; on leur attribue un jour commémoratif célébré dans toute l’Église. On met des lieux de culte, des villes, des points géographiques sous leur patronage. Les apôtres, presque tous morts martyrs, figurent parmi ceux que l’on vénère particulièrement en leur double qualité de compagnons du Christ et de piliers de l’Église naissante.
LE CULTE DES FONDATEURS Des martyrs et des apôtres, la vénération s’étend bientôt aux évêques fondateurs d’Églises locales et aux moines évangélisateurs, ces « pères dans la foi », puis aux vierges et aux veuves consacrées, aux grands mystiques, ascètes, maîtres à penser (docteurs). Le culte des saints est parfois mis à contribution pour christianiser des lieux de culte ou des fêtes païennes (la SaintJean remplace les fêtes du solstice d’été).
Comment est né le culte des saints LE CULTE DES MARTYRS Dès le milieu du II e siècle en Orient et à partir du IIIe siècle en Occident, les chrétiens prennent l’habitude de se réunir près des tombes des martyrs ou sur les lieux de leur supplice, en particulier le jour anniversaire de leur mort. Cet anniversaire a été très rapidement célébré comme celui de leur véritable naissance : leur naissance au Ciel. La communauté chrétienne en effet a, tout de suite et sans aucun débat, regardé comme entrés dans
LE CULTE DE LA VIERGE MARIE Quant à la Vierge Marie, vénérée très tôt, elle est fêtée dès les IV e et V e siècles à l’occasion des fêtes du Seigneur faisant ressortir son rôle dans l’histoire du Salut : Annonciation, Visitation, Nativité, Purification ; on y ajoutera peu à peu, au fil des siècles, d’autres fêtes : Dormition ou Assomption, Immaculée Conception, etc.
LE CULTE DES PREMIERS SAINTS Pendant longtemps, le culte des saints est resté comme une simple extension de celui des martyrs : on parlait de martyre rouge pour les saints ayant versé leur sang, de martyre vert pour les saints ayant eu une vie de pénitence, et de martyre blanc pour les saints ayant eu une vie de virginité et de bonnes œuvres. Les premières vies de saints apparaissent vers le milieu du IV e siècle. En 356, saint Athanase écrit la vie de saint Antoine quelques années seulement après sa mort. À cette époque paraissent également les premiers calendriers des saints : le plus
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DES CHERCHEURS DE DIEU PAR MILLIERS…
ancien remonte à 354 (et a servi de base au calendrier liturgique romain en vigueur jusqu’à la réforme de 1969). Calendriers locaux et régionaux sont refondus pour rédiger le Martyrologe : le plus ancien parvenu jusqu’à nous – faussement attribué à saint Jérôme – date de la fin du VI e siècle. On ne peut demander aux vies de saints écrites dans les premiers siècles de répondre aux critères historiques de notre époque. Le goût général pour le merveilleux était plutôt alors la référence. La ferveur des hagiographes, la volonté d’édifier, l’imagination des foules, les calculs de certains personnages intéressés contribuèrent à enjoliver les vies de saints, à leur attribuer des miracles extraordinaires. Tout d’abord ce sont les chrétiens qui ont reconnu la sainteté de certains d’entre eux. Des abus ont conduit les évêques à prendre le privilège de proclamer la sainteté d’un personnage. On connaît la date de la première canonisation proclamée par un pape : celle d’Ulric, évêque d’Augsbourg, en 993. Ce n’est qu’à partir du XII e siècle que le pape s’est réservé le droit d’instruire le procès en canonisation, selon des règles qui sont devenues depuis lors de plus en plus rigoureuses.
Le mot « saint » dans la Bible Le saint des saints : Dieu. Le peuple saint : le peuple juif élu de Dieu. l La tribu sainte : la tribu de Lévi vouée à Dieu (lévites). l La cité ou la ville sainte : Jérusalem. l La Terre sainte : le pays d’Israël. l Le Saint des Saints : cœur du sanctuaire du temple de Jérusalem ; dans le premier temple, construit par Salomon, c’est là qu’était déposée l’arche d’alliance où se trouvaient les tables de la Loi. C’était, pour les juifs, le lieu de la présence de Dieu parmi son peuple. l
Le saint-père : le pape. Le Saint-Siège : le gouvernement pontifical. l La cité sainte : la Jérusalem céleste, le Paradis. l Les villes saintes (pour les musulmans) : Jérusalem, Médine et La Mecque. l L’île des saints : l’Irlande. l Les jours saints : les jours de la semaine sainte qui précèdent Pâques. l La communion des saints : l’ensemble des fidèles vivants et morts. l Les saints : nom donné aux chrétiens de Jérusalem par l’apôtre Paul dans les Actes des apôtres (Co 16, 1). l Les saints du dernier jour : nom que se donnent les mormons. l l
l Les Lieux saints : Jérusalem et les lieux où vécut Jésus. l Le Saint-Sépulcre : tombeau où Jésus fut mis après sa mort.
Acathiste Hymne et composition poétique chantés en l’honneur de la Vierge, en souvenir de la libération miraculeuse de Constantinople par son intervention en 626. Auréole (du latin aureola, sous-entendu corona : couronne d’or). Cercle de rayons lumineux ou simplement cercle doré dont les artistes entourent la tête du Christ et des saints pour suggérer l’irradiation immatérielle de leur personne et l’éclat de leur gloire.
LE TÉMOIGNAGE DES MARTYRS La mémoire des martyrs est un signe permanent, mais aujourd’hui particulièrement éloquent, de la vérité de l’amour chrétien. Il ne faut pas oublier leur témoignage. Ils ont annoncé l’Évangile, donnant leur vie par amour. Le martyre, surtout de nos jours, est signe du plus grand amour qui récapitule toutes les autres valeurs. Son existence reflète la parole suprême prononcée par le Christ sur la Croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Jean-Paul II, Bulle d’indiction du Grand Jubilé de l’an 2000, Incarnationis mysterium.
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Expressions religieuses contenant « saint »
Qu'est-ce que ?
La sainteté Le mot « saint » vient du latin sanctus, souverainement pur, parfait. Selon la doctrine chrétienne, Dieu seul est saint. Mais parce qu’il est totalement amour, Dieu invite tous les hommes à partager sa sainteté et le bonheur dont elle est la source ; ceux qui ont répondu à cet appel peuvent être eux-mêmes appelés « saints » dès lors qu’ils se trouvent associés à la sainteté divine. C’est pourquoi l’Église catholique propose à ses fidèles l’exemple de personnes dont la vie lui paraît avoir clairement mérité le partage de la sainteté divine. Elle reconnaît alors officiellement leurs mérites en les proclamant saints par la canonisation. Il convient de noter que, pour certains théologiens, une telle reconnaissance ne relève pas du magistère infaillible de l’Église. Cependant, pour tous, c’est un acte important du magistère du pape.
Dulie (du grec doulos, serviteur). Prières et hommages adressés aux anges, aux saints et notamment à la Vierge Marie (hyperdulie). Le culte de dulie se différencie du culte d’adoration (latrie), rendu à Dieu seul. Hagiographie (du grec hagios, sacré, et graphein, écrire). Au sens strict, récit de la vie d’un saint à partir des méthodes de la science historique. Au sens large, le mot désigne toute relation d’une vie de saint, à telle enseigne qu’il est parfois employé pour désigner toute biographie un peu trop élogieuse. L’hagiographe est l’auteur d’une vie de saint. Hyperdulie (du grec uper, au-dessus, et doulos, serviteur). Le mot « dulie » désignant le culte d’honneur rendu aux saints, celui d’« hyperdulie » a été créé pour désigner celui rendu à la Vierge en raison de son éminente dignité parmi les saints. Le terme dulie rappelle toutefois que ce culte, si éminent soit-il, reste de vénération, et se distingue donc fondamentalement de celui d’adoration (ou latrie), réservé à Dieu seul. Icône Image introduisant dans le mystère de la vie du Christ, de la Vierge ou des saints selon un « canon » théologique. Les icônes sont vénérées à l’égal des reliques. Latrie Culte d’adoration rendu à Dieu seul.
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ENTRÉE 2
BÉATIFICATIONS ET CANONISATIONS Les saints et les papes
Jean-Paul II et les saints
Avant le XIX siècle, les béatifications et les canonisations furent peu nombreuses, et les célébrations groupées très rares – mis à part la canonisation des martyrs d’Otrante par le pape Clément XIV. Durant cette période, avec quelques membres des familles royales ou princières, ce sont surtout des évêques, des fondateurs et des fondatrices d’ordre qui sont béatifiés ou canonisés. On constate aussi la prédominance des hommes parmi les saints (79,5 %) et les bienheureux (84,3 %). Le cas de saint Isidore le laboureur, canonisé le 12 mars 1622, en même temps que saint François Xavier, saint Ignace de Loyola, saint Philippe Néri et sainte Thérèse d’Avila, est unique. On le doit au roi Philippe III d’Espagne, miraculeusement guéri par ce saint que les foules vénéraient.
Jean-Paul II a reconnu et proclamé plus de saints à lui seul que les autres papes en 400 ans.
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DES BÉATIFICATIONS GROUPÉES Dans la seconde partie du XIXe siècle, les béatifications et les canonisations deviennent de plus en plus nombreuses à la suite des demandes des congrégations religieuses. Pie X initie les béatifications « groupées » des martyrs, comme les religieuses de Compiègne ou les martyrs d’Indochine, suivi en cela par Benoît XV, avec les jeunes martyrs de l’Ouganda et les 64 martyrs de Prague, par exemple. Ces béatifications de martyrs sont significatives, non plus seulement de la sainteté personnelle, mais de l’Église missionnaire avec les martyrs du Canada, de la fidélité à l’Église face aux persécutions avec les martyrs de Damas, de la Révolution française ou d’Angleterre. Pie XII béatifie ainsi, coup sur coup, 40 puis 136 martyrs anglais.
JEAN-PAUL II Jean-Paul II innove. Il perpétue, à l’image de ses prédécesseurs, la mémoire des martyrs, mais il multiplie ces béatifications groupées (comme celles des martyrs du Japon, de Chine, du Mexique et surtout d’Espagne). Durant ses visites pastorales, il veut donner un modèle de vie chrétienne en béatifiant les premiers saints de ces pays, veillant à ce que des laïcs soient commémorés autant que des religieux. Il veille à ce que tous les états de vie soient reconnus comme chemins de sainteté. L’exemple en est la béatification du couple Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi en octobre 2001, premier « cas » de ce genre dans toute l’histoire de l’Église.
L’UNIVERSALITÉ DE LA SAINTETÉ Il a eu à cœur de montrer le caractère universel de l’appel à la sainteté promu par le concile Vatican II. Pour cela, il n’a pas hésité à honorer, aux côtés des martyrs du XX e siècle, des personnes n’ayant apparemment rien fait d’« exceptionnel » au cours de leur vie, mais ayant su « appliquer l’Évangile au quotidien, de manière cohérente et concrète ». Certains ont critiqué son « inflation » des béatifications et des canonisations. Pour lui, la diversité des saints est la démonstration qu’il existe bien de nombreuses demeures dans la maison du Père.
DES MODÈLES POUR TOUS En fait, il a eu le souci de donner des modèles de vie chrétienne aux nations, aux peuples, aux Églises ou aux différentes vocations. C’est le cas des gitans, dont le premier bienheureux est Zéphirin Gimenez Malla, martyr de la guerre civile espagnole, ou des foyers, qui ont pour modèles Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi, premiers époux béatifiés ensemble par un pape et dont la fête liturgique a été fixée à la date anniversaire de leur mariage. Ouvriers, journalistes, hommes politiques, artisans, pères ou mères de famille ou encore jeunes laïcs, toutes les classes sociales et les états de vie sont ainsi représentés, même si les religieux et religieuses sont encore majoritaires.
TOUS APPELÉS À LA SAINTETÉ Tous les catholiques, sans exception, sont appelés à la sainteté dans la vie ordinaire. Les saints, reconnus ou non, sont innombrables. La prière eucharistique III le dit expressément : « Pour les hommes qui ont quitté ce monde et dont tu connais la droiture, nous te prions. Reçois-les dans ton Royaume où nous espérons être comblés de ta gloire, tous ensemble et pour l’éternité. » Jean-Paul II nommait la Toussaint la fête du « saint inconnu ». Citant la liturgie de ce jour, il soulignait que l’Église a « la joie de célébrer en une fête unique les mérites et la gloire de tous les saints, non seulement de ceux qu’elle a proclamés au cours des siècles, mais aussi des innombrables hommes et femmes dont la sainteté, cachée en ce monde, est bien connue de Dieu et resplendit dans son Royaume éternel ».
Qu'est-ce que ? Avocat du diable Nom populaire donné au promoteur de la foi. Lorsqu’un évêque demande à Rome de béatifier ou de canoniser un saint, la congrégation pour la cause des saints exige du diocèse puis de ses services une enquête rigoureuse et contradictoire pour s’assurer que l’on ne présente pas comme modèles des hommes ou des femmes qui ne le mériteraient pas vraiment. Depuis 1983, le postulateur se doit de ne rien cacher de celui ou celle qu’il présente et de répondre aux interrogations du promoteur de justice. Avant cette réforme, le promoteur de la foi avait à la congrégation la responsabilité de mettre en avant les ombres du dossier qui pouvaient nuire à la cause. D’où le nom d’« avocat du diable » qu’on lui donne en plaisantant. Bienheureux (du latin beatus, heureux). Titre donné par l’Église à une personne dont la vie chrétienne est proposée en exemple et qui, pour cette raison, est béatifiée. Le terme bienheureux signifie qu’aux yeux de l’Église cette personne a été admise à partager pleinement le bonheur de Dieu. Le titre est attribué par un décret signé, par délégation du souverain pontife, par le secrétaire d’État. La célébration a lieu au cours d’une liturgie solennelle présidée par un légat du pape, habituellement le préfet pour la cause des saints. Il lit le décret pontifical de béatification pour témoigner que cette décision a été prise par le souverain pontife. La béatification est l’étape qui précède la canonisation. Un culte liturgique public mais restreint à un diocèse, un pays ou un ordre religieux peut être rendu au bienheureux dans les limites autorisées dans chaque cas par le pape. Naissance au Ciel Synonyme du jour de la mort, puisque le saint rejoint la gloire de Dieu et naît à la vie bienheureuse et éternelle.
Béatification et canonisation La canonisation, inscription d’un bienheureux au canon (catalogue) des saints, prévoit que son culte est étendu à l’Église universelle. La béatification, avant-dernière étape avant la canonisation, permet un culte restreint.
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VOIR AUSSI ENTRÉES 14, 19, 101, 135, 136, 152, 169
ENTRÉE 15
MOÏSE ET L’EXODE
Jourdain
Le trajet des Hébreux pendant l’Exode
MEDITERRANNÉE
Jéricho
Mont Nébo Mont Pisga
NÉGUEV
MOAB
Mer des Roseaux Qadech-Barnéa
PÉNINSULE DU SINAÏ
ÉDOM
Mara
Désert de Parân
Hacérot Élim Rephidim
Mont Sinaï
MER ROUGE
Moïse Son nom est d’origine égyptienne (moses, ou mosis, qui entre dans la composition du nom Touthmosis, signifiant « est né »). On ne peut comprendre et rejoindre la grande figure de Moïse qu’à travers la vision qu’en donne la foi d’Israël.
Prophète et médiateur Personnage clé de la tradition juive, il est le prophète par excellence, le médiateur entre Dieu et Israël. Il préside à la naissance et à l’organisation du peuple élu. Il converse avec le Seigneur face à face (Ex 33, 11). C’est sous sa conduite que des esclaves, hébreux comme lui, quittent l’Égypte pour aller au désert rendre un culte au « Dieu des pères » (Ex 3,
12-18). C’est par son intermédiaire qu’une alliance est conclue au Sinaï entre Dieu et le peuple, moyennant l’observance du Décalogue (Ex 19-20). Celui-ci se trouve au cœur de la Torah : il forme l’essentiel de la Loi, fondement et norme du peuple d’Israël et de sa foi, son acte de naissance et son statut. Moïse, en tant que porte-parole de Dieu, est considéré comme son auteur et son interprète.
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ENTRÉE 15 Chef, législateur, prophète qui parle au nom de Dieu, il reste solidaire du peuple qu’il a pour charge d’éduquer. Il intercède pour lui dans les circonstances difficiles. Médiateur, il assure la communication entre Dieu et le peuple. Vie de Moïse d’après l’Exode et les Nombres Fils d’Hébreux de la tribu de Lévi, caché par sa mère dans les roseaux du Nil pour échapper au sort des garçons hébreux nouveau-nés (tués sur l’ordre de Pharaon), Moïse est recueilli par la propre fille de Pharaon et élevé à la cour. Devenu adulte, il tue un Égyptien qui maltraitait un Hébreu et s’enfuit au pays de Madian où il se marie et devient berger. Dans le désert, Dieu se révèle à lui au cours de l’épisode du « buisson ardent » ; Moïse retourne alors en Égypte avec pour mission de demander au nouveau pharaon de laisser partir les Hébreux. Cette mission donne lieu à une épreuve de force (les « plaies d’Égypte »). Finalement, les Hébreux s’enfuient la nuit de la Pâque. Après avoir traversé l’extrémité de la mer Rouge, où leurs poursuivants s’enlisent et se noient (Ex 14), ils se dirigent vers le Sinaï. Ils y reçoivent les « tables de la Loi » des mains de Moïse. Ils passent 40 ans au désert sous sa conduite, dans des conditions de vie qui les font maintes fois récriminer contre lui et contre Dieu. Moïse meurt avant que le peuple n’entre au pays de Canaan. C’est Josué, le successeur qu’il a choisi, qui franchit le Jourdain et commence la conquête de la Terre promise.
Petit lexique géographique Sinaï Péninsule montagneuse et désertique située entre les deux golfes formant l’extrémité nord de la mer Rouge, le Sinaï se rattache géographiquement à l’Arabie, mais son histoire est liée à celle de l’Égypte. Selon le Livre de l’Exode, les Hébreux y ont passé 40 ans entre leur sortie d’Égypte et leur entrée en Canaan. Au sud, le djebel Mousa (la « montagne de Moïse »), haut de 2 228 m, pourrait être le mont Sinaï où Dieu scella son alliance avec le peuple hébreu. Ce mont porte le nom d’Horeb dans certaines traditions du Pentateuque. Au souvenir de Moïse s’ajoute celui d’Élie qui y entendit également la voix de Dieu. Aussi ce lieu vénérable a-t-il reçu, dès le IV e siècle ap. J.-C., des communautés monastiques ; le monastère orthodoxe Sainte-Catherine en reste le témoin.
LE CANTIQUE DE MOÏSE Alors, avec les fils d’Israël, Moïse chanta ce cantique au Seigneur. Ils dirent :
« Je veux chanter le Seigneur, il a fait un coup d’éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur. Il a été pour moi le salut. C’est lui mon Dieu, je le louerai ; le Dieu de mon père, je l’exalterai. Le Seigneur est un guerrier. Le Seigneur, c’est son nom. Chars et forces de Pharaon, à la mer il les lança. La fleur de ses écuyers sombra dans la mer des Joncs. Les abîmes les recouvrent, ils descendirent au gouffre comme une pierre. Ta droite, Seigneur, éclatante de puissance, ta droite, Seigneur fracasse l’ennemi. Superbe de grandeur, tu abats tes adversaires. Tu brûles d’une fureur qui les dévore comme le chaume. Au souffle de tes narines, les eaux s’amoncelèrent, les flots se dressèrent comme une digue, les abîmes se figèrent au cœur de la mer. L’ennemi se disait : “Je poursuis, je rattrape, je partage le butin, ma gorge s’en gave. Je dégaine mon épée, ma main les dépossède !” Tu fis souffler ton vent, la mer les recouvrit. Ils s’engouffrèrent comme du plomb dans les eaux formidables. Qui est comme toi parmi les dieux, Seigneur ? Qui est comme toi, éclatant de sainteté ? Redoutable en ses exploits ? Opérant des merveilles ? Tu étendis ta droite, la terre les avale. Tu conduisis par ta fidélité le peuple que tu as revendiqué, Tu le guidas par ta force vers ta sainte demeure. Les peuples ont entendu : Ils frémissent. Un frisson a saisi les habitants de Philistie. Alors furent effrayés les chefs d’Édom. Un tremblement saisit les princes de Moab. Tous les habitants de Canaan sont ébranlés. Tombent sur eux la terreur et l’effroi. Sous la grandeur de ton bras ils se taisent, pétrifiés, tant que passe ton peuple, Seigneur, tant que passe le peuple que tu as acquis. Tu les fais entrer et tu les plantes sur la montagne, ton héritage. Tu as préparé, Seigneur, un lieu pour y habiter. Tes mains ont fondé, ô Seigneur, un sanctuaire. Le Seigneur règne à tout jamais ! Le cheval de Pharaon avait pénétré dans la mer, avec ses chars et ses cavaliers, et le Seigneur avait fait revenir sur eux les eaux de la mer : mais les fils d’Israël, eux, avaient marché à pied sec au milieu de la mer. » La prophétesse Miryam, sœur d’Aaron, prit en main le tambourin ; toutes les femmes sortirent à sa suite, dansant et jouant du tambourin. Et Miryam leur entonna : « Chantez le Seigneur, il a fait un coup d’éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta ! » Ex 15, 1-21
MOÏSE ET L’EXODE
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Le Livre de l’Exode (Ex) Place dans la Bible Ancien Testament, Pentateuque Nombre de chapitres 40 chapitres Plan/contenu Depuis les débuts de l’histoire de Moïse et la libération des Hébreux jusqu’à leur arrivée au Sinaï où Moïse reçoit la Loi de Dieu. 1-15, 21 : la sortie d’Égypte (les débuts de la vie de Moïse, sa confrontation avec Pharaon). 15, 22-18, 27 : déplacement dans le désert. 19-40 : au Sinaï (le don de la Loi). Message/théologie Moïse est le personnage central de tous les récits jusqu’à la fin du Pentateuque. Il intercède auprès de Dieu pour le peuple et auprès des hommes pour Dieu. Le Livre de l’Exode raconte l’alliance de Dieu avec son peuple. Dieu se révèle proche des siens, à leur écoute : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple » (3, 7). Il les sauve de l’esclavage, les conduit vers la Terre promise et leur donne une loi. Il les accompagne tout au long du chemin, leur prodiguant ce dont ils ont besoin pour vivre, que ce soit de l’eau ou de la nourriture (la manne). Le désert est un lieu où il n’y a pas d’aide humaine. Le peuple succombe à l’infidélité, se fait une idole (le veau d’or) et l’adore, oubliant ainsi celui qui l’a fait sortir d’Égypte. Au lieu d’abandonner son peuple, Dieu lui pardonne une fois encore et renforce son alliance par le don de la Loi. Épisodes/personnages Parmi les épisodes célèbres de ce livre, se trouvent : l Moïse sauvé des eaux (Ex 2) ; l le buisson ardent (Ex 3) ; l les dix plaies d’Égypte (Ex 7-11 ; 12, 29-34) ; l la Pâque (Ex 12) ; l le passage de la mer (Ex 14) ; l la manne et les cailles (Ex 16) ; l le Décalogue (Ex 20) ; l le veau d’or (Ex 32). Postérité Le Décalogue est le fondement de la démarche morale judéo-chrétienne. Éléments à signaler Le nom actuel de ce livre vient du grec exodos et signifie « sortie ». Le nom hébreu reprend le premier mot du livre : shemot (les noms). L’épisode de Moïse sauvé des eaux puise son inspiration dans l’histoire légendaire du roi Sargon I er, fondateur de l’empire d’Akkad (actuel Irak).
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LA BIBLE, PAROLE DE DIEU DIEU ET SON PEUPLE
L’arche d’Alliance
Le troisième mois après leur sortie du pays d’Égypte, aujourd’hui même, les fils d’Israël arrivèrent au désert de Sinaï. Ils partirent de Refidîm, arrivèrent au désert de Sinaï et campèrent dans le désert. Israël campa ici, face à la montagne, mais Moïse monta vers Dieu. Le Seigneur l’appela de la montagne en disant : « Tu diras ceci à la maison de Jacob et tu transmettras cet enseignement aux fils d’Israël : Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait à l’Égypte, comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et vous ai fait arriver jusqu’à moi. Et maintenant, si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. » Ex 19, 1-6
LES DIX COMMANDEMENTS Et Dieu prononça toutes ces paroles. « C’est moi le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude : Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi. Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car c’est moi le Seigneur, ton Dieu, un Dieu jaloux, poursuivant la faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations – s’ils me haïssent – mais prouvant sa fidélité à des milliers de générations – si elles m’aiment et gardent mes commandements. Tu ne prononceras pas à tort le nom du Seigneur, ton Dieu, car le Seigneur n’acquitte pas celui qui prononce son nom à tort. Que du jour du sabbat on fasse un mémorial en le tenant pour sacré. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le sabbat du Seigneur, ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l’émigré que tu as dans tes villes. Car, en six jours, le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a consacré. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que te donne le Seigneur, ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de rapt. Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain. Tu n’auras pas de visées sur la maison de ton prochain. Tu n’auras de visées ni sur la femme de ton prochain, ni sur son serviteur, sa servante, son bœuf ou son âne, ni sur rien qui appartienne à ton prochain. » Ex 20, 1-17
Elle est le symbole par excellence de la présence de Dieu parmi son peuple, de son alliance, parce que, selon le récit du Livre de l’Exode, elle fut fabriquée pour recevoir les tables de la Loi remises à Moïse au mont Sinaï (Ex 25, 10-22). Or la Loi constituait elle-même la charte de cette alliance. L’Arche se présentait sous la forme d’un coffre en bois d’acacia d’environ 100 x 70 x 70 recouvert à l’intérieur d’or pur comme à l’extérieur. Elle était surmontée d’une plaque d’or, le « propitiatoire », lui-même surmonté à ses extrémités de deux « anges » (en fait des chérubins) également en or, comme pour le protéger. L’Arche accompagnait le peuple dans ses déplacements, portée à l’aide de barres de bois recouvertes d’or passées dans des anneaux latéraux. Une fois les Hébreux parvenus en Terre promise, l’Arche continua à les accompagner dans tous leurs combats, afin que Dieu soit présent parmi eux ; elle tomba même un jour aux mains des ennemis (1 S 4-6). Dès la construction du temple de Jérusalem par Salomon, l’arche d’Alliance, siège de la présence de Dieu parmi son peuple, fut placée au cœur du sanctuaire, le Saint des Saints. Le livre de la Loi fut déposé à côté de l’Arche.
Je ne veux pas vous le laisser ignorer, frères : nos pères étaient tous sous la nuée, tous ils passèrent à travers la mer et tous furent baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. Tous mangèrent la même nourriture spirituelle et tous burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher, c’était le Christ. Cependant la plupart d’entre eux ne furent pas agréables à Dieu, puisque leurs cadavres jonchèrent le désert. Ces événements sont arrivés pour nous servir d’exemples, afin que nous ne convoitions pas le mal comme eux le convoitèrent. Ne devenez pas idolâtres comme certains d’entre eux, ainsi qu’il est écrit : le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir. Ne nous livrons pas non plus à la débauche, comme le firent certains d’entre eux : en un seul jour il en tomba 23 000. Ne tentons pas non plus le Seigneur, comme le firent certains d’entre eux : des serpents les firent périr. Enfin, ne murmurez pas comme murmurèrent certains d’entre eux : l’exterminateur les fit périr. Ces événements leur arrivaient pour servir d’exemple et furent mis par écrit pour nous instruire, nous qui touchons à la fin des temps. 1 Co 10, 1-11
Le Livre du Lévitique (Lv) Place dans la Bible Ancien Testament, Pentateuque Nombre de chapitres 27 chapitres
Plan/contenu Le peuple hébreu est toujours au Sinaï où il reçoit, par l’intermédiaire de Moïse, les règles cultuelles concernant les prêtres et la sainteté du peuple. 1-7 : rituel des sacrifices. 8-10 : institution de la dynastie des prêtres (Lévites). 11-16 : règles de pureté des Hébreux. 17-26 : loi de sainteté. 27 : appendice sur la valeur de ce qui est consacré à Dieu. Genre littéraire Recueil de règles et de lois. Message/théologie Il y a peu de récits dans ce livre. L’exposé des règles et de la Loi s’y déploie. La très grande majorité de ces règles ne s’appliquent plus telles quelles du fait de l’absence de culte sacrificiel dans le judaïsme et le christianisme. Ce livre demeure source de nombreux enseignements, notamment en matière d’anthropologie théologique. Les règles prescrites sont fondées sur la volonté de Dieu que son peuple soit saint : « Je suis Dieu qui vous sanctifie » (Lv 21, 8). La réglementation présentée explique comment conserver cette sainteté, cette pureté et, au besoin, comment la regagner. La distinction entre le pur et l’impur est au cœur des préoccupations des auteurs. Éléments à signaler Le nom actuel de ce livre vient du grec levitikon, ce qui a trait aux Lévites (prêtres). Le nom hébreu reprend le premier mot du livre : wayyiqra, « il appela ».
LE VISAGE DE DIEU Le Seigneur passa devant [Moïse] et proclama : « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché, mais sans rien laisser passer. » Ex 34, 6-7
Qui sont ? Aaron Membre de la tribu de Lévi, frère aîné de Moïse et son porte-parole devant Pharaon et les Israélites, il devient le premier grand-prêtre d’Israël lorsque le culte se constitue au cours de l’Exode. Il est ainsi considéré comme l’ancêtre de toute la lignée sacerdotale, la « maison d’Aaron ». Ayant fabriqué pour les Israélites une représentation de Dieu sous forme de taureau, le « veau d’or », il meurt avant d’avoir atteint la Terre promise. Pharaons Souverains d’Égypte considérés comme des dieux vivants par leurs sujets, les pharaons sont, aux yeux d’Israël, le symbole même de la force du mal impuissante devant Dieu.
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ENTRÉE 15
Le serpent d’airain LE RÉCIT D’ORIGINE Ils partirent de Hor-la-Montagne par la route de la mer des Joncs, en contournant le pays d’Édom, mais le peuple perdit courage en chemin. Le peuple se mit à critiquer Dieu et Moïse : « Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Égypte ? Pour que nous mourions dans le désert ! Car il n’y a ici ni pain ni eau et nous sommes dégoûtés de ce pain de misère ! » Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents brûlants qui le mordirent et il mourut un grand nombre de gens en Israël. Le peuple vint trouver Moïse en disant : « Nous avons péché en critiquant le Seigneur et en te critiquant ; intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents ! » Moïse intercéda pour le peuple et le Seigneur lui dit : « Fais faire un serpent brûlant et fixe-le à une hampe : quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve. » Moïse fit un serpent d’airain et le fixa à une hampe ; et lorsqu’un serpent mordait un homme, celui-ci regardait le serpent d’airain et il avait la vie sauve (Nb 21, 4-9). Ce texte est difficile : il semble indiquer la reprise par Israël de vieux mythes orientaux (dans beaucoup de civilisations anciennes, le serpent enroulé était un Dieu guérisseur) mais en soulignant que Dieu seul libère et guérit. SON INTERPRÉTATION DANS L’ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT Le serpent d’airain, signe de la Loi Et même quand la fureur terrible des bêtes venimeuses se déchaîna contre les tiens et qu’ils périssaient sous la morsure des serpents sinueux, la colère ne dura pas jusqu’au bout. En guise d’avertissement ils furent effrayés quelque temps, tout en ayant un gage de salut qui leur rappelait le commandement de ta Loi. En effet, quiconque se retournait était sauvé, non par l’objet regardé, mais par toi, le Seigneur de tous. Et ainsi tu as prouvé à nos ennemis que c’est toi qui délivres de tout mal (Sg 16, 5-8). Jésus est le véritable serpent d’airain car seul il sauve Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’Homme soit élevé afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle. Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle (Jn 3, 14-15).
Le Livre des Nombres (Nb) Place dans la Bible Ancien Testament, Pentateuque
Nombre de chapitres 36 chapitres Plan/contenu Quittant le Sinaï pour atteindre la Terre promise, la génération qui était sortie d’Égypte se rebelle contre Dieu et est punie. 40 ans après, dans le désert, une nouvelle génération arrive aux portes de cette Terre promise. 1-25 : la génération de la sortie d’Égypte, entre départ du Sinaï, rébellion et mort. 26-36 : la deuxième génération se prépare à conquérir la Terre promise. Message/théologie Livre du passage de génération, il pose la question de la sanction des fils pour les fautes de leurs pères. Le livre se termine aux portes du Jourdain, la deuxième génération, pardonnée, va entrer en Terre promise. Des épisodes de rébellion du peuple similaires à ceux de l’Exode sont présentés. La sanction divine est plus sévère : entre les deux épisodes, la Loi a été donnée. Des compléments législatifs émaillent le récit. Cependant, Dieu demeure un Dieu patient et sensible à l’intervention de l’intercesseur qu’est Moïse. Dieu continue de sauver son peuple. Il ne l’abandonne pas devant les épreuves du désert. Si la question du rapport avec les étrangers est récurrente dans l’ensemble du Pentateuque, elle trouve dans le Livre des Nombres une réponse particulière. Il prône en effet une ouverture, ou tout le moins un accueil, y compris au sein des liturgies, pour ceux qui résident dans le pays. Épisodes/personnages Parmi les épisodes célèbres de ce livre, se trouvent : l le recensement de chaque génération qui rythme le livre (Nb 1 ; 26) ; l des séries de rébellions (contre la manne, contre Moïse, pour retourner en Égypte, contre le manque d’eau, etc.) ainsi que les sanctions divines ; l plusieurs combats entre Israël et les peuples qu’il rencontre ; l histoire de Balaq et Balaam (Nb 22-24) ; l Josué, successeur de Moïse (Nb 27). Éléments à signaler Le nom de ce livre vient du grec arithmoi, nombres. Le nom hébreu reprend le premier mot du livre : bemidbar (dans le désert).
Le désert Image de la terre hostile qui n’a pas été bénie par Dieu (Jr 2, 6), où l’eau, principe même de la vie, est rare ou absente (Ex 17, 1-7), le désert tient une grande place dans la Bible. C’est d’abord là que Dieu fait délibérément cheminer les Hébreux pendant 40 ans, entre leur sortie d’Égypte et leur entrée dans la Terre promise « ruisselante de lait et de miel ». Il faut cette rude épreuve pour qu’Israël prenne la consistance d’un peuple, peuple choisi par Dieu en vertu de l’alliance passée en ce désert où lui fut délivrée la
MOÏSE ET L’EXODE
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Loi. Israël conserve la nostalgie de ces lieux où la tendresse de Dieu s’est si clairement manifestée à lui (Dt 8, 2 ss). Terre de dépouillement, hors des fauxsemblants, le désert reste le cadre propice au retour sur soi, à la découverte de sa pauvreté et du don de Dieu, à la conversion (Os 2, 16). Élie, JeanBaptiste, Jésus lui-même, viennent y reprendre force spirituelle ou s’y préparer à leur mission. Dans les premiers siècles du christianisme, le tête à tête avec Dieu, favorisé par le désert, fait venir les premiers ermites dans les solitudes d’Égypte, de Palestine, de Syrie. Il s’y élabore un idéal érémitique qui eut ses héros, les « Pères du Désert » (tels saint Antoine), popularisés en Orient et en Occident par toute une littérature pieuse. L’idéal du désert a été la source du grand mouvement monastique qui n’a plus cessé de marquer la vie de l’Église. Le symbolisme du désert conserve aujourd’hui toute sa vigueur : l’Église se compare volontiers au peuple hébreu en marche, à travers des terres arides, vers la Terre promise, trouvant sa force dans l’eau de l’Esprit qui jaillit du rocher du Christ, dans le pain eucharistique que celui-ci lui dispense comme la manne.
Qu'est-ce que ? Manne Selon le Livre de l’Exode (16), les Hébreux, réduits à la famine dans le désert après leur sortie d’Égypte, reçoivent de Dieu de quoi manger sous la forme d’une farine granuleuse déposée chaque matin sur le sol comme le givre : la manne. Ce mot est resté le symbole des dons de Dieu et suggère une surabondance inespérée. Plaies d’Égypte Le Livre de l’Exode (7-12) montre l’Égypte frappée par dix calamités avant que Pharaon ne consente à laisser partir les Hébreux, comme le réclamait Moïse : eau du Nil changée en sang, invasion de grenouilles, de moustiques, de mouches, maladie des troupeaux, épidémie générale de boutons, grêle, sauterelles, ténèbres ; enfin, mort des premiers-nés des Égyptiens et de leur bétail pendant la nuit de la Pâque. Il est possible que des phénomènes naturels aient été amplifiés et interprétés comme des signes, des prodiges destinés à forcer la main de Pharaon. Tels qu’ils sont rapportés, ils s’insèrent dans la suite des prodiges évoqués par Israël en célébrant la Pâque.
Les « cornes » de Moïse Quelques représentations artistiques de Moïse le représentent avec des « cornes ». Cela vient d’une erreur de traduction des auteurs de la Vulgate. Ils ont confondu le mot désignant les « rayons » qui illuminent le visage de Moïse quand il revient d’une rencontre avec Dieu (Ex 34, 29 35) et le mot « cornes ».
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VOIR AUSSI ENTRÉES 21, 22
ENTRÉE 26
LE PAYS D’ISRAËL AU TEMPS DE JÉSUS
Petit lexique géographique Béthanie Il s’agit aujourd’hui d’El Azarieh, village à 4 km à l’est de Jérusalem. C’est là qu’habitaient Lazare, Marthe et Marie, les amis de Jésus. L’Évangile de Jean y situe la résurrection de Lazare (Jn 11) et l’onction de parfum qui précéda la passion du Christ (Jn 12, 1-11). Bethsaïde Village de pêcheurs au nord du lac de Tibériade, c’est la patrie de Simon-Pierre, d’André et de Philippe (Jn 1, 44). Non loin de là eut lieu la multiplication des pains (Lc 9, 10-17). Cana Village de Galilée proche de Nazareth. Lors d’une noce, Jésus y accomplit son premier miracle en changeant en vin le contenu de six jarres d’eau (Jn 2, 1-12).
Naïm Village de Galilée à une dizaine de kilomètres au sud de Nazareth. Jésus y ressuscite un jeune homme, fils unique d’une veuve (Lc 7, 11-17). Tibériade Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand et tétrarque de Galilée, se bâtit, vers l’année 20 de notre ère, une capitale à laquelle il donne le nom de l’empereur régnant, Tibère. Le lac de Gennésareth sur le bord duquel elle est située prend alors le nom de la ville. Dans les Évangiles, seul l’évangéliste Jean la mentionne (Jn 6, 23). Après la destruction de Jérusalem en 70 ap. J.-C., la ville de Tibériade devient un centre rabbinique actif. Israël au temps de Jésus MER MÉDITERRANÉE
Capharnaüm Ville de Galilée, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade ; point de passage muni d’un poste militaire romain et d’un bureau de péage. Jésus y séjourne souvent au début de sa prédication (Mt 4,13 ; 8,5).
Césarée de Philippe L’ancienne cité de Paneion, aujourd’hui Banias, près des sources du Jourdain, est baptisée Césarée de Philippe en l’honneur de l’empereur romain et du tétrarque de Transjordanie, Hérode Philippe. C’est là que se situe la confession de foi de Pierre (Mt 16, 13-20). Gennésareth Lieu-dit au nord-ouest du lac de Tibériade (ou de Gennésareth). Les Évangiles y situent plusieurs guérisons de Jésus (Mt 14, 34 ss ; Mc 6, 53 ss).
Capharnaüm Bethsaïde Gennésareth Lac de Tibériade Tibériade Cana Nazareth GALILÉE
Naïm
Césarée maritime
Jourdain
Césarée maritime Port sur la Méditerranée fondé par Hérode le Grand et devenu résidence des procurateurs romains. Les Actes des Apôtres y situent l’habitat du diacre Philippe dit « l’évangéliste » (Ac 21, 8), la conversion du centurion Corneille (Ac 10) et la détention de Paul avant son transfert à Rome (Ac 23 à 26). Aujourd’hui c’est un centre touristique d’Israël.
Césarée de Philippe
SAMARIE
PÉRÉE
Jérusalem Jéricho Béthanie Bethléem Qumrân JUDÉE
Désert de Judée
MER MORTE
De César à Tibère Tous les empereurs romains, même ceux n’appartenant pas à la famille de César, ajoutèrent son nom au leur ; ainsi ce nom désignait-il l’empereur en exercice. Le fameux verset de l’Évangile : « Rendez à César ce qui est à César » (Mt 22, 15-22) en porte la trace. Si l’institution impériale fut préparée par la dictature de César (48-44 av. J.-C.), ce fut son héritier politique et petit-neveu, Octave, qui, le premier, se fit attribuer le titre d’Imperator à vie en 29, puis celui d’Auguste en 27, après avoir triomphé, en 31, de son rival Antoine. Auguste était au faîte de sa puissance lorsque, en 6 avant notre ère, Jésus naquit à Bethléem ; son règne fut une période de paix, de prospérité et d’épanouissement culturel. Tibère, son fils adoptif, lui succède en 14 de notre ère : « La quinzième année du règne de Tibère César », écrit Luc (3, 1) pour dater la vie publique de Jésus (27 ou 28 de notre ère). C’est sous ce règne que Jésus est mis à mort. Bien que tyran cruel et soupçonneux, Tibère fait régner la paix et la bonne administration dans l’empire. À sa mort, en 37, la première communauté chrétienne est déjà bien enracinée.
Flavius Josèphe Né en 37 ap. J.-C., le Juif Flavius Josèphe prend part aux combats de la révolte de 66-70 contre Rome. Fait prisonnier, il échappe à la mort et s’attire la faveur des vainqueurs, Vespasien et Titus. Son livre, La Guerre juive, relate ce terrible conflit. On lui doit aussi Les Antiquités juives, ainsi que plusieurs écrits de polémique. Ayant dû prendre le parti des Romains, il livre un témoignage parfois sujet à caution mais, sans lui, nous ignorerions presque tout de l’histoire juive du I er siècle.
Philon d’Alexandrie Juif d’Alexandrie au Ier siècle de notre ère, il unit la culture grecque à la foi juive dans une œuvre philosophique de 26 ouvrages sur l’Écriture, où il s’inspire de la philosophie stoïcoplatonicienne. Sur les rapports de Dieu et de sa création, sur le logos et son rôle dans l’univers, il spécule en théologien. Il a probablement influencé saint Jean et l’auteur de l’Épître aux Hébreux ; les écrivains chrétiens des premiers siècles l’ont tenu en haute estime.
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LE PAYS D’ISRAËL AU TEMPS DE JÉSUS
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Le Temple de Jérusalem au temps de Jésus Portiques Nord
Portiques Parvis des païens ou gentils
Portiques
Parvis des femmes Parvis des païens ou gentils
Parvis des hommes Parvis des prêtres Autel Sanctuaire
Saint des Saints
Forteresse Antonia
Le Temple de Jérusalem La composition du Temple Le Temple de Jérusalem, édifié à partir de 20 av. J.-C. par Hérode le Grand, occupait l’emplacement des deux constructions qui l’avaient précédé : le premier Temple construit par Salomon au X e siècle av. J.-C. et détruit par Nabuchodonosor en 587 et celui qui avait été reconstruit 70 ans plus tard, au retour de l’Exil. Il se composait d’un sanctuaire et d’une enceinte. Le sanctuaire (30 m sur 10) comportait deux salles : le Saint, où seuls pénétraient les prêtres et où se trouvaient l’autel des encens, le chandelier d’or à sept branches, la table des pains de l’offrande et, séparé par un double rideau, le Saint des Saints. C’est là que, dans le Temple construit par Salomon, était placée l’arche d’Alliance, disparue avec la ruine de ce bâtiment en 587. Mais, malgré cette disparition, le Saint des Saints restait le lieu sacré de la présence de Dieu et seul le grand-prêtre y pénétrait, une fois par an, pour la fête des Expiations. Le sanctuaire était précédé d’un vestibule donnant sur le « parvis des prêtres », où s’élevait l’autel des holocaustes.
Actuel Mur des lamentations dit aujourd‘hui Mur occidental ou le Mur
Quant à l’enceinte, c’était un ensemble de cours et de parvis. Le « parvis des hommes » et le « parvis des femmes », où se trouvaient les troncs des oboles, près de la salle du trésor, n’étaient accessibles qu’aux Juifs. Tout autour, une immense esplanade, le « parvis des païens » ou « des nations », accessible à tous, était entourée de portiques ouvrant sur l’extérieur par des portes monumentales. On s’y rassemblait pour traiter ses affaires, discuter, écouter l’enseignement des docteurs de la Loi ; on y coudoyait les vendeurs d’animaux pour les sacrifices et les changeurs qui fournissaient la monnaie juive, obligatoire pour le paiement de l’impôt du Temple. Le Temple de Jérusalem était le cœur de la vie d’Israël, son sanctuaire, le siège de la présence de Dieu. Tout Juif devait s’y rendre en pèlerinage trois fois par an et tout spécialement pour la Pâque. Jésus a fréquenté le Temple tout au long de sa vie, soit pour y accomplir les obligations de la Loi, soit pour y enseigner les foules. Il s’y est livré à bien des controverses avec les docteurs de la Loi, les scribes, les pharisiens. Il a aimé ce Temple et pleuré sur sa ruine qu’il a annoncée. Les premiers chrétiens et le Temple Les premiers chrétiens, en bons juifs, continuèrent de fréquenter le Temple. Mais pour les chrétiens, le véritable Temple, c’est le Christ res-
suscité, c’est le chrétien, temple du Saint-Esprit, c’est l’Église, cité de Dieu ouverte à tous. Ils se considèrent comme les pierres vivantes de ce nouveau sanctuaire. L’Apocalypse de Jean présente la nouvelle Jérusalem, celle du Ciel, comme une radieuse cité dont le temple est Dieu lui-même. Quant au Temple somptueux construit par Hérode, il a été complètement détruit lors de la prise de Jérusalem par les Romains en 70 ap. J.-C. Le Temple aujourd’hui Aujourd’hui sa vaste esplanade porte la « coupole du Rocher » (appelée à tort « mosquée d’Omar »), édifice musulman sur le lieu même où s’élevait jadis l’autel des holocaustes. Le mur supportant l’esplanade à l’ouest est tout ce qui reste des fondations du Temple. C’est pourquoi il est entouré de vénération par les juifs, qui y viennent nombreux pour prier. Il est connu sous le nom de Mur des lamentations.
Qu'est-ce que ? Koinè La langue populaire parlée autour de la Méditerranée dans les décennies avant et après le Christ. C’est une langue grecque « commune » mais souvent assez éloignée du grec classique.
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LES GRANDES HÉRÉSIES POPULAIRES (XIIe-XIII e SIÈCLES) L’origine des hérésies populaires Le Xe siècle connaît un renouveau de la vie érémitique pratiquée par des laïcs. Beaucoup de ces ermites se tiennent à l’écart des monastères. Ils mènent une vie de pauvreté totale, subsistant d’aumônes ou de petits travaux. Ils se présentent ainsi aux yeux du peuple dont ils partagent les conditions précaires d’existence, comme une forme de réaction contre les mœurs de l’Église établie, s’acquérant de la sorte un grand crédit. Ils s’attachent volontiers à une tâche de progrès moral ou social, comme la réhabilitation des prostituées. Certains se livrent à un apostolat nomade qui entraîne des foules derrière eux, à l’image de la croisade populaire de Pierre l’Ermite. Beaucoup de ces prédicateurs contribuent à cristalliser l’anticléricalisme suscité par la décadence du clergé. On assiste ainsi, à partir du X e siècle, à des mouvements populaires qui n’ont rien de commun avec les hérésies intellectuelles de l’Antiquité chrétienne. La haine du clergé et la révolte contre la dîme conduisent naturellement au rejet de l’idée que le prêtre puisse donner le Christ et par là à celui des sacrements. Les meneurs ne sont pas des théoriciens, mais les interprètes d’un mouvement spontané et confus de retour aux sources évangéliques. Ce mouvement fournit un climat favorable aux hérésies plus clairement formulées (Vaudois, Cathares) du XII e siècle.
Les Vaudois ou pauvres de Lyon Pierre Valdès, ou Valdo, est un riche marchand lyonnais qui se convertit vers 1175 après avoir lu l’Évangile qu’il a fait traduire en provençal pour le comprendre. Appliquant à la lettre le conseil du Christ, il quitte sa femme, à laquelle il laisse ses terres, place ses filles à l’abbaye de Fontevrault et distribue en aumônes les biens qui lui restent. Groupant autour de lui quelques disciples – hommes et femmes –, il commence une vie itinérante, revendiquant le droit d’annoncer l’Évangile et prêchant la pénitence sans toutefois être muni d’aucun mandat de son évêque. Celui-ci lui interdit de poursuivre son enseignement. Valdès fait appel au pape, Alexandre III, qui confirme la nécessité, pour une prédication, d’être autorisée par l’évêque. Valdès et ses compagnons, les Vaudois, refusant de se soumettre, sont excommuniés en 1184 par le concile de Vérone, en même temps que les
Cathares. Ils poursuivent une action clandestine, se réclamant de la seule autorité de l’Évangile et accusant le clergé de trahir l’esprit évangélique. À la suite d’une scission, les uns, surtout présents en Languedoc, Provence et Dauphiné, restent en lien avec l’Église, tandis que les autres, principalement implantés au Piémont, constituent leur propre Église dont sont bannis les sacrements et le culte des saints. Ces derniers se rallient à la réforme protestante au XVIe siècle, dont l’esprit est proche du leur. Malgré des persécutions incessantes, le mouvement vaudois s’est maintenu jusqu’à nos jours. Ses membres (environ 20 000, la plupart au Piémont et quelques-uns en France) forment l’Église évangélique vaudoise, qui groupe la majorité des protestants italiens.
Les Cathares ou Albigeois Un phénomène complexe La dissidence religieuse des Cathares demeure très méconnue pour au moins trois raisons. La première est que l’information concernant les Cathares provient quasi exclusivement de ses adversaires, ce qui exige un regard critique. En deuxième lieu, l’histoire de cette hérésie a été l’objet de débats passionnés entre ceux qui présentent les Cathares comme les victimes de la monarchie associée au fanatisme de l’Église, les tenants d’une foi pure, et ceux qui les présentent comme des dévoyés, des sectaires, refusant toute autorité, méprisant le corps, recherchant la pureté absolue, excluant les impurs, etc. Enfin la troisième explication est que le vocable « Cathares » désigne en fait des mouvements multiples, apparus en des lieux différents : Albigeois en Languedoc, Bogomiles en Bulgarie, Concorreziani autour de Milan, en Rhénanie, etc. Il s’agit donc d’un phénomène complexe qu’il faut replacer dans cette période du Moyen Âge caractérisée par une volonté très vive de revenir à la pureté originale du message évangélique et un effort de centralisation et d’unification autour de la papauté (réforme grégorienne). Comme tout processus de réforme, celui-ci a généré des dissidences qui se sont soumises en rentrant dans le giron de l’autorité ou ont été condamnées comme hérétiques parce qu’elles refusaient de s’aligner sur la pensée définie par l’autorité. La doctrine cathare Le catharisme a en commun avec tous les mouvements spirituels de cette période une aspi-
ration à une vie en conformité avec la simplicité et la pauvreté évangéliques (il se veut donc chrétien), une dynamique et un anticléricalisme affirmés contre les richesses d’un certain clergé. Mais le catharisme s’éloigne de la majeure partie des aspirations de l’époque par sa dimension dualiste. Pour les Cathares radicaux, deux principes dominent le monde : Dieu unique et bon, créateur d’un monde céleste parfait et éternel, principe spirituel, vérité et lumière, et Satan, principe du mal et de la corruption, régnant sur le monde matériel et terrestre. De ce fait, le catharisme est pessimiste puisque la vie sur terre enchaîne l’homme à la matière dont il cherche à le libérer par le jeûne, l’abstinence sexuelle (par rejet non du plaisir mais de la procréation, c’est-à-dire de la propagation de la vie terrestre) et l’abstention de viande, mais il garde l’espérance dans l’au-delà, royaume de la perfection divine. Seule une élite pouvait s’astreindre à de telles exigences, ce qui aboutit à répartir les fidèles en deux groupes. D’une part, l’élite, les parfaits, les purs (en grec, catharos) qui, après une longue préparation, reçoivent le « baptême de Jésus-Christ » ou consolamentum administré par l’imposition des mains, à la fois baptême de l’Esprit, absolution des péchés et ordination conférant le droit de prêcher (en langue vernaculaire). Ces parfaits qui se nomment eux-mêmes « les bons chrétiens » prennent l’engagement de respecter toutes les obligations morales précitées, font une lecture fondamentaliste du Nouveau Testament, affirment que l’Incarnation n’a eu lieu qu’en apparence et que l’Eucharistie par conséquent n’est pas concevable. En principe, eux seuls pouvaient être sauvés. La fidélité des « purs » à leurs engagements tranchait avec le comportement du clergé et la richesse de l’Église. D’autre part, les simples croyants qui mangeaient, vivaient comme tout le monde, pouvaient avoir des enfants et même avorter (pour ne pas propager la vie humaine mauvaise) et qui assistaient aux célébrations avec prières et partage du pain. Pour arracher son âme à l’emprise de la matière et rejoindre Dieu, le simple fidèle attendait le plus tard possible la réception du consolamentum. Les défaillances du clergé, l’aspiration à une vie plus évangélique ont sans doute permis au catharisme un développement non négligeable, néanmoins difficile à quantifier. En effet les exigences de pureté ont fait de ce mouvement une religion élitiste (concernant au plus 2 à 5 % de la population languedocienne, d’après J.-L. Biget), ce qui a été un élément déterminant dans sa disparition autant que la brutalité de la répression.
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LES GRANDES HÉRÉSIES POPULAIRES (XII e-XIII e SIÈCLES)
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La croisade des Albigeois
Marmande
Penne-d’Agenais AGEN Millau
Moissac MONTAUBAN
Castelsarrasin
Rabastens
ALBI
NÎMES
Verfeil
Castelnau Lavaur
TOULOUSE Muret
Saint-Gilles
MONTPELLIER
Avignonet
Minerve BÉZIERS
St-Bertrandde-Comminges
Prouille Pamiers
Fanjeaux CARCASSONNE Abbaye de Fontfroide
Foix Montségur (reddition et bûcher 1244)
En affirmant que la matière et la vie terrestre étaient mauvaises, en refusant la réalité de l’Incarnation, en créant une religion pour initiés, la doctrine cathare s’opposait à la bonté du créateur, à la réalité de la Passion et de la Résurrection, au salut pour tous. De ce fait, il ne pouvait que rencontrer l’opposition de l’Église. De plus, en refusant la transmission de la vie et en créant une division religieuse, il menaçait la cohésion sociale, d’où la vigoureuse répression des pouvoirs politiques.
La guerre des Albigeois (1209-1255) L’expansion du catharisme dans le Languedoc, au XII e siècle, conduit papes et évêques à y susciter des prédications et débats publics, mais sans grand succès. À son avènement en 1198, le pape Innocent III commence par poursuivre la même politique. De passage dans la région, Dominique de Guzman, le futur saint Dominique, prend conscience de l’importance du problème posé par l’ignorance religieuse de la population et par la médiocrité intellectuelle et morale du clergé. En 1205, à la demande d’Innocent III, il parcourt villes et villages, prêchant et débattant, tout en menant une vie de jeûne et de pauvreté. C’est le point de départ de l’ordre mendiant des Frères prêcheurs. En 1208, le légat pontifical Pierre de Castelnau est assassiné par un écuyer de Raymond VI, comte
NARBONNE
Château de Queribus dernier refuge cathare pris en 1255
de Toulouse, lequel était acquis aux Cathares. Innocent III change alors de politique. Il excommunie et dépose Raymond VI et lance un appel à la croisade contre l’hérésie. Seigneurs et chevaliers accourent de toute la France. En 1209, la population de Béziers est passée au fil de l’épée. Le chef de l’expédition, Simon de Montfort, donne bientôt à la croisade un caractère de conquête territoriale violente qui dresse contre lui la population. Cependant, la sanglante bataille de Muret en 1213 fait tomber le comté de Toulouse ; la guerre semble terminée. Mais Innocent III meurt en 1216 et Toulouse se soulève en 1217. Raymond VI y rentre triomphalement. En 1226, dépassé par les événements, le nouveau chef de la croisade, Amaury, fils de Simon de Montfort tué au combat, fait appel au roi de France, Louis VIII. Il vient reconquérir la région mais meurt avant la fin des opérations, et c’est son épouse, la reine Blanche de Castille, régente durant la minorité de son fils, qui les mène à leur terme. Elle signe avec Raymond VII, successeur de Raymond VI, le traité de Meaux-Paris en 1229 qui préparait l’annexion du Languedoc à la couronne de France. Un concile régional tenu à Toulouse organise la répression de l’hérésie, donnant à l’Inquisition languedocienne ses statuts. En 1242, Raymond VII s’associe à une coalition de princes étrangers contre le roi de France ; celui-ci, le jeune Louis IX (futur saint Louis), réagit avec promptitude et défait la coalition à Taillebourg et à Saintes. Le comte de Toulouse doit une nouvelle fois traiter. À sa mort, ses
biens reviennent à sa fille, mariée au frère de Louis IX en vertu du traité de Meaux. C’est la réunion définitive du Languedoc au royaume de France. La résistance cathare se poursuit encore quelque temps dans des places fortes jugées imprenables (Montségur, Quéribus) qui finissent cependant par tomber en 1244 et 1255. Leurs défenseurs, mis devant le choix d’abjurer leur foi ou de monter sur le bûcher, n’hésitent pas : ils périssent brûlés.
Qu'est-ce que ? Bras séculier (du latin saeculum, siècle). Dans le langage ecclésiastique ancien, cette expression désigne l’action de la justice civile, distincte de celle des tribunaux ecclésiastiques. Les mots « siècle » et « séculier » désignent ce qui se rapporte à la vie profane, à la vie du monde ou à ce qui est en lien avec elle (ainsi le clergé « séculier » désigne le clergé qui ne relève pas des ordres monastiques, lesquels vivent retirés du monde sous l’autorité d’une règle d’où leur nom de clergé régulier). L’Église s’interdisant l’exécution des peines capitales, les tribunaux ecclésiastiques remettent à la justice civile, au « bras séculier », ceux qu’ils ont condamnés à de telles peines. Il y a longtemps, maintenant, que les tribunaux ecclésiastiques, lorsqu’ils jugent en matière pénale – ce qui est beaucoup plus rare qu’en matière contentieuse – prononcent des peines d’ordre exclusivement religieux.
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ENTRÉE 53
9, 102, 105, 128, 185, 189
LA RÉFORME PROTESTANTE
Qui est ? Léon X (1513-1521) Jean de Médicis, futur Léon X, est le fils de Laurent le Magnifique, chef de la puissante famille florentine, homme d’État mais aussi humaniste et poète. Il a comme précepteurs les plus grands humanistes de son temps, dont Marsile Ficin, Pic de la Mirandole et Ange Politien. Homme de cour fastueux, il protège les lettres et les arts. Durant son pontificat, il enrichit la bibliothèque vaticane d’une multitude de manuscrits précieux, encourage de ses libéralités poètes, littérateurs, érudits (l’Arioste, Machiavel, Guichardin, Paul Jove, etc.), multiplie les commandes aux plus grands artistes et à leurs élèves (Bramante, Raphaël, MichelAnge, etc.) et poursuit la construction de la basilique Saint-Pierre. À l’égard des puissances extérieures, il pratique une politique de paix, signant un concordat avec le roi de France, François I er, en 1516, et s’emploie à tenir en échec les ambitions de Charles Quint sur Venise. Il met fin au concile du Latran en 1517, sans plus entreprendre la réforme de l’Église. Bien au contraire, il poursuit la politique de financement des travaux de Saint-Pierre par concession d’indulgences. C’est contre cela que s’élève Luther dans ses thèses, en 1517, première manifestation publique qui lance le mouvement de la Réforme. Sans saisir les causes ni la portée de cette rébellion, Léon X condamne en 1520 Luther dans la bulle Exsurge Domine que ce dernier brûle publiquement. Léon X l’excommunie en 1521.
Martin Luther (1483-1546) Une crise spirituelle Moine augustin et prêtre, Luther enseigne les sciences bibliques à l’université de Wittenberg en Saxe. Scrupuleux et anxieux, il est hanté par son impuissance à éviter le péché et considère avec terreur la distance qui sépare Dieu de la misère de l’homme. Radicalement corrompu par le péché originel, l’homme lui paraît voué à la damnation. Luther découvre alors, en méditant l’Épître aux Romains de Paul, que la justice de Dieu n’est pas celle d’un juge, mais celle qui justifie le croyant par miséricorde, à cause des mérites du Christ mort sur la Croix. Il pousse alors cette certitude jusqu’au bout : l’homme, corrompu, ne peut rien par ses œuvres, seule la foi, don gratuit de Dieu, peut le justifier. C’est la doctrine luthérienne de la justification par la foi seule (sola fide).
Luther contre Rome Ses thèses se répandent très vite en Allemagne, cristallisant les ressentiments accumulés contre les autorités de l’Église. Luther, appelé à s’expliquer devant divers théologiens, rejette l’infaillibilité du pape et le magistère de l’Église : la seule autorité qui s’impose au chrétien est celle de l’Écriture (sola scriptura) dont il doit en tirer les leçons selon le principe du libre examen et de la responsabilité individuelle. En 1520, dans une suite d’écrits, il développe son idée principale : tout chrétien, par son baptême, se trouve investi du sacerdoce universel du Christ. Le sacerdoce ministériel est d’autant moins justifié qu’il n’assume aucun rôle de médiation dans le sacrifice de la messe puisque l’unique médiateur est le Christ. La seule Église est celle, invisible, dont le Christ est la tête, présentement captive de tout un ensemble de règles de caractère humain (doctrine des sacrements, transsubstantiation, caractère sacrificiel de la messe, etc.). Le baptême et l’Eucharistie (la Cène), les deux seuls sacrements, n’agissent pas par eux-mêmes mais en vertu de la foi de ceux qui les reçoivent. Excommunié, Luther reçoit l’appui des princes et du peuple allemands. Le jeune empereur Charles Quint, n’osant le poursuivre, l’invite à se justifier devant la diète d’empire convoquée à Worms, en 1521. Refusant de se rétracter et déclaré hérétique, Luther est caché par le prince Frédéric de Saxe dans son château de la Wartburg, pendant un an. Il y traduit le Nouveau Testament en allemand, première édition de l’Écriture en langue courante et premier monument de la langue allemande moderne. La réforme luthérienne Sorti de sa cachette en 1522, Luther organise le nouveau culte (prédication de l’Écriture sainte, sainte cène, chant choral). Il fait de Wittenberg le centre de sa nouvelle Église, véritable anti-Rome. En 1524, il dépose son habit de moine et se marie l’année suivante. Pendant la guerre des Paysans (1524-1525), révolte agraire mêlant aspirations à la justice et à la liberté et idées luthériennes, il condamne les violences des insurgés, suscitant de ce fait leur déception. À la même époque, il entre en controverse avec Érasme qui, favorable aux idées réformatrices de Luther, affirme cependant le rôle de la liberté dans le salut. Luther lui répond avec véhémence dans son livre Du serf-arbitre en 1525 : du fait de sa corruption absolue, l’homme ne dispose pas de liberté pour assurer son salut. En 1529, il publie le Grand et le Petit Catéchisme, innovations pédagogiques destinées à l’instruction des fidèles, dont l’idée est reprise ultérieurement par l’Église
romaine. Il approuve la Confession d’Augsbourg, résumé modéré de sa doctrine présenté par son ami Melanchthon à la diète d’Empire, réunie en 1536 par Charles Quint dans l’espoir d’un compromis entre les positions religieuses en conflit. À sa mort, Luther laisse un mouvement vigoureux, doté de bases théologiques élaborées et appelé à bouleverser profondément l’Église catholique et la société européenne. Tous les autres réformateurs sont tributaires de sa doctrine. Son action et sa pensée conduisent l’Église catholique à mener sa propre réforme et à préciser ou approfondir bien des points de sa doctrine.
LES THÈSES DE LUTHER La doctrine des indulgences 1. En disant : « Faites pénitence », Notre Seigneur et Maître Jésus-Christ a voulu que toute la vie des fidèles fût une vie de pénitence. 7. Dieu ne remet aucune faute sans que le pécheur n’ait à s’humilier devant le prêtre. 11. Cette ivraie qu’est la transformation des peines canoniques en peines du purgatoire a dû être semée dans l’Église pendant que les évêques dormaient. 37. Tout vrai chrétien, vivant ou mort, participe aux biens du Christ et de l’Église, même sans lettres d’indulgences. 41. Les indulgences doivent être prêchées avec prudence, de peur que le peuple comprenne à tort qu’elles passent avant les autres œuvres de charité. 58. Les trésors de l’Église d’où le pape tire ses indulgences ne sont pas les mérites du Christ et des saints, car ces mérites nous profitent sans intervention du pape. Les abus 24. On trompe la masse des fidèles en promettant sans nuances la remise intégrale des peines du péché. 27. Ils prêchent des inventions humaines ceux qui disent que l’âme sort du purgatoire dès que l’on a entendu la pièce tinter dans le tronc. 50-51. Il faut dire aux chrétiens que si le pape connaissait les abus des prédicateurs d’indulgences, il préférerait voir la basilique Saint-Pierre réduite en cendres que de la reconstruire avec la peau, la chair et les os de ses brebis. Il préférerait, il devrait même, la vendre et donner sa fortune pour aider ceux que l’on exploite en son nom. 65-66. Les trésors de l’Évangile sont des filets qui servaient autrefois à prendre les riches. Les trésors des indulgences servent à pêcher les richesses.
Dossier : Document : MEP_Livres_4_PART2 Date : 17/7/2009 17h11 Page 838/168
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ENTRÉE 118
CEC 1807, 2237, 2306, 2420
DROITS DE L’HOMME
« Le mouvement vers l’identification et la proclamation des droits de l’homme est un des efforts les plus importants pour répondre aux exigences irréductibles de la dignité humaine » (Vatican II, Dignitatis humanae, 1965). La Déclaration universelle des droits de l’homme publiée le 10 décembre 1948 par les Nations unies a été qualifiée par Jean-Paul II « de véritable pierre milliaire placée sur la longue et difficile route du genre humain » (2 octobre 1979). Cette déclaration est en effet le fruit d’une longue histoire au cours de laquelle le sacré s’est peu à peu déplacé de l’ensemble de l’univers pour se concentrer sur l’homme. Socrate, le judaïsme puis le christianisme ont progressivement tout désacralisé sauf l’homme. Paul, au nom du Christ, refuse les barrières nationales, culturelles, religieuses et sociales : « Il n’y a plus ni grecs, ni barbares, ni juifs, ni gentils » (Col 3, 11). Les chrétiens luttent pour le droit des femmes, Barthélemy de Las Casas pour celui des colonisés, les protestants pour les droits civils et politiques, le siècle des Lumières et la franc-
La conception chrétienne des droits de l’homme C’est au nom de l’Évangile que l’Église proclame son enseignement sur les droits de l’homme. La conception biblique de l’homme en fait une image de Dieu ; participant de ce fait à la transcendance de Dieu, il ne peut être assimilé à un pur objet, à une simple chose manipulable. Chaque personne humaine réalise une certaine image de Dieu qui fait sa dignité, cette image se retrouvant, sous des formes diverses, à égalité chez tous.
maçonnerie veulent donner des bases à la citoyenneté. Les consciences se rejoignent après la seconde guerre mondiale devant l’ampleur du désastre pour éviter le retour de la Shoah. La racine des droits de l’homme est la dignité de chaque être humain. Cette dignité n’a pas d’autre fondement que le fait d’être homme ou femme. Pour les chrétiens, elle est ancrée dans la création de l’homme et de la femme à l’image de Dieu. Cette dignité n’est pas fractionnable. « L’homme et la femme sont des personnes tout au long de leur vie et dans toute leur vie. Les droits concernent toutes les étapes de la vie et tout contexte politique, social, économique et culturel. Ils forment un ensemble unitaire, qui tend clairement à promouvoir tout aspect du bien de la personne et de la société. La formation intégrale de toutes les catégories des droits humains est la vraie garantie du plein respect de chacun des droits » (Jean-Paul II, message pour la Journée de la paix, 1999). La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 définit quatre
droits fondamentaux : le droit à la vie et à la sécurité – l’Église souligne que le droit à la vie commence dès la conception ; les droits découlant de l’appartenance à une communauté familiale ou nationale ; les droits se rapportant aux libertés de citoyens ; le droit au développement de sa personnalité par le travail, l’art, la science, la formation, et à la protection de sa santé. Ils sont liés à l’ordre social ou international et aux devoirs de la personne envers la société pour satisfaire aux justes exigences de l’intérêt général. L’engagement de l’Église au service des droits de l’homme a été constant et notamment très appuyé depuis le concile Vatican II. Les papes en ont constamment regretté l’écart entre la lettre et l’esprit, c’est-à-dire entre l’écrit et la pratique. Même si l’Église s’est constamment mise au service de tous les droits humains, elle a attaché une importance spécifique aux droits concernant la vie et le respect des consciences. Elle cherche également à promouvoir, à temps et à contretemps, la justice et la paix (Paul VI, lettre apostolique Justitiam et pacem, 1976).
Cet enseignement chrétien ne rend pas caduque la réflexion naturelle, indépendante de la foi religieuse, qui place cette dignité dans la structure même de la personne humaine. Le caractère social et solidaire de ces droits de l’homme est mis en relief par l’enseignement évangélique sur le salut en Jésus-Christ. En effet, le salut se réalise par une participation de tout être humain à la vie divine ce qui implique l’unification de la communauté humaine. C’est d’ailleurs dans ce processus d’unification que l’Église a défini sa mission lors du concile Vatican II (Lumen gentium, prologue, 1964). La conséquence immédiate de ce plan divin sur l’humanité est que cette dignité humaine n’a de sens que si elle s’incarne dans des droits fonda-
mentaux, qui passent avant toute législation humaine et sont ce qu’on appelle les droits de l’homme.
La formation des droits de l’homme La personne humaine, par sa raison et sa liberté, est un sujet de droit, c’est-à-dire qu’elle a le pouvoir de faire, d’exiger ou d’interdire certains actes, portant sur des biens ou sur le comportement d’autres personnes. Ces droits sont très nombreux et déterminés par chaque législation, en fonction d’un contexte historique
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ENTRÉE 118 et culturel précis : tels sont le droit de propriété, celui de circuler, de penser, de s’exprimer librement, etc. Parmi tous ces droits, il en est qui concernent l’être humain dans sa structure la plus intime et sans lesquels il ne peut se réaliser pleinement. Ces droits fondamentaux, liés à la dignité de l’homme, sont universels et inaliénables. Ce sont eux que l’on appelle justement « droits de l’homme », ou droits de l’être humain. La prise de conscience de ces droits, tributaire de la conception judéo-chrétienne de la personne, s’est formée au XVIII e siècle en opposition avec la société d’Ancien Régime marquée par de profondes inégalités sociales et des privilèges favorisant une minorité. La Révolution française, dans sa Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, a marqué, malgré ses abus et sa violence, l’avènement d’une nouvelle conception sociale, dans laquelle tout homme en vaut un autre et peut prétendre à être traité sans discrimination, principalement dans l’exercice de sa liberté. Leur formulation révolutionnaire et leur conception trop individualiste ont cependant révélé ses limites et même ses dangers. En effet, il ne suffit pas de proclamer un droit si les individus auxquels il doit profiter n’ont aucun moyen de l’exercer et si aucune garantie publique ne leur est apportée dans ce but. C’est ainsi que les droits de l’homme proclamés en 1789 n’ont profité qu’à une minorité de citoyens, ceux que leur situation mettait en mesure de les exercer, la classe possédante en un mot. Le caractère très individualiste de cette déclaration explique que le libéralisme économique, tout au long du XIX e siècle, se soit soldé par l’oppression de la classe ouvrière, laquelle a dû, à son tour, conquérir elle-même peu à peu ses droits (droit à un juste salaire, droit de grève, droit de former des syndicats, etc.). Pour prendre en compte cet aspect social, les Nations unies ont proclamé en 1948 une autre Déclaration universelle de ces droits, qui sont en fait l’expression privilégiée de la manière dont l’homme moderne se comprend. Ce renouveau d’intérêt pour une conception universelle et sociale des droits de l’homme a été reconnu solennellement par le concile Vatican II : « L’Église, en vertu de l’Évangile qui lui a été confié, proclame les droits de l’homme, reconnaît et tient en grande estime le dynamisme de notre temps qui, partout, donne un nouvel élan à ces droits » (Vatican II, Gaudium et spes, 41, 1965).
LE RESPECT DES RELIGIONS Article 1 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté d’avoir une religion ou n’importe quelle conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir une religion ou une conviction de son choix. 3. La liberté de manifester sa religion ou sa conviction ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité publique, de l’ordre public, de la santé ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. Article 2 1. Nul ne peut faire l’objet de discrimination de la part d’un État, d’une institution, d’un groupe ou d’un individu quelconque en raison de sa religion ou d’autres convictions. 2. Aux fins de la présente déclaration, on entend par les termes « intolérance et discrimination fondées sur la religion ou la conviction » toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la religion ou la conviction et ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de limiter la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur une base d’égalité. Article 3 La discrimination entre les êtres humains pour des motifs de religion ou de conviction constitue une offense à la dignité humaine et un désaveu des principes de la Charte des Nations unies et doit être condamnée comme une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et énoncés en détail dans les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et comme un obstacle aux relations amicales et pacifiques entre les nations. Article 4 1. Tous les États prendront des mesures efficaces pour prévenir et éliminer toute discrimination, en raison de la religion ou de la conviction, dans la reconnaissance, l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie civile, économique, politique, sociale et culturelle. 2. Tous les États s’efforceront d’adopter des mesures législatives ou de rapporter celles qui sont en vigueur, selon le cas, à l’effet d’interdire toute discrimination de ce genre, et de prendre toutes mesures appropriées pour combattre l’intolérance fondée sur la religion ou d’autres convictions en la matière. Article 5 1. Les parents ou, le cas échéant, les tuteurs légaux de l’enfant ont le droit d’organiser la vie au sein de la famille conformément à leur religion ou conviction et en tenant compte de l’éducation morale conformément à laquelle ils estiment que l’enfant doit être élevé. 2. Tout enfant jouit du droit d’accéder, en matière de religion ou de conviction, à une éducation conforme aux vœux de ses parents ou, selon le cas, de ses tuteurs légaux et ne peut être contraint de recevoir un enseignement relatif à
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une religion ou une conviction contre les vœux de ses parents ou de ses tuteurs légaux, l’intérêt de l’enfant étant le principe directeur. 3. L’enfant doit être protégé contre toute forme de discrimination fondée sur la religion ou la conviction. Il doit être élevé dans un esprit de compréhension, de tolérance, d’amitié entre les peuples, de paix et de fraternité universelle, de respect de la liberté de religion ou de conviction d’autrui et dans la pleine conscience que son énergie et ses talents doivent être consacrés au service de ses semblables. 4. Dans le cas d’un enfant qui n’est sous la tutelle ni de ses parents ni de tuteurs légaux, les vœux exprimés par ceux-ci, ou toute autre preuve recueillie sur leurs vœux en matière de religion ou de conviction, seront dûment pris en considération, l’intérêt de l’enfant étant le principe directeur. 5. Les pratiques d’une religion ou de convictions dans lesquelles un enfant est élevé ne doivent porter préjudice ni à sa santé physique ou mentale ni à son développement complet, compte tenu du paragraphe 3 de l’article premier de la présente Déclaration. Déclaration de l’ONU sur l’élimination de l’intolérance, 18 décembre 1982.
La liberté religieuse La liberté religieuse est l’un des droits de l’homme les plus fondamentaux et évidemment l’un des plus défendus par l’Église catholique. Elle comporte deux aspects. La liberté devant les hommes La liberté religieuse est le fait de ne pas être contraint par qui que ce soit en matière religieuse : chacun doit être libre de suivre sa conscience. Le concile Vatican II l’affirme tout particulièrement dans sa déclaration sur la liberté religieuse (Dignitatis humanae, Introduction, 1965) : « Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit […] de telle sorte, qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé, comme en public, seul ou associé à d’autres. » La liberté devant Dieu Cependant, chacun est-il libre devant Dieu de se construire sa propre religion ? La réponse de l’Église catholique est claire : si quelqu’un reconnaît que Dieu s’est révélé en Jésus-Christ, il est obligé « en conscience » d’écouter ce que Dieu dit par le Christ dans l’Église que celui-ci a fondée. Si Dieu parle, ce n’est pas la raison humaine et encore moins la paresse qui doivent être les normes de la vie religieuse, mais ce qu’il dit. Le Concile parle ici du « devoir moral de l’homme et des associations humaines à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ » (Dignitatis humanae, introduction, 1965).
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QUESTIONS DES HOMMES JEAN XXIII ET LES DROITS DE L’HOMME
Comme chacun sait, le 6 juin 1945 a été fondée l’Organisation des Nations unies (ONU), à laquelle sont venus se rattacher par la suite des organismes intergouvernementaux. À ces organisations ont été confiées de vastes attributions de portée internationale sur le plan économique et social, culturel, éducatif et sanitaire. Le but essentiel de l’Organisation des Nations unies est de maintenir et de consolider la paix entre les peuples, de favoriser et de développer entre eux des relations amicales, fondées sur le principe de l’égalité, du respect réciproque et de la collaboration la plus large dans tous les secteurs de l’activité humaine. Un des actes les plus importants accomplis par l’ONU a été la Déclaration universelle des Droits de l’homme, approuvée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies. Son préambule proclame comme objectif commun à promouvoir par tous les peuples et toutes les nations la reconnaissance et le respect effectifs de tous les droits et libertés énumérés dans la Déclaration. Nous n’ignorons pas que certains points de cette Déclaration ont soulevé des objections et font l’objet de réserves justifiées. Cependant nous considérons cette Déclaration comme un pas vers l’établissement d’une organisation juridicopolitique de la communauté mondiale. Cette Déclaration reconnaît solennellement à tous les hommes sans exception leur dignité de personne ; elle affirme pour chaque individu ses droits de rechercher librement la vérité, de suivre les normes de la moralité, de pratiquer les devoirs de justice, d’exiger des conditions de vie conformes à la dignité humaine, ainsi que d’autres droits liés à ceux-ci. Nous désirons donc vivement que l’Organisation des Nations unies puisse de plus en plus adapter ses structures et ses moyens d’action à l’étendue et à la haute valeur de sa mission. Puisse-t-il arriver bientôt le moment où cette Organisation garantira efficacement les droits de la personne humaine : ces droits qui dérivent directement de notre dignité naturelle et qui pour cette raison sont universels, inviolables et inaliénables. Ce vœu est d’autant plus ardent qu’aujourd’hui les hommes participent davantage aux affaires publiques de leur propre pays, qu’ils témoignent d’un intérêt
croissant pour les problèmes de portée mondiale et prennent une conscience plus vive de leur qualité de membres actifs de la famille humaine universelle. Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, 142-145, 1963.
La peine de mort La peine de mort, sous des aspects variés, a constitué un fait universel dans presque toutes les civilisations, y compris la civilisation judéochrétienne. Sa nécessité commence à être contestée au XVIII e siècle mais il faut attendre le XX e siècle pour voir progressivement son abolition se généraliser, la France s’y ralliant le 18 septembre 1981. Le christianisme, suivant en cela le judaïsme, a reconnu traditionnellement la légitimité de la peine de mort portée par l’autorité publique après jugement. Cependant, de nombreux épiscopats nationaux (par exemple ceux du Canada, des États-Unis, de l’Irlande et de France en 1978) ont pris des positions contre le maintien de la peine de mort, souhaitant voir son abolition se généraliser. Les motifs invoqués traditionnellement pour justifier la peine de mort ne résistent pas en effet à une réflexion humaniste. Si la peine capitale peut protéger la société en mettant définitivement le criminel hors d’état de nuire, d’autres mesures peuvent arriver au même résultat. Si l’on affirme que la fonction principale de toute peine est d’amener le coupable à se repentir, ceci est évidemment impossible avec la peine de mort. On invoque également son rôle d’exemplarité ; sa menace aurait un effet dissuasif sur les malfaiteurs. Or, sur ce point, toutes les enquêtes et recherches récentes dans les pays ayant aboli la peine de mort, révèlent que cette abolition n’a en rien provoqué une augmentation de la criminalité. Une enquête des Nations unies est venue confirmer cette constatation : la perspective d’une peine de mort n’arrête jamais un criminel. Enfin, en cas d’erreur judiciaire, l’exécution capitale rend celle-ci irréparable à l’égard d’un innocent. Les raisons humanistes qui militent pour l’abolition de la peine de mort se regroupent autour de l’idée de la dignité de la personne humaine, qu’aucune autre personne, même revêtue de l’autorité publique, n’a le droit de supprimer. Jadis, en
régime d’État chrétien, le souverain, considéré comme désigné par Dieu, détenait un pouvoir qui n’appartenait qu’à Dieu, celui sur la vie et la mort. Mais, dans nos sociétés sécularisées et dans un État laïcisé, une telle justification serait anachronique. Pour un chrétien, ce refus de la peine de mort est renforcé par sa foi, qui lui demande de voir en tout homme un fils de Dieu et en tout pécheur un racheté par le Christ. L’amour veut le bien de l’autre, même s’il est coupable. La mort du criminel est alors la pire des violences, car pratiquée de sang-froid, bien après l’agression criminelle qui pouvait, sur le moment, imposer la nécessité de la repousser par la force. Elle s’assimile alors davantage à une vengeance légale. L’abolition de la peine de mort révèle ainsi la qualité d’une société qui veut, avant toute considération, respecter l’homme.
CONTRE LA PEINE DE MORT Je renouvelle donc mon appel à tous les responsables, afin que l’on parvienne à un consensus international pour l’abolition de la peine de mort, à partir du moment où « les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » (Catéchisme de l’Église catholique, no 2267). Jean-Paul II, Angélus du 12 décembre 1999.
Rome et la torture L’emploi de la torture a été interdit en 866 par le pape Nicolas I er. Cette prohibition a été reprise au XII e siècle par la compilation connue sous le nom de décret de Gratien, pièce centrale du droit de l’Église jusqu’à la promulgation du premier Code de droit canonique en 1918. Mais, au XI e siècle, apparaît l’université de Bologne, première à être indépendante de l’Église et première à revenir au droit romain et à l’usage de la torture, qui était redevenu général dans les juridictions laïques quand Innocent II autorisa l’Inquisition à en faire usage (bulle Extirpanda, 15 mai 1252). Il faut pourtant ajouter que, dès 1311, Clément V restreint considérablement l’usage de la torture de l’Inquisition en le subordonnant, dans chaque cas particulier, à un jugement préalable auquel doit participer l’évêque du lieu.
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ÉCOLOGIE
VOIR AUSSI ENTRÉES 90, 94, 102, 130, 148, 149
CEC 337-342, 2415, 2432
Le chrétien devrait normalement être écologiste, c’est-à-dire respectueux de la nature. Le judéo-christianisme pense que l’univers a été créé et que pour Dieu « il est bon » (Gn 1). L’univers n’est ni une apparence, ni un rival de Dieu, ni Dieu mais il est créé bon, et le bonheur, le salut, se jouent non en échappant à l’univers ou en le méprisant mais en y vivant pleinement. Pour le chrétien, le Christ est devenu, par son Incarnation, un être né, comme eux, de la terre et porteur de toute la lumière de Dieu. Certes le Dieu du livre de la Genèse dit à l’homme et à la femme : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la » (Gn 1, 28), mais on ne peut y voir une invitation au pillage de l’univers. L’accord entre la nature et l’homme, dans la Genèse est brisé par le péché. L’homme devient violent et Dieu
semble ne pas chercher à contrecarrer cette violence de front mais à la limiter : après le déluge, ni les hommes ni les animaux ne restent végétariens, mais, s’ils versent le sang, il leur en est demandé compte (Gn 9, 5). Il est vrai aussi que beaucoup d’esprits religieux – et quelquefois chrétiens – ont été tentés par l’idéalisme en croyant ainsi s’opposer au matérialisme qu’ils dénonçaient. Pourtant le Dieu des chrétiens ne se cantonne pas dans les idées pures. Refuser de prendre en considération le corps, la matière, l’univers, revient à faire de Jésus un fantôme, un fauxsemblant d’homme et conduit les chrétiens à un faux-semblant d’humanité. Au cœur de l’Évangile, le Verbe s’est fait chair (Jn 1, 14). Paul ne manque pas d’en tirer les conséquences : si Dieu s’est fait chair, alors toute matière est capable
de Dieu, « tout est créé par lui et pour lui […] car il a plu à Dieu […] de tout réconcilier par lui et pour lui et sur la terre et dans les Cieux » (Col 1, 16-20). Pour les chrétiens, la résurrection du Christ annonce une transformation qui accomplira toute la Création : l’homme ne peut penser être lui-même qu’en lien avec le cosmos tout entier. Croire en la Résurrection, c’est croire que ce lien, certes transformé, se maintiendra. La vie chrétienne cherche à anticiper ce qu’elle vit déjà dans l’espérance : c’est pourquoi elle doit rechercher « l’attitude désintéressée, faite de gratuité et de sens esthétique, suscitée par l’émerveillement pour l’être et pour la splendeur qui permet de voir, dans les choses visibles, le message de Dieu invisible qui les a créées » (Jean-Paul II, encyclique Centesimus annus, 37, 1991).
Qu’est-ce que l’écologie ?
tence. Ainsi, dans certaines régions, l’accroissement des déchets et rejets toxiques, provenant de la civilisation urbaine et industrialisée, atteint un tel rythme que l’on ne peut plus ni les stocker, ni les éliminer, ni les recycler. À partir d’un certain seuil de saturation, les systèmes naturels de régénération sont débordés, deviennent inefficaces et, ce qui est plus grave, sont eux-mêmes irrémédiablement détruits (par exemple, la pollution ou « mort biologique » de certains fleuves ou lacs). La pollution a un effet nocif encore plus immédiat lorsqu’il s’agit de la contamination des éléments naturels indispensables à la vie par des produits toxiques (par exemple, les pesticides agricoles abusivement utilisés) ou lorsqu’il s’agit d’interventions humaines pouvant être dangereuses (pollution de l’air par des usines chimiques, les gaz d’échappement des voitures ou la radioactivité consécutive à des explosions nucléaires, etc.). La crise ainsi déclenchée ne connaît pas de frontière. Le problème est enfin aggravé par le temps assez long nécessaire pour que des mesures antipollution commencent à avoir un effet réel. Devant tous ces risques, l’homme moderne comprend mieux ce que peut signifier « n’avoir qu’une Terre », dont il faut ménager les ressources
et les écosystèmes s’il veut la transmettre habitable à ses descendants. Cette crise révèle aussi la solidarité humaine : pour un chrétien, c’est une incitation à respecter la Création, que les hommes ont à gérer au nom de Dieu et non pas à détruire ou à saccager.
L’écologie (du grec oikos, maison, habitat) est la science qui se consacre au rapport entre l’homme et son environnement naturel. Elle est à l’ordre du jour, car elle répond à un problème majeur de notre temps, celui de la dégradation de ce rapport, menaçant la survie de l’humanité. Aussi parle-t-on souvent de crise écologique. Elle a des origines essentiellement économiques et de graves incidences sociales. C’est la croissance industrielle moderne qui est en cause, en particulier en raison des conditions anarchiques dans lesquelles elle s’est généralisée. Les risques entraînés proviennent de deux facteurs : d’une part, l’épuisement plus ou moins rapide des ressources naturelles, en raison du gaspillage effréné qui préside à leur exploitation ; d’autre part, la pollution accélérée de l’environnement humain. Toute menace contre cet environnement est évidemment une menace contre l’homme, car celui-ci ne peut vivre qu’en symbiose avec lui, en y puisant les éléments nécessaires à son exis-
Nous devons avoir soin de l’environnement : il a été confié à l’homme pour qu’il le garde et le protège dans une liberté responsable, en ayant toujours en vue, comme critère d’appréciation, le bien de tous. L’être humain a évidemment une primauté de valeur sur toute la Création. Respecter l’environnement ne veut pas dire que l’on considère la nature matérielle ou animale comme plus importante que l’homme. Cela veut plutôt dire que l’individu ne peut la considérer de manière égoïste comme étant à l’entière disposition de ses propres intérêts, car les générations à venir ont aussi le droit de tirer bénéfices de la Création, exerçant à son égard, la même liberté responsable que nous revendiquons pour nous-mêmes. Benoît XVI, message pour la Journée mondiale de la paix, 7, 2008.
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QUESTIONS DES HOMMES LE CANTIQUE DU SOLEIL
Très-Haut, tout puissant, bon Seigneur, à toi sont les louanges, la gloire, l’honneur et toute bénédiction ; À toi seul, Très-Haut, ces hommages sont dus et nul homme n’est digne de te nommer. Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire le frère Soleil, qui fait le jour et par qui tu nous éclaires ; et il est beau et rayonnant avec grande splendeur ; de toi, Très-Haut, il porte signification. Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Lune et les étoiles ; dans les cieux tu les as formées, claires, précieuses et belles. Loué sois-tu, mon Seigneur, par frère Vent et pour l’Air et le nuage et le serein et tout temps, par lesquels à tes créatures tu donnes le soutien. Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Eau, qui est fort utile et humble et précieuse et chaste. Loué sois-tu, mon Seigneur, par frère Feu, par qui tu éclaires la nuit et il est beau et joyeux et robuste et fort. Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur notre mère Terre, qui nous porte et nous mène et qui produit les fruits divers avec les fleurs colorées et l’herbe. Loué sois-tu, mon Seigneur, par ceux qui pardonnent pour ton amour et qui subissent injustice et tribulation ; et bienheureux ceux qui persévèrent dans la paix, car par toi, Très-Haut, ils seront couronnés ! Loué sois-tu, mon Seigneur, par notre sœur la Mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper ; malheureux ceux-là seuls qui meurent en péché mortel ; mais bienheureux ceux qui ont accompli tes saintes volontés car la seconde mort ne pourra leur nuire. Louez et bénissez mon Seigneur et remerciez-le et servez-le avec grande humilité. Saint François d’Assise
La Bible donne un contour précis à notre relation à la nature et à notre responsabilité. Nous sommes les serviteurs d’un bien commun appartenant à tous et destiné à tous. La motivation écologique des chrétiens et leur engagement pour un développement durable sont donc fondés principalement sur la solidarité qui nous unit aux hommes de partout, avec qui nous partageons le bien de la Création. C’est pourquoi le message chrétien sur l’environnement ne se réduit pas à inviter au respect d’un contrat social d’une exploitation mesurée de la nature. Il propose de vivre une alliance avec les créatures et avec le Créateur, pour que le monde évolue dans l’harmonie que Dieu a voulue. C’est par fidélité à cette alliance que nous devons aller à la recherche de nouveaux modes de vie, de rythmes naturels respectueux de l’œuvre créée et de dessein du Créateur, de nouvelles conceptions de notre relation aux biens de la nature pour un partage plus équitables des richesses et une sauvegarde effective au bénéfice de tout de ce que la nature met à notre disposition.
D’où vient-il qu’il y ait tant de résistance à changer de comportement ? Le ressort auquel fait appel pour inviter l’homme à réagir est trop souvent celui de la peur, la peur d’une dégradation irréversible de l’environnement, la peur qu’inspire à l’homme sa capacité de détruire. La conversion chrétienne suppose une profonde estime pour le projet créateur de Dieu, la volonté d’en être partie prenante. Conférence des évêques de France, La Création au risque de l’environnement, 2009.
L’homme et l’animal L’homme est-il un animal comme les autres ? Leur est-il supérieur ? A-t-il un droit sur eux ? Ces questions sont des questions d’aujourd’hui et il y aurait un certain anachronisme à les poser directement à la Bible. L’animal dans la tradition judéo-chrétienne Pour autant la Bible n’est pas muette sur les rapports entre l’homme et l’animal. Peuple de bergers, peuple nomade, le peuple juif montre une certaine proximité avec les animaux et il faut sans doute interpréter le sacrifice des animaux comme un signe de leur dignité plutôt que comme la marque d’un mépris. L’animal remplace l’homme, éventuellement l’enfant premier-né, certes parce qu’il est considéré comme inférieur à l’homme mais aussi parce qu’il est le substitut le plus proche de l’être humain. Une lecture attentive du premier chapitre de la Genèse confirme cette interprétation. Les hommes sont clairement chargés d’une maîtrise sur les animaux mais dans le cadre d’une bénédiction qui veut donner la vie : « Soyez féconds et prolifiques. » D’ailleurs, dans ce récit, non seulement Dieu crée l’homme végétarien mais il ne destine pas à sa nourriture les mêmes plantes qu’aux animaux : il évite ainsi toute cause de conflit. Ce qui distingue l’homme de l’animal ce n’est pas leur origine – ils sont pétris de la même glaise –, mais c’est le souffle de Dieu mis dans la gorge des hommes pour qu’ils puissent parler, et la première parole de l’homme est pour nommer l’animal et ainsi pouvoir entretenir une relation avec lui. L’Évangile de saint Marc note que Jésus, pendant son séjour au désert « était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient » (Mc 1, 13). Avec Jésus, le monde nouveau est inauguré et voit la réconciliation de l’homme et de l’animal prédite par le prophète Isaïe (Is 11, 6-8).
suite de Kant, qui voyait dans la raison la différence essentielle entre l’animal et l’homme, ont fondé une vision de l’homme qui se distingue de l’animal par la différence et qui peut utiliser l’animal comme on utilise une machine. Pourtant, qualifier l’homme d’animal raisonnable et fonder toute sa dignité sur la seule raison peut conduire aux pires aberrations quand les hommes sont privés de raison par la maladie. Aujourd’hui des contemporains refusent cette conception utilitaire et dévalorisante de l’animal qui leur a été utile pour mener des expériences, pour utiliser les animaux sans souci ni de leur souffrance ni de leur éventuelle dignité. Ils cherchent, au contraire, à savoir ce qui peut fonder les éventuels droits des animaux et parlent volontiers du « mythe » de la dignité exclusive de la nature humaine. Les théologiens catholiques se sont peu penchés sur la question. Entre l’homme et l’animal il y a certes une continuité en ce qui concerne l’instinct de conservation de soi et la sensibilité. En revanche, il existe une véritable rupture quant à la faculté d’établir des médiations entre soi et l’autre, comme celle du langage, des outils, du droit. En présence de l’autre, l’homme a davantage de liberté que l’animal. On peut penser que cette faiblesse relative de l’animal l’expose davantage dans sa sensibilité : elle est, comme toute faiblesse, susceptible de créer à l’homme des devoirs. L’Évangile demande toujours de prendre en compte la faiblesse de l’autre. Quoi qu’il en soit, la tradition judéochrétienne donne une responsabilité à l’homme sur l’animal, refuse toute violence inutile à son endroit et n’interdit pas de penser que les animaux, en tant que créatures, seront rassemblés, avec toute la Création, à la fin des temps par le Christ pour être offertes, dans l’amitié, à la gloire du Père.
UN DEVOIR VIS-À-VIS DES ANIMAUX « La protection des animaux est une éthique chrétienne », dit Jean-Paul II, qui proclame officiellement, le 29 novembre 1979, saint François d’Assise patron céleste des écologistes. Les créatures et les éléments ne seront protégés de toute violation que dans la mesure où on les considérera comme des êtres à l’égard desquels l’homme est lié par des devoirs. Jean-Paul II, lettre aux ministres généraux des différents ordres franciscains pour le 8 e centenaire de la naissance de saint François, 1982.
LE STATUT DE L’ANIMAL L’animal dans la pensée moderne Évidemment, ces quelques lignes ne donnent qu’un aperçu du rapport entre l’homme et l’animal dans la Bible. Mais elles sont suffisantes pour montrer que la manière dont les modernes pensent le rapport animal-homme est étrangère à la tradition judéo-chrétienne. En effet, les modernes, à la suite de Descartes, qui pensait le corps humain ou animal comme une horloge, une machine, et à la
En particulier, quand il s’agit de son attitude envers les animaux, ces êtres dotés de sensibilité et capables de souffrir, on exige de l’homme qu’il ne leur fasse pas de mal et ne les torture pas physiquement lorsqu’il les met à son service. Cardinal Karol Wojtyla (Jean-Paul II), Amour et responsabilité.
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ENTRÉE 119
Les animaux ont-ils une âme ? Le rapport de l’homme et de l’animal a beaucoup changé dans les pays occidentaux. L’animal – à de rares exceptions près – a longtemps été considéré d’abord pour le travail qu’il pouvait exécuter, la nourriture qu’il pouvait apporter, les matières premières qu’il pouvait fournir (laine, cuir, etc.). La question de l’âme des animaux se posait alors dans les termes suivants : peut-on domestiquer, voire tuer les animaux ? La réponse était et demeure : les animaux peuvent servir l’homme, qui a le droit de s’en nourrir. Certes, l’animal sert encore de nourriture, de fournisseur de matières premières, de gardien ; mais de plus en plus, aujourd’hui, il devient un compagnon de l’homme, qui l’élève alors pour le plaisir. Dans ces conditions, la question de l’âme des animaux change de contexte et sans doute un peu de signification. Il est clair que la tradition chrétienne n’a jamais reconnu à l’animal une dignité égale à celle de l’homme. De nombreux chrétiens sont aujourd’hui scandalisés que l’on s’occupe parfois
davantage des animaux que des enfants du tiersmonde, par exemple : l’homme n’est-il pas le seul être créé à l’image de Dieu ? N’est-il pas seul à se poser des questions sur le sens de la vie ? Cela dit, la Bible invite certainement à un grand respect de la vie. Et ce n’est pas sans raison que le plus populaire des saints, François d’Assise, est souvent montré comme un ami des animaux, sachant leur parler et même les entraîner à glorifier Dieu. Sous l’aspect quelque peu légendaire de certains de ces récits réside une vérité profonde : selon la pensée chrétienne, la Création présente une grande unité et le péché de l’homme exerce une influence négative sur la nature en général et sur les animaux en particulier. La sainteté est au contraire facteur d’harmonie dans la Création. Aussi, même si l’on observe que les animaux n’ont pas d’âme au sens d’âme spirituelle, on peut constater qu’ils reflètent souvent l’âme de ceux avec qui ils vivent. On peut même penser que certains des animaux supérieurs sont de nature à acquérir, au contact de l’amitié de l’homme, des éléments de ce qui fait la valeur de l’humanité : intelligence, affection et même une certaine liberté de comportement.
ÉCOLOGIE
843
L’amitié de Dieu et de l’homme peut-elle dès lors ouvrir aux animaux une vie individuelle après leur mort ? Rien dans l’Écriture ni dans la Tradition ne permet de l’affirmer et la très grande majorité des théologiens répondraient négativement à la question. Pour autant, elle n’a jamais été tranchée.
Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation. Non seulement l’environnement matériel devient une menace permanente : pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu, mais c’est dans le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable. Problème social d’envergure qui regarde la famille humaine tout entière. C’est vers ces perceptions neuves que le chrétien doit se tourner pour prendre en responsabilité, avec les autres hommes, un destin désormais commun. Paul VI, lettre apostolique Octogesima adveniens, 21, 1971.
Dossier : Document : MEP_Livres_4_PART4 Date : 17/7/2009 16h56 Page 1074/88
VOIR AUSSI ENTRÉES 73, 76, 93, 94, 102, 128, 149, 159, 160, 162, 165, 166, 168, 169, 170, 171 CEC 774, 1076, 1084, 11131134, 1210-1211
ENTRÉE 172
SACREMENTS
Les sacrements sont au cœur de la vie chrétienne et pourtant beaucoup de catholiques ont du mal à en comprendre la nécessité ou la signification. Ils sont devenus petit à petit la marque des étapes de la vie. « [Les sacrements] s’échelonnent comme un emploi du temps de l’homme. Ils sont, ils font une sorte d’échelle irréversible de la vie (et de la mort). Le baptême qui sanctionne l’entrée dans la cité chrétienne […] ; la confirmation qui fait l’entrée dans le commerce avec le Saint-Esprit ; l’Ordre qui fait l’entrée […] dans l’état de prêtre ; le mariage qui fait […] surtout une entrée en ménage ; l’extrême-onction qui fait littéralement, pour ainsi dire, une entrée dans l’état de mort » (Charles Péguy, Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle). Une telle conception du sacrement ne correspond pas totalement à ce qu’il est : la parole de Dieu qui s’exprime par des gestes, des mots et
permet de vivre une rencontre avec lui. Le concile Vatican II précise que « l’Église est le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Vatican II, constitution Lumen gentium, 1, 1964) parce que, par elle, malgré ses imperfections, Dieu veut se rendre présent au monde d’aujourd’hui. Dans la vie de tout homme et de toute femme s’exprime un besoin de rites qui signifient et causent ce qu’ils signifient : un baiser signifie l’amour et le provoque en même temps. Un sacrement est un rite qui signifie la présence de Dieu, sa grâce, et la provoque dans le même temps. La relation signifiée et provoquée entre Dieu et l’homme, dans l’Esprit Saint, est essentielle au sacrement. Certes les sacrements marquent les étapes d’une vie, comme le dit Péguy, mais ils ne le font que s’ils sont des
événements où, dans la foi, le chrétien attend, accueille et vit le don de l’Esprit Saint. Il vit donc dans la foi, la présence de celui qui est apparemment absent mais qu’il croit vivant et agissant. Les chrétiens de langue grecque ont appelé cette rencontre ritualisée musterion, mystère, c’est-à-dire une rencontre avec celui qu’il est impossible de rencontrer directement. Les chrétiens de langue latine ont traduit le mot musterion par le mot « sacrement », reprenant pour cette traduction un mot employé pour le serment de fidélité du soldat à son autorité. Le lien entre musterion et sacramentum dans le mot français « sacrement » montre ce que la réalité du sacrement comporte d’engagement et de fidélité de la part de Dieu et de la part de l’homme. Les chrétiens savent que Dieu est toujours fidèle à ses engagements et donne à l’homme et à la femme la force de les accueillir.
Pourquoi sept sacrements ?
On préfère aujourd’hui affirmer qu’il y a un sacrement « source et sommet de la vie chrétienne » (Vatican II, constitution Lumen gentium, 11, 1964), l’Eucharistie, qui signifie fondamentalement la totalité du mystère du don de Dieu à l’homme et de l’homme à Dieu, et six sacrements qui développent, chacun dans sa ligne particulière, l’une des richesses de l’alliance de Dieu avec l’homme.
Il est très important de distinguer le signe et le symbole car ils peuvent devenir contradictoires.
sociale qui reste extérieure aux réalités considérées : il n’y a pas de lien nécessaire entre lever le doigt et vouloir parler. Le signe peut être un objet, par exemple un feu rouge : c’est alors un signal. Les signes appartiennent à un code social de relations : se découvrir, enlever sa cigarette, tendre la main sont des manières conventionnelles de se dire bonjour. Ce code est établi par la société. Il change avec le temps, l’espace et les milieux sociaux. En bande, les animaux utilisent aussi un code et des signes. Beaucoup d’objets liturgiques sont des signes : le crucifix, les cierges, l’eau bénite. De même pour les gestes liturgiques : s’agenouiller, se prosterner, se lever.
Le signe Le signe est un rapport conventionnel établi entre deux réalités différentes. Lever le doigt signifie, chez nous mais pas forcément ailleurs, « Je veux parler ». C’est donc une convention
Le symbole Le symbole est le propre de l’homme. Au sens fort, ce mot signifie une alliance qui lie, de l’intérieur, deux réalités. À l’origine, le mot grec sumbolein (jeter, mettre ensemble) désigne l’acte
L’Église catholique a lentement pris conscience du nombre des sacrements. Au XVIe siècle et à la septième session du concile de Trente sont définis sept sacrements. Cependant, dès l’origine, le baptême et l’Eucharistie apparaissent comme deux sacrements fondamentaux. Au Moyen Âge, certains affirment qu’il y en a deux ou trois de plus et d’autres en proclament encore beaucoup plus. Saint Thomas distingue les sacrements majeurs et les sacrements mineurs. Il justifie l’existence des sacrements en les rattachant aux grandes étapes de la vie : à la naissance, le baptême ; au passage à l’état adulte, la confirmation et le mariage, etc. Il est vrai que si Dieu rejoint l’homme, il le lui signifie aux moments significatifs de sa vie.
Signe et symbole
Dossier : Document : MEP_Livres_4_PART4 Date : 17/7/2009 16h56 Page 1075/88
ENTRÉE 172 de casser en deux un jeton de terre cuite et d’en remettre une moitié à chacune des deux parties contractantes d’une alliance. Chaque moitié, s’emboîtant dans l’autre, attestait l’alliance conclue, le dépôt confié. Il y a un lien intime et obligatoire entre les deux parties du tesson : chaque partie appelle l’autre. La moitié possédée renvoie à la moitié absente, grâce à l’alliance conclue qui est bien plus qu’un code. Ainsi le symbole relie deux réalités, l’une visible, l’autre invisible, mais qui sont liées comme les deux parties du tesson, comme le corps humain et les sentiments secrets, comme le corps visible de Jésus et sa personne de Fils de Dieu. Ce qui est vu renvoie à ce qui est invisible. L’homme symbolise sans cesse ce qui est le plus important à ses yeux. Son corps est le premier lieu où se manifestent les symboles, au nom de l’unité de la personne. Le symbole et la confiance Le signe s’impose dès qu’il est vu. Le symbole exige une confiance. Je comprends tel petit cadeau comme geste d’amitié et non de mépris, parce que j’ai confiance en celui qui le donne. Le symbole suppose la foi. Le signe se répète indéfiniment, toujours identique. Le symbole peut reprendre des gestes connus, mais il doit être nourri de l’intérieur par une fidélité. À travers mille gestes, c’est la même amitié qui s’exprime. Au fond, les signes sont des choses. Les symboles ne sont pas des choses, mais des manifestations de la personne qui ne sont comprises que par ceux qui partagent la même alliance. Je puis rester indifférent devant un signe. Un symbole m’engage et m’oblige à me situer devant lui. Des signes peuvent devenir des symboles. Ainsi l’eau qui lave (c’est un signe) peut devenir symbole de l’eau qui a coulé du côté du Christ. Pour cela, il faut partager la foi et c’est la prière à l’Esprit Saint qui fait de cette eau le symbole du baptême, parce que le Ressuscité s’engage en elle.
Les vertus médicinales des sacrements Le sacrement des malades donne l’occasion d’une observation plus générale s’appliquant à tous les sacrements. Ils sont des sources d’où coule la vie du Christ, issus de son côté transpercé (Jn 19, 34). Cette source est le symbole de l’Esprit Saint. Mais elle n’irrigue pas seulement un terrain sec. Elle purifie un terrain pollué : l’homme est pécheur. En lui donnant la vie du Christ, les sacrements le guérissent. Si le sacrement de pénitence réconcilie ceux qui ont gravement péché, chaque sacrement opère en l’homme une guérison, rend sain ce qui est blessé et purifie ce qui est trouble. En conformant une existence à
celle du Christ, le sacrement agit comme moyen de salut. C’est ce que l’on appelle la vertu médicinale du sacrement. L’Antiquité chrétienne aime d’ailleurs à comparer le Christ à un médecin.
Les sacrements de l’initiation Initier vient du mot latin initium, le début. Il y a trois sacrements de l’initiation chrétienne : le baptême, la confirmation et l’Eucharistie. L’initié est celui qui est introduit dans un groupe dont il apprend peu à peu les secrets et dont il partage progressivement la vie. Le mot est pratiquement absent du Nouveau Testament. Les chrétiens l’ont emprunté aux autres religions car il leur paraissait utile pour décrire le chemin de celui qui devient chrétien. Initié aux sacrements À la Renaissance l’initiation chrétienne est comprise comme un cheminement, un parcours, dont le sacrement est le terme. Être initié à un sacrement signifie donc « aller vers tel ou tel sacrement », s’y préparer. La préparation est ainsi l’aspect fondamental. On insiste alors sur les qualités de celui qui va recevoir le sacrement et sur les conditions de son accès. Initié par les sacrements Telle n’était pas la manière de comprendre de l’Antiquité chrétienne. En effet, le pédagogue, celui qui accompagne sur le chemin, n’est autre que le Christ. C’est lui qui initie par les gestes sacramentels. C’est pourquoi après une préparation portant sur la rectitude de vie, le futur chrétien recevait les trois sacrements d’initiation et qu’on lui expliquait ensuite ce qu’il venait de recevoir. Il était initié par les sacrements, véritablement sources de vie chrétienne et qu’il n’avait parfois jamais vu célébrer avant de les recevoir. Les sacrements de l’initiation chrétienne Le baptême fait passer d’un monde sans Christ à la communauté des enfants de Dieu, à l’Église. On ne naît pas chrétien, on le devient. Puis, la confirmation ratifie ce baptême et le baptisé est reconnu par Dieu comme fils et par les chrétiens comme frère. Par l’Eucharistie, le chrétien communie au don que le Christ fait de sa vie. « Le chrétien est un autre Christ », écrit Tertullien. Des circonstances historiques ont modifié l’ordre primitif en intervertissant confirmation et Eucharistie. La pastorale des enfants a ensuite fait passer le sacrement de pénitence et de réconciliation après le baptême. Dans le cas d’un baptême d’adulte, il est demandé de suivre l’ordre originaire.
SACREMENTS
1075
La mystagogie De manière générale le mot mystagogie (du grec mustes, initié, et agein, conduire) signifie : initiation aux mystères. Dans les premières communautés chrétiennes, il désigne la catéchèse destinée aux néophytes, c’est-à-dire à ceux qui viennent de recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, Eucharistie. On en trouve un exemple dans les Catéchèses mystagogiques de saint Cyrille de Jérusalem vers 350.
Qu'est-ce que ? Consignation Ce mot signifie l’inscription sur un registre paroissial d’un acte relatif à la vie de l’Église (baptême, mariage, etc.). C’est aussi le nom donné quelquefois à la confirmation, surtout lorsqu’elle est célébrée en même temps que le baptême. Intention Dans la présentation traditionnelle des sacrements, l’Église attache une importance première à l’intention. Pour qu’un sacrement soit donné validement, il faut que son ministre ait l’intention de le donner, en faisant « ce que l’Église fait » dans les formes prescrites. La nécessité de l’intention a été mise en relief par le concile de Trente. Sacramental Par sacramental on désigne un rite qui, tout à la fois, ressemble au sacrement et en diffère. Les sacrements sont en nombre limité, les sacramentaux sont beaucoup plus nombreux : les bénédictions sur l’eau, l’huile, les récoltes, les navires, la consécration d’une église, d’une image sainte, l’utilisation de l’eau bénite peuvent être considérés comme des sacramentaux. Les sacramentaux expriment la foi de ceux qui les demandent et les utilisent. L’attachement des chrétiens à leur égard vient de ce qu’ils sont toujours directement ou indirectement une manière de rappeler un sacrement (l’eau bénite rappelle le baptême) ou d’y préparer. Sacramentel C’est ce qui se rapporte à un sacrement par exemple. La grâce sacramentelle est propre à chaque sacrement, l’eau sacramentelle du baptême. La présence sacramentelle désigne le mode de présence du Christ dans l’Eucharistie.
Sacramentum Terme juridique latin qui a d’abord désigné la caution que deux personnes qui entraient en procès allaient déposer devant les dieux. Le perdant laissait son argent au temple et cette caution, ce sacramentum, était consacré aux dieux. Par analogie, le sacramentum est devenu aussi le serment qui accompagne le dépôt.
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VOIR AUSSI ENTRÉES
ENTRÉE 174
87, 192, 199
LE CATHOLICISME PARMI LES GRANDES RELIGIONS
Effectif en millions
Pourcentage de la population mondiale
Nombre de pays concernés
Catholiques
1 100
17,4 %
235
Protestants
350
5,6 %
232
Orthodoxes
218
3,5 %
134
Anglicans
82
1,3 %
163
Autres chrétiens
288
5,1 %
NC
Total chrétiens
2 038
32,9 %
238
15
0,2 %
134
Musulmans
1 226
19,8 %
204
Total monothéistes
3 279
52,9 %
Hindouistes
828
13,3 %
114
Bouddhistes
364
5,9 %
126
Autres religions asiatiques
432
7%
NC
Animistes
232
3,7 %
NC
Autres
124
2%
NC
Juifs
Total non monothéistes
1 980
31,9 %
Total croyants
5 259
84,8 %
925
14,9 %
Athées et sans religion
Effectif des grandes religions Les chrétiens, dont le nombre dépasse les 2 milliards (33 % de la population mondiale), constituent la famille religieuse la plus importante. Parmi eux, les catholiques romains sont les plus nombreux (approximativement 54 % des chrétiens, 34 % des monothéistes, 17,4 % de la population mondiale). Protestants et anglicans, qui sont moitié moins nombreux que les catholiques, représentent à peu près 21 % des chrétiens, 13 % des monothéistes, 7 % de la population. Les orthodoxes regroupent 10,6 % du total des chrétiens, 6,6 % des monothéistes et environ 3,5 % de la population.
Les juifs constituent la famille religieuse la moins nombreuse (0,5 % des monothéistes, 0,2 % de la population mondiale), mais la place qu’ils occupent dans le monde religieux est sans commune mesure avec leur nombre. Les musulmans, dont le nombre dépasse probablement la moitié de celui des chrétiens, représentent 37 % des monothéistes et près de 20 % de la population mondiale. Quant aux religions non monothéistes, elles regroupent 31,9 % de la population mondiale et sont principalement localisées dans l’Est et le SudEst asiatiques ainsi qu’en Afrique. Les hindouistes et les bouddhistes forment à eux seuls 68 % de l’ensemble non monothéiste. Les athées et sans religion constituent un ensemble important et pourtant difficile à dénombrer. Les personnes ayant appartenu ou appartenant
NC
Source : Britannica book of the year, 2003
Effectif des grandes religions
encore formellement à une religion sans n’avoir plus, en réalité, de convictions religieuses ne sont pas rares. Inversement, dans de nombreux pays (par exemple l’ex-URSS et la Chine, où vit plus du quart de l’humanité), la pression idéologique du pouvoir a été ou est telle que la possibilité d’exprimer une conviction religieuse est délicate : comment dénombrer les croyants et incroyants authentiques ?
L’ensemble mondial Le tableau et le graphique représentant l’effectif des grandes religions permettent de se faire une idée de l’importance numérique de ces dernières dans le monde au début des années 2000. Les statistiques concernant les religions sont difficiles à établir. Peu de religions procèdent à des
Dossier : Document : MEP_Livres_5 Date : 17/7/2009 17h14 Page 1091/144
ENTRÉE 174
LE CATHOLICISME PARMI LES GRANDES RELIGIONS
1091
Catholiques
Protestants et anglicans
Orthodoxes
Juifs
Musulmans
Religions asiatiques
Animistes
Europe
25,4 %
22,2 %
29,3 %
6,5 %
1,4 %
0%
0%
CEI
0,6 %
0,8 %
34,4 %
7,3 %
4,6 %
0%
0%
Amérique du Nord
7,4 %
20,1 %
4,6 %
44 %
0,4 %
0%
0%
Amérique centrale et du Sud
42,2 %
15,4 %
0%
3,8 %
2%
0%
0%
9%
20,8 %
26,2 %
1,2 %
15,9 %
0%
66,3 %
Maghreb et Moyen-Orient
0,1 %
0%
5,1 %
37,2 %
29,8 %
0%
0%
Asie
14,5 %
18,2 %
0%
45,9 %
99 %
32,7 %
Océanie
0,7 %
2,4 %
0%
0%
0%
0%
Afrique noire
0,4 %
Source : Britannica book of the year, 2003
Répartition géographique des grandes religions
Évolution de la proportion des grandes religions dans la population mondiale
%
2004
1930
2025
2050
40 35 30 25 20 15 10 5 0 Chrétiens
Musulmans
recensements ou tiennent des registres (comme les registres de baptêmes chrétiens). De plus, il n’est guère possible de connaître les cas d’abandon ultérieur. Et, dans certaines régions du monde, les cas de multiples appartenances sont fréquents (par exemple, bouddhisme et confucianisme ou shintoïsme, ou encore animisme associé au christianisme ou à l’islam, etc.). Selon les sources, les chiffres peuvent être très différents. Les chiffres avancés ici sont donc de simples ordres de grandeur, établis à partir d’évaluations courantes et disparates, qui permettent tout au moins de situer approximativement les grands courants religieux les uns par rapport aux autres. Il peut y avoir des écarts avec les chiffres
Hindouistes
Autres religions
donnés dans d’autres entrées de cet ouvrage, quand les sources sont différentes. Ce n’est pas l’exactitude des chiffres (impossible à atteindre) qui est importante mais le poids de la religion et la tendance des évolutions dans la population.
Évolution de la proportion des grandes religions dans le monde L’évolution dans les prochaines décennies sera marquée par deux ordres de facteurs : les uns prévisibles, à savoir les tendances démographiques, les
Non croyants
autres non prévisibles, à savoir les facteurs proprement spirituels. Mais les chiffres ne peuvent donner que des indications de tendances et demandent à être analysés et interprétés avec discernement. À s’en tenir à la seule démographie, la croissance des religions pratiquées dans les pays à forte démographie sera évidemment plus rapide que dans les autres. On devrait notamment voir augmenter le nombre des catholiques en Amérique latine, en Afrique et en Asie, tandis qu’il se stabiliserait ou régresserait en Europe et en Amérique du Nord. Ce sont les facteurs spirituels qui commanderont, en fin de compte, la situation religieuse dorénavant ; l’évolution des ex-pays communistes pourrait, à cet égard, avoir de larges incidences en Europe et en Asie.
Dossier : Document : MEP_Livres_5 Date : 17/7/2009 17h15 Page 1182/144
VOIR AUSSI ENTRÉES
ENTRÉE 204
213, 214
CONVICTIONS ET PRATIQUE DES FRANÇAIS
Toutes les données qui sont mentionnées dans les pages suivantes sont extraites de sondages d’opinion publiés dans la presse française ou relevant des statistiques de l’Église et de différents organismes de l’État français. Certaines données remontent à quelques années, lorsqu’il n’y a pas eu d’enquêtes plus récentes sur la question. Il demeure que ces chiffres permettent de dégager de grandes tendances.
Que croient les Français ? Il est très difficile de répondre à cette question, d’une part car les sondages ne sont pas une technique fine permettant d’aller au fond des consciences et d’autre part car ceux qui ont tenté l’approche de ces sujets ont donné des réponses trop dispersées dans le temps pour permettre de tracer des profils précis. En outre, la manière même de poser une question peut influencer le résultat d’un sondage. On ne peut donc que citer quelques résultats, en se gardant d’en tirer des conclusions tranchées.
Évolution de l’appartenance à une religion de 1987 à 2006 Croyez-vous en Dieu ?
Oui
Non
Ensemble
60 %
38 %
Sexe Hommes
54 %
43 %
Femmes
64 %
35 %
18 à 24 ans
54 %
46 %
25 à 34 ans
51 %
47 %
35 à 49 ans
53 %
44 %
50 à 64 ans
68 %
32 %
65 ans et plus
70 %
26 %
Âge
Source : CSA / sélection du Reader's Digest, décembre 2004
Les Français croient-ils en Dieu ?
Dans la population française, entre 1987 et 2006, le taux de ceux qui se déclarent catholiques baisse de 10 %. Les autres religions ne connaissant pas d’évolution sensible depuis 15 ans, la baisse du nombre des catholiques se fait donc au profit de ceux qui se déclarent « sans religion ».
Plus de deux tiers des Français pensent que Jésus a existé Seulement 29 % des Français sont absolument certains que Jésus a existé, 39 % disent que c’est probable, 11 % doutent de cette existence. Pour 14 % des Français, Jésus n’a pas existé et 7 % ne se prononcent pas sur la question. (Source : CSA/La Vie, décembre 2006)
Croyances des Français Ces chiffres sont à rapprocher de ceux de l’appartenance à une religion pour l’ensemble de la population. Bien entendu, en ce qui concerne les propositions dogmatiques catholiques, les résultats sont supérieurs chez les catholiques pratiquants réguliers. Cependant, ces données montrent, chez beaucoup d’entre eux, une faible adhésion à ces éléments fondamentaux de la foi chrétienne. Une enquête réalisée en 2006 indique que la majorité des personnes se déclarant catholiques le sont par tradition familiale. Seules 21 % d’entre elles affirment l’être par foi.
La Vierge Marie Les Français dans leur majorité donnent une place particulière à Marie. 61 % des Français ont du respect ou de la dévotion pour elle ; par contre, 26 % éprouvent de l’indifférence, 6 % de l’incrédulité et 4 % de la dérision. (Source : TNS Sofres/Pèlerin Magazine/Lourdes Magazine, juin 2002) Pour les Français, la Vierge Marie représente la tendresse maternelle (48 %), la pureté (46 %), la compassion (22 %), le don de soi (21 %), la défense des humbles (14 %) et la discrétion (13 %). (Source : CSA/La Croix, juillet 2004. Le total est supérieur à 100 % car les interviewés pouvaient donner plusieurs réponses.)
La Bible vue par les Français 42 % des Français possèdent une bible dans leur foyer et 18 % la consultent au moins une fois par mois. La Bible est majoritairement considérée par tous les Français comme un livre important tant pour le patrimoine spirituel que culturel de l’humanité. Par contre, 54 % d’entre eux la voient comme un livre dépassé, en décalage avec le monde moderne. Seuls 38 % déclarent que ses enseignements sont toujours actuels. Elle permet, selon les Français interrogés, de connaître l’histoire des origines du judaïsme et du christianisme (43 %), de mieux connaître les aspects religieux de notre culture (31 %), de connaître la parole de Dieu (27 %), de comprendre le sens de la vie (25 %). (Source : CSA/La Croix, septembre 2001) Croyances des Français Pourcentage de Catholiques Français croyant Ensemble pratiquants aux affirmations population réguliers suivantes : Jésus-Christ est le fils de Dieu
55 %
72 %
Le Christ est ressuscité
47 %
60 %
Existence du jugement dernier
39 %
44 %
Un Dieu en trois personnes
28 %
38 %
Existence du démon, du diable
27 %
31 %
Existence de l’enfer
25 %
28 %
Source : CSA / La Vie / Le Monde, mars 2003
Sources
Dossier : Document : MEP_Livres_5 Date : 17/7/2009 17h15 Page 1183/144
ENTRÉE 204
CONVICTIONS ET PRATIQUE DES FRANÇAIS
1183
Répartition religieuse des Européens
Pays mixtes
France
Espagne
Italie
Pologne
GrandeBretagne
Pays-Bas
Allemagne
60 %
73 %
88 %
92 %
16 %
26 %
31 %
Protestants et évangéliques
2%
2%
1%
40 %
24 %
36 %
Musulmans
4%
1%
3%
14 %
5%
Autres
6%
8%
3%
2%
18 %
Indifférents
1%
6%
2%
4%
4%
21 %
18 %
27 %
10 %
7%
1%
19 %
13 %
4%
Catholiques
Athées
1971
Sofres – La Croix
1979
Louis Harris
13 %
1984
Louis Harris – La Vie
13 %
1986
Sofres – La Croix
16 %
1991
Sofres – Figaro Madame
18 %
1994
CSA
19 %
CRITÈRES DES SOCIOLOGUES D’AUJOURD’HUI La baisse de la pratique religieuse rend le nombre de pratiquants hebdomadaires trop faible pour permettre des analyses significatives. Les sociologues ont donc élargi leurs critères. Pratiquant régulier : catholique qui assiste à la messe au moins une fois par mois. Pratiquant occasionnel : catholique qui assiste à la messe moins d’une fois par mois. Non-pratiquant : catholique qui ne va à la messe qu’à l’occasion des grandes fêtes ou d’événements familiaux (mariages, premières communions, etc.).
2001
CSA – La Croix
22 %
Les Français et la prière
2004
CSA – La Croix
27 %
2008
8%
GFK – Eurisko
27 %
Évolution de l’appartenance à une religion en France de 1987 à 2006
1987
1995
2006
Catholiques
75 %
69 %
65 %
Protestants
1%
2%
2%
Autres religions
3%
5%
6%
21 %
24 %
27 %
Sans religion
Source : Ifop / La Croix, juillet 2006
Des critères qui évoluent CRITÈRES DES SOCIOLOGUES D’HIER Messalisant : catholique qui se rend à la messe tous les dimanches. Pascalisant : catholique qui participe à la messe uniquement lors des grandes fêtes : Noël, Pâques, etc.
Quand priez-vous ?
Ensemble
Croyants
Souvent
23 %
36 %
Au moins une fois par jour
dont 15 %
dont 24 %
Au moins une fois par semaine
dont 6%
dont 9%
Au moins une fois par mois
dont 2%
dont 3%
Rarement
35 %
49 %
De temps en temps, quelquefois dans l’année
dont 21 %
dont 32 %
Seulement pendant les cérémonies et grandes fêtes
dont 14 %
dont 17 %
Jamais
40 %
13 %
La vie après la mort Près de 59 % des Français pensent qu’il y a une vie après la mort et 39 % pensent qu’il n’y a rien. La définition de cette « vie » est difficile à donner pour 33 % d’entre eux. L’immortalité de l’âme et la résurrection du corps sont des affirmations que les catholiques pratiquants approuvent davantage que le reste de la population : 16 % des Français croient à l’immortalité de l’âme, 4 % à la résurrection du corps et 6 % à la réincarnation. (Source : CSA/La Vie/Le Monde, mars 2003)
La générosité
Source : CSA / Sélection du Reader's Digest, décembre 2004
Proportion des Français se déclarant sans religion
6%
Source : GFK Eurisko, 2008
Pays de tradition protestante
Pays de tradition catholique
67 % des Français déclarent avoir déjà fait un don à une association humanitaire ou caritative. En 2004, d’après une étude de la Fondation de France sur la solidarité et le mécénat (2002), les plus de 50 ans contribuent à 66 % de la globalité des dons. Les catholiques pratiquants sont les plus mobilisés ; parmi les donateurs, 67 % sont catholiques. (Source : CSA/Sélection du Reader’s Digest, 2004)
Le bénévolat Près de 13 millions de Français ont un engagement bénévole (INSEE), soit 27 % de la population française. Le lieu de leur engagement est le plus souvent une association (85 à 90 % des bénévoles, soit 11,5 millions) ou une municipalité ou encore, d’une façon informelle, leur entourage. C’est dans les paroisses et le Secours catholique que les catholiques s’engagent le plus.
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L’ÉGLISE AUJOURD’HUI
L’Église et la lutte contre la drogue L’Église refuse fermement la logique individualiste qui débouche soit sur la répression, soit sur la libéralisation des drogues. Pour les évêques, « la toxicomanie n’est pas réductible à un problème personnel ou familial, mais elle vient d’un malaise plus profond de nos sociétés. L’Église propose une “thérapie de l’amour” complémentaire de l’aide apportée par la médecine et la psychothérapie » (cardinal Barbarin, Drogue, Église et toxicomanie). Aujourd’hui, les établissements scolaires, les mouvements de jeunesse, les parents sont de plus en plus confrontés à la drogue. Des formations et des échanges se développent, mais il existe encore peu d’associations catholiques pour lutter contre ce fléau.
Des associations en lutte contre la drogue La Communauté du cénacle La Communauté du cénacle est née dans les années quatre-vingt. Elle propose aux toxicomanes de reconstruire leur vie à la lumière du Christ. Elle compte aujourd’hui 45 maisons dans le monde qui accueillent près de 1 800 jeunes chaque année. Communauté du cénacle, Chemin des Coustères, 65100 Lourdes, tél. 05 62 94 77 27, www.comunitacenacolo.it La Fraternité Marie-Espérance La Fraternité Marie-Espérance est composée de parents ayant un enfant usager des drogues. C’est un groupe de parole, d’amitié et de prière pour les parents vivant cette épreuve. Son action est principalement centrée sur l’aide et le soutien aux parents. Elle a un souci d’information auprès des jeunes, des parents, des animateurs
d’aumônerie et de mouvements. La Fraternité est en lien avec l’association Saint-Jean-Espérance. Fraternité Marie-Espérance, 25 rue Alphonse-Daudet, 93270 Sevran, tél. 06 14 88 06 11, http:// fmesp.org L’Association Saint-Jean-Espérance Cette association, fondée en 1987 à l’initiative d’un frère de la congrégation Saint-Jean, a pour mission d’accueillir de jeunes hommes toxicomanes de 18 à 35 ans afin de les aider à se libérer de l’emprise de la drogue, à se restructurer et à préparer leur réinsertion. Dans ses maisons (région de Châteauroux et d’Angers), l’association accueille des personnes qui désirent arrêter toute consommation de drogue. Association Saint-Jean-Espérance, Les Besses, 36180 Pelvoisin, tél. 02 54 39 03 10, www.stjeanesperance.org L’Association cités le village Cette association du Secours catholique propose un hébergement en chambre d’hôtel avec un accompagnement social pour les toxicomanes. Association cités le village, 105 rue Villiers-del’Isle-Adam, 75020 Paris, tél. 01 53 39 19 51.
Les soins palliatifs Il existe aujourd’hui, dans un nombre croissant d’établissements hospitaliers publics ou privés, des unités dites de soins palliatifs, dont l’objectif est d’aider les personnes malades à vivre le plus humainement possible, au plan physique et moral, leur toute dernière étape ; de les accompagner en « palliant » autant qu’il est possible leur souffrance physique, leur anxiété, leur solitude morale. Des volontaires du personnel médical et hospitalier et des bénévoles reçoivent dans ce but une formation appropriée. Une organisation de soins palliatifs à domicile a également vu le jour.
Les établissements de soins palliatifs La Maison Jeanne-Garnier La maison médicale Jeanne Garnier est l’un des plus grands centres de soins palliatifs d’Europe. Cette institution, qui fut en réalité la première au monde à proposer des soins palliatifs, dès le XIX e siècle, s’est aujourd’hui adaptée à la réalité mouvante des fins de vie et propose à des patients gravement atteints un accompagnement à la carte. Cet établissement a été fondé par des catholiques, précurseurs dans ce domaine. Les malades accueillis sont parvenus à un stade avancé de l’une de ces maladies évolutives, pour laquelle la seule thérapeutique curative est devenue insuffisante et inefficace. Les médecins, infirmières, aides-soignantes, psychologues, kinésithérapeutes, ophtalmologues, dermatologues et les sœurs xavières proposent de véritables soins qui soulagent la douleur physique et la détresse des malades. L’équipe de Jeanne-Garnier réserve une attention particulière aux familles des malades avec des espaces d’écoute spécifiques. À côté de l’équipe d’aumônerie catholique interviennent, à la demande, des ministres d’autres religions. Maison Jeanne-Garnier, 110 avenue Émile-Zola, 75015 Paris, tél. 01 43 92 21 00. Les Oblates de l’Eucharistie Cette congrégation de religieuses contemplatives se consacre, en France, aux soins palliatifs au sein de la Maison Notre-Dame du Lac à RueilMalmaison (92) et Jean-XXIII à Frelinghien (59). Oblates de l’Eucharistie, 18 bis boulevard Richelieu, 92500 Rueil-Malmaison, tél. 01 55 47 05 94. Claire Demeure Les Diaconesses de Reuilly sont une communauté religieuse protestante qui accueille des malades en soins palliatifs dans l’un de leurs établissements. Diaconesses de Reuilly, 14 rue Porte-de-Buc, 78000 Versailles, tél. 01 39 07 30 29.
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ENTRÉE 241
AU SERVICE DES PAUVRES
L’Église et la solidarité Un enracinement biblique « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). L’enseignement social de l’Église s’enracine dans le message biblique et spécialement dans l’Évangile. Précurseurs et initiateurs, les catholiques sont présents, depuis le début du christianisme, auprès des plus pauvres au sein de l’Église et d’associations à vocation spécifique. L’amour préférentiel pour les pauvres « L’amour préférentiel pour les pauvres : c’est là une option ou une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l’Église. Elle concerne la vie de chaque chrétien, en tant qu’il imite la vie du Christ, mais elle s’applique également à nos responsabilités sociales et donc à notre façon de vivre, aux décisions que nous avons à prendre de manière cohérente au sujet de la propriété et de l’usage des biens. Aujourd’hui, étant donné la dimension mondiale qu’a prise la question sociale, cet amour préférentiel, de même que les décisions qu’il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d’un avenir meilleur : on ne peut pas ne pas prendre acte de l’existence de ces réalités. Notre vie quotidienne doit tenir compte de ces réalités » (Jean-Paul II, encyclique Sollicitudo rei socialis, 1987). Pour les mouvements et associations d’Église, l’objectif n’est pas uniquement de fournir un « secours d’urgence », mais de résoudre, avec la personne en difficulté, la source de son problème. Elles cherchent à être partenaires de la personne dans sa reconstruction.
L’ÉGLISE ET LE PARTAGE La promotion de la justice selon l’Évangile fait partie intégrante de la mission de l’Église. Elle est exigée au nom même de la foi. Ce que nous avons de meilleur à partager à tous les hommes, c’est la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Mais on ne peut pas prétendre partager le pain de Dieu sans partager le pain des hommes dont on dispose. Les chrétiens, réellement solidaires de l’aventure humaine, seraient infidèles à leur mission et perdraient leur crédibilité s’ils se désintéressaient du développement authentique qui comporte des dimensions
économiques, sociales, techniques, culturelles, morales et spirituelles. Les évêques de France, Charte de la Solidarité, 1988.
Principaux textes magistériels Léon XIII, encyclique Rerum novarum, 1891. Pie XI, encyclique Quadragesimo anno, 1931. Jean XXIII, encyclique Pacem in terris, 1963. Vatican II, constitution pastorale Gaudium et spes, 1965. Paul VI, encyclique Populorum progressio, 1967. Jean-Paul II, encyclique Sollicitudo rei socialis, 1987. Les évêques de France, La Solidarité, une urgence, novembre 1987. Conseil national de la solidarité des évêques de France, L’Urgence de la charité, 1988. Jean-Paul II, encyclique Centesimus annus, 1991. Benoît XVI, encyclique Deus caritas est, 2005. Les évêques de France, Qu’as-tu fait de ton frère ?, message à l’occasion des élections, 2006.
Les instances nationales et internationales Au sein de la Conférence des évêques de France, le Conseil pour la solidarité est un lieu de concertation, d’information et de réflexion sur tous les problèmes posés par l’exercice de la solidarité. Il est présidé par un évêque élu par ses pairs. Le conseil associe des organismes caritatifs à son action et à sa réflexion. Deux services d’Église reçoivent pour mission des évêques d’être présents auprès des plus pauvres en France et dans le monde : le Secours catholique et le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Conseil pour la solidarité, 58 avenue de Breteuil, 75007 Paris, tél. 01 72 36 68 21.
Les instances diocésaines et locales La présence des catholiques auprès de personnes en difficulté est une priorité dans tous les diocèses de France. À côté des grandes organisa-
tions caritatives nationales catholiques s’ajoutent d’autres initiatives locales, ainsi que le vaste réseau des structures paroissiales d’entraide (accueil, recherche de travail et de logement, vestiaires, restauration, etc.). Dans chaque diocèse, un vicariat à la solidarité ou un conseil pour la solidarité coordonne les mouvements et associations du diocèse et permet un travail au plus près de ceux qui sont dans le besoin. Ces associations et mouvements offrent un maillage adapté aux particularités locales.
Le Secours catholique-Caritas France Depuis 1946, dans l’esprit de son fondateur, M gr Rodhain, le Secours catholique a pour mission de faire rayonner la charité, inspirée par l’Évangile, appliquée aux multiples formes de pauvreté, « sans distinction de race, de religion ou de nationalité ». Le Secours catholique, très vite, rassemble des équipes de bénévoles et crée, une à une, les délégations diocésaines qui structurent aujourd’hui le réseau national, où permanents et bénévoles s’épaulent mutuellement et mettent en place des actions en faveur des plus pauvres « parce que la charité se doit d’être organisée pour être efficace » (Mgr Rodhain). Le Secours catholique, reconnu d’utilité publique en 1962, est alors le premier réseau caritatif de France. Sa mission est d’éveiller les communautés chrétiennes et le plus grand nombre à l’attention aux pauvres et au service de la charité. Plus récemment, les nouvelles situations de pauvreté ont entraîné une véritable révolution culturelle en affirmant une conception nouvelle du rôle de la personne en difficulté qui, de passive, devient actrice de son devenir. Le Secours catholique compte aujourd’hui 103 délégations diocésaines, 4 200 équipes locales et 65 000 bénévoles. En France, 1,4 million de personnes sont accueillies et accompagnées chaque année dans 2 420 lieux d’accueil. L’action du Secours catholique concerne l’emploi, l’enfance, la jeunesse, l’errance, la famille, les gens du voyage, les migrations, la prison, les quartiers, l’urgence, etc. Il développe une action institutionnelle auprès des pouvoirs publics, pour participer à l’évolution des réglementations et des politiques mises en place afin d’enrayer les phénomènes de pauvreté et d’exclusion. Observatoire de la pauvreté et de l’exclusion, il publie chaque année un document statistique sur
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L’ÉGLISE AUJOURD’HUI
les situations de pauvreté rencontrées et accompagnées. Ces statistiques permettent de détecter des évolutions et des problèmes émergents et sont remises aux pouvoirs publics. En 2007, le Secours catholique a collecté 56,8 millions d’euros de dons, contre 55,9 millions d’euros en 2006 (+ 1,6 %), 31,6 millions d’euros de legs (+ 6,8 %) et 12,2 millions d’euros de subventions. Secours catholique-Caritas France, 106 rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 45 49 73 00, www. secours-catholique.asso.fr
Caritas Europe et Caritas International Le Secours catholique soutient des programmes d’urgence et appuie les initiatives de développement de ses partenaires locaux en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Chaque année, près de 600 opérations internationales sont ainsi financées. En 2007, dans 76 pays, 5,8 millions de personnes ont bénéficié directement de cette aide. Caritas Europa Créée en 1971, elle rassemble 48 organisations (dont le Secours catholique) présentes dans 44 pays. Elle concentre ses activités sur les questions de pauvreté et d’inégalité sociale, de migrations et d’asile. Dans ces domaines, Caritas Europa conduit aussi des politiques de plaidoyer et de lobbying au niveau européen. Caritas Europa, rue de Pascale 4, 1040 Bruxelles, Belgique, tél. + 32 (0)2 235 03 94, www.caritas-europa.org Caritas International L’association compte 162 Caritas nationales. Premier réseau de solidarité internationale, Caritas Internationalis a un statut de membre observateur à l’ONU et participe aux grandes campagnes de plaidoyer et de mobilisation internationale : annulation de la dette, Organisation mondiale du commerce, embargos. Caritas Internationalis, Palazzo San Calisto, 00120 Cité du Vatican, tél. (+39) 06 69 87 97 99, www.caritas.org
Le CCFD Le Comité catholique contre la faim a été suscité en 1961 par les évêques français, en réponse à l’appel général adressé par le pape Jean XXIII aux chrétiens lors du lancement de la campagne mondiale contre la faim par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Après le succès de la première collecte d’argent au profit de la lutte contre la faim, les évêques de France décident de pérenniser le Comité catholique contre la faim. Ils lui demandent d’animer cette campagne chaque année pendant le carême.
En 1966, le CCCF devient le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Cette association loi 1901 est reconnue d’utilité publique. Elle est composée de 28 mouvements et services d’Église. Elle compte 170 salariés et mobilise un réseau de 15 000 bénévoles répartis dans 99 comités diocésains et 1 500 équipes locales. Le CCFD soutient les projets d’associations des pays où il intervient, généralement au profit des populations les plus vulnérables. Les acteurs locaux sont souvent les mieux placés pour agir dans leur contexte. Avec ses partenaires, le CCFD entretient des relations de long terme qui ne se limitent pas aux aspects financiers mais qui visent à construire une vision d’avenir et une stratégie dans la durée. Le CCFD, mène un travail d’éducation au développement afin de sensibiliser l’opinion aux réalités internationales et à la nécessité de la solidarité internationale. En 40 ans, plus de 6 000 projets ont été soutenus dans 80 pays. La compétence et le professionnalisme de l’association sont reconnus dans le monde entier. À ce titre, elle est considérée comme un véritable expert par les grands organismes nationaux et internationaux qui cofinancent régulièrement certaines de ses actions. C’est aujourd’hui la première ONG française de développement. En 2007, le CCFD a reçu 30 millions d’euros en dons et legs et 4,1 millions en subventions (France et Europe). Il soutient 500 initiatives dans 75 pays. Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), 4 rue Jean-Lantier, 75001 Paris, tél. 01 44 82 80 00, www.ccfd.asso.fr
Les mouvements pour la solidarité La Fédération des Équipes Saint-Vincent-dePaul En 1617, saint Vincent de Paul est alerté par ses paroissiens sur la situation dramatique d’une famille qui meurt de misère et de maladie. Il lance alors un appel et voit un défilé de femmes venir au secours de cette famille en détresse. Très rapidement, il éprouve le besoin de structurer cette générosité, d’organiser des équipes et de rédiger un règlement. Le 8 décembre 1617, il procède solennellement à l’institution de la première « charité » à l’hôpital de Châtillon. Ces « charités » deviennent une association nationale puis internationale. Le nom d’origine a perduré à l’international (AIC : Association internationale des charités), alors qu’en France l’association a pris le nom d’Équipes Saint-Vincent-de-Paul en 1972. La Fédération des Équipes Saint-Vincent-de-Paul est composée en France de 2 500 femmes bénévoles qui accueillent 150 000 personnes chaque année dans 135 équipes.
Les actions de la Fédération se portent vers les femmes (accueil de jour, alphabétisation, accueil d’urgence), la famille (coopérative alimentaire, vestiaires, visites), les jeunes (accompagnement scolaire, écoute), les SDF (accueil, repas chauds, douches, domiciliations administratives), les familles de prisonniers (accueil à l’entrée des prisons, visite des familles), l’emploi (aide à la recherche), les personnes âgées (clubs d’amitié, visites, service de tutelle, ateliers). Fédération française des Équipes Saint-Vincent (AIC-France), 67 rue de Sèvres, 75006 Paris, tél. 01 45 44 17 56, www.equipes-saint-vincent.com La Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP) La Société de Saint-Vincent-de-Paul est une association catholique fondée par le bienheureux Frédéric Ozanam en 1833 : « Le but de la Société est surtout de réchauffer et de répandre dans la jeunesse l’esprit du catholicisme ; à cette fin, l’assiduité aux séances, l’union d’intention et de prières sont indispensables, et la visite des pauvres doit être le moyen et non le but de notre association. » En suivant les conseils de la bienheureuse sœur Rosalie Rendu, les fondateurs commencent simplement par se réunir, avant de s’engager dans l’action de terrain. Ce choix montre l’importance de puiser dans la spiritualité de saint Vincent de Paul basée sur l’action et la prière, comme deux sources puisant l’une dans l’autre. La SSVP est organisée en « conférences » (équipes locales) qui prennent appui sur la paroisse. Depuis ses origines, la Société de Saint-Vincent-de-Paul est restée un mouvement uniquement composé de laïcs. La plupart des conférences sont accompagnées par un conseiller spirituel, prêtre, diacre ou religieuse. La Société de Saint-Vincent-de-Paul aide des familles défavorisées, distribue des meubles, habille plusieurs dizaines de milliers de personnes, assure la distribution de colis alimentaires, des nuitées en hébergement, un suivi budgétaire des foyers surendettés et des personnes en curatelle, offre un soutien scolaire, alphabétise et permet à des milliers de personnes de partir en vacances. Elle possède une vingtaine de restaurants d’entraide, une centaine de dépôts de meubles et plus de 30 épiceries sociales pédagogiques. Société de Saint-Vincent-de-Paul, 120 avenue du Général Leclerc, 75014 Paris, tél. 01 42 92 08 10, www.ssvp.fr La Confédération internationale de la Société Saint-Vincent-de-Paul Elle coordonne les 140 fédérations nationales des cinq continents. La Société de Saint-Vincent-de-Paul en France établit des liens entre une conférence d’un pays riche et celle d’un pays pauvre. Les jumelages permettent aussi un échange de moyens (financiers notamment) et d’expériences. Grâce à eux se développent des projets dans le domaine de l’éducation, de l’agriculture et de la microéconomie. En France, 313 conférences sont jumelées avec des conférences de 22 pays.
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ENTRÉE 241 En cas d’urgence (catastrophes), la Société de Saint-Vincent-de-Paul de France répond à l’appel de fonds lancé par la Société de Saint-Vincent-dePaul internationale. Confédération internationale de la Société SaintVincent-de-Paul, 6 rue de Londres, 75009 Paris, tél. 01 53 45 87 53, www.ozanet.org
LA CHARITÉ L’amour est gratuit. Il n’est pas utilisé pour parvenir à d’autres fins. Cela ne signifie pas toutefois que l’action caritative doive laisser de côté, pour ainsi dire, Dieu et le Christ. Souvent, c’est précisément l’absence de Dieu qui est la racine la plus profonde de la souffrance. Celui qui pratique la charité au nom de l’Église ne cherchera jamais à imposer aux autres la foi de l’Église. Il sait que l’amour, dans sa pureté et dans sa gratuité, est le meilleur témoignage du Dieu auquel nous croyons et qui nous pousse à aimer. Le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu et quand il est juste de le taire et de ne laisser parler que l’amour. Il sait que Dieu est amour (1 Jn 4, 8) et qu’il se rend présent précisément dans les moments où rien d’autre n’est fait sinon aimer. Benoît XVI, encyclique Deus caritas est, 31, 2005.
Le BICE Le Bureau international catholique de l’enfance, créé en 1948, est une ONG internationale de droit français, reconnue d’assistance et de bienfaisance. Il lutte pour un développement intégral de l’enfant et encourage son intervention pour qu’il soit l’acteur de son propre développement et de celui de son environnement. Dans cette perspective, il mobilise la société civile et cherche à influencer les politiques sociales en faveur de la dignité et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le BICE défend un respect inconditionnel de l’enfant, de sa famille, de sa communauté, de sa culture et de sa religion. Il défend les enfants exploités au travail ou sexuellement, mais aussi les enfants dans la rue, en prison, dans la guerre et les enfants handicapés. Le BICE est présent dans 35 pays et participe aux concertations internationales avec les ONG. Il dispose d’un statut consultatif auprès de l’UNICEF, du Conseil économique et social des Nations unies et du Conseil de l’Europe et est en lien avec l’UNESCO. Bureau international catholique de l’Enfance, 70 boulevard de Magenta, 75010 Paris, tél. 01 53 35 01 00, www.bice.org/fr
L’Église et les prisonniers L’Église est présente en prison par le biais des aumôneries mais aussi à travers les organismes
caritatifs qui prennent en charge les personnes détenues les plus indigentes pour acheter les produits courants pour la nourriture (par exemple le sel) ou l’hygiène (savon, dentifrice, etc.). Un soutien est aussi proposé aux familles. Les détenus catholiques en prison forment une communauté chrétienne. Souvent, cette paroisse « en détention » est celle qui a le taux de pratique le plus élevé du diocèse.
Les instances diocésaines et nationales Comme toute action pastorale, celle qui concerne les détenus relève de l’évêque du diocèse. Il nomme une équipe d’aumônerie dans chaque lieu de détention comme le prévoit la loi de 1905. Au sein de la Conférence épiscopale, l’aumônerie des prisons est placée sous la responsabilité du Conseil épiscopal Famille et Société.
L’aumônerie catholique des prisons L’aumônerie catholique des prisons a pour mission d’être une présence d’Église auprès des personnes incarcérées. Elle témoigne de l’Évangile dans les rencontres individuelles, dans les réunions de groupes et dans les célébrations. Sans oublier les difficiles problèmes que posent les prisons et les victimes de la délinquance, elle invite les catholiques à se souvenir des paroles du Christ : « J’étais en prison et vous m’avez visité » (Mt 25, 36). L’aumônerie catholique des prisons est présente dans les 188 établissements pénitentiaires du territoire français où sont détenus des hommes et des femmes profondément marqués par l’échec et l’exclusion. Les conditions d’exercice de sa mission sont définies par le Code de procédure pénale. En 2008, l’aumônerie catholique des prisons compte 518 aumôniers, dont 271 laïcs, 58 religieux ou religieuses, 21 religieux-prêtres, 121 prêtres diocésains et 47 diacres. Ils sont assistés par des auxiliaires bénévoles d’aumônerie qui animent des groupes au sein des établissements pénitentiaires. Service national Famille et Société, 58 avenue de Breteuil, 75007 Paris, tél. 01 72 36 69 02, www. prison.cef.fr
LES PRISONNIERS L’Église demeure proche de vous. Elle veut témoigner de l’espérance que le Christ nous apporte. Aucun de vos actes ne peut vous enlever votre dignité d’enfant de Dieu. Jean-Paul II, message aux prisonniers, Paris, 1997.
AU SERVICE DES PAUVRES
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L’aide aux prisonniers Les Sœurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde Fondées à la fin de la Révolution, elles se voient confier par le gouvernement les grandes prisons centrales de femmes. Les lois laïques de 1905 les obligent à quitter les maisons de province, mais elles sont maintenues à Paris. Elles sont aujourd’hui présentes : l au dépôt de la préfecture de police de Paris où elles accueillent les femmes arrêtées, sortant de garde à vue. Elles s’occupent aussi du centre de rétention des femmes sans papiers ; l à la maison d’arrêt de femmes de FleuryMérogis et à la maison centrale de femmes de Rennes, où elles exercent un rôle d’éducatrices et de soignantes. Sœurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde, 5 rue de la Psalette, 87210 Le Dorat, www.soeursmariejosephetmisericorde.org Les dominicaines de Béthanie Dans cette congrégation de religieuses contemplatives, fondée en 1866 par le père Lataste, certaines sœurs, dans une discrétion absolue sur leur passé, sont d’anciennes détenues. Par ailleurs, certaines de ces religieuses sont visiteuses de prisons et y animent des célébrations liturgiques et des rencontres de détenues. Dominicaines de Béthanie, 1 route de Guillerville, 91910 Saint-Sulpice-de-Favières, tél. 01 64 58 42 08, http://dominicainesbethanie.com Le Secours catholique et les équipes SaintVincent-de-Paul Parmi leurs diverses activités, ces organisations apportent, par le biais de leurs délégations diocésaines, un concours actif à la recherche de solutions aux problèmes posés par l’incarcération.
Des programmes radio pour les détenus Les radios locales du réseau RCF (Radios chrétiennes en France) et de la COFRAC (comme Radio Notre-Dame en Île-de-France) proposent des émissions qui permettent de maintenir un lien entre les familles et les détenus. Les proches peuvent donner, par téléphone, de leurs nouvelles sur l’antenne.
Les centres d’accueil Pour connaître les adresses des centres d’accueil pour personnes en difficulté, on peut se renseigner auprès des diocèses ou des associations d’Église comme le Secours catholique ou les Conférences Saint-Vincent de Paul, etc.
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LES FINANCES DU SAINT-SIÈGE
Les finances de l’Église Les finances de l’Église ont longtemps constitué un domaine mal connu des fidèles. Jusqu’à une période récente, le Vatican ne publiait pas ses comptes. La possession des États pontificaux, puis le capital versé par l’État italien en 1929 en dédommagement de leur annexion, ont longtemps assuré au Vatican des revenus suffisants. Depuis les années quatre-vingt, les responsables ecclésiastiques ont pris conscience de la nécessité de faire connaître aux laïcs les données financières de l’Église de manière plus précise. En effet, la hausse des dépenses, liées notamment aux charges salariales et au coût d’entretien des bâtiments, oblige à faire de plus en plus appel à la générosité des fidèles et incite à une plus grande transparence. Le patrimoine du Saint-Siège L’évêque de Rome devient un important propriétaire terrien à la suite de la donation de Pépin le Bref en 754. Pendant tout le Moyen Âge, le patrimoine du Saint-Siège s’accroît grâce aux dons que les fidèles, selon l’habitude de l’époque, affectent aux saints patrons des institutions. Ce patrimoine, essentiellement foncier, qui assure au Saint-Siège ses moyens d’existence, est considérable au moment où le jeune royaume d’Italie annexe les États pontificaux en 1870. La Cité du Vatican n’est plus aujourd’hui qu’un État symbolique institué par les accords de Latran, le 11 février 1929. L’Église y possède un ensemble immobilier et artistique qui n’a pas de prix, mais il s’agit d’un capital improductif dont les frais de conservation ne sont même pas couverts par la vente des billets d’entrée dans les musées. La question de la propriété de ce capital se pose lors de la préparation des accords de Latran. Il paraît inopportun de disperser cet héritage artistique et historique, dont la garde est dès lors confiée au Saint-Siège, mais le traité stipule que « les trésors d’art et de science existant dans la Cité du Vatican et dans le palais de Latran doivent demeurer visibles aux étudiants et aux visiteurs » (article 18). Ces accords prévoient aussi l’indemnisation du Saint-Siège pour la perte de ses importants domaines fonciers : 750 millions de lires en devises et des titres de rentes à 5 % pour la valeur d’un milliard de lires lui sont versés par l’État italien en 1929. Ce capital est en partie investi dans la construction d’immeubles (services du Saint-Siège, séminaires) et en partie placé en valeurs de rapport, mobilières et immobilières.
Les contributions des catholiques Dès le Moyen Âge, des monastères ou des collectivités civiles contribuent aux finances du Vatican, ne serait-ce que pour se mettre sous sa protection. Les chrétiens anglais sont les premiers à verser un véritable impôt, le denier de Saint-Pierre, à partir de 740. Cette pratique tombe peu à peu en désuétude, jusqu’à ce que le Pape Pie IX l’institue officiellement par l’encyclique Saepe venerabilis du 5 août 1871. À l’époque, les principaux donateurs sont des catholiques autrichiens, bavarois, français et anglais. Actuellement, cette collecte s’effectue, dans l’ensemble du monde catholique, lors de la journée mondiale de la charité du pape, le 29 juin, jour de la fête de saint Pierre et saint Paul, ou le dimanche qui lui est le plus proche, ou encore à une date déterminée par l’évêque du diocèse. La participation des diocèses Depuis Vatican II, le Saint-Siège a développé ses services. La hausse du nombre de salariés a entraîné une augmentation des dépenses et un bilan déficitaire pendant 23 ans. En 1986, l’épiscopat d’Allemagne fédérale alerte déjà l’opinion allemande sur la situation financière du Saint-Siège. Il observe que les ressources de ce dernier n’atteignent pas le niveau du budget d’un diocèse allemand. En 1991, Jean-Paul II convoque tous les présidents des Conférences épiscopales du monde, pour trouver une solution (cette année-là, le déficit s’élevait à 86 millions de dollars). Avec l’aide des diocèses, le Saint-Siège commence à contrôler son déficit et parfois à enregistrer des bénéfices. Ces dix dernières années, en raison d’une réorganisation de la gestion et d’une attention renouvelée aux dépenses, les comptes sont, le plus souvent, positifs. Le canon 1271 du Code de droit canonique prévoit que « les évêques procureront au Siège apostolique, d’après les ressources de leurs diocèses, les moyens dont il a besoin, selon les conditions du temps, pour bien remplir son service envers l’Église tout entière. » À titre de comparaison, les dépenses du SaintSiège, dont la responsabilité est de portée mondiale, étaient en 2007 de l’ordre de 250 millions d’euros, alors que celles d’une collectivité comme la ville de Paris étaient de 7 milliards d’euros, soit 28 fois plus élevées. Le personnel du Saint-Siège, qui rassemble environ 2 750 personnes, est en outre largement inférieur à ce que l’on trouve dans les grandes villes françaises ou à la Commission européenne (18 000 salariés).
L’administration des biens du Saint-Siège La gestion des biens du Saint-Siège selon des méthodes modernes date de la perte des États pontificaux. En 1878, Léon XIII crée une administration des biens du Saint-Siège. Puis en 1933, pour gérer les fonds reçus au titre des accords de Latran, Pie XI met sur pied une administration spéciale. Paul VI regroupe ces deux organismes dans l’Administration du patrimoine apostolique, qui gère l’ensemble des biens, et il en confie le contrôle au préfet des Affaires économiques. Devant les difficultés financières croissantes du Saint-Siège, en partie entraînées par le développement des contacts entre Rome et l’ensemble du monde, Jean-Paul II confie en 1981 l’étude des problèmes économiques et de la réorganisation de la Curie à un conseil auquel participent 14 cardinaux de diverses parties du monde (puisque les catholiques du monde entier alimentent le budget). L’Église des États-Unis et celle d’Allemagne y sont notamment représentées, compte tenu de l’importance de leur contribution. La France y est aussi associée. Ce conseil, présidé par le cardinal secrétaire d’État, publie désormais ses comptes.
Les budgets du Vatican L’organisation interne du Vatican se subdivise en deux types de services : ceux qui assurent le fonctionnement interne de la Cité du Vatican et ceux qui contribuent au gouvernement de l’Église universelle. L’organisation financière se fait en deux budgets distincts, auxquels il faut ajouter le budget des missions qui est totalement indépendant. Le budget du Saint-Siège Ses dépenses ont trait à tout ce qui concerne le gouvernement de l’Église universelle. Elles comportent, en premier lieu, les traitements et retraites du personnel concerné (en 2007, 2 748 personnes, depuis les huissiers et les secrétaires jusqu’aux cardinaux de Curie ; soit 778 ecclésiastiques, 333 religieux, 1 637 laïcs – dont 425 femmes – auxquels il faut ajouter 929 retraités). Les dépenses comportent, en second lieu, les frais de fonctionnement et de déplacement (on compte de nombreuses rencontres internationales par an). En 2007, le montant total de dépenses était de 245,8 millions d’euros, contre un montant total de recettes de 236,7 millions d’euros, soit un déficit de 9 millions d’euros (après les trois années de gains des exercices antérieurs).
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ENTRÉE 249 L’activité institutionnelle du Saint-Siège – secrétairerie d’État, congrégations, conseils, tribunaux, synodes et autres organismes – ne produit aucun bénéfice. Le budget du Saint-Siège comprend également les frais des nonciatures apostoliques et des représentations pontificales sur les cinq continents et auprès des organisations internationales, qui sont au nombre de 178. Lorsque Jean-Paul II est devenu pape, il n’y avait que 77 représentations diplomatiques du Saint-Siège. Cette augmentation est liée notamment au développement des relations entre les États, aux voyages du Saint-Père et aux nouveaux pays d’Europe de l’Est. Ce développement a pesé sur le budget du Saint-Siège. Certaines institutions rattachées au Saint-Siège présentent un déficit structurel : Radio-Vatican (367 salariés) et L’Osservatore Romano (117 salariés) n’ont aucun soutien publicitaire. En revanche, la Typographie, la LEV (maison d’édition – 114 salariés) et le CTV (centre de télévision – 20 salariés) sont bénéficiaires. La contribution des diocèses en 2007 s’est élevée à 18,7 millions d’euros. Les plus gros contributeurs étant : l’Allemagne (31,5 %), les États-Unis (28,3 %), l’Italie (18,9 %) et l’Autriche (3,7 %). Le denier de Saint-Pierre (contribution des fidèles) a permis de recueillir près de 50,8 millions d’euros en 2007 (contre 74,6 millions d’euros en 2006). Les pays les plus contributeurs sont : les États-Unis (28,3 %), l’Italie (13 %), l’Allemagne (6,1 %), l’Espagne (4,1 %) et la France (3,7 %). Habituellement, le saint-père destine le Denier à des interventions caritatives en faveur des populations de divers pays du monde frappés par des catastrophes, au soutien de nombreuses initiatives des communautés ecclésiales du tiers-monde et à l’aide aux Églises locales les plus pauvres. Le gouvernorat de la Cité du Vatican Le bilan économique de la Cité du Vatican, qui comprend ses musées et ses services propres comme toute ville (de la pharmacie au supermarché), est indépendant de celui du Saint-Siège. Le Gouvernorat a en charge l’entretien et la restauration des bâtiments et musées situés dans l’enceinte du Vatican, le financement de la Garde
suisse, de la Gendarmerie pontificale, ainsi que les traitements et retraites du personnel de ses services propres (900 retraités et environ 1 700 salariés : ouvriers, pompiers, gardes, employés de la poste, gardiens, etc.). L’accès au magasin hors taxes réservé au personnel et l’organisation médicale gratuite, avec un très faible ticket modérateur, améliorent le niveau de vie. L’Association des employés laïcs du Vatican (ADLV) joue le rôle de syndicat. Les recettes du gouvernorat de la Cité du Vatican proviennent principalement des ventes de timbres, de monnaies de collection et des entrées des musées. En 2007, ce budget est positif de 6,7 millions d’euros, contre 21,8 millions d’euros pour l’exercice 2006. Le Gouvernorat couvre aussi la moitié du déficit de Radio-Vatican (12,2 millions d’euros en 2007). Le Gouvernorat fait appel au mécénat pour de grosses dépenses, comme la restauration de la chapelle Sixtine qui a été financée par une chaîne de télévision japonaise.
Les finances des Œuvres pontificales missionnaires L’Œuvre pontificale de la propagation de la foi reçoit chaque année une moyenne de 6 000 projets venus de l’ensemble des pays dits « de missions ». Ces demandes concernent principalement la formation de catéchistes, la construction et l’entretien d’églises, de chapelles et de couvents, l’activité des organisations diocésaines, les aides pour le travail pastoral des Congrégations religieuses, etc. L’assemblée générale des Œuvres pontificales missionnaires du mois de mai 2008 a accordé 75 millions de dollars de subventions dont 42,5 en Afrique, 4,1 en Amérique, 23,1 en Asie, 3 en Europe et 2,3 en Océanie. En 2008, l’Œuvre pontificale de Saint-PierreApôtre a accordé des subventions à 925 séminaires. Plus de 80 000 séminaristes ont reçu une aide : 49 768 petits séminaristes et 30 371 grands séminaristes. L’assemblée générale de l’Œuvre pontificale de l’enfance missionnaire (Enfance missionnaire) a
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attribué des subventions pour un montant global de 22,7 millions de dollars en 2008. Ces dons concernent la réalisation de programmes d’instruction religieuse, d’aide alimentaire, médicale, sanitaire et vestimentaire, de fourniture d’habits, de matériel scolaire, de matériel pour les salles de catéchisme et pour les centres pour l’enfance, d’achats de médicaments, d’entretien des enfants pauvres, etc.
L’Institut pour les œuvres de religion (IOR) En 1887, Léon XIII crée une administration qui joue le rôle de banque pour les communautés religieuses, les couvents, les écoles catholiques. En 1942, Pie XII en étend les attributions ; elle prend alors le nom d’Institut pour les œuvres de religion. Elle est accessible à tous les organismes du Saint-Siège, aux diocèses, aux paroisses, aux instituts religieux et même aux personnes privées qui ont un emploi au Vatican. Elle s’est trouvée prise dans les remous suscités en 1982 par la faillite de la banque milanaise Banco Ambrosiano, à l’égard de laquelle elle avait engagé sa caution dans certaines opérations. L’Institut, mis en cause par des banques créancières dans cette faillite, a dû leur verser 241 millions de dollars de dédommagement, sans toutefois porter atteinte aux dépôts qui lui étaient confiés. Jean-Paul II a tenu à souligner que le Vatican ne portait aucune responsabilité dans la faillite de la Banco Ambrosiano et a déclaré conserver sa confiance au directeur de l’institut, qui n’en a pas moins été remplacé depuis lors. Les finances du Vatican ont été affectées par cette affaire, dans la mesure où elles bénéficient d’une partie des produits de l’institut. Pour éviter que de telles erreurs se reproduisent, le conseil des cardinaux chargé des questions économiques a, depuis lors, fait admettre que la direction de l’Institut pour les œuvres de religion soit confiée à des professionnels laïcs.