On peut bien sûr émailler ces affirmations d’une floppée de chiffres, sondages et statistiques qui tous disent combien on aime les cuisiner et les manger. La France est le deuxième pays, après la maison mère italienne, à consommer la pasta. Plus de 8 kg par an et par personne…, encore loin derrière les 23 kg de nos voisins transalpins qui les cuisinent à toutes les sauces et dont c’est le socle de l’alimentation quotidienne.
Ce livre est donc une célébration de la pasta, on y respecte les saisons, les farines, les ingrédients bien élevés. Mais on essaie aussi de vous débrider, de vous donner envie de grandir avec les pâtes, de vous donner de quoi vous adapter avec ce que vous trouvez autour de vous, sur les étals, comme dans vos placards et frigos. Car s’il y a une leçon à retenir, aussi bien de la cuisine italienne en général que de ma façon de faire en particulier, c’est de ne pas baisser les bras devant une recette sous prétexte que l’on n’a pas tous les bons ingrédients.
C’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus beau dans la cuisine, cette créativité que l’on peut explorer en remplaçant des pignons par quelques amandes pilées, des courgettes par du potiron, un oignon rouge par des cébettes, de l’ail par du gingembre râpé, du fenouil sauvage par de l’aneth…
Il y a des variations possibles, qui seront tout aussi harmonieuses et qui vous donneront des ailes, l’impression de grandir comme cuisinière et cuisinier. C’est cette liberté généreuse qu’offre la cuisine italienne : alors explorez ! Buon appetito… e viva la pasta !
Les bases Première partie
La pasta secca
La pasta, c’est d’abord elle, la pasta secca, et elle passe du singulier au pluriel en français tant elle est diverse – les pâtes sèches ! Les Italiens sont les champions toutes catégories, production et consommation (3,5 millions de tonnes et 23,1 kg de pâtes par Italien chaque année !). Ils les aiment principalement courtes et striées (rigate), mais ils sont surtout experts pour choisir les sauces qui les accompagnent : n’allez pas faire des vongole (coques ou palourdes) avec des courtes par exemple ! Mais le pesto s’accommode, lui, aussi bien de spaghettis que de trofie. Tout un art qui semble difficile à maîtriser quand on n’est pas du cru et qui a l’air inné là-bas.
Retenez déjà ces préceptes : ne coupez JAMAIS vos pâtes, jamais de fromage dans les pâtes au poisson ou fruits de mer… ni de crème dans la carbonara. Mais outre ces interdits, guettez la mention trafilata al bronzo, l’origine du blé, et certaines productions artisanales comme celle de Gragnano, à côté de Naples.
Deuxième partie Les sauces et recettes incontournables
Quelles pâtes pour quelles sauces ?
Vue de France, cette question nous plonge a minima dans l’embarras et la plupart du temps dans des gouffres d’incompréhension. Côté transalpin, elle pourrait faire l’objet d’une épreuve de philosophie de la maturità, l’équivalent de notre baccalauréat. Essayons de mettre un peu de rationalité dans cet enjeu existentiel et de se frayer un chemin au milieu de plus de 300 formes de pâtes recensées.
Sachez d’abord que 70 % des pâtes vendues dans la péninsule sont majoritairement des spaghetti, des penne ou des fusilli. Que leur forme est une « architecture pour la bouche », selon les mots du cinéaste Peter Kubelka – et donc qu’à l’esthétique correspond aussi une fonction pratique. Si les Italiens semblent avoir intégré intuitivement quelle forme va avec quelle sauce, il y a quelques règles d’or qui aident à se rattraper aux branches.
Les recettes proposées dans ce livre s’inscrivent dans la tradition, mais si vous voulez innover, voici nos conseils :
• les sauces denses, qui en imposent (avec de la viande par exemple), vont de pair avec des formats structurés comme les rigatoni ou les bucatini. Cela vaut pour le ragù ou l’amatriciana… ;
• les saisonnières, légères, se marient avec les formats délicats, ourlés, comme les farfalle ou les ruote, voire les trofie et les casarecce ;
• pour des sauces élégantes, festives, à la forte personnalité, on peut choisir des formats originaux, qui sortent de l’ordinaire –ainsi des paccheri ou des ziti qui accompagnent la genovese ou les cigales de mer ;
• dans tous les cas, aux sauces sirupeuses, les formats lisses ; aux sauces plus légères, les formats striés ;
• enfin le joker, pour tous les jours et quasi toutes les sauces, d’après l’Unione Italian Food, ce sont les mezze maniche, des pâtes courtes, striées, larges.
Conclusion en forme d’aphorisme, échappé d’un délicieux titre de la Série Noire signé Tonino Benacquista (La Commedia des ratés, Gallimard, 1991) : « C’est parce que la vie elle-même est si diverse et si compliquée qu’il y a autant de formes de pâtes. Chacune d’elles renvoie à un concept. Chacune va raconter une histoire ».
Préparation :
15 minutes
Farfalle con le zucchine Aux courgettes
Cuisson : 15 minutes
Pour 4 personnes
• 400 g de farfalle (ou des fusilli)
• 4 courgettes (1 par personne, à vous d’estimer leur taille)
• 1 petit fromage frais de chèvre
• 1 oignon frais ou des cébettes (ou 1 oignon rouge)
• 1 tige de menthe
• 1 dizaine d’olives niçoises (ou de Gaeta, ou de Kalamata)
• 1 bonne cuillerée à soupe de pignons de pin (ou des amandes pilées à défaut)
• Piment frais ou en poudre
• Huile d’olive
• Gros sel, poivre du moulin
Coupez les courgettes finement à la mandoline ou au couteau.
Pelez et émincez finement l’oignon et le vert de sa tige, puis faites-les revenir dans une sauteuse avec 3 cuillerées à soupe d’huile d’olive et la dizaine d’olives jusqu’à ce qu’ils deviennent translucides. Ajoutez quelques grains de gros sel, un tour de moulin à poivre, puis les courgettes au fur et à mesure en les coupant finement à la mandoline (ou au couteau, mais c’est plus long). Faites revenir jusqu’à ce qu’elles soient tendres.
Portez l’eau des pâtes à ébullition dans un grand faitout et plongez-y les pâtes. Quelques minutes avant que les pâtes ne soient al dente, écrasez le fromage frais à la fourchette avec les courgettes et coupez le feu. Hachez les feuilles de menthe et ajoutez les pignons que vous aurez préalablement torréfiés à la poêle quelques minutes.
Égouttez les pâtes et mélangez-les à la sauce. Arrosez d’un filet d’huile d’olive et servez aussitôt.
À table, vous pouvez ajouter une pointe de piment frais ou sec si vous aimez que ce soit relevé.
Quatrième partie
Les pâtes de fêtes
Paccheri con le panocchie Aux cigales de mer ou aux langoustines
Préparation : 25 minutes
Cuisson : 20 minutes
Pour 4 personnes
• 400 g de paccheri (en épiceries italiennes) ou des rigatoni si vous n’en trouvez pas.
• 800 g de cigales de mer extrêmement fraîches
• 400 g de tomates cerise (ou une conserve de tomates)
• 1 gousse d’ail
• Quelques brins de persil
• ½ verre de vin blanc
• Huile d’olive
• Sel, poivre du moulin
Rincez les cigales de mer et, avec une paire de ciseaux, ouvrez leur carapace côté dos en partant de la queue jusqu’à la tête, mais laissez-les entières.
Il sera ainsi plus facile de les déguster au couteau et à la fourchette tout en laissant les sucs de tomate imbiber les cigales et leur chair parfumer la sauce.
Faites revenir la gousse d’ail dans 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive le temps qu’elle parfume la cuisine. Ajoutez-y les cigales, poivrez, puis quand elles changent de couleur, versez le vin.
Faites évaporer, puis mêlez les tomates cerise coupées en deux (ou la pulpe de tomates en conserve).
Pendant ce temps, faites cuire les paccheri al dente dans une grande casserole d’eau salée. Égouttez-les.
Au bout de 10 minutes environ, la sauce est prête. Ajoutez le persil haché, quelques grains de sel, un trait d’huile d’olive.
Versez la sauce au fond du plat de service, puis ajoutez les pâtes, mélangez et placez ensuite les cigales de mer. Régalez-vous !
En Sicile, on saupoudre parfois ce plat de granella de pistaches – des pistaches concassées non grillées et non salées. Essayez !
Sixième partie
Les pâtes à ma façon
Spaghetti qua e là
Un peu d’ici, un peu de là-bas
Préparation : 15 minutes
Cuisson : 15 minutes Pour 4 personnes
• 500 g de spaghetti quadrati ou alla chitarra (ou des gros spaghetti)
• 1 cédrat
• 1 petit fenouil
• 1 piment frais calabrais (piquant)
• 4 filets d’anchois à l’huile (sauf pour ceux qui n’aiment pas)
• 1 douzaine d’olives de Nice (ou de Gaeta)
• Quelques pistils de fenouil sauvage, des flocons de piment doux (facultatif)
• 2 cuillerées à soupe de miettes ou de chapelure
• Huile d’olive
• Sel, poivre du moulin
Votre meilleure alliée pour cette recette, c’est la mandoline, pour râper finement le cédrat et pour émincer finement le fenouil. Vous pouvez d’ailleurs commencer par ça, en ayant pris soin au préalable de zester la moitié du cédrat (avec un zesteur ou une râpe Microplane®) pour qu’il reste un peu de jaune sur les tranches fines. Réservez le zeste.
Dans un saladier, assaisonnez le fenouil et le cédrat émincés de sel, poivre et un trait d’huile d’olive.
Faites bouillir de l’eau dans une grande casserole et faites-y cuire les spaghetti al dente.
Dans une poêle, versez 2 cuillerées à soupe d’huile, faites revenir le piment haché menu (n’en mettez que très peu si vous n’aimez pas que ça pique), écrasez les anchois pour qu’ils parfument l’huile d’olive, ajoutez les olives et enfin le fenouil, le cédrat et le zeste. Remuez vivement à feu vif, ajoutez 1 cuillerée d’eau de cuisson des pâtes et ne laissez sur le feu que quelques minutes – le temps d’attendrir le cédrat et le fenouil.
Faites torréfier la chapelure (dans une poêle) pendant quelques minutes, ajoutez 1 pincée de pistils de fenouil et même quelques flocons de piment doux si vous aimez ça. Égouttez les spaghetti bien al dente et mêlez-les au mélange cédrat-fenouil. Arrosez d’un trait d’huile d’olive avant de saupoudrer de pain croustillant, et passez à table !