Tomates presque sans eau

Page 1


SOMMAIRE

MIEUX CONNAÎTRE LES TOMATES

La tomate a conquis le monde en moins de deux siècles, après avoir été vue comme une plante dangereuse. Elle est aussi le légume le plus cultivé dans nos potagers. Cette accoutumance à sa présence peut nous faire oublier son histoire, ses origines et ses évolutions. Mieux connaître ce que l’on cultive et ce que l’on mange crée un lien plus intime. Seuls ses fruits sont consommables ; sa biologie a permis des adaptations à de nombreux climats et modes de cultures.

LEURS ORIGINES

Comme pour beaucoup de plantes cultivées aujourd’hui dans nos jardins, l’origine de la tomate n’est qu’en partie connue…

RÉCENTE EN EUROPE

Ce que l’on sait, sans aucun doute, c’est que des premiers pieds domestiqués et à usage alimentaire ont été découverts au Mexique. Une découverte faite par les Espagnols conquérants du Mexique, à la fin du xvie siècle. Mais ce sont les Italiens qui la cultivent en premier et la transmettent aux Provençaux. En 1790, des Marseillais la présentent aux Parisiens qui suspectent cette plante d’être toxique. À la fin du xixe siècle, sa culture se propage dans toute l’Europe et en Amérique du Nord.

UNE CULTURE ANCESTRALE

LE GENRE SOLANUM

Botaniquement, la tomate est rattachée au genre Solanum et à la famille des Solanacées. Cette classification date de Linné, en 1753, alors que, dans un premier temps, la tomate fut nommée Lycospersicon pour finalement porter le nom de Solanum lycopersicum. Elle appartient au même genre que celui de l’aubergine, du poivron, de la pomme de terre et des physalis. Ces différentes espèces de Solanum peuvent être greffées les unes avec les autres, une pratique que je vous décrirai p. 36.

L’évolution de la science avec les analyses ADN a permis d’affirmer que le début de la domestication date de 8 000 ans, avec une origine dans les vallées andines, une utilisation chez les Aztèques, puis une migration vers le Mexique. Plusieurs espèces sauvages ont été identifiées, conservées et observées partout dans le monde pour continuer à faire évoluer génétiquement ce légume le plus produit et consommé sur tous les continents.

L’ÉVOLUTION DES VARIÉTÉS CULTIVÉES

La domestication des espèces sauvages s’est traduite par les sélections progressives de fruits plus gros et de couleurs variées. Ces choix ont aussi fixé le caractère d’autogamie, c’est-à-dire la capacité de la tomate à donner des plantes identiques, lors du passage aux générations suivantes. L’homme continue alors de sélectionner des mutations dans les cultures, apportant toujours plus de nouvelles formes et couleurs de fruits.

LES HYBRIDES F1

Ils apparaissent chez les semenciers pour répondre aux exigences de rendement et de qualité des fruits destinés à la commercialisation. Les producteurs veulent des fruits uniformes, lisses, pouvant résister au transport et à la conservation sur les points de vente. Le goût n’est plus la priorité. Ces modes de culture sont largement irrigués ; les critères de résistance à la sécheresse ne sont pas essentiels.

LES VARIÉTÉS DITES

« ANCIENNES »

Pour autant, les variétés dites « anciennes » font de la résistance grâce aux collectionneurs et on compte près de 4 000 variétés répertoriées, en Europe. Ces variétés ne sont pas nécessairement « anciennes » par leur âge de découverte, mais plutôt des cultivars fixés génétiquement qui se distinguent des hybrides F1 de première génération, non librement reproductibles.

FREEBREEDER

Il existe une règlementation très stricte sur la production et la commercialisation de semences, quelles qu’elles soient. Pour vendre des graines, il faut que les variétés dont elles sont issues soient inscrites dans un Catalogue officiel. Il peut s’agir de variétés anciennes comme d’hybrides récents protégés.

Dans le monde des tomates est né un mouvement de « freebreeder » aux États-Unis, grâce à un personnage nommé Tom Wagner. Cet agriculteur texan s’est passionné pour la sélection et l’hybridation de plantes, particulièrement les tomates et les pommes de terre. On lui doit la célèbre variété de tomate ‘Green Zebra’. Son travail, encore actuel, repose sur la sélection en fixant des variétés après des semis successifs. Il recherche des variétés résistantes, adaptées aux différents climats mais aussi riches en goût et valeurs nutritives.

LE GÈNE DE LA RÉSISTANCE À LA SÉCHERESSE

La recherche actuelle s’active autour de cette question d’adaptation végétale aux changements climatiques et de la réponse des plantes au stress hydrique. L’INRAE travaille sur les gènes d’une espèce de tomate sauvage : Solanum pennellii. Les variétés de tomates actuelles se sont développées sur les bases génétiques de Solanum lycopersicum. Il a été observé sur les feuilles de S. pennellii une teneur accrue en cire dans la cuticule, pour mieux résister à la sécheresse. Cette adaptation originelle est présente dans les gènes de cette espèce sauvage. Par des hybridations et des rétrocroisements successifs, les chercheurs tentent de fixer ce gène de résistance sur de nouvelles variétés de tomates.

UNE CROISSANCE DÉTERMINÉE OU INDÉTERMINÉE

Les différences de croissance impliquent des modes de culture différents et des fruits variés. Sans lien véritable avec la résistance à la sécheresse, plus une plante se développe, plus sa consommation en eau augmente.

À L’ORIGINE…

Sauvages, les tomates poussent très haut et peuvent atteindre 5 à 7 m. Elles sont d’ailleurs cultivées ainsi dans de grandes serres. Les tiges s’allongent en produisant 3 feuilles, puis un bouquet de fleurs, lui-même suivi de 3 feuilles et ainsi de suite. À l’aisselle des feuilles apparaissent de nouvelles pousses qui vont, elles aussi, s’allonger sur le même principe de feuilles et de fleurs se succédant. Ces tomates sont alors à croissance indéterminée.

AU GRÉ DES SÉLECTIONS

En 1914 est apparue spontanément une mutation au développement différent. L’extrémité des pousses produit plus de fleurs et moins de feuilles, avec un arrêt de la croissance. De nombreuses variétés à croissance déterminée, mais aussi semi-déterminée, sont nées. Sur ces variétés, les fleurs apparaissent dans un temps court et les fruits mûrissent en même temps. On retrouve dans ces variétés les tomates de grandes cultures pour les conserves et les sauces, qui sont récoltées de façon mécanique.

TOMATES KETCHUP

Il n’y a pas de variété portant ce nom de la célèbre sauce américaine, si ce n’est le cultivar ‘Heinz 1350’, célèbre pour son usage dans cette préparation. Les variétés à croissance déterminée ont permis une mécanisation de la culture de tomates. Avec des fruits pouvant mûrir presque tous en même temps, aucune taille des plantes n’est à faire. La production mondiale de ces tomates atteint presque les 100 millions de tonnes. Ces cultures sont toutes très irriguées pour assurer les rendements.

LA POLLINISATION ET LA FRUCTIFICATION

La tomate est autogame, elle s’autoféconde. Hermaphrodites, les fleurs portent un pistil entouré des étamines. Les stigmates ne dépassent pas à l’extérieur de la fleur et le pollen ne peut donc pas se transporter d’une fleur à l’autre. La pollinisation se fait par la simple chute du pollen sur le pistil. Il faut une intervention extérieure pour que le pollen tombe : ce peut être les secousses du vent ou le passage des bourdons. On comprend alors aisément qu’un tuteurage trop rigide sera défavorable.

DES CONDITIONS MÉTÉO PARTICULIÈRES

Un air trop humide sera nuisible à la pollinisation par effet de colmatage. Mais avec un air sec en dessous de 50 %, la germination du pollen est réduite. Il faut aussi des températures situées entre 15 et 25 °C pour obtenir une bonne nouaison et la formation des jeunes fruits. On voit bien l’effet du climat sur la fructification.

LES BOURDONS À LA RESCOUSSE

Ils ne transportent pas de pollen, mais en s’accrochant aux fleurs, ils déclenchent des vibrations qui entraînent la chute du pollen. Les fleurs ne restent ouvertes que 2 à 3 jours, et un seul passage de bourdon suffit pour qu’elles soient pollinisées. Les bourdons laissent une empreinte de morsure sur la fleur que l’on peut remarquer, ensuite, par une tache brune sur les pétales.

SOUS SERRE…

Dans les cultures professionnelles sous serre, des lâchers de bourdons d’élevage sont pratiqués pour favoriser la pollinisation des plantes. Dans un potager, il est important d’ouvrir les serres pour les laisser rentrer. Ils sont actifs avec des températures situées entre 8 et 28 °C. Les périodes caniculaires sont donc défavorables à la pollinisation.

FAIRE SES PROPRES GRAINES

C’est certainement un des légumes du potager dont la récolte de graines est la plus facile. Tout d’abord, il y a très peu de risques d’avoir des variétés qui s’hybrident entre elles, puisque le pollen n’est pas transporté d’une fleur à l’autre. Malgré tout, par précaution, il est préférable de garder une distance de 1 m entre deux variétés pour que les pousses ne se mélangent pas, au risque de voir, alors, les fleurs se côtoyer.

DES SEMENCES ADAPTÉES À SON TERRAIN

L’intérêt majeur n’est pas le côté économique de produire ses graines, mais bien d’avoir des semences génétiquement plus adaptées. Un végétal, quel qu’il soit, s’adapte à son milieu par la voie génétique. La tomate va transmettre à la génération suivante sa mémoire des conditions de vie. L’épigénétique est maintenant une science. Il n’y a pas de modifications génétiques en tant que telles. La plante mémorise des marqueurs d’informations pour que le fruit issu de la graine réagisse mieux en rencontrant de nouveau les mêmes défis. Ceux-ci pourront être le manque d’eau ou l’agression d’un insecte ou d’un champignon. La plante développe une réponse

LES VARIÉTÉS F1

La première tomate F1 apparaît en 1956 et les semenciers ont développé cette technique pour présenter de nouvelles variétés, en sélectionnant certains critères répondant aux besoins de la productivité et de la commercialisation. Ces variétés ne sont pas des OGM, il n’y a pas de manipulations génétiques, mais elles proviennent bien de graines issues d’hybridation. Ce terme signifie « première génération de semence ». Le principe étant, après des années de croisement, de trouver deux parents qui, en s’hybridant, donnent une variété de tomate au caractère recherché. Pour faire des semences, il faut systématiquement reproduire cette hybridation. Le semencier est propriétaire de sa variété F1 ; lui seul possède les parents et peut reproduire l’hybridation, d’où le coût de ces semences. Il peut être reproché à ces variétés leur manque de goût car, très souvent, d’autres caractéristiques ont été privilégiées. Ces tomates F1 produiront des graines, mais leur semis donnera une deuxième génération qui, alors, sera infidèle, avec des plants portant des tomates aux aspects divers. Il n’est donc pas « impossible » de garder leurs graines, mais il faut savoir que le résultat de leur culture sera très hasardeux.

physiologique à une situation de danger. Dans le cas du manque d’eau, ce sera un changement du système racinaire ou une modification des feuilles, réduisant leur taille.

Seules les variées anciennes ou dites « fixées » sont reproductibles par récolte de graines. Chaque année, les semis seront réalisés avec les graines récoltées l’année précédente. À moins d’être un collectionneur, il n’est pas utile d’avoir un trop grand nombre de variétés, mais plutôt de sélectionner celles correspondant le mieux à ses goûts et à l’adaptation à son milieu.

« Je récolte chaque année les graines de tomates, les résultats sur leur évolution d’adaptation se voient très vite et encouragent à faire ce travail facile et ludique. »

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.